Avis n° 144 (2016-2017) de M. Patrick ABATE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 24 novembre 2016

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N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 2

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

PRESSE

Par M. Patrick ABATE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Traditionnellement, le programme 180 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » traite de la presse et du soutien, dynamique, de l'État à un secteur en grande difficulté.

Le projet de loi de finances pour 2017 en élargit le champ et renomme le programme 180 « presse et médias ». Y sont désormais incluses les actions « soutien aux médias de proximité » et « Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT) », jusqu'alors rattachées au programme 334 « livre et industries culturelles », ainsi que l'action « soutien à l'expression radiophonique locale », portant les crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER), appartenant anciennement au programme 313 « contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » désormais supprimé.

Leur périmètre budgétaire limité - respectivement 1,6 million d'euros, 1,7 million d'euros et 30,7 millions d'euros en 2017 - et l'absence de véritable enjeu de politique publique les concernant ont conduit votre rapporteur pour avis à limiter son analyse aux aides à la presse (127,8 millions d'euros) et au soutien de l'État à l'Agence-France Presse (132,5 millions d'euros).

Les mutations économiques et technologiques qui frappent le secteur de la presse justifient en effet, dans un contexte juridique où le soutien de l'État répond à de lourdes contraintes, une réflexion approfondie du politique sur les moyens d'assurer l'avenir d'une activité indispensable au rayonnement des idées et consubstantielle au fonctionnement apaisé de la démocratie.

Une telle réflexion est d'autant plus urgente à l'heure où les médias eux-mêmes sont chahutés au coeur de leur mission d'informer et que la parole du journaliste n'est plus toujours, pour nos concitoyens, synonyme de vérité. Il n'est que de voir les récents débats, qui ont mobilisé ces derniers mois le Législateur autour des questions de déontologie, de protection du secret des sources et d'équilibre de la liberté d'expression au regard des grands principes de la loi fondatrice du 29 juillet 1881.

La confiance doit, autant qu'un modèle économique stable, être retrouvée. Il en va de la responsabilité des pouvoirs publics au bénéfice de l'avenir de la presse.

Panorama de la presse : une lueur d'espoir

I. PANORAMA DE LA PRESSE : UNE LUEUR D'ESPOIR ?

A. L'ÉROSION CONTINUE DU PAPIER

1. Un constat vertigineux

Chaque année, la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication publie une enquête détaillée sur la presse française. Les derniers résultats rendus publics portent sur l'année 2014 et ne sont guère encourageants, tant en termes de chiffre d'affaires que de diffusion.

Chiffre d'affaires - Ensemble de la presse

(en milliards d'euros)

Source : DGMIC : Enquête annuelle

La diffusion, qui s'était stabilisée à environ sept milliards d'exemplaires depuis près de vingt ans, grâce en particulier au dynamisme de la presse gratuite au début des années 2000 (2,5 milliards d'exemplaires distribués en 2007) jusqu'à son effondrement brutal, enregistre depuis 2008 une chute abyssale toutes catégories de presse confondues malgré des nuances , jusqu'à atteindre 4,3 milliards d'exemplaires en 2014. Par rapport à la seule année 2013, la baisse atteint 300 millions d'exemplaires, soit 6 % de la presse imprimée diffusée.

Diffusion totale annuelle

(en milliers d'exemplaires / an)

Source : DGMIC - Enquête presse

Les années 2015 et 2016 confirment dramatiquement la tendance observée d'une profonde crise de la presse . Les chiffres rendus publics pour 2015 par les éditeurs accusent ainsi une baisse de 3,6 % du chiffre d'affaires de la vente au numéro et de 1,1 % de celui lié aux abonnements, qui fait pourtant l'objet d'une attention toute particulière dans les efforts de développement. Avec un chiffre d'affaires global de 7,5 milliards d'euros , le secteur perd à nouveau, et pour la huitième année négative consécutive, 3 % en valeur.

La presse d'information politique et générale nationale aussi bien que locale accuse cependant une érosion moindre : l'indice, fixé à une base 100 pour l'année 2000, passe en 2014 à 73,6 pour la presse nationale et à 76,7 pour la presse locale, pour un niveau global de 61,2.

Pour autant, la presse quotidienne nationale (800 millions de chiffre d'affaires) atteint son plus bas niveau de diffusion en 2014 à 322 millions d'exemplaires, ce qui représente une perte de 50 % par rapport à 1982 . On rappellera toutefois qu'à la différence des autres catégories de presse, l'érosion de la diffusion des quotidiens, même si elle ne fut pas continue, a débuté après 1968.

Presse nationale d'information générale et politique

(en milliers d'exemplaires et en %)

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

La presse quotidienne locale , soit six quotidiens sur dix, affiche une diminution de 3,5 % de sa diffusion en 2014 , à 1,5 milliard d'exemplaires. Le recul se poursuit en 2015, où la légère augmentation de 0,2 % des ventes par abonnement de la presse d'information politique et générale locale ne compense nullement le recul de 4,3 % des ventes au numéro.

Presse locale d'information générale et politique

(en milliers d'exemplaires et en %)

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

L'évolution du chiffre d'affaires de la presse locale

(en millions d'euros)

Source : UPREG

La presse spécialisée grand public , avec un indice de 60,7 en 2014, accuse un recul proche de l'indice d'ensemble , tandis que la presse technique et professionnelle (44,7 d'indice en 2014) perd plus de cinquante points en raison de la concurrence, qui la touche particulièrement, des services de presse en ligne . Pour cette dernière catégorie de presse, la diminution des volumes diffusés s'est établie à 5,2 % en 2014. Certaines publications, à l'instar de la presse d'information boursière, ont même presque intégralement disparu des présentoirs.

Presse spécialisée grand public

(en milliers d'exemplaires et en %)

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

Presse spécialisée technique et professionnelle

(en milliers d'exemplaires et en %)

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

L'analyse des créations et des disparitions de titres depuis 2010 montre combien la fragilité du modèle économique de la presse conduit à un turn over élevé des publications .

S'agissant de la presse nationale d'information politique et générale, un seul quotidien, L'Opinion , a été créé depuis 2010. Sur les 18 nouveaux mensuels, la moitié seulement continue de paraître, tandis que sur 50 titres bimestriels ou trimestriels créés, 19 ont déjà disparu.

Pour ce qui concerne la presse locale d'information politique et générale, 75 titres locaux ont été lancés depuis 2010, mais 24 d'entre eux ont cessé leur parution. L'Echo du Roussillon , créé en février 2014 pour une diffusion quotidienne de 500 exemplaires, a même cessé son activité dès le mois de septembre de la même année.

Le succès des lancements de titres récents se révèle trop souvent éphémère pour les éditeurs qui avaient cru trouver une issue à la crise dans la multiplication de l'offre , par ailleurs difficile à gérer pour des réseaux de vente eux-mêmes en mutation .

Les données économiques à la presse sont d'autant plus inquiétantes qu' une part non négligeable du chiffre d'affaires des éditeurs est constituée des aides publiques qui ne cessent d'être renforcées, notamment au profit de la presse d'information politique et générale.

Part du chiffre d'affaires de la presse issu des aides publiques

Source : Enquête rapide Chiffres clés MCC 2014, chiffres des aides rassemblés par le Spiil

Part des aides publiques dans le chiffre d'affaires
de la presse d'information politique et générale

Source : Enquête rapide Chiffres clés MCC 2014, chiffres des aides rassemblés par le Spiil

2. Les causes multiples d'un désastre annoncé
a) Un désamour des jeunes et des annonceurs
(1) Un lectorat plus difficile à fidéliser

Selon l'étude ONE AudiPresse publiée le 22 septembre 2016, 97,6 % des Français de 18 ans et plus déclarent lire la presse chaque mois , quel que soit le support, soit 50,8 millions de lecteurs. Ils consultent en moyenne 5,5 titres différents , dont 1,3 quotidien et 4,2 magazines. Le Monde obtient l'audience la plus élevée (20,6 millions de lecteurs), suivi par 20 Minutes (20,2 millions), L'Équipe (19,6 millions) et Le Figaro (19,3 millions). Selon l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM), cette proportion atteint 95 %, soit 49,6 millions de lecteurs mensuels, s'agissant de la seule presse imprimée .

Si ces résultats apparaissent encourageants, il n'en demeure pas moins que, depuis 1982, la presse quotidienne nationale a perdu 30 000 lecteurs réguliers par an. Ce chiffre atteint 55 000 lecteurs réguliers pour la presse quotidienne locale. En revanche, le phénomène de réutilisation d'un titre par un autre lecteur peut être important pour certaines catégories de presse (1,9 pour la presse quotidienne régionale et jusqu'à 5,5 pour les magazines mensuels).

Les gains parfois importants de lectorat réalisés par la presse écrite quotidienne lors des périodes d'intense activité politique (élections, conflits ou événement majeur) ne se pérennisent pas . En 2007, la presse nationale d'information politique et générale avait ainsi enregistré une augmentation de 2,08 % de sa diffusion (1,8 % pour les quotidiens), puis celle-ci s'était rétractée dès l'année suivante une fois les élections passées.

Les causes de ce désamour progressif sont, pour certains éditeurs, à rechercher dans l'apparition de la presse gratuite à la fin des années 1990, qui aurait introduit l'idée selon laquelle l'information pouvait ne pas être payante, sur laquelle a ensuite surfé, à ses débuts tout du moins, la presse numérique. Mais, même si selon certaines enquêtes, les lecteurs de 20 Minutes s'informaient auparavant auprès d'un quotidien payant et si Libération juge avoir perdu bon nombre de lecteurs sous l'effet de l'apparition de la presse gratuite, des arguments contradictoires coexistent sans qu'aucune étude ne les ait sérieusement étayés . En réalité, la difficulté de la mesure de la bascule vers les gratuits tient au fait que le lectorat des deux type de presse est finalement différent. En tout état de cause, depuis 2007, la presse gratuite affiche des résultats souvent plus décevants que ceux de la presse payante, sans que cette dernière ne bénéficie d'un regain d'intérêt de la part des lecteurs, qui basculent plus volontiers vers les offres numériques.

Plus certainement, l'érosion du lectorat de la presse écrite est liée au moindre attrait des jeunes pour ce support d'information . Ainsi, selon les données de l'Association mondiale des journaux (WAN-IFRA) pour l'année 2015, les personnes de plus de 65 ans représentent 29,3 % du lectorat de la presse, contre seulement 11,6 % pour les 15-24 ans.

Déjà en 2004, un rapport de Bernard Spitz au ministre de la culture et de la communication démontrait que la lecture de la presse quotidienne d'information politique et générale par les jeunes était confrontée à un triple obstacle : le prix, ainsi qu'une distribution et un contenu inadapté à leurs attentes et à leur mode de vie . Depuis, éditeurs et pouvoirs publics ont tenté, avec un succès relatif, de rajeunir le lectorat de la presse par diverses actions.

Exemples d'actions de promotion de la lecture de la presse auprès des jeunes

Le centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI), rattaché à Canopé, l'opérateur de documentation pédagogique du ministère de l'éducation nationale, est chargé de l'éducation aux médias dans l'ensemble du système éducatif. Il a pour objectif d' apprendre aux élèves une pratique citoyenne des médias par le biais notamment de partenariats entre les enseignants et les professionnels de l'information.

Le CLEMI a en particulier la responsabilité de la Semaine de la presse et des médias dans l'école , dont la 28 e édition se tiendra en mars 2017. Activité d'éducation civique, elle a pour but d'aider les élèves, de la maternelle aux classes préparatoires, à comprendre le système des médias, à former leur jugement critique et à développer leur goût pour l'actualité. Cette opération est celle qui rassemble le plus d'enseignants et d'établissements au sein de l'éducation nationale.

À cette occasion, les éditeurs de presse offrent plus d'un million d'exemplaires de journaux et de magazines. Près de 1 900 médias s'inscrivent chaque année à l'opération. La Poste se charge de la préparation et de l'acheminement des 45 000 colis à destination des établissements scolaires. Le ministère de la culture et de la communication soutient également la Semaine de la presse et des médias à travers une subvention de fonctionnement d'un montant de 12 500 euros.

Par ailleurs, le club des innovateurs du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) a lancé en 2015 un appel à projet sur l'éducation aux médias et à la liberté de la presse , doté d'une enveloppe de
2 millions d'euros. L'objectif est de développer un outil modulaire, adaptable, mutualisé sous forme de « mallette numérique » mise à disposition des équipes aussi bien dans les collèges et lycées que pour le temps périscolaire.

A été retenu le projet présenté par l'association pour le développement du Journal des lycées et soutenu par Ouest-France , le groupe Bayard et La Voix du Nord . L'outil est actuellement en cours de développement et aura vocation à être diffusé sur l'ensemble du territoire . 54 établissements sont d'ores et déjà engagés dans l'Ouest de la France, tandis que La Voix du Nord fait état d'une prévision d'une vingtaine de lycées. Le projet comprend également un accompagnement par des journalistes professionnels dans les établissements scolaires ou les structures périscolaires .

Les établissements participant au projet y contribueront à hauteur de 1 000 euros. Le ministère de la culture et de la communication a abondé le financement du projet en permettant le préachat de 500 mallettes en milieu scolaire et de 500 autres pour le hors-temps scolaire, pour un effort total d'un million d'euros .

Source : ministère de la culture et de la communication

Auditionné par votre rapporteur pour avis, Louis Dreyfus, président du directoire du Monde , a estimé urgent, pour les éditeurs, de trouver un moyen d'attirer les jeunes lecteurs . Plusieurs pistes ont été explorées, comme celle d'un abonnement offert à un titre de presse quotidienne nationale pendant un an aux jeunes de moins de 18 ans : non seulement le taux de réabonnement, payant cette fois, fut quasi nul, mais la majorité avait choisi L'Équipe . Selon lui, cette expérience aurait dû être menée avec des abonnements numériques, dont le taux de réabonnement est généralement plus élevé. Il atteint 50 % pour Le Monde qui propose un abonnement numérique de six mois à 1 euro pour les jeunes : 70 % le pérennisent à l'issue de l'offre.

Votre rapporteur pour avis n'a toutefois pas partagé son pessimisme à l'égard de l'avenir de la presse imprimée , dont Louis Dreyfus a estimé que, dans quinze ou vingt ans, les publications auront toutes intégralement basculé vers le numérique. Il estime en effet, comme Silvère Magnon, directeur de la rédaction de L'Humanité , également auditionné, que la presse, comme la lecture, ressort d'une éducation et constitue un enjeu pour la démocratie. Il est donc crucial d'offrir aux jeunes un accès facilité à l'offre de presse , qu'elle soit numérique ou imprimée.

(2) Des recettes publicitaires en berne

Au-delà de la diminution du chiffre d'affaires lié à la vente (- 2,5 % en 2015) en conséquence de l'érosion continue des volumes diffusés, la perte de recettes publicitaires affiche un niveau dramatique (- 4,5 % en 2015, après une baisse de 12,5 % en 2014).

Entre 1990 et 2015, avec une diminution de moitié de leur montant, l'érosion des recettes publicitaires à réduit considérablement leur proportion dans le chiffre d'affaires de la presse, de 47,5 % à 31,5 %.

Évolution des recettes de publicité - 1990 - 2015

(En milliards d'euros - Indice base 100 année 2000)

-- Total recettes
(euros constants)

Source : ministère de la culture et de la communication

À titre d'illustration, sur un marché publicitaire de la presse à 2,5 milliards d'euros en 2015, la presse locale a bénéficié de 28,4 % des investissements, soit 718 millions d'euros, à 80 % pour de la publicité locale. En 2007, elle enregistrait encore 1,1 milliard d'euros de recettes publicitaires.

Tous médias confondus, un milliard d'euros de recettes publicitaires s'est évaporé en dix ans , soit le gain enregistré par les grandes entreprises américaines du numérique sur le même poste de revenus, indiquaient à votre rapporteur pour avis les représentants du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPRR), analyse partagée par Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération , lors de son audition.

À l'issue des États généraux de la presse écrite, le 23 janvier 2009, avait été annoncé le doublement des investissements publicitaires institutionnels de l'État en faveur de la presse , afin de faire face à la diminution des recettes publicitaires privées. Las, après un véritable effort en 2009, les investissements réalisé par le groupement d'achat d'espace (GAE), composé du service d'information du Gouvernement et de cinq établissements sous tutelle, le cadre budgétaire contraint a conduit à une diminution progressive des crédits affectés à ce poste, tandis que, depuis 2012, les investissements du GAE dans la presse sont moins élevés que sur Internet.

Face à l'érosion continue de leurs recettes commerciales et publicitaires, les éditeurs n'ont eu d'autre choix, pour se maintenir ou, à tout le moins, survivre, que d' augmenter leur prix de vente sur les quotidiens comme sur les magazines . Depuis 2009, l'évolution des prix à la consommation de l'ensemble des produits de presse diverge ainsi nettement par le haut de l'indice général des prix à la consommation. Malheureusement, dans un cercle vicieux, cette politique, que votre rapporteur pour avis déplore, réduit d'autant les ventes d'un produit devenu de plus en plus luxueux pour nos concitoyens.

Prix de vente de la presse

(Indices base 100 en 2015)

Source : INSEE

b) Des coûts spécifiques réduits au prix de lourds efforts

La politique commerciale inflationniste des éditeurs trouve également une explication dans leur difficulté à réduire certains coûts afférents à leur activité , notamment en matière de diffusion et de fabrication, sauf au prix de contreparties coûteuses, qui pèsent sur leur résultat.

Pourtant, un effort important a été réalisé, avec le soutien de l'État, pour adapter les outils d'impression à la diminution des tirages de la presse. Ainsi, les frais relatifs à l'achat de papier et à l'impression occupent une importance moindre dans le chiffre d'affaires des titres en 2015 (18,5 %) qu'en 1990 (30,6 %). L'indice « pâte à papier, papier et carton » de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) demeurant globalement stable sur la période pour la production française de pâte à papier comme pour les importations, la diminution relative du coût de l'achat de papier est la conséquence d'une moindre consommation de papier (- 27,4 % entre 2010 et 2014 environ 828 000 tonnes, dont 44 % pour la presse spécialisée grand public) en raison de la disparition de certains titres, de l'érosion des tirages et de la baisse de la pagination publicitaire.

Au-delà de l'évolution de la consommation de papier, la réduction de la part de l'impression dans le chiffre d'affaires de la presse résulte de la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse, et parfois brutale, commune aux éditeurs et à l'État en faveur de la réduction des effectifs dans les imprimeries , dont certaines ont par ailleurs été fermées.

Le soutien de l'État à la résorption des sureffectifs observés dans les services de fabrication des journaux quotidiens (presse quotidienne nationale et presse quotidienne régionale) a pris la forme de plans de modernisation sociale.

(1) Un engagement à grands frais de l'État et des éditeurs

La loi de finances rectificative pour 2004 a institué une aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale, afin de prendre en charge les allocations de pré-retraite versées aux salariés concernés, pour la partie incombant à l'État (46,4 % du total soit 187,5 millions d'euros sur la durée du plan). Outre une interdiction d'embauche dans les entreprises concernées pendant trois ans pour éviter de reconstituer les sureffectifs, le plan comprend :

- une allocation spéciale pour la presse quotidienne nationale (le « plan RECAPP »), versée aux travailleurs ayant fait l'objet d'un licenciement économique. Elle a été ouverte en 2005 (convention cadre du 30 septembre 2005 et décret du 2 septembre 2005) aux ouvriers et employés de plus de 50 ans et cadres de plus de 55 ans. 25 conventions d'entreprise ont été signées au bénéfice de 436 volontaires sur un maximum fixé à 586 ;

- une allocation spéciale pour la presse départementale et régionale (décret du 2 juin 2006), établie selon des règles similaires. 39 conventions d'entreprise ont été signées, pour 1 333 personnes ayant demandé à bénéficier du dispositif sur objectif initial de 1 800.

En pratique, l'État verse annuellement les crédits prévus à l'organisme chargé de la gestion de l'allocation - la Caisse presse de salaire garanti (CAPSAG) pour la presse parisienne et le groupe Audiens pour la presse en régions -, soit 1,6 million d'euros au titre de l'année 2017 pour 98 personnes demeurant encore dans le dispositif .

À l'issue des États généraux de la presse écrite en 2009, de nouvelles mesures de réduction d'effectifs dans les entreprises de presse ont été prises, afin de diminuer le coût de fabrication des journaux dans un contexte de crise des ventes . À cet effet, un accord a été signé le 9 novembre 2009 entre les employeurs et plusieurs syndicats professionnels pour une cible de 350 emplois. Il prévoit un dispositif appelé « IMPRIME » de congé de reconversion professionnelle de trois ans , payé entre 85 % et 75 % du salaire, à l'issue d'un licenciement, pour lequel le ministère du travail a versé 67,7 millions d'euros.

Par ailleurs, aux fins de modernisation des outils de production, l'État a mobilisé 5 millions d'euros des crédit du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) en 2011 et en 2012 pour un projet de nouvelle imprimerie en région parisienne, « Newsprint », rassemblant l'impression des suppléments du Figaro , du Monde, de Libération , des Echos et de L'Humanité , ainsi que le titre 20 Minutes . Le projet a commencé en mars 2014 et le montant d'investissement s'élève à 15,7 millions d'euros à ce jour, tous partenaires confondus.

Les plans successifs ne furent malheureusement pas suffisants et, compte tenu de la poursuite de la baisse de la diffusion imprimée, une nouvelle restructuration des sites de production s'est imposée en 2014. La presse nationale était alors imprimée sur l'ensemble du territoire dans treize imprimeries : six appartenant au groupe Riccobono (pour Le Figaro, La Croix, Libération, Paris Turf, L'Humanité, Le JDD en Île-de-France), six au groupe Amaury (pour ses titres L'Équipe, le Parisien, Aujourd'hui en France ainsi que le JDD en province) et l'imprimerie du Monde à Paris.

En juillet 2014, le Monde a annoncé son intention de fermer son imprimerie d'Ivry-sur-Seine en 2015, fragilisée par le départ de plusieurs titres ( Direct Matin Plus et Les Échos , notamment). Cette fermeture intervient dans le cadre d'une réorganisation plus vaste de l'impression de la presse quotidienne nationale, avec la fermeture également programmée de l'imprimerie d'Amaury à Saint-Ouen, soit un plan social portant à nouveau sur 205 salariés.

Un accord collectif a été signé le 17 mars 2015 avec les principaux syndicats sur un plan de filière pour la période 2015-2020 pour les imprimeries concourant à l'impression de la presse quotidienne nationale , comprenant notamment un plan d'accompagnement social dit « 3M » (modernisation, mutualisation, mutation) , fondé sur le financement de la formation et le reclassement de l'ensemble des salariés concernés.

Dans un contexte social tendu, l'État a accordé son soutien, dans la limite de 50 % des coûts du plan d'accompagnement au-delà des 48 millions d'euros pris en charge par les éditeurs de presse et sous un plafond de 8,5 millions d'euros . Cette participation, qui porte sur des actions de formation et de reconversion professionnelle , est financée prioritairement sur l'enveloppe de 4 millions d'euros correspondant au reliquat des autorisations d'engagement non utilisées au titre du dispositif IMPRIME. L'imprimerie du Monde à Ivry a finalement fermé ses portes le 5 septembre 2015, suivie un mois plus tard par celle du groupe Amaury à Saint-Ouen.

