Avis n° 144 (2016-2017) de M. David ASSOULINE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 24 novembre 2016

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N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

Fascicule 2

CULTURE :
CRÉATION, CINÉMA

Par M. David ASSOULINE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Votre rapporteur pour avis s'attachera à étudier successivement deux politiques publiques majeures du secteur de la culture :

-   tout d'abord, le soutien à la création , dont les crédits, réunis au sein du programme 131, visent à encourager la création, à soutenir les artistes, les équipes artistiques et la structuration des professions artistiques et à favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. Avec un total de près de 796 millions d'euros en autorisations d'engagement et de plus de 777 millions d'euros en crédits de paiement, ce programme représente environ 26 % des crédits de la mission « Culture ». Ses crédits connaissent une progression marquée, de l'ordre de 8 % en autorisations d'engagement et de 4 % en crédits de paiement ;

-   ensuite, le soutien public au cinéma , qui regroupe principalement les taxes affectés au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) pour soutenir l'industrie cinématographique. Après une année 2016 marquée par une réforme ambitieuse des dispositifs fiscaux de crédit d'impôt destinée à lutter efficacement contre la concurrence étrangère en matière de localisation des tournages, 2017 verra se maintenir à un niveau soutenu le soutien public en faveur du cinéma. Avec un montant total de crédits de 707 millions d'euros, en augmentation de près de 5 % par rapport à 2016 , dont 671,1 millions d'euros (+ 0,7 %) issus des différentes taxes dont bénéficie le CNC, les actions en faveur de la production, de la diffusion et de l'exportation des films français seront poursuivies et, pour certaines, renforcées.

LA CRÉATION

PREMIÈRE PARTIE - LE PROGRAMME 131 « CRÉATION »

I. BUDGET REVALORISÉ ET CADRE LÉGISLATIF MODERNISÉ : UNE BONNE CONJUGAISON

A. ENFIN !

1. Un budget engagé

Après une première revalorisation l'an dernier, les crédits du programme 131 « création » enregistrent une hausse plus marquée encore que celle qui avait été proposée en 2016. Ils augmentent de près de 8 % en autorisations d'engagement (AE) et de 4 % en crédits de paiement (CP) pour s'établir à 795,5 millions d'euros en AE et 777,2 millions d'euros CP.

Malgré les baisses de crédits enregistrées en 2013 et 2014, les hausses de 2016 et de 2017 auront finalement permis de renouer avec les niveaux de 2012 et dépassent largement ceux de 2011, pour lesquels la comparaison apparaît d'autant plus significative qu'aucun CP n'était inscrit cette année-là pour les travaux d'investissement de la Philharmonie de Paris, tandis que 45 millions d'euros des crédits de paiement y étaient destinés sur le budget pour 2012. Les chiffres font apparaître que les crédits consacrés à la création ont augmenté de 4,7 % en 2012 et 2017, hors investissements dans la Philharmonie .

Les crédits du programme 131 en 2011, 2012 et 2017

(en euros)

LFI 2011

LFI 2012

PLF 2017

Autorisations d'engagement

action 1 Spectacle vivant

682 030 001

665 233 001

705 207 524

action 2 Arts plastiques

71 089 597

70 431 585

90 448 440

Total

753 119 598

735 664 586

795 655 964

Crédits de paiement

action 1 Spectacle vivant

663 930 001

718 893 001

700 192 830

action 2 Arts plastiques

72 877 905

69 001 585

77 096 541

Total

736 807 906

787 894 586

777 289 371

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication d'après les annexes aux lois de finances initiales pour 2011 et 2012 et le projet annuel de performances pour 2017

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce budget, qui traduit clairement l'engagement du Gouvernement en faveur de la création et de leurs artisans, les créateurs , acteurs indispensables de notre identité et cohésion nationales. Il ne pouvait en être autrement après une année marquée par le vote de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, qui a affirmé vigoureusement les principes de la liberté de création et de la liberté de diffusion artistique, deux biens communs de notre modèle culturel, et posé les bases d'un pacte culturel modernisé. Il n'en demeure pas moins que ce budget revalorisé était absolument nécessaire pour préserver la place de la culture , sujette ces dernières années à de nombreuses attaques, frontales comme insidieuses, et garantir qu'elle demeure, selon les mots de la ministre de la culture et de la communication, Audrey Azoulay, « un fondement du pacte républicain ». À l'heure où les incertitudes sont toujours plus fortes, le ministère de la culture et de la communication voulait un budget tourné vers l'avenir : il l'est résolument.

Le tableau ci-dessous présente l'évolution entre 2016 et 2017 des crédits consacrés au programme, ainsi qu'à chacune des deux actions :

Votre rapporteur pour avis note que les représentants du secteur qu'il a rencontrés ont systématiquement dénoncé un manque de lisibilité des documents budgétaires . Si le projet annuel de performances met bien en évidence les crédits qui correspondent à des mesures nouvelles, il ne permet pas aux établissements de connaître précisément les crédits qui leur seront alloués et les critères qui fondent la répartition de chacune des enveloppes. Nombreux sont ceux qui ont exprimé la crainte que l'augmentation des crédits ne profite qu'à un faible nombre de structures ou au développement de structures nouvelles ou de projets précis, sans rejaillir sur l'ensemble des acteurs du secteur.

Tout en comprenant que les informations contenues dans les documents budgétaires, par nature agrégées, ne permettent pas toujours aux structures de lever les incertitudes quant au niveau exact des financements pour l'année à venir, votre rapporteur relève que, pour un certain nombre de dépenses d'intervention, sont précisés les montants plancher et plafond de la subvention , apportant ainsi une garantie d'un certain niveau de financement. Il ajoute, par ailleurs, que la mise à disposition des crédits doit laisser une marge de manoeuvre aux choix politiques, comme à la gestion des imprévus qu'un projet de budget est bien évidemment incapable de prendre en compte.

2. Un budget attendu

Ces nouvelles hausses de crédit étaient particulièrement attendues par le secteur de la création, après le repli de l'État constaté en 2013 et 2014 et dans un contexte marqué par un mouvement global de désengagement des collectivités territoriales en faveur de la culture. Comme votre rapporteur pour avis l'a constaté, la tendance à la baisse des financements croisés est un sujet majeur de préoccupation pour les professionnels des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques.

Une enquête réalisée par le Syndicat des entreprises culturelles et artistiques subventionnées (SYNDEAC) auprès de 331 structures, parue en juin dernier, fait apparaître un recul du soutien des collectivités territoriales que ne permettrait pas de compenser la stabilité des financements de l'État, et qui conduirait à enregistrer, pour la première fois en 2016, une baisse globale des aides publiques . La baisse continue des dotations de l'État n'est évidemment pas étrangère à cette nouvelle donne. Mais, la mise en oeuvre progressive de la réforme territoriale exacerbe également les inquiétudes, avec de nombreuses interrogations formulées par les personnes que votre rapporteur pour avis a auditionnées autour de la capacité des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) dans les régions fusionnées à faire correctement face à leurs charges dans les premières années, ce qui aurait un impact sur la distribution des crédits déconcentrés, qui fondent la majeure partie des crédits d'intervention prévue au titre du programme 131.

Évolution des financements publics entre 2013 et 2016

(Base 100 en 2013)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après l'enquête réalisée par le SYNDEAC

D'après l'enquête, le repli serait particulièrement marqué du côté des départements (- 3 % après une première baisse de -1 % en 2015), beaucoup ayant fait le choix de se concentrer sur leurs compétences obligatoires en matière sociale, quitte pour certains d'entre eux à abandonner toute politique de soutien à la culture. Le désengagement des départements se traduirait par une baisse du nombre de structures aidées, alors que le montant des subventions octroyées se maintiendrait.

Le repli serait également perceptible au niveau des régions (- 0,6 %), dans un contexte marqué par la mise en oeuvre de la réforme territoriale, et en particulier la fusion de certaines régions. Il se traduirait par une stabilité du nombre de structures aidées, mais par une baisse du montant de la subvention allouée à chaque bénéficiaire.

Le financement des villes et des intercommunalités, qui constituent les principaux financeurs avec une prise en charge moyenne de 41 % du montant des subventions, demeurerait stable. Mais une analyse plus fine révèlerait de fortes disparités, avec des coupes brutales décidées par certaines villes cette année, à l'image de la baisse de 6 %de la subvention accordée à la maison de la culture de Grenoble par la ville, qui ont conduit à la fermeture de plusieurs structures, dont la fermeture du centre d'art conventionné Le Quartier à Quimper cet été n'est qu'un exemple.

Origine des subventions publiques allouées en 2016

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après l'enquête réalisée par le SYNDEAC

Cette évolution fait craindre, à terme, une recentralisation des moyens de la culture autour des métropoles et l'apparition de nouvelles zones blanches de la culture . Jusqu'à présent, les compagnies et ensembles indépendants en seraient les premières victimes, les crédits publics s'orientant d'abord vers les théâtres et les scènes labellisés. Quand on sait que les collectivités territoriales ont contribué, à hauteur de 1,12 milliard d'euros, au fonctionnement des labels et réseaux, des équipes artistiques et des festivals dédiés au spectacle vivant en 2014, représentant alors 74 % des financements publics (dont 35 % pour les villes, 16 % pour les intercommunalités, 14 % pour les régions et 9 % pour les départements), on comprend l'inquiétude des professionnels.

Dans ce contexte, la décision de l'État d'augmenter l'enveloppe qu'il consacre à la création et de diriger prioritairement son action vers la création indépendante et les territoires les plus éloignées de la culture constitue une réponse appropriée pour tenter d'enrayer, tant qu'il en est encore temps, une évolution inquiétante mais encore naissante.

La poursuite de la labellisation et de la contractualisation est essentielle pour assurer la pérennité des financements . À cet égard, votre rapporteur pour avis souligne l'urgence de conclure, dans les tous prochains mois, des contrats de développement culturel dans le contexte des nouvelles régions pour obtenir des engagements sur la poursuite des politiques culturelles et de leur financement. Un effort particulier devra être consenti pour développer l'élaboration des schémas d'orientation et de développement, qu'il s'agisse des schémas d'orientation des lieux de musiques actuelles (SOLIMA) ou des schémas d'orientation et de développement pour les arts visuels (SODAVI). Ceux-ci constituent de précieux outils de co-construction favorables au financement de la création, sans négliger l'appui direct aux associations d'artistes et de créateurs, qui jouent un rôle important pour préserver le maillage territorial et devraient être mieux associés à l'élaboration des politiques culturelles locales.

B. DES PRIORITÉS BUDGÉTAIRES QUI S'INSCRIVENT DANS LA DROITE LIGNE DE LA « LOI CRÉATION » ET DES AVANCÉES ENREGISTRÉES SUR LE FRONT DE L'EMPLOI

Le projet annuel de performances pour 2017 identifie trois axes stratégiques en direction desquelles devraient se diriger les crédits : la requalification et la consolidation des modes d'intervention en faveur de la création artistique ; le renforcement de la création indépendante, de la diffusion des oeuvres dans les territoires délaissées et des actions en faveur des jeunes publics ; et l'accompagnement de la structuration des professions et de la pérennisation de l'emploi.

1. Une réflexion sur les modes d'intervention en faveur de la création artistique

La première priorité évoquée dans le projet annuel de performances est la requalification et la consolidation des modes d'intervention en faveur de la création artistique.

En effet, la loi du 7 juillet 2016 précitée a formalisé le cadre applicable à la politique de labels et de conventionnement, qui permet à l'État, le cas échéant en partenariat avec les collectivités territoriales, de soutenir les structures du spectacle vivant et des arts plastiques. La possibilité, pour le ministre chargé de la culture, d' attribuer des labels aux institutions de référence nationale ou de conventionner des structures dans les territoires, comme le nécessaire agrément des dirigeants des structures labellisées , sont désormais inscrits dans la loi. Le label ne peut être attribué que si l'établissement « présente un intérêt général pour la création artistique » afin de garantir qu'il ait un rôle structurant au service des artistes, de la diversité artistique, de la démocratisation culturelle, de l'égalité territoriale et de la professionnalisation des artistes et des auteurs.

Le Gouvernement doit donc désormais adopter les textes de nature réglementaire pour préciser les principes applicables pour l'attribution, la suspension ou le retrait des labels, mais surtout pour établir la liste des labels de la création artistique et fixer, pour chacun d'entre eux, le contenu des cahiers des missions et des charges.

À l'heure où les inquiétudes d'un repli généralisé des collectivités territoriales en matière culturelle grandissent, votre rapporteur pour avis ne saurait que trop insister sur le nécessaire développement de la politique de labellisation. L'attribution de labels, qui s'appuie sur la concertation et la contractualisation de l'ensemble des partenaires publics financeurs, peut jouer un rôle significatif pour sécuriser les financements .

Annoncé depuis plusieurs années, l'observatoire de la création artistique devrait enfin voir le jour dans le courant de l'année 2017. Plus rien ne s'oppose désormais à sa mise en place : l'article 48 de la loi du 7 juillet 2016 est venue créer la base juridique qui manquait pour garantir son fonctionnement efficace, en mettant en place un dispositif de remontée obligatoire des données de billetterie du spectacle vivant. Placé directement auprès du ministre chargé de la culture, le futur observatoire devrait être investi d'une mission de recueil, de centralisation et d'analyse des données statistiques, sociologiques, économiques et sociales transmises par l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics et privés du spectacle vivant et des arts plastiques. Il pourrait également contribuer à coordonner l'ensemble des acteurs, en réunissant autour d'une même table des représentants de l'État, des collectivités territoriales et des professionnels des secteurs concernés.

Votre rapporteur pour avis rappelle combien l'installation d'un tel organe lui paraît bienvenue pour améliorer l'évaluation des politiques culturelles et pour mieux connaître la diffusion et la fréquentation des spectacles sur notre territoire. Il lui paraîtrait à cet égard utile de réfléchir à la possibilité de partager les informations relatives aux billetteries avec les établissements publics du ministère chargé de la culture, les auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD), dans un objectif de transparence sur les prix. Le groupe socialiste du Sénat avait fait adopter un amendement à cet effet par la Chambre Haute lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Mais, il avait été rejeté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture à la demande du Gouvernement, qui estimait que ces dispositions relatives au partage d'informations n'entraient pas dans le cadre d'un article destiné à créer une base légale pour permettre la mise en place de l'observatoire de la création artistique.

Au demeurant, votre rapporteur pour avis estime que le problème posé par les frais de réservation et d'intermédiation , ainsi que les éventuelles rétro-commissions, qui s'imputent sur le prix des places au détriment tant des spectateurs que des auteurs appelle une réflexion approfondie , dans un contexte où le développement des billetteries en ligne va toujours croissant et se concentre entre les mains d'un petit nombre d'acteurs. Il note qu'Audrey Azoulay a confirmé, lors de son audition devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, qu'il s'agissait d'un réel sujet de préoccupation, dont les directions générales de la création artistique et des médias, livres et industries culturelles vont se saisir. Elle a estimé que l'expérience du cinéma pourrait servir de base de réflexion.

2. Des priorités d'intervention : la création indépendante, les zones blanches de la culture et la jeunesse

Le deuxième axe stratégique, c'est le renforcement de la création indépendante, de la diffusion des oeuvres dans les territoires délaissés et des actions en faveur des jeunes publics . Il concerne, cette fois-ci, non pas les modes d'intervention, mais les motifs d'intervention . Le budget présenté par le Gouvernement pour 2016 identifiait déjà ces priorités, mais les moyens qui leur sont alloués devraient être décuplés. Votre rapporteur pour avis estime que ces trois priorités sont parfaitement cohérentes avec le premier objectif que la loi du 7 juillet 2016 précitée a assigné aux politiques publiques en faveur de la création artistique, à savoir « soutenir l'existence et le développement de la création artistique sur l'ensemble du territoire , en particulier la création d'oeuvres d'expression originale française et la programmation d'oeuvres d'auteurs vivants, et encourager l'émergence, le développement et le renouvellement des talents et de leurs modes d'expression ».

Le projet annuel de performances évoque plusieurs mesures pour accentuer le soutien à la création indépendante , parmi lesquelles la rénovation des labels et réseaux devenus obsolètes ou l'octroi de nouveaux moyens aux disciplines les plus fragiles que sont le cirque, les arts de la rue, et le théâtre de marionnettes . Lors de son audition devant votre commission, la ministre chargée de la culture a d'ailleurs annoncé la création d'un label spécifique aux théâtres de marionnettes. Dans le domaine des arts plastiques, sont notamment cités la relance de la commande publique et la mise en valeur de la scène française.

Pour améliorer la diffusion des oeuvres et la présence des artistes dans les zones les plus éloignées de l'offre culturelle , le ministère indique son choix de soutenir en particulier les « ateliers de fabrique artistique », qui permettent de conforter et développer la présence artistique dans les territoires ruraux et pour lesquels une première enveloppe avait déjà été dégagée en 2016. Le développement des résidences d'artistes devrait également faire l'objet d'un soutien accru, de même que les scènes de musiques actuelles (SMAC) qui sont situées en milieu rural. Le projet Médicis Clichy-Montfermeil, qui se veut un laboratoire pour la culture de demain, ouvert sur le territoire et les pratiques artistiques contemporaines, sera poursuivi, avec la destruction de la tour Utrillo prévue en 2017, et la mise en place des premiers rendez-vous artistiques et culturels, avant l'ouverture du lieu éphémère.

Un cadre modernisé pour les résidences d'artistes

Le développement des résidences d'artistes fait aujourd'hui figure de priorité. Le ministère de la culture et de la communication y voit un outil d'aide à la création et à l'insertion professionnelle, comme un instrument de la politique d'aménagement du territoire et de rééquilibrage territorial dans l'accès à la culture.

Une circulaire relative au soutien d'artistes et d'équipes artistiques dans le cadre de résidences a été publiée le 8 juin 2016 afin d'encourager le développement des dispositifs d'accueil et d'accompagnement d'artistes.

Cette circulaire décrit les résidences comme un « moyen de renforcer la création artistique dans sa diversité, mais aussi l'accès de tous aux oeuvres, y compris dans les territoires qui sont éloignés des lieux de culture ».

Elle précise que les résidences d'artistes doivent répondre à plusieurs objectifs de politique culturelle : la pluridisciplinarité ; l'insertion professionnelle des artistes ; l'accompagnement de l'émergence ; la parité, la diversité et le renouvellement des générations ; l'égalité d'accès à la culture et la diffusion territoriale.

À cette fin, elle met en avant quatre types de résidences :

- la résidence de création, de recherche ou d'expérimentation , qui permet à un artiste, un groupe d'artistes, une compagnie ou un ensemble de disposer des moyens techniques et financiers pour concevoir, écrire, produire une étape ou achever une oeuvre nouvelle ou pour préparer ou conduire un travail original et y associer le public sous une forme qui n'est pas forcément celle d'un spectacle abouti ;

- la résidence tremplin , qui vise à accompagner professionnellement et administrativement les artistes dont le travail est encore peu repéré ou diffusé , notamment ceux qui se situent en début de parcours ;

- la résidence « artiste en territoire » , qui vise à promouvoir le développement culturel d'un territoire en mettant en relation la population et les différents acteurs de ce territoire avec le travail et l'esthétique de l'artiste, de la compagnie ou de l'ensemble ;

- la résidence d'artiste associé , qui permet l'installation dans la durée d'un artiste, d'une compagnie ou d'un ensemble dans un établissement culturel s'engageant à mettre les moyens nécessaires à la production, à la diffusion et aux actions d'éducation artistique et de démocratisation culturelle en direction des publics, y compris les plus jeunes. Son objectif est de renforcer la présence durable et la participation des artistes au projet culturel de ces structures .

Parallèlement, l'Union des syndicats et organisations professionnelles des arts visuels (USOPAV), la Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP) et la Fédération des professionnels de l'art contemporain (CIPAC) ont conçu un contrat-type à destination des artistes pour soutenir la conclusion de contrats de résidence, qui constituent souvent des éléments clés dans la carrière d'un artiste, tout en évitant les abus régulièrement constatés (absence de rémunération des artistes invités, déséquilibre entre le temps de travail et le temps de médiation, déni de certains droits attachés à l'auteur, tel que le droit de représentation et de reproduction).

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Les efforts supplémentaires en faveur de la jeunesse devraient s'orienter vers le renouvellement de l'opération « Génération Belle Saison » , mise en place en 2016 et dont les prémices datent de l'opération « la Belle Saison avec l'enfance et la jeunesse » initiée à l'été 2014. Une enveloppe de 400 000 euros est prévue à cet effet. Ce dispositif, qui doit garantir l'accès des jeunes à une offre de qualité pour les arts vivant sur l'ensemble du territoire et dans tous les lieux de culture, se décline en vingt-trois mesures parmi lesquelles les plus emblématiques visent à créer un domaine de production dédié aux arts vivants pour la jeunesse, à promouvoir et diffuser dans les établissements publics les créations pour le jeune public, à mettre en place une formation spécifique pour l'accompagnement artistique des enfants et des jeunes ou à pérenniser les plateformes professionnelles dans les territoires.

D'autres actions devraient porter sur le conventionnement de scènes « art, enfance et jeunesse » et un soutien renforcé aux festivals de danse orientés vers les jeunes publics, dans le cadre de la réflexion sur les soutiens aux festivals octroyés par le ministère. L'État devrait également poursuivre son accompagnement en direction des cultures urbaines, avec le renouvellement de son soutien à certains événements fédérateurs, tels les projets « Street Art » et les « Rendez-vous Hip Hop ».

Votre rapporteur pour avis est sensible au choix du Gouvernement de ne pas relâcher son action en direction des jeunes . À l'heure où les tensions sociales sont attisées, il est bon qu'une partie des actions conduites par le ministère chargé de la culture soient menées en direction de ce public spécifique. La contribution de la culture à la transmission des valeurs républicaines et à la cohésion sociale est décisive. Parce qu'elle s'inscrit dans un cadre ludique, sur lequel les contraintes ont moins prise, elle joue un rôle complémentaire à celui de l'école. Aussi est-il fondamental que le ministère chargé de la culture ne reste pas en retrait par rapport au ministère chargé de l'éducation sur les questions relatives à l'éducation artistique et culturelle. Il a toute sa place dans le développement de ce type d'activités, sur les temps périscolaire et extrascolaire.

3. Une ligne directrice constante : l'emploi

Le dernier axe stratégique concerne l' emploi , l'objectif étant à la fois d'améliorer la structuration du secteur , et de mettre en place une politique pour soutenir le développement d'emplois pérennes et durables . Des crédits supplémentaires sont d'ailleurs prévus sur les actions n os 1 et 2 du programme pour aider les différents labels, réseaux et opérateurs à reconstituer leurs marges, érodées en raison de l'augmentation des charges de structure, ce qui devrait contribuer à garantir le maintien des emplois en leur sein.

La continuité avec les dispositions de la loi du 7 juillet 2016 précitée est, une fois encore, évidente : l'article 3 de cette loi engage la politique en faveur de la création artistique à « contribuer au développement et à la pérennisation de l'emploi, de l'activité professionnelle et des entreprises des secteurs artistiques, au soutien à l'insertion professionnelle et à la lutte contre la précarité des auteurs et des artistes » et plusieurs autres articles comportent des dispositions relatives à l'emploi, en particulier la demande d'un rapport sur la situation du dialogue social dans le secteur du spectacle vivant et enregistré (article 41) et la création d'un quatrième champ multi-professionnel pour les organisations représentatives de ce même secteur (article 42).

L'année 2016 a permis d'enregistrer des avancées significatives sur le front de l'emploi , dans un contexte marqué par la renégociation des règles d'indemnisation du chômage pour les artistes et les techniciens intermittents du spectacle.

Les analyses récentes fondées sur des statistiques élaborées à partir des déclarations d'employeurs révèlent une tendance à la baisse de la rémunération des artistes et techniciens du spectacle au cours des dernières années. Entre 2010 et 2014, le salaire brut horaire moyen aurait baissé de 13,3 % pour les artistes et de 9 % pour les techniciens non cadres.

L' accord du 28 avril 2016 relatif à l'indemnisation du chômage dans les branches du spectacle est remarquable à plus d'un titre :

- d'une part parce qu'il s'agit du premier accord négocié sous l'empire des nouvelles dispositions de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi , qui a reconnu la nécessité de règles spécifiques pour l'indemnisation chômage des intermittents du spectacle, compte tenu des particularités d'emploi du secteur, et confié aux organisations représentatives des intermittents et de leurs employeurs le soin de négocier directement ces règles entre elles, sur la base d'un cadre fixé par l'échelon interprofessionnel.

Même si la négociation dans le cadre de l'Unédic a finalement échoué, faute pour l'accord d'avoir atteint un niveau d'économies jugé suffisant par rapport au document de cadrage initial, les organisations représentatives des intermittents et de leurs employeurs ont fait la preuve de leur capacité à parvenir à s'entendre sur les annexes VIII et X de la convention d'assurance-chômage, un sujet dont on sait pourtant qu'il est délicat. À défaut d'avoir été entériné par l'Unédic, l'accord a donc été mis en oeuvre par le Gouvernement par voie réglementaire, le décret du 13 juillet 2016 relatif au régime d'assurance chômage des travailleurs involontairement privés d'emploi , permettant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions le 1 er août dernier ;

- d'autre part, parce qu'il permet de consolider le régime spécifique de l'assurance chômage des artistes et techniciens intermittents du spectacle sur le plan financier tout en répondant aux inquiétudes exprimées par les professionnels du spectacle. Il devrait permettre de réaliser une économie, estimée dans une fourchette comprise entre 84 et 93 millions d'euros .

Si ce montant est inférieur aux 105 millions d'euros initialement demandés par les partenaires sociaux interprofessionnels dans leur lettre de cadrage, l'État a accepté de prendre à sa charge certaines mesures , qui n'entraient pas forcément dans le cadre de la convention d'assurance chômage, et dont le coût est évalué à 12 millions d'euros : il s'agit de l'instauration d'une allocation journalière plancher , fixée à 44 € pour les artistes et à 38 € pour les techniciens, ainsi que de la prise en compte des congés maladie de longue durée et des congés maternité dans le décompte des heures de travail ouvrant droit à indemnisation.

Les principales dispositions de l'accord interprofessionnel du 28 avril 2016 relatif à l'indemnisation du chômage dans les branches du spectacle

L'accord conclu le 28 avril 2016 comporte différentes dispositions permettant de faire avancer les droits sociaux, tout en ouvrant la voie à des économies dans le fonctionnement du régime .

Les principales avancées de l'accord sont les suivantes :

- le retour à la « date anniversaire », correspondant à la date de fin du dernier contrat, pour le calcul des droits des intermittents, en remplacement du système glissant en vigueur depuis 2003 ;

- l'ouverture des droits à indemnisation pour les artistes comme pour les techniciens à partir de 507 heures travaillées sur douze mois ;

- la prise en compte plus importante des heures d'enseignement, d'activités connexes au spectacle ou de résidence artistique dans le calcul des droits, à hauteur de 70 heures pour les artistes et techniciens et de 120 heures pour ceux qui ont plus de 50 ans ;

- la mise en place d'un taux unique de cachet de 12 heures, pour remédier au problème posé par la coexistence de deux taux de cachet distincts, de 8 heures et de 12 heures, qui faisait obstacle à la signature de contrats de plus longue durée ;

- la meilleure prise en compte des périodes de maladie ;

En contrepartie, des économies devraient être réalisées grâce, notamment, à :

- une nouvelle méthode de calcul de l'allocation journalière ;

- l'instauration d'une suspension d'indemnisation chômage sur les jours de congés spectacles, selon les règles de droit commun ;

- l'abaissement du plafond mensuel de cumul des salaires et des indemnités, instauré en 2014 ;

- la suppression à compter du 1 er juillet 2017des abattements pour frais professionnels de 20 ou 25 % dont bénéficient un certain nombre de fonctions artistiques et techniques selon les conventions collectives relevant du champ de cet accord ;

- et l'augmentation d'un point du taux de contribution à l'assurance-chômage pour les employeurs, portée de 8 % à 8,5 % le 1 er juillet 2016 et de 8,5 % à 9 % le 1 er janvier 2017.

Ce nouveau régime devrait permettre aux intermittents qui connaissent les situations les plus précaires d'être mieux protégés . Les intermittents dans une situation financière moyenne ou aisée pourrait, en revanche, voir une baisse de leur activité mensuelle à activité constante.

Un certain nombre de mesures décidées rejoignent plusieurs recommandations formulées par nos collègues Marie-Christine Blandin et Maryvonne Blondin dans leur rapport d'information du 23 décembre 2013 consacré au régime des intermittents 1 ( * ) : rétablir la date anniversaire pour porter la période de référence à 12 mois ; mieux plafonner le cumul mensuel des revenus d'activité et des allocations chômage ; et permettre aux intermittents, artistes comme techniciens, de valoriser jusqu'à 90 heures d'enseignement et de médiation sur la période de référence.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

L'État s'est par ailleurs engagé à mettre en place un fonds pour l'emploi dans le spectacle. Ce fonds, dont le principe avait été annoncé dès 2014, a fait l'objet d'un travail approfondi de concertation après la Conférence pour l'emploi d'octobre 2015. Alors que la création du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) a été officiellement annoncée en septembre dernier, le présent projet de loi de finances lui donne les moyens de ses ambitions, en le dotant de 90 millions d'euros pour son fonctionnement en année pleine.

Ce dispositif devrait venir utilement compléter les mesures mises en place au profit des artistes et techniciens du spectacle par l'accord du 28 avril dernier en agissant, non plus en aval sur l'indemnisation des périodes de chômage, mais en amont, sur le levier de l'emploi, pour en accroître la durabilité. Il confirme ainsi qu'il n'y a pas lieu d'opposer emploi permanent et emploi intermittent. Il va dans le sens des deux dernières recommandations du rapport d'information de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication de 2013 précité sur le régime des intermittents, qui avaient pour but d'encourager le développement du recours au CDI pour lutter contre la précarisation des salariés du spectacle.

Avec son enveloppe budgétaire conséquente, le fonds devrait financer neuf mesures pour encourager la création d'emplois pérennes et lutter contre la précarité des salariés du spectacle . Les mesures-phares concernent la mise en place d'une prime à l'embauche en contrat à durée indéterminée (CDI), d'une aide à l'embauche du premier salarié en CDI et d'une aide à la durée des contrats.

La budgétisation de ce fonds sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » s'explique par le fait que ce fonds profitera autant aux artistes qu'aux techniciens, dont le travail est transversal par nature, et concernera, au-delà du seul secteur du spectacle vivant, les entreprises et les salariés des secteurs du cinéma, de l'audiovisuel et de la production phonographique. Il n'en demeure pas moins que les bénéfices de ce dispositif profiteront nettement aux personnes qui travaillent dans le secteur du spectacle vivant et rejailliront naturellement sur la création.

Votre rapporteur pour avis s'étonne que la prise en charge de ce fonds par le budget du ministère chargé de la culture ait pu susciter des craintes ou même de simples interrogations. D'une part, la loi du 17 août 2015 a déjà reconnu l'existence de particularités de l'emploi dans le domaine du spectacle, qui justifient des dispositions spécifiques. D'autre part, quel ministère aurait pu mieux porter un tel dispositif et en défendre le bien-fondé dans la durée que celui qui connaît parfaitement les enjeux pour les publics visés ? À cela s'ajoute le fait que le fonds devrait, au-delà de l'objectif de pérennisation de l'emploi, contribuer à structurer les entreprises culturelles et que plusieurs des mesures financées par le fonds correspondent à des aides de niche, à l'image du fonds assurantiel pour les groupements d'entreprises de la culture ou aux dispositifs de soutien à l'emploi dans les cafés-culture et dans les petits lieux de diffusion du spectacle vivant. Le ministère chargé de la culture apportera donc un appui précieux dans la mise en oeuvre du dispositif. Une attention particulière devra être portée à dresser le bilan de ses premiers mois de fonctionnement, mais gageons qu'il inaugure, avec l'accord du 28 avril 2016, une ère nouvelle pour l'emploi dans le spectacle .

II. LE SPECTACLE VIVANT : ENTRE SOUTIEN CONFORTÉ ET NOUVEAUX DÉFIS

A. DES CHOIX BUDGÉTAIRES QUI RENFORCENT LA POLITIQUE DE SOUTIEN À LA CRÉATION

Les crédits de l'action n°1 progressent de près de 36 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), à 705,21 millions d'euros ( + 5,35 % ) , et de 23,77 millions d'euros en crédits de paiement (CP), à 700,19 millions d'euros ( + 3,51 % ).

Le projet annuel de performances pour 2017 indique que cette action a pour objet d'accroître le soutien à la création, de faciliter l'accès du public - en particulier celui des jeunes - aux oeuvres sur l'ensemble du territoire et de favoriser la structuration des professions du spectacle vivant. Il précise que les crédits supplémentaires accordés pour l'exercice 2017 devraient permettre principalement de « conforter la structuration des réseaux du spectacle vivant avec l'ambition de répondre aux priorités gouvernementales en faveur de l'emploi artistique et technique, de la jeunesse et de l'irrigation des territoires, et de renforcer l'investissement ».

Il est vrai que les dépenses d'investissement sont en très forte hausse , à 22 millions d'euros en AE (+ 286 %) et 15,05 millions d'euros en CP (+ 76 %). Une grande partie de cette augmentation s'explique par la poursuite du programme de travaux initié en 2016 d' accessibilité aux personnes à mobilité réduite des établissements du spectacle vivant, le lancement des études pour le projet de « Cité du théâtre » , ainsi que la revalorisation du montant de la première phase des travaux effectués au théâtre national de Chaillot et le lancement d'une étude pour la suite des travaux. En outre, une première tranche de travaux devrait être lancée au Centre national de la danse , dont les façades, très dégradées, menacent la sécurité et plusieurs travaux menés chez différents opérateurs devraient être poursuivis (ateliers de la Comédie-Française à Sarcelles, théâtre de l'Odéon, théâtre national de Strasbourg, théâtre national de la Colline). Enfin, le programme 131 devrait participer aux travaux de désamiantage de l' Institut de recherche et de coordination acoustique- musique (IRCAM) et prendre en charge les travaux destinés à intégrer le numérique.

Le projet de « Cité du théâtre » sur le site Berthier

Les Ateliers Berthier , seule oeuvre à caractère industriel de Charles Garnier, pourraient être reconfigurés pour créer une « Cité du théâtre ». Ce projet s'appuierait sur le succès rencontré par le théâtre de l'Odéon, dont la deuxième salle est implantée sur le site depuis 2003 et qui a su attirer depuis son installation un public nombreux, souvent plus jeune et venant de quartiers plus excentrés par rapport aux salles situées au coeur de la capitale.

Le site, qui s'étend sur une superficie de près de 20 000 mètres carré, abrite aujourd'hui les ateliers de décor et de peinture, des espaces de stockage et une salle de répétition de l'Opéra de Paris, ainsi que la deuxième salle du théâtre de l'Odéon précitée d'une capacité de 600 places.

Les premières études menées par le ministère de la culture et de la communication ont montré qu'il était possible de loger les fonctionnalités de l'Opéra de Paris installées dans les Ateliers Berthier sur le site de l'Opéra Bastille, ouvrant ainsi la voie à la reconversion des Ateliers Berthier au profit des besoins de développement de trois opérateurs : la Comédie-Française, le théâtre de l'Odéon et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique .

Ce projet permettrait de répondre aux problèmes de bureaux, de stockage pour le matériel technique, de loges pour les artistes, de régie et d'espaces d'accueil rencontrés par le théâtre de l'Odéon sur le site des Ateliers Berthier.

Il pourrait offrir à la Comédie-Française la salle modulable, plus adaptée aux mises en scène et esthétiques contemporaines qu'une salle à l'italienne, qu'elle réclame depuis plusieurs années, ainsi qu'une autre salle et lui permettrait d'accéder à de nouveaux publics. En contrepartie, la Comédie-Française pourrait fermer, à terme, le Studio Théâtre situé dans le Carrousel du Louvre.

Il constituerait une solution pour le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, actuellement implanté dans le 9 e arrondissement de Paris, dont les locaux exigus et non conformes aux normes en vigueur ne sont plus adaptés aux besoins de l'établissement. Il donnerait à ses élèves une ouverture précieuse sur la formation. Les locaux du 9 e arrondissement serait alors revendu, à l'exception de ceux qui abritent le théâtre à l'italienne de 429 places.

Ce projet permettrait enfin plusieurs mutualisations via , par exemple, la réunion des bibliothèques des trois opérateurs.

De son côté, l'Opéra de Paris obtiendrait la création d'une deuxième salle modulable de 800 places sur son site de Bastille, prévue dans le projet initial, mais jamais construite. Elle accueillerait de la musique et la danse.

La phase d'étude du projet devrait débuter en 2017. À cette fin, 5 millions d'euros ont été inscrits en autorisations d'engagement et 2 millions d'euros en crédits de paiement. Les travaux pourraient débuter en 2018, avant que la Cité du Théâtre n'ouvre ses portes aux alentours de 2022 ou 2023.

À ce stade, le coût du projet est évalué aux alentours de 90 millions d'euros pour le projet Berthier et à 60 millions d'euros pour le projet d'aménagement de l'Opéra Bastille.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Les dépenses d'intervention progressent de près de 13 millions d'euros en AE , à 397 809 137 millions d'euros ( + 3,4 % ), et de près de 15 millions d'euros en CP , à 396 544 443 millions d'euros ( + 3,9 % ).

Les nouveaux crédits devraient permettre de financer trois priorités :

- soutenir les marges artistiques des labels et réseaux et rénover les équipements devenus obsolètes des structures labellisées ;

- soutenir la création indépendante orientée vers les territoires et la jeunesse ;

- consolider le maillage territorial . A ce titre, sont mises en avant les mesures destinées à donner de nouveaux moyens aux pôles nationaux du cirque et aux centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public, à renforcer le dispositif des résidences d'artistes, et faire évoluer le programme des scènes conventionnées.

