B. UNE ABSENCE DE RÉFORME DE LA CAP QUI INQUIÈTE L'ENSEMBLE DES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

1. Une occasion définitivement manquée pour ce quinquennat

Votre rapporteur pour avis rappelle régulièrement que l'évolution des usages de la télévision, qui favorise le visionnage de contenus sur des tablettes et des smartphones , constitue une menace sérieuse pour le rendement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), qui repose exclusivement sur la possession d'un téléviseur.

Le taux de possession d'un téléviseur a commencé depuis trois ans à baisser d'un point par an. La poursuite de cette baisse du taux d'équipement constitue donc une menace certaine pour le financement des sociétés de l'audiovisuel public dans les années à venir. Seuls le dynamisme démographique et l'augmentation du nombre de foyers du fait des décohabitations permettent aujourd'hui de maintenir un rendement en augmentation.

La baisse de « l'effet assiette »

La hausse d'un euro supplémentaire prévue par le PLF initial déposé à l'Assemblée nationale avait moins pour objectif d'accroître les moyens de l'audiovisuel public que de maintenir un rendement équivalent entre 2016 et 2017.

On distingue, en effet, dans l'évolution du rendement de la CAP un « effet taux » induit par la hausse d'un euro supplémentaire qui rapporte « mécaniquement » 25 millions et un « effet assiette » qui est induit par la progression du nombre de foyers assujettis et d'autres effets comme les frais de gestion, la reprévision de sommes recouvrées au titre des exercices précédents et le montant de CAP perçue auprès des professionnels.

En 2016, l'« effet assiette » représentait +37 millions d'euros compte tenu d'une prévision de hausse de 1% du nombre de foyers assujettis (27,52 millions). En 2017, les services du ministère des finances ont été amenés à constater une forte baisse de l' « effet assiette » à 14 millions d'euros contre 37 millions en 2016 qui a été compensée par le projet d'augmenter de 2 euros le tarif de la CAP afin de maintenir à 64 millions d'euros en 2017 contre 62 millions en 2016 l'évolution prévisionnelle de l'encaissement net de la CAP.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution baissière des encaissements bruts. Tout d'abord, il convient de rappeler que l'évolution du nombre de foyers assujettis à la CAP qui était jusque-là envisagée à hauteur de 1 % a été ramenée à 0,7 % en reprévision 2016 et que ce taux qui a été reconduit en 2017. Ensuite, on constate un ralentissement de la hausse des encaissements bruts et nets de redevance entre 2016 et 2017 à +0,3 % alors que cette hausse était de +2 % pour les encaissements bruts et +2,2 % pour les encaissements nets entre 2015 et 2016. Ce ralentissement est à comparer à la hausse de +1,7 % des dotations aux entreprises de l'audiovisuel public. L'explication de ce décalage est à chercher dans l'accroissement important de la compensation pour dégrèvements versée par l'État qui augmente de 53,47 millions d'euros entre 2016 et 2017 grevant d'autant les encaissements nets de redevance 2 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis estime que la baisse de l'« effet assiette » sous l'action de la hausse des dégrèvements justifie d'autant plus le recours à la TOCE pour corriger les effets sur les ressources de l'audiovisuel public. Il considère, par ailleurs, que le fort ralentissement de la hausse du nombre de foyers assujettis rend d'autant plus urgente la réforme de l'assiette de la CAP qu'il appelle de ses voeux depuis plusieurs années.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Face au risque d'amoindrissement des ressources de l'audiovisuel public qu'occasionnerait une baisse du rendement de la CAP, une réforme de cette contribution est envisagée. Elle pourrait prendre la forme d'un élargissement de son assiette. L'intérêt de cette réforme est largement partagé puisque le Président de la République lui-même l'appelait de ses voeux lors d'un colloque organisé au CSA le 3 octobre 2014.

Depuis lors, le rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Jean-Marie Beffara, a plusieurs fois eu l'occasion de plaider en sa faveur, notamment dans un rapport rendu l'année dernière. Il se prononçait alors « en faveur d'une réforme qui s'inscrirait dans une approche neutre du point de vue des supports utilisés pour accéder au service public audiovisuel » 3 ( * ) qui serait inspirée du modèle britannique et se traduirait par un élargissement de l'assiette de la CAP aux tablettes et aux smartphones mais exclurait les postes de radio.