A l'occasion de ce dernier plan, il a été confirmé que les plans de modernisation sociale ont vocation à être progressivement mis en extinction, le soutien de l'État passant désormais par le FSDP . Ainsi, en 2015, sept projets liés à l'impression ont été aidés pour 2,9 millions d'euros, soit près d'un tiers des montants attribués par le Fonds stratégique.

Si votre rapporteur pour avis salue les efforts engagés depuis plusieurs années en faveur de la modernisation et de la rationalisation des outils d'impression, il rappelle combien l'emploi a souffert de ces réformes : les salariés ont payé le prix fort de la crise de la presse, aussi bien dans les imprimeries de la presse nationale que dans celles de la presse locale.

(2) L'application de la responsabilité élargie du producteur à la filière papier : la charge de trop

Les efforts réalisés sur les coûts de production seront toutefois amoindris par l' imposition du secteur à de nouvelles charges.

Concrétisation du principe du « pollueur-payeur », la notion de responsabilité élargie du producteur (REP) appliquée à la filière papier est inscrite depuis 2008 à l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement, qui dispose « tout donneur d'ordre qui émet ou fait émettre des imprimés papiers, y compris à titre gratuit, à destination des utilisateurs finaux, contribue à la collecte, à la valorisation et à l'élimination des déchets d'imprimés papiers, ménagers et assimilés ainsi produits » .

La REP institue une contribution annuelle , mise à la charge du metteur sur le marché, calculée sur la base du tonnage de papiers émis . Pour 2016, le montant de l'éco-contribution était de 54 euros HT/tonne. Cette contribution est collectée par l'organisme Ecofolio , société privée agréée par l'État (ministères de l'écologie, de l'économie et de l'intérieur), qui la reverse sous forme de soutiens financiers aux collectivités territoriales en charge du service public de gestion des déchets.

Jusqu'à l'adoption de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les publications de presse reconnues par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) - soit plus de 8 000 titres - étaient exonérées de cette contribution , en raison du rôle particulier que joue la presse dans l'expression du pluralisme des idées , ainsi qu'au regard des difficultés économiques qu'elle traverse. En retour, la presse s'était engagée en faveur du recyclage par d'autres moyens, notamment par la diffusion coordonnée de campagnes de sensibilisation au tri et au recyclage des papiers imprimés (convention d'engagement volontaire de la presse signée avec Ecofolio en 2013).

Bien que les arguments évoqués pour exonérer la presse de la REP soient plus que jamais valables, la loi précitée du 17 août 2015 est venue modifier le code de l'environnement pour supprimer l'exonération dont bénéficiait la presse , qui contribue désormais à la collecte, à la valorisation et à l'élimination des déchets d'imprimés papiers qu'elle produit.

Toutefois, et heureusement, la presse bénéficie d' un aménagement particulier dans la mise en oeuvre de cette nouvelle obligation , la contribution pouvant être acquittée « en tout ou partie sous forme de prestations en nature prenant la forme d'une mise à disposition d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier ». En outre, les conditions dans lesquelles cette contribution en nature doit être apportée doivent être établies « en fonction des caractéristiques des publications » .

Une mission a été confiée au député Serge Bardy et au sénateur Gérard Miquel par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et la ministre de la culture et de la communication, afin de proposer des critères environnementaux permettant de déterminer la proportion dans laquelle les metteurs sur le marché peuvent verser leur contribution en nature.

Sur le fondement de leurs conclusions, le décret n° 2016-917 du 5 juillet 2016 prévoit que le montant de l'éco-contribution due annuellement par un éditeur est déterminé en fonction des tonnages de papier qu'il a mis sur le marché et qui ont été pris en charge par le service public de gestion des déchets , exception faite des invendus, qui empruntent des circuits de recyclage spécifiques, et d'une fraction des publications que l'on estime être conservées par les lecteurs ou qui emprunte un autre circuit d'élimination.

Il fixe également quatre critères permettant de déterminer la proportion dans laquelle un éditeur peut verser sa contribution sous forme de prestations en nature : la composition du papier (mesurée par le taux de fibres recyclées), la présence d'éléments perturbateurs de recyclage, l'empreinte carbone de la publication (distance parcourue entre le lieu d'achat du papier, le lieu d'impression et la zone de diffusion) et la transparence environnementale (visibilité de certaines informations environnementales dans la publication). Chacun de ces critères, lorsqu'il est satisfait, ouvre la possibilité, pour l'éditeur, de verser 25 % de sa contribution sous forme de prestation en nature.

La presse payante, dans son ensemble, devrait a priori s'acquitter annuellement d'une contribution, sous la forme financière, de 8 millions d'euros . Le reste de la contribution, versée sous forme de prestations en nature, représenterait 22 millions d'euros . La presse magazine serait la catégorie de presse la plus durement taxée, en raison des papiers et encres utilisés, des nombreux perturbateurs de recyclage, et des circuits d'impression empruntés souvent à l'étranger.

Si la publication du décret susmentionné du 5 juillet 2016 a, en partie, rassuré les éditeurs, notamment de la presse quotidienne, votre rapporteur pour avis déplore la fin d'un dispositif juste et logique d'exonération de la REP pour le secteur de la presse, déjà durement touché par une crise structurelle de son modèle .

B. LE NUMÉRIQUE OU LA RECHERCHE D'UN NOUVEL ÉQUILIBRE

1. Un modèle alternatif qui s'affirme

L'érosion continue et inéluctable du marché de la presse papier conduit depuis plusieurs années les éditeurs à orienter leur offre vers les supports numériques, malgré une rentabilité encore vacillante .

Bien qu'évidente, la mutation digitale de la presse est difficilement quantifiable . La principale difficulté est d'ordre comptable , dans la mesure où les entreprises de presse, dans leur majorité, ne distinguent, dans leur comptabilité, ni les charges ni les produits de leur activité liés à leurs services de presse en ligne. S'agissant des charges, les frais de personnel, et notamment ceux des journalistes, ne sont pratiquement jamais isolés dans le cadre d'une comptabilité analytique précise, tandis qu'au niveau des recettes, les formules d'abonnements liées à la seule consultation digitalisée du titre sont quasi inexistantes et ne font, de ce fait, pas non plus l'objet d'une ligne comptable dédiée.

Si certains éditeurs produisent malgré tout des chiffres d'affaires précis, notamment lorsque la production numérique est le fait d'une filiale dédiée, les quelques résultats individuels publiés ne peuvent être invoqués qu'à titre d'exemples.

Les rares chiffres disponibles liés aux services de presse en ligne concernent d'une part le montant des recettes publicitaires publié par l'Institut de recherches et d'études publicitaires (IREP) et, d'autre part le pourcentage moyen que représente le numérique dans le chiffre d'affaires des principaux éditeurs connu par l'enquête administrative annuelle du ministère de la culture et de la communication.

Il en ressort que le numérique demeure une source de revenus mineure pour la plupart des éditeurs de presse écrite et ne compense pas à ce jour les pertes de revenus traditionnels , compte tenu d' un prix d'abonnement digital proportionnellement moins élevé que pour la version imprimée (de nombreux éditeurs proposent d'ailleurs un abonnement unique pour les deux versions) et de recettes publicitaires encore limitées.

En 2015, l'ensemble du chiffre d'affaires lié aux services dématérialisés parvient difficilement à dépasser 5 % du chiffre d'affaires des 300 plus importants éditeurs de presse écrite.

Ce résultat, décevant en première intention, mérite toutefois d'être affiné dans son analyse. En effet, il progresse chaque année pour l'ensemble des catégories de presse , dont certaines affichent en outre une proportion bien supérieure du numérique au sein de leur chiffre d'affaires, notamment la presse technique professionnelle et la presse gratuite d'annonces, avec respectivement 24,6 % et 64 % en 2015, même si elles ne représentent qu'une faible part du marché de la presse à 215 millions d'euros et 37 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Une croissance du numérique pour l'ensemble des familles de presse

Source : Communiqué de presse ACPM - sept. 2016

Par ailleurs, avec une croissance de 1,2 % du nombre de visites en 2016, qui s'établit à 14,2 milliards 1 ( * ) , les sites de presse numériques apparaissent dans une situation bien plus favorable que les publications imprimées , dont la diffusion payée a, à nouveau, reculé de 2 %. Toutefois, si les sites fixes demeurent plus fréquentés puisque 47 % de la lecture digitale de la presse se fait sur ordinateur, la croissance est désormais portée par les sites mobiles et les applications de presse , qui ont connu une croissance de 11,5 % cette année. 46 % des Français lisent la presse sur mobile et 25 % sur tablettes, dans un contexte où 63% des Français possèdent un smartphone et 50% une tablette.

Ce type de consommation est favorisé par le développement d'offres de kiosques en ligne comme PressReader , SFR Presse ou Clevr , dont le modèle n'est pas exempt de critiques en matière de rémunération des contenus à leur juste valeur , comme, s'agissant d'une entreprise comme SFR qui maîtrise à la fois la diffusion numérique et le contenu des titres qu'elle possède, de neutralité de la distribution de la presse, principe fondateur de la loi « Bichet » .

Une lecture numérique à deux vitesses

Source : ACPM/OJD - septembre 2016

Selon l'étude ONE AudiPresse publiée le 22 septembre dernier pour la période juillet-septembre 2016, la lecture digitale représenterait 49 % de la consommation de presse . Le numérique apporte en moyenne 86 lecteurs supplémentaires pour 100 lecteurs de la presse imprimée : 71 % des Français lisent au moins un titre en version numérique . Les publications les plus courues sont Le Monde (8,5 millions de visites par jour), Le Figaro (8,3 millions), puis L'Equipe (6,9 millions).

Dans un contexte économique médiocre, le chiffre d'affaires en termes de recettes publicitaires numériques progresse de 5 % en 2015 selon l'IREP. Certes, le résultat semble mirobolant au regard de la chute abyssale des revenus publicitaires attachés au support papier, mais il n'en demeure pas moins que la rentabilité des sites Internet liés aux entreprises de presse n'est toujours pas avérée , même si quelques éditeurs affichent leur optimisme.

C'est notamment le cas du Monde , dont le président du directoire, Louis Dreyfus, a indiqué lors de son audition être satisfait des résultats commerciaux obtenus, au prix d'importants investissements, sur la version numérique du titre - plus de 100 000 abonnés le sont uniquement en ligne - après plusieurs années décevantes. S'agissant de la presse en région , longtemps en retard sur la mutation numérique, désormais, selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis par le Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR), la diffusion numérique, si elle ne représente que 2% du chiffre d'affaires , constitue l'unique vecteur de croissance des entreprises de cette catégorie de presse.

Le digital en croissance

En millions d'euros

2013

2014

2015

Différence 2013-2015

CA Imprimé
(Vente + Pub)

1 565

1 560

1 527

- 38

CA Digital
(Vente + Pub)

71

87

95

+ 24

Source : UPREG

Ventes : structure et évolution du chiffre d'affaires

(en 2015)

En part du CA
Vente

En milliers d'euros

En tendance
(par rapport à 2014)

Vente au numéro

40 %

617 171

- 4,6 %

Abonnés postés

8,3 %

127 440

+ 3,4 %

Abonnés portés

50 %

770 738

- 0,4 %

Ventes numériques

1 %

14 830

+ 54 %

Source : UPREG et OJD 2015

Certains éditeurs ont fait le choix de développer uniquement, soit par abandon de la version papier, soit par création d'un site ex nihilo , une version numérique de leur titre. Les pure players (ou service de presse « tout-en-ligne » selon le terme proposé par la commission générale de terminologie et de néologie pour traduire l'expression anglophone), en l'absence de charges fixes liées à l'impression, apparaissent plus facilement rentables , comme le montre l'expérience de l'ancien quotidien économique La Tribune ou, plus récemment, de The Independant , premier quotidien national britannique à cesser la parution papier en mars 2016, redevenu rentable pour la première fois depuis vingt-trois ans.

Leur développement est d'ailleurs à l'image de l'engouement qu'ils suscitent. Au 5 juillet 2016, 405 services de presse « tout-en-ligne » étaient reconnus par la CPPAP sur un total de 920 services de presse en ligne (SPEL) reconnus. Sur ce total, 260 services de presse en ligne sont reconnus d'information politique et générale 2 ( * ) , parmi lesquels 94 pure players , et 30 SPEL sont consacrés « pour une large part à l'information politique et générale » au sens de l'article 39 bis A du code général des impôts.

En termes d'audience, Le Huffington Post, premier site de presse « tout-en-ligne » d'après la mesure réalisée par l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM), se classe au 22 e rang des SPEL avec, en juin 2016, 44,7 millions de pages vues et 25,2 millions de visites, soit un niveau comparable aux sites internet de L'Express et du Point . Ce classement d'audience reste donc dominé par des sites de titres bimédia (papier et numérique), tant l'effet « marque » demeure important pour les lecteurs.

2. Un soutien constant mais limité à la mutation technologique de la presse
a) Une politique publique qui s'adapte progressivement
(1) À statut particulier...

La définition générale d'un service de presse en ligne (SPEL) est fixée par l'article 1 er de la loi n° 86-897 portant réforme du régime juridique de la presse modifiée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

Ainsi, « on entend par service de presse en ligne tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu , consistant en la production et la mise à disposition du public d'un contenu original, d'intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d'informations présentant un lien avec l'actualité et ayant fait l'objet d'un traitement à caractère journalistique , qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d'une activité industrielle ou commerciale ». Les SPEL ayant un contenu violent ou pornographique sont exclus de ce statut, dans des termes similaires à ceux prévus pour la presse imprimée.

Le décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 modifié par le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 précise les conditions à remplir pour être reconnu en tant que SPEL. Avec la réforme intervenue en 2014, la reconnaissance du caractère d'information politique et générale n'est plus subordonnée à l'obligation d'emploi, à titre régulier, d'au moins un journaliste professionnel. Cet assouplissement permet d'inclure à ce titre les dirigeants non-salariés au sens du code du travail.

La reconnaissance des SPEL est assurée par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), dont la composition et les modalités de fonctionnement font l'objet du décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997.

En 2015, la CPPAP s'est réunie à six reprises en formation plénière pour examiner les demandes de reconnaissance de SPEL. En outre, depuis septembre 2014, en application du décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 précité, sont organisées des sous-commissions dédiées, à l'instar de la pratique déjà en place pour les publications. Sur les 373 dossiers examinés, 301 sites se sont vu reconnaître la qualité de SPEL, dont 114 avec un caractère d'information politique et générale.

Par les décisions qu'elle prend, la CPPAP élabore et fait évoluer une doctrine précisant les critères de reconnaissance des SPEL . Parmi les questions ayant fait l'objet de débats approfondis, figurent notamment la notion d'« information politique et générale » . En sont exclus les contenus à caractère trop spécialisé (par exemple des sites d'information médicale) ou ne présentant pas suffisamment d'information à caractère politique ou à caractère général. À l'instar de la presse papier, le traitement de l'information peut être prioritairement axé sur l'information locale à condition qu'elle soit suffisamment variée et comporte des analyses et commentaires des sujets d'actualité traités. Il a également été décidé de reconnaître le caractère d'information politique et générale, sous réserve d'un traitement diversifié et accessible à un large lectorat, des services qui traitent l'actualité sous un prisme particulier comme celui de l'économie ou du développement durable.

(2) ... aides spécifiques
(a) Le renforcement attendu des dispositifs de soutien public

Les règles en matière d'aide n'établissent aucune différence de traitement entre les services de presse en ligne, selon qu'ils sont ou non « tout-en-ligne », dès lors qu'ils sont reconnus par la CPPAP.

Ainsi, tous sont assujettis depuis le 1 er février 2014 au taux de TVA « super-réduit » de 2,1 %. Les titres consacrés pour une large part à l'information politique et générale sont également éligibles au bénéfice de l'article 39 bis A du code général des impôts qui permet la déductibilité fiscale des provisions pour investissement et exonérés de contribution économique territoriales.

Surtout, les SPEL bénéficient depuis 2012, sur projets, des crédits du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) , issu du fonds d'aide au développement des services de presse en ligne actif entre 2009 et 2011 au bénéfice de 278 projets pour un total de 43,5 millions d'euros attribués sur trois ans.

Le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 portant réforme des aides à la presse a, conformément aux recommandations de la mission d'expertise menée sous l'égide de Roch-Olivier Maistre au printemps 2013 sur les aides à la presse, profondément modifié les modalités de fonctionnement du fonds stratégique et les principes d'attribution de ses aides :

- les sections du fonds ont été fusionnées, afin d' uniformiser et de simplifier l'examen des demandes d'aide. Le comité d'orientation du fonds s'est ouvert à des personnalités qualifiées, aux côtés des représentants de l'État et de la presse ;

- l'éligibilité des services de presse en ligne a été recentrée : les SPEL d'information pratique du public ne sont plus éligibles, tandis que le sont devenus les sites qui développent l'information professionnelle ou favorisent l'accès au savoir et à la formation ;

- la prise en compte des dépenses internes a été accordée pour les tâches de développement informatique ou de mise à disposition de contenus numériques ;

- la priorité du soutien à l'innovation et aux projets mutualisés a été affirmée : l'innovation représente désormais le critère premier d'éligibilité des projets. Par ailleurs, un taux bonifié de soutien à 50 % est réservé aux projets présentant une innovation pour le secteur et aux projets collectifs.

Le fonds stratégique pour le développement de la presse a soutenu 78 projets en 2015 , dont cinquante (soit 64 %) concernaient le développement de services de presse en ligne pour 3,8 millions d'euros , et trois étaient des projets bimédia d'information politique et générale, qui ont reçu 614 528 euros. Les pure players ont, pour leur part, été éligibles pour sept dossiers pour un total accordé de 226 856 euros, soit 2,2 % du total des aides attribuées par le fonds.

Le montant unitaire de l'aide proposée, qui est fonction du niveau des dépenses présentées, a été très variable, allant de 900 euros pour la subvention la plus modeste à 2,1 millions d'euros, pour un montant moyen en constante augmentation de 129 597 euros . Les projets des services de presse en ligne de la presse nationale d'information politique et générale ont bénéficié de la part la plus importante des aides pour les projets de développement de services de presse en ligne (20,15 %), sont seulement 9 % pour la presse spécialisée et 5 % pour la presse magazine.

À la suite du rapport remis par Jean-Marie Charon le 2 juin 2015 intitulé « Presse et numérique : l'invention d'un nouvel écosystème » , un groupe de travail s'est attaché à identifier les moyens de mieux soutenir l'innovation dans le secteur de la presse. Le décret n° 2016-1161 du 26 août 2016 constitue la traduction de cette réflexion.

D'abord, le FSDP poursuit sa mue pour s'adapter aux nouveaux besoins du secteur . Ainsi :

- la presse en ligne de la connaissance et du savoir , qui n'était plus éligible depuis le 31 décembre 2015, est rétablie dans le périmètre du fonds ;

- l'éligibilité des publications d'information politique et générale, précédemment limitée aux publications de périodicité au maximum hebdomadaire, est étendue à toute périodicité ;

- le périmètre des dépenses éligibles au fonds stratégique a été élargi en intégrant les innovations de commercialisation et liées à la « data » ;

- enfin, le taux de subvention des projets éligibles au fonds est revalorisé de 30 % à 40 % des dépenses éligibles . Les projets collectifs, représentant une innovation pour le secteur, portés par des sociétés de moins de 25 salariés ou par des titres fragiles bénéficiant des aides aux publications nationales à faibles ressources publicitaires ou aux quotidiens à faibles ressources de petites annonces, pourront accéder à un taux bonifié de 60 % des dépenses éligibles, pouvant aller jusqu'à 70 % pour les entreprises émergentes de moins de 25 salariés et de moins de trois ans d'existence.

La création d'un taux particulièrement favorable pour les entreprises de presse émergentes constitue une réponse aussi attendue qu'utile à l'une des principales lacunes du fonds , qui, par son fonctionnement (versement de la subvention sur factures acquittées), obligeait les éditeurs à disposer des moyens d'investir eux-mêmes majoritairement dans les projets pour lesquels ils sollicitaient une aide . Il est également heureux que, pour les médias émergents, les dépenses de salaires directement afférentes à la création éditoriale puissent être prises en compte, même si cette ouverture est limitée à six mois pour éviter tout effet d'aubaine.

Votre rapporteur pour avis salue cette avancée, qu'il avait lui-même appelé de ses voeux l'an passé. Il regrette toutefois qu' aucune solution n'ait été apportée aux éditeurs qui ne disposent pas des moyens de mettre en ligne une première version de leur site et qui, en conséquence, ne disposent d'aucun numéro de CPPAP leur permettant d'accéder au fonds.

Par ailleurs, deux évolutions organisationnelles permettront de fluidifier le fonctionnement du fonds : la possibilité d'auditionner en comité les directeurs des publications concernées pour tous les projets supérieurs à un certain seuil de demande de subvention et le relèvement du plafond pour les dossiers examinés en réunion interne de la DGMIC de 50 000 euros à 75 000 euros.

Le resserrement du fonds en 2014 et la diminution progressive du taux de soutien aux projets d'impression non mutualisés a entraîné une diminution du volume des engagements effectifs de l'État. Ainsi, comme votre rapporteur pour avis le dénonçait l'an passé, le fonds stratégique, peu dynamique, fut particulièrement touché par les gels budgétaires , atteignant même en 2015 les deux tiers du montant affiché en loi de finances. L'élargissement opéré en 2016, ainsi que le relèvement des taux d'aide devraient permettre la consommation de la totalité des crédits du fonds en 2016 (29,5 millions d'euros), comme en 2017 (27,4 millions d'euros).

Ensuite, la réforme instaurée par le décret précité du 26 août 2016 crée un fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, doté de 5 millions d'euros en 2017 , chargé d'une triple action :

- distribuer des bourses d'un montant unitaire d'au maximum 50 000 euros pour les entrepreneurs de presse émergents . La sélection des projets, réalisée par le club des innovateurs et par le ministère de la culture et de la communication, sur la base d'une expertise fournie par la Banque publique d'investissement, combinera l'évaluation de l'innovation éditoriale et l'analyse de la viabilité économique ;

- subventionner des programmes d'incubation dédiés aux médias émergents et aux fournisseurs de solutions aux médias. Il s'agit de faciliter le lancement de projets collectifs et de renforcer la visibilité et l'attractivité de l'entrepreneuriat de presse. Les entreprises sélectionnées après avis du Club des innovateurs, bénéficieront de services administratifs, sociaux, juridiques et comptables mutualisés, ainsi que d'un accès à des ateliers thématiques, des hackathons , des réseaux d'experts et de tuteurs. L'aide est versée pendant deux ans par tranches annuelles, après conclusion d'une convention entre l'État en le bénéficiaire ;

- lancer des appels à projets sur des programmes de recherche consacrés à des sujets d'innovation intéressant le secteur de la presse (monétisation de l'information, big data , paywall , micropaiements, plateformes d'échanges, etc.).

La réforme du club des innovateurs

Le club des innovateurs, qui est formellement une formation du comité d'orientation du FSDP, joue un rôle essentiel dans le dispositif de soutien à l'émergence et à l'innovation, puisque c'est lui qui a désormais la charge des bourses à l'émergence, des programmes d'incubation et des programmes de recherche.

Sa gouvernance est largement revue :

- il est prévu qu'il soit désormais présidé par le vice-président du comité d'orientation du FSDP (fonction nouvellement créée), qui sera une personnalité qualifiée au titre de sa connaissance de l'économie numérique, de l'économie et des métiers de la presse ou du financement de l'innovation ;

- il sera composé, outre son vice-président, de huit représentants de l'administration (dont quatre du ministère de la culture et de la communication), de quatre représentants des organisations professionnelles des éditeurs de presse (dont au moins un représentant des services de presse en ligne) et de quatre personnalités qualifiées au même titre que le vice-président ;

- les personnalités qualifiées, y compris le vice-président du comité d'orientation, auront voix délibérative ;

- c'est désormais le club des innovateurs lui-même qui délibérera sur les appels à projets qu'il lance et il pourra retenir un, plusieurs ou aucun projets, selon la pertinence des projets reçus.