Pour l'année 2017, les crédits d'intervention centraux en fonctionnement , d'un montant de 71,16 millions d'euros (+ 1,27 %), se répartissent comme suit :

- 18,89 millions d'euros en soutien aux institutions et lieux de création et de diffusion non labellisés (+4,6 %), dont 13,87 millions d'euros pour des théâtres (Cartoucherie de Vincennes, théâtre du Vieux-Colombier, théâtre du Rond-Point, Tréteaux de France, théâtre des Bouffes du Nord, théâtre de l'Athénée et le Tarmac) et 3,75 millions d'euros pour l'Office national de diffusion artistique, qui exerce une mission de diffusion des oeuvres théâtrales, musicales et chorégraphiques sur le territoire national ;

- 14,90 millions d'euros pour le soutien aux artistes et aux équipes artistiques , comprenant 13,74 millions d'euros (+ 32,9 %) destinés à financer une quarantaine d'équipes indépendantes, et 1,16 million d'euros (comme l'an passé) pour le soutien à la création dans les domaines du cirque et des arts de la rue ;

- 14,25 millions d'euros (comme l'an passé) pour soutenir les structures qui jouent le rôle de pôle de ressources, de recherche ou de valorisation du patrimoine du spectacle vivant . Il s'agit, par exemple, dans le domaine musical, du Hall de la chanson, du centre de documentation de la musique contemporaine, du centre de musique baroque de Versailles (2,5 millions d'euros), du centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles ou de l'IRCAM (5,67 millions d'euros) et, dans le domaine du théâtre, d'Artcena ;

- 10,40 millions d'euros pour les festivals et les résidences , un montant identique à celui qui avait alloué en 2016 ;

- 8,44 millions d'euros pour la structuration des professions et de l'économie du secteur du spectacle vivant (+ 1,8 %), dont 3,65 millions d'euros destinés à l'association pour le soutien au théâtre privé (+ 3,1 %), 2,31 millions d'euros pour aider les organismes professionnels et syndicaux (+ 11,6 %), 2,3 millions d'euros pour permettre la poursuite du financement du fonds de professionnalisation et de solidarité assuré en partenariat avec Audiens (- 8 %), et 0,18 million d'euros au titre du soutien aux contenus culturels discographiques, qui regroupe essentiellement les aides à Musiques françaises d'aujourd'hui ;

- 4,29 millions d'euros au titre des aides à la création et aux nouvelles écritures , comprenant le soutien aux structures qui valorisent les écritures contemporaines dans les domaines de la musique et du théâtre, la politique de commande musicale du ministère, ainsi que des projets multimédia et numériques. Ces crédits sont stables par rapport à 2016.

5 millions d'euros de crédits centraux d' investissement sont par ailleurs prévus pour faciliter la mise en sécurité des lieux subventionnés en administration centrale et soutenir leurs besoins d'équipements urgents.

Le soutien de l'État aux festivals

Après une saison 2014-2015 marquée par la mise en place d'une « cartocrise », une réflexion a été engagée sur le soutien de l'État aux festivals. Une mission a été confiée par le Gouvernement à Pierre Cohen pour faire le point sur la situation et l'avenir des festivals.

Le financement de l'État dans ce domaine devrait s'établir en 2017 au même niveau qu'en 2016, à 17 millions d'euros , dont 10 millions d'euros pour une dizaine de manifestations d'envergure nationale, parmi lesquelles les festivals d'Aix et d'Avignon.

Depuis 2003 , l'État a recentré son intervention : le nombre de festivals subventionnés a baissé , passant de 342 en 2004 à 170 en 2015 avec, en contrepartie, une augmentation de la subvention moyenne allouée à chacun d'entre eux.

Le rapport de Pierre Cohen, remis en mai dernier, rassure en montrant que la France reste une terre de festivals avec une très riche diversité de programmation . Malgré les inquiétudes suscitées par la diminution des aides publiques, les créations de festivals restent encore très légèrement supérieures aux disparitions. En revanche, le nombre de festivals gratuits se réduit comme peau de chagrin. Le rapport souligne que « la souplesse structurelle des festivals leur a sans doute permis de s'adapter à ces baisses plus facilement que les lieux permanents, [mais qu']un seuil pourrait avoir été atteint, en deçà duquel les ajustements vont devenir très difficiles ». S'il écarte la création d'un label « festivals », Pierre Cohen estime que la reconnaissance et la pérennité des festivals passe par le développement d' outils d'observation , par le renforcement des outils de contractualisation et la mise en place de véritables co-constructions, ainsi que par un soutien financier ciblé de l'État .

Des échanges que votre rapporteur a eus avec le ministère de la culture et de la communication, il apparaît que, dans le contexte largement décentralisé des festivals, l'État ne devrait plus intervenir dans l'ensemble du champ, mais seulement là où des lacunes sont constatées ou des impulsions sont nécessaires . Dans tous les cas, le soutien de l'État n'est envisagé que sous l'angle d'une co-construction avec les collectivités territoriales ; il se limiterait aux festivals au sens strict et ne prendrait pas en charge les temps forts des établissements permanents. Il serait réservé aux festivals qui permettent de promouvoir la diversité artistique, à ceux qui sont ouverts à un public large ou attachent une attention particulière à diversifier leurs publics, à ceux qui se situent dans des zones blanches de la culture ou à ceux qui construisent des projets avec les acteurs culturels locaux et contribuent à la structuration du territoire.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Les crédits d'intervention déconcentrés en fonctionnement , d'un montant de 302,29 millions d'euros (+ 3,1 %) , se répartissent comme suit :

- 200,53 millions d'euros d'aide aux labels (+ 4%) , dont plusieurs nouveaux crédits :

- 2 millions d'euros pour consolider la structuration du réseau des SMAC, dont 500 000 euros devraient notamment servir au développement du réseau en milieu rural, comme l'a indiqué Audrey Azoulay lors de son audition devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Même si le nombre de SMAC bénéficiaire des subventions octroyés au titre de cette ligne budgétaire a augmenté entre 2016 et 2017, le montant de ces nouveaux crédits devrait pouvoir permettre d'accroître le montant moyen de la subvention allouée aux SMAC, passant de 112 000 à 121 000 euros. Dans ce contexte, le Syndicat des musiques actuelles demande que l'élaboration des nouveaux cahiers des missions et des charges soit l'occasion de relever le montant plancher de la subvention de l'État, actuellement fixé à 75 000 euros, soit le plancher le plus faible de tous les établissements labellisés, pour garantir une certaine pérennité des financements publics et soutenir des lieux à forte contribution au maillage territorial ;

- 1,18 million d'euros en faveur des centres dramatiques pour favoriser la création et la diffusion et accompagner la transformation en centre dramatique national des centres dramatiques régionaux de Tours, de Vire et de l'Océan Indien ;

- 1 million d'euros pour les scènes nationales pour notamment garantir à chaque scène nationale un minimum de dotation de 500 000 euros ;

- 750 000 euros pour consolider les centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public

- 700 000 euros pour consolider les pôles nationaux du cirque ;

- 600 000 euros pour renforcer les moyens des opéras en région ;

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, l'État souhaite encourager les lieux labellisés à développer leurs actions « hors les murs » et dans les petites communes et devraient prévoir une enveloppe de 1,5 million d'euros à cet effet.

- 34,49 millions d'euros pour les autres lieux de création et de diffusion (+3,5 %) , qui ne relèvent pas d'un label et sont financées majoritairement par des collectivités territoriales. Des crédits supplémentaires, pour un montant de 670 000 euros, devraient être alloués aux scènes conventionnés, dont 200 000 euros profiteront directement à la marionnette ;

- 51,26 millions d'euros pour aider les équipes et ensembles artistiques dans les domaines du théâtre, de la musique et de la danse (+ 8,3 %) ;

- 7,23 millions d'euros au titre du soutien aux festivals , comme l'an passé ;

- 4,89 millions d'euros pour les résidences , soit 2,7 millions d'euros de crédits supplémentaires par rapport à 2016 (+ 123,3 %) ;

- une nouvelle enveloppe de 2,5 millions d'euros répartie entre les DRAC pour renforcer les moyens accordés à la jeune création et aider des lieux de diffusion orientés vers le jeune public et situés dans des territoires délaissés .

Enfin, plus de 17 millions d'euros de crédits déconcentrés d'intervention en investissement sont également prévus pour l'entretien, l'équipement ou la restructuration des établissements subventionnés et, en particulier, des structures labellisées.

Les dépenses de fonctionnement , qui représentent près de 40 % des crédits affectés à l'action n° 1 , progressent de plus de 7 millions d'euros , pour s'établir à 275,23 millions d'euros ( + 2,7 % ).

Cette hausse non négligeable, alors même que le périmètre des opérateurs n'a pas évolué par rapport à 2016, s'explique principalement par la revalorisation de 4,6 millions d'euros de la subvention de l'Opéra-comique , qui doit rouvrir ses portes en février prochain, et par l'octroi de 2,31 millions d'euros de crédits supplémentaires pour financer les mesures de sécurité renforcées prises à la suite des attentats de novembre 2015.

Trois opérateurs de l'État obtiennent une revalorisation spécifique de leur subvention :

- le théâtre de l'Odéon pour consolider sa marge artistique,

- le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) pour la mise en place de l'observatoire de la musique, décidée par la loi du 7 juillet 2016, dont il assurera la gestion. Il obtient également deux nouveaux emplois pour lui permettre de faire face à l'augmentation de ses charges. Toutefois, le directeur du CNV a indiqué à votre rapporteur qu'il craignait de manquer de personnel pour développer l'observatoire ;

- la caisse nationale de retraite de l'Opéra national de Paris pour compenser l'accroissement structurel de ses charges.

Les dépenses d'opérations financières , qui correspondent aux dotations en fonds propres attribués à dix établissements publics nationaux, sont globalement en repli par rapport à 2016 , à 10,17 millions d'euros en AE et 13,37 millions d'euros en CP : la forte baisse des dotations en fonds propres accordés à l'Opéra-comique, liée à la fin du chantier de travaux, ne compense pas la revalorisation des dotations en fonds propres alloués à l'établissement public du parc de la grande halle de la Villette, qui doit lui permettre de mieux couvrir ses besoins structurels d'investissement.

Le montant des dotations en fonds propres allouées aux huit autres établissements (Comédie-Française, théâtre national de Chaillot, théâtre national de l'Odéon, théâtre national de la Colline, théâtre national de Strasbourg, Opéra national de Paris, Centre national de la danse et Cité de la musique-Philharmonie de Paris) reste stable par rapport à 2016.

B. UN AVENIR À CONSOLIDER

1. Le spectacle vivant face au défi de la sécurité

Les attentats du 13 novembre 2015 ont touché le spectacle vivant en plein coeur, avec des conséquences financières lourdes pour les établissements publics et privés du secteur . Ces derniers ont dû faire face à la fois à des pertes de recettes liées aux chutes de fréquentation et à une hausse de leurs dépenses pour améliorer leurs dispositifs de sécurité avec, d'une part, des frais de fonctionnement accrus pour renforcer les contrôles et, d'autre part, des efforts d'investissement pour la sécurisation des lieux. D'après les informations communiquées par le SYNDEAC à votre rapporteur, le seul impact économique lié au recours à des entreprises de sécurité s'établirait à 900 000 euros pour ses adhérents.

C'est pour prendre en compte cette situation particulière qu'un fonds d'urgence pour le spectacle vivant a été mis en place par la loi de finances rectificative pour 2015 dès le mois de décembre 2015 pour venir en aide aux entreprises privées du spectacle, quelles qu'elles soient (salles de concert, théâtres, festivals, cabarets, cirques).

Géré par le CNV, il soutient les structures selon deux axes : la compensation partielle des pertes de recettes liées à la chute de fréquentation et l'aide à la mise en sécurité des salles . La grande majorité des demandes de soutien (environ 70 %) portent désormais sur les surcoûts liés à la sécurité. Le soutien apporté par le fonds est constitué, pour 93 %, d'aides financières directes et, pour 7 %, d'avances remboursables sur une période maximale de deux ans. Le fonds ne couvre que des dépenses de fonctionnement : il n'intervient pas pour les dépenses d'investissement.

Depuis sa création en décembre 2015, le fonds a été doté de 14 millions d'euros, dont 8 millions d'euros apportés par l'État - 1 million au moment de sa création et 7 millions en juin. Les autres dotations proviennent de plusieurs SPRD, de la Ville de Paris, mais aussi directement du CNV. L'État prévoit un nouvel abondement du fonds à hauteur de 4 millions d'euros , conformément à la décision prise lors du comité interministériel sur le tourisme du 7 novembre dernier, comme l'a indiqué Audrey Azoulay lors de son audition devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 9 novembre. En contrepartie, l'État espère de nouvelles contributions de la part des entreprises du secteur.

Après près d'un an de fonctionnement, le fonds a fait la preuve de son efficacité : le CNV a instruit 565 demandes d'aides totalisant une somme globale de 32,1 millions d'euros. 10,7 millions d'euros ont été accordés à 444 dossiers, profitant à des entreprises implantées partout en France pour un montant d'aide variant entre 480 euros et 130 000 euros, le montant plafond des aides octroyées par le comité. 76 % des dossiers instruits ont donc obtenu un soutien. D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, les aides attribuées ont concerné les différentes familles d'entreprises de spectacles (salles, festivals, producteurs, compagnies) et l'ensemble des disciplines et esthétiques du spectacle vivant.

Les 7 millions d'euros complémentaires accordés avant l'été ont permis d'apporter un soutien précieux aux festivals, comme aux cabarets et aux cirques, les esthétiques les plus durement touchés . Les derniers chiffres révèlent que les cinquante principaux festivals d'été ont enregistré des hausses de fréquentation de l'ordre de 10 à 15 %, preuve que le public a été au rendez-vous grâce aux efforts importants consentis en matière de sécurité.

Reste que la situation est loin d'être réglée : le contexte sécuritaire reste alarmant, rendant toujours plus nécessaire les investissements des structures pour renforcer les dispositifs de sécurité. Même si la baisse de fréquentation apparaît moins significative, les chiffres sont à prendre avec précaution, car ils intègrent les records de fréquentation enregistrés par l'Accorhotels Arena, qui a rouvert ses portes en octobre 2015 après deux ans de travaux et est devenue, en moins d'un an, la deuxième scène au monde après le Madison Square Garden.

Dans ce contexte, deux questions se posent :

- d'une part, celle de l'avenir du fonds d'urgence .

La loi prévoit, à ce stade, qu'il pourra fonctionner jusqu'en 2018. S'il devait se poursuivre au-delà, il conviendrait inévitablement de redéfinir son mode de fonctionnement et ses finalités puisque, comme le relèvent Vincent Eblé et André Gattolin dans la communication qu'ils ont faite devant la commission des finances du Sénat le 1 er juin dernier sur « les conséquences budgétaires des attentats du13 novembre 2015 sur le secteur du spectacle vivant », « il ne s'agira plus réellement d'un outil mis en place dans l'urgence » , mais plutôt d'un nouvel instrument de soutien économique au spectacle vivant, à moins d'en circonscrire l'utilisation à la mise en place de mesures de sécurité clairement définies, quitte à l'élargir aux dépenses d'investissement.

Votre rapporteur pour avis constate que le fonds d'urgence, aussi efficace soit-il, ne peut pas tout, ne serait-ce que parce qu'il ne couvre justement pas les dépenses d'investissement. Pour aider davantage les entreprises du secteur, une réflexion pourrait être engagée sur l' opportunité de compléter ce dispositif par des mesures d'étalements fiscaux ou diverses mesures sociales très demandées par les représentants du secteur du spectacle vivant ;

- d'autre part, celle du soutien aux scènes subventionnées .

Les établissements subventionnés ne sont pas éligibles au fonds d'urgence, qui concerne les seules entreprises redevables de la taxe fiscale sur les spectacles de variétés. Même si le retour de la fréquentation dans les lieux subventionnés a été plus rapide et massif que dans le secteur privé, ces établissements doivent faire face à une problématique identique à celle qu'affrontent les structures privées. En 2017, une enveloppe de 4,3 millions d'euros est prévue pour la sécurisation des établissements publics, dont 2,3 millions d'euros pour les opérateurs de l'État et 2 millions d'euros en crédits déconcentrés destinés à aider les labels à reconstituer leurs marges artistiques, ce qui permet d'indemniser d'éventuelles pertes de recettes et surcoûts liés aux mesures de sécurité. Dès 2016, 1 million d'euros de crédits déconcentrés avaient été dégelés pour venir en aide aux structures labellisées sur le territoire rencontrant des difficultés particulières. D'après les informations communiquées par la direction générale de la création artistique à votre rapporteur pour avis, aucun dégel ne serait en revanche intervenu pour les opérateurs parisiens.

Lors de son audition le 9 novembre dernier devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, la ministre chargée de la culture a annoncé qu'une mesure supplémentaire de 5 millions d'euros ne figurant pas dans les documents budgétaires a été décidée lors du comité interministériel sur le tourisme du 7 novembre pour contribuer à la sécurisation des principaux établissements publics du ministère de la culture et de la communication : une partie de ces crédits, qui seront financés par le fonds interministériel de prévention de la délinquance, devraient donc être destinés à des opérateurs relevant du programme 131 .

Les crédits consacrés à la mise en sécurité des opérateurs et lieux labellisés sont certes inférieurs à ceux mis à disposition dans le cadre du fonds d'urgence, mais ils profitent à un nombre d'acteurs moins nombreux et permettent de financer des dépenses d'investissement. Votre rapporteur pour avis insiste sur l' importance qui s'attache à ce que les crédits de ces différentes enveloppes soient intégralement mis à disposition et en appelle au Gouvernement, compte tenu de l'enjeu, pour qu'il accepte d'accorder des dégels de crédits si l'enveloppe se révélait insuffisante pour faire face aux besoins des établissements.

2. L'incompréhensible maintien du plafond du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz

Pour soutenir le spectacle vivant de musiques actuelles et de variétés, le CNV perçoit une taxe assise à hauteur de 3,5 % sur les recettes des représentations de spectacles de variétés et de musiques actuelles - à savoir tous les spectacles de musique, à l'exception de la musique classique, et les spectacles d'humour. Cette taxe représente 94 % des ressources du CNV.

Les fonds collectés sont redistribués aux acteurs de la filière selon une clé de répartition clairement définie :

- 65 % sous la forme de droit de tirage pour contribuer, dans un délai de trois ans, à la production d'un nouveau spectacle, ce qui assure au redevable, sous réserve d'être affilié au CNV, de récupérer 65 % des sommes qu'il a versées au titre de la taxe ;

- 35 % en aides sélectives , remboursables ou non remboursables, afin de soutenir les différents aspects de la vie du secteur des variétés et des musiques actuelles : les salles de spectacle, les projets de production et de diffusion de spectacle ou de festivals, le développement à l'international de carrière d'artistes, de création et de diffusion de spectacles, l'équipement de salles de spectacles ou encore diverses actions d'intérêt général du secteur, en particulier la structuration professionnelle.

Votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de souligner, par le passé, le rôle essentiel joué par le CNV dans la vitalité du secteur économique des spectacles de variétés et de musiques actuelles . L'ensemble des acteurs défend le système de la taxe, considéré comme vertueux puisqu'il profite à tous : aux plus grosses entreprises du secteur par le biais du droit de tirage, mais surtout aux structures les plus fragiles via les aides sélectives, qui leur sont majoritairement attribuées. Vertueux, ce système l'est aussi parce qu' il n'est pas financé par le biais de subventions publiques : c'est la solidarité des entrepreneurs de spectacle vivant qui finance les aides distribuées aux entreprises de la filière.

Les ressources du CNV ont augmenté mécaniquement ces dernières années sous l'effet d'une plus grande efficacité des opérations de perception et d'une augmentation des recettes de billetterie, passant de 13 millions d'euros en 2004 à près de 25 millions d'euros en 2012, jusqu'à près de 31 millions d'euros en 2015. Les prévisions laissent à penser qu'elles pourraient s'établir entre 31 et 32 millions d'euros en 2016, et probablement s'élever à 35 millions d'euros en 2017, sous l'effet de l'élargissement du périmètre du CNV aux musiques électroniques et aux arts du cirque.

Or, l'article 46 de la loi de finances pour 2012 a posé le principe d'un plafonnement des taxes affectées , ce qui signifie que tout excédent au-delà des plafonds doit être automatiquement versé au budget général de l'État. Il a alors fixé le plafond de la taxe affectée au CNV à 27 millions d'euros, avant qu'il ne soit réduit à 24 millions d'euros en 2013, puis rehaussé à 28 millions d'euros en 2014 et enfin à 30 millions d'euros en 2015.

Évolution des ressources du CNV provenant de la taxe fiscale entre 2013 et 2015

(en euros)

2013

2014

2015

Perception de la taxe

26 889 157

28 733 809

29 176 138

Reprises de crédits d'années antérieures non affectés

1 138 647

1 232 198

1 803 352

Total

28 430 614

30 361 020

30 979 490

Source : Ministère de la culture et de la communication

Votre rapporteur pour avis observe que plusieurs arguments plaident contre le plafonnement de cette taxe .

D'une part, le plafonnement est susceptible d'avoir des effets désastreux sur la santé financière du CNV . En effet, lorsque le secteur est en croissance, le plafond se traduit mécaniquement par des pertes pour le CNV , contraint de verser les 65 % de l'écrêtement en droit de tirage : autrement dit, tout dépassement du plafond d'1 million d'euros engendre 1,65 million d'euros de dépenses supplémentaires pour le CNV, avec des conséquences inévitables sur le montant des aides sélectives octroyées .

D'autre part, le plafonnement conduit à sanctionner le CNV pour les efforts qu'il a entrepris ces dernières années pour améliorer la perception de la taxe.

Compte tenu du niveau attendu des recettes, il conviendrait de supprimer le plafond applicable à cette taxe ou d'instaurer, tout au moins, un « plafond glissant » . C'était d'ailleurs un engagement du Gouvernement : Fleur Pellerin, alors ministre de la culture et de la communication, avait indiqué, lors d'une audition devant le Sénat le 12 novembre 2014, qu'un arbitrage interministériel avait été rendu pour permettre que le plafond de la taxe soit désormais déterminé chaque année en fonction du rendement de celle-ci.

Or, l'Assemblée nationale a rejeté, lors de l'examen du présent projet de loi, conformément à l'avis négatif du Gouvernement, deux amendements portant sur le plafond de cette taxe fiscale : l'un proposant son déplafonnement et l'autre, porté par le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, Patrick Bloche, proposant de rehausser le plafond à 35 millions d'euros.

Compte tenu de l'engagement pris par le Gouvernement en 2014, votre rapporteur pour avis juge incompréhensible qu'aucun de ces deux amendements n'ait été adopté dans les circonstances actuelles, alors que le CNV a déjà puisé dans ses réserves pour alimenter le fonds d'urgence pour le spectacle vivant, et que son périmètre pourrait être élargi aux musiques électroniques et aux arts du cirque, ce qui entraînerait mécaniquement une croissance de la taxe collectée, mais supposerait aussi de soutenir ces nouvelles esthétiques par le biais des mécanismes de redistribution.

Votre rapporteur pour avis se félicite d'apprendre qu' à la faveur d'un nouvel arbitrage interministériel, le Gouvernement devrait, en fin de compte, proposer le relèvement du plafond de la taxe pour éviter que le CNV puisse se retrouver en défaut. C'est en tout cas ce qu'a annoncé la ministre chargé de la culture lors de son audition devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Votre rapporteur se réserve la possibilité de proposer le déplafonnement de la taxe ou, à défaut, le relèvement du plafond, si un tel amendement n'était finalement pas déposé.

III. UN EFFORT NOTABLE EN DIRECTION DES ARTS VISUELS, QUI DOIT ÊTRE APPUYÉ PAR DES RÉFORMES DE FOND

A. DES MOYENS TOUJOURS LIMITÉS, MAIS EN NETTE PROGRESSION EN 2017

Les crédits de l'action n° 2 progressent de 22,6 millions d'euros en autorisations d'engagement , à 90,4 millions d'euros (+ 33,3 %) et de 6,1 millions d'euros en crédits de paiement , à 77,1 millions d'euros (+ 8,6 %).

Votre rapporteur pour avis se félicite d'observer un très léger rééquilibrage dans la répartition des crédits entre le spectacle vivant et les arts plastiques , les hausses de crédit étant proportionnellement plus fortes pour l'action n° 2. La part des arts plastiques franchit même, pour la première fois, la barre symbolique des 10 % en autorisations d'engagement et l'avoisine en crédit de paiement, sans pour autant que le spectacle vivant en soit impacté , puisque ses crédits sont également en progression. Votre rapporteur pour avis, qui dénonce depuis plusieurs années la situation de « parent pauvre » du secteur des arts plastiques au sein de la culture, se réjouit de cet effort marqué en direction des arts plastiques.

Une certaine prudence reste cependant de mise. D'une part, il conviendra que cette tendance se confirme au cours des prochaines années. D'autre part, la répartition des crédits du programme 131 reste encore très déséquilibrée au profit de l'action n° 1. Les coûts élevés de production et l'économie globale du spectacle vivant ne suffisent pas à justifier la persistance d'un tel écart avec les arts plastiques, dont la faiblesse des moyens alloués reste criante. Aujourd'hui, le ministère de la culture et de la communication ne consacre même pas 1 % de son budget aux arts visuels !

Les dépenses d'investissement sont en très forte augmentation par rapport à 2016, à 21 millions d'euros en AE et 8 millions d'euros en CP, pour permettre de reloger le Centre national des arts plastiques (CNAP), dont le bail emphytéotique arrive à échéance le 31 décembre 2018. Plus de 17 millions en AE et 6 millions en CP sont prévus à ce titre. Le ministère de la culture et de la communication a indiqué à votre rapporteur que le CNAP devrait s'installer à Pantin dans un bâtiment de plus de 25 000 m², permettant d'accueillir les collections du CNAP et du Mobilier national, si ce dernier en exprime le souhait, ainsi que les bureaux. La fin des travaux est prévue pour 2021 et le coût total du projet est estimé à 49 millions d'euros.

Les autres crédits d'investissement devraient servir à poursuivre les travaux en cours à la Cité de la céramique Sèvres-Limoges et sur les sites du Mobilier national, et permettre à ce dernier établissement de financer de nouvelles acquisitions (oeuvres d'artistes pour leur transcription en tapis ou tapisserie, achat de mobiliers anciens et contemporains).

Les dépenses d'intervention représentent la majeure partie des dépenses du programme puisqu'elles rassemblent 65 % des crédits de l'action. Elles progressent de près de 3 millions d'euros , à 49,53 millions d'euros ( + 6 % ).

Le projet annuel de performances précise que les nouveaux crédits devraient permettre en particulier :

- d'accompagner l' évolution de certains Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) suite à la mise en oeuvre de la nouvelle carte territoriale et de consolider le réseau des centres d'art conventionnés, pour lesquels la loi du 7 juillet 2016 a ouvert la voie à l'attribution d'un label ;

- de réaliser des programmes de commande publique de photographies , pour 1 million d'euros, et de revaloriser la dotation allouée au Jeu de Paume , dont la mission est de promouvoir et diffuser la création dans le domaine de la photographie et d'assurer la valorisation des fonds photographiques patrimoniaux appartenant à l'État ;

- de lancer des actions en faveur de la mode et du design , afin de consolider la position de la France dans ces domaines ;

- de financer un programme de valorisation de la scène française à l'international ;

- de poursuivre le développement de l'établissement public de coopération culturelle « Médicis-Clichy-Montfermeil ».

Pour l'année 2017, les crédits d'intervention centraux , d'un montant de 20,86 millions d'euros , se répartissent comme suit :

- 1,64 million d'euros sont destinés à la structuration des professions et de l'économie du secteur , dont 800 000 euros destinés à alimenter les fonds d'avances remboursables gérés par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) pour soutenir les galeries d'art et les métiers d'art - dénommés respectivement FARGA et FAMA -, et 840 000 euros pour les organisations professionnelles et les entreprises de la création que le ministère juge représentatives dans le champ des arts plastiques, ainsi que des associations dites « ressources » ;

- 2,36 millions d'euros visent à aider la création et la diffusion , en finançant des associations qui portent des projets concourant à la diversité de la création, à la médiation et à la diffusion, et des salons et manifestations portés par des artistes. Ces crédits sont également destinés à lancer un programme de valorisation de la scène française à l'international et au programme « Un immeuble, une oeuvre », démarré en décembre 2015, par lequel les entreprises signataires s'engagent à commander ou acquérir une oeuvre d'art auprès d'un artiste pour tout programme d'immeuble à construire ou à rénover ;

- 12,45 millions d'euros viennent soutenir les lieux de création et de diffusion - Palais de Tokyo, Jeu de Paume et projet « Médicis-Clichy-Montfermeil ». Concernant ce dernier établissement, 600 000 euros de nouveaux crédits ont été dégagés pour accompagner les recrutements et les actions de recherche et de création, de diffusion culturelle et de transmission, dont l'élaboration doit être effectuée en lien étroit avec les habitants et le territoire de son implantation ;

- 1,31 million d'euros en soutien aux métiers, avec un effort particulier pour soutenir des projets dans le domaine du design ;

- et 3,1 millions d'euros destinés aux investissements , dont 300 000 euros pour le Palais de Tokyo et 2 800 000 euros, en progression d'un million d'euros, au titre de la commande publique .

Le soutien à la commande publique

La commande publique dans le domaine des arts plastiques manifeste la volonté de l'État d'accompagner des partenaires multiples (collectivités territoriales, établissements publics, partenaires privés), de soutenir la création artistique et de contribuer au développement du patrimoine national. Elle s'articule directement avec les enjeux d'aménagement de l'espace public et s'adresse en priorité à un public qui a peu accès aux lieux spécialisés de diffusion de l'art contemporain. Elle vise aussi à mettre à la disposition des collectivités et des artistes un outil leur permettant de réaliser des projets dont l'ampleur nécessite des moyens inhabituels.

En 2017, le soutien s'orientera en priorité vers les démarches participatives, qui associent au processus de la commande les habitants des sites concernés, et favorisera l'aide à la commande d'oeuvres dans les territoires les plus éloignées de la culture.

Fin 2015, le ministère a signé avec la Fédération des parcs naturels régionaux de France un accord visant à favoriser les initiatives culturelles au sein de ces parcs. Dans ce cadre, les projets de commandes en milieu rural dans des parcs naturels seront encouragés et pourront être accompagnés.

Dans le cadre de la mise en oeuvre des mesures en faveur de la jeune création et de la reconnaissance de toutes les esthétiques et des formes d'expression plastique, le ministère entend poursuivre en 2017 son aide à des projets de « street art » ou « art urbain » sur l'ensemble du territoire, projets qui sont accompagnés par les DRAC.

L'année 2016 a vu la création d'un volet « art contemporain dans l'espace public » dans les conventions signées avec les « Villes et pays d'art et d'histoire ». Outre la Direction générale des patrimoines et la Direction générale de la création artistique, les services des DRAC sont invités à contribuer à ce travail.

Pour poursuivre la mise en valeur et la protection des réalisations artistiques contemporaines installées dans l'espace public, le ministère élabore une circulaire à destination des préfets relative à la protection des oeuvres d'art installées dans l'espace public et appartenant au domaine public, dont la publication est prévue prochainement.

Enfin, conformément aux annonces de la ministre de la culture et de la communication en faveur de la photographie, le ministère accordera un soutien accru à ce domaine dans le cadre de la commande publique artistique. Un appel à projets a été lancé, portant sur le thème de « La jeunesse en France », après les deux commandes publiques lancées en 2016, et qui devraient aboutir en 2017 sur les thèmes de « Réinventer Calais » et « Les Regards du Grand Paris ».

Source : Ministère de la culture et de la communication

Les crédits d'intervention déconcentrés , d'un montant de 28,67 millions d'euros , se répartissent comme suit :

- 21,06 millions d'euros pour soutenir les 22 FRAC et les 48 centres d'art conventionnés (67,5 % de l'enveloppe), une centaine de structures non conventionnées , 20 festivals et biennales et apporter différentes formes d'aides directes aux artistes.

Les dépenses déconcentrées d'intervention en fonctionnement

Typologie des bénéficiaires des crédits d'intervention déconcentrés

Montant des crédits (AE=CP)

Nombre de bénéficiaires

Montant minimum attribué à un bénéficiaire

Montant maximum attribué à un bénéficiaire

FRAC fonctionnement

7 954 000 €

22

155 000 €

663 000 €

Centres d'art conventionnés

6 251 219 €

48

22 500 €

720 000 €

Structures AP hors opérateurs et réseaux

2 137 000 €

126

1 000 €

100 000 €

SODAVI

190 000 €

9

Aides aux projets

497 000 €

123

Aides individuelles à la création

600 000 €

112

8 000 €

Allocation d'installation d'atelier

200 000 €

114

8 000 €

Festivals et biennales

1 700 000 €

20

2 000 €

677 814 €

Soutien à des résidences arts plastiques

830 350 €

57

800 €

52 000 €

Associations professionnelles et structures ressources

230 000 €

14

1 600 €

48 000 €

Métiers d'art

467 000 €

Total

21 056 569 €

645

800 €

720 000 €

Source : Projet annuel de performances pour 2017 - Mission « Culture »

Même si les crédits de cette enveloppe sont en augmentation et que certaines lignes progressent, votre rapporteur pour avis observe que le nombre de bénéficiaires de plusieurs lignes explose - à titre d'exemple, le nombre de structures non conventionnées soutenues est multiplié par deux et demi, et le nombre de bénéficiaires des soutiens à des résidences multiplié par quatre -, ce qui impacte mécaniquement le montant du soutien alloué à chaque bénéficiaire , avec le risque que le montant des aides précédemment accordé à certaines structures soit réduit, faisant peser des risques sur leur capacité financière.

Plusieurs organisations représentatives des artistes plasticiens ont également fait observer à votre rapporteur pour avis la faiblesse des aides individuelles aux artistes , qu'il s'agisse de leur montant ou du nombre de bénéficiaires, puisqu'elles profitent à environ 300 artistes sur les 52 000 que l'on compte en France.

Votre rapporteur pour avis se félicite néanmoins du soutien accru aux centres d'art conventionnés, dont le nombre a progressé au cours des cinq dernières années sans bénéficier jusqu'ici d'une revalorisation de leurs crédits. Les 630 000 euros de nouveaux crédits devraient ainsi permettre de financer un nombre plus important de structures, tout en octroyant des subventions dont les montants plancher et plafond sont en hausse ;

- 7,61 millions d'euros en investissement , dont 2,21 millions d'euros consacrés aux acquisitions d'oeuvres par les FRAC, 4,72 millions pour poursuivre les opérations engagées sur le FRAC de Basse-Normandie, le centre international du graphisme à Chaumont, l'espace de l'art concret à Mouans-Sartoux et la villa Percheron à Niort, et 400 000 euros pour financer un plan de rééquipement des structures culturelles en arts plastiques. Des autorisations d'engagement sont également inscrites pour la participation de l'État au financement du Centre régional de la photographie dans les Hauts-de-France et des réserves mutualisées entre le FRAC et le musée des arts décoratifs de l'océan Indien à la Réunion.

Les dépenses de fonctionnement sont en hausse d'un peu plus d'un million d'euros pour s'établir à 16,37 millions d'euros en AE et 16,34 millions d'euros en CP. Cette augmentation s'explique principalement par la revalorisation de la subvention pour charges de service public octroyée à la Cité de la céramique Sèvres-Limoges afin de consolider son financement et d'accompagner sa stratégie commerciale de développement, notamment à l'international. De nouveaux crédits sont également prévus pour couvrir les dépenses supplémentaires liées à la sécurisation des sites, l'enjeu de la sécurité pesant sur les opérateurs des arts plastiques au même titre que ceux du spectacle vivant.

Les dépenses d'opérations financières restent stables , à 2,96 millions d'euros. Elles correspondent aux dotations en fonds propres de deux opérateurs, le CNAP et la Cité de la céramique Sèvres-Limoges.

B. DES ENJEUX IMPORTANTS TROP LONGTEMPS DIFFÉRÉS

1. L'indispensable structuration du secteur

La structuration reste un enjeu majeur pour le secteur des arts visuels. Alors que les arts visuels se sont professionnalisés ces dernières années, le secteur manque, à ce stade, d'organisation collective. Plusieurs organisations professionnelles existent : les diffuseurs sont représentés par deux organisations - le CIPAC et la Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP) -, et les auteurs d'arts visuels par huit organisations et une fédération, l'USOPAV. Mais, il ne dispose ni d'une convention collective adaptée aux réalités du secteur, ni d'une branche professionnelle qui constituerait un levier puissant pour la reconnaissance de ses métiers, la formation professionnelle et la représentativité, ni d'une représentation , compétente sur les questions relatives aux artistes-auteurs et aux professionnels de la production, de la diffusion et de la médiation des arts visuels, qui lui assurerait un certain poids et lui permettrait d'être davantage associé à la définition des règles le concernant.

Le chantier de convention collective des arts plastiques et visuels, initié il y a bientôt dix ans, n'a toujours pas abouti, en dépit de la constitution d'un comité de pilotage par le ministère de la culture et de la communication, aujourd'hui bloqué dans ses travaux, faute pour la direction générale du travail d'avoir tranché entre les deux hypothèses de construction de ce corps conventionnel : un titre dédié aux arts plastiques au sein de la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles ou une convention collective séparée pour ce secteur.

Le ministère de la culture et de la communication apparaît conscient de ce déficit de structuration et indique, dans le projet annuel de performances pour 2017, le besoin d'accompagner « la structuration des différentes professions dans le champ des arts visuels, en soutenant les associations professionnelles ».

Cependant, les crédits alloués à cet objectif, revalorisés en 2017 de 200 000 euros pour s'établir à 840 000 euros, pourraient se révéler insuffisants pour permettre un rattrapage. À titre de comparaison, les organismes professionnels et syndicaux du spectacle vivant sont aidés à hauteur de 2,31 millions d'euros, alors que le secteur du spectacle vivant n'accuse pas le même retard de structuration. Surtout, la répartition des crédits de cette enveloppe entre les différentes organisations et associations professionnelles n'est pas assez précise : votre rapporteur pour avis juge souhaitable que la part de financement consacrée aux organisations professionnelles de diffuseurs et celle consacrée aux organisations professionnelles d'auteurs d'arts visuels soit clairement indiquée , les seconds semblant jusqu'ici bénéficier d'un soutien beaucoup plus réduit alors même qu'ils représentent les créateurs.

La création d'une instance consultative réunissant l'ensemble des professions des arts visuels pourrait jouer un rôle décisif dans la structuration du secteur en lui offrant une instance de dialogue, à la fois entre organisations professionnelles et avec le Gouvernement, sur les questions qui concernent la profession, dont beaucoup sont d'intérêt commun.

Votre rapporteur pour avis appuie fermement, depuis déjà plusieurs années, la demande des professionnels de le mettre en place, sur l'exemple du Conseil national des professions du spectacle (CNPS), créé dès 1993. Il avait insisté l'an passé pour que le périmètre de cette instance ne se limite pas à la seule photographie, suite aux annonces faites en ce sens par la ministre de la culture et de la communication de l'époque, Fleur Pellerin, compte tenu du fait que la filière des arts visuels dans son ensemble y a un intérêt. Aussi se félicite-t-il d'apprendre qu'un projet de décret portant création d'un conseil national des professions des arts visuels a été soumis pour avis aux organisations professionnelles il y a quelques semaines, laissant espérer un dénouement proche.

