EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 58 (art. L. 6500 du code général des collectivités territoriales) Fixation du montant de la dotation globale d'autonomie de la Polynésie française pour 2017

Objet : Cet article fixe à 90,6 millions d'euros le montant de la dotation globale d'autonomie (DGA) de la Polynésie française à compter de 2017.

I. Le dispositif proposé

Cet article propose de fixer le montant de la dotation globale d'autonomie (DGA) versée à la Polynésie française à 90 552 000 d'euros
à compter de 2017.

II. La position votre commission

Votre rapporteur relève que le dispositif proposé tend, d'une part, à relever le niveau du montant de la DGA versée à la Polynésie française à son niveau de 2011, après la baisse sensible constatée en 2015, et, d'autre part, à pérenniser ce montant à compter de 2017. Cette évolution correspond à l'engagement pris par le Président de la République le 22 févier dernier en Polynésie française.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

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Réunie le mercredi 23 novembre 2016, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Didier Robert sur le projet de loi de finances pour 2017 (mission « Outre-mer »).

M. Didier Robert , rapporteur pour avis . - Je dois d'abord vous dire en quelques mots ma satisfaction de voir la situation des outre-mer faire l'objet d'un plus grand intérêt depuis quelques années.

Plusieurs travaux d'étude, au Sénat comme ailleurs, ont en effet permis de mettre en lumière les difficultés spécifiques de ces territoires, dans les domaines qui intéressent particulièrement notre commission : je pense notamment au rapport de la Cour des comptes de 2014 sur la situation sanitaire des outre-mer, et aussi bien sûr au récent rapport de la délégation conduite par notre président sur les systèmes de soins réunionnais et mahorais.

Les textes législatifs témoignent également d'un certain changement de perspective : je vous rappelle les débats approfondis que nous avons eus lors de l'examen de la loi santé, qui a abouti à la mise en place d'une déclinaison ultramarine de la stratégie nationale de santé ; et très bientôt, c'est sur un texte entièrement dédié à la question ultramarine, le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer, que notre assemblée sera appelée à se pencher.

« L'égalité réelle outre-mer », voilà en effet tout un programme. Pour autant, les réponses ainsi apportées, à commencer par le budget que nous étudions ce matin, permettront-elles de remédier réellement aux difficultés rencontrées par les territoires ultramarins ? Il est malheureusement permis d'en douter.

La situation vous est connue, et je ne m'y attarderai pas ; permettez-moi cependant de vous rappeler, en quelques chiffres qui me paraissent particulièrement parlants, la réalité à laquelle sont encore confrontés les outre-mer. Les taux de chômage atteignent 25 % à La Réunion, 24 % en Guadeloupe et à Mayotte, 33 % à Saint Martin, et près du double de ces chiffres pour les jeunes. 70 000 logements sont considérés comme insalubres et indignes dans les cinq Dom ; à Mayotte, un logement sur trois ne dispose pas d'une prise d'eau. La Martinique compte 29 % d'allocataires du RSA, la Guadeloupe 31 % et La Réunion 33 % - contre 8 % dans l'hexagone.

Face à ce sombre constat -résumé à grands traits-, face à cette réalité, c'est avec surprise que je note la baisse, à périmètre constant, des crédits consacrés à la mission « Outre-mer » du budget de l'État.

Certes, en affichage, le projet annuel de performance (PAP) présente une légère hausse de l'effort budgétaire consacré aux territoires ultramarins -stabilisé au-dessus de 2 milliards d'euros depuis 2011-, avec une augmentation de 2,1 % en autorisations d'engagement (AE) et de 0,8 % en crédits de paiement (CP).

Les travaux de la commission des finances de notre assemblée ont cependant permis de mettre en évidence des transferts de crédits importants depuis la mission « Enseignement scolaire » et la mission « Travail et emploi ». Au total, c'est plutôt une baisse sensible des crédits qui est à enregistrer pour 2017, avec - 2,2 % en autorisations d'engagement et - 3,9 % en crédits de paiement.

En d'autres termes, au moment même où le Gouvernement affiche dans la loi l'objectif d'une « égalité réelle » dans les outre-mer, il « dé-sanctuarise », pour la première fois depuis 2012, les crédits qui leur sont consacrés ! Or, c'est bien de moyens que nos territoires ont besoin, plutôt que de déclarations de principe sans traduction concrète, ou de programmes législatifs sans portée réelle. C'est pourquoi nous devrons être particulièrement attentifs, lors de l'examen prochain par notre commission du projet de loi sur les outre-mer, à distinguer les dispositions porteuses de véritables évolutions pour les outre-mer de celles qui sont purement programmatiques ou d'affichage.