Source : ministère de la culture et de la communication

Enfin, depuis 2014, le soutien de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), via le fonds d'avances remboursables aux entreprises de presse (FAREP), est ouvert aux projets de création et de développement de titres de presse en ligne. Depuis 2016, son champ d'action est élargi aux SPEL du savoir et de la connaissance, ainsi qu'aux entreprises de presse ayant plus de trois ans d'existence .

Les avances sont octroyées dans la limite d'un encours maximum de 200 000 euros par entreprise représentant jusqu'à 70 % du programme de dépenses. Elles présentent un caractère participatif et sont donc assimilables à des fonds propres. Les modalités de remboursement sont adaptées au développement progressif de l'activité avec une durée maximum de sept ans pouvant inclure une période de franchise de remboursement allant jusqu'à deux ans.

En complément des avances du FAREP, les mêmes sites peuvent bénéficier, pour leurs crédits bancaires, de la garantie offerte par le fonds « industries culturelles » de l'IFCIC à un taux de 50 % du montant du crédit pour un risque maximum d'un million d'euros, pouvant atteindre 70 % pour des concours inférieurs à 150 000 euros. Peuvent bénéficier de la garantie les crédits confirmés, les crédits à moyen et long terme, les crédits-bails, les contrats de location financière et les engagements par signature.

(b) Une compensation privée a minima

Google, comme les autres moteurs de recherche, utilise des contenus produits par la presse sans les rémunérer. Il en tire pourtant lui-même des revenus publicitaires conséquents, selon un modèle économique contesté par les éditeurs réunis depuis mai 2012 au sein de l'Association de la presse d'information politique et générale (AIPG) en vue de négocier un accord satisfaisant par l'entreprise américaine.

Des négociations confidentielles entre Google et l'AIPG ont été engagées sous les auspices de Marc Schwartz, aux termes desquelles un accord de principe a été annoncé en présence du Président de la République et du président de Google le 1 er février 2013. Elles ont définitivement abouti avec la signature d'un accord le 13 juin de la même année, prévoyant la mise en place d' un fonds pour l'innovation numérique de la presse (FINP) abondé par Google à hauteur de 60 millions d'euros pour trois années de fonctionnement et d'une coopération en matière de régie publicitaire en ligne .

Le fonds a été effectivement créé au deuxième semestre 2013 au bénéfice des seuls services de presse en ligne d'information politique et générale, bimédias ou pure players . Les projets retenus, qui ne peuvent parallèlement bénéficier des crédits du fonds stratégique, doivent avoir pour objectif direct de créer de nouvelles sources de revenus pour les éditeurs de presse en ligne ou de promouvoir de nouveaux modèles économiques , notamment par la production de contenus éditoriaux innovants. Sont éligibles à ce titre l'ensemble des dépenses : investissement, prestations extérieures et exploitation, y compris les salaires de journalistes et techniciens. Un plafond de 2 millions d'euros et 60 % des dépenses engagées est applicable. Une première avance de 30 % du montant de l'aide est consentie ab initio, sans devis ni facture.

En 2015, pour sa dernière année d'existence, 37 projets ont été financés pour un total de 15,3 millions d'euros . Parmi eux peuvent être cités la mise en place d'une offre digitale payante communautaire pour Nice Matin (624 000 euros), le paiement d'une formation en ligne certifiante aux journalistes de Rue89 (299 000 euros), le lancement d'une édition quotidienne payante de La Manche libre sur tablettes et smartphones (271 000 euros), le développement du flux éditorial live de Libération (426 000 euros), au encore la participation aux investissements en vidéo du Figaro (1,1 million d'euros) et du Monde (1,7 million d'euros).

Le 28 avril 2015, dans le contexte de l'enquête pour abus de position dominante engagée par la Commission européenne, Google a annoncé la création du Digital News Initiative . Inspiré de l'expérience française, le projet est conçu comme un partenariat entre Google et des éditeurs de presse européens , notamment les grands noms que représentent Les Échos en France, le Frankfurter Allgemeine Zeitung et Die Zeit en Allemagne, The Financial Times et The Guardian au Royaume-Uni, NRC Media aux Pays-Bas (éditeur du Handelsblatt ), El Pais en Espagne et La Stampa en Italie. À cet effet, un fonds doté de 150 millions d'euros pour trois ans est destiné à soutenir l'innovation, notamment en vue d'aider les titres de presse à faire face à trois défis majeurs : l'enrichissement en vidéo des sites de presse en ligne, une meilleure monétisation des contenus et un partage de la valeur plus juste entre les éditeurs de presse et Google sur les revenus publicitaires.

En février 2016, Google a publié un rapport d'étape présentant les principaux critères de sélection : le fonds est ouvert aux éditeurs de toutes tailles, aux pure-players et aux start-up ayant leur siège dans un pays de l'Union européenne ou de l'Association européenne de libre-échange.

Si l'enveloppe qui reviendra aux projets français devrait être moindre , compte tenu de la dimension européenne du nouveau fonds, l'Agence France-Presse a d'ores et déjà bénéficié d'un financement dans le cadre d'un projet de conception de graphiques, cartes et rapports interactifs accessibles dans plusieurs langues et dans différents formats mobiles.

L'an passé, votre rapporteur pour avis, avait qualifié l'accord signé avec Google par les éditeurs français de « compromis utile » , en ce qu'il avait permis de « doubler par des financements privés les crédits publics destinés à l'innovation numérique » , tout en appelant à « la mise en oeuvre d'un système pérenne de compensation à la presse des contenus diffusés par Google » . Il salue à cet égard le contenu du projet de révision de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, présenté par la Commission européenne le 14 septembre dernier.

En effet, défendu activement par le commissaire chargé du numérique, Günther Oettinger, un droit voisin y est accordé aux éditeurs de presse , qui pourront autoriser l'utilisation en ligne de leurs contenus et ce pour une durée de vingt ans moyennant rémunération, sans qu'il ne soit cependant précisé de qui elle pourrait être exigée. Ce nouveau droit n'aura toutefois pas pour conséquence d'induire une taxe généralisée sur les liens hypertextes.

Il faut espérer que la création d'une telle compensation à l'échelle européenne apporte des résultats plus convaincants que lorsqu'elle a été, par le passé, tentée au niveau des États membres : La Lex Google allemande, adoptée en mai 2013, n'a jamais été appliquée en raison d'obstacles tant juridiques que techniques, tandis qu'en Espagne, Google News a quitté le pays après la mise en place d'un dispositif similaire.

b) Un déséquilibre qui demeure

Si le soutien à la mutation numérique de la presse se renforce indéniablement, votre rapporteur pour avis déplore qu'il demeure en proportion très en-deçà des aides apportées à la presse imprimée .

Selon le panorama des aides à la presse publié le 29 juin 2016 par le SPIIL, sur les 108 millions d'euros d'aides directes distribuées en 2015, 93 % ont été attribuées au support papier , tandis que seul 1 % des aides, au travers du fonds stratégique, étaient destiné à l'innovation.

Des aides directes à la presse très majoritairement attribuées au support papier

Chiffres 2015 (millions d'euros)

Source : Spiil à partir du Rapport annuel de performance (RAP) 2015 du programme 180 « Presse »

Avec le présent projet de loi de finances pour 2017, qui prévoit l'augmentation des crédits du fonds stratégique et la création du fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, la proportion des aides directes réservées au papier ne sera plus que de 75 % , sur un total de 127,8 millions d'euros.

Toutefois, les aides au pluralisme demeurent réservées à la presse imprimée , que ce soit au bénéfice de la presse locale ou de la presse nationale d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires. Ces aides, qui ont été élargies à toutes les périodicités papier, sont encore inaccessibles aux éditeurs numériques. Or ceux-ci souffrent également de faibles ressources publicitaires ou, a fortiori , de faibles ressources de petites annonces.

Cette privation est d'autant plus problématique que le pluralisme, objectif à valeur constitutionnelle, est particulièrement à l'oeuvre dans la presse en ligne , ainsi que l'a confirmé Jean-François Mary, président de la CPPAP, lors de son audition, le 17 septembre 2015, par la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, en affirmant : « l'expression du pluralisme est plus marquée sur Internet que dans la presse traditionnelle » .

Du fait de ce déséquilibre dans la répartition des aides directes, comme le regrette le Spill, « les éditeurs ne sont pas encouragés à faire les bons choix stratégiques en terme de support . Les aides semblent même contre-productives : il est révélateur que ce soit l'une des familles de presse les moins aidées, la presse professionnelle, qui affiche la plus forte part de son chiffre d'affaires issue du numérique (18% en 2014) » .

Les aides indirectes, qui représentent dix fois le montant des aides directes avec 1,3 milliard d'euros par an, sont elles aussi encore largement réservées au papier. En 2015, 54 % des aides indirectes étaient ainsi structurellement réservées aux titres papier , le reste étant ouvert aux deux supports. De fait, si l'ouverture à la presse en ligne du taux de TVA de 2,1 % en 2014 a marqué un net progrès, les aides indirectes à la diffusion, qui représentaient 475 millions d'euros (119 millions d'euros d'aide apportée par l'État à La Poste et 356 millions d'euros de déficit sur les activités de transport de presse laissé à la charge de La Poste), demeurent réservées à la presse imprimée.

Il en va de même des 53 millions d'euros d'aides directes affectées à la diffusion (aide au portage de la presse et exonération de charges patronales pour les vendeurs colporteurs et porteurs de presse).

Or, la diffusion numérique demande également des investissements significatifs , souvent très onéreux pour les éditeurs : outil de gestion d'abonnement et de paiement, outil de diffusion sur les différentes plateformes et réseaux sociaux, etc. La diffusion numérique implique en outre des coûts d'exploitation spécifiques importants , notamment en matière marketing et commerciale, sans compter les commissions prélevées par les kiosques numériques.

On rappellera enfin que le dispositif des annonces judiciaires et légales (193 millions d'euros en 2014) est réservé à la presse imprimée.

Votre rapporteur pour avis appelle donc de ses voeux une refonte des aides à la presse au bénéfice d'une meilleure répartition entre presse imprimée et presse en ligne , afin d'adapter les politiques publiques en faveur de la presse aux défis à venir, sans qu'elles ne constituent indirectement un frein au développement, déjà difficile, du secteur.

En particulier, il estime indispensable de revoir les termes du décret n° 55-1650 du 17 décembre 1955 relatif aux annonces judiciaires et légales modifié par le décret n° 2007-1768 du 14 décembre 2007 qui fixe les seuils de diffusion à partir desquels, dans chaque département, les publications sont autorisées à recevoir lesdites annonces. Dans un contexte de diminution constante de la diffusion de la presse, ces seuils sont désormais en décalage avec la réalité dans nombre de territoires, conduisant certains titres à perdre le bénéfice des annonces judiciaires et légales. Il lui semble également temps, à cette occasion, que les seuils de diffusion fixés comprennent les abonnements numériques puisque là réside l'avenir de la presse.

LES AIDES FISCALES ET LE SOUTIEN AU PLURALISME : LES POUMONS DE LA PRESSE

II. LES AIDES FISCALES ET LE SOUTIEN AU PLURALISME : LES POUMONS DE LA PRESSE

A. UN SOUTIEN INDIRECT ESSENTIEL

1. Le taux réduit de TVA applicable à la presse : un socle indispensable

Le taux « super-réduit » de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), réservés depuis 1977 aux quotidiens et assimilés, a été étendu à l'ensemble des titres ayant obtenu un numéro d'inscription auprès de la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) à partir du 1 er janvier 1989, par la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 de finances pour 1988. En sont exclues les publications violentes ou pornographiques, non reconnues par la CPPAP et taxées en conséquence au taux normal de TVA.

Le taux applicable aux bénéficiaires du dispositif est codifié à l'article 298 septies du code général des impôts : les ventes, commissions et courtages portant sur les publications de presse sont soumis à la TVA au taux de 2,1 % dans les départements métropolitains, y compris la Corse, et de 1,05 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion. Il n'existe pas de TVA en Guyane.

Environ 1 750 entreprises de presse bénéficient de ce dispositif , dont le coût, équivalant à l'imposition des publications au taux de 2,1 % comparée à l'assujettissement au taux réduit, est évalué à 165 millions d'euros pour 2017, soit la principale masse financière des aides à la presse .

Par ailleurs, en application du principe consacré par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de neutralité fiscale et afin de ne pas entraver le développer numérique des éditeurs, le taux de TVA « super-réduit » a été étendu, à compter du 1 er février 2014, aux services de presse en ligne par la loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne.

La directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA dresse, dans son l'annexe III, une liste limitative les biens et services éligibles à un taux réduit de TVA : les livres (livraison et location) et produits assimilés tels que les journaux et périodiques, la réception de services de radiodiffusion et de télévision, les prestations de services fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus. Néanmoins, « les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique ».

Aussi la Commission européenne considère-t-elle de manière constante que les services culturels en ligne (livre numérique, presse en ligne, vidéo à la demande, musique en ligne) sont exclus par la réglementation communautaire du bénéfice d'un quelconque taux de TVA minoré. Elle a en conséquence estimé que l'application par la France du taux réduit de TVA au livre homothétique et du taux « super réduit » à la presse en ligne contrevenait au droit de l'Union européenne . La CJUE a confirmé cette interprétation s'agissant du livre numérique dans son arrêt du 5 mars 2015.

Par ailleurs, le 10 juillet 2014, la Commission européenne a adressé à la France une mise en demeure relative au taux « super réduit » sur la presse en ligne, à laquelle il a été répondu en septembre de la même année. À ce jour, la France n'a pas reçu d'avis motivé.

Il semblerait en effet que, devant la mobilisation de nombreux États membres en faveur de la neutralité fiscale sur les biens et services culturels , la Commission européenne envisage de prochainement réviser la directive 2006/112/CE . Ainsi, dans sa communication du 6 mai 2015 sur la stratégie pour un marché unique du numérique en Europe, a-t-elle annoncé qu'elle « se penchera sur la question du traitement fiscal de certains services électroniques tels que les livres électroniques et les publications en ligne dans le cadre de la réforme générale sur la TVA ». Puis, le 7 avril 2016, la Commission européenne a adopté un plan d'action sur la TVA, qui annonce des propositions d'initiatives sur les taux réduit des publications électroniques en 2016. Afin de préparer cette initiative, une consultation publique a été lancée à l'été avec une date de clôture fixée le 19 septembre 2016 . Des mesures concrètes devraient dès lors être prises dans les semaines à venir, ce dont votre rapporteur pour avis se réjouit.

2. Des dispositifs ciblés en faveur de la presse d'information politique et générale
a) Pour encourager l'investissement des entreprises de presse

Aux termes de l'article 39 bis A du code général des impôts, les entreprises exploitant soit un journal quotidien, soit une publication de périodicité au maximum mensuelle consacrée pour une large part à l'information politique et générale, soit un service de presse en ligne, reconnu par la CPPAP et consacré pour une large part à l'information politique et générale, sont autorisées à constituer une provision déductible du résultat imposable, en vue de faire face à différentes dépenses d'investissement. Ces dépenses doivent être réalisées avant la fin de la cinquième année suivant celle de la constitution de la provision et ne sont prises en compte que pour la partie des journaux ou des publications que les entreprises impriment dans un État membre de l'Union européenne.

Les sommes déduites sont limitées à 30 % du bénéfice de l'exercice concerné pour la généralité des publications et pour les services de presse en ligne reconnus et à 60 % pour les quotidiens et publications assimilées (titres de presse hebdomadaire régionale), dans la limite du financement d'une fraction du prix de revient des immobilisations qui y sont définies (40 % pour la généralité des publications et pour les services de presse en ligne reconnus et à 90 % pour les quotidiens et les publications assimilées).

Depuis la loi de finances pour 2011, ce dispositif a été reconduit chaque année pour un an, jusqu'à ce que la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 le proroge jusqu'en 2017 .

Le montant de la dépense fiscale est évalué à un coût inférieur à 500 000 euros au bénéfice de 82 entreprises de presse . Compte tenu de son utilité au regard de la faiblesse de la dépense fiscale engagée, votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux la poursuite du dispositif .

b) Pour mobiliser les particuliers au bénéfice des entreprises de presse

La loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a introduit, dans le code général des impôts, le nouvel article 199 terdecies -0 C, qui, à l'initiative de notre collègue David Assouline, institue une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des particuliers qui souscrivent au capital d'entreprises de presse au sens de l'article 39 bis A du même code.

Il s'agissait, au lendemain des attentats du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo , de rendre plus attractive la prise de participation des lecteurs-citoyens dans des projets innovants de la presse imprimée ou numérique ou la reprise d'entreprises en difficulté, sous la forme de financement participatif .

Le taux de la réduction d'impôt est fixé à 30 % dans la limite d'un plafond de versement de 1 000 euros par an pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et 2 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune. Il est porté à 50 % lorsque les souscriptions sont effectuées au capital d'entreprises solidaires de presse d'information (ESPI) au sens de la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.


Le statut d'entreprise solidaire de presse d'information

Aux termes de l'article 2-1 de la loi précitée du 1 er août 1986 :

« Art. 2-1. - Une entreprise éditant une ou plusieurs publications de presse ou services de presse en ligne peut adopter le statut d'entreprise solidaire de presse d'information.
Deux conditions sont nécessaires pour se voir reconnaître un tel statut :

1° L'objet social d'une entreprise solidaire de presse d'information est d'éditer une ou plusieurs publications de presse ou services de presse en ligne consacrés pour une large part à l'information politique et générale, au sens de l' article 39 bis A du code général des impôts ;

2° Pour la gestion de l'entreprise solidaire de presse d'information, une fraction au moins égale à 20 % des bénéfices de l'exercice est affectée à la constitution d'une réserve statutaire obligatoire consacrée au maintien ou au développement de l'activité de l'entreprise et une fraction au moins égale à 50 % des bénéfices de l'exercice est affectée au report bénéficiaire et à la réserve obligatoire. »

Il ressort de ces dispositions qu'au plus 30 % des bénéfices de l'année peuvent être distribués aux actionnaires. L'esprit de la loi est donc que le journal consacre ses éventuels bénéfices majoritairement à l'investissement.

Le dispositif d'incitation fiscale qui lui est attaché (réduction d'impôt de 50 % pour les souscriptions au capital prévue à l'article 199 terdecies -0 C du code général des impôts) a vocation à attirer vers ces entreprises des financements autres que les seuls dons privés et aides publiques. Il permet de faire entrer au capital de ces entreprises de presse un actionnariat diversifié, souvent composé de lecteurs.

Charlie Hebdo a été la première entreprise de presse à adopter ce statut, en juin 2015, suivi par trois services de presse en ligne (AngersMag, 94Citoyens, OGC La Veille) .

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Le dispositif a été doté par le législateur d'un caractère temporaire : seuls les versements effectués jusqu'au 31 décembre 2018 y sont éligibles. Son coût estimé pour l'année 2017 est inférieur à 500 000 euros.

La loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias relève le plafond de versement ouvrant droit à une réduction d'impôt à 5 000 euros pour les célibataires et à 10 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune . Elle élargit également le dispositif aux versements à des « sociétés des amis » ou « sociétés de lecteurs » et en fait bénéficier les publications bimestrielles et trimestrielles d'information politique et générale .

Ces dispositions, contrairement à d'autres articles du texte, ont fait l'objet d'un vote conforme des deux assemblées. Votre rapporteur pour avis espère que ces évolutions renforceront l'appétence encore faible des particuliers pour le dispositif, ainsi que le suggérait Silvère Magnon, directeur de la rédaction de L'Humanité , lors de son audition.


Sociétés d'amis, sociétés de lecteurs - quelques exemples

- en presse quotidienne nationale : le quotidien Le Monde dispose d'une société des lecteurs du Monde qui est actionnaire de la société éditrice du Monde ; créée en 1985, elle réunit 12 000 lecteurs-actionnaires, qui se sont mobilisés à trois reprises (1985, 1987 et 2002) pour lever 6 millions d'euros intégralement investis dans le quotidien ; il existe également depuis 20 ans une association des amis du Monde Diplomatique et une association des amis de La Vie qui fédère les lecteurs de l'hebdomadaire La Vie ; Libération dispose d'une société des lecteurs depuis 2006 ; L'Humanité a un société des amis et une société des lecteurs : la société des amis de l'Humanité a été fondée en 1996 ; elle a pour but principal de défendre l'existence de L'Humanité et la promotion des valeurs de son fondateur Jean Jaurès ; la société des lectrices et des lecteurs de l'Humanité a été fondée en 2002 et compte 11?200 adhérents ; elle défend l'existence du journal et participe à des souscriptions mais aussi à des opérations de diffusion dans des congrès syndicaux, politiques ;

- en presse magazine : Alternatives économiques a une société civile des lecteurs ;

- en presse spécialisée : il existe l'Association des Amis de Cassandre / Horschamp ;

- en presse en ligne : huit éditeurs ont une société des amis ( Mediapart, L'imprévu, Les Nouvelles News, Factuel.info, AngersMag, Aqui.fr, Touleco, Rue89 Strasbourg) .

Source : ministère de la culture et de la communication

Par ailleurs, la loi susmentionnée du 17 avril 2015 est venue compléter l'article 200 du code général des impôts en ouvrant le bénéfice du régime fiscal du mécénat , institué par la loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, aux associations oeuvrant pour le pluralisme de la presse . Par ailleurs, est ouverte, pour des fonds de dotation, la possibilité de soutenir des associations ou fondations agissant dans le soutien du pluralisme de la presse .

Précédemment, le régime fiscal du mécénat s'appliquait, en application d'un rescrit du ministère des finances datant de 2007, aux dons versés à une association redistributrice, en vue de prendre des participations minoritaires dans des entreprises de presse. En avril 2009, après les conclusions des États généraux de la presse écrite, le rescrit avait été adapté pour rendre éligibles au dispositif les dons permettant d'octroyer des prêts ou des subventions à ces sociétés. Puis, en 2011, son application était étendue au bénéfice des entreprises de presse en ligne . Ce fragile édifice réglementaire a fort heureusement trouvé un ancrage légal avec l'adoption, à l'initiative de nos collègues Pierre Laurent et David Assouline, de « l'amendement Charb » dans la loi du 17 avril 2015.

Dans ce cadre, les dons et versements aux associations d'intérêt général exerçant des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse, par la prise de participations minoritaires, l'octroi de subventions ou encore de prêts bonifiés à des entreprises de presse d'information politique et générale au sens de l'article 39 bis A du code général des impôts, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant du don dans la limite de 20 % du revenu imposable .

La même réduction s'applique aux fonds de dotation, qui conduisant des actions identiques. Les dons peuvent être nominatifs (le donateur indique alors l'affectation du don) ou généraux (le montant des dons est affecté par un comité d'orientation) ; ils sont gérés par deux associations : Presse et Pluralisme et J'aime l'info .

L'association Presse et Pluralisme a été créée en 2007 à l'initiative des principaux syndicats de la presse imprimée. Elle a pour vocation d' « oeuvrer en faveur du pluralisme de la presse payante en France » par des actions financées par appel au don. En 2015, les dons collectés ont atteint à 7,4 millions d'euros, dont 2,9 millions d'euros issus de dons en ligne , cette proportion croissant chaque année. La quasi-totalité des dons sont nominatifs au bénéfice d'une ou plusieurs publications.