Ce projet, conçu sur le modèle du décret relatif au CNPS, donne compétence à la future instance pour traiter des questions d'emploi et formation, de protection sociale et de protection des droits d'auteur à l'ère du numérique . Le ministère de la culture et de la communication a indiqué à votre rapporteur pour avis que la publication du décret était prévue pour le début de l'année 2017. Il n'a pas caché que plusieurs questions restaient à trancher dans cet intervalle, y compris l'identification de l'instance consultative actuelle qui devrait être supprimée pour permettre la création de ce nouveau conseil. L'une des principales interrogations à ce stade concerne sa composition et sa capacité à remplir sa mission sans branche professionnelle identifiée sur laquelle s'appuyer.

Reste que la création de ce conseil est d'autant plus importante que les réflexions susceptibles de se tenir dans cette enceinte pourraient contribuer à faire aboutir plusieurs dossiers aujourd'hui plongés dans l'impasse : celui de la convention collective, mais aussi le projet d'unification du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs, via la fusion de l'Agessa et de la Maison des artistes, recommandée depuis une dizaine d'années, pour laquelle les décisions tardent à venir. D'après les informations communiquées à votre rapporteur, une enveloppe d'environ 10 millions d'euros serait nécessaire pour permettre le développement d'un système d'information commun aux deux entités pour faciliter les recouvrements. À ce stade, la Direction de la sécurité sociale ne semble cependant pas en faire une priorité.

Aussi l'installation du Conseil national des professions des arts visuels avant la fin du quinquennat revêt-elle un caractère d'urgence. Votre rapporteur pour avis veillera également à ce que le rapport sur la situation des arts visuels en termes d'économie, d'emploi, de structuration et de dialogue social, prévu à l'article 45 de la loi du 7 juillet 2016 précitée, soit effectivement transmis aux parlementaires dans les prochains mois.

2. La juste rémunération des auteurs des arts visuels

En 2013, notre collègue Corinne Bouchoux, alors rapporteure pour avis des crédits consacrés à l'action « Arts plastiques » au sein du programme 131, faisait part du mécontentement des artistes auteurs en raison du manque de respect de leurs droits patrimoniaux , y compris de la part des établissements publics ou de ceux bénéficiant de subventions de l'État. Elle indiquait que le droit de présentation publique, qui découle de l'article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle, n'était pratiquement jamais rémunéré par les diffuseurs, ces derniers faisant valoir « l'intérêt que présentent l'accès au public et la visibilité offerte à un artiste, décisive pour sa carrière ».

Trois ans plus tard, la situation ne semble guère avoir évolué : le Comité des artistes-auteurs plasticiens (CAAP) et la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) ont de nouveau fait part à votre rapporteur pour avis de graves dysfonctionnements dans l'application du droit de présentation publique . En dépit d'une lettre adressée conjointement par les ministres chargées de la culture et des affaires sociales aux DRAC en août 2015 pour demander le respect des dispositions sociales et fiscales applicables aux artistes, au sein de laquelle les deux ministres dénonçaient « la culture de la gratuité », les musées et centres d'art qui rémunèrent effectivement les artistes pour l'exposition de leurs oeuvres restent rares.

L e manque de contractualisation écrite entre les auteurs des arts visuels et les diffuseurs contribue sans doute à accroître les difficultés, particulièrement prégnantes dans ce secteur par rapport au spectacle vivant. Votre rapporteur pour avis estime que les relations contractuelles entre les lieux de production et de diffusion des oeuvres et les artistes auteurs devraient faire l'objet d'une réflexion approfondie . Des instructions claires formulées par les DRAC sur les modalités de la contractualisation, comme le développement d'un véritable centre de ressources dans le domaine des arts visuels, pourraient permettre d'améliorer la situation, en favorisant l'information des artistes et des diffuseurs.

Le législateur a clairement manifesté, dans la loi du 7 juillet 2016 précitée, sa volonté que les droits des artistes soient correctement respectés . Le 12° de l'article 3 de cette loi tend à conditionner l'octroi de subventions au « respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs » et le 20° de ce même article souligne l'importance de favoriser « une juste rémunération des créateurs et un partage équitable de la valeur, notamment par la promotion du droit d'auteur et des droits voisins aux niveaux européen et international ».

La précarité des auteurs des arts visuels s'est encore dégradée ces dernières années sous l'effet du développement du numérique . C'est pour répondre à cette préoccupation que le Sénat a inséré, dans la loi du 7 juillet 2016, un article mettant en place un système de gestion collective obligatoire pour permettre une rémunération des auteurs d'oeuvres d'art graphiques, plastiques et photographiques pour l'exploitation de leurs oeuvres par les services automatisés de référencement d'images.

Au niveau européen, la Commission européenne vient de soumettre une proposition de révision de la directive 2001/29/CE relative aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information , dont l'objectif est de favoriser une rémunération équitable des titulaires de droits sans porter atteinte au développement du numérique.

Parmi les mesures susceptibles d'intéresser les auteurs des arts visuels, elle fixe des règles pour encadrer le fonctionnement des plateformes et prévoit la création d'un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse, qui pourrait profiter directement aux agences de presse photographique pour l'utilisation faite en ligne de leurs photographies. Dans les deux cas, la rédaction de la Commission européenne est toutefois assez molle . Concernant la responsabilité des plateformes, elle ne met pas en place une taxe généralisée sur les liens hypertextes et invite seulement les plateformes à chercher à conclure des accords avec les titulaires de droits afin d'améliorer les rémunérations versées. S'agissant du droit voisin, elle ne précise pas de qui la rémunération pourrait être exigée et laisse la liberté aux éditeurs de presse de ne pas être rémunérés.

Si la question de la rémunération des auteurs n'a pas vocation à être traitée directement dans le cadre d'une loi de finances, le ministère chargé de la culture indique, dans le projet annuel de performances, que « l'amélioration des conditions d'exercice des professions artistiques est une des priorités visant à permettre une plus grande sécurité des rémunérations, des conditions d'activité et des situations sociales et fiscales des professionnels du monde de l'art ».

À cet égard, il paraît important d'évoquer le dispositif du « 1 % artistique » , au sujet duquel la loi du 7 juillet 2016 a demandé la remise d'un rapport au Parlement. Plusieurs personnes plaident pour élargir les bénéficiaires de ce dispositif, jusqu'ici réservé à toutes les formes d'expression dans le domaine des arts visuels, pour accroître le soutien public à certaines disciplines, à l'image des arts de la rue. Votre rapporteur pour avis estime qu' un élargissement de ce dispositif comporte des risques pour le secteur des arts visuels et pourrait en diluer l'efficacité . En outre, de nombreux projets entrant dans le champ du dispositif, qui concerne en théorie tout projet de construction, de réhabilitation ou d'extension d'un bâtiment public, ne se soumettent déjà pas à une telle obligation. Il rappelle le rôle important joué par ce dispositif, mis en place depuis 1951, pour soutenir la création contemporaine en arts visuels, la diffusion des oeuvres dans l'espace public et la constitution d'un patrimoine pérenne. Il constitue un outil important pour garantir un certain niveau de commande publique, permettant de soutenir l'activité des auteurs des arts visuels. Aussi votre rapporteur pour avis insiste-t-il sur la nécessité d'un meilleur contrôle de l'application de ce dispositif pour garantir qu'aucun projet ne s'en affranchisse.

3. Le soutien à la photographie

Des efforts doivent encore être faits en direction de la photographie. Une étude parue en mai 2015 sur le métier de photographe, réalisée par le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture et de la communication, a révélé l'inquiétude des photographes face à une révolution numérique qui bouleverse leur métier et une précarisation croissante, qui les obligent à se diversifier.

Depuis quelques mois, plusieurs annonces laissent entrevoir la perspective d'un soutien renforcé du ministère à la photographie , une perspective que traduit d'ailleurs le budget pour 2017 avec la revalorisation d'un million d'euros de l'enveloppe pour la commande publique, dont une large partie devrait profiter à la photographie, au-delà des acquisitions régulières effectuées dans ce domaine par le CNAP.

En juillet dernier à l'occasion de la 47 e édition des Rencontres d'Arles, Audrey Azoulay a ainsi annoncé trois mesures :

- le lancement de deux commandes publiques nationales : la première destinée à documenter le Grand Paris devrait se dérouler sur dix ans à raison d'une commande à six photographes émergents par an au minimum, sur le modèle de la commande de la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) visant à « représenter le paysage français dans les années 1980 » ; la seconde sur le thème de la jeunesse en France devrait financer quinze photographes à hauteur de 10 000 euros chacun pour mener à bien leur projet, qui sera restitué en 2017 avec une exposition et la publication d'un ouvrage. Votre rapporteur pour avis constate que cet effort pour relancer la commande publique est unanimement salué par les organisations professionnelles du secteur des arts plastiques, même si ces derniers font valoir l'importance que ces crédits supplémentaires puissent profiter à l'ensemble du territoire ;

- la relance de la mission pour la photographie , créée en 2010 pour coordonner les actions des différents services du ministère de la culture et de la communication, notamment les trois directions générales concernées par la politique de la photographie (direction générale de la création artistique, direction générale des médias et des industries culturelles et direction générale des patrimoines), les DRAC et les services à compétence nationale, ainsi que les établissements publics qui gèrent déjà des fonds photographiques pour le compte de l'État. La mission sera notamment chargée de réaliser une étude sur la conservation des fonds photographiques et sur les collections publiques face aux nombreuses questions liées aux difficultés de conservation et de valorisation de ces fonds ;

- la création d'un « Parlement des photographes » dont le ministère indique qu'il aura « pour but de réunir la diversité des approches et des démarches photographiques, de faciliter la circulation de l'information et de donner un espace de dialogue au monde de la photographie ». Votre rapporteur pour avis observe qu'il jouera un rôle complémentaire au Conseil national des professions des arts visuels, permettant aux photographes de discuter des questions spécifiques à leurs métiers dans cette enceinte, tandis que le conseil national abordera les questions transversales.

Votre rapporteur pour avis considère que ces mesures vont dans le bon sens et traduisent une meilleure prise en compte des enjeux liés au secteur de la photographie. Elles pourraient être utilement complétées par des mesures destinées à promouvoir davantage les photographes français , aujourd'hui relativement inexistantes.

Une attention particulière devrait également être accordée à la question du photojournalisme , alors que les chiffres révèlent un secteur durement touché, avec une baisse continue du nombre de photojournalistes détenteurs de la carte de presse depuis 2008, supérieure à 25 %. La crise de la presse, qui s'est traduite par une diminution des moyens accordés aux services photographiques, est à l'origine des difficultés traversées par le photojournalisme, encore amplifiées par la révolution numérique, en l'absence de cadre clair concernant le partage de la valeur.

Dans le cadre du festival « Visa pour l'image », la ministre chargée de la culture a annoncé quatre mesures pour aider le photojournalisme :

- la mise en place d'une conditionnalité des aides versées par l'État à la presse au respect de bonnes pratiques concernant la photographie . L'État devrait notamment demander aux éditeurs et groupes de presse qui bénéficient d'aides directes supérieures à un million d'euros de s'engager, dans le cadre des conventions-cadre qu'elles signent avec lui, à recourir prioritairement aux photojournalistes et aux agences de presse pour leur approvisionnement en photographies illustrant les sujets d'actualité politique et générale et à respecter les délais de paiement, la régularité des crédits photographiques et la transparence des modalités de rémunération des photographes grâce à un bon de commande normalisé ;

- l'instauration d'un salaire minimum des photojournalistes pigistes . D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le ministère de la culture et de la communication préparerait un décret fixant un salaire plancher pour toute commande de photographies effectuée auprès d'un journaliste pigiste et étendant à ces personnes l'application des accords d'entreprises relatifs à la rémunération complémentaire pour la réutilisation de leurs oeuvres sur différents supports. La fixation de ce salaire plancher est toutefois délicate, car elle se heurte à l'extrême diversité des pratiques dans le métier, avec des rémunérations octroyées, selon les acteurs, à la journée, au sujet publié ou encore à l'image ;

- le lancement d'une étude indépendante chaque semestre sur l'emploi de la mention « droits réservés » . Le ministère de la culture et de la communication s'est saisi depuis plusieurs années du problème posé par l'utilisation abusive de la mention « droits réservés », qui prive les photographes d'une juste rémunération et contribue au mouvement de baisse du prix de la photographie. Une mission de médiation avait été confiée en 2013 à Francis Brun-Buisson, qui a débouché en 2014 sur la signature d'un code de bonnes pratiques professionnelles entre éditeurs de presse, agences de presse et photographes , par lequel les professionnels de la presse se sont engagés à limiter l'utilisation de la mention « droits réservés » aux cas dans lesquels l'auteur d'une photographie ne peut pas être identifié en dépit d'un réel effort de recherche de la part de l'éditeur et ceux dans lesquels le photographe ou l'agence aurait souhaité conserver son anonymat. Depuis la mise en place de ce code de bonnes pratiques, l'utilisation de la mention « droits réservés » paraît régresser, mais la réalisation, sur une base régulière, de l'étude annoncée par le ministère devrait jouer un rôle incitatif pour la circonscrire. Votre rapporteur pour avis estime que des actions de sensibilisation en direction des auteurs et des utilisateurs d'images pourraient également être envisagées afin de faire mieux comprendre la portée de cette mention ;

- le renforcement de la dotation du fonds pour la photographie documentaire et l'élargissement de son périmètre pour permettre à davantage de photojournalistes d'y prétendre.

Le fonds de soutien à la photographie documentaire contemporaine

Mis en place en 2011, le fonds de soutien à la photographie documentaire contemporaine, géré par le CNAP, vise à accompagner les photographes pour la production d'un projet documentaire. Ce soutien s'adresse aux photographes dont la démarche est validée par des publications (quotidiens, hebdomadaires, mensuels ou revues...) et le cas échéant des expositions dans des lieux professionnels de diffusion. Il est destiné principalement à conforter l'inscription du travail du photographe dans le champ professionnel et à rendre possible un travail de création. Il prend la forme d'une allocation forfaitaire d'un montant de 4 000 euros, 8 000 euros ou 12 000 euros.

Source : Ministère de la culture et de la communication

Si ces mesures constituent de premières avancées, votre rapporteur pour avis considère qu' elles ne répondent pas à l'ensemble des problèmes auxquels le photojournalisme est confronté, à commencer par le manque de renouvellement de la profession . Sur les 1 222 photojournalistes recensés en 2014 par l'Observatoire des métiers de la presse, seuls 135 d'entre eux avaient moins de 34 ans. Pourtant, le faible nombre de jeunes photojournalistes ne trouve pas son origine dans une crise de vocation - le nombre de jeunes présents au festival « Visa pour l'image » à Perpignan suffit à infirmer cette hypothèse -, mais dans la difficulté à accéder à ce métier et à en vivre. Des échanges que votre rapporteur pour avis a eus avec des agences photographiques, il s'avère que ces dernières sont exclues du bénéfice des aides à la presse, si ce n'est l'exonération de la contribution économique territoriale et l'application d'un taux de TVA super réduit à 2,1 %. Votre rapporteur pour avis estime que la mise en place d'aides ciblées à destination des jeunes qui se lancent dans le photojournalisme , dans le cadre d'une refonte des aides à la presse, pourrait constituer une piste intéressante pour contribuer au renouvellement de la profession.

LE SOUTIEN PUBLIC AU CINÉMA

SECONDE PARTIE - LE SOUTIEN PUBLIC AU CINÉMA

7 janvier, 13 novembre : 2015 a vu la France, nation des Lumières, attaquée dans ce qu'elle a de plus précieux, de plus original et de plus fier, sa liberté d'expression, son art de vivre, sa culture. Pourtant, cette même année, son cinéma, insoumis et talentueux, affirmait encore une fois un insolent succès dans les salles hexagonales et étrangères. 2016, à nouveau blessée par la tragédie niçoise, ne fait pas exception et voit le septième art français toujours rayonner. Frédérique Bredin, présidente du Centre du cinéma et de l'image animée affirme à cet égard avec raison combien « le cinéma nous préserve de l'ignorance par les débats qu'il suscite » . Puisse-t-il poursuivre haut et fort sa mission de tolérance et répandre son message d'espoir.

Une telle longévité dans le succès n'aurait pu être possible, et ne le sera pas à l'avenir, sans un soutien public sans faille au bénéfice de la création. Le quinquennat qui se clôt en porte la marque. Depuis 2012, le ministère de la culture et de la communication a modernisé le financement du fonds de soutien au cinéma et à l'audiovisuel à travers la réforme de la taxe sur les services de télévision et de la taxe sur la vidéo à la demande.

Il a défendu avec force la protection et la promotion de la diversité culturelle à l'ère du numérique, obtenant à la fois l'exclusion du secteur audiovisuel du mandat de négociation de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis en juin 2013 et une réforme des règles relatives aux aides d'État dans le cinéma et l'audiovisuel conditionnant leur subvention à la localisation de l'activité sur le territoire national. Les positions françaises ont également été entendues dans le cadre des propositions de la Commission européenne s'agissant de l'implication des plateformes de vidéo en ligne dans le soutien à la création européenne comme de la défense du droit d'auteur.

Pour adapter les politiques publiques aux évolutions technologiques, la lutte contre le piratage s'est vu dotée de nouveaux outils et les salles ont été accompagnées dans leurs travaux de numérisation. Un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur le prix des places de cinéma, mis en place en 2013, a permis d'attirer vingt millions de jeunes supplémentaires dans les salles obscures grâce à un tarif réduit.

En cinq ans, les aides en faveur de l'audiovisuel et du multimédia ont cru de 10 % et d'importantes réformes, notamment fiscales, ont permis d'encourager la localisation des activités et des emplois en France. Parallèlement, la transparence des relations contractuelles a été améliorée, l'inflation des coûts de production freinée et la diversité de l'offre sur l'ensemble du territoire national assurée. Les mesures en faveur de la distribution et de l'exportation des oeuvres seront l'objet de l'année 2017, fin d'un grand quinquennat pour le cinéma français.

I. LA FRENCH TOUCH : UN SUCCÈS QUI NE SE DÉMENT PAS

A. UNE PRODUCTION PROLIFIQUE

1. 2015 : le cinéma français n'a jamais tant tourné
a) Une augmentation de la production pour l'ensemble des genres

En 2015, 300 films de long métrage de fiction, de documentaire et d'animation ont obtenu l'agrément du CNC , soit 42 de plus qu'en 2014 et le plus haut niveau depuis 1952 , année des premières statistiques relatives à la production.

Nombre de films agréés selon le genre

Source : CNC - Bilan 2015

L'augmentation constatée concerne principalement les films d'initiative française (31 films supplémentaires, soit une augmentation de 15,3 %), dont le nombre atteint le niveau record de 234 oeuvres , tous genre confondus, produites en 2015, presque intégralement tournée en numérique.

Évolution du nombre de films français produits

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Films d'initiative française

203

206

209

208

203

234

Films à majorité étrangère

58

65

70

61

55

66

Total

261

271

279

269

258

300

Source : CNC

La progression du volume de production diffère sensiblement en fonction des catégories d'oeuvres de long métrage.

Ainsi, les longs métrages de fiction enregistrent une croissance dynamique du nombre de productions : 250 ont été agréés en 2015, pour seulement 212 en 2014. 189 sont d'initiative française et se concentrent sur quatre genres seulement : la comédie, la comédie dramatique, le drame et le drame psychologique, aux frontières parfois ténues.

Par ailleurs, le nombre de documentaires se maintient à un niveau élevé avec 47 productions agréées, dont 42 d'initiative française - ce résultat porte la proportion du documentaire français à 15,7 % des oeuvres produites - et 21 premiers films. En 2015, dix titres de plus qu'en 2014 et vingt-six de plus qu'en 2006 ont ainsi été produits.

Nombre de longs métrages documentaires agréés

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Films documentaires agréés

30

21

29

36

31

28

36

42

38

37

dont films d'initiative française

28

20

28

34

27

26

30

38

36

35

Source : CNC

En revanche, en 2015, seuls trois films d'animation, tous français , ont été agréés par le CNC, contre neuf dont cinq d'initiative française l'année précédente.

b) Des investissements en forte progression

En 2015, les investissements dans les films agréés (coproductions majoritaires étrangères incluses) s'élèvent à 1,2 milliard d'euros , en augmentation de 230 millions d'euros par rapport à 2014 (+ 23,1 %).

Investissements dans les films agréés

( en millions d'euros )

Source : CNC - Bilan 2015

Avec 1,02 milliard d'euros, les investissements dans les films d'initiative française retrouvent un niveau proche de celui de 2013 ; sur ce total, 923,7 millions d'euros correspondent à des investissements publics ou privés français , même si les investissements étrangers ont plus que doublé entre 2014 et 2015 avec 25 films supplémentaires en coproduction internationale, portant leur proportion à 47,3 % des productions agréées.

Nombre de films en coproduction internationale

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Films à majorité française

37

52

51

45

60

55

59

55

51

76

Films à majorité étrangère

39

43

44

48

58

65

70

61

55

66

Total

76

95

95

93

118

120

129

116

106

142

Source : CNC

Le niveau d'investissement, tous partenaires confondus, observé est logiquement corrélé au volume de production aussi bien qu'au coût du devis moyen , qui s'établit en 2015, pour les oeuvres d'initiative française, à 7,4 millions d'euros pour les films d'animation, à 4,4 millions d'euros pour les longs métrages de fiction et à 600 000 pour les documentaires.

S'agissant de la fiction, le devis moyen des films d'initiative française progresse, pour la première fois depuis cinq ans , de 11,1 %. Toutefois, en dix ans, il a diminué de 17,1 %, en raison notamment de la limitation de certains coûts de production liée à l'essor du numérique.

La progression constatée en 2015 s'explique par l'augmentation du nombre de films dits « du milieu », catégorie dont le devis oscille entre 4 et 7 millions d'euros. En outre, 51 fictions, contre 36 en 2014, affichent un devis supérieur à ce plafond et recueillent logiquement 57,5 % des financements. Toutefois, l'année 2014 avait été exceptionnellement basse en termes de niveau d'investissement (environ 800 millions d'euros). Par conséquent, la comparaison de l'année 2015 avec 2013 apparait plus pertinente : on dénombrait alors 48 films d'initiative française présentaient un devis de plus de 7 millions d'euros.

2. Une réussite commerciale inégale
a) Un succès aléatoire et extrêmement concentré

La santé florissante de la production française en volume ne signifie pas pour autant, loin s'en faut, que les oeuvres rencontrent un public équivalent ni même s'avèrent commercialement rentables lorsque leur diffusion demeure trop confidentielle .

Malgré une fréquentation élevée des salles de cinéma (cf. supra ), seuls deux films français ont réalisé en 2015 plus de trois millions d'entrées, contre quatre en 2014. Il s'agit le plus souvent de comédies populaires ou de films d'animation, les oeuvres recommandées « art et essai » ayant traditionnellement plus de difficultés à conquérir un large public : en 2005, elles attiraient 34,8 % des entrées, mais seulement 21,3 % en 2014 malgré l'étonnant classement, cette année-là, du Loup de Wall Street dans cette catégorie. Les dix films les plus performants génèrent en outre plus de 40 % des recettes.

Répartition des entrées selon la recommandation des films 1

( en % )

Source : CNC - Bilan 2015

Le constat, malgré une amélioration notable, n'est guère meilleur pour les documentaires, en raison d'une distribution encore limitée. En 2015, 99 documentaires ont été distribués dans moins de 100 établissements en première semaine d'exploitation, soit 95,2 % de l'ensemble des documentaires distribués. Les documentaires sortent, en moyenne, dans six fois moins d'établissements (22 établissements sur l'ensemble du territoire national) que les films tous genres confondus (136 établissements).

L'année 2015 a toutefois enregistrée un résultat plus favorable à ce genre puisque les documentaires ont représenté 15,9 % de l'ensemble des films de longs métrage sortis en salles pour un total de 2,2 millions d'entrées, en augmentation de 9 % , même si ce niveau de représente que 1,2 % des entrées de l'ensemble des films inédits de l'année.

La concentration du succès sur quelques oeuvres s'accentue également sur le marché de la vidéo à la demande : en 2014, les dix premiers films acquis en paiement à l'acte représentaient 15,1 % des ventes en valeur, contre 10,9 % l'année précédente.

b) Le cas particulier du court métrage

Parmi les oeuvres ayant du mal à trouver un public suffisant, le court métrage, dont la production annuelle atteint 600 oeuvres sous visa d'exploitation du CNC d'une durée moyenne de vingt minutes, a récemment fait l'objet d'une réflexion de l'opérateur et de la filière sur la base des préconisations du rapport remis par Anne Bennet en novembre 2015 2 ( * ) à l'occasion du 30 e Festival européen du film court à Brest.

Le rapport confirme la nécessité d'adapter et de moderniser le modèle de financement de ce secteur, économiquement fragile , mais vecteur essentiel du renouvellement des talents et du tissu productif de la filière cinématographique et audiovisuelle, mais également d' améliorer la diffusion des oeuvre s. À cet effet, il propose plusieurs pistes de réforme, en particulier :

- le renforcement des capacités de financement du secteur, d'une part par les diffuseurs télévisuels historiques, d'autre part en explorant de nouvelles opportunités (médias numériques, financements participatifs, mécénat, exportations, etc.) ;

- l'amélioration des conditions de diffusion en salles et à la télévision , notamment en incluant systématiquement le court métrage dans les négociations relatives aux engagements professionnels en matière de diffusion, en accordant la recommandation « art et essai » à l'ensemble des productions et en lançant une expérimentation de diffusion de courts métrages en première partie dans un réseau de salles volontaires ;

- l'engagement d'une réflexion avec les diffuseurs sur la mise en oeuvre d'une contribution à la production de courts métrages à hauteur de 0,1 % de leur chiffre d'affaires destinée à alimenter un fonds de dotation ;

- la modification de l'aide aux programmes de production du CNC en privilégiant la prévisibilité de l'aide pour les structures les plus actives et l'accessibilité du dispositif aux nouveaux entrants.

Les pistes qui concernent directement le CNC (renforcement et refonte des financements publics, diffusion en salle de cinéma et classement « art et essai », place du court métrage au niveau européen et international, soutien aux démarches innovantes et à la formation et à l'éducation à l'image, médiatisation du court métrage) ont été le sujet d'un groupe de travail avec les principales organisations professionnelles qui s'est régulièrement réuni entre novembre 2015 et juin 2016 pour expertiser les préconisations concernant les aides à la production, à la diffusion en salle, à l'exportation et à la promotion.

Les mesures qui entreront en application en 2017 contribueront, grâce à une enveloppe supplémentaire de 600 000 euros, à consolider le rôle fondamental du court métrage dans l'accueil des nouveaux talents, en répondant à trois enjeux :

- favoriser une plus grande diversité des oeuvres soutenues, en assurant notamment une plus grande liberté pour les acteurs ;

- améliorer l'accompagnement des talents émergents, en garantissant notamment une progressivité des soutiens et une meilleure attention au parcours ;

- rendre plus lisibles et visibles les soutiens du CNC, en simplifiant les dispositifs et en valorisant davantage les oeuvres, les acteurs du secteur et l'action du CNC.

Les autres mesures envisagées, qui ne dépendent pas directement du CNC mais pour la mise en oeuvre desquelles il pourrait jouer le rôle de « facilitateur », devront en revanche faire l'objet d' une concertation avec les acteurs concernés (cadre règlementaire des obligations télévisuelles, nouvelles sources de financement).

Au-delà de cette indispensable réforme, il convient de rappeler que le CNC mène d'ores et déjà une action ambitieuse en faveur du court métrage, via des aides sélectives et automatiques . En 2015, l'opérateur a maintenu à un niveau élevé son soutien à la production de films courts à hauteur de 13,8 millions d'euros, tandis que ses partenaires (collectivités territoriales et chaînes de télévision notamment) y consacraient 9,9 millions d'euros.

Le CNC intervient également en soutien à la diffusion par des mécanismes d'aides sélectives ou automatiques et par des aides directes à plusieurs associations et organismes qu'il subventionne pour encourager la promotion culturelle et la diffusion commerciale de films de court métrage (agence du court métrage, Unifrance, etc.).

À titre d'exemple, l'Agence du court métrage compte en 2016 plus de 10 000 films déposés par les ayants droit qui bénéficient d'une remontée de droits importante (location à l'acte en salle, programmations constituées par l'agence dont sorties nationales, vente de droits TV en France et à l'étranger, etc.), près de 300 salles de cinéma adhérentes au réseau RADI (réseau alternatif de diffusion), qui diffusent un programme court en première partie de séance. À partir de la rentrée 2016, l'agence, soutenue par le CNC, propose des courts métrages sur DVD pour une utilisation dans un cadre périscolaire.

Existent enfin plusieurs manifestations d'intérêt national et international , parmi lesquels le Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand (162 000 entrées en février 2016) et le Festival européen du court métrage de Brest (29 000 entrées en novembre 2015). Le CNC a initié, en décembre 2011, la manifestation « Le Jour le plus court - Fête du court métrage » dont l'objectif est de diffuser auprès du plus grand nombre des films courts, professionnels comme amateurs, dans les salles, les écoles, à la télévision, etc. Un catalogue de films (134 en 2015) est négocié pour l'occasion et proposé gratuitement aux organisateurs. En décembre 2015, la manifestation a compté plus de 3 000 organisateurs, dont 64 % d'établissements scolaires, 12 % de salles de cinéma et 10 % d'associations culturelles. Les 15 000 projections ont rassemblé 900 000 spectateurs.

Le secteur du court métrage doit, par ailleurs, s'adapter à la diffusion des oeuvres en numérique. Dans l'objectif de maintenir un patrimoine foisonnant susceptible de continuer à être programmé sur ces nouveaux supports destinés à remplacer les copies 35 mm, les courts métrages peuvent avoir accès aux aides mises en place par le CNC pour aider à la numérisation des oeuvres du patrimoine. À ce jour, 190 films de format court en ont profité.

B. UN PUBLIC FIDÈLE

1. Un loisir intergénérationnel, populaire et collectif
a) Des séniors toujours majoritaires dans le public des films français

Un sondage réalisé par l'Ifop en juillet 2016 auprès d'un millier d'internautes européens indique que le cinéma, loisir populaire et de proximité, demeure la sortie culturelle la plus répandue et la plus fréquente en Europe . Elle est majoritairement collective et planifiée.

En France, la fréquentation des salles est restée globalement stable en 2015 : 39,1 millions d'individus se sont rendus au cinéma au moins une fois au cours de l'année, pour une moyenne de 5,3 projections par spectateur. La diminution de cette moyenne induit, par rapport à 2014, une légère inflexion de 1,7 % du nombre d'entrées réalisées sur le territoire national avec un total de 71,8 millions. Avec une baisse de 21,4 %, les films français enregistrent toutefois un recul important , tandis que les films américains (+ 13,9 %) et européens (+ 49,1 %) réalisent un résultat fort satisfaisant. Le document stratégique de performance du CNC se montre néanmoins optimiste pour l'avenir, avec une prévision de 80 millions d'entrées prévues pour les films français en 2017 puis en 2018.

Entrées selon la nationalité des films de long métrage 1

( en millions )

Source : CNC - Bilan 2015

Les perspectives de fréquentation pour 2016 sont particulièrement optimistes : évalué dans un premier temps à 206 millions, le nombre d'entrées pourrait, selon les informations fournies par la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) à votre rapporteur pour avis, dépasser le niveau record de 210 millions. De fait, de nombreux films à succès, toutes catégories confondus, sont sortis - ou vont prochainement sortir - en salles. Les palmarès de plusieurs festivals ont ainsi mis récemment à l'honneur plusieurs productions françaises : prix de la mise en scène pour L'avenir au festival de Berlin et pour Personal Shopper au festival de Cannes, Caméra d'or pour Divines au festival de Cannes, notamment.

Depuis 2006, les plus de 35 ans représentent plus de la moitié des spectateurs (55, 3 % des entrées en 2015). Parmi eux, les plus de 50 ans comptabilisent 32,2 % des entrées et les femmes demeurent majoritaires.

Fréquentation selon l'âge en 2015

Source : CNC - Bilan 2015

Ce rapide état des lieux masque des différences importantes dans les usages selon la catégorie socio-professionnelle et la zone géographique . Même si l'année 2015 enregistre une augmentation de la fréquentation dans les zones rurales et les villes de moins de 20 000 habitants, Paris et les unités urbaines supérieures à 100 000 habitants continuent de concentrer près de la moitié des spectateurs.

Structure du public du cinéma selon les habitudes de fréquentation en 2015

( en % )

Source : CNC - Bilan 2015

En outre, les films ne rassemblent pas tous un public identique . À titre d'illustration, les films français ont réalisé en 2015 43,5 % de leurs entrées auprès des séniors , tandis que 42,4 % des spectateurs du cinéma américain avaient moins de 25 ans. Les films d'animation ont été, sans surprise, prisés par les enfants (41,3 % du public). Ces tendances ont toutefois chaque année leurs exceptions et, en 2015, Les nouvelles aventures d'Aladin , Les profs 2 , Pourquoi j'ai (pas) mangé mon père , Le Petit Prince et Connasse, princesse des coeurs , films français, ont réuni plus de 45 % de spectateurs de moins de 25 ans.

b) L'espérance de la relève

Si les Français se déplacent en nombre dans les salles obscures, la moindre appétence du public jeune pour les films français engage la filière, depuis plusieurs années, à rechercher les moyens d'y remédier par des actions ciblées . En 2017, 2,4 millions d'euros y seront consacrés par le CNC.

Le CNC, en lien avec les pôles régionaux d'éducation artistique et de formation au cinéma et à l'audiovisuel, finance à cet effet plusieurs dispositifs de soutien à l'éducation artistique , notamment des aides aux tirages de copies d'oeuvres audiovisuelles dans le cadre scolaire et, surtout, des actions de sensibilisation auprès des élèves. Depuis leur mise en place, les dispositifs d'éducation artistique au cinéma ont bénéficié à plus de 22 millions d'élèves pour près de 59 millions d'entrées en salle .

Dispositifs scolaires soutenus par le CNC (année scolaire 2013-2014)

Source : CNC - Bilan 2015

Les dispositifs d'initiation et d'enseignement au cinéma

École et cinéma (mis en place en 1994), Collège au cinéma (1989) et Lycéens et apprentis au cinéma (1998) poursuivent des objectifs communs :

- faire découvrir aux élèves des oeuvres cinématographiques lors de projections organisées spécialement à leur intention dans des salles de cinéma, au rythme d'une projection par trimestre ;

- travailler sur ces films en classe avec leurs enseignants ;

- former le goût et susciter la curiosité des élèves ;

- veiller, sur l'ensemble du territoire, à l'accès du plus grand nombre d'élèves à la culture cinématographique ;

- favoriser le développement de liens réguliers entre les jeunes et les salles de cinéma.

Le CNC édite des outils pédagogiques spécifiques pour ces dispositifs (livrets pour les enseignants et fiches pour les élèves) et finance le site www.transmettrelecinema.com qui propose un contenu pédagogique d'accompagnement. Une plateforme numérique pour l'éducation artistique au cinéma baptisée « Nanouk » a été mise en ligne à la rentrée scolaire 2016.

En 2016, le CNC consacre 2 millions d'euros à ces dispositifs. Pour l'année scolaire 2014-2015, ils ont concerné plus d'1,5 million d'élèves, soit 12,5 % des enfants et des jeunes scolarisés . L'ensemble des séances a représenté 3,8 millions d'entrées en salles, en stagnation par rapport à l'année scolaire précédente, malgré une augmentation du nombre d'élèves inscrits, en raison de l'annulation de séances du fait des consignes Vigipirate ayant suivi les attentats de janvier 2015.

Source : Ministère de la culture et de la communication

Le CNC est également à l'initiative de deux dispositifs nationaux d'éducation à l'image hors temps scolaire : « Passeurs d'images » (220 000 participants en 2015), mis en place prioritairement dans le cadre de la politique de la ville, et « Des cinés, la vie ! » (1 200 jeunes en 2015), opération lancée en 2006 dans le cadre du protocole Culture/Justice destinée à sensibiliser à l'image et à la citoyenneté les jeunes pris en charge par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Plus récemment, l'opérateur a engagé de nouvelles initiatives à destination du jeune public :

- un projet de jeu sur le cinéma à destination des élèves de CM1 ou CM2, afin de transmettre les fondamentaux de la culture cinématographique. Expérimenté en 2016, il pourrait être déployé dans 37 000 écoles à la rentrée 2017 et toucher 700 000 élèves d'une classe d'âge ;

- la mise à disposition de dix films citoyens auprès des enseignants, dans le cadre du plan interministériel « Citoyenneté et vivre ensemble » lancé après les attentats de janvier 2015. Ces titres seront disponibles en téléchargement et en streaming sur le site des Valeurs de la République depuis la rentrée 2016 ;

- le développement du projet expérimental « Enfants des Lumière(s) », initié par le CNC en 2015 pour les élèves des établissements situés dans les réseaux de l'éducation prioritaire ou en zone urbaine sensible . Il consiste à permettre aux jeunes d'assister à un tournage et de découvrir les métiers du cinéma.

Par ailleurs, en initiant, en 2015, le programme « Cinéma et citoyenneté », le CNC a souhaité, grâce à la mobilisation de volontaires du service civique, relancer les ciné-clubs dans les collèges et les lycées . En partenariat avec l'association Unis-cité, 330 jeunes en service civique ont organisé 540 projections dans 419 établissements scolaires de seize départements entre janvier et juin 2016, qui ont rassemblé 4 000 élèves. À cet effet, l'opérateur a mis à disposition de l'opération un catalogue de 26 films français défini en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. En 2017, l'objectif est d'étendre ce programme en recrutant 1 000 jeunes en service civique en partenariat avec les régions ; le CNC y attribuera une enveloppe de 2,2 millions d'euros . Il s'agira de la plus importante mission de service civique dans le domaine de la culture.

À ces dispositifs s'est ajoutée, en 2014 et en 2015, l'opération « 4 euros pour les moins de 14 ans » , lancée par les exploitants de salles en contrepartie de la diminution du taux de TVA applicable à la vente de billets. Il est délicat d'en quantifier l'effet en nombre d'entrées car, au cours de l'été 2015, plusieurs opérateurs ont décidé d'augmenter le tarif réservé à cette tranche d'âge à 4,50 euros, tandis que d'autres ont élargi le périmètre des bénéficiaires aux jeunes de moins de seize ans.