Je souligne, par ailleurs, que ce contexte de mobilisation apparemment forte affichée en faveur des outre-mer ne s'est pas traduit, loin s'en faut, par un zèle particulier dans les réponses aux questionnaires budgétaires envoyés par les rapporteurs du Sénat. Au 10 octobre, date limite de réponse fixée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), seulement 40 % des réponses demandées nous étaient parvenues. À cette date, je n'ai toujours pas reçu les réponses aux questions portant plus particulièrement sur le champ sanitaire. Je dois dire que la négligence dont fait preuve le Gouvernement cette année à l'égard de la représentation nationale me surprend, d'autant que ce n'était pas le cas au cours des années précédentes.

Dans le budget qui fait l'objet de nos travaux de ce jour, trois questions méritent, de mon point de vue, une présentation particulière.

Le premier sujet que je souhaite évoquer, ne serait-ce qu'en raison du montant très important des crédits associés (1 milliard d'euros, soit la moitié des crédits portés par la présente mission), est celui de l'action relative au « Soutien aux entreprises », qui recouvre la compensation par l'État des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion ainsi que de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Cette action enregistre une baisse très sensible de ses crédits, avec une diminution de plus de 6 % en AE comme en CP. Nous voyons là la traduction des « coups de rabot » successivement portés, au cours des dernières années, à la politique d'exonération de charges dans les outre-mer : recentrement sur les bas salaires dans le cadre du PLFSS en 2014, suppression de l'aide à la rénovation hôtelière en 2015 et, cette année, aménagement des exonérations bénéficiant aux indépendants par l'article 7 du PLFSS.

Il me semble particulièrement important de rappeler, dans le contexte politique particulier que nous connaissons cette année, le caractère primordial des dispositifs de défiscalisation et d'exonérations de charges pour la survie des entreprises ultramarines. Bien évidemment, je sais quels sont les impératifs du redressement budgétaire, et je connais comme vous les critiques adressées à la multiplication des niches sociales. Il me semble cependant que ces dispositifs, bien loin de constituer des largesses faites aux entreprises ultramarines, prennent au contraire tout leur sens lorsqu'il s'agit de compenser les désavantages compétitifs des économies d'outre-mer.

Ne l'oublions pas : la plupart d'entre elles s'insèrent dans un environnement régional bien en deçà des standards économiques hexagonaux, du point de vue économique et social. Le coût de la main d'oeuvre, ainsi que le niveau de la fiscalité des entreprises dans les pays de l'Océan Indien, du Pacifique ou des Caraïbes, sont évidemment bien plus avantageux que ceux de nos territoires.

De ce point de vue, la poursuite d'une politique visant à l'écrêtage progressif des exonérations bénéficiant aux entreprises ultramarines présente deux dangers majeurs. En premier lieu, une diminution progressive du différentiel de compétitivité entre l'hexagone et les outre-mer, qui aboutirait à vider le mécanisme de sa logique même. En second lieu, un effet de « trappe à bas salaires » résultant des recentrements sur les plus faibles niveaux de revenus -alors que tout devrait être fait, au contraire, pour encourager l'emploi qualifié dans les territoires ultramarins, et notamment celui des jeunes diplômés.

Le second sujet sur lequel je souhaite insister est celui du logement, dont la délégation de notre commission a pu constater toute l'importance lors de sa rencontre avec les services dédiés de l'ARS pour l'Océan Indien.

Là encore, j'observe ce qui me paraît être un effet d'affichage. Alors que les besoins demeurent immenses et que la lutte contre l'habitat indigne devrait constituer une priorité, et tandis que le Gouvernement a lancé en 2015 un plan logement pour les outre-mer très largement médiatisé, je ne peux que constater que les crédits dédiés à cette politique seront en baisse l'an prochain. La diminution est légère, certes (- 0,2 % en AE et - 0,8 % en CP), mais c'est un signal fort envoyé aux populations ultramarines : après une hausse marquée des crédits en 2013 et en 2014, puis une stagnation l'année dernière, c'est désormais une baisse de l'investissement en faveur du logement ultramarin qu'il nous est demandé d'approuver - alors même que les coûts de construction et du foncier connaissent, quant à eux, une augmentation bien réelle.