L'année 2015 fut particulièrement exceptionnelle puisque c'est à l'initiative de Presse et Pluralisme qu' une collecte d'envergure s'est organisée au profit de Charlie Hebdo . L'association a apporté un concours immédiat de 200 000 euros à Charlie Hebdo pour que puisse être publié son numéro « historique » du 14 janvier. Surtout, elle a mis en place, en moins de 48 heures, le site www.jaidecharlie.fr , sur lequel plus d'un million d'euros de dons en ligne ont été collectés dans les cinq jours qui ont suivi l'attentat, en provenance de plus de 80 pays. Avec un total de 44 883 dons, ce sont 2,7 millions d'euros qui ont pu être reversés au titre.

Au 1 er semestre 2016, 2,3 millions d'euros de dons ont d'ores et déjà été encaissés , contre 1,2 million d'euros sur la même période l'an passé hors collecte au bénéfice de Charlie Hebdo : le dispositif, dans son périmètre habituel, marque ainsi une progression de 86 % par rapport à 2015 , dont votre rapporteur se réjouit.

Pour sa part, l'association J'aime l'info a été créée en 2011, à l'initiative de la presse en ligne et notamment du SPIIL et du site Rue89 . En 2015, 41 sites ont bénéficié de dons et, avec 757 340 euros récoltés contre seulement 147 402 euros l'année précédente, le dispositif a enregistré des résultats exceptionnels en raison des collectes au bénéfice d' Arrêt sur images et de Médiapart .

3. Un engagement encore insuffisant des collectivités territoriales

La loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a supprimé la taxe professionnelle à compter du 1 er janvier 2010 et a instauré en remplacement la contribution économique territoriale (CET), impôt local composé de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Contrairement à la taxe professionnelle, dont elle reprend l'essentiel des règles, la CFE est basée uniquement sur les biens soumis à la taxe foncière. Elle est due dans chaque commune où l'entreprise dispose de locaux et de terrains. Pour sa part, la CVAE est due par les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires hors taxe de plus de 500 000 euros, à l'exception de celles implantées en zone franche urbaine. Elle est calculée en fonction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise.

Aux termes de l'article 1458 du code général des impôts, sont exonérés de la CET l'ensemble des entreprises du secteur de la presse : les publications de presse ; les sociétés coopératives de messageries de presse et les sociétés dont elles détiennent majoritairement le capital et auxquelles elles confient l'exécution d'opérations de groupage et de distribution ; les agences de presse, les services de presse en ligne, les vendeurs-colporteurs de presse, ainsi que les correspondants de la presse locale.

Les diffuseurs de presse bénéficient également, sous certaines conditions, de l'exonération de CET . En application de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, l'exonération s'applique à compter de l'imposition au titre de l'année 2015, sous réserve que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre concernés aient pris une délibération en ce sens avant le 1 er octobre 2014.

Le coût, pour les collectivités territoriales s'élève à 41 900 euros pour les communes et à 675 800 euros pour les EPCI. La faculté d'exonération étant cependant très peu pratiquée , il est prévu de généraliser et de rendre obligatoire le dispositif d'exonération en faveur des diffuseurs de presse spécialistes et d'en compenser le coût par l'État . Il serait ciblé sur les diffuseurs indépendants spécialistes de presse (environ 11 500 points de vente). Les premiers chiffrages permettent d'estimer le coût de la mesure, dont bénéficieraient les 11 500 points de vente indépendants, à environ 7,5 millions d'euros .

La proposition, que salue votre rapporteur pour avis, a d'ores et déjà fait l'objet d'un arbitrage positif et devrait être introduite en projet de loi de finances rectificative pour 2017.

B. LES AIDES AU PLURALISME : UN COMPLÉMENT INDISPENSABLE POUR LES TITRES LES PLUS FRAGILES

Au total, les aides au pluralisme, sans lesquelles ne pourrait survivre une presse d'opinion diversifiée, atteindront 16,1 millions d'euros en 2017, soit une nouvelle progression de 3,5 % par rapport à 2016.

1. Un élargissement bienvenu au bénéfice de la presse locale

L' aide aux quotidiens locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces (QFRPA) a pour objet de concourir au maintien du pluralisme et à la préservation de l'indépendance des titres concernés. Les règles régissant le fonds, divisé en deux sections , sont fixées par le décret n° 89-528 du 28 juillet 1989 modifié par le décret n° 2010-1088 du 15 septembre 2010 relatif au développement et à la modernisation de la presse en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, qui a admis à son bénéfice les journaux édités dans les collectivités d'outre-mer.

L'aide attribuée au titre de la 1 ère section bénéficie aux quotidiens locaux répondant à certaines conditions relatives au prix de vente (l'édition locale la plus diffusée doit être vendue à un prix inférieur à 130 % du prix de vente moyen des quotidiens régionaux), à la diffusion (un maximum de 60 000 exemplaires en moyenne), au tirage (un maximum de 70 000 exemplaires en moyenne) et au pourcentage de recettes de petites annonces dans leurs recettes publicitaires totales (moins de 5 %).

L'aide attribuée au titre de la seconde section bénéficie à des quotidiens locaux qui ne sont pas éligibles à la première section, en raison notamment de la part des petites annonces dans leurs recettes publicitaires totales, mais qui répondent néanmoins aux conditions relatives au prix de vente, à la diffusion, dont plus du quart doit être assurée par voie postale, et au tirage moyens, ainsi qu'au pourcentage de recettes de petites annonces dans leurs recettes publicitaires totales (moins de 15 %).

Pour la première section, le taux unitaire de subvention attribué à chaque titre est multiplié par le nombre d'exemplaires effectivement vendus au cours de l'année civile précédant l'année d'attribution de l'aide ; pour la deuxième section, il est multiplié par le nombre d'exemplaires acheminés par voie postale au cours de l'année civile précédente.

En 2017, l'aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces reste stable à 1,4 million d'euros . La dotation 2016 a été consommée en intégralité.

Par ailleurs un fonds spécifique a été créé par le décret n° 96-1067 du 10 mai 1996, afin de favoriser la diffusion au numéro des titres de la presse hebdomadaire régionale d'information politique et générale . Son dispositif a été modifié à quatre reprises :


• par le décret n° 97-1067 du 20 novembre 1997, qui a scindé le fonds en deux sections, afin de tenir compte de la situation des hebdomadaires les plus touchés par l'augmentation des tarifs postaux résultant des accords dits « Galmot » conclus entre les éditeurs de presse, La Poste et l'État ;


• par le décret n° 2004-1312 du 26 novembre 2004, qui a ouvert le bénéfice du fonds aux titres de la presse locale rédigés en langue française ou dans une langue régionale en usage en France et a renforcé l'égalité de traitement entre les titres, en introduisant pour la seconde section un plafond de diffusion fixé à 10 000 exemplaires ;


• par le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 réformant les aides à la presse, qui a institué un plafonnement progressif du soutien pouvant être reçu par un même groupe de presse au titre de l'aide à la presse hebdomadaire régionale ;


• enfin, par le décret n° 2016-1161 du 26 août 2016 relatif au soutien, à l'émergence et à l'innovation dans la presse et réformant les aides à la presse, qui a étendu l'aide aux titres locaux d'information politique et générale de périodicité jusque trimestrielle et l'a rebaptisée « aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale » . À compter de cette date, le total des aides attribuées au cours d'une même année à des sociétés filiales ou sous contrôle d'une même société ne peut être supérieur à 25 % du montant de la dotation du fonds. Par ailleurs, aux termes du même décret, les titres concernés deviennent éligibles au fonds stratégique et au nouveau fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse.

Le fonds est désormais scindé en trois sections : la première, qui bénéficie d' a minima 85 % des crédits, concerne l'ensemble des hebdomadaires éligibles. Sa répartition est définie proportionnellement au nombre d'exemplaires vendus au numéro, dans la limite d'un plafond de 20 000 exemplaires et d'un plancher de 2 000 exemplaires.

La deuxième section est ouverte aux hebdomadaires qui, répondant aux conditions fixées pour bénéficier de la première section, peuvent en outre justifier d'une part, que 50 % au moins des exemplaires parus au cours de l'année civile précédant l'année d'attribution de l'aide pesaient moins de cent grammes, d'autre part, que leur diffusion effective par abonnement postal a représenté, en nombre d'exemplaires par parution, au moins 50 % de leur diffusion totale. L'aide attribuée à chaque titre, qui peut se cumuler avec celle reçue au titre de la première section, est définie proportionnellement au nombre d'exemplaires effectivement vendus par abonnement postal au cours de l'année précédente, dans la limite de 10 000 exemplaires par parution.

Enfin, la nouvelle troisième section est ouverte aux publications éligibles autres que les hebdomadaires. Sa répartition est réalisée proportionnellement au nombre d'exemplaires effectivement vendus, dans la limite d'un plafond de 200 000 exemplaires et d'un plancher de 20 000 exemplaires.

L'aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale, avec 1,47 million d'euros en 2017, augmente de 50 000 euros pour financer son extension à l'ensemble des titres locaux d'information autres que les quotidiens par le décret précité du 26 août 2016.

2. Un élément de survie pour la presse quotidienne régionale à faible ressources publicitaires

Dans le double contexte de l'attentat contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo et du risque d'érosion de la diversité de l'offre de presse d'information politique et générale, il est apparu évident de renforcer les aides au pluralisme de la presse.

À ce titre, l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, régie par le décret n° 86-616 du 12 mars 1986, a été étendue à l'ensemble des publications nationales d'information politique et générale, sans distinction de périodicité , par le décret n° 2015-1440 du 6 novembre 2015 relatif au soutien de l'État au pluralisme de la presse, élargissement applaudi à l'époque par votre rapporteur pour avis .

À cette occasion, l'aide existante pour les quotidiens n'a pas été modifiée, compte tenu de sa sensibilité pour les titres concernés, mais deux conditions supplémentaires ont été ajoutées pour les titres de périodicités longues : ne pas avoir touché l'aide aux revues du Centre national du livre (CNL) et ne pas se limiter à la republication d'articles déjà parus dans des publications à périodicité plus courte.

En outre, une nouvelle condition d'éligibilité s'applique à l'ensemble des titres : le contenu d'une publication ne doit pas avoir donné lieu à une condamnation du directeur de la publication devenue définitive au cours des cinq années précédant la demande d'aide, en application des articles 24 ou 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Cette aide, rebaptisée en 2015 « aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires » et à laquelle deux nouvelles sections ont été ajoutées aux trois existantes, vise à soutenir les titres qui bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles compte tenu de leur positionnement éditorial, comme ceux qui traversent de façon conjoncturelle des difficultés financières. L'aide contribue ainsi au maintien de la diversité de l'offre de presse et au pluralisme du débat démocratique .

L'aide attribuée au titre de la première section du fonds bénéficie aux quotidiens répondant à certaines conditions relatives au prix de vente (dans une fourchette de 80 à 130 % du prix moyen pondéré pour les quotidiens nationaux), à la diffusion (moins de 150 000 exemplaires), au tirage (moins de 250 000 exemplaires) et au pourcentage de recettes publicitaires dans leurs recettes totales (moins de 25 %). L'aide accordée dans le cadre de cette section ne peut dépasser 25 % des recettes totales du titre, hors subventions publiques. En 2015, La Croix, L'Humanité, Libération et Présent en ont bénéficié.

L'aide attribuée au titre de la deuxième section bénéficie à des quotidiens qui répondent aux critères de la première section mais n'y sont pas éligibles car leur prix est inférieur à 80 % du prix moyen pondéré. Seul l'éditeur Play Bac Presse émarge à cette section, pour différents quotidiens à destination des enfants et adolescents, diffusés exclusivement par abonnement : Mon Quotidien, Le Petit Quotidien, L'Actu et Quoti.

L'aide attribuée au titre de la troisième section est destinée à des quotidiens qui ont bénéficié de crédits de la première section pendant au moins trois ans et dont les recettes de publicité représentent moins de 35 % des recettes totales. Il s'agit de permettre une sortie progressive du dispositif d'aide. Aucun titre n'en a bénéficié en 2015.

Sur le modèle de ce qui existait pour les quotidiens, la quatrième section est ouverte aux publications d'autres périodicités et répondant à plusieurs critères : relever de l'information politique et générale ; être vendue à un prix inférieur à 130 % du prix moyen pour les hebdomadaires, bimensuels et mensuels, et 160 % pour les bimestriels et trimestriels ; avoir eu une diffusion par numéro inférieure à 300 000 exemplaires ; enfin, tirer ses recettes pour moins de 25 % de la publicité. Un taux unitaire de subvention est fixé en divisant les crédits par la diffusion totale des publications éligibles. Un abattement de 50 % s'applique entre un et deux millions d'exemplaires diffusés annuellement ; il est intégral au-delà de ce seuil. En outre, comme pour les quotidiens, nul titre ne peut recevoir dans ce cadre une aide supérieure à 25 % de ses recettes annuelles.

En 2015, trente publications, dont Famille chrétienne , Courrier international , La Vie , Le Monde diplomatique et, votre rapporteur pour avis s'en étonne compte tenu du caractère plus indiscutable de sa qualité de publication d'information politique et générale, VSD, pour les plus importants bénéficiaires, ont reçu une aide de cette section pour un montant maximum de 250 000 euros.

La cinquième section du fonds est destinée, sur le modèle des quotidiens, aux publications ayant été éligibles pendant trois ans à la quatrième section, mais dont la publicité représente désormais entre 25 % et 35 % des recettes. Pour éviter un effet de seuil brutal, la sortie du dispositif se fait ainsi en sifflet avec le versement d'une aide dégressive d'une année sur l'autre. Par définition, aucun titre n'a pu bénéficier de l'aide au titre de cette section en 2015.

L'aide aux publications nationale d'information politique et générale à faibles ressources publicitaire est budgétée à 13,2 millions d'euros pour 2017 . La réforme opérée en 2015 avait porté, en loi de finances pour 2016, le montant de l'aide à 12,6 millions d'euros, contre 8,6 millions d'euros l'année précédente. L'enveloppe de crédits pour 2016 a déjà été pour partie consommée avec 2,8 millions d'euros destinés à L'Humanité en trois versements et 200 000 euros apportés à Marianne. On rappellera qu'une clause de minimis s'applique à cette aide, qui ne peut être versée aux publications éligibles pour un montant inférieur à 1 500 euros.

DIFFUSION ET DISTRIBUTION : D'UNE CRISE À L'AUTRE

III. DIFFUSION ET DISTRIBUTION : D'UNE CRISE À L'AUTRE

A. LA LOI BICHET OU LE DÉFI DE LA RESPONSABILISATION

1. Le modèle coopératif : sursis ou résurrection ?
a) Le sauvetage réussi de Presstalis
(1) CSMP et ARDP, un double pilier gage de stabilité de la gouvernance

Aux termes de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite « Bichet » en référence à Robert Bichet, son rapporteur à l'Assemblée nationale, s'ajoute aux aides publiques, en matière de financement de la distribution de la presse, une solidarité professionnelle organisée sous l'égide du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP).

L'entrée de la presse écrite dans une grave crise économique et les intérêts parfois divergents des acteurs de la filière au regard des réformes, parfois douloureuses, que nécessitait la situation a conduit le législateur, dans le cadre de la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse, à créer, au côté de l'instance de gouvernance professionnelle que représente le CSMP, une Autorité de régulation de la presse (ARDP).

La nouvelle autorité administrative s'est vue chargée de rendre exécutoires les décisions normatives prises par le CSMP et d'arbitrer les différends relatifs au fonctionnement des messageries ou à l'organisation du réseau de distribution en cas d'échec de la procédure de conciliation devant le Conseil supérieur.

La double gouvernance ainsi installée, déséquilibrée à première vue - à l'origine, l'ARDP ne compte que quatre membres, ne dispose pas de sa propre expertise et est financée par la profession -, a largement contribué à la restructuration de la filière , même si de nombreux blocages, sous la forme de recours contre ses décisions, ont conduit à ralentir la mise en oeuvre des chantiers prévus.

Pour tenter de remédier à ce constat, la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a renforcé le pouvoir de l'ARDP , en l'installant dans un statut d'autorité administrative indépendante , financée à ce titre par les pouvoirs publics et non plus, ce qui représentait une sérieuse brèche dans le principe d'indépendance, par les éditeurs. En 2016, 400 000 euros ont été consacrés à son fonctionnement, dont 200 000 euros à la rémunération d'un cabinet d'expertise financière chargé d'accompagner l'ARDP dans sa réforme des barèmes des messageries. En 2017, cette dernière enveloppe n'étant plus nécessaire, les crédits de l'ARDP seront limités à 200 000 euros .

En outre, la loi précitée du 17 avril 2015 est venue renforcer son expertise en lui assignant un quatrième membre, désigné par le président de l'Autorité de la concurrence pour ses compétences dans les domaines économique et industriel. Afin d' éviter toute déperdition brutale des compétences à l'issue du mandat du collège, l'Autorité de régulation est désormais renouvelée par moitié tous les deux ans et le mandat de ses membres peut être reconduit une fois.

Enfin, l'ARDP a désormais la faculté d'inscrire une question à l'ordre du jour du CSMP, mais également le pouvoir de réformer ses décisions.

(2) État, direction, salariés : l'union sacrée

Presstalis représente l'opérateur historique de la distribution de la presse en France depuis la Libération. En 2015, la messagerie assurait la distribution de 75 % de la presse vendue au numéro , soit l'ensemble des quotidiens nationaux, plus de 2 000 magazines et plus de 4 000 produits « hors presse ». Depuis le retrait de la société Lagardère, qui en possédait 49 %, en juillet 2011, le capital de 16 millions d'euros de la société Presstalis est détenu par deux coopératives de distribution, l'une détenue par les quotidiens, l'autre par les magazines.

L'activité de distribution de la presse quotidienne nationale assurée uniquement par Presstalis est structurellement déficitaire depuis plusieurs années, en raison notamment de l'érosion continue des ventes. Ce déficit a longtemps pu être financé par le résultat positif de la distribution des autres publications, en application du principe de solidarité entre éditeurs et en contrepartie du bénéfice, par les magazines, de tarifs postaux avantageux et du taux de TVA « super réduit ». Mais, en 2010, la société s'est trouvée au bord de la cessation de paiement, ce qui a obligé l'État à intervenir.

Une aide à la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale a ainsi été mise en place en 2002 par le décret n° 2002-629 du 25 avril 2002 modifié instituant une aide à la distribution de la presse, qui s'établit, dans le présent projet de loi de finances pour 2017 à 18,8 millions d'euros, dont 850 000 euros destinés à soutenir l'exportation de la presse française.

En outre, l'État a soutenu les plans de restructuration successifs de Presstalis, notamment par la voie de la signature d'accords avec la messagerie et les éditeurs qui la détiennent et utilisent ses services.

Le premier plan de réforme, baptisé « Défi 2010 », couvrait la période 2007-2012 et visait la modernisation du réseau de distribution et des points de vente, ainsi que la diversification des activités de la messagerie. Hélas, dès 2009, Presstalis enregistrait une nouvelle dégradation de ses résultats en raison d'une diminution brutale de ses ventes.

Dès lors, plusieurs mesures de sauvetage du système de distribution des quotidiens nationaux ont été décidées. La dotation budgétaire pour l'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale a été revalorisée de 7 millions d'euros, pour s'établir à 18 millions d'euros en 2009, niveau depuis maintenu. De surcroît, au titre de l'année 2010 et dans le cadre du financement de la réforme de la distribution, l'État s'est engagé à verser, sous la forme d'une aide exceptionnelle, une somme de 20 millions d'euros au titre de l'aide à la distribution des quotidiens.

Puis, en 2011, dans un contexte d'aggravation de la baisse de la vente au numéro de la presse et de concurrence accrue avec les Messageries lyonnaises de presse pour la distribution des magazines, la situation de Presstalis s'est à nouveau trouvée très dégradée, conduisant le conseil d'administration de la messagerie à adopter un ambitieux plan de restructuration visant à rétablir l'équilibre financier à l'horizon 2015.

Mais devant l'ampleur des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du volet social , une mission de médiation fut confiée à Raymond Redding aboutissant, en mai 2013, à un accord sur l'accompagnement social des réformes prévues, pour un coût de 32,7 millions d'euros, pris en charge par l'État à hauteur de 14 millions d'euros . Presstalis a reçu 7 millions d'euros en mai 2014, puis 3,5 millions d'euros en novembre de la même année, le versement du solde étant conditionné à la création de la société commune pour l'exploitation du système informatique commun et à une amélioration de la qualité de service avec les diffuseurs. Malgré le retard pris dans la mise en oeuvre de ces dernières mesures, le dernier versement est intervenu dès le mois de décembre 2014.

Aides versées à Presstalis depuis 2005 depuis le programme « presse »

Année

Contexte

Objet

Montant

2005

Plan 2004-2007

Financement du déficit de la distribution des quotidiens

12 M€

2006

Plan 2004-2007

Financement du déficit de la distribution des quotidiens

8 M€

2007

Plan 2004-2007

Financement du déficit de la distribution des quotidiens

8 M€

2008

Défi 2010

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et des investissements liés à la restructuration de la branche quotidiens

12 M€

2009

Défi 2010

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et des investissements liés à la restructuration de la branche quotidiens

18 M€

2010

Mesures d'urgence post-Mettling

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et financement de la réforme de la distribution

38 M€

(20 M€ + 18 M€)

2011

Préparation du plan stratégique

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et financement de la réforme de la distribution

18 M€

2012

Plan stratégique

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et financement de la réforme de la distribution

23 M€

(18 M€ + 5 M€)

2013

Plan stratégique

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et financement de la réforme de la distribution

28 M€

(18 M€ + 10 M€)

2014

Médiation Redding

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et financement d'une part des surcoûts liés à la médiation Redding

32 M€

(18 M€ + 14 M€)

2015

Plan stratégique

Financement du déficit de la distribution des quotidiens et financement de la réforme de la distribution

18 M€

Source : Ministère de la culture et de la communication

Ce fut à nouveau insuffisant et, en décembre 2014, un nouveau prêt du Fonds de développement économique et social (FDES) est accordé à Presstalis pour un montant de 30 millions d'euros , assorti de conditions. Dans ce cadre, les éditeurs ont autorisé la poursuite de l'utilisation, par Presstalis, de la totalité des fonds leur appartenant dans la limite de 90 millions d'euros, l'affectation en priorité des produits de cession éventuels au remboursement du prêt, une garanties sur le capital des coopératives et, enfin, le nantissement en cas de défaillance sur le fonds de commerce et/ou sur des branches d'activité de la société, ainsi que sur la part de Presstalis au capital de la société commune de moyens en charge du système d'information.

En 2015, Presstalis a pu faire face à ses impasses de trésorerie avec la mise à disposition de ce prêt, tandis que, grâce aux réformes successivement mises en oeuvre, le résultat d'exploitation de 2015 s'est amélioré à hauteur de 2,1 millions d'euros , même si le résultat net continue d'être largement négatif (-38,3 millions d'euros), notamment du fait des charges sur les plans sociaux antérieurs (34,7 millions d'euros) et des dépréciations d'actifs (27,6 millions d'euros) liées à la mise en oeuvre du nouveau schéma directeur des dépositaires de presse.