Quoi qu'il en soit, le bilan du CNC fait apparaître qu' en 2015 les moins de quatorze ans n'ont jamais été aussi nombreux à se rendre dans les salles de cinéma . Leur nombre progresse de 6 % pour atteindre 6,1 millions, soit le niveau le plus élevé depuis 1993 (première année d'étude sur la structure du public). 84,7 % des moins de 14 ans sont allés au moins une fois au cinéma en 2015, contre 80,9 % en 2014. Les 6-10 ans sont 3,4 millions à être allés au cinéma, soit également le niveau le plus élevé jamais observé depuis 1993 (+ 11,5 % par rapport à 2014). Le nombre de 11-14 ans est stable à 2,7 millions. Plus largement, 2015 a vu la proportion des moins de 25 ans atteindre 32,2 % des spectateurs , soit le niveau le plus élevé enregistré depuis vingt ans et, surtout, désormais exactement équivalent à celui des séniors.

Saluant le succès des dispositifs mis en oeuvre à destination du jeune public, votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux leur poursuite et leur développement , notamment dans les établissements scolaires situés dans les quartiers les plus fragiles ainsi qu'en zone rurale, afin que le cinéma, sortie culturelle populaire, demeure un loisir intergénérationnel.

2. Une diffusion en salles au bénéfice des spectateurs
a) Un parc dense, diversifié et soutenu

En 2015, le parc cinématographique français compte 5 741 écrans actifs , soit 460 écrans de plus qu'en 2006. Ce résultat est étroitement corrélé au développement des multiplexes (six ouvertures par an en moyenne de cinémas de plus de huit écrans entre 2006 et 2015), mais également à l'adjonction d'écrans supplémentaires dans les établissements existants .

Il en résulte une augmentation du nombre d'écrans, dans un contexte de diminution du nombre d'établissements cinématographiques , puisque, dans le même temps, le parc français a perdu 31 établissements pour un nombre total de 2 033 écrans en 2015. La taille moyenne des établissements cinématographiques est ainsi passée de 2,6 écrans et 493 fauteuils en 2006 à 2,8 écrans et 538 fauteuils en 2015.

Parc cinématographique français 1

Source : CNC - Bilan 2015

Avec 46 nouveaux établissements, dont sept multiplexes, et 33 fermetures, l'année 2015 ne modifie pas la tendance observée depuis une dizaine d'années. Toutefois, si, par le passé, les fermetures portaient majoritairement sur des établissements de petite taille, elles concernent désormais également des cinémas de taille moyenne : en 2015, onze cinémas d'au moins quatre écrans ont fermé, provisoirement ou définitivement.

Évolution des ouvertures et fermetures d'écrans 1

Source : CNC - Bilan 2015

Le nombre de petits établissements continue à diminuer au profit des plus grands , puisque seuls les établissements de plus de six écrans voient leur nombre augmenter sur la période. Pour autant, en 2015, les établissements mono-écran, au nombre de 1 160, représentent encore 57,1 % des établissements du parc. L'évolution de la fréquentation des salles ne leur apparaît toutefois pas favorable : les multiplexes de huit écrans et plus réalisent désormais 60 % des entrées.

Établissements selon le nombre d'écrans en 2015 1

Source : CNC - Bilan 2015

Les nouvelles structures s'installent fréquemment, compte tenu des contraintes pesant sur l'aménagement cinématographique du territoire définies par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, sur des territoires dans lesquels l'offre a été jugée insuffisante ; dix-neuf communes supplémentaires ont ainsi été équipées en dix ans : 60 % des communes comptant entre 10 000 et 20 000 habitants disposent désormais d'un établissement. Paris bénéficie, pour sa part, de 85 cinémas.

Un sort particulier doit toutefois, dans cette analyse, être réservé à Paris. Malgré d'importants investissements, bien que trop souvent tardifs, les salles parisiennes voient leur fréquentation s'éroder (- 15 % en dix ans), au profit du parc de banlieue plus accessible pour de nombreux habitants et, désormais, plus moderne. Même les quartiers historiques du cinéma souffrent, comme les salles des Champs-Élysées, particulièrement sinistrées.

Le parc cinématographique français est, tous établissements confondus mais à des niveaux et selon des dispositifs différenciés, massivement aidé par le CNC. Le montant de ces aides a représenté 101,7 millions d'euros en 2015.

Le soutien aux établissements cinématographiques

En 2015, les dispositifs n'ont concerné que les salles métropolitaines, mais, depuis le 1 er janvier 2016, la mise en place de la taxe spéciale additionnelle (TSA) perçue sur le prix du billet d'entrée dans les départements d'outre-mer a ouvert ce soutien aux salles de ces territoires.

Avec le soutien automatique à l'exploitation , chaque établissement bénéficie d'un compte géré par le CNC. Les droits au soutien sont calculés sur la base d'un pourcentage de la TSA que génère chaque cinéma. Ce système est redistributif et dégressif ; il privilégie les exploitations petites et moyennes. Les droits inscrits au compte de soutien automatique sont utilisables par les exploitants réalisant des dépenses d'investissement dans leurs salles (travaux de rénovation, équipements, créations de nouvelles salles).

Des avances sur les droits futurs peuvent par ailleurs être consenties en cas d'insuffisance des droits acquis pour financer les travaux prévus .

Par ailleurs, l'aide sélective à la création et à la modernisation de salles en zone insuffisamment équipée constitue un outil décisif pour l'aménagement culturel du territoire. En 2015, 46 projets ont sollicité cette aide ; 41 ont obtenu une subvention pour un montant total de 7,4 millions d'euros correspondant en moyenne à 16,3 % du coût des projets soutenus, notamment des travaux de mise aux normes d'accessibilité aux personnes handicapées.

En outre, le classement Art et Essai permet de soutenir les salles de cinéma qui programment une proportion conséquente de films recommandés « Art et Essai » et les soutiennent par une politique d'animation adaptée. Le classement donne lieu à l'attribution d'une subvention destinée à soutenir l'activité de la salle concernée. En 2015, 1 159 établissements sont classés Art et Essai, pour un montant de 14,5 millions d'euros de subvention (12 500 euros par établissement en moyenne). À la suite du rapport remis par Patrick Raude en mai 2016, une réforme est en cours afin de renforcer et de simplifier le soutien à ces cinémas.

Enfin, l'aide aux salles à la programmation difficile propose un accompagnement spécifique aux salles des grandes agglomérations assurant une diversité de diffusion. Ce dispositif a accompagné 38 établissements, majoritairement parisiens, pour un montant de 1,8 million d'euros en 2015.

Source : CNC

b) Un accord unanime pour une réforme attendue

Dans le cadre du deuxième volet des Assises du Cinéma relatif à la diffusion des films en salle, un accord sur les engagements de programmation et de diffusion a été signé à Cannes le 13 mai dernier par l'ensemble des organisations professionnelles de distributeurs, exploitants, auteurs et producteurs, après plusieurs mois d'âpres négociations menées sous l'égide du CNC. Il affiche, au bénéfice du public, l'ambition d'une plus grande diversité et d'une meilleure qualité de l'offre de films en salles .

Cet accord, que salue votre rapporteur pour avis, rend compte, en matière de régulation de la programmation, de l'évolution des pratiques de diffusion : en conséquence de l'avènement du numérique et de l'augmentation du nombre de films produits, la durée de diffusion en salles s'est raccourcie, tandis que certaines oeuvres peinaient à se trouver à l'affiche dans les zones rurales et dans les villes de moins de 50 000 habitants.

L' accord du 13 mai 2016 prévoit d' étendre les engagements de programmation aux établissements comptant au moins six écrans , contre huit précédemment, intégrant une exposition minimale, exprimée en nombre de séances garanties, des films européens et des genres peu diffusés . Les exploitants devront en outre s'engager à diffuser un nombre fixé au préalable de films proposés par des distributeurs ayant réalisé moins de deux millions d'entrées.

L'accord permet également, afin de diversifier l'offre, une meilleure régulation de la multidiffusion (programmation d'un même film dans plusieurs salles d'un même établissement simultanément) en imposant aux exploitants le respect d'un plafond de multidiffusion .

Les engagements de programmation cinématographique

Les engagements de programmation cinématographique visent à assurer le maintien de la diversité de l'offre cinématographique et à garantir la plus large diffusion possible des oeuvres cinématographiques conforme à l'intérêt général.

Instauré par la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle puis réformé par l'ordonnance n° 2009-1358 du 5 novembre 2009 modifiant le code du cinéma et de l'image animée, ce dispositif de régulation concerne les groupements et ententes de programmation, dont l'agrément est conditionné à l'homologation des engagements de programmation par le président du CNC, et les exploitants dont le volume d'activité est susceptible de faire obstacle au libre jeu de la concurrence et à la plus large diffusion des oeuvres.

Soumis pour avis au médiateur du cinéma et homologués par le président du CNC, les engagements de programmation cinématographique ont pour objectif de :

- favoriser l'exposition et la promotion des oeuvres cinématographiques européennes et des cinématographies peu diffusées ;

- garantir le pluralisme dans le secteur de la distribution cinématographique ;

- garantir la diversité des oeuvres cinématographiques proposées au spectateur et le pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique .

L'obligation de publication prévue par le code du cinéma et de l'image animée contribue à renforcer la transparence du dispositif.

Source : CNC

Parallèlement à une ambition nouvelle pour les engagements de programmation des exploitants, les professionnels se sont entendus pour fixer, pour la première fois, des engagements de diffusion : les distributeurs devront notamment distribuer, à compter du 1 er janvier 2017, des films d'art et essai dits « porteurs » , c'est à dire visibles sur au moins 175 écrans, dans les zones rurales et les agglomérations de taille modeste . Une recommandation conjointe du comité de consultation pour la diffusion numérique en salles et de la médiatrice du cinéma sera élaborée à l'automne à l'intention des distributeurs, afin de leur indiquer leurs nouvelles obligations.

Afin de mesurer la réalité de la mise en oeuvre de ces mesures, un bilan intermédiaire sera établi par le CNC au second semestre de 2017. En tout état de cause, le non-respect des engagements de l'accord aura des conséquences dans l'attribution des aides sélectives à la distribution comme en matière d'accès des distributeurs au dispositif de soutien de l'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC). En contrepartie, les distributeurs bénéficieront, en 2017, d'un plan d'aide de 5 millions d'euros et d'un rehaussement à 3 millions d'euros (2 millions d'euros en 2016) de leur bonus dans le cadre du soutien automatique.

Si votre rapporteur pour avis se réjouit d'un tel accord, il rappelle qu'il ne remet nullement en cause la nécessité, pour les professionnels, d'envisager la suite à donner à l'extinction, prévue en 2021, des frais de copies virtuels dus par les distributeurs aux exploitants en contrepartie de la diffusion numérique d'une oeuvre, en application de la loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques. Il n'est en effet pas envisageable, au motif de l'achèvement de la numérisation du parc de salles, de déréguler, par la gratuité des copies, la distribution et l'exploitation. Les conséquences sur les exploitants comme sur les distributeurs les plus fragiles d'un marché sans garde-fou de l'offre et de la demande seraient on ne peut plus néfastes.

Il conviendra probablement de réfléchir à un financement certes moins élevés pour les distributeurs, mais dont les exploitants pourraient continuer à bénéficier pour l'entretien des équipements numériques. À cet effet, votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux la relance du comité parlementaire prévu par la loi précitée du 30 septembre 2010.

C. UNE CAPACITÉ D'EXPORTATION RARE

1. La réputation de qualité et d'originalité du cinéma français

Présentés par le CNC dans le cadre de son bilan pour l'année 2015, les résultats des productions françaises à l'export confirment la compétitivité de l'industrie cinématographique nationale et l'attrait indéniable pour les oeuvres françaises.

En 2014, les ventes de programmes audiovisuels à l'étranger ont augmenté de 12,1 % pour atteindre 153,8 millions d'euros , soit le plus haut niveau jamais observé. Avec 45 millions d'euros, l'animation demeure le premier genre à l'export (29,3 % des ventes), malgré une légère diminution du chiffre d'affaires imputable notamment à la réduction du volume de production. Le court métrage, pour sa part, enregistre une diminution de 4,8 % de ces recettes nettes à l'international avec 533 films vendus, contre 583 en 2013. La fiction (+ 49,3 % de ventes) et le documentaire (+ 13,2 %) prennent a contrario leur envol sur le marché de l'exportation et voient leur recettes à l'étranger - respectivement 38,9 et 34,9 millions d'euros - talonner les résultats de l'animation.

L'année 2015 fut, en revanche, en deçà des excellents chiffres affichés en 2014, avec un total de 551 films diffusés sur les écrans étrangers (seize de moins qu'en 2014) réalisant 108,6 millions d'entrées (- 9,6 %). Ce recul ne doit toutefois pas masquer la progression constante de la France à l'export ni l'excellence de la performance. Les résultats de 2015 à l'international se placent en troisième position sur les vingt dernières années. En outre, pour la deuxième année consécutive, les films français réalisent davantage d'entrées à l'étranger que sur le territoire national , grâce notamment au succès de Taken 3 (44 millions d'entrées), du Petit Prince (15,1 millions d'entrées, meilleur résultat de l'animation française à l'étranger depuis vingt ans lui permettant d'afficher un total 21,2 millions d'entrées à l'étranger soit 5,7 fois plus qu'en 2014) et de Le transporteur - Héritage (12,7 millions d'entrées). Dix films français ont réalisé plus d'un million d'entrées hors de nos frontières.

En outre, les entrées des films en langue française ont progressé de 26,7 % pour atteindre 44,1 millions, grâce notamment au succès international de La famille Bélier . Enfin, 2015 a été marquée par nombre de récompenses au bénéfice de films tricolores : Palme d'Or du Festival de Cannes pour Deephan , prix du meilleur court métrage à Toronto pour Maman(s) , prix d'interprétation décerné à Venise à Fabrice Luchini pour son rôle dans L'Hermine .

Entrées des films français à l'étranger

( en millions )

Source : CNC - Bilan 2015

Si l'Europe de l'Ouest représente toujours le premier territoire d'export des productions françaises, porté par les achats de programmes audiovisuels réalisés par l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et le Royaume-Uni, l'année 2014 a vu la reprise du marché américain, le retour de la croissance des ventes en zone asiatique et une nette progression du marché africain.

Ventes de programmes audiovisuels français par zone géographique

( en millions d'euros )

Source : CNC - Bilan 2015

Selon les informations transmises par Unifrance à votre rapporteur pour avis, l'année 2015 s'est, pour sa part, caractérisée par une réorientation tendancielle du marché vers des pays jadis émergents , même si l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord demeurent des territoires stratégiques. La Chine est ainsi devenue le premier pays d'exportation des films français, tandis que les ventes en Amérique latine ont sensiblement augmenté.

Malgré d'immenses succès populaires et des résultats plus que satisfaisant à l'export, la réputation et l'image du cinéma français à l'étranger demeurent souvent celui d'un art intellectuel et esthétique . Les films, réalisateurs et acteurs de la Nouvelle Vague restent à bien des égards la référence ultime d'un public étranger majoritairement urbain et éduqué. Selon un sondage commandé par UniFrance en 2014, le cinéma français est drôle pour les Russes, intimiste pour les Américains, beau pour les Sud-Coréens, bavard pour les Québécois.

Au Japon, où la France s'affiche comme le deuxième exportateur de films après les États-Unis, les productions populaires ( Intouchables en 2012, Lucy et La Belle et la Bête en 2014) partagent d'excellents résultats avec les films d'auteur, à l'instar de The Artist en 2012 ou, plus récemment Marguerite et Yves Saint-Laurent , tandis que les films d'animation, concurrencés, par la production locale, y essuient régulièrement des échecs. Les comédies fonctionnement merveilleusement en Allemagne et en Russie, alors que l'Espagne fait figure d'eldorado pour les films d'horreur. Les États-Unis, patrie du blockbuster , accueillent 60 à 70 films par an, qui, majoritairement projetés sur un ou deux écrans de New York ou de Los Angeles avant de poursuivre une carrière confidentielle à Seattle, Boston ou Chicago, représentent à peine 2 % du marché américain. La Chine demeure un marché d'avenir : les négociations se poursuivent pour ouvrir aux productions nationales un territoire où seuls huit films français sont autorisés à sortir en salles chaque année.

2. Un investissement payant

Si la qualité et l'originalité des productions françaises constituent le premier moteur de leur succès à l'étranger, le soutien public à l'exportation représente un outil essentiel de marché de la vente d'oeuvres hors des frontières nationales. Il s'articule, sous l'égide du CNC qui y a consacré 11,3 millions d'euros en 2015, autour de cinq axes :

- l'octroi, depuis 1997, de soutiens financiers directs aux exportateurs , pour un total de 3,9 millions d'euros en 2015 comme en 2016. Dans ce cadre, l'aide à la prospection à l'étranger (octroyée film par film et/ou pour l'ensemble de la stratégie d'exportation d'une société), permet de bénéficier des supports (plaquettes, affiches, stands, sites Internet, supports numériques). En 2015, 174 films et 31 sociétés en ont bénéficié. Depuis 2013, cette aide est ouverte aux films de patrimoine soutenus par l'action de numérisation du CNC ainsi qu'aux longs-métrages en langue étrangère. De nouvelles adaptations ont à nouveau été apportées au dispositif en 2015 avec l'éligibilité des frais de mise en ligne et de protection anti-piratage plafonnée à 4 500 euros par société et par an et l'augmentation du plafond de soutien par société à 150 000 euros par an. L'aide à la diffusion des films français à l'étranger permet d'inciter les distributeurs étrangers à améliorer la diffusion des films français, en élargissant les plans de sortie commerciale et/ou en investissant plus massivement dans les campagnes publicitaires accompagnant les sorties. En 2015, 241 films ont été accompagnés dans 48 pays. Existent enfin, des aides au sous-titrage et au doublage pour faciliter la promotion et la vente à l'étranger de films tournés en langue française. En 2015, 84 films en ont bénéficié ;

- l'abondement de la dotation du Fonds d'avances remboursables pour l'acquisition, la prospection et la promotion de films à l'étranger (FARAP) créé en 2013 et géré par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Il est destiné à soutenir les exportateurs dans l'acquisition des droits internationaux de films et leur promotion à l'étranger . Doté initialement de 8 millions d'euros par le CNC, ce fonds offre à ses bénéficiaires des avances pour une durée comprise entre 12 et 36 mois. En 2014, le CNC a procédé à une nouvelle dotation du FARAP destinée à financer la poursuite de son activité en 2015 et 2016 et à relever à 850 000 euros par entreprise le montant maximal de l'avance. Dix sociétés en ont été bénéficiaires en 2015, pour un montant total de 3 millions d'euros ;

- la subvention versée à l'association UniFrance pour ses activités de promotion du cinéma français à l'étranger, pour un montant de 6,36 millions d'euros sur un budget total de 9,2 millions d'euros ;

UniFrance, un rouage essentiel

1. L'organisation de festivals et de marchés autour du film français

UniFrance organise chaque année une dizaine de manifestations sur des territoires-cibles en matière d'exportation (Brésil, Chine, Inde, États-Unis, Russie). En 2015, les « Rendez-vous with French cinema » de New-York ont célébré leur 20ème anniversaire, le programme « Young French Cinema » destiné à faire connaître les jeunes réalisateurs a été lancé et le festival du cinéma français du Japon a été pour la première fois précédée d'un marché organisé à Séoul.

L'association organise également des festivals en ligne, à l'image de « MyFrenchFilmFestival », dont la sixième édition s'est déroulée en 2016. Des internautes originaires de plus de 200 pays ont pu visionner des oeuvres méconnues à l'étranger sous-titrées en dix langues. Les partenariats noués avec 37 plateformes (22 en 2015) ont permis une fréquentation record de 6,5 millions de visionnages.

UniFrance a par ailleurs créé, en 1999, les « Rendez-vous européens du cinéma à Paris » devenu l'un des trois marchés les plus importants pour les vendeurs français avec Cannes et Berlin. L'édition 2016 a accueilli 39 sociétés d'exportation françaises et 465 distributeurs venus de 42 pays ont assisté aux projections de 86 films.

2. Une communication renforcée sur les films français

L'association participe aux grands marchés du film (Berlin, Cannes, Toronto, Santa-Monica, etc.) où elle met à disposition des exportateurs français une infrastructure (stand, projections, etc.). Elle a également conçu des outils de communication sur les films français à destination des professionnels et du public étranger, notamment une application gratuite sur Smartphones.

3. La connaissance des marchés étrangers

UniFrance assure une veille économique du secteur et un suivi régulier des résultats des films français à l'étranger en salles et à la télévision pour les principaux territoires. Ses connaissances et données statistiques sont mises à la disposition des adhérents. Par ailleurs, elle initie et participe à de nombreuses études sur les cinémas français et européen.

4. Une collaboration étroite avec le CNC en matière de gestion des aides à la promotion et la distribution des films français à l'étranger .

Source : UniFrance

- le soutien accordé à l'association Europa Cinémas en faveur de la programmation de films européens en salles (251 540 euros en 2015) ;

- enfin, le soutien à la numérisation des salles du réseau culturel français à l'étranger . En mai 2014, le CNC a signé une convention cadre avec les ministères des affaires étrangères et de la culture, l'Institut français et UniFrance, par laquelle il apporte son soutien à la numérisation de 17 salles, à hauteur de 100 000 euros par salle au maximum. Les établissements bénéficiaires s'engagent en contrepartie à mettre en oeuvre une stratégie de programmation assurant la promotion du cinéma français et européen . Les travaux ont été intégralement achevés en 2015.

À la suite de la publication successive des rapports de René Bonnell 3 ( * ) et de la Cour des comptes 4 ( * ) , et dans le cadre des Assises pour la diversité du cinéma, le CNC a mené une réflexion sur l'évolution des aides publiques à l'exportation des films français .

En 2015, le chantier export a été identifié comme une priorité de l'opérateur. Une mission d'aide à la décision a été confiée à René Bonnell, afin d'élaborer une stratégie plus efficace de promotion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises à l'étranger . La préfiguration d'un fonds de soutien automatique à la promotion du cinéma français à l'international et d'une aide renforcée et simplifiée à la promotion des oeuvres audiovisuelles à l'étranger sera finalisée en 2016.

En conséquence des ambitions affichées par l'opérateur, le document stratégique de performance du CNC présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 vise un résultat de 560 à 570 films français montrés en salle à l'étranger en 2017 puis de 570 à 590 films en 2018. Ces perspectives ambitieuses pourront être atteintes grâce à une aide supplémentaire de 9 millions d'euros inscrite au projet de loi de finances pour 2017 correspondant à la mise en place d'un soutien automatique à l'exportation des films, dont les modalités seront définies par le conseil d'administration du CNC à la fin de l'année 2016, et du renforcement des soutiens à la promotion des oeuvres.

II. UNE POLITIQUE PUBLIQUE QUI NE FAIBLIT PAS

A. LE CNC, MAÎTRE D'oeUVRE DU SOUTIEN PUBLIC

Si le budget de l'opérateur ne sera définitivement adopté par son conseil d'administration qu'au mois de novembre, le document stratégique de performance du CNC transmis au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 fait état d'une prévision de rendement des taxes destinées à l'opérateur de 671,1 millions d'euros (+ 0,7 %).

Estimation du produit des taxes pour 2017

Source : CNC - Rapport et perspectives 2015 - 2017 - Document stratégique de performance

À ce montant, s'ajoutera la mobilisation, à hauteur de 36 millions d'euros, de la réserve de solidarité pluriannuelle constituée au bilan du CNC et des sommes issues de deux taxes à caractère dissuasif et de faible rapport : les prélèvements spéciaux sur les bénéfices résultant de la production, de la distribution ou de la représentation de films pornographiques ou d'incitation à la violence, ainsi que les sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par le CSA à l'encontre des éditeurs de services de télévision qui n'ont pas respecté leurs obligations.

Avec un montant total de crédits de 707 millions d'euros, en augmentation de près de 5 % par rapport à 2016 , l'opérateur sera en mesure d'accompagner la croissance du volume de production découlant de la progression des investissements dans le cinéma et l'audiovisuel, mais également de mettre en oeuvre de nouvelles réformes.

1. Des recettes au dynamisme inégal
a) La taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision
(1) La taxe éditeurs

La taxe éditeurs, recouvrée et contrôlée directement par le CNC , est assise sur les recettes de publicité et de parrainage - y compris sur les services de télévision de rattrapage (déduction faite de 4 % pour frais de régie) - celles issues des appels surtaxés et des services interactifs (SMS), sur le produit de la contribution à l'audiovisuel public et sur les autres ressources publiques, notamment les dotations budgétaires. Le taux de la taxe est de 5,5 % de l'assiette imposable au-delà d'une franchise de 11 millions d'euros (16 millions d'euros pour les chaînes qui ne bénéficient pas de ressources provenant de la diffusion de messages publicitaires). Une majoration de 0,2 point s'applique aux chaînes diffusées en haute définition et une majoration de 0,1 point à la diffusion en télévision mobile personnelle.

La liquidation de la TST éditeurs, comme celles de la TST distributeurs, s'effectue sur la base de onze acomptes versés en année N , basés sur le montant de la taxe due au titre de l'année N-1 majoré de 5 % . Le solde de la taxe due au titre de l'année N est versé au début de l'année N+1, ajusté en fonction du chiffre d'affaires de l'année N déclaré. La suspension du versement des acomptes est possible si le redevable estime avoir payé son dû en cours d'année, avec toutefois une pénalité éventuelle si l'écart entre la TST due et la TST versée est supérieur à 20 %.

La loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a sécurisé l'assiette de la taxe s'agissant des recettes de SMS et de télévision de rattrapage , compte tenu des stratégies d'optimisation fiscale mises en oeuvre par certains éditeurs, qui en ont filialisé l'encaissement.

Le chiffre d'affaires des SMS échappant ainsi à l'assiette de la taxe était estimé à 34,6 millions d'euros en 2015 . Les recettes issues de la télévision de rattrapage échappant aujourd'hui à l'assiette de la taxe car encaissées par les filiales Internet des chaînes étaient, cette même année, estimées à 59,5 millions d'euros. Après sa notification à la Commission européenne, la mesure est entrée en vigueur le 17 mars 2016.

La prévision de TST éditeurs pour 2017 est fondée, compte tenu des données du marché et des chiffres d'affaires communiqués par les opérateurs au titre du premier semestre 2016, sur une hypothèse de léger recul de l'assiette imposable des éditeurs historiques (- 0,1 %) et de progression de 5 % de l'assiette imposable des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) . Une progression limitée (+ 2 %) de l'assiette des SMS et de la télévision de rattrapage est également attendue.

En conséquence, le produit de la taxe éditeurs pour 2017 est estimé à 295,6 millions d'euros , soit une progression de 7,8 % par rapport à 2016 liée aux mesures de rebasage prises en loi de finances pour 2016.

(2) La TST distributeurs

La taxe distributeurs est assise, d'une part, sur les abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération d'un ou plusieurs services de télévision (ces abonnements et autres sommes font l'objet d'un abattement de 10 %), et, d'autre part, sur les abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération de services souscrits dans le cadre d'offres destinées au grand public, composites ou de toute autre nature, donnant accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie , dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision (ces abonnements et autres sommes font l'objet d'un abattement de 66 %).

La loi de finances pour 2012 a réformé la taxe due par les distributeurs en modernisant son assiette afin qu'elle puisse appréhender toute offre permettant de recevoir des services de télévision , quelles que soient les modalités techniques d'accès et les formes commerciales adoptées par les opérateurs. Cette réforme, validée par la Commission européenne le 21 novembre 2013 et entrée en vigueur le 1 er janvier 2014, visait à assurer la sécurité juridique du dispositif et le respect des impératifs de neutralité technologique et d'égalité de traitement entre les différents distributeurs .

La prévision du produit de la TST distributeurs pour 2017 est fondée sur une hypothèse de recul de l'assiette imposable des chaînes du groupe Canal + de 4,2 % , en raison notamment de l'érosion significative de la base d'abonnés observée depuis 2015 du fait de la concurrence à laquelle est confrontée l'entreprise dans les domaines du sport, du cinéma et des séries.

Pour ce qui concerne les opérateurs télécom, la prévision établit à 2 % la croissance de leur chiffre d'affaires concomitamment à la fin de la guerre des prix sur les abonnements mobiles, au développement du très haut débit fixe et mobile et des innovations technologiques annoncées dans le cadre des nouvelles générations de box .

Le produit de la TST distributeurs devrait en conséquence s'établir à 217,4 millions d'euros en 2017 , soit une légère régression de 0,7 %.

b) La taxe sur les entrées en salle

Cette taxe, assise sur les recettes de la billetterie des salles de cinéma , est également recouvrée et contrôlée directement par le CNC. Son taux est établi 10,72 % en métropole. Étendu depuis le 1 er janvier 2016 aux départements d'Outre-mer, son taux y croît progressivement : 1 % en 2016, 2 % en 2017, 3 % en 2018, puis 4 % en 2019.

La diffusion en salle de cinéma étant un marché d'offre, le rendement de la taxe est difficilement prévisible au-delà d'un horizon de six mois correspondant au calendrier connu des sorties de films. Il est néanmoins possible de tirer des tendances de l'analyse des années précédentes et d'en déduire des projections pour l'avenir en termes de fréquentation et, partant, d'évolution du rendement de la taxe.

Fréquentation des salles de cinéma 1

Source : CNC - Bilan 2015

Les prévisions pour 2017 reposent sur une hypothèse de fréquentation globale annuelle de 203 millions d'entrées , dont 200 millions en métropole et 3 millions dans les départements ultramarins. S'agissant du prix moyen du billet, l'hypothèse retenue pour 2017 s'établit à 6,55 euros en métropole et 7,04 euros Outre-mer.

Ces prévisions conduisent à estimer le produit de la taxe à 140,9 millions d'euros en 2017 , dont 422 000 euros issus de son extension aux départements d'Outre-mer, soit une augmentation de 0,5 %.

c) Les taxes sur la vidéo

Cette taxe est recouvrée et contrôlée par la direction générale des finances publiques du ministère de l'économie et des finances, qui en prélève 2,5 % au titre des frais de gestion. Elle est assise sur le chiffre d'affaires des secteurs de la distribution de vidéo physique (DVD, Blu-ray) et de la vidéo à la demande (VàD). Son taux est de 2 % , majoré à 10 % sur les oeuvres pornographiques ou d'incitation à la violence.

Les données disponibles pour l'année 2015 confirment le recul considérable et continu du marché de la vidéo physique avec une régression de 13,2 % pour le DVD et de 9,3 % pour le Blu-ray. Cette attrition devrait se poursuite, peut-être dans une moindre ampleur, dans les années à venir.

Ventes 1 de vidéo physique selon le support 2

Source : CNC - Bilan 2015

A contrario , le chiffre d'affaires de la VàD a fortement progressé en 2015 (+ 19,8 %) pour s'établir à 317,6 millions d'euros grâce, particulièrement, au succès de la VàD par abonnement , qui a crû de 53 millions d'euros en valeur (+ 182 %), grâce au lancement de Netflix en septembre 2014 sur le territoire national et au développement de l'offre Canalplay. La location à l'acte, si elle recule de 3 %, conserve le chiffre d'affaires le plus élevé, à 175 millions d'euros.

Néanmoins, ce marché, aussi dynamique soit-il, est majoritairement porté par des plateformes installées à l'étranger, qui ne sont pas soumises à la taxe dès lors que la Commission européenne n'a toujours pas autorisé son extension aux opérateurs établis hors de France prévue par la loi de finances rectificative pour 2013. La mesure devrait enfin être applicable avec la transposition à venir de la directive sur les services de médias audiovisuels, que votre rapporteur pour avis espère rapide.

Les prévisions pour 2017 sont fondées sur une hypothèse de recul du marché de la vidéo physique de 10 % et sur une stabilisation du marché de la VàD considérée dans le périmètre actuel de la taxe, ce qui conduit à estimer le produit brut de la taxe vidéo à 17,6 millions d'euros , soit une recette nette de 17,1 millions d'euros pour le CNC, en baisse de 4,6 % par rapport à 2016, évolution qui devrait se confirmer dans les années à venir.

En conséquence, votre rapporteur pour avis est favorable à une extension de cette taxe aux plateformes gratuites , qui diffusent des contenus culturels, comme elle le sera prochainement pour les plateformes payantes installées à l'étranger. Il regrette le rejet de l'amendement déposé à cet effet à l'Assemblée nationale lors du présent projet de loi de finances et souhaite que le sujet fasse prochainement l'objet d'un nouveau débat .

La mesure est soutenue par l'ensemble de la filière, comme en attestent les auditions menées par votre rapporteur pour avis. Ainsi, le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) estime-t-il que « au moment où les secteurs négocie les accords interprofessionnels qui garantissent le financement de la création, socle de l'exception culturelle française, cette taxe aurait une valeur symbolique forte. Assujettir les diffuseurs mondiaux sur notre territoire, c'est aussi ouvrir la voie à une régulation nationale et demain européenne de la production et de la diffusion des biens culturels . »

2. Une intervention indispensable au financement de la filière

Le soutien du CNC irrigue l'ensemble de la filière du cinéma . Il comprend, pour les oeuvres audiovisuelles et cinématographiques, un soutien à la production (automatique et sélectif) et à la création. Les industries techniques, la distribution, la diffusion et l'exploitation sont également soutenues, comme l'édition vidéo et l'exportation. Les dépenses de l'opérateur atteindront 707,1 millions d'euros en 2017 , soit une augmentation de 5 % par rapport à l'année 2016, somme à laquelle il convient de retrancher 37,9 millions d'euros destinés au fonctionnement.

Évaluation des dépenses du fonds de soutien pour 2017

Source : CNC - Rapport et perspectives 2015 - 2017 - Document stratégique de performance

En matière de production cinématographique , les aides automatiques aux producteurs , générées à raison de la diffusion des films en salles, à la télévision ou sur vidéogramme, s'élèveront à 81,1 millions d'euros . Elles devront être intégralement réinvesties dans la production de nouvelles oeuvres. 44,2 millions d'euros seront en outre destinés aux aides sélectives , attribuées sur avis des commissions, notamment aux avances sur recettes pour les longs métrages. Enfin, 5,1 millions d'euros d'aide à la création seront versés sélectivement pour l'écriture de scénarii et la conception de projets .

Pour ce qui concerne le secteur audiovisuel , l'aide automatique à la production s'élèvera à 224,5 millions d'euros mobilisables par les producteurs sous forme de « subventions de réinvestissement » et les aides sélectives à 42 millions d'euros . Ces dernières s'adressent majoritairement aux producteurs, qui ne bénéficient pas du soutien automatique pour des projets de fictions, de films d'animation, de documentaires et de magazines. Les soutiens sélectifs à la création - 5,1 millions d'euros - concernent principalement le fonds d'innovation audiovisuelle destiné à favoriser la recherche de nouveaux talents et de projets innovants.

Les industries techniques du cinéma, de l'audiovisuel, du multimédia culturel, ainsi que les producteurs faisant usage de nouvelles technologies de production se verront, pour leur part, attribuer des aides à hauteur de 16,6 millions d'euros .

Les soutiens à la distribution - 50,6 millions d'euros en 2016 - sont attribués sont forme automatique (33,5 millions d'euros ) en fonction des films précédemment distribués, ou sélectives (12,1 millions d'euros) pour accompagner la diffusion inédite d'oeuvres de qualité. Cette dotation inclut, à hauteur de 5 millions d'euros, une enveloppe destinée à financer une réforme de ce secteur, dont les modalités seront présentées au conseil d'administration du CNC au mois de novembre.

Le soutien à l'exploitation s'élèvera à 92,3 millions d'euros : 68,9 millions d'euros d'aides automatiques calculées en fonction du nombre de salles par établissement et 23,3 millions d'aides sélectives en faveur des établissements « Art et Essai » , enveloppe rehaussée de 500 000 euros pour soutenir plus particulièrement la diffusion de cette catégorie de films.

Le CNC dispense également un soutien sélectif à la diffusion du cinéma (27,8 millions d'euros en 2017). Ces actions concernent les jeunes publics ( 2,4 millions d'euros seront destinés aux dispositifs d'éducation à l'image ). Elles poursuivent également l'objectif d'un maintien d'un cinéma diversifié de proximité et de qualité au travers du financement de l'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC) pour 2,3 millions d'euros. Dans ce cadre, sont également dotées, pour 20,8 millions d'euros, la Cinémathèque française et les structures de diffusion du patrimoine cinématographique en région (Cinémathèque de Toulouse, Institut Lumière de Lyon, etc.). Enfin, pour un coût de 2,2 millions d'euros , le CNC mobilisera les associations de diffusion culturelle et d'éducation au cinéma pour l' accueil d'environ un millier de volontaires du service civique.

L' édition vidéo et VàD bénéficiera quant à elle de 12,4 millions d'euros en 2017, aides automatiques (1,5 million d'euros pour la vidéo physique et 4 millions pour la VàD) et sélectives (6,9 millions d'euros pour les programmes qui présentent un intérêt culturel particulier) confondues.

Par ailleurs, 31,7 millions d'euros seront consacrés à la promotion du cinéma et des programmes audiovisuels sous forme de soutien aux associations, à l'instar d'Unifrance, et festivals comme ceux de Cannes ou d'Annecy (17,3 millions d'euros), mais également d' aides sélectives à l'exportation (14,5 millions d'euros). Cette dernière dotation prend en compte la création, en 2017, d'un soutien automatique à l'exportation, en sus des aides sélectives existantes, pour un montant de 9 millions d'euros.

La dotation au fonds numérique , dans le cadre du plan d'investissement pluriannuel en faveur du numérique, s'élèvera à 2,6 millions d'euros en 2017 pour la numérisation des oeuvres patrimoniales.

Enfin, 15,7 millions d'euros viendront abonder les fonds des collectivités territoriales d'aide à la production conformément au nouveau cadre conventionnel avec les régions, 8,6 millions d'euros contribueront au financement des écoles ENSMIS et CinéFabrique, 5,1 millions d'euros seront versés aux programmes européens en faveur du cinéma et de l'audiovisuel et 3,6 millions d'euros bénéficieront à diverses associations.