Cette baisse de crédits correspond d'ailleurs à une diminution constante du nombre de logements effectivement financés et produits depuis 2012. En 2012, 13 48 logements avaient ainsi été réalisés, contre 8 950 logements en 2015. Concernant le logement social en particulier, nous sommes passés sur la même période de 6 789 à  71 logements réalisés. Or, selon le ministère des outre-mer, il faudrait construire 2 50 logements chaque année pour répondre aux besoins... Vous constatez, comme moi, que l'écart est immense et que les actions entreprises ne permettent pas même de pallier l'urgence.

Selon les informations transmises par la DGOM, ce tassement s'expliquerait, en particulier, par des retards de livraison résultant d'appels d'offre infructueux et des aléas météorologiques. La priorité du Gouvernement continue pourtant de porter, pour 2017, sur un effort de construction du locatif social neuf : 6 141 logements locatifs sociaux et très sociaux devraient ainsi être mis en chantier.

Dans ce contexte, je continue de m'interroger sur la pertinence du choix consistant à faire porter la quasi-totalité de l'effort financier de la ligne budgétaire unique (LBU) sur la construction de logements neufs, qui se trouve bien souvent assujettie à des standards et des normes extrêmement coûteux, sans définir de véritable politique d'ampleur sur la réhabilitation de l'ancien.

Je souhaite enfin, cette année encore, attirer votre attention sur les crédits relatifs à la continuité territoriale. Cette politique, comme vous le savez tous, vise à compenser l'éloignement des outre-mer par rapport à l'hexagone en accordant des aides au transport ; elle constitue la traduction même du principe d'unité de la République. Elle est principalement portée par les crédits du fonds de continuité territoriale, qui recouvre plusieurs dispositifs : l'aide à la continuité territoriale (ACT), le passeport mobilité études (PME) et le passeport mobilité formation professionnelle (PMFP). Ces aides sont gérées par l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom).

Cette politique avait vu ses contours profondément redéfinis en 2015 par une réforme mise en oeuvre par voie réglementaire et sur laquelle le Sénat avait exprimé ses fortes inquiétudes, en commission puis en séance, par l'adoption d'un amendement visant à rétablir les crédits associés. Cet aménagement avait consacré, en lieu et place d'un droit annuel aux dispositifs de continuité, un droit quadriennal de recours au fonds de continuité territoriale.

Ce sont ainsi 20 % des crédits de l'action qui avaient été purement et simplement supprimés, et qui n'ont jamais été rétablis, alors même qu'ils ne suffisaient pas à répondre à l'ensemble des demandes. Pour 2017, j'observe qu'une nouvelle baisse de 2,3 % des crédits de paiement est prévue, alors même qu'un nouveau dispositif d'aide à la continuité funéraire a été mis en place l'an passé.

C'est que l'objectif du Gouvernement, qui était vraisemblablement de décourager les bénéficiaires de cette politique, s'est en effet réalisé et s'est en toute logique traduit par un véritable effondrement du recours à ces aides. Alors que près de 94 000 ultramarins avaient bénéficié en 2013 de l'aide à la continuité territoriale (ACT), ils n'étaient plus que 18 400 en 2015.

Contrairement aux annonces gouvernementales, on n'observe pas pour autant de report sur les dispositifs de formation en mobilité à destination des jeunes ultramarins : au contraire, avec 4 900 passeports mobilité formation professionnelle (PMFP) en 2015 contre 7 800 en 2012, et 11 000 passeports mobilité études (PME) en 2015 contre près de 15 400 en 2013, ces dispositifs connaissent également une désaffection marquée. Au total, la baisse du recours au fonds de continuité territoriale a été de près de 80 % en 2015, en nombre de bénéficiaires comme en volume de consommations.

Cette évolution, dont les chiffres corroborent malheureusement les mises en garde que j'avais formulées devant cette commission au cours des années précédentes, m'apparaît extrêmement préoccupante. C'est en effet le droit de chacun des Français à se déplacer le plus simplement possible sur le territoire national qui se trouve petit à petit démantelé - que ce soit dans le cadre de ses études, d'une formation professionnelle, à l'occasion du décès d'un proche, ou tout simplement pour garder le lien avec des membres d'une famille établis dans l'hexagone.

La charge de cette politique, pourtant compétence de l'État, se voit mécaniquement reportée sur les collectivités territoriales, dans le contexte pourtant déjà très contraint des finances locales. Il me semble que notre pays gagnerait à se doter, au cours des prochaines années, d'une politique de continuité territoriale digne de ce nom, à l'image de celle mise en oeuvre par d'autres pays européens, comme l'Espagne ou le Portugal, pour les territoires définis également comme régions ultra-périphériques (RUP).

Un mot rapide, enfin, sur deux sujets susceptibles d'intéresser notre commission.