Votre rapporteur pour avis estime, pour sa part, que la réforme à mener doit concerner tous les programmes, y compris ceux de la radio publique et partir du principe que chacun a aujourd'hui accès, d'une manière ou d'une autre, aux programmes de l'audiovisuel public que ce soit à travers un récepteur de télévision traditionnel, un poste de radio, un ordinateur, une tablette ou un smartphone . En partant de ce principe, votre rapporteur pour avis a proposé de substituer à la redevance - qui repose sur la détention d'un matériel physique - une taxe applicable à tous les foyers comme cela se pratique maintenant en Allemagne et en Suisse.

2. Une réforme qui nécessitera du courage de la part du prochain Gouvernement

La réforme de la CAP n'aura malheureusement pas pu avoir lieu à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2017. Votre rapporteur pour avis comprend qu'une telle réforme était sans doute difficile à mener à quelques mois d'échéances politiques importantes.

Au moins peut-on se féliciter que la nécessité d'agir soit aujourd'hui une conviction largement partagée comme en témoigne les déclarations de la ministre de la culture et de la communication lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Elle a expliqué qu' « en ce qui concerne la contribution à l'audiovisuel public, les prévisions de Bercy font toujours apparaître un dynamisme spontané, lié à l'augmentation du nombre de foyers détenteurs d'un poste de télévision, mais qui diminue continûment. Nous ne sommes donc pas en retard, mais nous finirons par l'être si nous ne faisons pas cette réforme, que nos grands voisins européens ont déjà faite. Mon ministère la prépare avec le concours de Bercy, pour que l'administration soit parfaitement prête le jour où la décision sera prise par la représentation nationale et le Gouvernement » .

Votre rapporteur pour avis estime que la réforme de la CAP devra être mise au premier rang des priorités du prochain quinquennat et plaide pour que l'élargissement de l'assiette à l'ensemble des foyers s'accompagne de l'affectation de la totalité du produit de la TOCE à l'audiovisuel public en contrepartie d'une baisse de la publicité.

Pour autant, votre rapporteur pour avis ne mésestime pas la difficulté que représentera une telle réforme pour le prochain Gouvernement . Non seulement elle aura pour conséquence de faire entrer davantage de foyers dans l'assiette ce qui n'est jamais populaire (la DGMIC évoque 800 000 foyers) mais le débat persistant dans notre pays sur la nécessité d'apporter plus de moyens à l'audiovisuel public complique le débat sur la réforme de la CAP, parfois perçu comme une volonté d'augmentation irrépressible des moyens dévolus à l'audiovisuel public.

Afin de dépasser ces difficultés, votre rapporteur pour avis rappelle qu'une telle réforme, pour avoir des chances de réussir, doit être faite en début de quinquennat, lorsque les échéances électorales sont lointaines et que la volonté d'agir connaît son acmé. Il propose également que cette réforme respecte un principe de neutralité, l'élargissement de l'assiette facteur de hausse du produit étant compensée par une baisse du tarif de 4 ou 5 euros qui profiterait à la grande majorité des foyers qui sont aujourd'hui assujettis. Un tel ajustement permettrait de moderniser la CAP pour l'avenir sans donner le sentiment qu'un surcroît de recettes viendrait réduire les attentes en termes de réformes à conduire dans chacune des entreprises de l'audiovisuel public.


* 2 Cette hausse des dégrèvements s'explique en particulier par les dispositions prévues par l'article 75 de la LFI pour 2016 qui permet aux contribuables ayant perdu le bénéfice de l'exonération de taxe d'habitation prévue en faveur des personnes aux revenus modestes de plus de 60 ans, veufs ou veuves, ou titulaires de l'AAH, de conserver pendant deux ans le bénéfice de cette exonération à laquelle est associée le dégrèvement de CAP.

* 3 « Un modèle économique de l'audiovisuel public adapté au 21 è siècle », rapport d'information n° 3098 de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Éric Woerth, président, et M. Jean-Marie Beffara, rapporteur, p. 57 et suivantes.

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