Outre l'engagement du CNC en faveur du service civique, les priorités pour 2016 en matière de dépenses porteront sur :

- le financement du « rebasage » des soutiens automatiques (principalement le soutien automatique audiovisuel) à hauteur de 11,2 millions d'euros ;

- la prise en charge, à hauteur de 3 millions d'euros, d'une partie des aides à la distribution des films en salles jusqu'alors financées dans le cadre du protocole d'accord signé entre Canal +, les organisations professionnelles du cinéma et le CNC. Le nouvel accord, conclu au mois de mai 2015, prévoit en effet un niveau de financement de Canal + à hauteur de 2 millions d'euros par an pour la période 2016-2019, contre 5 millions d'euros par an actuellement ;

- le transfert des dépenses de fonctionnement courant des archives françaises du film (AFF), actuellement prises en charge dans le cadre du plan numérique, sur les crédits de fonctionnement du CNC.

Le financement de ces priorités nécessitera de faire porter, en 2016, un effort global d'économie de 3 % sur les soutiens sélectifs. La répartition des mesures d'économies envisagées pourra faire l'objet d'ultimes ajustements dans le cadre du budget initial 2016, qui sera soumis au vote du conseil d'administration du CNC au mois de novembre.

B. DES PARTENAIRES EFFICACES

Si le soutien public est essentiel au financement de la production française, il ne suffit pas à assurer la prise en charge de l'ensemble des coûts. Dès lors, aux côtés des investissements étrangers, la participation des chaînes de télévision, des régions et du dispositif fiscal des SOFICA tient une place majeure dans les dispositifs de financement , dans le cadre de partenariats efficaces au bénéfice du cinéma français.

Financement des films d'initiative française en 2015 (en  %)

Source : CNC - Bilan 2015

1. Cinéma et télévision : une solidarité essentielle

La part des chaînes de télévision dans le financement de la production cinématographique, assise sur un pourcentage de leur chiffre d'affaires, oscille e ntre 20 % pour la télévision payante et 13 % pour la télévision gratuite . Les chaînes couvrent ainsi environ 30 % des coûts de production , proportion en légère augmentation à compter de 2011 du fait de l'intervention des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) dans le dispositif.

Participation des chaînes en clair 1 au financement des films agréés en 2015

Source : CNC - Bilan 2015

Participation des chaînes payantes au financement des films agréés en 2015 1

Source : CNC - Bilan 2015

Les chaînes de télévision sont soumises à la fois à des obligations de contribution à la production et de diffusion des films.

Les obligations de diffusion des oeuvres cinématographiques résultent du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990, pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Les obligations de participation au financement figurent dans deux autres décrets d'application de la même loi : le décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 (services distribués par des réseaux non hertziens terrestres) et le décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 (services diffusés par voie hertzienne terrestre).

À la suite de la conclusion de nouveaux accords aux mois de mai et juillet 2015 entre les organisations professionnelles du cinéma et, respectivement, Canal + et Orange Cinéma Séries, ces décrets ont été modifiés par le décret n° 2015-1376 en date du 28 octobre 2015. Cette réforme a exclusivement concerné les dispositions relatives aux obligations des services de cinéma.

Les obligations de financement et de diffusion diffèrent selon les catégories de services de télévision , voire, parfois, selon que les services soient diffusés par voie hertzienne, en clair ou payant, ou par voie non hertzienne.

Dès lors qu'elles diffusent au moins 52 oeuvres cinématographiques, les chaînes hertziennes en clair doivent ainsi consacrer chaque année au moins 3,2 % de leur chiffre d'affaires au développement de la production d'oeuvres européennes, dont 2,5 % aux oeuvres d'expression originale française . Les dépenses prises en compte sont les achats et préachats de droits de diffusion, les investissements en parts de producteur, les versements à un fonds pour la distribution en salles et les dépenses d'adaptation des oeuvres aux personnes aveugles et malvoyantes. Toutefois, les achats de droits de diffusion ne sont pris en compte que pour les chaînes dont le chiffre d'affaires est inférieur à 150 millions d'euros et lorsque celui-ci atteint 75 millions d'euros, les conventions et cahiers des charges fixent la part maximale de l'obligation consacrée à ce type de dépenses.

Des obligations identiques s'imposent aux chaînes hertziennes payantes et aux chaînes diffusées par voie non hertzienne (proportions du chiffre d'affaires, part affectée à la production indépendante). Pour ces dernières cependant, les dépenses peuvent inclure les achats de droits sans limitation, mais excluent les sommes consacrées à la distribution en salles.

Par ailleurs, les trois quarts de ces dépenses sont consacrés à la production indépendante , selon des critères tenant aux modalités d'exploitation de l'oeuvre et aux liens capitalistiques entre la chaîne et l'entreprise de production.

Les apports de chaînes de télévision représentent, en 2015, 35,5 % des financements des films d'initiative française . Ils progressent de 29,7 % à 377,9 millions d'euros pour 191 films, dont 75 pour les chaînes de France Télévisions, contre seulement 18 pour TF1 et 10 pour M6.

Les services de cinéma , qu'ils soient diffusés par voie hertzienne ou non hertzienne, doivent consacrer une part de leurs ressources totales de l'exercice à l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques européennes et françaises. Cette obligation d'acquisition est fixée à au moins 21 % des ressources pour les oeuvres européennes, dont au moins 17 % consacrés aux films d'expression originale française . Cependant, pour les chaînes diffusées par voie hertzienne qui, comme Canal +, encaissent directement le produit de leurs abonnements auprès des usagers, les taux sont respectivement de 12,5 % et 9,5 % et l'obligation peut inclure les sommes versées au titre de l'acquisition des droits d'exploitation des oeuvres sur le service de télévision de rattrapage.

Ces services sont également tenus à des obligations spécifiques pour les films français : quand leurs ressources annuelles sont supérieures à 350 millions d'euros, au moins 85 % de l'obligation d'investissement portent sur des préachats - c'est le cas pour Canal + - et une part des acquisitions doit être consacrée à des oeuvres dont le devis de production est inférieur ou égal à un montant fixé par la convention CSA, dite « clause de diversité » (pour Canal + : 17 % des financements pour des oeuvres dont le devis est inférieur ou égal à 4 millions d'euros). En 2015, 128 films ont ainsi fait l'objet d'un préachat de Canal +.

En matière de diffusion, la réglementation permet aux chaînes historiques, excepté Canal +, de diffuser jusqu'à 192 films et 52 films « art et essai » par an . Toutes les chaînes doivent réserver au moins 60 % à la diffusion d'oeuvres européennes et 40 % à la diffusion d'oeuvres françaises , sur le nombre total annuel de diffusions et de rediffusions d'oeuvres cinématographiques de longue durée.

En 2015, l'offre de films à la télévision (chaînes nationales gratuites et Canal +) progresse pour atteindre 2 562 oeuvres cinématographiques différentes diffusées (+ 44 titres par rapport à 2014). 85,6 % de ces films sont programmés par les chaînes nationales gratuites, qui diffusent 2 192 oeuvres, et 32,9 % ont fait l'objet d'une première diffusion.

Le nombre de films diffusés sur les chaînes du groupe France Télévisions est en diminution à 510 oeuvres cinématographiques différentes en 2015. Seule France 3 fait progresser son offre ; elle est par ailleurs l'unique chaîne qui profite des possibilités supplémentaires de diffusion de films « art et essai ». Au total, 19,9 % de l'offre de films est proposée par France Télévisions . L'offre cinématographique d'Arte recule de 26 titres en 2015 à 399 films diffusés, même si elle demeure la chaîne gratuite qui diffuse le plus grand nombre de films. Pour mémoire, en tant que chaîne franco-allemande, Arte n'est pas soumise à la réglementation française.

Par ailleurs, 1 157 oeuvres cinématographiques différentes sont diffusées en 2015 sur les chaînes de la TNT privée gratuite (+80 films par rapport à 2014), soit 45,2 % de l'offre totale de films à la télévision. Si l'offre de TF1 est demeurée stable, celle de M6 s'est réduite.

Cas particulier dans le paysage audiovisuel français, Canal + fait progresser son offre de diffusion à 380 films en 2015. Les difficultés financières rencontrées par le groupe ont toutefois des conséquences malheureuses sur le niveau de financement, par la chaîne, du cinéma français. En 2016, les acquisitions de films français et européens s'établiront ainsi à 182 millions d'euros en 2016, contre 200 millions d'euros l'année précédente, dont respectivement 143 et 151 millions d'euros pour les films français. L'effort est toutefois maintenu en volume de préachats avec 110 films français concernés en 2016. Votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux le maintien de ce niveau d'investissement, conscient que Canal + détient un rôle prépondérant et essentiel dans la chaîne de financement du cinéma français . Les engagements affichés par Didier Lupfer, directeur du cinéma, lors de son audition l'ont conforté dans cet espoir, de même que l'attention portée à ce dossier par le ministère de la culture et de la communication , confirmée par la ministre Audrey Azoulay lors de son audition devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 9 novembre dernier.

Le contrôle des obligations de production et de diffusion est mis en oeuvre par le CSA , qui dispose d'un pouvoir de sanction administrative, après mise en demeure (suspension, réduction, voire retrait de l'autorisation). Il peut également condamner un diffuseur au paiement d'une amende, demander la diffusion à l'antenne d'un communiqué, voire saisir le procureur de la République des infractions pénalement sanctionnées.

2. Un nouveau cadre conventionnel avec les régions

Les fonds régionaux d'aide à la production en région n'ont cessé de se développer depuis une dizaine d'années jusqu'à représenter un élément incontournable du financement du cinéma et un outil majeur de développement économique et culturel local.

Le fonctionnement de ces fonds d'aide a considérablement évolué grâce aux efforts de professionnalisation, de transparence et de communication (mise en place de comités de lecture composés majoritairement de professionnels, donnant un avis consultatif aux élus, etc.) insufflés par les régions et les départements. En particulier, les collectivités territoriales financent désormais presque intégralement les 41 bureaux d'accueil des tournages, qui offrent aux professionnels du cinéma et de l'audiovisuel une assistance gratuite portant sur différents types de services (pré-repérages et renseignements sur les sites de tournage, recherche de techniciens, de comédiens et de figurants, aide aux autorisations de tournage, logistique, mise à disposition de bureaux de production, relations avec la presse et les autorités locales).

En soutien aux actions engagées par les régions, le CNC signe avec les collectivités territoriales et l'État des conventions triennales de coopération cinématographique et audiovisuelle et ajoute une dotation d'un euro pour deux euros apportés par la région. Les conventions engagent les partenaires dans quatre domaines :

- le soutien à l'écriture, au développement, à la production cinématographique et audiovisuelle, ainsi qu'à l'accueil de tournages ;

- l'aide à la diffusion culturelle, l'éducation artistique et le développement des publics ;

- l'aide aux salles de cinéma et à l'exploitation cinématographique ;

- enfin, la numérisation des oeuvres et la valorisation du patrimoine cinématographique, notamment le soutien aux cinémathèques régionales.

La quatrième génération de conventions triennales couvre la période 2014-2016 et engage quarante collectivités territoriales : vingt-cinq régions, quatorze départements, l'Eurométropole de Strasbourg et la Ville de Paris.

En 2015, les collectivités territoriales ont engagé 82,6 millions d'euros pour le soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, auxquels se sont ajoutés 22,5 millions d'euros en provenance du CNC en application des conventions triennales et 8,7 millions d'euros versés par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

Engagements des conventions triennales État / CNC / régions en 2015

( en millions d'euros )

Source : CNC - Bilan 2015

Le 5 juillet 2016 s'est tenue à Lille une réunion entre le CNC et les représentants des régions pour envisager le contenu des prochaines conventions , celles de quatrième génération arrivant à échéance à la fin de l'année 2016. À cette occasion, l'opérateur a confirmé son engagement financier dans le dispositif. En outre, les télévisions locales devraient être davantage impliquées et un réseau d'animateurs culturels sera implanté dans les salles « art et essai » en régions.

Pour l'année 2017, le document stratégique de performance du CNC indique que l'opérateur abondera les fonds dotés par les collectivités territoriales à hauteur de 15,7 millions d'euros, dont 8,5 millions d'euros pour le cinéma et 7,2 millions d'euros pour l'audiovisuel.

Par ailleurs, dans le cadre du programme 334 « livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », 2,6 millions d'euros seront consacrés par le ministère de la culture et de la communication, via les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), au soutien de manifestations (festivals, associations régionales de salles de proximité essentiellement) favorisant la découverte d'oeuvres cinématographiques peu diffusées ou produites localement.

3. Les SOFICA : un investissement original apprécié des particuliers

Les SOFICA sont des sociétés d'investissement, qui collectent des fonds auprès des particuliers, moyennant une réduction d'impôt sur le revenu, pour les investir dans la production cinématographique et audiovisuelle contre des droits à recettes des oeuvres ainsi cofinancées.

Complément indispensable du soutien public et de l'investissement des chaînes de télévision, le dispositif, en engageant 80 % des sommes récoltées au bénéfice de films d'initiative française , favorise la diversité culturelle en contribuant au financement de la création indépendante et des films de jeunes auteurs. Il a d'ailleurs obtenu le meilleur classement, avec une notation de 3/3, lors de l'étude réalisée en 2011 par le comité d'évaluation des niches fiscales et sociales.

Depuis sa création en 1985, près d'1,5 milliard d'euros a été rendu aux particuliers sous forme de réduction d'impôt sur le revenu et 1 850 films, dont 15 % d'oeuvres audiovisuelles, ont bénéficié du soutien des SOFICA pour plus de 850 millions d'euros d'aide. Chaque année, une dizaine de SOFICA est agréée par le ministère de l'économie et autorisée à intervenir au stade du développement comme de la production d'un projet. Pour faire face à la sous-capitalisation des sociétés de production, les SOFICA ont d'ailleurs été incitées à investir davantage dans le développement au moyen d'un avantage fiscal majoré de 40 à 48 % par rapport à la production.

De nombreux films ainsi financés sont régulièrement sélectionnés au Festival de Cannes dont Des hommes et des dieux, Polisse, De rouille et d'os ou Entre les murs . En 2015, la Palme d'Or Dheepan de Jacques Audiard avait obtenu le soutien de huit SOFICA dans le cadre de son plan de financement. Cette même année, 120 films et 28 oeuvres audiovisuelles ont bénéficié des investissements des SOFICA , dont 60,7 % d'investissements non adossés, c'est-à-dire sans garantie de rachat conclue entre la société et le producteur bénéficiaire, modèle fréquent dans la production indépendante. En outre, parmi les oeuvres soutenues, 56 étaient des premiers ou des seconds films.

En moyenne, l'investissement des SOFICA a représenté 328 000 euros par film soutenu, soit 6,4 % du devis. Cette proportion diminue depuis 2013, dans la mesure où le dispositif a désormais tendance à financer des films dont le budget est supérieur à la moyenne , avec un devis moyen de 5,13 millions d'euros. Vingt-cinq films présentent même un devis moyen supérieur à 7 millions d'euros, soit 22,3 % des productions soutenues par au moins une SOFICA.

La dépense fiscale correspondante pour 2016, égale au montant collecté auprès des particuliers par les SOFICA en 2015 (62 millions d'euros provenant d'environ 6 400 ménages) multiplié par le taux de l'avantage fiscal (36 %), s'établit à 22,3 millions d'euros. Cette somme devrait atteindre 22,7 millions d'euros en 2017 , chiffre fondé sur l'hypothèse d'une collecte de 63,07 millions d'euros à la fin de l'année 2016.

Malgré leur utilité reconnue et l'intérêt manifesté à son endroit par les particuliers, le dispositif demeure insuffisamment mobilisé . René Bonnell explique ainsi, dans son rapport précité, ce résultat en demie teinte : « leur retour sur investissement n'est pas fameux lorsqu'il existe et leur sous-amortissement fréquent. La réglementation a peu à peu durci les critères d'agrément en privilégiant le degré de risque encouru et le niveau de soutien apporté à la production indépendante. Par ailleurs, le plafonnement des avantages fiscaux a eu pour effet de réduire la collecte via les banques et les sociétés de gestion de patrimoine. » Il proposait, d'un point de vue plus fiscal, d'orienter les investissements des SOFICA vers le financement de films à budget modeste , en contrepartie d'un avantage fiscal majoré, et la prise en participation dans des sociétés financières investissant dans la production .

Jean-Frédérick Lepers et Jean-Noël Portugal, dans leur rapport publié en 2013 sur L'avenir des industries techniques et de l'audiovisuel en France , appelaient également à en renforcer l'efficience , au regard des dispositifs de mobilisation de fonds privés existants à l'étranger, notamment en améliorant l'implication des investisseurs dans les projets financés. Ils estimaient ainsi que « le système gagnerait à ouvrir sa fenêtre de collecte tout au long de l'année et à défricher de nouveaux modèles. Combiner incitation fiscale et attrait pour le cinéma (invitations, informations exclusives, visites de tournages, événements privés sur le web, festivals, etc.) est un levier puissant et déjà exploité, mais il est possible d'aller plus loin. De nouvelles relations entre producteurs, auteurs et public peuvent être explorées. Sans déroger au cahier des charges des Sofica, il y a place pour des modèles hybrides combinant collecte de fonds, ingénierie de production et fonction de plateforme permettant aux investisseurs d'interagir entre eux et avec les porteurs de projets. ».

Organisée au printemps 2015 par le CNC à l'occasion des trente ans du dispositif, une table ronde intitulée « Investir dans le cinéma indépendant, l'ambitieux pari des SOFICA » , a réuni de nombreux producteurs du cinéma indépendant, qui y ont témoigné du rôle majeur des SOFICA pour la mise en production de leurs projets et de l'avantage du dispositif en termes de trésorerie. Ils ont appelé de leurs voeux des aménagements destinés à maintenir la rentabilité du dispositif et en assurer ainsi la pérennité auprès des souscripteurs .

Leur souhait a été exaucé avec l'adoption, par l'Assemblée nationale, le 20 octobre 2016, d'un amendement, dont votre rapporteur pour avis soutient à la fois la philosophie et le dispositif .

Il s'agit, en modifiant l'article 199 unvicies du code général des impôts, de porter à 48 % le taux de la réduction fiscale ouverte par la souscription de parts des SOFICA, en contrepartie d'une diversification des obligations pesant sur les sociétés d'investissement .

Elles devraient ainsi s'engager à consacrer au moins 10 % de leurs investissements à des dépenses de développement d'oeuvres audiovisuelles de fiction, de documentaire et d'animation sous forme de séries , ou à des versements en numéraire réalisés par contrats d'association à la production en contrepartie de l'acquisition de droits exclusivement fondés sur les recettes d'exploitation des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles à l'étranger .

L'objectif est de stimuler l'action des SOFICA vers les séries, documentaires ou fictions, où la France souffre encore d'un déficit d'initiatives, mais aussi d'induire l'investissement vers les oeuvres audiovisuelles s'engageant vers une diffusion à l'international.

Par ailleurs, Votre rapporteur pour avis soutien le souhaite exprimé par le SPI de voir s'améliorer la concertation avec les organisations professionnelles de producteurs autour de la « Charte des SOFICA », utilisée par le CNC pour l'attribution de l'enveloppe des crédits afférents. Dans ce cadre, pourraient être renforcés les investissements à risque, c'est-à-dire sans garantie, et en faveur de la production indépendante.

C. DES OUTILS FISCAUX INDISPENSABLES

1. Une fiscalité indirecte limitée

La fiscalité indirecte au bénéfice du cinéma est limitée à la seule exploitation, qui bénéficie, depuis le 1 er janvier 2014, d'un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % , contre 10 % avant cette date, applicable au prix des billets d'entrée . En entraînant une diminution d'environ douze centimes sur le prix de chaque billet, la mesure affiche un coût budgétaire de 55 à 60 millions d'euros par an, selon les estimations du ministère de l'économie et des finances.

Par ailleurs, plus indirectement, la filière cinématographique bénéficie du taux préférentiel de TVA de 10 % applicable aux abonnements vendus par Canal + , par ailleurs financeur essentiel de la production. Ce taux s'établissait toutefois à un niveau plus favorable de 7 % avant le 1 er janvier 2014, date à laquelle il a été supprimé pour l'ensemble des biens et services auquel il s'appliquait.

2. Des crédits d'impôt régulièrement renforcés

Les industries cinématographiques et audiovisuelles bénéficient, sur leurs dépenses de production, de crédits d'impôt dont le champ et les modalités d'application font régulièrement l'objet d'adaptations en vue d'en renforcer l'efficacité au regard de la concurrence étrangère et d'en améliorer la cohérence avec les besoins exprimés par la filière , pour inciter à la relocalisation des tournages. Dans ce cadre, les crédits d'impôt cinéma et international concernent directement le secteur cinématographique.

Prévision de dépenses fiscales pour 2017 dont l'objet principal contribue
au soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles 1

Source : CNC - Rapport et perspectives 2015 - 2017 - Document stratégique de performance

1. Les montants indiqués sont des estimations.

a) Le crédit d'impôt cinéma

Mis en place le 1 er janvier 2004, le crédit d'impôt cinéma est applicable aux films qui remplissent les conditions d'accès au soutien financier automatique à la production, assorties de critères complémentaires propres au dispositif.

Depuis sa création, près de 70 % des films de fiction d'initiative française ont bénéficié du dispositif , avec de fortes variations selon les années en fonction des catégories de productions. En 2015, 143 films agréés d'initiative française ont fait l'objet d'une demande d'agrément provisoire de crédit d'impôt, contre 128 en 2014, pour un total de dépenses éligibles de 328 millions d'euros, soit une dépense fiscale estimée à 74,9 millions d'euros. Les perspectives pour 2017 s'établissent, selon le document stratégique de performance du CNC, à 123,5 millions d'euros de dépense fiscale , en forte progression du fait de l'augmentation, heureuse, du nombre de films tournés sur le territoire national, notamment de productions à devis élevé.

Face à la vive concurrence de pays européens ou nord-américains pour attirer des tournages grâce à des dispositifs fiscaux attractifs, la France a renforcé significativement son dispositif de crédit d'impôt .

Au 1 er janvier 2013, son plafond est ainsi passé d'un à quatre millions d'euros et ont été rendues éligibles les dépenses afférentes aux acteurs de complément, ainsi qu'aux frais d'hôtellerie et de restauration. Puis, en décembre de la même année, son taux a été relevé de 20 à 30 % pour les films les plus fragiles, dont le devis est inférieur à 4 millions d'euros. Ce second aménagement a été autorisé par la Commission européenne le 18 décembre 2014. L'incertitude sur l'entrée en vigueur effective de la mesure a limité son effet en 2014, notamment lors du premier semestre. Pour autant, pour la première année d'application, 30,1 millions d'euros d'investissements supplémentaires ont été réalisés dans la production de films au budget inférieur à 4 millions d'euros.

En décembre 2014, pour une application effective au 1 er janvier 2016, le taux de 30 % a été étendu à l'ensemble des films dont le devis s'établit entre 4 et 7 millions d'euros, dits « du milieu », et augmenté à 25 % pour les oeuvres d'animation, afin de contribuer au développement un secteur innovant où la France a su construire un pôle d'excellence.

Enfin, en décembre 2016, avec le soutien actif de votre rapporteur pour avis, un nouvel aménagement du dispositif a permis de supprimer la condition liée à la réalisation des oeuvres cinématographiques en langue française. Cette mesure a notamment permis de faire bénéficier du crédit d'impôt au taux de 20 % des oeuvres d'initiative française à forte dimension culturelle dans lesquelles l'utilisation d'une langue étrangère est justifiée par le scénario. Les oeuvres ambitieuses d'animation ou à forts effets visuels tournées vers le marché international bénéficient désormais, quant à elles, d'un taux majoré à 30 % afin de localiser ces productions sur le territoire national. Par ailleurs, afin de valoriser l'emploi de la langue française, le taux a également été porté à 30 % pour les oeuvres tournées en langue française, y compris celles dont le devis est supérieur à 7 millions d'euros. Enfin, le plafond de l'ensemble des crédits d'impôt pour une même oeuvre cinématographique a été porté à 30 millions d'euros contre 4 millions d'euros précédemment, sur le modèle du crédit d'impôt international.

Les mesures adoptées en 2014 et 2016, entrées en vigueur le 1 er janvier 2016, ont des effets encore difficiles à mesurer mais d'ores et déjà perceptibles sur la production du premier semestre 2016 . Ainsi, les dépenses réalisées en France ont augmenté de 53 % , passant de 274 à 418 millions d'euros.

Surtout, l'effet relocalisant de la réforme est déjà visible et à un niveau qui se situe au-delà des espérances les plus optimistes , ainsi que s'en réjouissait Frédérique Bredin, présidente du CNC, lors de son audition par votre rapporteur pour avis. Plusieurs films aux budgets élevés, inéligibles jusqu'alors au dispositif, ont été relocalisés en France : Valerian de Luc Besson (197 millions d'euros de budget, dont le tournage était initialement prévu en Hongrie), Folles de Django d'Etienne Comar (9 millions d'euros de budget et dont le tournage était envisagé en République Tchèque), Au revoir là-haut d'Albert Dupontel et Marie-Francine de Valérie Lemercier (dont le budget s'établissait respectivement à 20 millions et à 10 millions d'euros et dont les tournages étaient prévus en Belgique).

b) Le crédit d'impôt international

Autorisé en juillet 2009 par la Commission européenne, le crédit d'impôt international, d'envergure plus modeste que le crédit d'impôt cinéma, vise à favoriser la production d'oeuvres étrangères en France.

Depuis sa mise en place, 125 oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ont obtenu l'agrément provisoire de crédit d'impôt, dont 22 en 2015 contre seulement 13 en 2014. Les productions ainsi aidées doivent réunir plusieurs critères indiquant leur lien avec la culture, le patrimoine et le territoire français.

La dépense fiscale pour 2016, calculée à partir des dépenses éligibles des projets agréés en 2015 et les années précédentes, est estimée à 10,7 millions d'euros, pour 140 d'investissements en France représentant 600 jours de tournage et 230 mois de fabrication d'animation. Pour 2017, ce montant devrait avoisiner 53,6 millions d'euros, en application des récentes réformes, qui ont entraîné une importante augmentation du nombre de projets bénéficiaires.

Deux modifications sont, en effet, intervenues afin d'assurer la compétitivité du crédit d'impôt international face aux dispositifs fiscaux étrangers. Ainsi, au 1 er janvier 2015, son plancher de dépenses éligibles, c'est- à-dire réalisées en France, a été abaissé à 50 % du budget de production lorsqu'il est inférieur à 2 millions d'euros, alors qu'elles devaient auparavant a minima atteindre un montant d'un million d'euros. Puis, au 1 er janvier 2016, le plafond a été porté de 20 à 30 millions d'euros et le taux de 20 % à 30 %.

Ces réformes ont largement atteint leur objectif de localisation en France de productions étrangères, comme l'atteste l'augmentation significative du nombre de projets bénéficiaires entre 2014 et 2015. En outre, les chiffres de la production du premier semestre 2016 témoignent déjà de l'impact positif du rehaussement du taux et du plafond. Le nombre d'oeuvres nouvellement agréées au crédit d'impôt international s'élève déjà à 19 pour le seul premier semestre, pour un montant de dépenses en France qui atteint 82,5 millions d'euros.

Au regard de ces résultats encourageants, votre rapporteur pour avis se félicite de la validation, par la Commission européenne, de la prolongation du dispositif , qui expirait à la fin de l'année 2016, jusqu'en 2022, par sa décision du 18 mars 2016. La sécurisation juridique , sur la durée, du crédit d'impôt international, représente, en effet, un élément indispensable de l'attrait du dispositif pour les investisseurs étrangers.

D. UNE LÉGISLATION PLUS TRANSPARENTE AU BÉNÉFICE DE PROFESSIONNELS RESPONSABILISÉS

1. Les apports majeurs de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine

Longtemps attendue, la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, embrasse avec ambition l'ensemble des champs culturels pour moderniser les politiques de soutien en faveur d'une création plus libre et mieux protégée .

La filière cinématographique est concernée par plusieurs mesures saluées par la profession. Pour un contrôle légitimement plus transparent d'une filière largement soutenue par les crédits publics et les partenaires privés, la loi instaure, dans le code du cinéma et de l'image animée, l'obligation de rendus de comptes de production et d'exploitation des oeuvres bénéficiant du soutien du CNC , suivant en cela les préconisations du rapport précité de René Bonnell et des Assises du cinéma. La forme et le contenu des comptes devront être déterminés par voie d'accords entre les professionnels.

L'amélioration de la transparence est particulièrement nécessaire et légitime dans des filières caractérisées par la solidarité entre tous les acteurs de la chaîne de valeur , dont la rémunération repose sur le partage des recettes. Cette transparence accrue permettra d'instaurer un climat de confiance réciproque de nature à favoriser la prise de risque à l'investissement , au bénéfice d'un meilleur financement de la production des oeuvres.

Une transparence accrue améliorera également la condition des auteurs, techniciens et artistes-interprètes lorsqu'une partie de leur rémunération est calculée en fonction des recettes d'exploitation des oeuvres. Si certains contrats individuels prévoient déjà des rendus de compte, la création d'une obligation au niveau de la loi, contrôlée par le biais d'audits diligentés par le CNC et pouvant être sanctionnée, assurera la systématisation et l'harmonisation de bonnes pratiques professionnelles dans le secteur, ainsi qu'une responsabilisation renforcée de l'ensemble des intéressés.

Par ailleurs, en matière de développement de l'offre légale et de lutte contre la contrefaçon , véritable pillage de la valeur et gangrène des industries de création, la loi modifie le code de la propriété intellectuelle pour favoriser la disponibilité des oeuvres en offre légale sur les différents supports d'exploitation.

Elle instaure à cet effet une obligation, pour le producteur, de rechercher une exploitation suivie des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles , dont le champ et les conditions de mise en oeuvre devront être fixés par accord professionnel. Jusqu'à présent, la loi ne prévoyait qu'une obligation d'assurer une exploitation de l'oeuvre « conforme aux usages de la profession », sans que ces usages ne soient définis, ce qui rendait l'obligation difficilement applicable. Un accord professionnel a d'ores et déjà été conclu et votre rapporteur pour avis s'en réjouit.

Le dispositif ainsi renforcé contribuera à une meilleure visibilité des oeuvres et, ainsi, à l'enrichissement de l'offre légale, notamment pour les services en ligne, en tenant compte des réalités de leurs conditions de production et de diffusion. Les négociations professionnelles, qui intègrent l'ensemble des acteurs concernés, sont en cours sous l'égide du CNC.

Parallèlement, la loi a renforcé les moyens d'action du CNC en matière de contrefaçon , au pénal comme au civil. Alors que l'opérateur ne pouvait intervenir au pénal qu'en partie jointe, il pourra désormais agir directement en portant plainte avec constitution de partie civile, au titre du préjudice qu'il subit sur une partie de ses ressources affectées (la piraterie audiovisuelle venant directement concurrencer les différents marchés de diffusion qui contribuent au financement du CNC : la salle de cinéma, la télévision, la vidéo physique ou en ligne) ayant pour conséquence une diminution du soutien financier à la création. Par ailleurs, le CNC pourra engager directement une action en cessation devant le tribunal de grande instance en cas d'atteinte au droit d'auteur occasionnée par un service en ligne. Ces moyens d'action renforcés permettront à l'opérateur de lutter plus efficacement, aux côtés des ayants droit, contre la piraterie audiovisuelle .

Enfin, et même si, à l'instar du Sénat dans son ensemble, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication n'est en principe guère favorable au procédé, l'article 93 de la loi habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance la partie législative du code du cinéma et de l'image animée , dans un délai d'un an à compter de la promulgation du texte.

Les domaines concernés et les objectifs sont variés. Il s'agit de mesures techniques visant à corriger ou à adapter ledit code ou, dans le domaine de l'exploitation cinématographique, à préciser le champ ou la durée de dispositifs de régulation déjà existants et, dans le domaine des aides financières, à sécuriser la base légale de certains dispositifs d'aide.

L'habilitation autorise également l'ordonnance à prévoir l'extension du champ de l'obligation de respect de la législation sociale à toutes les aides financières du CNC et la clarification des conditions financières d'association à une formule d'accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples non définies à l'avance.

Enfin, la loi habilite le Gouvernement à prévoir des réformes plus substantielles dans deux domaines : d'une part le secteur dit « non commercial », où se posent des questions relativement à l'encadrement juridique de l'organisation des séances en plein air et des séances de spectacles cinématographiques à caractère commercial lorsqu'elles le sont par d'autres personnes que les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques ; d'autre part, le dispositif de contrôle du respect des obligations imposées par le code du cinéma et de l'image animée et de sanction administrative de manquements . Une réforme similaire à celle réalisée pour le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) est envisagée, avec une meilleure sécurisation juridique de la procédure de sanction , une simplification de l'organe de sanction et la création d'un rapporteur-instructeur indépendant, accompagnée par un renforcement du champ des contrôles.

2. Des accords professionnels bienvenus

Au-delà des dispositions strictement législatives ou autorisant des modifications par voie d'ordonnance, la loi du 7 juillet 2016 prévoit en outre, directement ou indirectement, une série d' accords professionnels relatifs au fonctionnement de la filière, avec l'objectif d' une relation renforcée, plus transparente et responsabilisée entre les partenaires .

La loi élargit ainsi le champ des accords conclus entre les représentants des auteurs, les organisations professionnelles représentatives des producteurs et, le cas échéant, d'autres secteurs d'activité, pouvant donner lieu à une extension par arrêté du ministre chargé de la culture. L'objectif est de pouvoir désormais étendre non seulement les accords relatifs à la rémunération des auteurs, comme le permet aujourd'hui le code dela propriété intellectuelle, mais également ceux portant sur d'autres aspects des relations entre auteurs et producteurs, de nature à favoriser la mise en place de bonnes pratiques contractuelles ou la prise en compte d'usages professionnels dans le secteur de production d'oeuvres audiovisuelles.

Au regard de l'objet des accords concernés, la mesure prévoit expressément la nécessité pour les organisations professionnelles représentatives des producteurs d'être signataires de tels accords afin qu'aucune extension ne soit rendue possible en leur absence.

Est également prévue la limitation de la durée de l'accord sur la chronologie des médias. De fait, les modalités de diffusion numérique des oeuvres cinématographiques évoluent rapidement, tant sur le plan technique qu'au niveau des usages, en particulier sur les services de vidéo à la demande. Ces évolutions appellent donc des adaptations régulières de l'accord interprofessionnel qui organise la chronologie des médias applicable aux services de télévision et aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD).

La chronologie des médias, en matière d'exploitation des oeuvres cinématographiques sur les services de télévision et sur les SMAD, peut être fixée par voie d'accord professionnel étendu. Désormais, l'arrêté d'extension correspondant ne peut rendre obligatoire un tel accord que pour une durée maximale de trois ans . En outre, afin de favoriser, de manière structurelle, la conclusion interprofessionnelle d'avenants intégrant les évolutions des technologies et des usages, il est apparu opportun de renforcer la clause de rendez-vous que contient déjà l'accord actuel, en limitant la durée de validité de l'arrêté d'extension à trois ans.

L' accord professionnel signé le 6 juillet 2009 par près de trente organisations professionnelles et opérateurs représentatifs a fixé les délais applicables à l'ensemble des modes de diffusion des films. Les stipulations de cet accord relatives aux délais d'exploitation ont été rendues obligatoires par arrêté du 9 juillet 2009 pour toute entreprise du secteur du cinéma, pour tout éditeur de SMAD et pour tout éditeur de services de télévision.

Faute d'avoir été dénoncé par une ou plusieurs organisations professionnelles représentatives dans un délai de trois mois avant sa date d'échéance, l'accord du 6 juillet 2009 a été reconduit tacitement chaque année, au mépris d'une nécessaire modernisation.

Si le dispositif a fait l'objet de négociations menées sous l'égide du CNC dès le premier trimestre 2012, ces discussions ont été gelées à compter de l'été 2012, dans le contexte du lancement de la mission confiée à Pierre Lescure concernant « l'acte II de l'exception culturelle », dont la remise du rapport en mai 2013 a permis de relancer les échanges.

En 2014, le CNC a rencontré l'ensemble des organisations professionnelles et sociétés signataires de l'accord du 6 juillet 2009, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP). Durant cette phase d'échanges bilatéraux, l'opérateur a recueilli les positions des professionnels et sondé auprès d'eux, de manière confidentielle, les principales hypothèses de travail relatives aux évolutions de l'accord. À l'issue de ce processus, ont été soumis aux signataires potentiels plusieurs projets d'avenant à l'accord actuel.

Les négociations ont été à nouveau suspendues durant les négociations professionnelles de l'accord entre Canal + et les organisations professionnelles du cinéma, puis durant celles entre celles-ci et Orange Cinéma Séries (OCS). Enfin, une nouvelle phase de discussions, à la rentrée 2015, a permis d'établir un projet de texte, portant notamment sur l'amélioration des conditions de dérogation automatique pour la vidéo et la vidéo à la demande pour les films ayant réalisé un faible nombre d'entrées en salles, la mise en place d'un principe de « fenêtres glissantes » par dérogation automatique, l'interdiction du « gel des droits » sur la vidéo en téléchargement définitif et l'exclusion du court métrage de l'accord.

Les discussions interprofessionnelles se poursuivent en 2016 pour parvenir à un accord. La mesure prévue par la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine contribue, et votre rapporteur pour avis s'en réjouit, à en accélérer l'ordre du jour comme elle évitera, à l'avenir, compte tenu des durées butoir imposées, que l'accord sur la chronologie des médias ne fasse pas l'objet d'adaptations régulières et nécessaires ou que les négociations en la matière ne s'enlisent.

Il est toutefois à craindre que les tensions renaissent avec la demande récente de Canal + de réduire le délai qui la concerne à six mois post sortie en salles au lieu de dix actuellement, en contrepartie de l'ouverture de sa fenêtre de diffusion à la vidéo et à la vidéo à la demande et sans que ne soit modifié le temps d'exclusivité des exploitants (quatre mois). Si certains seraient prêts à une telle réforme, soucieux de permettre à la chaîne, pilier du financement du cinéma français, de se redresser financièrement, d'autres arguent de l'absence de transparence autour de la réalité des difficultés financières de l'entreprise et, à l'instar de votre rapporteur pour avis, de stratégie claire sur l'avenir de son positionnement au bénéfice de la création.

Enfin, de façon indirecte et à l'initiative insistante de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, la loi du 7 juillet 2016 aura contribué, sous la menace qu'une disposition ad hoc n'y figure, à la négociation (M6 et Canal + à ce jour) et, pour certains (France Télévisions le 10 décembre 2015 et TF1 en mars 2016), à l'adoption d' accords interprofessionnels majeurs entre diffuseurs et producteurs. Ils remédient à un déséquilibre flagrant entre les obligations d'investissement des chaînes dans la création et leur faible retour sur investissement en matière patrimoniale , maintes fois dénoncé, notamment dans le rapport fait, au nom de votre commission de la culture, de l'éducation, et de la communication, par l'ancien sénateur Jean-Pierre Plancade 5 ( * ) . Un décret devrait intervenir au plus tard en janvier 2017 pour traduire réglementairement les accords signés dans ce cadre.