En premier lieu, l'année 2017 devrait marquer -enfin- la réalisation de l'objectif « SMA 6000 » du service militaire adapté, annoncé de longue date par le Gouvernement et reporté d'année en année. Il faut bien entendu se satisfaire du bon fonctionnement de ce dispositif de formation à destination de jeunes souvent marginalisés, qui y trouvent la possibilité d'une véritable deuxième chance. Gardons-nous cependant d'y voir une possible solution à l'ensemble des problèmes de formation et de chômage rencontrés par les jeunes ultramarins : ces 6 000 places sont bien évidemment complétées par l'action nécessaire et résolue des collectivités ultramarines.

En second lieu, j'attire votre attention sur l'échec qu'a représenté la sous-utilisation du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) au cours du quinquennat. L'objectif annoncé par le Président de la République était de doter cet outil, créé par la Lodeom de 2009 et destiné à apporter une aide financière aux investissements structurants réalisés dans les outre-mer, de 500 millions d'euros sur la période 2012-2017. Les documents budgétaires font clairement apparaître que cet objectif ne sera pas même à moitié atteint : en 2017, le fonds n'aura ainsi cumulé que 214 millions d'euros en crédits de paiement. En dépit du caractère intéressant de ce fonds, c'est ici encore un bien mauvais signal envoyé aux populations ultramarines en matière d'investissement dans ces territoires, pour des équipements qui leur font pourtant cruellement défaut.

Tels sont, monsieur le président, mes chers collègues, les principaux éléments que je souhaitais porter à votre connaissance au sujet de la mission « Outre-mer ». Vous le constatez, mes réserves sont encore une fois nombreuses, et je déplore de devoir m'exprimer année après année sur le manque d'ambition de ce budget - qui me paraît constituer un outil d'affichage politique plus qu'un outil de développement et de promotion de l'égalité des chances au service des populations ultramarines.

Je vous propose donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », ainsi qu'à l'article 58 rattaché, relatif au montant de la dotation globale d'autonomie de la Polynésie française pour 2017.

M. Jean Desessard. - Je n'entrerai pas dans le vain débat consistant à identifier quels sont les postes budgétaires à augmenter, et lesquels devraient être corrélativement diminués. Il me semble cependant que, sur la question de la baisse des crédits relatifs au logement, votre rapport est quelque peu tendancieux. Vous laissez entendre qu'il s'agit d'une politique délibérée, alors que le Gouvernement se borne à tirer les conséquences de leur sous-utilisation constatée au cours des dernières années. En Ile-de-France par exemple, et comme sans doute ailleurs, il est parfois difficile de monter des projets du fait de la difficulté à trouver des terrains.

M. Michel Vergoz . - Je me félicite tout d'abord de constater que nous examinons cette année le budget de l'outre-mer un mercredi matin, ce qui favorise la plus grande présence des membres de la commission. C'est pour moi un symbole important.

Hubert Beuve-Méry avait eu cette phrase inspirante : « Les opinions sont libres, mais les faits sont sacrés ». Revenons-en donc aux faits, et en premier lieu à celui-ci : sur les cinq années du quinquennat, la mission « Outre-mer » n'a connu aucune baisse de ses crédits. Entre 2004 et 2012, ils avaient en revanche diminué de 39 %, à périmètre constant.

S'agissant de la défiscalisation, nous avons eu bien des débats houleux sur ce thème au sein de notre commission. Et je vous rappelle que les premiers à vouloir faire tomber ces dispositifs étaient ceux-là même qui aujourd'hui s'érigent en « amontreurs », comme l'on dit en créole, c'est-à-dire en donneurs de leçons ou en ouvreurs de chemin... Permettez-moi de souligner tout le paradoxe de cette situation. Il me semble que les réformes engagées en 2013 et en 2014 ont permis de redonner de la responsabilité, et donc de la crédibilité, à la défiscalisation.

Sur la question du logement, compte tenu de l'immensité des besoins, les crédits budgétaires ne seront de toute façon jamais suffisants pour remédier à la situation. Votre formation politique, monsieur le rapporteur, pourrait être aux affaires demain : sans doute constaterons-nous alors que la situation s'améliorera.... En tout état de cause, il me semble indispensable de conserver la ligne budgétaire unique (LBU) comme pierre angulaire de la politique du logement, par préférence aux mécanismes de défiscalisation.