En 2016, Presstalis a optimisé son plan de trésorerie, notamment via de nouveaux contrats d'affacturage, lui permettant de résoudre les difficultés initialement attendues à l'horizon 2017 et, malgré un marché en constance décroissance, la messagerie prévoit un bénéfice avant intérêts et impôts en augmentation, à hauteur de 5,1 millions d'euros , qui pourrait atteindre 12,5 millions d'euros en 2017 et 22,3 millions d'euros en 2018, selon les informations transmises par Presstalis.

Votre rapporteur pour avis salue les efforts réalisés pour sauver le système solidaire de distribution de la presse issu de la loi Bichet. Il rappelle les économies, de l'ordre de 25 à 30 millions d'euros par an, qui ont été nécessaires à ce redressement ont été socialement coûteuses, les effectifs ayant été divisés par deux pour atteindre 1 319 salariés à la fin 2015. Il s'inquiète également du niveau particulièrement bas des capitaux propres de la messagerie (- 230 millions d'euros) et des prochainement échéances de remboursement du prêt accordé par le FDES , qui risquent de menacer à nouveau l'entreprise si l'État et les éditeurs ne prennent à nouveau des mesures en sa faveur.

Par ailleurs, si votre rapporteur pour avis juge également très favorablement le soutien apporté aux éditeurs, à la fois actionnaires et clients, aux différents plans de restructuration de la société, il déplore leur peu d'enthousiasme à se saisir honnêtement de la question des barèmes des messageries , dont la faiblesse, au regard des coûts véritables de distribution, conduit à de dommageables et constantes tensions sur la trésorerie.

Aux termes de la loi du 20 juillet 2011 précitée, l'ARDP rend un avis annuel sur l'action du CSMP en matière de barèmes, dans le cadre duquel elle a régulièrement estimé que les tarifs appliqués n'étaient ni égaux ni transparents dans la mesure où « les éditeurs les plus puissants entrent dans une stratégie de chantage avec les messageries afin d'obtenir les tarifs les plus avantageux, au détriment des éditeurs les plus modestes et les moins influents ».

L'étude confiée au cabinet Mazars par le CSMP en 2014 a confirmé cette analyse et dénoncé la faible adaptation des barèmes aux coûts réels de la distribution des publications.

À l'initiative de votre commission de culture, de l'éducation et de la communication, convaincue de l'urgence à agir sur ce dossier, la loi du 17 avril 2015 a confié à l'ARDP le soin d' homologuer, sur la base d'un avis transmis par le président du CSMP, les barèmes des messageries décidés par leur conseil d'administration.

La réforme des barèmes des messageries a constitué la priorité des autorités de régulation en 2016. Elle représente un sujet de tension et d'inquiétude pour des éditeurs majoritairement en difficulté financière, même si certains, souhaite rappeler votre rapporteur pour avis, appartiennent à de solides actionnaires, qui sont prêts à s'offrir un titre, mais moins à assumer ensuite le paiement de sa distribution à un juste prix. Dès lors, comme il fallait si attendre, l'ARDP, sur la base d'un avis défavorable du CSMP, n'a pas été en mesure d'homologuer les barèmes présentés par Presstalis, qui, au-delà d'un vice de forme constaté, ne permettaient nullement de couvrir les coûts de la messagerie. De nouveaux tarifs doivent être présentés aux autorités de régulation avant la fin de l'année 2016.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, Roch-Olivier Maistre, président de l'ARDP, a indiqué que l'ARDP avait établi sa jurisprudence à cette occasion : les tarifs, pour être homologués, doivent avoir été transmis selon la procédure définie par la loi du 17 avril 2015, assurer l'équité entre éditeurs et ne pas mettre en danger l'équilibre économique des messageries.

b) Les Messageries lyonnaises de presse : d'une solidarité indispensable à une fusion éventuelle
(1) Un rapprochement logistique dans la douleur

Au-delà des efforts de modernisation de l'entreprise et du soutien sans faille de l'État, le sauvetage de Presstalis n'aurait pas été possible sans une mutualisation, parfois engagée au forceps, de plusieurs fonctions logistiques ni sans un partage de certains coûts avec les Messageries lyonnaises de presse.

Ainsi, la décision n° 2012-05 du 13 septembre 2012 du CSMP a instauré un mécanisme de péréquation inter-coopératives pour le financement de la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale . La mise en oeuvre de cette mesure de solidarité entre messageries fut freinée autant que possible par les Messageries lyonnaises de presse (recours en suspension, dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité, saisine de l'Autorité de la concurrence), avant que la cour d'appel de Paris ne les condamne en mars 2013 à exécuter la décision.
8 millions d'euros ont été versés à ce titre à Presstalis en 2013, puis
6 millions d'euros les années suivantes.

Pour assurer l'adaptation économique du réseau des dépositaires-mandataires du niveau 2, au nombre de 133 en 2012, le CSMP a voté, le
26 juillet 2012, la mise en oeuvre d'un schéma directeur d'organisation le réduisant à 99 plates-formes et 63 dépôts en métropole, avant le 31 décembre 2014. L'ARDP a rendu cette décision exécutoire par sa délibération
n° 2012-06. La commission du réseau du CSMP a procédé ensuite à la nomination de 63 mandataires parmi les dépositaires ayant répondu à son appel d'offres.

Afin de remédier à l'accumulation de retards dans la mise en oeuvre du projet, le CSMP adoptait, le 3 octobre 2013, la décision n° 2013-05 encadrant dans des délais contraints le mode d'exécution du schéma directeur, rendue exécutoire par la décision n° 2013-07 de l'ARDP.

Mais, malgré les procédures de conciliations menées par le CSMP, les difficultés de trésorerie des MLP et les désaccords entre messageries et dépositaires sur la valorisation des dépôts par la méthode dite « Ricol », du nom du cabinet en ayant défini le mode de calcul, ont entraîné le blocage des opérations d'acquisition et de vente . En outre, la décision n° 2013-05 susmentionnée ayant fait l'objet d'un recours en annulation de la part du Syndicat national des dépositaires de presse (SNDP), une ordonnance de référé, rendue le 5 mars 2014, en a suspendu l'application, dans l'attente que la cour d'appel se prononce.

On comptait ainsi encore, au 1 er janvier 2015, 114 dépôts de presse sur le territoire métropolitain. Sur les 35 rattachements prévus par le nouveau schéma directeur, seulement 20 avaient pu être effectués, soit un état d'avancement de 60 % par rapport à l'objectif initial.

Le 29 janvier 2015, la cour d'appel de Paris a rejeté sur le fond les griefs soulevés par les plaignants, relançant l'exécution contrainte du schéma directeur dans son calendrier. Depuis lors, de nombreuses opérations ont pu être menées et le niveau 2 s'oriente vers la cartographie à 63 mandats initialement dessinée , dont un peu moins de soixante répartis par moitié entre Presstalis et indépendants, le reste étant possédé par les Messageries lyonnaises de presse. Au 13 juillet 2016, 93 % des opérations prévues ont pu aboutir . Il reste encore huit rattachements à opérer - six pour absence de repreneur et deux en cours de contentieux - et ils pourraient prendre du temps, compte tenu de la préférence affichée par la nouvelle gouvernance des Messageries lyonnaises de presse pour un système plus décentralisé.

Décision du Conseil constitutionnel relative à la commission du réseau

Le 17 juillet 2013, la commission du réseau a notifié à la société Carcassonne Presse Diffusion SAS, dépositaire de presse, sa décision de rattacher l'ensemble de sa zone de chalandise à un autre dépositaire. La société requérante a contesté cette décision devant le tribunal de grande instance de Paris et a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité en invoquant une violation de la liberté d'entreprendre protégée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Par un jugement du 15 mai 2015, le tribunal de grande instance de Paris a décidé de transmettre cette question à la Cour de Cassation.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 octobre 2015 par la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de la loi du 2 avril 1947 dite « loi Bichet » dans sa rédaction issue de la loi du 20 juillet 2011 s'agissant des dispositions relatives à la commission du réseau du CSMP.

Le juge constitutionnel a considéré, dans sa décision n° 2015-511 QPC du
7 janvier 2016, que le législateur avait insuffisamment encadré les modalités selon lesquelles la commission du réseau exerce sa mission, dans la mesure où les garanties encadrant les conditions dans lesquelles elle exerce son pouvoir de retrait ou de modification sont insuffisantes et portent, en conséquence, une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle. Il a également énoncé les conditions de validité des décisions de la commission du réseau, qui doivent prendre en compte les conditions tenant à l'exécution ou à l'équilibre des contrats conclus avec les dépositaires, avoir fait l'objet d'une procédure d'examen contradictoire et être motivées selon des critères objectifs et non discriminatoires.

Le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme les dispositions concernées mais les a laissées en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016 afin de laisser le temps au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée. Ainsi, la commission du réseau peut continuer à prendre des décisions, dès lors qu'elle prend en considération les conditions posées par la décision du 7 janvier 2016.

Les modifications législatives demandées par le juge constitutionnel ont ensuite été intégrées à la proposition de loi soutenue visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias adoptée en dernière lecture à l'Assemblée nationale le 6 octobre 2016 3 ( * ) . Le dispositif adopté par le Sénat à l'initiative du Gouvernement assure une plus grande transparence des conditions d'implantation des dépositaires de presse tout en confortant l'effectivité de la distribution de la presse et son pluralisme. La rédaction de l'article répond aux griefs énoncés dans la décision du Conseil constitutionnel, sur la prise en compte, par la commission du réseau, des équilibres contractuels existants, l'instauration d'une procédure contradictoire et la motivation de ses actes.

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Pour ce qui concerne la mutualisation des moyens logistiques, si le décroisement des flux grâce à une sous-traitance mutuelle du transport est désormais effectif , la mise en oeuvre d' un système d'information commun , pourtant indispensable, continue à se heurter à divers obstacles.

La décision 2014-01 du CSMP relative au choix d'un système d'information au service de l'ensemble des acteurs de la distribution de la presse a retenu la solution d'informatique en nuage de Presstalis. Initialement réticentes, les Messageries lyonnaises de presse ont finalement accepté d'intégrer le nouveau système sous la condition expresse d'une gouvernance partagée avec Presstalis et la prise en charge par la filière de leurs coûts de retournement , c'est-à-dire les coûts générés par la bascule sur le système commun. Une société commune de moyens a été créée afin de permettre le développement du projet.

Début 2015, le conseil d'administration des Messageries lyonnaises de presse avait intégré dans ses comptes un investissement total de 3,4 millions d'euros pour le projet , dont la moitié supportée par les Messageries lyonnaises de presse. Le financement semblait donc alors assuré. Pourtant, les Messageries lyonnaises de presse ne se sont engagées dans le projet qu'à partir d'avril 2015. En outre, le coût du projet a été réévalué entre temps entre 6 et 7 millions d'euros : cet écart a précipité le changement de direction générale à la tête des Messageries lyonnaises de presse et freiné considérablement la mise en oeuvre du projet , dont le calendrier initial prévoyait un déploiement complet au 30 juin 2016.

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Jean-Pierre Roger, président du CSMP, a indiqué que le CSMP prendrait ses responsabilités s'il apparaissait que les Messageries lyonnaises de presse persévéraient dans leur refus d'utiliser le système commun, dont la mise en oeuvre devrait permettre une économie annuelle estimée à 15 millions d'euros pour la filière , et saisirait la cour d'appel de Paris pour les y forcer . Roch-Olivier Maistre, président de l'ARDP, a rappelé pour sa part que l'ARDP était prête à prendre des décisions exécutoires sur ce dossier.

(2) Un changement de gouvernance teinté d'inquiétude

Avec plus de 600 éditeurs adhérents, les Messageries lyonnaises de presse représentent entre 20 % et 25 % de la vente au numéro . Après des résultats relativement positifs au regard de la crise traversée par Presstalis, la situation économique des Messageries lyonnaises de presse suit désormais l'évolution négative du marché . En 2013 et 2014, la messagerie a indiqué avoir perdu une part importante de son chiffre d'affaires (- 25 % par an), en raison de la forte baisse du marché et du transfert de volumes vers Presstalis.

La trésorerie des Messageries lyonnaises de presse est passée de 42 millions d'euros en 2012 à 15 millions d'euros fin 2014, entraînant des retards de paiement aux fournisseurs. Une procédure d'alerte a été lancée par les commissaires aux comptes en mai 2014, dont la messagerie a obtenu la levée suite à la décision de geler les acquisitions de dépôts. En juin de la même année, elle a fait état d'un besoin de trésorerie complémentaire d'environ 15 millions d'euros, qui a pu être traité par des mesures endogènes (décalages des paiements aux éditeurs, réduction des effectifs d'intérimaires et vente d'actifs non stratégiques).

En 2015, la situation a semblé s'améliorer avec une hausse du résultat d'exploitation (+2,5 millions d'euros) et du résultat net (+1,9 million d'euros), un redressement de la trésorerie du fait de la conclusion d'un contrat d'affacturage et la définition d'une nouvelle stratégie consistant à ne livrer que sur un, deux ou trois jours par semaine les dépôts, afin de diminuer d'environ 4 % les coûts de distribution.

Pour autant, après un changement de gouvernance en 2014 et l'installation d'une équipe favorable à un dialogue constructif avec Presstalis, de profonds désaccords portant sur le taux d'augmentation des barèmes correspondant aux coûts réels de la messagerie, a conduit, le 21 juin 2016, le conseil d'administration à démissionner en bloc. Un nouveau président a été élu grâce au soutien des plus petits éditeurs , regroupés dans le Syndicat de l'association des éditeurs de presse (SAEP).

À la suite de ces événements, avançant le manque de visibilité quant à la nouvelle stratégie, plusieurs éditeurs ont décidé de donner, à titre conservatoire, leur préavis de départ . Si certains magazines décidaient effectivement de transférer leur distribution vers Presstalis, cela engendrerait inévitablement un fort déséquilibre pour la trésorerie , déjà fragile, des Messageries lyonnaises de presse, d'autant qu'elles ne pourront fonctionner qu'avec les seuls volumes confiés par les petits éditeurs. À ce jour, l'incertitude pesant sur ces départs représente entre 18 millions et 60 millions de chiffre d'affaires selon les scénarii.

Les tensions sont également palpables sur le dossier de la révision des barèmes , qui, avec le système commun d'information, a conduit à la « jacquerie » du 21 juin dernier. La précédente direction avait en effet proposé une augmentation de 0,6 % des tarifs, à laquelle se sont opposés les petits éditeurs . Le conseil d'administration du 12 octobre 2016 a établi de nouveaux barèmes, qui n'ont pas encore été transmis au CSMP et à l'ARDP. Les présidents des deux autorités de régulation ont cependant indiqué, lors de leurs auditions par votre rapporteur pour avis, que le risque était grand que ces barèmes, attractifs pour les éditeurs, ne soient pas en adéquation avec les coûts de la messagerie et, dès lors, qu'ils ne puissent être homologués.

La situation est telle que Roch-Olivier Maistre, président de l'ARDP, a estimé lors de son audition, que l'avenir des Messageries lyonnaises de presse pourrait être compromis dans un délai d'un à deux ans , sauf à ce que des décisions courageuses soient rapidement prises en matière de barèmes et de mutualisation des moyens logistiques. Si tel n'était pas le cas, les conséquences sur Presstalis seraient également problématiques, notamment si la péréquation ne pouvait plus être réglée , ce dont s'inquiète déjà les éditeurs de quotidiens. Dès lors, votre rapporteur pour avis en est convaincu, il sera temps de réfléchir , dans un contexte qui demeurera morose pour le marché de la presse, à une fusion des deux messageries , en prenant soin d'éviter une « casse » sociale brutale par des mesures d'accompagnement adéquates.

Au cours de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 9 novembre dernier, Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, a indiqué que l'État demeurait vigilant sur l'évolution de la mise en oeuvre des engagements de mutualisation des moyens informatiques , notamment depuis le changement de gouvernance intervenu à la tête des Messageries de presse.

2. Les kiosquiers survivront-ils ?
a) Un réseau atrophié

Le système de distribution de la presse rencontre depuis plusieurs années des difficultés liées en particulier à la baisse continue des ventes de la presse au numéro : - 6,6 % en 2010, - 6,8 % en 2011, - 8,6 % en 2012, - 11 % en 2013, - 7,1 % en 2014 puis - 5,9 % en 2015.

Le réseau des diffuseurs de presse est marqué par une double tendance de perte de sa densité et de sa qualité . Entre décembre 2009 et décembre 2015, ce sont près de 5 000 points de vente qui ont disparu
(- 17 %). On comptait 24 877 points de vente actifs à la fin de l'année 2015, soit 990 de moins qu'en 2014 (- 3,8 %).

C'est en région que se concentre encore la majorité de ces disparitions. Elle représente 71 % des pertes (700 points de vente perdus en 2015, 724 en 2014), suivie de l'Île-de-France (hors zone de distribution parisienne), qui a enregistré la fermeture de 185 points de vente en 2015. Mais comparativement, la diminution du nombre de points de vente en région parisienne est plus importante , avec 476 diffuseurs en moins entre 2010 et 2015, dont 105 entre 2014 et 2015, soit une baisse de 39 %.

Le réseau des diffuseurs spécialistes et indépendants représente entre 11 000 et 12 000 points de vente . Afin de maintenir la capillarité du réseau, de nouvelles approches ont été développées par les sociétés de messageries de presse permettant d' implanter une offre limitée de titres dans des commerces qui n'en étaient pas pourvus (bar, tabac, épiceries, supérettes, etc.). Trois types de points de vente ont ainsi été créés : les points de vente quotidiens, les points de vente complémentaires, qui proposent à la fois des quotidiens et des magazines, et les points de vente thématiques.

À fin décembre 2015 on dénombre, parmi les points de vente actifs, 865 points de vente quotidiens, 1 990 points de vente complémentaires et seulement quatre points de vente thématiques, soit un total de 2 859 points de vente à offre limitée, contre 3 118 l'année précédente (- 8,3 %). Par ailleurs, 548 kiosques sont consacrés à la presse.

Typologie des points de vente standards actifs à fin décembre 2015

Source : CSMP - Rapport public d'activité 2015

b) Un réseau appauvri

La fermeture de points de vente engendre un effet de concentration du réseau , et par voie de conséquence, sa fragilisation et sa précarisation . Les 1 000 premiers diffuseurs, qui ne représentent plus que 4 % du réseau, réalisent désormais 26 % du chiffre d'affaires du niveau 3 et les 5 000 premiers diffuseurs concentrent près de 67 % des ventes en valeur. En moyenne, le chiffre d'affaires « presse » annuel s'établit à 85 000 euros . À titre de comparaison, les enseignes du réseau « Maison de la presse » comptabilisent un chiffre d'affaires « presse » annuel moyen de 250 000 euros, pour environ 650 clients par jour.

Selon le cadre fixé par la loi du 2 avril 1947, les commissions de rémunération perçues par les diffuseurs de presse relèvent de la filière de la distribution, sous l'égide du CSMP et en application d'accords interprofessionnels.

En tant que mandataires commissionnaires ducroire, les diffuseurs sont rémunérés par une commission ad valorem assise sur le prix de vente facial du titre. En pratique, cette commission prélevée sur le produit des ventes au numéro de la presse est composée de deux parties :


• une commission de base , qui était fixée jusqu'en 2011 par la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social et par le décret n°88-136 du 9 février 1988. En application de la loi du 20 juillet 2011 précitée, cette charge revient désormais, après consultation des organisations professionnelles de dépositaires et de diffuseurs, au CSMP, qui s'en est acquitté par sa décision n° 2011-01 du 1 er décembre 2011 rendue exécutoire par l'ARDP le 19 décembre 2011. La décision consiste en une mesure conservatoire de maintien de la rémunération ad valorem de base telle qu'elle prévalait sous l'empire de la loi du 27 janvier 1987 ;


• des compléments de commission , se traduisant par un relèvement de la commission de base, en application de divers accords interprofessionnels souscrits entre les messageries et les syndicats de diffuseurs, accessible aux seuls diffuseurs qualifiés aux titres des plans de qualification prévus par lesdits accords afin d'inciter les diffuseurs à se moderniser.

Les commissions complémentaires se différencient selon l'emplacement géographique du diffuseur (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, reste de la province) et du type de produit presse vendu (quotidien ou magazine). Elles varient également selon le statut et l'emplacement du commerce, afin de tenir compte des particularités de certains modèles commerciaux (diffuseurs sous concession, diffuseurs en galerie marchande en supermarché ou en hypermarché, kiosquiers, spécialistes en petite superficie, diffuseurs sous enseigne culturelle, etc.).

Les diffuseurs qualifiés bénéficiant de ces plans reçoivent leurs compléments de rémunération sous forme de chèques semestriels versés par les messageries de presse. Deux principaux plans d'augmentation de la rémunération des diffuseurs de presse ont été mis en place par le biais d'accords interprofessionnels conclus entre les éditeurs et les diffuseurs de presse. Le premier, initié en 1994 et finalisé en 2001, a permis aux diffuseurs éligibles de bénéficier d'une rémunération nette de 15 % sur la vente des quotidiens, publications, produits multimédias et encyclopédies. Le second, instauré par le protocole d'accord interprofessionnel du 30 juin 2005, inclut un nouveau programme de revalorisation des rémunérations pour les diffuseurs spécialistes, dont la vente de presse est l'activité principale.

Pour l'année 2012, toutes messageries confondues, 39,3 millions d'euros ont été versés, en application des deux plans (19 millions d'euros au titre du premier et 20,3 millions d'euros en application du second), soit 26,6 millions d'euros de rémunération complémentaire versés par Presstalis et 12,7 millions d'euros par les Messageries lyonnaises de presse. Pour autant, la rémunération des diffuseurs de presse français demeurait alors l'une des plus faibles d'Europe occidentale avec un taux de commission à environ 17 % du prix de vente ; elle s'établit par exemple entre 21 % et 26 % au Royaume-Uni et entre 20 % et 25 % en Espagne.

La revalorisation de la rémunération des diffuseurs s'est donc imposée. En 2013, le CSMP a lancé une consultation publique sur l'évolution de la rémunération des diffuseurs de presse, donnant lieu à la décision n° 2014-03 du 1 er juillet 2014, qui définit une nouvelle grille de rémunération simplifiée fondée sur une revalorisation de la commission moyenne perçue par le diffuseur de presse sur ses ventes.

L'augmentation prévue est comprise entre deux et trois points pour le réseau spécialisé, pour un coût supplémentaire de 27,6 millions d'euros pour les éditeurs , soit 1,7 % du coût de diffusion en l'état actuel des ventes. Les deux premières étapes d'augmentation de la rémunération, de 0,5 point chacune, prévues au 1 er janvier 2015 et au 1 er janvier 2016, ont été respectées. La dernière étape, correspondant à 0,7 point d'augmentation de la rémunération moyenne, interviendra au 1 er janvier 2017.

Cette dernière phase, longtemps restée incertaine tant le financement, conditionné aux économies réalisées par la filière, ne semblait pas assuré, portera la rémunération des diffuseurs à un niveau proche de la moyenne européenne. Il demeure toutefois inquiétant que, comme l'a indiqué Jean-Pierre Roger, président du CSMP, lors de son audition, les nouveaux tarifs présentés à ce jour par les Messageries lyonnaises de presse ne tiennent nullement compte de l'augmentation prévue des taux de commission.