III. DES DÉFIS À RELEVER

A. LE FINANCEMENT DE LA CRÉATION À L'ÉPREUVE DU NUMÉRIQUE

1. Nouveaux usages, nouvelles oeuvres

La révolution numérique a entraîné, pour les industries culturelles, singulièrement la production musicale, mais également le cinéma et l'audiovisuel et, dans une moindre mesure, le secteur du livre, une modernisation radicale des techniques de production des oeuvres, une massification de leur diffusion, licite ou non, et un bouleversement des usages de consommation. Leur modèle économique s'en est trouvé dangereusement chamboulé, le temps de mettre en oeuvre des réponses adaptées.

Dans un récent rapport consacré aux modalités d'accès aux contenus audiovisuels sur les plateformes et aux conséquences économiques de ce type de diffusion 6 ( * ) , le CSA rappelait combien « l'évolution des équipements, notamment la progression des terminaux mobiles, et des connexions fixes et mobiles à très haut débit a modifié en profondeur les usages sur Internet , en favorisant le développement et la consommation des contenus vidéos en ligne . » À titre d'illustration, le nombre d'abonnements haut débit et très haut débit sur les réseaux fixes atteint 27,2 millions au deuxième trimestre 2016 (+ 3,6 % sur un an), dont 4,8 millions d'abonnements à très haut débit (+ 33 %). Le contenu audiovisuel, cinéma et séries en tête, est devenu l'un des premiers moteurs de consommation sur Internet et constitue un fort potentiel de captation d'audience pour ces plateformes. Selon le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), « la consommation de vidéos représentait 70 % du trafic Internet mondial en 2015 », proportion qui pourrait s'établir à 82 % à l'horizon 2020.

Selon le CSA, « la consommation mobile d'oeuvres est en forte croissance au détriment de la télévision, sans que cette dernière ne perde encore sa place centrale. Le visionnage de contenus audiovisuels en non linéaire et sur des écrans mobiles représentant une pratique en expansion chez les moins de 25 ans, il est toutefois probable qu'une inversion des usages majoritaires s'opère dans les années à venir ».

Les dépenses en programmes audiovisuels des Français 1

( en millions d'euros )

Source : CNC - Bilan 2015

Parmi les tentatives pour s'adapter à la nouvelle donne numérique en matière de diffusion et aux faiblesses de l'exposition en salles pour les productions modestes, le e-cinéma constitue un exemple intéressant, bien qu'encore rare et commercialement peu rentable . Le phénomène, né il y a deux ans en France, désigne la diffusion sur Internet de longs métrages sans sortie préalable en salles. Seuls deux acteurs se partagent le marché : le producteur et distributeur Wild Bunch, avec la sortie de Welcome in New York d'Abel Ferrara au printemps 2014, et TF1 Vidéo depuis 2015. On dénombre aujourd'hui environ quatre à cinq sorties par an au prix de 6,99 euros en location sur les plateformes, avec des résultats encore mitigés - entre 25 000 et 80 000 actes d'achat par oeuvre.

La révolution numérique n'a pas uniquement des conséquences sur les canaux de diffusion des oeuvres ; elle modifie également la nature des oeuvres elles-mêmes, dont l'hybridation pose la question du financement dans un système où chaque industrie bénéficie d'aides spécifiques.

À cet égard, la récente réforme du fonds nouveaux médias du CNC doit être saluée. Depuis 2007, ce fonds accompagne des oeuvres audiovisuelles innovantes qui intègrent les spécificités des nouveaux médias et des nouveaux usages dans leur démarche de création et de diffusion . Les projets issus de ce laboratoire éditorial et économique se caractérisent par leur diversité : séries digitales, narrations interactives, applications mobiles, expériences en réalité virtuelle, etc. Son fonctionnement, inchangé depuis la création du fonds en 2007, a été réformé par le conseil d'administration du CNC en date du 7 avril dernier pour désormais s'articuler autour de trois aides : l'aide à l'écriture réservée aux auteurs, l'aide au développement des entreprises de production et l'aide à la production. Compte tenu de l'augmentation constante des devis de production avec la multiplication des projets de séries digitales et de films en réalité virtuelle, il a également été décidé de ne plus contraindre ces aides par un plafond en valeur absolue.

2. Vers un équilibre plus juste avec les plateformes ?

Le 25 mai 2016, la Commission européenne a présenté sa proposition de révision de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, dite directive « services de médias audiovisuels » (SMA). La directive établit les règles applicables aux chaînes de télévision et aux services audiovisuels à la demande pour ce qui concerne les droits de diffusion sur le territoire d'autres États membres , la protection des mineurs, la publicité ou encore la promotion des oeuvres européennes.

Le texte de la révision, qui doit désormais être examiné par le Conseil des ministres de l'Union européenne et par le Parlement européen, reprend, et votre rapporteur pour avis s'en réjouit, plusieurs propositions portées par la France afin de contraindre les plateformes à participer au financement de la création.

Il prévoit ainsi que, pour les services non linéaires en ligne, les règles du pays de consommation du service s'appliqueront en matière d'obligation d'investissement ou de contribution aux fonds de soutien nationaux . En d'autres termes, une plateforme qui réalise un chiffre d'affaires en France devrait s'acquitter de la taxe sur les vidéogrammes au profit du CNC, quand bien même elle est établie dans un autre pays européen. En outre, les services à la demande seront dans l'obligation de proposer 20 % a minima d'oeuvres européennes et d'en assurer la promotion sur leur support.

B. DES CHANTIERS NATIONAUX À NE PAS NÉGLIGER

1. La relocalisation des tournages : un cap à maintenir

En 2015, année où le cinéma français n'avait jamais tant tourné, les professionnels du secteur tiraient la sonnette d'alarme devant l'inquiétante progression des délocalisations de tournages à l'étranger, notamment pour les productions les plus ambitieuses et, partant, les plus dépensières en emplois.

La dernière étude disponible pour la période 2006-2014, réalisée par le CNC en collaboration avec le cabinet Audiens, intitulée « L'emploi dans les films cinématographiques », fait apparaître que près de 204 700 intermittents sont employés à la production de films d'initiative française de fiction (hors industries techniques) générant une masse salariale de 1,3 milliard d'euros . Plus des quatre cinquièmes des effectifs intermittents sont salariés en tant qu'artistes interprètes (85,0 %). Ces derniers reçoivent pourtant moins d'un tiers de la masse salariale totale (31,5 %). Les personnels techniques bénéficiant du statut de cadre représentent 4,1 % des effectifs totaux et mobilisent 37,4 % de la masse salariale globale. Enfin, les emplois techniques non cadres concernent 10,9 % des intermittents employés pour la production de l'ensemble des films et captent 31,1 % de la masse salariale globale.

Sur la période considérée par l'étude, la production d'un film de fiction d'initiative française emploie en moyenne 387 intermittents dont 294 artistes interprètes (73,6 % des effectifs), 75 techniciens non cadres (18,8 %) et 31 cadres techniques (7,7 %). Ces intermittents sont des hommes (59,9 % des effectifs). En moyenne, 1,05 million d'euros est consacré à la masse salariale des intermittents sur un film . Il apparaît logiquement que plus le devis d'un film est élevé, plus le nombre d'intermittents employés pour sa production est important.

Une étude réalisée par Audiens et la commission du film de la région Île-de-France à partir de l'exploitation de déclarations nominatives annuelles permet de connaître, pour ladite région, riche en sites remarquables de tournage, les effectifs déclarés dans le secteur de la production cinématographique. Pour l'année 2014, les résultats ont été de 3 808 permanents et 54 660 intermittents (respectivement + 1,1 % et - 7,3 % par rapport à 2013). À titre de comparaison, les autres régions comptabilisent, la même année, 910 permanents et 6 190 intermittents (respectivement + 5,8 % et - 5,5 % par rapport à 2013).

La localisation des tournages, en particulier des plus importants, sur le territoire national représente donc un enjeu crucial en termes d'emploi pour la politique de soutien au cinéma . Or, en 2015, la Fédération des industries du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia (FICAM) s'inquiétait de l'inflation de la délocalisation des tournages de films à budget élevé à l'étranger. Cette année-là, 36 % des semaines de tournage des films d'initiative française étaient tournés hors des frontières hexagonales , contre 22 % en 2014.

Pire, ce taux atteignait 74 % pour les films dont le budget était supérieur à 10 millions d'euros . Parmi les quatre films à plus de 20 millions d'euros, trois ( Les Visiteurs 3 , The Lake et HHHH ) ont été presque intégralement tournés à l'étranger, tandis que la réalisation de l'intégralité des effets spéciaux du quatrième ( L'Odyssée ) était délocalisée. En outre, pour la première fois, le taux de délocalisation des prestations d'effets visuels, pour lesquelles la qualité des industries techniques françaises est pourtant mondialement reconnue, a atteint 60 %.

Il est donc fort heureux que le Gouvernement ait décidé, l'an passé, de modifier les dispositifs du crédit d'impôt cinéma et du crédit d'impôt international (cf infra ), afin d'attirer les tournages les plus ambitieux en France par des avantages à la hauteur de la concurrence internationale.

Ainsi, le dernier pointage de l'observatoire des relocalisations des tournages du CNC met en évidence un effet réel sur l'emploi des nouveaux dispositifs de crédits d'impôt , qui ont engendré, sur les cinq premiers mois de l'année 2016, 447 millions d'euros de dépenses en France, soit 179 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2015, correspondant, secteur de l'audiovisuel inclus, à 10 000 emplois supplémentaires . Votre rapporteur pour avis salue cet excellent résultat et appelle de ses voeux le maintien des mécanismes fiscaux en faveur de la production à un niveau significatif au regard des dispositifs proposés à l'étranger.

2. La nécessaire réforme de l'agrément

La limitation des phénomènes de délocalisations constituait également, avec la prise en considération des évolutions technologiques et la problématique de la langue de tournage, l'un des objectifs de la mission confiée à Alain Sussfeld, directeur général d'UGC, par Frédérique Bredin, présidente du CNC, sur la réforme de l'agrément .

Ses conclusions, rendues en juin 2016, proposent d'apporter à l'agrément une dimension plus culturelle , en valorisant le lieu et la langue de tournage, afin de compléter utilement des dispositifs fiscaux ou de soutien financier, qui privilégient une approche quantitative des sommes engagés dans chaque projet.

Comme le rappelle Alain Sussfeld, « l'agrément est à la fois un label qui permet d'accéder à une multitude de sources de financement ou d'aides (financement encadré, crédit d'impôt, avances sur recettes, droit au soutien producteur ou distributeur) et un moyen de moduler l'aide automatique en fonction de la nature et du montant des dépenses françaises et européennes ». Dès lors, il apparaît effectivement souhaitable à votre rapporteur pour avis que les mécanismes et critères permettant d'être agréé reposent sur des données techniques « à jour » et des objectifs culturels clairs , sans pour autant imposer une rigidité qui rebuterait les producteurs.

Interrogée par votre rapporteur pour avis, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) a également jugée fondamentale la préconisation d'Alain Sussfeld de maintenir l'importance de la langue française au sein du barème. Elle a, en revanche, marqué son désaccord s'agissant de la proposition de refonte du barème « production et réalisation », qui prévoit de n'attribuer aucun point pour le poste « écriture » dans les cas où le réalisateur est le seul auteur du texte. Un tel mécanisme pénaliserait en effet le réalisateur qui serait également le scénariste de ses films . Par ailleurs, dans le système envisagé, il serait possible d'obtenir 20 points bonifiés pour le barème « production et réalisation » dès lors que le film aurait eu recours à un compositeur de musique français mais sans aucun scénariste européen, ce qui semble à tout le moins curieux en matière de promotion de la création européenne.

Votre rapporteur pour avis partage ces critiques. Il estime que la réforme de l'agrément, dont les modalités seront présentées au conseil d'administration du CNC d'ici la fin de l'année 2016 pour une application courant 2017 après autorisation par la Commission européenne, devra s'attacher à la question cruciale de l'emploi dans les industries techniques et parmi les artistes ; c'est seulement ainsi que le cinéma français conservera son talent, son originalité et son savoir-faire.

Par ailleurs, comme l'a indiqué l'Association des producteurs indépendants (API) lors de son audition, si la réforme proposée par le rapport Sussfeld va effectivement dans le sens d'une simplification de la procédure et d'une meilleure lisibilité du dispositif, son incitation en faveur de telle ou telle production ne doit pouvoir s'envisager sans véritable cohérence avec les critères attachés aux crédits d'impôt.

C. INQUIÉTUDES AUTOUR DE LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE DU 22 MAI 2001

1. Des intérêts opposés

Le 15 janvier 2015, l'eurodéputée Julia Reda a présenté devant la Commission des affaires juridiques du Parlement européen son pré-rapport sur la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, dite DADVSI. Première étape en vue d'une résolution du Parlement européen, il faisait suite au lancement, par la Commission européenne, d'une consultation publique sur la révision des règles de l'Union européenne en matière de droit d'auteur - l'objectif fixé par Jean-Claude Juncker au commissaire à l'économie numérique Günther Oettinger dans sa lettre de mission étant, notamment, de « briser les barrières nationales » en matière de droit d'auteur .

Julia Reda y fait le constat d' une « fragmentation » du droit d'auteur et droits voisins , source « d'insécurité juridique (...) pour les personnes qui accèdent à de nouvelles oeuvres, les transforment et les créent », autant que source de « frais de transaction élevés » pour tous ceux qui veulent s'assurer d'agir dans la légalité. Selon l'eurodéputée, la directive de 2001, ayant « introduit des niveaux minimaux de protection du droit d'auteur sans fixer aucune norme de protection des intérêts du public et des utilisateurs (...) , bloque les échanges de savoirs et culturels transfrontaliers ».

La réforme des règles européennes sur le droit d'auteur proposée par Julia Reda consistait à lever les restrictions à la circulation des oeuvres, en généralisant les exceptions reconnues pour tel ou tel usage et en abolissant, autant que faire ce peu, les frontières territoriales.

Elle reçut le soutien des associations proches de l'Internet « ouvert », à l'instar de la Quadrature du net, qui regretta toutefois que ne soit pas proposée la légalisation des échanges non marchands d'oeuvres considérés aujourd'hui comme du piratage, tandis que les syndicats d'auteurs, les représentants des industriels de la culture et les sociétés de gestion collective des droits crièrent au scandale.

Comme de nombreux États membres, les pouvoirs publics français ont rapidement pris fait et cause pour la protection des auteurs et le maintien, à l'identique, de l'économie de la culture.

La mobilisation fut également massive au Parlement européen , où 550 amendements furent déposés en vue de modifier le pré-rapport avant son adoption. Un texte de compromis a finalement été voté à la quasi-unanimité par la commission JURI le 16 juin 2015. Une résolution non législative a ensuite été adoptée en séance plénière par le Parlement européen le 9 juillet 2015.

Les députés ont demandé à ce que les futures propositions visant à réformer la législation européenne sur le droit d'auteur à l'ère numérique assurent un juste équilibre entre les droits et intérêts des créateurs et ceux des consommateurs . Ils ont appelé de leurs voeux des solutions pour améliorer l'accès au contenu en ligne au-delà des frontières tout en reconnaissant l'importance des licences par territoire, en particulier pour la production audiovisuelle cinématographique.

2. Un projet de révision qui appelle à la vigilance

Annoncée pour la fin de l'année 2015 puis régulièrement reportée, la proposition de révision de la directive du 22 mai 2001 a été présentée par la Commission le 14 septembre.

S'agissant des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, l'essentiel de la réforme se concentre sur l' obligation faite aux plateformes d'utiliser des logiciels de reconnaissance de contenus violant le droit d'auteur , à l'image de Content ID utilisé par YouTube . Elles devront également communiquer avec les ayants droit sur les modalités et les paramètres de ces logiciels, ainsi que chercher à conclure des accords avec les titulaires de droits afin d'améliorer les rémunérations versées .

Les considérants de la directive limitent toutefois l'obligation de négocier avec les ayants droit aux plateformes qui ne bénéficient pas du régime de responsabilité de la directive e-commerce du 8 juin 2000 s'agissant des contenus qu'elles hébergent. À titre d'illustration, YouTube comme DailyMotion seraient exemptées de cette contrainte, sauf à prouver qu'elles jouent un « rôle actif » dans l'optimisation et la promotion des contenus diffusés.

Auteurs et artistes devront en outre être informés de façon « opportune, adéquate et suffisante » de la manière dont sont utilisées leurs oeuvres en ligne, selon une formulation proche de celle figurant dans le nouveau contrat d'édition signé entre auteurs et éditeurs en 2013.

Par ailleurs, ils seront en droit de demander une rémunération supplémentaire si le montant sur lequel ils s'étaient mis d'accord à l'origine avec les exploitants s'avère bien inférieur aux revenus générés par leur production, ce qui peut être fréquemment le cas dans le secteur musical.

Cette avancée pour les ayants droit pose néanmoins la question du statut qui pourrait être appliqué aux plateformes de ressources communes, qui fondent leur activité sur la contribution volontaire des textes et d'images par leurs usagers. Elle est de ce fait vigoureusement critiquée par les défenseurs d'un Internet ouvert , qui à l'image de la Quadrature du net, dans un article en date du 2 septembre 2016 sobrement intitulé « Réforme du droit d'auteur : la Commission européenne pouvait-elle faire pire ? » , dénoncent un risque de police privée du droit d'auteur .

Par ailleurs, bien que longtemps annoncée comme une priorité de la révision de la directive de 2001 par le vice-président de la Commission européenne Andrus Ansip, l'abolition du géoblocage des oeuvres voit son champ d'application fortement restreint , sans toutefois apaiser les craintes des diffuseurs sur l'avenir du système actuel de financement de la création, notamment la moins rentable, par la vente de droits.

Dans le cadre de l'instauration d'un marché unique digital en Europe, la réforme devrait ainsi revenir sur la sacro-sainte territorialité des droits , qui permet aux ayants droit de négocier avec chaque pays les conditions de diffusion de leurs oeuvres. Désormais, s'agissant de la seule diffusion numérique , s'appliquerait le principe du pays d'origine déjà en oeuvre pour le câble et le satellite depuis 1993 : au lieu de négocier les droits d'auteur et de s'en acquitter pays par pays, le radiodiffuseur les versera dans son pays d'origine en échange d'une autorisation d'exploitation dans l'ensemble des États membres.

Si les titulaires de droits pourront toujours exiger le maintien d'un géoblocage de l'accès en ligne de leurs oeuvres pour tel ou tel pays et renégocier leur contrat en cas de fort succès à l'étranger, reste que cette proposition soulève la question de la soutenabilité financière des achats de droits paneuropéens pour les diffuseurs européens , souvent bien moins puissants que leurs concurrents américains. Afin d'éviter que cette mesure ne constitue une première étape vers un nouveau débat autour de la territorialité des droits, Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, a indiqué lors de son audition devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, que la France reste mobilisée pour en limiter au maximum le champ d'application.

Toutefois, ni l'audiovisuel ni le cinéma ne seront concernés par cette réforme , ce qui fait écrire à Julia Reda sur son blog : « plutôt qu'une modernisation, pourtant si nécessaire, d'un régime de droit d'auteur vieux de quinze ans, Oettinger est sur le point de proposer de protéger les industries analogiques des opportunités numériques qu'elles devraient plutôt embrasser ».

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Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2017 .

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2017 .

EXAMEN EN COMMISSION

MARDI 23 NOVEMBRE 2016

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M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits du programme « Création » et du soutien public au cinéma . - Autant le dire d'emblée, le budget du programme « Création » qui nous est soumis cette année est, en quelque sorte, le budget rêvé. Cette remarque s'applique au budget pour la culture dans son ensemble, à un niveau véritablement historique puisqu'il atteint 1,1% du budget global de l'État. Avec une hausse de 8 % en autorisations d'engagement et de 4 % en crédits de paiement, il traduit clairement l'engagement du Gouvernement en faveur de la création et de leurs artisans, les créateurs.

Cela semblait, il est vrai, nécessaire après une année marquée par le vote de la loi « création » et ses deux premiers articles qui affirment tour à tour la liberté de création et la liberté de diffusion artistique. Mais il reste rare qu'une loi à l'objet ambitieux se voit donner des moyens avec un budget conséquent.

Ce budget revalorisé était absolument indispensable pour préserver la place de la culture, sujette ces dernières années à de nombreuses attaques, frontales comme insidieuses, et garantir qu'elle demeure, selon les mots de notre ministre de la culture, Audrey Azoulay, « un fondement du pacte républicain ». J'ajouterai que ce budget était particulièrement attendu par les créateurs, dans un contexte de baisse des financements croisés qui a engendré, pour la première fois en 2016, une baisse globale du niveau des aides publiques. J'ai pu mesurer les craintes qu'une telle évolution suscite.

Au final, la hausse de 2016 et la forte hausse de 2017 auront permis de renouer avec les niveaux de 2012 et d'être à la hauteur des enjeux culturels de notre pays, malgré les baisses de 2013 et 2014 que j'avais regrettées et la stabilisation de 2015. Hors investissements relatifs à la Philharmonie, les crédits de la création ont même augmenté de 4,7 % entre 2012 et 2017.

Les hausses concernent évidemment les deux actions du programme, spectacle vivant comme arts plastiques. Sur ce point, je me réjouis même de constater qu'elles sont proportionnellement plus fortes pour les arts visuels, permettant un très léger rééquilibrage dans la répartition des crédits entre les deux actions. Depuis plusieurs années, je dénonce la situation de « parent pauvre » des arts visuels au sein du budget de la création. Je suis donc satisfait de constater que mes alertes commencent enfin à porter leurs fruits. La part de l'action 2 « arts plastiques » franchit, pour la première fois, la barre symbolique des 10 % des crédits du programme en autorisations d'engagement. Le Conseil national des arts visuels dont j'appuie la création, rapport après rapport, devrait enfin voir le jour dans les prochains mois, ce qui devrait être un vrai « plus » pour contribuer à la structuration du secteur, aujourd'hui encore trop faible.

Je suis conscient qu'il ne faut pas crier victoire trop vite. La répartition des crédits du programme reste encore très déséquilibrée au profit du spectacle vivant. Bien sûr, les coûts élevés de production et l'économie globale du spectacle vivant justifient que des moyens conséquents lui soient alloués, mais ils ne suffisent pas à expliquer la persistance d'un tel écart entre les crédits des deux actions.

De nombreux défis se posent au secteur des arts visuels, auxquels il va falloir nous atteler, soit par le biais de dispositions législatives, soit en pesant de tout notre poids pour faire avancer les choses. Je pense à l'élaboration d'une convention collective des arts visuels car il n'en existe pas dans ce secteur, à l'unification des régimes de sécurité sociale qui sont pour l'heure disparates et très pauvres, à la problématique de la juste rémunération des auteurs des arts visuels et au renforcement du soutien à la photographie et au photojournalisme.

Permettez-moi de dire aussi quelques mots sur les enjeux du spectacle vivant. Ce secteur a été particulièrement touché par les attentats, avec des conséquences financières lourdes pour les établissements publics et privés du secteur. Le fonds d'urgence pour le spectacle vivant, mis en place il y a un an, immédiatement après les attentats du 13 novembre à Paris, a pu venir en aide à plusieurs centaines de structures fragilisées et leur permettre de survivre dans ce contexte difficile. Toutefois, il n'a pas vocation à fonctionner au-delà de 2018 et nous devrons donc bientôt nous poser la question de son avenir car la menace terroriste semble devoir persister après cette date.

Par ailleurs, il n'apporte son soutien qu'aux structures privées puisque les opérateurs et scènes subventionnées ne sont pas éligibles. Le budget prévoit donc d'allouer une enveloppe de 4,3 millions d'euros pour la sécurisation des établissements publics en 2017 répartie en 2,3 millions d'euros pour les opérateurs de l'État et 2 millions d'euros pour aider les labels à reconstituer leurs marges artistiques, ce qui permet d'indemniser d'éventuelles pertes et surcoûts liés à la sécurité.

Le dernier sujet que je souhaitais évoquer devant vous est le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). Le problème posé par le plafond de la taxe affectée au CNV est un sujet récurrent au sein de notre commission. Je rappelle que le plafonnement a des effets désastreux sur la santé financière du CNV et des conséquences sur le montant des aides sélectives octroyées, puisque lorsque le secteur est en croissance, le plafond se traduit mécaniquement par des pertes pour l'établissement, contraint de verser les 65 % de l'écrêtement en droit de tirage. À quoi bon se développer si l'on doit être privé du bénéfice de ce développement ?

Je me réjouis donc qu'après les tentatives infructueuses de certains de nos collègues députés lors de l'examen du budget à l'Assemblée nationale, le Gouvernement ait finalement décidé de proposer de relever le plafond de la taxe, comme nous l'a indiqué Audrey Azoulay lors de son audition le 9 novembre dernier. Nous devrions ainsi éviter que le CNV puisse se retrouver en défaut, ce qui aurait inévitablement pénalisé la vitalité économique du secteur du spectacle vivant.

La seconde partie de mon propos portera sur le soutien public au cinéma, d'abord pour me réjouir de la vitalité du fleuron des industries culturelles. Le cinéma, loisir culturel intergénérationnel et populaire, enregistre, depuis 2014, plus de 200 millions d'entrées par an avec, fait exceptionnel en Europe, des oeuvres nationales qui totalisent plus de 70 millions d'entrées. La production française, particulièrement dynamique, atteint, en 2015, le niveau record de 234 oeuvres, à la rentabilité commerciale toutefois inégale.

Pilier du soutien public au cinéma, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) bénéficiera, en 2017, du versement de taxes affectées pour un montant estimé à 671,1 millions d'euros. Ces crédits enregistrent une très légère augmentation de 0,7 %, qui masque de grandes inégalités de rendement. Ainsi, la taxe sur les éditeurs progresse de 7,8 % alors que celles sur les distributeurs et sur les entrées en salles stagnent et que la taxe sur la vidéo, plombée par un marché en constante érosion, diminue de 4,6 %. En additionnant à cette somme, déjà considérable, 36 millions d'euros mobilisés sur la réserve de solidarité pluriannuelle, le CNC versera 701,1 millions d'euros d'aides en 2017, majoritairement au bénéfice de la production et de la distribution. Dans ce cadre, bien que pour des montants encore modestes, l'accent sera porté sur l'exportation des films français, avec la création d'un fonds de soutien automatique doté de 9 millions d'euros, et sur le soutien aux films « d'art et essai » à hauteur de 5 millions d'euros. Les salles d'art et d'essai revêtent une importance majeure pour nos territoires, notamment lorsqu'ils sont privés de salles plus importantes.

Partenaires indispensables du CNC, les chaînes de télévision contribuent à hauteur d'environ 35 % au financement des productions d'initiative française. Leur participation, couplée à leurs obligations de diffusion, représente un maillon essentiel du dispositif d'aide au cinéma. Pour cette raison, je m'inquiète des conséquences que pourrait avoir un désengagement, même limité, de Canal + sur l'équilibre économique et le dynamisme de la filière. Confrontée à des difficultés financières que l'on dit sérieuses, la chaîne semble aujourd'hui vouloir tenir ses engagements, tout en demandant des facilités considérables dans le cadre des négociations relatives au prochain accord professionnel sur la chronologie des médias. Jusqu'où faut-il aller pour « sauver » Canal + et préserver l'actuel modèle de financement du cinéma français ? La question est délicate, le secteur s'interroge et nous ne saurions y répondre qu'avec beaucoup de précautions tant les informations qui filtrent quant à la nature exacte des difficultés de la chaîne sont limitées et, parfois, contradictoires. Plus de transparence sur cette situation financière et de clarté sur le projet global du groupe permettrait de donner plus de visibilité au secteur concerné pour qui cette chaîne constitue un véritable poumon.

Compte tenu de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Création », au sein de la mission « Culture », dont le niveau est véritablement exceptionnel !

Mme Marie-Christine Blandin . - Le groupe écologiste approuve les crédits de la mission. Des inventaires du patrimoine immatériel de notre pays devaient être faits par les DRAC. Je ne sais pas s'ils sont terminés. On ne parle pas assez de ce sujet. Sa plus grande mise en évidence sauverait des métiers dont le savoir-faire disparaît.

La Fondation du patrimoine maritime et fluvial était une fondation sans statut, amiablement rattachée à la Fondation du patrimoine jusqu'à une mésentente laissant le patrimoine maritime en déshérence. Ce problème est-il résolu ? La Fondation du patrimoine a-t-elle absorbé la Fondation du patrimoine maritime ?

Je pondère légèrement l'enthousiasme de M. Assouline sur les crédits de la création car je regrette que les scènes de musiques actuelles (SMAC) aient vu le montant de leur enveloppe stagner. Les musiques actuelles concentrent la pratique de la majorité des Français et semblent pourtant ici oubliées.

Où en est la mise en oeuvre des dispositions de la loi CAP sur la rémunération des auteurs dont l'image des oeuvres est mise à la disposition par les moteurs de recherche sur Internet ? Il s'agit d'une question d'ordre budgétaire qui peut permettre d'abonder les caisses de droits d'auteurs des photographes.

Mme Mireille Jouve . - Je me réjouis que le rééquilibrage territorial par le soutien aux musées en régions se poursuive grâce aux crédits du programme « Patrimoines ». L'augmentation des crédits d'investissement déconcentrés permet la mise en valeur des collections et attractivité des musées de France en régions. Il est nécessaire d'accompagner financièrement la mise en place des agendas d'accessibilité et d'assurer la sécurité des visites.

La priorité sera, en 2017, donnée aux régions avec près de 50 millions d'euros alloués aux DRAC. Il s'agit d'un interlocuteur important pour les collectivités territoriales. Les communes de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur ont, par exemple, reçu une proposition pour rénover leurs monuments aux morts. C'est une bonne chose car chaque commune en possède.

En matière de démocratisation de la culture, je salue la décision du Gouvernement de favoriser l'éducation artistique et culturelle en doublant ses moyens en 2017.

En matière de tourisme, le ministère disposera d'une enveloppe d'un demi-million d'euros en faveur d'actions pour le tourisme culturel.

Je me réjouis de la fréquentation que connaissent les salles de cinéma avec plus de 200 millions d'entrées par an, qui place la France au premier rang européen. Je souligne également que le tarif réduit pour la jeunesse créé en 2013 en contrepartie d'un taux réduit de TVA pour les exploitants de salle a attiré 20 millions de jeunes au cinéma en 2015.

Je m'interroge en revanche, même si ma remarque porte là sur les crédits destinés à la presse, sur l'avenir de la protection des sources après la censure de l'article qui y faisait référence dans la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

M. Pierre Laurent . - Je salue le redressement de ces budgets qui est le bienvenu et qui conduira le groupe communiste, républicain et citoyen à voter en leur faveur.

J'ai entendu les avis de sagesse prononcés par nos collègues rapporteurs de droite. J'espère que cette sagesse ne les quittera pas d'ici quelques mois et qu'ils ne procéderont pas à un « jeu de massacre » vis-à-vis des crédits culturels sur lesquels ils se prononcent aujourd'hui. Nous le craignons en effet.

Nous craignons également des menaces sur la liberté de création et la restauration d'un ordre moral inquiétant. Ces craintes sont motivées par la vandalisation et les critiques à l'encontre des affiches de la nouvelle campagne de prévention contre le VIH.

Je souhaite également modérer l'enthousiasme de David Assouline sur ce budget. Si les redressements qu'il met en oeuvre sont les bienvenus, il n'en demeure pas moins que les ambitions culturelles à l'échelle du quinquennat resteront un rendez-vous manqué au regard de nos attentes.

Ce dernier budget du quinquennat est pour moi l'occasion de saluer l'ensemble des mobilisations de la part de toutes les professions culturelles, qui ont sans nul doute permis d'obtenir aujourd'hui ces redressements.

Le Gouvernement a finalement rendu un arbitrage favorable au relèvement du plafond de la taxe affectée au CNV comme l'a noté David Assouline.

Comme Marie-Christine Blandin, je regrette que les SMAC ne voient pas leur budget augmenter de manière significative. Il s'agit d'un exemple du rendez-vous manqué des ambitions que j'évoquais précédemment.

M. Jean-Pierre Leleux . - Notre commission a toujours su marquer une forme d'indépendance d'esprit par rapport à d'autres commissions, comme celle des finances, pour soutenir collectivement un certain nombre de sujets. Tâchons, malgré le calendrier électoral, de rester objectifs.

Je salue globalement, en ce sens, l'augmentation des crédits de la mission « Culture » depuis les deux années précédentes et, particulièrement, l'année dernière. Un effort incontestable a été produit. Mais ne nous leurrons pas, l'analyse de l'évolution des crédits sur l'ensemble du quinquennat montre que nous n'avons pas rattrapé le niveau de 2012, du fait notamment de l'intégration et de la budgétisation de la RAP.

Les augmentations de crédits ne sont toutefois pas, dans le contexte budgétaire actuellement tendu, les bons critères d'analyse d'un budget. Une augmentation continue des lignes de crédit nous emmène effectivement dans le « mur budgétaire ».

Notre ancien collègue Yves Dauge a été chargé d'une mission sur revitalisation des centres historiques, dans la perspective d'élaborer un plan national d'accompagnement des espaces protégés résultant de la loi CAP. J'ai, en ma qualité de président de la Commission nationale des secteurs sauvegardés, été consulté sur ce sujet. Le projet de rapport non définitif de cette mission me semble contenir des points intéressants. Je conseille au rapporteur Philippe Nachbar d'en prendre connaissance car certains de ses aspects ont trait aux finances. J'évoque en particulier la proposition de mettre en place une ligne commune et unique pour différents crédits affectés aux espaces protégés des petites et moyennes communes puisque ces crédits sont, à l'heure actuelle, dispersés entre différents ministères. Ces communes n'ont, en effet, pas bénéficié durant les cinquante dernières années de l'attention que nous aurions espéré pour elles.

J'approuve le relèvement du plafond de la taxe affectée au CNV. Même si elle ne plaira pas à nos collègues en charge de la comptabilité et de la gestion, nous devrions tout de même défendre l'idée d'un déplafonnement et non d'une augmentation du plafond. Ce déplafonnement pourrait être compensé par une variation du taux de cette taxe. Il éviterait ainsi le découragement que provoque le plafonnement et, en outre, de devoir augmenter le plafond à l'occasion de chaque budget en fonction des recettes perçues par l'intermédiaire de cette taxe. Il ne sert, dans ce cas, à rien de plafonner ! Le problème est le même pour le CNC. Le plafonnement a pour but de permettre à Bercy de récupérer des produits de l'activité économique et culturelle. Je suis donc favorable à la mesure annoncée par la ministre en faveur du CNV lors de son audition.

Je partage l'inquiétude de la profession sur l'avenir de Canal +. Le débat est aujourd'hui tendu au sujet de la chronologie des médias que la chaîne essaie de faire évoluer. Au même titre qu'un grand nombre de partenaires du cinéma, il est nécessaire de revoir cette chronologie aujourd'hui dépassée. Il faut bien entendu protéger le cinéma en salle, qui constitue un pilier de la filière, tout en tenant compte du point de vue de Canal + dont l'aide est indispensable au financement du cinéma français. C'est d'autant plus vrai que la chaîne connaît une perte d'abonnés et souhaite modifier le tarif de ses offres alors que les financements prévus par les accords professionnels y sont indexés.

Mme Françoise Férat . - J'avais questionné la ministre lors de son audition sur la RAP au sein du budget en m'étonnant du montant dévolu aux collectivités territoriales. Pour rappel, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) effectue 80 % des diagnostics et les collectivités territoriales les 20 % restants. Or le budget prévoit l'affectation de 73 millions d'euros en faveur de l'INRAP contre seulement 10 millions d'euros pour les collectivités territoriales. Le prorata n'est donc pas respecté.

La ministre m'avait répondu que le montant prévu pour les collectivités était issu d'échanges avec l'Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale (ANACT) représentant les collectivités territoriales. Or l'ANACT nous fait savoir qu'il n'en est rien. Aucun accord de quelque forme que ce soit n'a été conclu en ce sens malgré les différentes relances de cette association dans le cadre des précédents budgets. Le compte n'y est pas pour les collectivités.

Pour cette raison et pour d'autres évoquées par nos collègues, notre groupe s'abstiendra sur le vote de cet avis.

Mme Françoise Laborde . - Philippe Nachbar a parlé de désengagement des départements en matière de culture, qui serait encore accru ces dernières années. Il me semblait que la loi NOTRe avait pourtant inscrit le principe d'une responsabilité partagée en matière culturelle. Qu'en est-il finalement au niveau du patrimoine ?

David Assouline a évoqué le fonds d'urgence pour le spectacle vivant et les aides aux lieux de spectacle subventionnés. Qu'en est-il des festivals ? Sont-ils soutenus et, le cas échéant, comment le sont-ils, pour faire face aux conséquences des attentats ?

Mme Marie-Pierre Monier . - Quelle est ma stupeur de jeune élue à la Chambre haute qui s'estime privée de son droit de parlementaire ! Il constitue pourtant ce pour quoi les grands électeurs nous ont désignés : nous permettre de débattre, examiner, argumenter sur les textes législatifs qui nous sont présentés. Le budget de la nation est un projet ô combien fondamental pour la vie de l'ensemble de nos concitoyens ! Il s'agit de la loi la plus importante de l'année. Nous ne sommes pas tous du même bord sur les bancs du Sénat. Cette pluralité politique garantit la vitalité de notre démocratie. Nous sommes tous ici pour que nos propositions visant à améliorer la vie des Français, nos idées sur la bonne marche de notre pays et nos projets politiques se confrontent publiquement.

La décision de la majorité sénatoriale de ne pas examiner le budget en séance nous prive de ces moments qui sont le sens et le coeur de notre engagement. Cette décision risque d'amplifier le rejet des citoyens vis-à-vis de la politique. Elle met à mal la notion même de bicamérisme et son impact sur l'image du Sénat m'inquiète. Pourquoi la majorité sénatoriale ne propose-t-elle pas un budget alternatif à celui du Gouvernement afin qu'elle assume ses choix politiques devant les Français ?

Le groupe socialiste n'aura donc pas l'opportunité de souligner en séance les avancées notables que constitue ce budget de la culture, qu'il s'agisse de l'accent mis sur la jeunesse avec un renforcement de l'éducation artistique et culturelle associé à une hausse de 17 % des crédits, de la revalorisation des crédits déconcentrés, en progression de 7 %, pour assurer une diffusion sur tout le territoire des artistes et de la culture, en particulier dans les zones défavorisées, ou encore de l'augmentation de 3,8% des moyens en crédits de paiement du budget du patrimoine.

