INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances (PLF) place le budget de la défense dans la situation rarement observée d'un niveau de crédits supérieur aux prévisions de la loi de programmation militaire (LPM) 1 ( * ) , elle-même révisée « à la hausse », pourtant, par la loi d'actualisation du 28 juillet 2015 2 ( * ) . Avec une prévision de 32,687 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et hors pensions, soit 609 millions d'euros de plus que la dotation inscrite dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2016 3 ( * ) (+ 1,9 %) et 417 millions d'euros au-dessus de la prévision figurant dans la LPM actualisée en juillet 2015 (+ 1,3 %), le budget de la défense pour 2017 s'avère en quelque sorte « mieux que conforme » à la programmation.

Ce budget, pensions incluses (40,841 milliards d'euros), maintiendra l'effort national de défense à hauteur de 1,8 % du PIB . En particulier, l'agrégat « Équipement » doit s'élever, l'année prochaine, à 17,3 milliards d'euros, soit 300 millions d'euros de plus que la prévision pour 2016 (+ 1,7 %) et 52,9 % du total des CP, hors pensions, inscrits pour la défense dans le PLF.

Vos rapporteurs pour avis s'en réjouissent naturellement, même si cette heureuse inflexion au bénéfice de notre outil de défense n'est que la réponse qu'il fallait apporter à la dégradation du contexte sécuritaire et au niveau élevé des menaces. Comme le chef d'état-major des armées l'a souligné devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, aussi bien que devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale, le budget établi pour 2017 « donne les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de notre modèle d'armée. C'était indispensable 4 ( * ) . » Corollaire de la pérennisation de l'opération « Sentinelle » de protection du territoire national déployée depuis janvier 2015 et de l'intensification simultanée de l'effort militaire de notre pays dans la bande sahélo-saharienne et au Levant, l'impératif de renforcer les moyens de la défense française n'est plus à démonter.

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La loi susmentionnée du 28 juillet 2015 avait déjà accru les ressources financières de la défense (+ 3,8 milliards d'euros pour la période 2016-2019), et les avait grandement sécurisées en substituant des crédits budgétaires à l'essentiel des recettes exceptionnelles (REX) initialement programmées par la LPM en 2013. Pour faire face aux besoins commandés par l'évolution du contexte, l'actualisation législative de 2015 s'est trouvée révisée par l'Exécutif, sans recourir au législateur, en plusieurs étapes :


• À la suite des attentats du 13 novembre, devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre 2015, un nouvel ajustement des moyens de la défense a été annoncé par le Président de la République. La décision a alors été prise de stopper les diminutions d'effectifs jusqu'en 2019, avec l'objectif de renforcer les unités opérationnelles, la cyberdéfense et le renseignement.


• Lors de ses voeux aux armées prononcés le 14 janvier 2016, le Président de la République a annoncé des mesures tendant à améliorer la condition du personnel militaire. Il s'agissait notamment d'appliquer à ce dernier le protocole relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations des fonctionnaires (PPCR).


• Ces décisions ont été entérinées et précisées lors du conseil de défense du 6 avril 2016, à l'occasion duquel a été retenu un accroissement net des effectifs du ministère de la défense sur la période 2017-2019, à hauteur de 782 postes en équivalents temps plein (ETP), dont 400 ETP ouverts l'année prochaine.


• Enfin, en date du 18 octobre dernier, un rapport du Gouvernement « relatif à la programmation militaire pour les années 2017-2019 » , d'initiative propre, a fait connaître au Parlement l'impact de ces mesures nouvellement arrêtées sur la trajectoire financière et capacitaire de la programmation militaire en cours d'exécution.