Grille des commissions de base à compter du 1 er janvier 2017

Source : CSMP - Rapport public d'activité 2015

Votre rapporteur pour avis, s'il soutient évidemment cette mesure d'amélioration de la rémunération des diffuseurs de presse, rappelle qu'elle demeure très insuffisante au regard de la charge de travail qui pèse sur la profession . Un point de vente est ouvert en moyenne 13 heures 30 par jour et 80 heures par semaine. À ces contraintes horaires s'ajoute la pénibilité des tâches matérielles : un diffuseur spécialisé consacre ainsi quotidiennement quatre à six heures aux seules opérations d'installation des produits et de gestion des stocks et des invendus. Le fort accroissement du nombre de produits à traiter, lié notamment au développement des produits hors presse (DVD, multimédias, livres, encyclopédies, etc.), et l'accroissement des taux d'invendus du fait de la baisse des ventes (40 % en 2007, 45 % en 2014) engendrent un encombrement croissant des linéaires, ce qui contribue largement à la dégradation des conditions de travail tout en nuisant à la bonne exposition des titres, et donc à leur vente.

Certes, concernant les quantités distribuées, et afin d'assurer l'efficience du réseau collectif de distribution, le CSMP a institué un dispositif de plafonnement des volumes distribués , calculé selon des tranches de volumes de diffusion auxquelles s'applique un taux de plafonnement. Mais, s'agissant de l' assortiment , qui permet d'adapter le nombre de titres à l'espace disponible en magasin, la décision initialement prise par le CSMP peine à s'appliquer tant que le nouveau système d'information commun n'est pas installé.

En outre, la restructuration de la messagerie Presstalis a pour conséquence une mise en oeuvre moins efficiente de certaines fonctions comme le réglage des quantités distribuées , ainsi que le déplorent éditeurs et diffuseurs. Il n'est ainsi pas rare que des diffuseurs reçoivent des quantités d'exemplaires sans commune mesure avec leur potentiel de vente, sans que le distributeur accepte de reprendre sa marchandise, prétextant la responsabilité de l'éditeur dans le choix du réglage, tandis que ces derniers affirment n'avoir aucune visibilité quant à la répartition des quantités distribuées.

c) Un réseau soutenu

À la suite de la remise du Livre vert des États généraux de la presse écrite, le versement d'une aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse spécialistes et indépendants est intervenue en application du décret n° 2009-856 du 8 juillet 2009 sous forme d'un versement unique de 4 000 euros, montant correspondant, en moyenne, à une exonération de 30 % des cotisations sociales personnelles des diffuseurs de presse. 12 342 professionnels en ont bénéficié, pour un montant attribué de 49,4 millions d'euros.

Puis, le décret n° 2011-1086 du 8 septembre 2011 a institué une nouvelle aide forfaitaire d'un montant de 1 500 euros, porté à 2 000 euros à Paris et dans les communes de la petite couronne, qui avaient eu à subir les conséquences de la grève de Presstalis l'année précédente. 9 649 versements sont intervenus pour un total de 14,7 millions d'euros .

Puis, avec le mouvement social au sein de Presstalis à l'automne 2012, entraînant pendant une trentaine de jours des pertes quotidiennes d'environ 70 % du chiffre d'affaires pour les kiosquiers de la région parisienne, une aide exceptionnelle de 1 500 euros a été affectée à 480 points de vente, représentant un montant global de 720 000 d'euros , en application du décret n° 2013-933 du 17 octobre 2013.

Au-delà des aides exceptionnelles successives, d'un montant nominal limité, l'État a soutenu, depuis 2004, l'effort de modernisation des diffuseurs portant sur les achats de matériel informatique et de mobilier .

Les subventions attribuées aux diffuseurs sont versées par le délégataire de l'aide, la société Deloitte Conseil, dans la limite des crédits inscrits au programme 180, en intégrant la rémunération accordée à l'organisme gestionnaire, soit 7 % des sommes distribuées en application de la convention signée le 17 avril 2015.

Après une première réforme des modalités de calcul en 2009, l'aide à la modernisation des diffuseurs a été à nouveau modifiée en 2013. Désormais, les projets d'informatisation sont subventionnés à hauteur de 80 % des dépenses éligibles, contre 40 % pour les autres dossiers , afin d'intensifier la modernisation des espaces de vente.

En 2015, pour une aide moyenne par projet évaluée à 2 643 euros, 1 825 subventions ont été attribuées, pour un montant de 4,8 millions d'euros hors frais de gestion, dont les trois-quarts concernent un projet informatique. Les crédits sont malheureusement subi une diminution sensible en 2016, à 3,7 millions d'euros frais de gestion inclus, ce qu'avait regretté votre rapporteur pour avis.

L'aide à la modernisation est complémentaire de la création, sous l'égide du CSMP, d'un système d'information commun à l'ensemble de la filière, soutenue par l'État via le FSDP à hauteur de 4,4 millions d'euros. Cet investissement est indispensable à la mise en oeuvre de la réforme de l'assortiment . Or, les retards s'accumulent en raison des atermoiements des Messageries lyonnaises de presse et en rendent incertaine la livraison avant la fin de l'année 2016 comme annoncé initialement.

Votre rapporteur pour avis, conscient des enjeux liés à la modernisation des espaces de vente, salut le lancement d'un nouveau plan de soutien public au réseau de marchands de journaux , annoncé en Conseil des ministres le 2 décembre 2015 et détaillé par la ministre de la culture et de la communication le 3 octobre 2016 lors de la conférence des éditeurs. Dans ce cadre, un assouplissement des critères d'accès à l'aide à la modernisation permettra à davantage de diffuseurs de moderniser leur outil de travail grâce au raccourcissement du rythme autorisé pour le renouvellement du matériel, à l'extension de la liste des dépenses éligibles et à l'abaissement du plafond minimum d'investissement. Cette mesure prend la forme d'un avenant à la convention du 17 avril 2015 qui lie l'État à la société Deloitte Conseil. Pour financer cette mesure, l'aide retrouve dans le projet de loi de finances pour 2017 le niveau qui était le sien en 2012, soit 6 millions d'euros . L'Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP) estime toutefois à 8 millions d'euros le montant idoine pour mener une politique de modernisation ambitieuse.

Par ailleurs, le mécanisme, trop peu utilisé, de l'article 1464 L du code général des impôts, qui prévoit, pour les communes et les EPCI, la possibilité d'exonérer de cotisation foncière des entreprises les diffuseurs de presse, sera, par un amendement gouvernemental à venir, rendu obligatoire et compensé par l'État aux collectivités territoriales pour un montant estimé à 7,5 millions d'euros . Cette exonération complètera utilement l'allègement de la charge de la taxe sur la publicité extérieure, dont bénéficient les marchands de journaux depuis 2011.

Par ailleurs, dans le cadre du nouveau plan de soutien aux diffuseurs de presse, il a été demandé à l'IFCIC de mettre en oeuvre une extension du FAREP aux diffuseurs de presse spécialistes indépendants dans les cas de transmission de fonds de commerce , sur le modèle existant pour les titres de presse.

B. UN OBJECTIF DE MUTUALISATION

Dans son rapport sur les aides de l'État à la presse écrite publié en juillet 2013, la Cour des comptes préconisait la création d' une aide unique à l'exemplaire, indépendamment du canal de distribution choisi , dans le souci d'éviter un risque de distorsion économique induite par la distinction, parmi les aides publiques, entre le portage et le postage.

Une telle réforme pourrait, en première analyse, présenter certains avantages. En l' absence d'effet d'aubaine chaque éditeur serait libre de choisir le mode de diffusion le plus adapté à ses besoins. En outre, le mécanisme pourrait faciliter l'introduction d' une logique de dégressivité ou de plafonnement par titre dans le versement des aides.

Dans cette perspective, une mission sur l'avenir du transport postal de la presse a été confiée à Emmanuel Giannesini, conseiller maître à la Cour des comptes et président du comité d'orientation du FSDP. Il lui était demandé de proposer différents scénarios (politique tarifaire à compter de 2016, recentrage de l'aide postale, montant et forme de la compensation de l'État), afin de définir le nouveau cadre du soutien public à l'acheminement des abonnements de presse , comprenant à la fois l'aide au transport postal et l'aide au portage.

Le rapport, remis en septembre 2015, souligne les difficultés de mise en oeuvre d'une aide unique à l'exemplaire versée aux éditeurs et indépendante du mode de diffusion. Elle se heurte, d'une part, à une objection économique qui tient au fait que le portage est déjà compétitif , et d'autre part, à des obstacles de calibrage difficilement surmontables compte tenu des effets redistributifs induits .

En effet, les dotations budgétaires allouées à l'aide au transport postal et à l'aide au portage ne sont pas corrélées aux volumes d'exemplaires diffusés . « L'aide à l'exemplaire devrait en effet réaliser la fusion d'une aide au transport postal accordée à 442 millions d'exemplaires de presse d'information politique et générale (« en stock ») représentant environ 240 millions d'euros d'avantage tarifaire, d'une part, avec d'autre part une aide au portage qui repose sur une logique de flux, avec 987 millions d'exemplaire portés pour 36 millions d'euros d'aide au total. Ces deux masses sont irréconciliables » .

Dès lors, la création d'une aide unique à l'exemplaire entraînerait des effets redistributifs considérables en faveur des publications déjà portées . Elle se traduirait par un accroissement très important du niveau d'aide de certaines familles de presse, la presse quotidienne régionale notamment, qui représente la majorité des exemplaires portés (83 % du nombre total des exemplaires portés).

Cette piste abandonnée, il convient de réfléchir aux moyens de rendre plus efficacement complémentaires , entre eux comme au regard des lacunes de la distribution au numéro, le portage et le postage .

1. Pour une complémentarité plus efficiente avec le portage
a) Un succès qui ne se dément pas
(1) Un mode de diffusion plébiscité...

En dépit du ralentissement continu des volumes de presse diffusés, on observe une croissance tendancielle du poids relatif du portage dans les abonnements , eux-mêmes faisant l'objet d'une politique commerciale ambitieuse de la part d'éditeurs à la recherche de vecteurs de croissance face à l'abyssale régression de la vente au numéro. En 2015, la presse quotidienne locale est portée à 86,6 %, contre 86,4 % l'année précédente. Ce chiffre s'établit à 47,1 % pour la presse quotidienne nationale, à 34,7 % pour la presse hebdomadaire régionale (27,8 % en 2014) et à 17,5 % pour les hebdomadaires nationaux (9,5 % en 2014).

Nombre d'exemplaires portés par familles de presse

(en millions d'exemplaires)

Source : Ministère de la culture et de la communication

Taux de portage

(abonnés individuels portés / total des abonnements)

Source : Ministère de la culture et de la communication

Les volumes portés continuent de se développer à un rythme soutenu pour la presse nationale, quotidienne et magazine . La presse quotidienne nationale et les newsmagazines représentent néanmoins des volumes relativement faibles dans la masse globale des volumes portés, de l'ordre de 8 % du total, compte tenu, pour les uns, du poids de la vente au numéro dans le modèle économique et de la moindre importance des délais de livraison , pour les autres.

En revanche, la presse locale enregistre un tassement significatif des volumes portés - recul de 26 millions d'exemplaires entre 2011 et 2015 portant la proportion d'exemplaires portés à 53 % -, supérieur à la croissance des volumes en provenance des autres familles de presse (augmentation de 11,7 millions d'exemplaires sur la période).

Pour autant, elle continue d'accroître la part de ses abonnements portés, pour lesquels elle atteint un taux très élevé (autour de 85%), qu'il paraît difficile d'augmenter davantage , compte tenu des contraintes liées aux abonnés géographiquement excentrés que seuls la Poste est en mesure de servir. En outre, la presse locale est déjà parvenue, s'agissant de ses publications, à une utilisation optimale de ses capacités de portage , avec 30 000 points de vente exclusifs, un réseau de portage autonome desservant plus de 24 700 communes pour 2,3 millions d'exemplaires portés chaque année avant 8 heures du matin.

Structure de la diffusion de la presse locale

(en 2015)

Source : UPREG et OJD 2015

(2) ...autant que soutenu par les pouvoirs publics

Les crédits consacrés à l'aide au portage sont passés de 8,2 millions d'euros en 2008 à 70 millions d'euros en 2009, conformément aux conclusions des États généraux de la presse écrite, qui souhaitaient en favoriser l'extension. Puis, en 2013, ils ont été ramenés à 37,6 millions d'euros, avant de s'établir à 36 millions d'euros depuis 2014 . Le nombre de bénéficiaires s'est établi à 109 en 2015, année où treize réseaux de portage rattachés à un groupe de presse ou indépendants ont également bénéficié de l'aide.

Le décret n° 2014-1080 du 24 septembre 2014 portant réforme du fonds d'aide au portage de la presse a concrétisé une évolution approfondie de l'aide au portage. Il constitue la traduction des propositions établies par une étude réalisée par le cabinet Arthur D. Little à la demande de la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication, qui après avoir évalué la pertinence de l'aide au portage existante a conseillé de la réorienter vers un dispositif plus incitatif, d'une part au développement du portage, d'autre part à la mutualisation des réseaux de portage . Le cabinet Roland Berger avait ensuite été sollicité pour définir en conséquence les nouveaux paramètres de l'aide.

En application du décret du 24 septembre 2014, l'aide est désormais divisée en deux sections : la première soutient, comme l'aide antérieure, les éditeurs de titres quotidiens ou hebdomadaires d'information politique et générale faisant porter leur publication ; la seconde bénéficie aux réseaux de portage , pour la progression de la part de titres quotidiens ou hebdomadaires d'information politique et générale portés pour le compte de tiers. En 2015, onze entreprises de portage dépendant d'éditeurs de presse et deux réseaux de portage indépendants ont été subventionnés au titre de la seconde section, pour un total de 3,7 millions d'euros, soit 10,3 % des sommes attribuées au titre de l'aide au portage .

La réforme intervenue en 2014, si elle a contribué à développer le portage multi-titre, n'a pas annihilé tous les obstacles auxquels se heurtent les projets de mutualisation :

- en matière de production et d'organisation de la distribution, l'horaire de fin de l'impression de la presse quotidienne nationale sur un site adapté à son format (berlinois ou tabloïd), cumulé au temps de transport nécessaire pour arriver sur les lieux de routage de la presse quotidienne régionale, n'est pas forcément compatible avec les horaires de départ des tournées de cette dernière. Cette difficulté est encore accrue par l'horaire de bouclage tardif des quotidiens nationaux sportifs ;

- l'organisation par définition décentralisée de la presse quotidienne régionale oblige à négocier avec chaque acteur les conditions de distribution de la presse quotidienne nationale . En outre, la presse quotidienne régionale n'est pas soumise au même cadre social que Presstalis pour son impression et sa distribution. La mutualisation envisagée doit donc tenir compte des difficultés d'harmonisation de l'environnement social ;

- enfin, les éditeurs de presse quotidienne régionale peuvent parfois considérer que porter les abonnés d'autres titres, notamment de la presse quotidienne nationale, fait peser un risque de « cannibalisation » de leur propre lectorat.

En revanche, d'un point de vue juridique, la mutualisation a été simplifiée : alors que l'exclusivité du contrat Presstalis et la loi « Bichet » du 2 avril 1947 obligeaient auparavant deux titres partageant leur logistique pour la distribution d'exemplaires destinés à la vente au numéro à créer une coopérative à laquelle tout autre éditeur devait pouvoir adhérer, la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse prévoit que le CSMP « définit les conditions dans lesquelles les entreprises de presse [...] peuvent, dans des zones géographiques déterminées, sans adhésion à une société coopérative de messageries de presse commune, recourir à des réseaux locaux de distribution aux points de vente et homologue les contrats de distribution conclus dans ces conditions, au regard des principes de la présente loi ».

En 2015, les réseaux de portage ont distribué 56,8 millions d'exemplaires pour le compte de tiers, contre 572,1 millions d'exemplaires pour leurs propres titres, soit 9,9 % de portage pour compte de tiers . Pour l'année 2011, les chiffres avaient été respectivement de 23 millions d'exemplaires et 623,5 millions d'exemplaires, soit 3,7 % de portage pour compte de tiers.

L'ouverture facilitée des réseaux de portage à des titres tiers a, en réalité, considérablement varié selon les groupes de presse . Amaury et Le Figaro ont pleinement joué le jeu de la mutualisation, tandis que d'autres progressions demeurent encore modestes, voire inexistantes comme dans l'Est de la France, où les réseaux du groupe EBRA restent presque intégralement fermés. Pour sa part, le réseau de portage de La Dépêche portait en 2011 3,7 % de titres tiers ; cette proportion s'établit à 8,8 % en 2015.

Malgré les obstacles précités, le tassement du portage en propre lié à la contraction des volumes diffusés conduit les réseaux à développer le portage pour les titres tiers.

Ces dernières années, Presstalis a ainsi accompagné les initiatives des éditeurs qui souhaitaient favoriser le développement du portage multi-titres en proposant d'assurer la logistique d'approche des volumes de presse portés vers les centres de répartition régionaux. Plus récemment, le 16 juillet 2016, l'entreprise a conclu, à l'issue de deux années de négociations, un accord de sous-traitance logistique avec le groupe La Dépêche, en vue d'optimiser la distribution des publications dans le Sud-Ouest de la France en limitant le coût du dernier kilomètre grâce au parti tiré du meilleur positionnement de chaque acteur en fonction des territoires desservis . Ainsi, Presstalis est désormais dépositaire de La Dépêche à Montauban, Castres et Albi, tandis que, dans l'Hérault comme à Toulouse, le groupe régional opère la distribution des titres pour le compte de Presstalis. Quelque 1 300 points de vente sont concernés par la mutualisation de la distribution entre les deux partenaires.

Sachant que la presse quotidienne régionale dispose, en propre, de 30 000 points de vente répartis sur le territoire national, les perspectives sont immenses en matière de mutualisation du portage, comme de synergie entre portage et vente au numéro . Votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux le développement rapide de ce type d'initiatives, afin de limiter les coûts de distribution élevés qui pèsent sur le chiffre d'affaires, déjà exsangue, de la presse. Il met à cet égard grand espoir dans les propositions qui seront faites par la mission, annoncée par la ministre de la culture et de la communication, qui sera menée conjointement par l'IGAC et l'Inspection générale des finances (IGF) sur l'avenir du portage.

b) Des efforts à poursuivre en faveur des vendeurs-colporteurs de presse

Le dispositif relatif à l'activité des vendeurs-colporteurs et porteurs de presse constitue un volet complémentaire de l'aide directe au portage .

La loi n° 91-1 du 3 janvier 1991 tendant au développement de l'emploi par la formation dans les entreprises, l'aide à l'insertion sociale et professionnelle et l'aménagement du temps de travail, pour l'application du troisième plan pour l'emploi a établi un double statut pour les porteurs de presse :

- d'une part, les vendeurs-colporteurs de presse , qui exercent leur profession à titre indépendant pour le compte d'un éditeur de presse quotidienne ou assimilée, d'un dépositaire ou d'un diffuseur, qui est juridiquement leur mandant ;

- d'autre part, les porteurs de presse salariés , généralement employés par des sociétés de portage, souvent développées par des quotidiens régionaux.

La loi précitée du 3 janvier 1991 a également établi une assiette forfaitaire de cotisations , identique pour les deux professions et assise sur le nombre d'exemplaires portés chaque mois. Cette assiette correspond, par tranche de cent journaux vendus ou distribués, à 4 % du plafond journalier de la sécurité sociale pour la presse départementale, régionale, nationale et à 8 % du même plafond pour la presse dite de rue. Il en résulte qu'une entreprise peut, à chaque versement de la rémunération et pour chaque salarié :

- soit opter pour l'application de l'assiette forfaitaire des cotisations ;

- soit, en cas d'accord, calculer les cotisations de droit commun , c'est-à-dire sur les rémunérations effectivement allouées.

L'objectif, atteint, de la loi du 3 janvier 1991 visait à développer un réseau structuré de portage afin de renforcer ce mode de distribution et de réglementer une profession où le travail dissimulé était par trop fréquent .

Puis, conformément aux engagements pris lors des États généraux de la presse écrite en faveur du développement du portage, la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009 a modifié la loi du 3 janvier 1991 pour prévoir l'exonération des cotisations de sécurité sociale à la charge de l'employeur, du mandant ou de l'éditeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales , hors cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, dues pour les rémunérations versées mensuellement aux porteurs de presse.

Les bénéficiaires du dispositif sont les vendeurs-colporteurs et les porteurs de presse effectuant sur la voie publique ou par portage à domicile la vente de publications quotidiennes et assimilées consacrées pour une large part à l'information politique et générale, au sens de l'article 39 bis A du code général des impôts.

Une circulaire du 14 décembre 2009 de la direction de la sécurité sociale a étendu le bénéfice de l'exonération aux porteurs de presse quotidienne gratuite d'information politique et générale . Puis, un courrier du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, en charge du budget, en date du 13 janvier 2014, a ouvert le bénéfice du dispositif aux porteurs de presse hebdomadaire d'information politique et générale.

Le manque à gagner qui en résulte pour les régimes de sécurité sociale est compensé par l'État sur le programme 180 « presse » et versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), gestionnaire du dispositif.

Cette exonération présente des caractéristiques de guichet : le tendanciel correspond aux prévisions de l'ACOSS, régulièrement ajustées en fonction des réalisations effectives et des réformes appliquées, comme récemment la diminution du taux de cotisation « famille » conformément au Pacte de responsabilité.

Ainsi, en 2016, compte tenu de la réduction des prévisions d'exécution de l'ACOSS, un versement de 12,6 millions d'euros a été effectué en juin, sur une dotation initiale de 20,7 millions d'euros en loi de finances et un « surgel » de crédits au programme de 4,35 millions d'euros a été affecté sur la dotation du dispositif en août.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, la trajectoire se fonde sur les prévisions de l'ACOSS en date du mois de mars 2016 , qui estime à 17 577 pour la presse payante et 18 441 pour la presse gratuite le nombre de porteurs de presse et à 4 252 pour la presse payante et 1 374 pour la presse gratuite le nombre d'exemplaires portés mensuellement. En conséquence, l'État devrait verser à l'ACOSS un montant de 16,9 millions d'euros en 2017 (10,2 millions d'euros au titre de la presse payante et 6,7 millions d'euros au titre de la presse gratuite) et en 2018, puis de 17,3 millions d'euros en 2019, correspondant à une exonération de cotisations patronales, en 2017, à un taux de 26,7 % de l'assiette de cotisations, soit à 54 euros en moyenne par mois pour l'employeur s'agissant du portage de la presse payante et à 33,4 euros pour la presse gratuite.

Les conditions de travail des vendeurs-colporteurs de presse et porteurs n'en demeurent pas moins particulièrement difficiles . Leur statut est organisé par le code du travail et par la convention collective nationale du portage de presse du 26 juin 2007, lorsque l'activité principale de l'entreprise de laquelle ils dépendent est le portage de presse. En tant qu'indépendants, ils ne bénéficient pas des garanties du droit du travail en matière de rémunération, de conditions de travail ou encore de représentation. Les porteurs, quoique salariés, bénéficient également d'un statut social peu protecteur , lié notamment à l'assiette forfaitaire de cotisation.

L'étude relative à l'impact de l'aide au portage sur les entreprises de presse, confiée en 2013 au cabinet Arthur D. Little, a mis en exergue la précarité de la situation des porteurs et des vendeurs-colporteurs de presse. Aussi, le 10 juillet 2013, dans sa communication en Conseil des ministres sur la réforme des aides à la presse, la ministre de la culture et de la communication de l'époque a présenté un volet social , en appelant notamment les professionnels à conclure un code de bonnes pratiques professionnelles.