Nous aurions aimé en débattre en séance mais vous n'assumez pas vos divergences sur ces sujets. Nous le regrettons. Les Français jugeront.

Mme Colette Mélot . - Suite à ces observations, le groupe des Républicains s'abstiendra sur les avis présentés.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je souligne que les musiques dites savantes, au même titre que les musiques actuelles, n'ont pas non plus profité de la hausse budgétaire de la culture. J'en veux pour preuve que le syndicat Les Forces musicales et l'Association française des orchestres s'en sont émus auprès de la ministre.

M. Philippe Nachbar . - La Fondation du patrimoine maritime et fluvial (FPMF) était effectivement abritée depuis 1997 par la Fondation du patrimoine mais des problèmes de lourdeur administrative, liés au fait que le bras actif de la fondation, l'Association des Amis de la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, devait subsister sous la forme d'association, ont conduit à transformer, au printemps 2015, la FPMF en Association patrimoine maritime et fluvial (APMF), réduisant ainsi les frais de gestion et les sources d'erreur. C'est cette association qui est désormais chargée de la mission de service public de labellisation des bateaux d'intérêt patrimonial et d'inventorier, de sauvegarder, de préserver et de promouvoir le patrimoine maritime et fluvial non protégé par l'État. Un représentant de la Fondation du patrimoine siège au sein de la commission de labellisation.

Quant au patrimoine immatériel, il n'en est pas beaucoup fait état dans le bleu budgétaire, sauf pour évoquer la défense de la pluralité linguistique et le soutien aux projets de commémoration nationale. À moins que vous n'évoquiez les métiers d'art ?

Mme Marie-Christine Blandin . - Le patrimoine immatériel concerne tous les savoir-faire, notamment liés aux métiers d'art ou à l'art lui-même.

M. Philippe Nachbar . - Cela me paraît donc concerner le patrimoine dans sa globalité et relever de l'ensemble des chapitres de son budget. Pour ce qui est des savoir-faire, j'évoquais la possibilité de certaines entreprises, avec l'augmentation des crédits, de se remettre à flot. Je ne dispose pas, pour le reste, de réponse chiffrée.

Je me réjouis que la DRAC de la région PACA accorde une importance toute particulière au patrimoine, comme le souligne Mireille Jouve. En évoquant les problèmes liés aux régions, je faisais référence aux soucis posés par leurs nouveaux périmètres et la difficulté d'harmoniser des méthodes de travail. Les DRAC ont pour instruction de réserver 10 % de leurs crédits d'investissement au patrimoine des propriétaires privés. Ils rencontrent eux aussi des difficultés qui peuvent nuire à l'accessibilité du patrimoine dont ils ont la charge, faute de pouvoir financer des investissements parfois très coûteux.

Je partage l'avis de Françoise Férat sur la RAP et sur le déséquilibre au détriment des collectivités locales vis-à-vis de l'INRAP.

Enfin, la loi NOTRe a effectivement réaffirmé le principe de la compétence partagée en matière de culture et les départements peuvent évidemment continuer à financer le patrimoine. Ces départements rencontrent toutefois des difficultés, notamment liées aux budgets sociaux qui sont à leur charge et qui relèvent de leur compétence « numéro un ». Il est donc à craindre qu'ils se désengagent au profit des régions, même si certains continuent évidemment à s'investir sur les questions de protection des patrimoines.

M. David Assouline . - Ne pas être enthousiaste face à une telle augmentation du budget de la création dans le contexte budgétaire que l'on connaît reviendrait à faire montre de pessimisme. Et c'est souvent ce pessimisme qui tire notre pays vers le bas. Il faut au contraire s'accrocher à ce qui va bien, le valoriser et le faire savoir ! La culture a été très durement frappée à la suite des attentats et a, aujourd'hui, besoin de cela. On aurait pu se demander si les Français qui ont été marqués par les attentats allaient de nouveau se rendre dans les salles de spectacle, faire la queue, aller au cinéma. Mais des signes positifs ont été donnés par l'État et les Français ont répondu présents.

Je réponds à Françoise Laborde que les festivals sont éligibles au fonds d'urgence pour le spectacle vivant. Il ne concerne pas les seules salles de spectacle. D'ailleurs, le fonds avait été réabondé à hauteur de 7 millions d'euros juste avant l'été, pour permettre en particulier de venir en aide aux festivals avant le début du gros de la saison. Les difficultés rencontrées par les festivals dans notre pays sont connues et il est vrai que certains ont disparu. Mais, cette année encore, des créations de nouveaux festivals compensent et dépassent même les disparitions. Les festivals gratuits sont, toutefois, de plus en plus rares par absence de financements locaux, comme de sponsors ou d'investisseurs. Ce point particulier ne doit pas cacher l'engouement extraordinaire que connaît chaque été notre pays en faveur de ces événements culturels.

Penser que ce budget est un budget rêvé ne veut pas dire qu'il est en tout point parfait. Je suis, en général, le premier à dénoncer les points négatifs comme les baisses du budget de la culture de 2013 et 2014, alors même lorsqu'ils étaient le fait d'un Gouvernement de mon bord politique. J'espère d'ailleurs que si la droite revenait au pouvoir, l'actuelle majorité sénatoriale en ferait de même.

Si ce budget ne prévoit aucune augmentation des crédits en faveur des orchestres, les SMAC bénéficient, elles, d'un crédit supplémentaire de 2 millions d'euros. En dépit de l'accroissement du nombre de bénéficiaires, cette augmentation devrait permettre de revaloriser l'enveloppe moyenne qui peut être allouée à chacune d'entre elles.

Il est entendu que les chaînes de télévision sont favorables à une révision de la chronologie des médias puisqu'il est dans leur intérêt de pouvoir diffuser le plus tôt possible les films après leur sorties en salles. Je constate que les neuf mois d'attente prévus se situent parmi les délais les plus courts au monde. Je constate également que ce sont les entrées en salles qui garantissent la bonne santé du cinéma. Il ne faut donc pas qu'une diffusion trop hâtive des films à la télévision se fasse au détriment de la fréquentation des salles. Je ne suis, en revanche, pas contre une modification de la chronologie existante à la marge, mais la demande de Canal + de passer à six mois est excessive et personne, d'ailleurs, ne l'accepte dans le secteur du cinéma.

Enfin, j'indique que l'article instaurant un système de gestion de droits obligatoire pour les auteurs d'arts visuels dont les oeuvres sont reproduites par les services de référencement d'images sur Internet sans leur autorisation doit s'appliquer six mois après l'entrée en vigueur de la loi CAP, soit le 7 janvier 2017. Ce délai n'étant pas encore échu, je ne peux aujourd'hui vous dire ce qu'il en est. J'avais, en ce sens, interpellé la ministre afin qu'elle établisse une notification pour que d'éventuelles procédures de la Commission européenne ne retardent pas la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions. Cette notification a bien été faite et j'espère que notre commission se penchera dans quelques mois sur l'application et l'efficacité de cette mesure.

M. Jean-Claude Luche . - Un certain nombre d'entre nous se réjouissent de l'augmentation des crédits mais je constate que, comparés à ceux de 2012, ces crédits ont connu une baisse. J'ai, par exemple, évoqué le recul de 37 % des crédits des conservatoires. Cette baisse a causé d'énormes dégâts dans notre pays chez les acteurs culturels, d'autant qu'elle s'est ajoutée à une baisse des dotations aux collectivités territoriales. Je confirme que les départements ont d'importantes difficultés financières. Malgré toute leur bonne volonté, certains ont beaucoup de mal à conserver l'ampleur de leur action culturelle, laissant faire les DRAC ou les régions, elles-mêmes confrontées à la difficile mise en place de la nouvelle organisation territoriale. Je suis, en ce sens, très inquiet pour les festivals devant se tenir en 2017.

Je note donc l'augmentation des crédits, ai plaidé pour un vote de sagesse, mais je pense sincèrement que nous pouvons mieux faire. On peut toujours mêler au débat les circonstances électorales de ce budget, mais les chiffres sont têtus. Ils reflètent des réalités et on ne peut que regretter les coupes faites au détriment de nos acteurs culturels. Je pense aux organisateurs d'un certain nombre de festivals ou de manifestations culturelles qui n'ont plus les moyens d'assurer la pérennité de ces événements. À travers eux, c'est l'attractivité de l'ensemble de notre pays qui est mise en péril.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Notre commission avait été saisie pour avis dans le cadre de la loi NOTRe. Puisque la compétence culture restait partagée entre les différents niveaux de collectivités territoriales et que leurs budgets représentent les deux tiers des financements à destination de la culture, la commission préconisait l'instauration d'une commission culture au sein des Conférences territoriales de l'action publique (CTAP). Je constate globalement peu de coordination entre les niveaux de collectivités territoriales alors qu'il est au contraire nécessaire que ces différents niveaux s'organisent pour permettre que perdurent des pans entiers de notre politique culturelle. Je peux citer les conservatoires en exemple mais cela concerne bien d'autres sujets.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission «Culture » du projet de loi de finances pour 2017.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Au titre du programme 131 « Création »

Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC) : M. Cyril Seassau, directeur

Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) : M. Philippe Nicolas, directeur

Direction générale de la création artistique (DGCA) : Mme Régine Hatchondo, directrice générale, et MM. Pascal Perrault, sous-directeur des affaires financières et générales, Stéphane Martinet, adjoint au sous-directeur des affaires financières et générales, et Mme Sophie Léron, cheffe de projet, mission pour la photographie

Contributions écrites

Comité des artistes-auteurs plasticiens (CAAP)

Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC)

Fédération des professionnels de l'art contemporain (CIPAC)

Fédération de réseaux et associations d'artistes-plasticiens (FRAAP)

Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP)

Syndicat des musiques actuelles (SMA)

Syndicat national des photographes (SNP)

Syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (PRODISS)

Au titre du cinéma

Fédération nationale des cinémas français (FNCF) : MM. Richard Patry, président , Jean-Pierre Decrette, président délégué, et Erwan Escoubet, directeur juridique

Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) : Mme Frédérique Bredin, présidente, et M. Pierre-Emmanuel Lecerf, directeur financier et juridique

Association des producteurs indépendants (API) : M. Marc Lacan, co-président, et Mme Hortense de Labriffe, secrétaire générale

Canal + : M. Didier Lupfer, directeur du cinéma, et Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations institutionnelles

Contributions écrites

Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques (SACD)

Syndicat des producteurs indépendants (SPI)

Unifrance

ANNEXE

Audition de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication

MERCREDI 9 NOVEMBRE 2016

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Madame la ministre, je suis très heureuse de vous accueillir pour la première fois pour la traditionnelle audition budgétaire, un moment privilégié d'échanges autour des grandes orientations des différentes politiques publiques. Nous avons tous apprécié, tous groupes confondus, l'excellent travail de coopération réalisé, grâce à votre écoute, lors de l'examen du volumineux projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, aboutissant à une loi satisfaisante capitalisant sur les avancées de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Nous examinerons successivement les missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Je suis également heureuse de me retrouver devant votre commission, avec laquelle j'ai plaisir à travailler.

En cette semaine particulière d'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre dernier, je tiens à souligner que nous avons fait le choix de porter haut le budget de la culture, pour lui donner des moyens importants, à l'instar des autres grandes priorités du Gouvernement : la jeunesse, l'éducation, l'emploi et les domaines régaliens.

Les Français ont montré qu'ils ne voulaient pas renoncer à la culture : cet été, ils ont été plus nombreux que d'habitude dans les festivals sur vos territoires et ont montré ce besoin de se retrouver autour des propositions d'artistes. Les journées européennes du patrimoine ont également remporté un grand succès.

Ce projet de loi de finances renforce la place de la culture et la rend toujours plus accessible. Ainsi, nous élargissons les horaires des bibliothèques, chère Sylvie Robert. Le Président de la République a pour objectif qu'un enfant scolarisé sur deux puisse avoir accès à un enseignement artistique et culturel à l'école. C'est le sens de notre priorité donnée à l'éducation artistique et culturelle, de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine et de celle visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, ainsi que des valeurs que nous défendons dans les actions du ministère avec les professionnels de la culture. Dans le cadre légal du dialogue avec les partenaires sociaux, nous avons conclu le 28 avril un accord historique sur le régime des intermittents du spectacle, entré en vigueur par décret le 1 er août dernier. Le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle, le FONPEPS, sera doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement. C'est le sens aussi des accords sur la production audiovisuelle, appelés de vos voeux, des accords sur la diversité cinématographique signés à Cannes et des accords sur le renforcement du soutien à la création indépendante ou sur les aides à la musique.

Ce budget est en hausse de 5,5 %, soit l'une des plus fortes hausses que le ministère ait connue et cette augmentation concerne toutes ses composantes. Ainsi, le budget de la culture dépasse le seuil symbolique de 1 % pour atteindre 1,1 % du budget de l'État, et ce, sans aucun artifice. Nous avons respecté le périmètre défini depuis plus de trente ans, c'est-à-dire la mission « Culture », les programmes 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » et 334 « Livre et industries culturelles » et la dotation générale de décentralisation, la DGD, pour les bibliothèques - bien qu'elle soit portée par le ministère de l'intérieur.

Nous défendons quelques orientations claires : s'adresser aux jeunes générations, investir dans les territoires et soutenir la presse et les médias. En sus du budget, lors du comité interministériel du tourisme, le Premier ministre a annoncé lundi dernier que 5 millions d'euros supplémentaires provenant du Fonds interministériel de prévention de la délinquance financeront des investissements de sécurité des grands opérateurs culturels. Ils s'ajoutent aux 9 millions d'euros prévus dans le PLF pour la sécurité des opérateurs et aux 73 emplois supplémentaires prévus dans trois établissements publics. Le Fonds d'urgence au spectacle vivant, créé à la suite des attentats du Bataclan et abondé en juin 2016 pour renforcer la sécurité des grands festivals d'été, se verra également doté de 4 millions d'euros supplémentaires. Bonne nouvelle pour le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), qui gère ce fonds, nous allons intervenir pour que le plafond de recettes de la taxe parafiscale ne soit pas bloquant, afin qu'il ne perde pas le surplus de recettes cette année.

Je suis fière de ce budget, qui traduit notre ambition pour la culture. La mission « Culture » sera dotée de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement, 2,91 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 6,2 %. Sa principale priorité est la jeunesse. Entre 2012 et 2017, l'effort financier pour l'éducation artistique et culturelle a été multiplié par deux, grâce à un budget en 2017 en hausse de 12 %, pour atteindre 64 millions d'euros et financer de nombreuses opérations. Une initiative nouvelle, « Création en cours », se développe dans certains départements, avec le ministère de l'éducation nationale, pour que des résidences de jeunes artistes diplômés des écoles d'art se tiennent dans des classes de CM1, CM2 ou sixième, notamment dans les zones les moins favorisées en termes d'offre culturelle.

Le réseau d'enseignement supérieur Culture, d'une centaine d'écoles, forme 10 000 étudiants par an, avec un taux d'insertion de 80 %. Ses moyens seront renforcés à hauteur de 6 %, avec 276 millions d'euros en crédits de paiement. S'inspirant de financements par le mécénat ou de fondations, un appel à projets a été lancé pour inciter à la diversité de recrutement au sein de ces écoles, comme l'École de la Comédie de Saint-Étienne, le théâtre national de Strasbourg, le Conservatoire national supérieur ou l'École nationale des beaux-arts...

Deuxième priorité : ce budget élargit les horizons de la création dans les territoires, au plus près du public. Le budget de la création augmente de 4 % ; 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant, en sus du soutien renforcé déjà accordé en 2016 aux compagnies, aux labels et aux résidences d'artistes, et donc à l'indépendance, aux ateliers de fabrique artistique, sur l'ensemble du territoire et notamment en milieu rural. Nous lançons des projets innovants comme « Micro Folies » porté par l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette et déployé à la fin de cette année, le développement de l'établissement public de coopération culturelle de Clichy-Montfermeil ou les conventions signées entre les quartiers prioritaires d'Île-de-France et certains établissements publics, grâce à des crédits de la politique de la ville en Île-de-France. C'est un exemple réussi à généraliser. Les moyens des arts visuels sont accrus de 9 % en crédits de paiement, pour atteindre 77 millions d'euros, et de 33 % en autorisations d'engagement, à 90 millions d'euros, afin de soutenir la photographie - trop peu soutenue actuellement - grâce à la commande publique.

Troisième priorité : remettre la culture au coeur de notre quotidien. Des partenariats sont signés avec les collectivités territoriales dans le cadre des contrats de développement culturel, s'ajoutant à une soixantaine de pactes initiés en 2015 avec des villes et des intercommunalités. Dix nouveaux pactes seront signés en 2016. Les crédits déconcentrés, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), progresseront de 7 %, avec particulièrement 1,5 million d'euros dédiés à l'action culturelle en milieu rural.

Nous participons à la rénovation d'équipements importants, comme la Comédie de Saint-Étienne, le centre de création contemporaine Olivier-Debré à Tours, la Maison de la culture à Bourges - longtemps attendue -, le théâtre des Amandiers à Nanterre ou l'École nationale supérieure de la photographie d'Arles. Je citerai aussi le chantier de la Cité du théâtre dans les ateliers Berthier à Paris.

Nous investirons dans le numérique grâce au programme d'investissements d'avenir de troisième génération lancé par le Président de la République.

Nous voulons protéger et valoriser un patrimoine exceptionnel, vivant et plébiscité, par une augmentation de 4 % du budget dédié : 318 millions d'euros pour les monuments historiques, 360 millions d'euros pour les musées, 29 millions d'euros pour les archives et 32 millions d'euros pour l'architecture. Les crédits transférés aux collectivités territoriales augmenteront de 1 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement, avec un geste fort sur le programme 175, dont les autorisations d'engagement augmentent de 6 %. Je rectifie une erreur de saisie sur l'action 4 du programme 175 : les transferts aux collectivités ont progressé entre 2016 et 2017. Les moyens du CMN, le Centre des monuments nationaux, en fonctionnement et en investissement, augmenteront de 8 % entre 2016 et 2017. Au total, les crédits du programme 175 augmentent de 4 %.

Les musées ont connu des difficultés en raison de la baisse de fréquentation touristique consécutive aux attentats. Sur les trois premiers trimestres de 2016, les trente plus grands opérateurs ont connu une chute de fréquentation de 16 %, avec un fort impact sur les recettes mais aussi sur leurs dépenses en raison des dépenses de sécurité supplémentaires; d'où les mesures décidées lors du comité interministériel du tourisme, ainsi que dans le PLF pour 2017. Les crédits de paiement pour les musées de France augmentent de 6 %, les engagements de 8 % et les crédits pour les acquisitions de 12 %. Nous respecterons tous les schémas directeurs des musées et lancerons le nouveau schéma directeur du Centre Pompidou, avec une augmentation de sa dotation en fonds propres de 5 millions d'euros en crédits de paiement et de 18 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Une réflexion « musée du XXI e siècle » est en cours sur la place du musée, ses rapports avec le public, afin de construire un musée citoyen et participatif. Les conclusions devraient être connues avant la fin de l'année.

Les musées et monuments historiques sont partenaires du projet « les portes du temps » pour accueillir enfants et jeunes durant les vacances, que nous cherchons à dynamiser.

Le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) augmente de 5 %, pour atteindre 707 millions d'euros en 2017, afin de financer les réformes comme les aides à l'export et les aides aux cinémathèques sur l'ensemble du territoire. Nous apporterons également des aides pour le documentaire et la réforme des cinémas d'art et d'essai. Ce budget donne donc toute sa place à la culture dans les priorités du Gouvernement.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, pour le programme 175 « Patrimoines » . - Je me félicite de l'augmentation des crédits pour les monuments historiques, mais quelles mesures concrètes l'État prendra-t-il pour garantir leur bonne exécution ? Plusieurs rapports ont relevé une sous-consommation de ces crédits ces dernières années : les collectivités et les entreprises en ont un besoin impérieux, car près d'un millier d'emplois ont été perdus par les entreprises du Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques. Avec la réforme territoriale et le regroupement des DRAC au sein des nouvelles régions, nous craignons de nouveaux ralentissements pour la consommation des crédits.

Vous avez annoncé que le pourcentage des crédits reversés par l'État sur les successions en déshérence à la Fondation du patrimoine passerait de 50 % à 75 %. Le décret sera-t-il publié avant la fin de l'année ?

Comment expliquer que la subvention du CMN s'établisse à 17 millions d'euros en 2017, alors que l'État s'était engagé sur une subvention de 30 millions d'euros lors du transfert de la maîtrise d'ouvrage et que les réserves constituées par le CMN dans un fonds de roulement sont désormais quasiment épuisées ? Le CMN gère de très grands monuments et est essentiel pour les entreprises spécialisées et le tourisme.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de M. David Assouline, je présenterai ses questions sur le cinéma et sur la création.

L'an passé, le Gouvernement a renforcé ambitieusement le crédit d'impôt en faveur du cinéma et de l'audiovisuel avec des résultats remarquables. Toutefois, au-delà des aides fiscales, le financement du cinéma est largement porté par les chaînes de télévision et notamment par Canal+. Les difficultés financières annoncées par le groupe conduisent la chaîne à renégocier ses engagements et à demander des assouplissements en matière de chronologie des médias. Qu'en pensez-vous ? Jusqu'où faut-il aller pour sauver Canal+ ?

Le 14 septembre dernier, la Commission européenne a dévoilé son projet de révision de la directive du 22 mai 2001 relative au droit d'auteur. Si certaines propositions vont dans le bon sens, notamment au bénéfice des éditeurs de presse, d'autres mesures inquiètent, en particulier en matière de territorialité des droits. Que pensez-vous du projet présenté ? Comment la France va-t-elle se mobiliser pour faire valoir ses positions ?

Comment expliquer la persistance d'un tel écart entre les crédits alloués au spectacle vivant et ceux alloués aux arts plastiques, alors qu'il y a un réel besoin de structuration du secteur et que les établissements d'arts plastiques font face à des charges de structure croissantes ?

Pourquoi ne pas envisager la mise en place d'aides ciblées en direction des jeunes photojournalistes, dans le cadre d'une refonte des aides à la presse, pour faciliter le renouvellement de la profession ?

Vous nous avez indiqué revenir sur le plafonnement de la taxe au sujet duquel deux amendements ont été rejetés, à l'Assemblée nationale, pour financer les aides distribuées par le CNV, instrument vertueux indispensable pour la diversité artistique et la création. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de M. Jean-Claude Luche, je présenterai ses questions sur la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture.

Comment expliquer qu'aucun mécanisme de compensation ne soit prévu pour l'exonération des étudiants boursiers dans les écoles d'art territoriales, alors qu'il s'agit d'une politique sociale définie par l'État ? Quelles sont les mesures prévues pour rapprocher le statut des enseignants des écoles d'art territoriales de celui des enseignants des écoles nationales, que le projet annuel de performances définit comme une priorité, mais pour lequel aucune enveloppe spécifique n'est prévue ?

Pour les conservatoires, comment garantir que le nombre de places offertes aux prochains concours d'assistant territorial d'enseignement artistique et de professeur d'enseignement artistique de la fonction publique territoriale compense l'absence d'organisation de ces concours sur une base régulière, comme c'était le cas auparavant ?

Certains critiquent le manque de transparence dans l'attribution des crédits entre les différents conservatoires par les DRAC et l'application apparemment inégale des nouveaux critères d'intervention de l'État par les DRAC. Des mesures comme la rédaction d'un vade-mecum sont-elles envisagées pour garantir aux conservatoires une certaine prévisibilité dans l'allocation des crédits ? J'ajoute que la somme consacrée aux conservatoires n'est pas revenue à son niveau initial...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Le rythme de consommation et la capacité de consommation et d'engagement des crédits de la DRAC en faveur des monuments historiques (MH) ont été moins dynamiques au début de l'exercice 2016 qu'auparavant, en raison de la mise en place de la réforme territoriale, non encore achevée. Plus de 60 % des crédits MH des DRAC sont destinés à des monuments historiques qui n'appartiennent pas à l'État et qui nécessitent donc des plans de financement mobilisant de nombreux acteurs. Nous avons rattrapé ce lent début d'année. Au 7 novembre, 80 % des crédits destinés aux monuments historiques avaient été consommés, sachant que les deux derniers mois de l'année consomment généralement 25 % des crédits annuels. Nous suivons donc un bon rythme et essayons d'éviter l'annulation de crédits en cours de gestion.

Le produit de la quote-part que reverse l'État à la Fondation du patrimoine sur les successions en déshérence était en baisse par rapport aux années précédentes, ce qui était préoccupant pour la Fondation du patrimoine, qui réalise un travail indispensable. Nous nous sommes engagés à augmenter la quote-part que reverse l'État à la Fondation à 75 %. Le décret a été publié le 5 novembre, exprès pour vous !

M. Philippe Nachbar . - Merci de votre délicate attention !

M. Jean-Louis Carrère . - Bravo, monsieur Nachbar !

Mme Audrey Azoulay, ministre . - L'effort budgétaire de l'État pour le CMN est très important en 2017, sa contribution augmentant de 8 %, passant de 25,4 millions à 27,4 millions d'euros, dans le cadre du plan pluriannuel entre le ministère et le CMN, mis à jour avec la direction générale du patrimoine, pour plus de visibilité et de priorité des travaux réalisés. C'était particulièrement important alors que la restauration de l'hôtel de la Marine va commencer et que le CMN a assuré la réouverture de la villa Cavrois de Mallet-Stevens à Croix. L'évolution du périmètre du CMN a pour corollaire une augmentation des dépenses de fonctionnement et un résultat d'exploitation négatif. Cependant, le fonds de roulement, qui s'élevait à 64 millions d'euros fin 2015, devrait compter 38 millions d'euros fin 2016 pour assurer une stabilité de l'établissement.

Nous menons des discussions soutenues avec Canal+ sur i-Télé et sur sa contribution à l'industrie cinématographique. Une convention, suivie par, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), a été signée pour cinq ans avec le monde du cinéma et prévoit un double mode de calcul, assis sur le chiffre d'affaires et le nombre d'abonnés. Canal+ souhaite faire évoluer ses offres commerciales et donc le calcul de l'investissement dans le cinéma. Les professionnels du cinéma et le ministère de la culture regardent cela avec attention et ne négocieront un changement de cette convention qu'en cas d'assurance du financement de Canal+ en contrepartie de la licence cryptée qui lui est attribuée.

Nous avons travaillé durant deux ans sur la territorialité du droit d'auteur dans le cadre de la réforme du droit communautaire pour répondre à la Commission européenne, qui souhaitait instaurer un marché unique numérique avec de nombreux projets de textes comme un règlement sur la portabilité, un règlement réformant la directive sur le câble et le satellite, un projet de réforme de la directive relative aux services de médias audiovisuels, un autre réformant la directive sur le droit d'auteur et deux textes sur les exceptions handicap au droit d'auteur, issus du traité de Marrakech. En 2014, des projets inquiétants de la Commission remettaient en cause la territorialité des droits d'exploitation ; pour préfinancer une oeuvre, les producteurs pré-vendent des droits d'exploitation sur chacun des territoires, constituant le préfinancement, qui garantit la diversité : on peut ainsi financer des oeuvres non seulement par les parts de marché, mais aussi sur une part de risque distribuée selon les territoires. Nous avons défendu nos positions durant deux ans et sommes rassurés par les textes de la Commission de ces derniers mois. Ceux-ci font droit à nos propositions de respect du droit d'auteur, de reconnaissance de la diversité culturelle, de territorialité des droits, de respect de l'oeuvre par la portabilité des abonnements dans une formulation mieux sécurisée, de responsabilité de nouveaux diffuseurs sur Internet - par une meilleure prise en compte des plateformes dans la diffusion des oeuvres, d'intégration de ces plateformes dans le champ de la régulation audiovisuelle, de création d'un nouveau droit voisin pour les éditeurs de presse, afin de rééquilibrer les relations avec les géants d'Internet.

Nous avons fait remonter au vice-président de la Commission, M. Ansip, nos mécontentements sur l'extension du principe du pays d'origine à certains services numériques dans le cadre de la réforme de la directive « câble et satellite ». La majorité des États membres sont opposés à cette extension, porte d'entrée pour remettre en cause la territorialité des droits. Pour gagner en influence, j'ai préparé la position française pour le prochain Conseil des ministres de l'Union européenne de novembre avec l'Allemagne et l'Italie.

Près de 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant et 61 millions d'euros aux arts visuels au sein du programme 131, mais la dotation destinée aux arts visuels augmente de 9 %, soit deux fois plus que celle pour le spectacle vivant. Au total, les crédits pour les arts visuels ont augmenté de 12 % depuis 2012. En 2017, un investissement de 17 millions d'euros en autorisations d'engagement est prévu en faveur du Centre national des arts plastiques (CNAP) afin de relocaliser ses réserves, actuellement situées à La Défense, en raison de la fin de leur bail emphytéotique en 2018, et pour remédier à une localisation peu optimale, tant pour le financement que pour la conservation des oeuvres. Nous attendons l'avis du Conseil de l'immobilier de l'État sur les différents lieux identifiés.

Nous consolidons les institutions de référence comme les Fonds régionaux d'art contemporain, qui viennent récemment d'ouvrir leurs portes pour leur anniversaire, les centres d'art ou le musée du Jeu de Paume, qui réalise un travail remarquable dans le domaine de la photographie, et nous avons lancé une commande publique sur la photographie. Des efforts sont réalisés sur les écoles supérieures d'art et concernent donc les arts plastiques. Au total, les crédits pour les arts visuels s'élèvent à 150 millions d'euros.

La taxe affectée au CNV est plafonnée par une mesure transverse concernant de nombreux opérateurs. Mais les dépenses du CNV sont intrinsèquement liées à ses recettes et liées au marché sur lequel opère le CNV. Il y aurait une contradiction à faire jouer le plafond et que les sommes écrêtées reviennent au budget de l'État, alors que les dépenses sont générées par ces recettes. Nous avons débattu avec Bercy, qui maintient sa doctrine de plafonnement des recettes, tandis que nous défendons la réalité économique et sectorielle. Le compromis trouvé pour remonter le plafond sera présenté en projet de loi de finances rectificative pour que l'établissement public conserve l'intégralité de l'augmentation de la taxe.

Mme Maryvonne Blondin . - Automatiquement ? Ce serait vertueux...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Vous avez raison. Soyez-y attentifs !

Mme Sylvie Robert . - C'était très important !

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Le ministère de la culture finance 40 millions d'euros de bourses pour les étudiants en école d'art en 2017, en hausse par rapport à 2016, et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) finance des bourses sur critères sociaux dans tous les établissements. Dans certaines écoles, des dispositifs spécifiques favoriseront la diversité dans les promotions. Le Gouvernement veut créer un statut spécifique des professeurs d'écoles d'art territoriales pour reconnaître leurs missions d'enseignement supérieur et de recherche, équivalentes aux missions des professeurs des écoles nationales, et réévaluer la grille indiciaire et les conditions d'accès à ce nouveau cadre. Nous n'avons pas encore chiffré ces mesures, qui prendraient effet fin 2017. Un projet de décret sur la recherche est en cours, associant les représentants des écoles territoriales supérieures d'art et des écoles nationales.

L'État augmente le financement des conservatoires - sans revenir à leur niveau initial - de 3,5 millions d'euros, pour atteindre 17 millions d'euros. Toutes les dispositions ont été prises pour que les quatre critères d'intervention de l'État dans le financement des conservatoires soient élaborés avec les collectivités territoriales et précisés par une circulaire du 10 mai 2016 : mise en oeuvre d'une tarification sociale, renouvellement des pratiques pédagogiques, accompagnement de la diversification de l'offre artistique, encouragement des réseaux et des partenariats. Ce texte a aussi ouvert le droit, pour des conservatoires souvent implantés en zone rurale, de bénéficier d'une aide de l'État qui n'existait pas en 2012.

M. André Gattolin, rapporteur spécial de la mission « Culture » . - Malheureusement, nous ne débattrons pas en séance publique des missions budgétaires, même si Vincent Eblé et moi-même présenterons notre rapport spécial sur la mission « Culture ». Vous vous en doutez, mes questions sont d'ordre financier. Quelles sont vos prévisions sur la part croissante des dépenses de personnel du ministère de la culture à la suite du plan Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) au sein de la hausse affichée du budget de la culture ? Avez-vous des détails sur le véhicule de financement du programme de travaux du Grand Paris ? Si la subvention exceptionnelle ne dépend pas du ministère de la culture, qui la portera ? Je n'ai rien vu dans le programme d'investissements d'avenir (PIA)...

Avec Colette Mélot, je suis, au sein de la commission des affaires européennes, les sujets du numérique et de la culture. Un projet de directive européenne prévoyant la neutralité fiscale de la TVA pour la presse et le livre sur tous les supports, numériques ou matériels, devrait être déposé à la fin du mois. Qu'en pensez-vous, sachant que la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France sur sa loi portant à 7 % la TVA sur le livre numérique ?

Mme Françoise Férat . - Sans être obnubilée par l'archéologie préventive, je m'interroge sur la budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), en 2017. En 2015, 1 692 diagnostics ont été réalisés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), soit 81 % d'entre eux, contre 19 % par les collectivités territoriales. Or la ventilation de la RAP ne correspond pas à cette répartition. Pour quelles raisons l'INRAP devrait, comme en 2016, percevoir 73 millions d'euros, contre seulement 10 millions d'euros pour les collectivités territoriales ?

Mme Sylvie Robert . - Le groupe socialiste et républicain est satisfait de l'augmentation du budget de la culture, qui atteint le seuil symbolique de 1,1 % du budget de l'État, jamais atteint jusqu'alors, grâce à une augmentation de 5,5 %. Dans le contexte particulier de commémoration des attentats du 13 novembre, certains d'entre nous se sont réveillés groggy ce matin après les résultats de l'élection présidentielle américaine ; l'éducation et la culture sont des enjeux extrêmement importants pour l'émancipation individuelle et collective et pour le jugement critique et la liberté de choix. Dans notre société de tensions, de divisions, où la tentation du repli est forte, la reconnaissance et l'altérité sont très importantes. La culture y participe. Nous sommes satisfaits que l'investissement artistique et culturel soit une priorité. Nous sommes heureux d'examiner ce budget, même si nous ne pourrons pas le voter et en sommes frustrés.

Vos priorités sur la jeunesse, la création, l'équité territoriale et l'emploi sont essentielles.

Dans la ventilation budgétaire sur le terrain, assurons un égal accès à l'art et à la culture. Prévoir qu'un enfant sur deux puisse bénéficier d'un enseignement artistique et culturel est ambitieux. Nous avons lu la charte pour l'éducation artistique et culturelle signée à Avignon et suivons les travaux du Haut Conseil. Comment avez-vous négocié avec l'éducation nationale pour que cet enseignement soit pris sur du temps scolaire ?

Nous sommes satisfaits de l'augmentation de 7 % des crédits déconcentrés en DRAC. La directive nationale d'orientation comprendra des priorités : zones rurales, quartiers populaires ou prioritaires... Cette équité territoriale sera-t-elle spécifiée dans cette directive, eu égard aux différences de périmètre des grandes régions ? Le différentiel d'investissement entre Paris et le reste de la région d'Ile-de-France est-il un peu atténué ?

En application de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, nous attendons pour janvier des rapports sur les arts visuels, le spectacle vivant, le permis de faire, sur l'architecture ou le 1 % travaux publics, essentiels pour mesurer les différentes incidences budgétaires. L'article 1 er assure la liberté de création et l'article 5 évoque les labels. Envisagez-vous de développer ces labels et d'étendre les esthétiques - comme les marionnettes - et de consolider ce qui existe, notamment en revalorisant le plafond des SMAC, les scènes de musiques actuelles ? Depuis plusieurs années, les musiques actuelles ont été le parent pauvre du secteur culturel.

Mme Marie-Christine Blandin . - Les écologistes se réjouissent que le Gouvernement, à la suite de la loi, montre que la culture n'est pas une variable d'ajustement, même en période de tension budgétaire. Nous sommes aussi attentifs à l'emploi et à toutes les actions de consolidation du régime des intermittents, qui est fondamental.

Nos groupes ont des préoccupations communes, comme l'importance des musiques actuelles, pratiquées par un quart des Français - on est loin d'un quart du budget de la création ! Plus de 12 % des Français pratiquent collectivement un instrument ; c'est le lieu du lien et des rencontres de culture, ce qui nous manque en ce moment dans le monde. En moyenne, 102 000 euros sont consacrés à une SMAC, contre sept fois plus - 750 000 euros - pour une scène nationale. En dépit de la jeunesse du label SMAC, il ne faut pas s'arrêter à cette maigre part. Il est nécessaire de gonfler leurs subventions.

Vos annonces au sujet du CNV nous réjouissent. Je sais que vous avez fort à faire avec Bercy. Sachez que, pour notre part, nous avons fort à faire, à la fin du débat budgétaire, avec les représentants de la commission des finances, qui adorent le plafonnement... Moi qui suis contre ces plafonnements et qui préfère les mécanismes coopératifs, je me réjouis de votre astuce : respecter la règle, mais monter le plafond chaque fois que de besoin.

Je voulais vous signaler une anomalie que le Sénat aurait pu corriger si nous avions pu débattre de la première partie du projet de loi de finances. Aujourd'hui, la billetterie est en ligne et se trouve dans les mains de trois grands groupes - Live Nation, Vivendi et Vente-privée.com -, qui prennent 15 % du montant du billet des spectacles. Le comble, c'est qu'ils ne sont pas frappés par la TVA. La vente de billets doit être une des seules activités associées à la culture à n'être pas assujettie à la TVA. Celui qui fait le spectacle paie la TVA, pendant que les trois majors rackettent la culture et ne paient même pas d'impôt ! Je souhaitais vous signaler cette niche de recettes potentielle.

À propos des arts plastiques, notre collègue David Assouline a signalé que 90 % des crédits bénéficiaient au spectacle vivant. On peut aider les arts plastiques autrement que par le budget.

Il nous faudra quand même revenir sur la TVA applicable aux droits d'auteur, à 10 %, alors que tous les autres taux de TVA ont baissé.

Il faudra payer les artistes qui répondent aux appels d'offres, qui leur consacrent du temps de créativité, même si leur candidature n'est pas retenue.

Nous vous demandons, madame la ministre, un effort significatif sur le régime social de base et sur le régime complémentaire des artistes. Or le paritarisme est en panne depuis 2014, et le régime complémentaire est absolument intenable si des gens devaient payer ce pour quoi on les appelle.