Ce document présente l'évaluation des coûts induits, pour les trois dernières années couvertes par la LPM 2014-2019, par les décisions prises depuis l'actualisation législative de 2015. Cet impact, au total, se monte à près de 3 milliards d'euros (2,993 milliards) : 775 millions pour 2017, 996 millions pour 2018 et 1,2 milliard pour 2019. La dépense doit se concentrer pratiquement aux trois quarts (73 %) sur des mesures relatives aux ressources humaines : la hausse des effectifs représente un coût de 1,176 milliard d'euros sur 2017-2019 et l'amélioration des conditions du personnel entraînera une dépense de 1,005 milliard d'euros sur la même période ; contre 27 % pour ce qui concerne l'acquisition de nouveaux équipements et l'entretien programmé du matériel, auxquels sont associés 812 millions d'euros de dépenses nouvelles 5 ( * ) sur les trois ans.

Les modalités de financement ne sont toutefois précisées que pour l'année 2017 ; en ce qui concerne 2018 et 2019, il appartiendra aux projets de loi de finances correspondants de définir les ressources. Celles-ci, pour l'année prochaine, inscrites dans le présent PLF, doivent consister dans :

- une « rallonge » de 317 millions d'euros de crédits budgétaires,

- 100 millions d'euros de recettes de cessions immobilières additionnelles,

- et une économie globale de 358 millions d'euros à redéployer, dont 205 millions d'euros escomptés de nouveaux gains sur le coût des facteurs (prix du pétrole, prix de certains marchés de fourniture, cours de la monnaie).

Or, sur ces ressources, pèsent des risques tenant à la nature même des recettes de cessions immobilières (200 millions d'euros prévus, au total, en 2017) et des économies attendues sur le coût des facteurs (480 millions d'euros prévus, au total, pour l'an prochain), toujours susceptibles d'aléas. Ces risques maintiennent une incertitude sur la prévision inscrite dans le PLF, au-delà de celles que le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2016 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 18 novembre dernier a levées.

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En effet, le budget de la défense pour 2017 a partie liée avec les mesures de régulation de la fin de gestion de l'exercice 2016 , desquelles dépend, toutes choses égales par ailleurs, le montant du report de charges de la mission « Défense » qui sera effectué sur l'année prochaine. Ce report est fonction, en synthèse :

- d'une part, du niveau des dégels et rétablissements de crédits bloqués à un titre ou un autre, qui concernaient cette année, au total, 2,79 milliards d'euros pour l'ensemble de la mission (soit 8,5 % des crédits inscrits en LFI), dont près de 1,86 milliard d'euros sur le seul programme 146 « Équipement des forces » (soit 18 % des crédits prévus pour cette année). Encore 2 milliards d'euros se trouvaient bloqués au début du mois de novembre ;

- d'autre part, des modalités retenues pour le financement des surcoûts nets d'opérations extérieures et intérieures (OPEX et OPINT, principalement l'opération « Sentinelle » pour ce qui concerne cette seconde catégorie), soit en l'occurrence, au total, 831 millions d'euros : 686 millions pour les OPEX et 145 millions pour les OPINT ;

- enfin, des éventuels coûts nets induits par les dysfonctionnements du système de paye « Louvois », que doit supporter le ministère de la défense au titre du principe de son « auto-assurance » en la matière - mais il n'y aura pas de tels coûts cette année -, et de l'impact d'éventuels autres arbitrages interministériels requis pour l'achèvement de la gestion budgétaire en cours.

Sous les hypothèses les plus favorables (déblocage intégral des crédits gelés et conservation à la mission « Défense », en fin de gestion, de l'ensemble des crédits prévus en LFI 2016), le report de charges doit s'établir à 2,5 milliards d'euros. Tout dépassement de ce montant entraverait d'autant la mise en oeuvre des actions prévues pour l'année prochaine , singulièrement sur le programme 146, en risquant de conduire au décalage de certains programmes d'équipement.