Une mission d'étude conjointe de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a ensuite été lancée en avril 2014, en vue d'établir un panorama général des métiers de vendeurs-colporteurs et de porteurs et des personnes qui les exercent, mais également de définir les bonnes pratiques des éditeurs et de déterminer les pistes de réforme du statut de porteur.

Plusieurs pistes sont évoquées dans le rapport de cette mission d'étude conjointe , rendu en octobre 2014 à la ministre de la culture et de la communication. Si l'évolution de l'assiette ou de l'exonération des charges a semblé peu praticable, il est en revanche apparu possible de renforcer la responsabilisation des employeurs via le dispositif des conventions-cadres avec les entreprises de presse . La nouvelle version de ces conventions doit être signée par les éditeurs avant la fin de l'année , tandis que la convention collective du 26 juin 2007 a été étendue par un arrêté du 3 juin 2016, ce dont votre rapporteur pour avis, qui plaide régulièrement pour une protection sociale renforcée et de meilleures conditions de travail pour ces professions, se réjouit.

Pour autant, si cette perspective est louable, elle n'améliorera que la situation des porteurs salariés, comme le rappelait Jean Viansson-Ponté, président du Syndicat national de la presse quotidienne régionale (SPQR), lors de son audition par votre rapporteur pour avis. En effet, la convention collective ne s'applique pas aux travailleurs indépendants que sont les vendeurs-colporteurs , autonomes dans leur tournée et leur démarche commerciale. Votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux la définition d'un statut encadré pour ces professionnels, afin notamment de développer, sur des bases juridiques solides, le portage multititre comme le proposent les multiples travaux réalisés sur la nécessaire réforme de la distribution de la presse.

2. Pour un partenariat renouvelé avec La Poste

Depuis la loi de finances pour 2014, l'aide au transport postal de la presse figure au programme 134 « développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie », sur le motif qu'elle constitue une aide à La Poste au titre de sa mission de service public. Elle demeure pour autant, dans son principe comme en vertu de ses conséquences sur l'économie du secteur, une aide à la presse.

a) La Poste ou l'allié du dernier kilomètre

Le transport et la distribution des journaux et des publications périodiques constituent une mission obligatoire de service public de La Poste , en ce qu'elle contribue, selon les termes du code des postes et des communications électroniques, à « favoriser le pluralisme, notamment celui de l'information politique et générale » .

La Poste est, avec les messageries de presse, l'un des principaux acteurs de la diffusion de la presse française. En 2015, l'entreprise a acheminé et distribué près de 1,1 milliard d'exemplaires de 7 000 publications différentes dans le cadre de sa mission de service public, soit 30 % de la diffusion payée.

Le postage constitue le deuxième mode de diffusion de la presse après la vente au numéro . Cette moyenne masque cependant des situations contrastées selon les catégories de presse et les situations géographiques . Si la presse quotidienne privilégie le portage à la diffusion postale dans les zones à forte densité de population, où la part du postage a d'ailleurs reculé depuis 2008, notamment pour des questions d'horaires de distribution, le postage demeure un vecteur de diffusion très largement utilisé par les magazines et revêt une importance particulière dans les zones rurales et peu denses , où il n'existe pas ou peu d'alternative au transport postal des abonnements. Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Jean Viansson-Ponté, président du SPQR, reconnaissait combien La Poste était essentielle à la distribution des titres lorsque le portage n'était pas rentable, en particulier en zone de montagne. Pour certains titres, de la presse professionnelle et associative par exemple, le taux de postage peut dépasser 75 % voire 95 % des exemplaires diffusés.

L'utilisation du postage par famille de presse

Source : La Poste

Le transport et la distribution de la presse représente 8 % des volumes de courrier distribués mais seulement 4 % du chiffre d'affaires courrier de l'entreprise, en raison de tarifs particulièrement privilégiés appliqués à la presse , soumis à l'homologation des ministres chargés des postes et de l'économie, après avis public de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Ils sont fonction de la catégorie de la publication, du niveau de service choisi par l'éditeur et du caractère mécanisable ou non du produit de presse au regard des spécifications techniques de la distribution.

Le dispositif constitutif du « régime économique de la presse » est réservé aux publications titulaires d'un certificat d'inscription délivré par CPPAP . Le cadre réglementaire distingue deux catégories de publications : celles qui relève du droit commun et celles qui bénéficient d'un régime dérogatoire (publications d'anciens combattants, mutilés ou victimes de guerre, publications éditées par les organisations syndicales représentatives des salariés, publications politiques ou électorales, publications mutualistes, publications qui contribuent à la défense des grandes causes, journaux scolaires). Pour ce qui concerne le droit commun, le tarif applicable à la presse à faibles ressources publicitaires est équivalent à 13 % du tarif dit universel, celui de la presse d'information politique et générale à 33 % et celui des magazines à 62 %.

Du fait de la modicité des tarifs postaux réglementés de presse par rapport aux coûts affectés à l'activité et du niveau de la participation financière de l'État, La Poste supporte dans ses comptes un déficit brut de près de 414 millions d'euros, ramené à 332 millions d'euros après compensation publique en 2015 . Les prix payés par les éditeurs couvrent en moyenne 44 % des coûts et la contribution publique versée à La Poste 22 % des coûts ; le déficit qui reste à la charge de La Poste constitue, de fait, une aide supplémentaire à la presse prise en charge par l'entreprise.

Écarts entres les tarifs de presse de service public
et les tarifs de service universel

(2015)

Source : La Poste

L'analyse des comptes de La Poste montre toutefois que, sur les dix dernières années, le déficit de l'activité « presse » a été quasiment réduit de moitié sous l'effet de la hausse des tarifs, du maintien de la contribution publique et, pour l'essentiel, de la réduction des coûts de La Poste , passés de 1,3 milliard d'euros en 2001 à 904 millions d'euros en 2014.

b) Les accords Schwartz ou le reniement de la parole de l'État

L'accord signé le 23 juillet 2008 par L'État, La Poste et les organisations professionnelles représentatives des éditeurs de presse à l'issue de la mission d'évaluation et de proposition conduite par Marc Schwartz avait l'ambition de ramener le déficit de l'activité « presse » de La Poste à un niveau supportable pour l'entreprise et d'apporter des solutions durables à la distribution par voie postale de la presse. Établi pour sept ans (du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2015), l'accord permettait aux différents acteurs, confrontés à de profonds bouleversements économiques, réglementaires et technologiques, de disposer d'une visibilité à moyen terme sur l'évolution progressive des conditions du transport et de la distribution de la presse par La Poste.

Les efforts réciproques consentis par chacune des parties devaient permettre d'assurer la pérennité du transport et de la distribution de la presse par La Poste et conduire à une réduction du déséquilibre économique structurel qui affecte cette activité et handicape l'entreprise.

L'accord 2009-2015, dit Schwartz, a ainsi fixé une trajectoire pour la revalorisation des tarifs postaux de presse concomitamment à une nouvelle réduction des charges de La Poste et au maintien d'une contribution publique significative.

L'accord prévoyait un mécanisme reposant sur la définition de trois catégories de tarifs s'appliquant respectivement aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, à la presse d'information politique et générale et au titre agréés par la CPPAP n'appartenant pas aux deux catégories précédentes. Une évolution en pourcentage progressive et prévisible était fixée, plus favorable pour la presse à faibles ressources publicitaires (+ 1,5 % par an, soit 0,1 centime d'euros par exemplaire sur la période) et d'information politique et générale (entre + 2 % et + 3,5 % selon les années, soit 0,9 centimes par exemplaire sur la période), que pour les autres titres (entre 3 % et 5 %, soit entre 1,4 et 2,2 centimes).

Si cette évolution tarifaire fut effectivement appliquée aux éditeurs et si la Poste fit un effort considérable pour réduire ses charges, l'État, pour sa part, ne tint qu'une partie de ses engagements.

Certes, l'accord Schwartz prévoyait une diminution graduelle de la contribution publique à partir de 2012, pour atteindre une réduction de
62 millions d'euros en fin d'accord, soit 242 millions d'euros par an de 2009 à 2011, 232 millions d'euros en 2012, 217 millions d'euros en 2013, 200 millions d'euros en 2014, puis 180 millions en 2015. Certes également, entre 2009 et 2013, les sommes correspondant à l'engagement de participation de l'État au transport et à la distribution de la presse ont été versées à l'entreprise.

Mais le mécanisme vertueux de l'accord Schwartz s'est ensuite grippé . D'abord, en 2014 et en 2015, la contribution prévue a été réduite chaque année de 50 millions d'euros (soit 150 millions d'euros puis 130 millions d'euros), afin de tenir compte du bénéfice pour La Poste du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), sans que l'on comprenne très bien le rapport entre une aide au transport postal en contrepartie d'une coûteuse mission de service public assumée par La Poste et un crédit d'impôt au bénéfice de l'ensemble des entreprises.

Par ailleurs, le manque à gagner que représente pour La Poste le report d'application des hausses tarifaires, décidé en 2009 à l'issue des États généraux de la presse écrite, dit « moratoire postal », n'a été compensé intégralement que jusqu'en 2013, lorsque le Gouvernement a décidé unilatéralement d'une sortie du moratoire étalée sur deux ans (2014 et 2015) et n'a pas reconduit, sur cette période, le dispositif existant de compensation au bénéfice de La Poste

Le « moratoire postal », histoire d'un désengagement brutal de l'État

Le moratoire sur les tarifs postaux de presse, institué en 2009 à la demande du Président de la République pour parer à la situation d'urgence de la presse, a eu pour effet de décaler d'une année l'application des évolutions tarifaires fixées par l'accord tripartite du 23 juillet 2008.

Afin de préserver les équilibres négociés, ce dispositif était assorti d'un engagement de l'État de compenser intégralement le manque à gagner supporté par la Poste. Cet engagement a pris la forme d'une contribution complémentaire à due hauteur des remises opérées par la Poste sur les tarifs facturés aux éditeurs : 23,7 millions d'euros en 2009, 24,5 millions d'euros en 2010, 27,4 millions d'euros en 2011, 29,2 millions d'euros en 2012, 30,5 millions d'euros en 2013, 15,7 millions d'euros en 2014 et 4,9 millions d'euros en 2015.

La compensation intégrale du moratoire tarifaire par l'État jusqu'au terme de l'accord a été explicitement confirmé dans le contrat d'entreprise de La Poste au printemps 2013. Pourtant, le 10 juillet de la même année, Fleur Pellerin, alors ministre de la culture et de la communication, annonçait, dès 2014, le retour à la trajectoire tarifaire programmée par l'accord Schwartz, et, partant, la fin du moratoire et de la compensation versée à La Poste.

Toutefois, un dispositif spécifique dédié aux titres d'information politique et générale a été mis en place, afin de plafonner l'impact pour les éditeurs des évolutions tarifaires liées à la sortie de moratoire. À ce titre, le Gouvernement s'est engagé à une prise en charge partielle en 2014 et 2015, qui a donné lieu à une compensation, pour La Poste, d'un montant de 1,52 million d'euros en 2014 et de 2,5 millions d'euros en 2015, geste appréciable mais fort insuffisant au regard de la trajectoire prévue par l'accord Schwartz.

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Votre rapporteur pour avis déplore les conséquences de l'application par trop partielle de l'accord Schwartz par l'État : les éditeurs comme La Poste ont fourni des efforts considérables pour aboutir à un résultat certes convenable pour les comptes de La Poste et l'avenir de son activité « presse », mais très inférieur à ce qu'il aurait pu être si l'État avait tenu ses engagements .

En effet, si le rattrapage tarifaire des accords Schwartz a permis de réduire, à la charge des éditeurs, de 110 millions d'euros le déficit de l'activité « presse » de La Poste, cet effort a été réduit à néant par la diminution, non prévue initialement, de la dotation de l'État à La Poste.

Une amélioration progressive du déficit net de l'activité « presse » de La Poste

en M€

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

CA SP presse

401

395

402

404

397

396

397

Contribution de l'Etat à La Poste (y compris compensation du moratoire)

254

267

268

261

248

152

133

Coûts attribuables

1 027

1 002

952

946

952

904

862

Déficit brut

-626

-607

-550

-542

-555

-508

-465

Déficit net après compensation partielle

-372

-340

-282

-281

-307

-356

-332

Source : La Poste

c) L'après Schwartz ou la volonté imposée de l'État

Après une période de flottement quant à savoir s'il y aurait ou non un nouvel accord tripartite conclu à l'issue de l'accord Schwartz, dont les négociations furent aussi tendues que l'application mouvementée, le Gouvernement finit par imposer unilatéralement sa volonté tarifaire .

Une augmentation modérée des tarifs pour l'ensemble des familles de presse a été recherchée afin de préserver la pérennité économique des éditeurs de presse, tout en tenant compte des efforts tarifaires conséquents déjà consentis par la presse au cours des sept années de mise en oeuvre de l'accord Schwartz.

Le Gouvernement a donc décidé que les tarifs de La Poste pour la période allant de 2016 à 2020 ne croîtraient pas au-delà de l'inflation pour les quotidiens à faibles ressources publicitaires, qu'ils augmenteraient, hors inflation, de 1 % pour la presse d'information politique et générale et de 3 % pour la presse CPPAP n'appartenant aux deux catégories précédentes. Cette décision, quelque unilatérale qu'elle soit, a néanmoins le mérite, selon votre rapporteur pour avis, de garantir pour quatre ans à la presse comme à La Poste une visibilité sur l'évolution des tarifs postaux et sur la compensation publique , sauf à ce que l'État se dédise à nouveau.

À cette occasion, il a été renoncé à une promesse de la précédente ministre de la culture et de la communication, sur laquelle la presse spécialisée formait de grands espoirs : la catégorisation officielle en CPPAP d'une « presse de la connaissance et du savoir » , bénéficiant d'un régime tarifaire ad hoc dans le cadre des différents dispositifs d'aide à la presse, à mi-chemin entre les facilités accordées à la presse d'information politique et générale et le droit presque commun applicable aux magazines. S'agissant de l'aide au transport postal, il était envisagé de limiter le bénéfice de la hausse de 3 % aux publications de la presse de la connaissance et du savoir et d'imposer une augmentation de 5 % aux autres titres CPPAP.

Votre rapporteur pour avis, tout en reconnaissant les difficultés que rencontrent les publications spécialisées et professionnelles, estime que la catégorisation envisagée était effectivement délicate à opérer en pratique . Elle aurait trop obligé la CPPAP à séparer, pour près de 6 000 publications, les titres « sérieux » des publications de loisirs, sorte de jugement détourné de l'intérêt des lectures et du niveau des lecteurs. Économiquement, par ailleurs, une augmentation de 5 % des tarifs postaux aurait signé la mort de nombre de magazines , comme l'ont reconnu Denis Bouchez, directeur du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), comme Martin Ajdari, directeur général des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication, lors de leur audition par votre rapporteur pour avis.

L'équilibre de la réforme du transport postal repose également sur deux mesures complémentaires qui réaffirment le soutien de l'État en faveur de la presse d'information politique et générale, tout en veillant à ne pas dégrader la situation économique de La Poste.

Aussi, le coût du moratoire résiduel ne sera pas supporté par les éditeurs de la presse d'information politique et générale , ce qui correspond à une aide indirecte estimée à 4 millions d'euros. En contrepartie, par souci d'équité, les suppléments des titres d'information politique et générale verront, sur quatre ans et de façon lissée, leur tarif postal s'aligner sur celui des magazines dont le contenu est identique .

Cette mesure est source de grandes tensions entre familles de presse : soutenue par les magazines , qui souffraient d'une concurrence tarifaire injustifiée, décriée par les quotidiens , qui menacent d'aller au contentieux, pour lesquels le supplément représente un produit rentable, notamment grâce à des recettes publicitaires dynamiques, dans un contexte commercial fort morose. Selon les informations contradictoires dont dispose votre rapporteur pour avis, les négociations seraient toujours en cours s'agissant des modalités et du périmètre d'application de la réforme, ainsi que des contreparties qui pourraient être proposées aux quotidiens, notamment la possibilité de vendre leur supplément séparément. Il estime, pour sa part, que les suppléments ne devraient pas se voir appliquer de statut particulier mais bénéficier des tarifs de la presse d'information politique et générale lorsque leur contenu appartient à cette catégorie et de ceux de la presse magazine si tel n'est pas le cas.

De surcroît, la stabilisation de la compensation versée par l'État à La Poste sur la période, pour un montant variant selon les années entre 119 millions d'euros et 122,7 millions d'euros, permet de préserver les équilibres financiers de l'opérateur postal, dès lors que les efforts se maintiennent en matière de réduction des charges d'exploitation. En 2017 , la dotation de l'État à La Poste en compensation partielle de sa mission de service public de distribution de la presse s'établira à 121 millions d'euros , contre 119 millions d'euros initialement prévus.

Si les perspectives budgétaires pour les années 2016 à 2020 comme les efforts tarifaires demandés aux éditeurs apparaissent justes à votre rapporteur pour avis, il rappelle que le dispositif, quand bien même il ne comble nullement pour La Poste le déficit de chiffre d'affaires engendré par l'activité postale, doit encore être accepté par la Commission européenne , qui déjà s'était montré réticente à l'époque de l'accord Schwartz.

Votre rapporteur pour avis regrette enfin que nulle réflexion n'ait été engagée à l'occasion de la fixation des nouveaux engagements tarifaires sur la nécessaire évolution des modes de distribution . Il demeure à cet égard convaincu que, vente au numéro mise à part, le portage des abonnements constitue la solution idoine pour les quotidiens , compte tenu des horaires plus tardifs de livraison par La Poste, d'autant que les contraintes inhérentes à la distribution des quotidiens empêchent l'entreprise d'optimiser ses 60 000 tournées. Ne pas rationaliser les circuits de distribution en fonction des catégories de presse, de la périodicité des publications et des zones géographiques n'a, selon lui, dans un secteur aussi sinistré, guère de sens.

L'AGENCE FRANCE-PRESSE : UNE INQUIÉTUDE LATENTE

IV. L'AGENCE FRANCE-PRESSE : UNE INQUIÉTUDE LATENTE

A. UNE URGENTE REPRISE EN MAIN

1. Un statut en conformité avec le droit européen

L'organisation de l'Agence France-Presse (AFP) est définie par la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence, récemment modifiée par la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat.

La réforme opérée en 2015 visait notamment à mettre en conformité le statut de l'AFP avec le droit européen , en conséquence de la lettre de mesures utiles adressée par la Commission européenne à la France le 27 mars 2014 et acceptée par les autorités françaises, faisant elle-même suite à la plainte pour aide d'État déposée en 2010 par une agence allemande concurrente auprès de la Commission européenne. Déjà, le 8 mai 2012, la Commission européenne avait indiqué à la France, en conclusion de l'examen de ladite plainte, que le financement de l'AFP par l'État tel qu'il s'appliquait depuis la création de l'Agence était bel et bien qualifiable d'aide d'État.

Dès lors, la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives a anticipé une nécessaire évolution statutaire en modifiant l'article 13 de la loi du 10 janvier 1957 précitée, qui dispose désormais que « les ressources de l'Agence France-Presse sont constituées par le produit de la vente des documents et services d'information à ses clients, par la compensation financière par l'État des coûts nets générés par l'accomplissement de ses missions d'intérêt général , telles que définies aux articles 1 er et 2 de la présente loi et par le revenu de ses biens ».

L' inscription de la mission d'intérêt général dans le statut de l'AFP a ouvert la voie à la résolution du contentieux entre la France et les autorités européennes s'agissant des aides d'État fournies à l'Agence. Alors que, depuis 1957, l'État était considéré uniquement comme un « service public usager » de l'AFP, dont les relations financières avec l'Agence prenaient conventionnellement la forme d'abonnements souscrits par les administrations au fil d'information générale de l'AFP, il dispose, avec la loi du 22 mars 2012, d'une base législative pour verser une subvention compensant le coût net généré par les missions d'intérêt général dévolues à l'Agence . Le montant versé au titre des abonnements de l'État a donc désormais vocation à couvrir uniquement lesdits abonnements.

Sur ce fondement, la dotation de l'État à l'AFP est, depuis 2015, composée de deux lignes distinctes : l'abonnement commercial, d'une part, et la compensation financière du coût net des missions d'intérêt général, d'autre part. La clarification des relations entre l'État et l'Agence était indispensable pour sécuriser sa part de financement public, afin qu'elle puisse exercer ses missions de manière indépendante.

La loi susmentionnée du 17 avril 2015 apporte à cette première réforme trois nouvelles modifications , justifiées par la demande de la Commission européenne :

- la fixation de modalités de contrôle garantissant que l'État ne surcompense pas financièrement le coût des missions d'intérêt général , sous la responsabilité de la commission financière de l'AFP, organisme établi par la loi et composée de magistrats de la Cour des comptes ;

- la précision selon laquelle la convention d'abonnement entre l'État et l'AFP fixe le nombre et le taux des abonnements souscrits par les services de l'État , sur la base des grilles tarifaires générales de l'Agence, et doit prévoir les conditions de leur révision ;

- l'instauration de modalités procédurales liées à une éventuelle cessation des paiements de l'AFP , afin d'éviter toute garantie implicite de l'État vis-à-vis des créanciers de l'Agence. Dorénavant, « la responsabilité de l'État ne peut se substituer à celle de l'Agence France-Presse envers ses créanciers » .

La réforme du statut portée par la loi du 17 avril 2015 précitée, dont les modalités d'application ont été précisées par le décret n° 2015-721 du 23 juin 2015, modifie également la composition des organes de gouvernance de l'AFP.

Le conseil supérieur est désormais composé, de façon paritaire :

- d'un membre du Conseil d'État, président disposant d'une voix prépondérante (Christine Maugüe) ;

- d'un magistrat en activité de la Cour de cassation ;

- de deux représentants des directeurs de journaux quotidiens ;

- d'un journaliste professionnel ;

- d'un représentant des sociétés de l'audiovisuel public ;

- de deux parlementaires désignés, respectivement, par les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat (à ce jour : Nicole Duranton pour le Sénat et Michel Françaix pour l'Assemblée nationale).

La commission financière comprend pour sa part trois membres de la Cour des comptes en activité. Laurence Engel a démissionné de ses fonctions de présidente de la commission financière en avril 2016 consécutivement à sa nomination à la présidence de la Bibliothèque nationale de France et a été remplacée par Catherine Demier.

Le conseil d'administration comprend enfin, à parité d'hommes et de femmes, en plus du président de l'Agence :

- cinq représentants des directeurs de journaux quotidiens ;

- deux représentants de l'audiovisuel public ;

- trois représentants des services publics usagers désignés par les ministres en charge des affaires étrangères, de la communication et de l'économie ;

- trois représentants du personnel de l'agence, soit deux journalistes professionnels et un agent appartenant aux autres catégories ;

- cinq personnalités nommées par le conseil supérieur en raison de leur connaissance des médias et des technologies numériques et de leurs compétences économiques et de gestion, trois d'entre elles au moins possédant une expérience significative au niveau européen ou international.

Les évolutions statutaires consécutives à la lettre de mesures utiles de la Commission européenne renouvellent la relation entre l'AFP et l'État, sans toutefois modifier le modèle économique de l'Agence ou emporter des changements pour son personnel , si ce n'est une meilleure représentation au conseil d'administration, avec trois sièges au lieu de deux précédemment. Aucune économie n'est non plus à attendre directement du changement de statut de l'AFP.

2. Des efforts à saluer
a) Une implication constante des pouvoirs publics

Avec la réforme statutaire, la signature d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens et d'un nouveau contrat d'abonnement fondé sur les grilles tarifaires de l'Agence, l'État s'est pleinement conformé aux attentes exprimées par la Commission européenne dans sa lettre de mesures utiles.