Je vous remercie d'avoir mentionné les actions très positives menées en faveur des photographes. Qu'en est-il de la mise en oeuvre de l'amendement qui a été adopté, pour notre plus grand bonheur, à l'article 30 de la loi sur la liberté de la création, afin de donner un coût d'arrêt à l'impunité des spoliations réalisées via les moteurs de recherche ?

Enfin, nous avons inscrit dans la loi le principe d'une responsabilité partagée. Nous avons entendu comment vous souteniez les collectivités qui s'engagent, mais vous ne devez pas devenir le supplétif de celles qui se désengagent. Quand les territoires se dispensent de soutenir la culture, les artistes en appellent à l'État. C'est une catastrophe !

Mme Françoise Laborde . - Je suis moi aussi ravie que le budget alloué à la culture corresponde à plus de 1 % du budget global de l'État - proportion établie selon un mode de calcul identique depuis trente ans. C'est important de le relever.

Je m'associe aux questions de Sylvie Robert sur la jeunesse, l'éducation et la culture. Peut-être arriverons-nous un jour à vous auditionner en même temps que Mme la ministre de l'éducation nationale... Depuis la refondation de l'école, un certain nombre d'actions culturelles très importantes tournées vers les élèves se trouvent reléguées à la marge, sur du temps périscolaire.

Pour terminer, j'aimerais avoir quelques précisions sur la Cité du théâtre, qui touche aussi à la question des relations entre Paris et ce qu'on appelle - ou non - la province.

Mme Christine Prunaud . - Madame la ministre, je vous remercie, au nom de mon groupe, de votre intervention, très claire et très sereine.

Nous sommes plutôt satisfaits de constater une légère hausse du budget de la culture, même si, bien évidemment, nous demandons toujours plus. Disons que vous avez presque rattrapé le retard pris entre 2012 et 2015...

Je m'intéresse tout particulièrement à la jeunesse. À ce sujet, vous avez parlé de l'installation en résidence dans les établissements scolaires de jeunes artistes, diplômés d'écoles d'art. L'idée, dont j'entends parler pour la première fois aujourd'hui, est intéressante. J'aimerais avoir un peu plus de précisions sur ce projet : établissements concernés, financement, ligne budgétaire...

Par ailleurs, l'année dernière, nous avions interrogé votre prédécesseur à propos du concours que pourraient passer certains professeurs des conservatoires de musique pour intégrer la fonction publique territoriale. Nous n'avons pas obtenu de réponse.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je vais moi aussi commencer par me réjouir de l'augmentation significative - environ 4 % - des crédits alloués au patrimoine. C'est une excellente chose.

En tant qu'élue d'un territoire rural, je suis très attachée au maintien de la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine local. C'est un enjeu économique fort pour nos communes dans les territoires ruraux. Je tiens à saluer l'effort de l'État en ce sens, avec une augmentation sensible des crédits destinés aux opérations en région en faveur de la protection et de la restauration des monuments historiques. Ainsi, 60 % des crédits destinés au patrimoine monumental seront destinés aux opérations en région. Les DRAC bénéficieront quant à elles de 50 millions d'euros supplémentaires, soit une augmentation de 7 %, même si leur situation est parfois compliquée.

On note aussi, peut-être à la suite de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite « LCAP », du 7 juillet dernier une hausse de 30 % des crédits d'études destinées à soutenir les collectivités territoriales dans la création des sites patrimoniaux remarquables.

L'adoption de la loi LCAP a permis des avancées majeures en termes de clarification des rôles des différents acteurs de ce secteur, notamment l'INRAP, et du renforcement du contrôle scientifique de l'État. Nous avons tous dit que c'était une excellente chose.

En outre, rappelons que, dans le cadre du précédent exercice budgétaire, la budgétisation de la RAP, à hauteur de 118 millions d'euros, a permis une réelle et importante sécurisation du financement de l'archéologie préventive, en permettant à l'INRAP de bénéficier de ressources stables. Nous saluons le maintien, cette année, des fonds affectés à cette budgétisation, avec 119 millions d'euros pour 2017. L'action patrimoine archéologique s'élève ainsi à 133,9 millions d'euros en crédits de paiement.

J'insiste sur le fait que la sécurisation des outils de financement profite non seulement à l'INRAP, mais aussi aux collectivités territoriales et aux aménageurs, via le FNAP, le Fonds national pour l'archéologie préventive.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que, conformément aux engagements pris lors de la loi LCAP, cette budgétisation permettra de financer toutes les missions de l'INRAP liées à l'archéologie préventive ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » . - On ne peut que saluer l'effort que représente le budget pour 2017 de la culture, qui permet aux différents postes de retrouver un niveau correct. Il était temps, le quinquennat n'ayant pas été, sur ce plan, à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre.

Je veux évoquer la filière musicale. Ces dernières années, ce secteur a connu des chauds et froids, entre espoirs et déceptions, notamment autour du Centre national de la musique, projet qui a été abandonné au profit d'un concept de « maison commune », qui, au fond, n'a pas encore pu être bien structuré.

Comme vous le savez, les attentes sont fortes sur ce plan. Il existe même une forme de jalousie - le terme me dérange un peu - à l'égard de la filière du cinéma, compte tenu des efforts consentis en faveur de celle-ci. La musique et la chanson françaises sont des outils de promotion de notre pays à l'étranger qui méritent véritablement d'être soutenus, car elles portent en elles bien d'autres effets - culturels, voire économiques. J'ai relevé que les crédits du bureau export de la musique française ont été légèrement augmentés, mais dans des proportions qui n'ont rien à voir avec l'effort supplémentaire pour le cinéma.

Vous avez évoqué le plafond glissant - susceptible d'augmenter avec les recettes prévisionnelles - du CNV. Aujourd'hui, le plafond s'élève à 30 millions d'euros. Les perspectives de recettes pour cette année sont déjà bien supérieures, puisque l'on attend presque 32 millions d'euros. Pensez-vous, comme nous le souhaitons, que l'on va laisser au CNV ses propres recettes, dans une logique d'autoalimentation du secteur, que la commission de la culture a toujours soutenue ? Il faut dire que nous n'aimons pas trop les plafonnements au profit de Bercy...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - M. Gattolin a évoqué les crédits de personnel au sein du budget. Sur la période 2012-2017, 18,5 millions d'euros auront été mobilisés pour le pouvoir d'achat des agents du ministère de la culture, dont 10 millions d'euros pour rattraper le retard de celui-ci, par rapport à d'autres départements ministériels, en matière indemnitaire - le décalage est réellement handicapant en matière de recrutements -, et 8 millions d'euros pour financer les effets indiciaires, liés à l'amélioration de la structuration des corps et de la carrière des personnels. Quatre priorités ont été assignées à la politique générale du personnel : travailler sur le statut d'enseignant-chercheur dans les écoles nationales supérieures d'architecture, dans le cadre d'un plan pluriannuel ; poursuivre le rattrapage catégoriel et statutaire indemnitaire des agents du ministère ; poursuivre la mise en oeuvre de la loi Sauvadet ; contribuer à la politique de recrutement par voie d'apprentissage - c'est important -, en se fixant des objectifs ambitieux.

Comme vous l'aurez constaté, il n'y aura aucune suppression nette d'emploi en 2017 au ministère de la culture, en rupture avec les années antérieures.

Vous avez également évoqué le Grand Palais, cet équipement exceptionnel dont nous avons la chance d'avoir hérité à la suite des expositions universelles du début du XX e siècle et que le monde entier nous envie. Tout récemment encore, à l'occasion de la FIAC, cet équipement, situé en plein centre de Paris et comparable à aucun autre, a suscité l'admiration. Cependant, on ne peut pas aujourd'hui en tirer le plein bénéfice. Certains espaces sont fermés, certaines mesures de sécurité ne sont pas prises, ce qui oblige l'établissement à fonctionner dans des conditions assez chaotiques. La dirigeante de l'établissement doit engager sa propre responsabilité lorsqu'elle ouvre certaines salles.

Nous voulons définir un projet ambitieux pour le Grand Palais, qui nous permettra de bénéficier pleinement de cette merveille et du Palais de la découverte, en créant, notamment, de nouvelles circulations. Ce projet a un coût élevé, estimé à 466 millions d'euros, dont 436 millions d'euros actualisés et 30 millions d'euros de frais financiers. Il est prévu qu'il soit financé par le ministère de la culture, à hauteur de 112 millions d'euros, par la RMN-GP, par emprunt, à hauteur de 150 millions d'euros et par une dotation exceptionnelle, via le PIA, à hauteur de 200 millions d'euros.

S'agissant de la RAP et de l'archéologie préventive, qui ont été évoquées par Mmes Férat et Monier, la réforme qui a mis fin à l'affectation de la taxe visait à résoudre des dysfonctionnements que vous aviez souvent relevés et auxquels les multiples réformes de la RAP menées depuis 2001 n'avaient pas permis de répondre.

Dans le PLF pour 2017, le principe demeure celui de la budgétisation, 119 millions d'euros sont inscrits sur le programme « Patrimoines », tandis que les recettes de la RAP sont versées au budget général. Les diagnostics de l'INRAP bénéficieront de 72 millions d'euros et les dotations en fonds propres de l'Institut s'élèveront à 1,6 million d'euros. La dotation de l'INRAP sera complétée par la mise en place d'une subvention pour charges de service public, à hauteur - inchangée - de 7,5 millions d'euros.

La loi de finances initiale pour 2016 a entériné un changement des modalités de financement public, avec cette budgétisation et la répartition suivante : sur 119 millions d'euros, 72 millions d'euros sont affectés aux diagnostics, 35,4 millions au FNAP, 10 millions d'euros au financement des diagnostics des collectivités territoriales et 1,6 million d'euros aux dotations en fonds propres de l'INRAP.

Le montant ventilé pour les diagnostics des collectivités territoriales est issu d'échanges avec l'ANACT, l'Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale. Il a reçu l'avis favorable du Conseil national d'évaluation des normes le 8 septembre dernier et du Comité des finances locales le 27 septembre dernier. Il a été doublé par rapport à l'année précédente.

J'en viens à l'éducation artistique et culturelle, qui fait partie de nos grandes priorités. Je rappelle que la charte pour l'éducation artistique et culturelle, ou charte EAC, a été élaborée par le Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle. Un plan d'action a été signé par Najat Vallaud-Belkacem et par moi-même cet été à Avignon. Les projets EAC sont définis selon trois principes : la rencontre avec l'artiste, la connaissance des arts et la pratique artistique. Pour la première fois, on reconnaît la doctrine de l'éducation par l'art.

S'agissant des coopérations avec le ministère de l'éducation nationale, sachez que la députée Sandrine Doucet a été chargée d'une mission visant à repérer l'ensemble des bonnes pratiques en la matière. Son rapport doit nous être remis d'ici aux prochaines semaines.

L'opération « Création en cours », commune au ministère de la culture et au ministère de l'éducation nationale, vise à installer de jeunes artistes auprès d'enfants scolarisés en CM1, en CM2 ou en sixième, dans des territoires où l'offre d'éducation artistique et culturelle est insuffisante. Nous avons lancé un appel à candidatures pour une centaine d'écoles et de collèges - une sera retenue dans chaque département -, en impliquant une centaine d'écoles supérieures qui interviennent sur la formation artistique et qui dépendent du ministère de la culture : la Fémis, les écoles d'art, les écoles d'architecture, les écoles nationales supérieures de théâtre, de marionnettes, de photos, les conservatoires. Les résidences dureront vingt jours au minimum et permettront un véritable dialogue entre les jeunes artistes, les élèves, les familles, les enseignants et l'ensemble de la communauté scolaire, au plus près de la création. Cette opération, financée sur les crédits du ministère de la culture, à hauteur de 1,75 million d'euros, débutera en janvier 2017. Pour l'année scolaire 2017-2018, 2 millions d'euros seront mobilisés.

Le statut des professeurs dans les conservatoires est un sujet de préoccupation ancien. L'organisation des concours ne relève pas du ministère de la culture, ni même de l'État. Elle est la prérogative du Centre national de la fonction publique territoriale. La révision des critères de classement des conservatoires et, dans le même temps, des schémas nationaux d'orientation pédagogique qui sont prévus par la loi LCAP devraient nous permettre de mieux cerner le niveau de qualification attendu pour ces professeurs et encourager l'ouverture de concours.

Pour ce qui concerne l'aménagement du territoire et le déploiement de ces moyens nouveaux, l'augmentation des moyens des DRAC est supérieure au taux directeur des moyens du ministère. Même si la directive nationale d'orientation 2016-2017 avait été établie avant que je ne prenne mes fonctions, des orientations très claires sont fixées aux DRAC, par écrit et par oral, leur demandant, pour chaque opération nouvelle et pour chaque euro nouveau déconcentré, de concentrer leur action là où l'offre est insuffisante, à savoir généralement dans les territoires ruraux et périurbains et les quartiers prioritaires. Nous le faisons systématiquement, pour toutes les opérations que nous lançons.

Les scènes de musiques actuelles sont essentielles à l'émergence des jeunes artistes, à la diffusion et à la création. Aujourd'hui, le réseau compte 97 structures. Il a bénéficié de 2 millions d'euros de mesures nouvelles pour achever le plan de développement lancé en 2011. L'effort total de l'État s'élève à près de 12 millions d'euros, dont 4 millions issus de la période 2011-2016. En 2017, ce plan sera parachevé avec quelques moyens complémentaires alloués, notamment, aux SMAC situés en milieu rural, en particulier en Haute-Saône et en Picardie.

La billetterie, activité de plus en plus concentrée sur deux ou trois grands groupes, et sur la participation des recettes qui en sont issues aux mécanismes généraux de péréquation ou de solidarité du secteur, constitue une vraie préoccupation. J'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer avec certains organismes de solidarité sectorielle, comme l'ASTP, l'Association pour le soutien du théâtre privé, ou le CNV. J'ai demandé à la direction générale des médias et des industries culturelles et à la direction générale de la création artistique d'y travailler. Il ne faudrait pas, en effet, qu'émerge un point de fuite, dommageable stratégiquement à la fois pour ces organismes de solidarité sectorielle et pour les sujets relatifs à la TVA. Nous y serons très attentifs. Il faudra peut-être s'inspirer de notre expérience dans le domaine du cinéma, pour lequel nous avions pris des mesures spécifiques avec Bercy.

Madame Robert, nous allons proposer la mise en place d'un label national pour la marionnette en 2017 et une augmentation des moyens consacrés à cette discipline.

Le projet de la Cité du théâtre a été présenté récemment au Président de la République. Ce projet doit prendre place aux ateliers Berthier, dans le nord-ouest de Paris, dans le quartier en complète rénovation des Batignolles, véritable « champ de grues ». Les ateliers Berthier sont des ateliers historiques, ceux de l'Opéra national de Paris, servant à la fabrication des décors et d'une partie des costumes. Une salle du théâtre de l'Odéon y est installée depuis déjà un certain temps.

L'idée est de consolider l'implantation, sur place, de l'Odéon, pour l'heure assez inconfortablement installé, d'y faire venir la Comédie-Française, qui, depuis plus de cinquante ans, réclame une salle plus moderne pour faire entrer dans son répertoire des esthétiques contemporaines, ce qu'elle fait déjà dans ses emprises actuelles, mais de façon moins adaptée, et de pouvoir loger, parce que le projet porte aussi sur la transmission, le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, qui pourrait ainsi quitter les locaux de formation quasi insalubres qu'il occupe actuellement - il garderait, en revanche, son petit théâtre. Ce bel ensemble réunirait donc l'Odéon, la Comédie-Française, le Conservatoire, de nouvelles esthétiques et une mission de transmission tournée vers la jeunesse, le tout dans un quartier en pleine mutation.

Cela implique aussi d'investir pour l'Opéra national, dans une partie de l'Opéra Bastille qui n'était pas complètement achevée, pour permettre que ce qui se faisait à Berthier se fasse aussi à Bastille, tout en offrant à l'Opéra national de nouvelles possibilités pour présenter de petites formes dans une salle adaptée et un espace dédié pour l'éducation artistique et culturelle.

Je terminerai en évoquant le bureau export de la musique française. Nous attachons une grande importance au rayonnement que peut apporter la musique, à travers l'export. Vous avez peut-être vu, récemment, Christine and the Queens à la une d'un grand magazine américain. Certains de nos artistes connaissent véritablement de très grands succès à l'étranger, raison pour laquelle nous avons très sensiblement renforcé notre effort en faveur du bureau export. Les crédits budgétaires ont déjà été augmentés de 500 000 euros en 2016. Nous amplifions cet effort en 2017, avec 125 000 euros supplémentaires, portant la subvention à 1,3 million d'euros. Si cet effort se poursuit en 2018, ce que j'espère, les moyens alloués à cette politique de rayonnement culturel majeure auront donc doublé en trois ans.

La comparaison avec le cinéma est parfois faussée, notamment parce que la politique du cinéma est financée par des taxes parafiscales. Les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes. Ces taxes sont bien moins importantes dans la musique. Cela dit, le secteur est conscient des efforts budgétaires réalisés, qu'il veut d'ailleurs lui-même contribuer à consolider, en apportant une contribution professionnelle supplémentaire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La semaine prochaine, nous rencontrerons Mme Jacqueline Eidelman, chargée d'une mission sur les musées du XXI e siècle. Nous pourrons évoquer avec elle un certain nombre de sujets.

Nous passons à l'examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », il vous est proposé de la doter de 573 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 571 millions d'euros en crédits de paiement, hors compte de concours financier pour l'audiovisuel public, qui, lui, bénéficiera de 3,93 milliards d'euros. Ce montant est resté inchangé à l'issue de la discussion de la première partie du PLF à l'Assemblée nationale, mais la répartition entre la contribution à l'audiovisuel public et la taxe sur les opérateurs de communications électroniques a été modifiée par rapport à la proposition du Gouvernement.

S'agissant de l'audiovisuel public, plusieurs réformes ont été faites durant ce mandat en faveur d'une plus grande indépendance du secteur : la réforme des modes de nomination des patrons des chaînes en 2013, la réforme du financement de l'audiovisuel public uniquement par impôts d'État et par une taxe en partie affectée, et non plus par crédits budgétaires de l'État.

Le projet de budget pour 2017 prévoit des moyens importants pour l'audiovisuel public, dont nous croyons qu'il a un rôle majeur à jouer en matière d'information, de création et, plus généralement, de cohésion sociale pour surmonter la crise que traverse aujourd'hui notre société.

Les 63 millions d'euros supplémentaires dédiés à l'audiovisuel public par rapport à l'année précédente permettront le respect des contrats d'objectifs et de moyens de l'Institut national de l'audiovisuel et de Radio France, le financement des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions, Arte et France Médias Monde et du projet de plan stratégique de TV5 Monde. Ils permettront également de financer un plan d'investissement sans précédent dans la création audiovisuelle par France Télévisions et Arte, à hauteur de 30 millions d'euros, et le lancement, prévu dans l'année, de France 24 en espagnol par France Médias Monde, ainsi que celui, déjà effectué, d'une nouvelle offre d'information en continu pour un coût additionnel, en sus des moyens mis en commun, de l'ordre de 14 millions à 15 millions d'euros. Ces crédits financeront enfin la poursuite des travaux de la maison de la radio, afin que ces investissements ne pèsent ni sur le budget de fonctionnement de Radio France ni sur l'offre publique radiophonique.

L'évolution du nombre de foyers redevables de la CAP, la contribution à l'audiovisuel public, permet une évolution spontanée de 13 millions d'euros, et l'indexation de la contribution sur l'inflation s'élève à 25 millions d'euros, soit une hausse globale de 38 millions d'euros. Le Gouvernement a considéré que c'était le meilleur moyen d'assurer un financement pérenne et indépendant des besoins de ces organismes en 2017. La proposition initiale, qui consistait à relever la CAP de 1 euro en sus de l'actualisation sur l'inflation, n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale.

S'agissant des crédits budgétaires de la mission « Médias, livre et industries culturelles », je citerai d'abord notre action en faveur du livre, qui s'appuiera en 2017 sur un budget de 260 millions d'euros en crédits de paiement. Beaucoup a été fait dans le domaine du livre depuis 2012. Je pense au plan d'aide aux librairies indépendantes, à l'opération destinée à la lecture pour la jeunesse - initiée l'an dernier, celle-ci a profité cette année à 500 000 enfants -, aux contrats territoires-lecture, qui seront près de 150 en 2017, soit 25 supplémentaires. Nous allons aussi aider pour la première fois les bibliothèques à élargir leurs horaires d'ouverture et donner des moyens supplémentaires à la Bibliothèque nationale de France, qui voit ses emplois stabilisés et sa dotation augmentée.

Dans le secteur du jeu vidéo, nous dépensons chaque année plus de 34 millions d'euros. Certains veulent aller plus loin. Il est vrai que cette industrie, qui a une dimension culturelle créative importante, est source de fortes synergies avec d'autres secteurs de la création audiovisuelle.

Dans le secteur de la musique, je rappellerai la création d'un fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique doté de 2 millions d'euros, la mise en place de l'Observatoire de l'économie de la musique pour 0,3 million d'euros et le renforcement du bureau export de la musique.

Pour les médias, deux fonds ont été créés en 2016 : le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, pour 4 millions d'euros, et le Fonds aux médias d'information sociale de proximité, pour 1,6 million d'euros. Les autres aides qui bénéficient d'une hausse dans ce budget sont l'aide au pluralisme de la presse locale et le Fonds stratégique pour le développement de la presse.

Vous citez une mesure importante concernant les diffuseurs et les marchands de journaux. Une mesure importante proposée pour 2017 et très attendue par la profession est l'exonération systématique de contribution économique territoriale pour tous les marchands de journaux indépendants, les kiosquiers. Un amendement gouvernemental sera déposé en ce sens au PLF 2017 dans le cadre des articles non rattachés.

Je sais que vous êtes aussi très attentifs aux radios associatives. Nous allons revaloriser leur budget de façon très significative, puisque le budget du Fonds de soutien à l'expression radiophonique sera augmenté de 6 %. Cela répond à une demande très ancienne, au sujet de laquelle vous m'avez beaucoup sollicitée.

Je voudrais également attirer votre attention sur l'AFP, qui est notre championne mondiale en matière d'agence d'information. L'État continue de la soutenir activement, avec plus de 10 millions d'euros supplémentaires entre 2016 et 2017.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Madame la ministre, je crains de ne pas partager votre optimisme sur le financement de l'audiovisuel public, particulièrement pour France Télévisions.

Lors de son audition sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens, la présidente de France Télévisions a reconnu que l'État allait se retrouver « face à une falaise » concernant le rendement de la CAP du fait de l'absence de réforme. Quelle est, dans ces conditions, la confiance que l'on peut accorder à un contrat d'objectifs et de moyens sur cinq ans, si les ressources de l'audiovisuel public ne sont pas garanties ? Pourquoi avoir encore une fois renoncé à réformer la CAP ?

La Cour des comptes a mis en évidence des excès dans les rémunérations de certains personnels de France Télévisions, qui cumulent à la fois des salaires élevés et des rémunérations complémentaires avec des contrats d'usage. Comment réagissez-vous à ces révélations ? Quelle réponse envisagez-vous d'y apporter ?

Un an après la grande grève, la situation de Radio France semble fragile, avec des réformes repoussées, comme celle des orchestres ou des rédactions, et des déficits persistants. Quelle est exactement la situation financière de Radio France aujourd'hui ? Les foyers de dépenses sont-ils aujourd'hui maîtrisés ou bien craignez-vous une dégradation des comptes dans les mois qui viennent ?

Ma dernière question concerne la radio numérique terrestre. Le CSA a engagé un nouveau programme de déploiement sur les régions de Lille, Lyon et Strasbourg, permettant un franchissement du seuil des 20 % de couverture de la population française. Il semble que le Gouvernement n'ait pas encore fait connaître sa position quant à la présence des radios du service public sur ces trois zones. Qu'en est-il exactement ?

Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel extérieur » . - Le budget de France Médias Monde est en augmentation cette année, et l'on ne peut que s'en réjouir. Le COM prévoit le maintien, voire une légère augmentation annuelle des moyens jusqu'en 2020, mais nous verrons comment cela se passe.

J'ai auditionné hier une partie des syndicats de France Médias Monde. Permettez-moi de me faire le relais de certaines de leurs préoccupations. Ils s'interrogent sur le projet stratégique à long terme. En effet, la télévision est budgétivore, et les besoins de France 24 sont réels. Mais, parallèlement, le budget de RFI stagne dans le meilleur des cas, ce qui suscite l'inquiétude des salariés sur leur avenir et sur celui de leur radio. Pouvez-vous préciser les priorités de l'État pour le groupe audiovisuel extérieur ?

TV5 Monde panse encore ses plaies suite à l'attaque informatique de 2015. Est-ce que les leçons ont été tirées pour l'ensemble de l'audiovisuel public ? Pensez-vous que TV5 Monde va pouvoir reprendre sa marche en avant dans un contexte très concurrentiel ?

France 24 est partenaire de la nouvelle chaîne d'information, Franceinfo. Quel jugement portez-vous sur ce partenariat et sur les débuts de la chaîne ? Quels sont les apports de France Médias Monde à ce projet ? L'équilibre entre les différents médias ne devra-t-il pas être revu à terme ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits « Livre et industries culturelles » . - Madame ministre, je vous remercie pour la progression et la stabilisation de certaines lignes budgétaires. Je voudrais toutefois attirer votre attention sur deux points.

Lors des auditions que j'ai menées, j'ai pu constater la baisse des taxes que perçoit le Centre national du livre. Selon les conclusions de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles sur les causes de l'érosion du rendement des taxes qui lui sont affectées, il apparaît que, pour ce qui concerne la taxe sur les appareils de reprographie, la poursuite de cette attrition serait inexorable, les photocopieurs étant replacés par des sociétés de services.

Or il y a de nombreuses répercussions sur les actions qui sont menées par le CNL, notamment le soutien à la librairie, la politique territoriale, les salons, les festivals, et certains projets peuvent être remis en question. Dès lors, quelles sont les pistes envisagées pour lui donner les moyens de mener à bien ses missions à l'avenir ? D'autres sources de financement seront-elles mobilisées ?

Comme l'an passé, le présent projet de loi de finances dote la HADOPI de moyens suffisants à la mise en oeuvre de ses missions. Ce budget stabilisé permet d'en assurer le fonctionnement mais pas au-delà. Or le piratage continue de priver les auteurs de la rémunération qui leur est due. Par ailleurs, il est possible que les modalités de piratage évoluent à moyen terme et que certaines missions deviennent obsolètes. Est-il envisagé de maintenir la HADOPI à ce niveau d'action ou, au contraire, d'en élargir le champ de compétence à de nouveaux modes de piratage afin de la rendre plus efficace ?

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits « Presse » . - À l'occasion des auditions préparatoires au présent projet de loi de finances, plusieurs de mes interlocuteurs m'ont fait part de leurs craintes s'agissant de la poursuite de la mutualisation des moyens entre messageries de presse, à la suite du changement de gouvernance opéré au sein des Messageries lyonnaises de presse. Si cet obstacle venait à se confirmer, des mesures seront-elles prises pour obliger les messageries à tenir leurs engagements ? La fusion des deux entités pourrait-elle alors être envisagée ?

Malgré une augmentation de 5 millions d'euros de sa dotation en 2017, l'Agence France-Presse demeure dans une situation financière inquiétante, marquée par la faiblesse de ses résultats commerciaux et par un niveau d'endettement élevé. Comment l'État pourrait-il envisager de sortir l'Agence de ce mauvais pas sans contrevenir à la réglementation européenne ?

M. Michel Savin. - Je souhaite obtenir une précision et une confirmation : de quel montant sera l'effort consenti en faveur des SMAC, et cet effort sera-t-il bien ciblé sur le monde rural ?

Mme Marie-Christine Blandin. - Nous nous félicitons de la remontée des crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique.

Par ailleurs, nous voulons insister sur l'éducation aux médias, vers laquelle il est important de flécher des crédits.

S'agissant enfin du Grand Palais, notre commission restera vigilante pour que la culture scientifique ne soit pas rognée par les prestations internes à cette entité.

Mme Maryvonne Blondin. - L'Observatoire de l'économie de la musique doit être mis en place au début de l'année prochaine. Quels seront ses moyens, notamment en matière de personnel ?

J'aimerais aussi savoir s'il y a une différence entre les pactes culturels et les contrats de développement culturel. Les régions peuvent-elles être associées aux seconds ? Comme elles ont maintenant la main sur les fonds européens, elles pourraient peut-être aider les autres collectivités territoriales à élaborer des projets artistiques favorisant la vie culturelle dans les zones un peu abandonnées sur ce plan.

Mme Vivette Lopez. - Madame la ministre, vous avez annoncé votre intention d'aider à l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques. Quelle forme prendra cette aide ? Des plages d'ouverture plus larges supposent une augmentation du temps de travail des bibliothécaires ou des embauches. Aiderez-vous les communes à financer les heures supplémentaires ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - En ce qui concerne la contribution à l'audiovisuel public, les prévisions de Bercy font toujours apparaître un dynamisme spontané, lié à l'augmentation du nombre de foyers détenteurs d'un poste de télévision, mais qui diminue continûment. Nous ne sommes donc pas en retard, mais nous finirons par l'être si nous ne faisons pas cette réforme, que nos grands voisins européens ont déjà faite. Mon ministère la prépare avec le concours de Bercy, pour que l'administration soit parfaitement prête le jour où la décision sera prise par la représentation nationale et le Gouvernement.

S'agissant de Radio France, la dernière prévision de résultat net transmise par la société pour 2016 est légèrement meilleure que prévu : 13 millions d'euros de déficit, soit 3 millions d'euros de moins qu'envisagé. On est donc sur le chemin du retour à l'équilibre des comptes, prévu pour 2018 par le contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019. L'effort est partagé entre l'État et Radio France. De son côté, le Gouvernement a tenu et tiendra ses engagements : une dotation exceptionnelle de 80 millions d'euros sera allouée à la société entre 2016 et 2018, et la nouvelle offre d'information à laquelle contribue Radio France sera accompagnée à hauteur de 500 000 euros. Du sien, Radio France doit mener un certain nombre de réformes ; nous y serons attentifs, car elles sont nécessaires pour aller au bout du chemin.

Plusieurs rapports ont souligné le coût élevé de la généralisation de la radio numérique terrestre, notamment pour les éditeurs. S'agissant du service public, le contrat d'objectifs et de moyens signé en mars dernier prévoit la possible diffusion en RNT des services musicaux de France Musique, Mouv' et FIP dans les zones où ils ne sont pas disponibles en FM. Une demande de réservation de fréquences pourrait donc être envisagée dans le cadre des appels lancés par le CSA à Strasbourg, Lille et Lyon, si un déficit était avéré dans ces zones-là.

Les priorités de France Médias Monde sont clairement fixées dans le contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 : lancement de l'offre de France 24 en espagnol, présence de cette chaîne dans l'ensemble de ses zones de diffusion avec le passage en TNT en Afrique et la migration en HD en Asie, en Amérique et en Europe, effort de communication pour accroître la notoriété des marques du groupe, enrichissement des offres numériques et renforcement de la sécurité des emprises et du système d'information.

Grâce à l'accord conclu en 2015, qui a conduit à une hausse des salaires des personnels et à une adaptation de leur temps de travail à celui des personnels de France 24, la situation de RFI me paraît maintenant stabilisée.

À la suite de la cyberattaque subie par TV5 Monde le 8 avril 2015, le premier acte de cybersabotage de cette ampleur commis sur le sol français, le Gouvernement a réuni l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information et l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel et de la presse pour partager avec eux ses informations. Un comité stratégique de l'audiovisuel public s'est réuni le 21 octobre dernier pour, notamment, réfléchir à des projets de cybersécurité. Compte tenu des coûts additionnels de 4,4 millions d'euros supportés par TV5 Monde, auxquels s'ajoutent des pertes de recettes sur le numérique, nous et d'autres gouvernements bailleurs de fonds avons débloqué des financements exceptionnels à hauteur de 2 millions d'euros. Par ailleurs, la France a augmenté sa dotation pérenne à TV5 Monde de 0,7 million d'euros en 2016.

Les signes d'érosion des taxes affectées au Conseil national du livre sont, en effet, une vraie préoccupation. Une mission a été confiée, en 2015, à l'Inspection générale des affaires culturelles pour en comprendre l'origine. La loi de finances rectificative pour 2015 a étendu le champ d'application de la taxe sur l'édition des ouvrages numériques, mais cette mesure n'a pas suffi à compenser l'érosion constatée. Je vais confier à deux experts de l'Inspection générale des affaires culturelles et du Conseil d'État un travail d'examen plus structurel sur l'assiette pertinente pour retrouver un niveau de recettes suffisant.

Les moyens supplémentaires alloués à la HADOPI dans le projet de loi de finances pour 2017 visent principalement à répondre aux demandes d'indemnisation des fournisseurs d'accès à Internet et non à revenir sur le débat relatif à ses missions. Parallèlement à l'action de la HADOPI, nous avons pris des mesures énergiques contre ceux qui tirent un profit commercial du piratage, en suivant l'approche dite follow the money - si vous m'autorisez cet anglicisme.

Au sein des Messageries lyonnaises de presse, un changement de gouvernance est en effet intervenu avant l'été. Une nouvelle équipe se met en place. L'État est vigilant sur ces évolutions et le commissaire du Gouvernement auprès du CSMP, le Conseil supérieur des messageries de presse, rappelle, lorsque cela est nécessaire, la nécessité de préserver les équilibres de la loi Bichet.

Il est dans l'intérêt des Messageries lyonnaises de presse et de Presstalis de mener à terme les réformes structurelles qu'elles ont entreprises, sous l'égide du CSMP et dans un dialogue constructif avec l'État. Les deux messageries ont, je crois, conscience de partager un intérêt commun, ce qui a déjà permis de réaliser des réformes importantes : le nouveau schéma directeur de niveau 2 et le décroisement des flux logistiques.

En ce qui concerne les conséquences de la réforme des annonces judiciaires et légales de 2015 sur certaines publications à faible diffusion, je confirme que le titre La Semaine ne peut plus bénéficier de la publication des annonces judiciaires et légales ; ce changement s'impose à nous, et c'est plutôt la circulaire qui n'était pas adaptée. Nous n'avons pas été saisis d'autres cas où la question se poserait. Je vous promets de vous faire parvenir dans la semaine la réponse écrite que je vous dois.

Quant à l'Observatoire de l'économie de la musique, le décret précisant ses missions, sa gouvernance et son fonctionnement fait actuellement l'objet d'une consultation publique, qui s'achèvera le 10 novembre. Il sera publié d'ici à la fin de l'année, pour que l'observatoire puisse être effectif au 1 er janvier 2017. Cette instance sera abritée par le CNV mais aura une gouvernance propre. L'engagement de l'État aux côtés des professionnels participant à l'observatoire se traduit dans le projet de loi de finances pour 2017 par l'attribution au CNV de 300 000 euros supplémentaires, destinés à financer les études de la future instance. Le transfert de moyens humains et financiers hébergés à la Cité de la musique-Philharmonie de Paris est également prévu.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Qu'en est-il des SMAC ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - L'effort, de 500 000 euros, bénéficiera prioritairement, mais pas exclusivement, au monde rural.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Compte tenu de la gravité du phénomène de radicalisation, nous devrions sérieusement réfléchir à étendre la zone de diffusion de la chaîne Monte Carlo Doualiya, qui porte un autre regard sur le monde en langue arabe.

Mme Sylvie Robert. - Nous sommes préoccupés par la situation d'i-Télé, d'autant plus qu'elle se prolonge. Il faut mesurer l'inquiétude psychologique et morale, voire la détresse, des journalistes. Ceux-ci ont été reçus par la ministre du travail. Où en êtes-vous vous-même, madame la ministre, et y a-t-il une issue à cette situation triste et extrêmement préoccupante ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Sylvie Robert exprime une préoccupation partagée par nombre d'entre nous. Après avoir reçu les représentants des journalistes et m'être entretenue avec la direction de la chaîne, j'ai appelé le CSA à assumer toute sa responsabilité, ce qu'il a fait en lançant ses mises en demeure. Les difficultés sont liées aussi à une inquiétude sur l'avenir éditorial d'i-Télé : restera-t-elle une chaîne d'information avec un degré d'exigence et de qualité élevé ? Quelle est votre position sur la situation, madame la ministre, et quels ont été les résultats de l'entretien des représentants des journalistes avec Mme El Khomri ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - Nous sommes nous aussi très préoccupés par la situation. La grève dure depuis trop longtemps : nous risquons de battre mardi prochain le record de la plus longue grève dans l'audiovisuel depuis la fin de l'ORTF !

Les questions soulevées par ce conflit ont été abordées de façon plus générale au moment de l'examen de la proposition de loi de Patrick Bloche visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Les équipes d'i-Télé s'inquiètent à juste titre pour leur indépendance et pour l'éthique de l'information, qui doit être protégée vis-à-vis des intérêts des actionnaires comme de ceux des annonceurs. Cette question intéresse le législateur comme le Gouvernement. Quant au CSA, il a joué son rôle de façon claire pour faire respecter la convention en vertu de laquelle i-Télé a obtenu une fréquence.

Des problèmes de droit du travail se posent également. C'est pourquoi Myriam El Khomri a ouvert sa porte aux équipes d'i-Télé, mais aussi à la direction, qui n'a pas encore répondu.

Pour sa part, le ministère de la culture a donné du temps au dialogue. Nous avons reçu les équipes et la direction, laquelle a pris devant moi des engagements destinés à assurer l'indépendance des rédactions, mais qui n'ont pas abouti. Parier sur l'épuisement des journalistes, qui commence à être réel, n'est ni digne ni responsable de la part d'un groupe comme Canal+.

Nous restons très vigilants et nous attendons de la direction, dans les jours qui viennent, des gestes en faveur de l'indépendance des rédactions.


* 1 « Régime des intermittents : réformer pour mieux pérenniser » , Rapport d'information n° 256 (2013-2014) de Mmes Marie-Christine Blandin et Maryvonne Blondin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

* 2 « Pistes de réflexion pour consolider la production et améliorer la diffusion du court métrage » - Rapport d'Anne Bennet au CNC - Novembre 2015

* 3 Rapport sur le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l'heure du numérique - Décembre 2013.

* 4 Rapport sur les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle - Avril 2014.

* 5 « Production audiovisuelle : pour une politique industrielle au service de l'exception culturelle » - Rapport d'information n° 616 (2012-2013).

* 6 « Plateformes et accès aux contenus audiovisuels. Quels enjeux concurrentiels et de régulation ? » Septembre 2016.

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