Vos rapporteurs pour avis se félicitent donc que le PLFR, d'une part, prévoit de couvrir intégralement les surcoûts d'OPEX et d'OPINT par l'ouverture de 831 millions d'euros et, d'autre part, n'annonce aucune annulation de crédits pour la mission « Défense » . Celle-ci doit en effet, aujourd'hui, faire l'objet d'une sanctuarisation budgétaire, tant il est vrai que, pour reprendre les termes du chef d'état-major des armées, « le costume reste taillé au plus juste, au moment même où le contexte sécuritaire est profondément bouleversé et alors que les principales ruptures capacitaires acceptées lors de la construction de [la] LPM sont devant nous 6 ( * ) . »

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L'année 2017 devrait constituer une année de « revoyure » pour la programmation militaire. Ainsi, l'article 5 de la loi du 28 juillet 2015 prévoit qu'un rapport d'évaluation des dispositions de la LPM soit remis au Parlement, par le Gouvernement, le 31 mars en 2017 au plus tard, en vue expressément, le cas échéant, d'une nouvelle actualisation ; celle-ci est d'ailleurs envisagée dans le rapport précité du Gouvernement du 18 octobre dernier 7 ( * ) . Après ce document, le futur rapport sera l'occasion de faire à nouveau le point sur les besoins de nos forces, compte tenu de l'état du contexte sécuritaire et stratégique.

Sur l'année qui vient, en tout état de cause, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et vos rapporteurs en particulier, resteront mobilisés et maintiendront toute leur vigilance pour que soit donnés, à notre défense, les moyens qui lui sont nécessaires.

Ces moyens doivent permettre à la France de tendre au mieux vers le double objectif auxquels les 28 États membres de l'OTAN se sont engagés, en 2014, lors du sommet de Newport, d'un budget de la défense porté à hauteur de 2 % du PIB - objectif que le Sénat a inscrit, dès 2013, à l'article 6 de la LPM - et d'un niveau de dépenses d'équipements, recherche et développement compris, à hauteur de 20 % de ce budget. Tel, en effet, apparaît aujourd'hui le minimum d'effort financier requis pour assurer la sécurité et la défense de notre pays 8 ( * ) . Il doit permettre d'adapter les contrats opérationnels à la réalité des engagements de nos armées et de combler les lacunes capacitaires d'ores et déjà identifiées, sans négliger les investissements qu'appelle, notamment, la modernisation du dispositif de dissuasion nucléaire.

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Le présent rapport, après avoir détaillé les mesures d'actualisation des trajectoires financière et capacitaire arrêtées le 6 avril 2016 en conseil de défense ainsi que les enjeux ci-dessus exposés de la fin de la gestion 2016 pour le budget 2017 (chapitre 1 er ), s'attache à analyser les crédits du programme 146 « Équipement des forces » inscrits pour l'année prochaine dans le PLF (chapitre 2) et à faire le point sur l'avancement des différentes opérations d'armement en cours (chapitre 3).


* 1 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 2 Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 3 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 4 Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, auditionné par la commission de la défense de nos collègues députés le 12 octobre 2016. Le compte-rendu de son audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le 9 novembre 2016, figure en annexe du présent rapport.

* 5 Dont 73 millions d'euros afin de compléter la couverture en crédits de paiement des autorisations d'engagement déjà ouvertes en LFI 2016 par l'adoption d'un amendement du Gouvernement (abondement des crédits de la mission « Défense » inscrits dans le PLF 2016 à hauteur de 173 millions d'euros en AE et 100 millions d'euros en CP).

* 6 Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, le 9 novembre 2016, lors de son audition susmentionnée par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

* 7 On lit dans ce rapport relatif à la programmation militaire pour les années 2017-2019 que, si le niveau d'engagement des armées devait durablement excéder celui que prévoit la LPM actualisée en juillet 2015, « les effectifs des armées, notamment de la Force opérationnelle terrestre, devraient être revus à la hausse dans le cadre d'une nouvelle programmation, ainsi que les dépenses de fonctionnement et d'équipements associées à ces effectifs » .

* 8 Le Premier ministre, M. Manuel Valls, s'exprimant, le 6 septembre dernier, dans le cadre de la 14 e Université d'été de la défense qui s'est tenue à Paris, au sujet de l'objectif de 2 % du PIB pour le budget de la défense, a estimé que « seul un effort de cette nature peut nous permettre de consolider et de crédibiliser notre modèle complet d'armée », en précisant que « l'objectif des 2 % est atteignable, et il faut ce niveau, peut-être plus ».

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