Sur la continuité territoriale enfin, soyons sérieux : cette politique n'a jamais véritablement existé, et n'existera jamais. Il suffit pour s'en convaincre de se référer aux montants dévolus à ce titre à la seule Corse : plus de 200 millions d'euros, contre 33 millions pour l'ensemble des outre-mer ! Aucun gouvernement, quelle que sont son obédience politique, ne pourra jamais relever le défi d'offrir la même chose à tous les ultramarins. En somme, la notion de continuité territoriale est un détournement du sens des mots : il faudrait plutôt parler d'une aide au voyage.

Mme Catherine Procaccia . - Disposez-vous de données chiffrées qui permettraient de comparer le coût des surrémunérations, qui reviennent à surrémunérer des emplois qualifiés venus de métropole, avec le montant des rabots successifs sur les exonérations de charges sociales consenties aux entreprises ultramarines, qui portent notamment sur un emploi qualifié qu'il n'y aurait pas besoin de surpayer ? Je souligne par ailleurs que la défiscalisation est parfois rendue nécessaire par les normes absurdes imposées aux entreprises d'outre-mer, qui doivent souvent faire venir des produits ou des pièces détachées de métropole pour y satisfaire, quand elles pourraient s'approvisionner pour bien moins cher dans leur environnement régional.

M. Didier Robert , rapporteur pour avis . - Sur la question du logement, il me semble que la question de fond est celle de la répartition des priorités entre la construction neuve et la réhabilitation de l'ancien. Le poids des normes pesant sur le neuf, qui le rend souvent extrêmement coûteux, est un élément important de ce débat. Cela pose aussi des questions de cohésion sociale : dans un même bloc de bâtiments, certains peuvent habiter des appartements avec des pièces à vivre gigantesques, ainsi construites en raison des normes d'accessibilité notamment, tandis que d'autres continuent d'occuper un logement vétuste pour lequel rien n'est fait.

Sur le constat fait de la difficulté à monter des projets, qui justifierait selon vous la baisse de crédits, il me semble que l'on a surtout affaire à un mauvais calibrage de ces projets et à un manque d'anticipation de la part des pouvoirs publics. La question du foncier est en effet un problème, je suis d'accord avec vous sur ce point ; je souligne d'ailleurs que ce sont les collectivités locales qui en ont la charge, au travers du fonds régional d'aménagement foncier et urbain (Frafu), de même que celle de la garantie d'emprunt. Mais cela signifie surtout qu'elle devrait être prise en compte dès le départ, dans la détermination de l'enveloppe budgétaire globale ! Le choix de faire porter une large partie de la défiscalisation sur le logement social me semble également problématique, dans la mesure où le logement intermédiaire devrait également être encouragé. Il y a donc en effet des raisons objectives qui expliquent la sous-consommation récurrente des crédits dédiés au logement ; mais il suffirait, pour y remédier, que l'enveloppe initiale recouvre des projets correspondant effectivement aux besoins de chaque territoire.

S'agissant de la défiscalisation, les coups de rabot portés à divers dispositifs, année après année, me font craindre une forme de détricotage global de ces mécanismes. À La Réunion, nous avons perdu pas moins de 10 projets hôteliers en cinq ans en raison de la complexité de la procédure d'examen des dossiers de défiscalisation.

Sur la continuité territoriale, l'objectif n'est pas de tendre vers le modèle corse, mais simplement de faire en sorte que des populations situées à 10 000 kilomètres ou plus de l'hexagone puissent être pleinement inscrites dans le territoire national en se déplaçant le plus simplement possible.

Ce qui avait été mis en place, depuis 2003, en partenariat entre l'État et les collectivités, m'apparaissait comme une réponse suffisante à la nécessité de tisser un lien entre la métropole et les populations ultramarines. Point n'est besoin de déployer des moyens budgétaires démesurés pour ce faire ; simplement, ce qui peut être fait dans ce cadre, faisons-le effectivement. Or, la décision prise par la ministre de l'outre-mer en 2014 revient à supprimer la participation de l'État à cette politique, pourtant compétence de l'État, et à laisser les collectivités locales en assumer seules la charge ; cela m'apparaît parfaitement scandaleux.

Enfin, sur les surrémunérations, je ne dispose pas de données chiffrées de comparaison avec les dispositifs d'exonération de charges sociales. Je souligne toutefois qu'il s'agit d'un sujet très sensible, et je ne suis pas certain que leur suppression sèche et immédiate permette de répondre aux difficultés de l'emploi dans les territoires ultramarins. Le débat devra cependant être engagé, et aboutir probablement à une remise en question progressive, en biseau, de ces dispositifs. Je crois en revanche indispensable d'orienter les divers dispositifs de lutte pour l'emploi vers les entreprises davantage que vers le seul secteur public.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2017.

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