B. LA SOUS-BUDGÉTISATION EMPÊCHE DE DÉVELOPPER UNE APPROCHE DE LONG TERME

1. La gestion en tension pénalise les opérateurs

La sous-budgétisation initiale du programme 177 ne permet pas aux services déconcentrés de l'Etat et aux acteurs associatifs gestionnaires de structures de disposer d'une visibilité suffisante sur l'exercice qu'ils abordent. Auditionné par votre rapporteur le 23 octobre, le directeur de la Drihl estimait à 100 millions d'euros l'écart entre les crédits qui lui avaient été notifiés à cette date (après prise en compte de la ventilation du décret d'avance du 3 octobre 2016) et le niveau final de consommation anticipé.

Cette gestion en tension ne permet pas de s'inscrire dans le long terme ni d'investir dans la rénovation ou l'amélioration des structures. Elle a également un impact sur les conditions dans lesquelles les travailleurs sociaux et les bénévoles exercent leur travail. Au cours de son audition, la directrice générale du Samu social de Paris a ainsi souligné la situation particulièrement difficile des écoutants du 115 qui doivent quotidiennement faire face à la pénurie de places d'hébergement alors que le nombre d'appelants continue d'augmenter. Cette tension s'observe également dans des départements ruraux. Ainsi, dans le département des Deux-Sèvres, qui compte un peu plus de 370 000 habitants, le nombre de demandes d'hébergement adressées au 115 sur la période hivernale (de novembre à mars) a progressé de 57 % entre l'exercice 2013-2014 et l'exercice 2014-2015, passant de 1 644 à 2 581.

Les acteurs institutionnels et associatifs auditionnés par votre rapporteur ont en outre souligné la nécessité d'une démarche d'amélioration qualitative de l'hébergement. En particulier, le Samu social de Paris a souligné l'importance de prendre en compte les spécificités propres aux personnes vieillissantes 14 ( * ) . Les conditions de vie à la rue accélèrent l'apparition des symptômes du vieillissement, rendant impossible la mise en oeuvre de dynamiques d'insertion professionnelle bien avant que les personnes concernées atteignent un âge leur permettant d'accéder aux dispositifs médico-sociaux dédiés aux personnes âgées.

Un exemple d'initiative associative : Hiver solidaire

Votre rapporteur a eu l'occasion de rencontrer les représentants du diocèse de Paris, venu présenter le programme « Hiver solidaire ». Ce dispositif, mis en place dans 25 paroisses parisiennes, consiste en l'accueil de nuit pendant les quatre mois d'hiver, de personnes défavorisées sans logement dans une logique d'échange fraternel avec des bénévoles qui se relaient pour assurer une présence chaque soir. Des travailleurs sociaux interviennent auprès des personnes accueillies afin de préparer un parcours de réinsertion sociale à l'issue de la période hivernale.

Si ce dispositif, qui n'est pas financé par les crédits du programme 177, ne permet de soulager que de manière très marginale (159 personnes accueillies en 2015-2016) les dispositifs publics, il constitue une preuve de la générosité et de la solidarité qui se manifeste chez nos concitoyens que votre rapporteur tient à saluer.

2. Les chantiers entamés doivent être poursuivis

Dans ce contexte de tension budgétaire, un certain nombre de chantiers engagés depuis plusieurs années et visant à améliorer la fluidité de la prise en charge doivent être menés à leur terme.

Le premier de ces chantiers est la mise en place, dans chaque département d'un service intégré d'accueil et orientation (SIAO) unique, prévue par l'article 30 de la loi du 24 mars 2014 15 ( * ) (loi « Alur »). Il s'agit d'une part de fusionner le SIAO « urgence », le SIAO « insertion » et le service téléphonique 115 là où des opérateurs distincts existaient et d'autre part de fusionner les différents services là où ces missions s'étaient historiquement développées selon une logique infra-départementale.

Ce processus d'intégration progresse mais un quart des départements n'ont pas encore mis en place de SIAO unique 16 ( * ) .

En outre, le développement d'un système d'information des SIAO (SI SIAO) est mené depuis 2010. Il s'agit d'une application informatique permettant, au niveau territorial, de recenser l'ensemble des demandes en matière d'hébergement et de logement adapté et de connaître en temps réel les places disponibles dans les différentes structures afin d'orienter les personnes qui saisissent le SIAO vers la solution la plus adaptée à leur situation. Selon les informations fournies à votre rapporteur par la DGCS, 49 départements utilisent à ce stade cet outil, dont le perfectionnement se poursuit. Le développement d'un module permettant d'intégrer les actions du service téléphonique 115 est notamment attendu.

Par ailleurs, les résultats de l'étude nationale des coûts (ENC) lancée afin de permettre une réelle convergence tarifaire entre les CHRS sont fortement attendus, compte tenu de l'absence de progrès observée en la matière depuis 2015 (indicateur 2.2 du projet annuel de performance).

Enfin, votre rapporteur soutient la mise en oeuvre, au niveau départemental, de diagnostics partagés dits « à 360° » permettant une meilleure connaissance, territoire par territoire, des besoins en matière d'hébergement et de logement. Si la généralisation de cette démarche dans l'ensemble des départements est en voie d'être achevée, il sera nécessaire, par la suite, de s'interroger sur la remontée et l'exploitation des informations contenues dans ces documents au niveau régional puis national.


* 14 16 % des personnes hébergées dans des centres d'hébergement d'urgence à Paris ont plus de 60 ans.

* 15 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 relative à l'accès au logement dans un urbanisme rénové.

* 16 Au cours de son audition, la DGCS a indiqué à votre rapporteur que les principales difficultés étaient rencontrées là où il est nécessaire de fusionner plusieurs SIAO organisés selon une logique infra-départementale.

Page mise à jour le

Partager cette page