Conformément à la distinction désormais opérée entre compensation des missions d'intérêt général de l'Agence, d'une part, et abonnements de l'État, d'autre part, le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFP et une convention d'abonnements sont entrés en vigueur en 2015 et en fournissent le support juridique respectif.

Le 15 juin 2015, l'État et l'AFP ont ainsi signé un contrat d'objectifs et de moyens portant sur les années 2014 à 2018 . Y est notamment précisé le contenu des missions d'intérêt général : l'indépendance et l'exigence de qualité de l'AFP, son maillage international, le caractère permanent de la collecte et du traitement de l'information, sans interruption, à destination d'usagers français et étrangers. Les missions d'intérêt général recouvrent l'ensemble de la production de l'AFP quels que soient les supports, les langues ou les zones géographiques. Elles ont vocation à évoluer au cours de la période d'application du contrat d'objectifs et de moyens.

Le contrat prévoit également la trajectoire indicative de soutien de l'État à l'AFP , sous forme de compensation des missions d'intérêt général, qui doit être confirmée chaque année par une convention entre les parties, conformément à la règle de l'annualité budgétaire : 105 millions d'euros en 2015, puis 105,8 millions d'euros en 2016 et 106,2 millions d'euros en 2017 et 2018.

La compensation des missions d'intérêt général ne peut en aucune manière dépasser leur « coût net évité » . L'AFP - sous le contrôle de sa commission financière - établit et calcule un « scénario contrefactuel » où l'Agence ne serait pas investie desdites missions et n'en supporterait en conséquence pas les charges, ni ne bénéficierait des produits additionnels. La différence entre le coût de ses activités dans le cadre défini par ce scénario et la réalité établit un « coût net évité » correspondant au plafond de la compensation autorisée. La Commission européenne a validé cette méthodologie de calcul.

Des mécanismes de remboursement en cas de surcompensation des missions d'intérêt général constatée par la commission financière de l'AFP, une fois les comptes de l'année clos et audités, sont également prévus par le contrat d'objectifs et de moyens, conformément aux engagements pris par l'État envers la Commission européenne. En 2016, la commission financière de l'AFP a constaté l'absence de surcompensation pour l'année 2015, ce qui n'est guère étonnant puisque, au contraire, les missions d'intérêt général n'ont alors été compensées par l'État qu'à hauteur de 96 %, ce qu'avait regretté votre rapporteur pour avis.

En revanche, la trajectoire de compensation des missions d'intérêt général s'est éloignée, dès 2016, de celle prévue au contrat d'objectifs et de moyens . Du fait des difficultés rencontrées par l'Agence à équilibrer son budget dans un contexte de la crise des médias et de concurrence internationale effrénée, une dotation supplémentaire de 1,6 million d'euros a été accordée en 2016 par rapport aux 105,8 millions d'euros prévus , permettant in extremis à l'Agence de présenter un budget en équilibre à son conseil d'administration.

L'effort supplémentaire de l'État se poursuit en 2017 pour accompagner l'Agence dans une période critique de son développement, avec une compensation des missions d'intérêt général de 110,8 millions d'euros inscrits au projet de loi de finances, contre 106,2 millions d'euros en application du contrat d'objectifs et de moyens .

Votre rapporteur pour avis salue l'engagement sans faille de l'État aux côtés d'une agence nationale à la rentabilité vacillante , même si, compte tenu de la rigidité de la réglementation européenne, le niveau du soutien public risque de demeurer tragiquement inférieur aux besoins d'investissement de l'AFP.

Outre le contrat d'objectifs et de moyens, la convention d'abonnement entre l'État et l'AFP a été signée le 29 septembre 2015, sur la base d'une refonte des prestations d'abonnement des services publics à l'AFP, désormais clairement distinctes des missions d'intérêt général . À cet effet et dans un souci général d'économie, l'État a défini ses besoins en fils d'information, à l'aune des changements survenus dans son organisation et son fonctionnement depuis la mise en place de la convention d'abonnements de 1958. Ces besoins ont été identifiés, administration par administration ; ils correspondent aux fournitures strictement nécessaires au bon fonctionnement de l'État , tant en administration centrale que dans les services déconcentrés.

Au total, plus de 1 100 services de l'État (administrations centrales, services déconcentrés, réseau international) reçoivent les informations de l'AFP. L'abonnement de l'État aux services de l'Agence est valorisé selon les grilles tarifaires habituelles de cette dernière, exception faite d'une remise de quantité de 20 %, tenant compte de la masse agrégée de l'ensemble des abonnements de l'État.

La valeur annuelle du contrat, intégrant le rabais de quantité, est de 21,7 millions d'euros par an pour la période 2015-2018 . Ce montant est confirmé par convention annuelle avec l'Agence, là encore pour respecter le principe de l'annualité budgétaire.

Pour 2017, la dotation de l'État à l'AFP s'établira à 132,5 millions d'euros, soit 45 % des crédits du programme 180 « presse et médias » , se partageant, comme indiqué précédemment, entre 110,8 millions d'euros de compensation et 21,7 millions d'euros d'abonnements . La réévaluation de 5 millions d'euros par rapport à 2016 vise à permettre à l'Agence de faire face à une situation commerciale dégradée et à la régularisation de situations sociales et fiscales chaotiques de personnels à l'étranger.

b) Une révolution copernicienne des méthodes de travail

Au-delà de la prise en compte budgétaire de l'évolution statutaire de l'Agence, le contrat d'objectifs et de moyens 2014-2018 fixe des objectifs ambitieux destinés à permettre à l'AFP de renouer avec la croissance et de maintenir ses positions dans un contexte commercial hautement concurrentiel. Il s'agit de compenser au mieux la régression constante de son activité traditionnelle de production de textes (- 16,8 millions d'euros entre 2009 et 2015), malmenée par la révolution numérique qui en limite l'attrait pour ses clients.

En particulier, les objectifs n° 2 « enrichir la production pour mieux répondre aux besoins en image » et n° 4 « accroître le rayonnement international », atteints respectivement à 95 % et 50 % de leur cible pour l'année 2015, engendrent de profonds bouleversements des outils et de méthode de travail et nécessitent d'importants investissements .

La production vidéo de l'Agence affiche des résultats supérieurs à l'objectif fixé par le contrat d'objectifs et de moyens, selon le bilan de ce dernier pour l'année 2015 rendu public le 21 juillet 2016, et atteint 15,6 % de croissance de son chiffre d'affaires pour s'établir à 9 % du chiffre d'affaires .

En 2015, ce sont 265 vidéos produites en moyenne par jour , pour une cible à 220, dont 90 % de production propre, vendues à 164 chaînes de télévision clientes en continu et à 225 chaînes achetant les vidéos à la pièce. Les couvertures live ont en particulier connu une forte croissance avec 1 217 couvertures en direct, dont 51 % de source propre, lorsque le contrat d'objectifs et de moyens en prévoyait seulement soixante. En outre, 79 infographies et vidéographies ont été produites en moyenne par jour en 2015, toutes de source propre, et une offre régulière d'infographie interactive a été lancée en septembre 2016.

Nombre de photographies, vidéos, infographies ou vidéographies
diffusées en moyenne chaque jour

Source : AFP Forum

Nombre de clients vidéo sur le marché numérique (web, mobile)

Source : Rapport d'activité 2015 au conseil supérieur de l'AFP

Nombre de couvertures vidéo en direct par an

Source : Rapport d'activité 2015 au conseil supérieur de l'AFP

Ce succès a été soutenu par la mise en oeuvre d'importants moyens supplémentaires : outre 4,5 millions d'euros d'investissements techniques et en matériels , vingt-deux emplois ont été affectés à la vidéo, six emplois à une nouvelle cellule consacrée au live et trois emplois à l'infographie interactive. Il est cependant dommageable que la migration de la production vidéo vers le système rédactionnel (projet Iris), initialement prévue fin 2015, ne soit intégralement effective qu'au début de l'année 2017.

S'agissant du développement de la production à l'international , le contrat d'objectifs et de moyens a prévu une croissance annuelle moyenne de 4 %. Il s'agit, dans un marché de l'information fortement déprimé, d'atténuer l'attrition du chiffre d'affaires français et, dans une moindre mesure, européen.

« Organisme d'information à rayonnement mondial » selon son statut, l'Agence dispose de 343 point de présence, dont 138 bureaux physiques, à l'étranger. Elle produit quotidiennement en six langues , tous supports confondus : français, anglais (l'AFP dispose de plus de deux cents collaborateurs anglophones), espagnol, portugais, allemand et arabe. Son multilinguisme et la finesse de son maillage territorial représentent des éléments de distinction majeurs par rapport à ses concurrents historiques Associated Press (AP) et Reuters.

En vue de poursuivre le développement du réseau, un bureau a été ouvert à Doha en janvier 2016 puis en Corée du Nord à l'automne, l'AFP devenant, après AP en 2012, la seconde agence de presse étrangère à s'établir dans ce pays d'ordinaire peu hospitalier. Elle est également la seule agence à suivre l'armée irakienne dans la bataille de Mossoul.

A l'appui de son objectif stratégique de développement international, l'Agence a augmenté de 23 postes ses effectifs à l'étranger par redéploiement de sa masse salariale et régularisation juridique et sociale pigistes, notamment en Afrique, Asie et Amérique latine, et investi 2,9 millions d'euros pour l'entretien de son réseau (infrastructures, bureautique, sécurité des journalistes avec des gilets de protection).

L'international représente 58 % des recettes commerciales de l'Agence en 2015 , contre 57 % en 2014, et cette proportion ne cesse d'augmenter. La croissance, comme la répartition desdites recettes est toutefois très variable d'une zone à l'autre . Pour l'année 2015, si l'Afrique (+ 16 %) - continent ayant récemment bénéficié du lancement d'un service vidéo hebdomadaire - et l'Amérique du Sud (+ 12 %) ont enregistré des scores particulièrement satisfaisants, le Moyen-Orient n'a affiché qu'une augmentation de 1 %, tandis que les marchés d'Amérique du Nord et d'Asie entraient en récession (- 1 %).

Répartition des recettes commerciales 2015 par pays (%)

Source : AFP - Synthèse de l'expert-comptable auprès du comité d'entreprise
- Sept. 2016

Les deux objectifs centraux du contrat d'objectifs et de moyens que représentent le développement de la vidéo et le renforcement du réseau à l'international sont retranscrits dans le « bleu budgétaire » . Ainsi, l'indicateur 1.1 de l'action n° 1 du programme 130 consacrée à l'AFF traite-t-il du « développement de produits et de marchés à fort potentiel de croissance ». Il prend en compte la trajectoire du chiffre d'affaires de la vidéo : (15,1 millions d'euros en prévision budgétaire et 14,9 millions d'euros en prévision actualisée pour 2016, puis 16,8 millions d'euros en 2017 pour une cible prévue par le contrat d'objectifs et de moyens à 15,6 millions d'euros). Pour ce qui concerne le chiffre d'affaires produit dans les régions extra-européennes, avant rétrocessions aux partenaires, il devrait s'établir à 54,3 millions d'euros selon les prévisions actualisées pour 2016, puis à 54,9 millions d'euros en 2017, pour une cible à 62,4 millions d'euros déterminée selon une trajectoire de taux de change moyens réels de 2014.

c) Un engagement remarquable des salariés

Outre la modernisation de son offre, l'Agence a réalisé un effort considérable sur la maîtrise de ses charges. Avec seulement 1 % d'augmentation en 2015 à 281,8 millions d'euros , l'AFP demeure dans l'épure ambitieuse de son contrat d'objectifs et de moyens.

L'indicateur 1.2 de l'action n° 1 du programme 180, intitulé « croissance des charges », traite de l'évolution des charges d'exploitation brutes de l'Agence, qui devrait s'établir à 0,7 % selon la prévision actualisée pour 2016, puis à 0,5 % en 2017, année où le contrat d'objectifs et de moyens prévoyait une absolue stabilité.

Les personnels, qui, avec plus de 2 300 collaborateurs dont 1 570 journalistes, représentent 76 % des charges d'exploitation, paient un lourd tribut à la politique d'austérité menée , notamment en France. Ainsi, si les dépenses liées au personnel local, dont la proportion augmente au sein de la masse salariale, croissent de 4,8 % en 2015, celles du siège sont en repli de 1,1 %.

Structure des charges d'exploitation en 2015 (en millions d'euros)

Source : Rapport financier 2015, entretien direction AFP du 07/07/2016

Effectifs* (AFP + filiales) par type de contrat entre 2012 et 2015

Source : AFP - Synthèse de l'expert-comptable auprès du comité d'entreprise - Sept. 2016

La comparaison des bilans sociaux des années 2002, année faste où 79 créations de postes avaient été enregistrées en application des accords de réduction du temps de travail, et 2015 fait apparaître la suppression de cinquante postes de droit français , dont dix-sept de journalistes. Parallèlement, le réseau de bureaux sur le territoire national a été considérablement réduit.

L'année 2015 a vu la mise en oeuvre de la décision, prise en 2014, d'appliquer les règles de prise stricte de congés et de s'assurer de la légitimité et du suivi rigoureux des récupérations, permettant de diminuer significativement la dotation pour congés non pris et de réduire le recours aux contrats à durée déterminée en planifiant par services les prises de congés.

En 2016, l'AFP a mis en place un outil de gestion des temps et des activités pour l'ensemble des services du siège , qui sera par la suite étendu aux bureaux de province et aux régions. Il vise à assurer un meilleur suivi des absences, des éléments variables de paie et de l'effectivité des services en vue de permettre un pilotage plus fin de la masse salariale.

En outre, afin de limiter les effectifs, soixante collaborateurs volontaires (32 en 2015 et 28 en 2016) ont bénéficié d'un dispositif temporaire d'accompagnement au départ en retraite , pour un coût de 1,5 million d'euros par an.

Au-delà des contraintes budgétaires et de leurs conséquences sur les effectifs, les relations sociales sont dégradées par les discussions, aussi houleuses que délicates, du nouvel d'accord d'entreprise de l'Agence, engagées depuis novembre 2013 et tendues depuis par la brutale dénonciation des 117 accords en cours (dont une cinquantaine étaient effectivement appliqués) deux ans plus tard.

Les négociations en cours, qui se clôtureront au plus tard le 8 février 2017 , date du délai légal de préavis, devront aboutir à un socle commun, à défaut duquel le texte de la direction s'appliquera unilatéralement, voire, dans un scénario extrême, le droit commun des conventions collectives des professions concernées, bien moins favorables de la réglementation interne de l'AFP.

Votre rapporteur pour avis, qui salue les efforts déjà réalisés par les personnels pour accompagner la restructuration de l'activité de l'Agence, appelle de ses voeux le règlement apaisé de cette négociation par un accord conforme tant aux contraintes budgétaires qu'à un traitement juste des personnels.

Il salue également les avancées de l'AFP en matière de déontologie. Après deux incidents majeurs survenus en 2015 - les annonces erronées des décès de Martin Bouygues en février et d'Henrique Vannier, bâtonnier de Melun, en octobre -, l'Agence s'est en effet dotée, le 12 avril 2016, de deux chartes déontologiques . La charte de l'AFP affirme en six points les principes d'équité, d'exactitude et d'impartialité au coeur de sa pratique et la charte des bonnes pratiques éditoriales et déontologiques les codifie en une série d'instructions précises (recommandations pour les différents types de couverture, usage des réseaux sociaux, gestion des contenus produits par des témoins, etc.).

B. DES PROBLÈMES RÉCURRENTS

1. Un endettement problématique
a) Une situation financière on ne peut plus fragile

L'année 2015 a été particulièrement difficile pour l'AFP , avec un niveau de chiffre d'affaires, hors dotation de l'État, plus faible qu'envisagé (172 millions d'euros de produits commerciaux contre 174,2 millions d'euros en 2014) et une marge d'exploitation en recul de 1,3 million d'euros à 12,8 millions d'euros. Le résultat net, négatif pour la troisième année consécutive, s'établit à 4,9 millions d'euros . Le contrat d'objectifs et de moyens est, sur ce point, loin d'être rempli.

Ce résultat est le reflet de l' attrition inévitable du chiffre d'affaires réalisé en France compte tenu de l'érosion constante du marché de la presse, accentué en 2015 par la perte du contrat photographique avec Le Point pour 400 000 euros.

La majorité des clients traditionnels de l'Agence que sont les éditeurs de presse, qui représentent 31 % de son chiffre d'affaires, rencontrent de graves difficultés économiques en raison de l'érosion continue du marché de l'information et des recettes publicitaires afférentes. Dès lors, comme le déplorait Emmanuel Hoog, président-directeur général de l'AFP lors de son audition, la paupérisation généralisée de la presse entraîne des négociations contractuelles de moins en moins favorables aux fournisseurs de contenus , agences de presse en tête : les délais de paiement s'allongent et les nouveaux contrats se négocient à la baisse ou prévoient, à coût constant, la fourniture de services supplémentaires. Or, le fil français en France représente, pour l'Agence, le seul créneau d'activité non concurrentiel.

Les perspectives sont également incertaines pour la production francophone hors de France , qui a enregistrée une diminution de chiffre d'affaires de 7 % en 2015, dont - 11 % pour le texte et - 12 % pour les contenus en ligne, heureusement contrebalancé par une croissance de 36 % de la vidéo, portée notamment par le développement de la TNT en Afrique.

Chiffre d'affaires des produits en français
(texte, vidéo, infographie, vidéographie) hors de France

Source : Rapport d'activité 2015 du conseil supérieur de l'AFP

La forte décroissance sur le texte en français est expliquée en grande partie par la perte, fin 2014, d'un contrat important avec l'Agence italienne ANSA, qui lui a préféré Reuters. Des contrats avec Bloomberg et le Dow Jones ont également été perdus par l'Agence, pour un total d'environ 1,5 million d'euros.

En revanche, les chaînes de télévision (29 % du chiffre d'affaires) demeurent un segment dynamique grâce au développement de l'offre vidéo de l'Agence. C'est également le cas des médias numériques (16 % du chiffre d'affaires).

L'année 2016 devait permettre à l'Agence de retrouver une trajectoire financière plus dynamique, en profitant en particulier du caractère exceptionnel d'une année cumulant l'Euro de football en France et les jeux olympiques à Rio . Lors de la construction du budget 2016, la direction avait ainsi anticipé une croissance de 3 % des produits d'exploitation tirés par les événements sportifs susmentionnés et par le développement commercial, porté par la vidéo et par l'international.

Il semblerait à ce jour qu' il n'en soit rien : le contrat prévu avec le portail chinois Sina n'a pas été signé, celui avec l'agence australienne a été perdu (900 000 euros) et l'espoir d'une récupération d'une partie des revenus du contrat avec Le Point s'est éloigné. Les plus pessimistes imaginent même un résultat négatif de 8,3 millions d'euros, compte tenu de la perte de 4,7 millions d'euros enregistrée sur les six premiers mois de l'année.

Les mauvais résultats commerciaux et l'augmentation limitée de la dotation de l'État ont pour conséquence, malgré les efforts réalisés sur les charges d'exploitation, un endettement inquiétant de l'Agence, dont la dette consolidée s'élevait à 71,5 millions d'euros en 2015 , crédit-bail sur le siège social et filiale AFP Blue compris. Le découvert ne cesse de croître pour atteindre 18,7 millions d'euros en 2015.

Évolution de l'encours des dettes financières de l'AFP à fin d'année

(en millions d'euros)

Source : AFP - Synthèse de l'expert-comptable auprès du comité d'entreprise - Sept. 2016

Votre rapporteur pour avis estime que la dégradation prévisible de la trésorerie, compte tenu des remboursements d'emprunts à réaliser - chaque année, l'AFP rembourse 3,7 millions d'euros d'emprunt et 1,2 million d'euros d'intérêts -, nécessite une renégociation des échéanciers , notamment au regard des sommes importantes à rembourser au début de l'année 2018 (plus de 8 millions d'euros au titre de l'emprunt d'AFP Blue auprès d'une banque privée), puis, plus tardivement en 2027 avec l'arrivée à l'échéance de la dotation de l'État, devenue prêt de la Caisse des Dépôts et Consignations, de 20 millions d'euros accordée pour la première phase de déploiement d'Iris.

À cet état des lieux financièrement douteux s'ajoute un risque juridico-fiscal préoccupant . Si l'Agence s'est fort heureusement lancée depuis 2010 dans une démarche de régularisation de ses personnels à l'étranger au regard des législations locales, un risque social et fiscal coûteux demeure au titre des années passées, notamment en Israël, en Russie, en Grande-Bretagne, en Inde et sur le continent latino-américain. Le résultat net de l'AFP est ainsi grevé depuis plusieurs années par des provisions pour risques exceptionnels (1,9 million d'euros en 2015 par exemple).

Cette situation a conduit la direction de l'Agence à communiquer sur le sujet au conseil d'administration du 2 février 2016. Un montant de 6 millions d'euros a été évoqué comme coût supplémentaire annuel de la régularisation. En réalité, il semblerait que ce chiffre soit plus proche de 10 à 12 millions d'euros , sans préjudice d'éventuels contentieux, comme l'admet le conseil supérieur de l'Agence lui-même dans son rapport au Parlement en date du 30 juin 2016. Des avocats ont été engagés par l'Agence afin de chiffrer plus précisément le risque encouru, qui devrait courir sur dix à quinze ans.

En tout état de cause, il apparaît à votre rapporteur pour avis que, si le coût des régularisations devenait financièrement insupportable pour l'Agence au point de mettre en péril la mise en oeuvre de ses missions, l'État serait forcé d'intervenir en soutien.

b) Le choix risqué de la filialisation

Compte tenu de son statut juridique sui generis , sans capitaux et sans actionnaire , l'AFP ne peut se financer sur les marchés, ce qui obère sa politique d'investissement.

La constitution, le 1 er janvier 2015, de sa filiale de droit privé AFP Blue a permis de contourner cette difficulté, comme le préconisait Michel Françaix en 2014 dans les conclusions de son rapport au Gouvernement sur l'avenir de l'AFP.

Société par actions simplifiée unipersonnelle, au capital social de 33.1 millions d'euros, AFP Blue est une filiale à 100% de l'AFP. Elle a été dotée en capital par apports en nature composés d'actifs matériels et immatériels correspondant d'une part à divers équipements et d'autre part à des licences de logiciels et des développements informatiques externes et internes relatifs à la gestion commerciale et au nouveau système rédactionnel de l'AFP (projet Iris).

Deux contrats entre l'AFP et sa filiale, valables dix ans, ont été signés le 8 janvier 2015 afin de formaliser l'ensemble des obligations et services attendus des parties.

Les engagements d'AFP Blue ont été précisés dans un contrat de prestation de services , couvrant notamment la mise à disposition d'applications informatiques et de moyens techniques opérés ou gérés par la filiale dans le domaine du numérique. Afin qu'AFP Blue puisse remplir pleinement sa mission et garantir l'exploitation des systèmes et matériels qui lui ont été cédés, un contrat d'assistance et de gestion traite, pour sa part, de la fourniture de prestations d'assistance et de gestion selon des modalités techniques et financières précises.

À cette même date, une convention de prêt a été signée avec :

- une banque commerciale pour un montant de prêt de 5 millions d'euros ;

- la Caisse des Dépôts et Consignations, au titre du programme des investissements d'avenir, pour un montant total de prêts, sur dix ans, de 16 millions d'euros débloqués en trois tirages . Un premier versement a eu lieu le 15 janvier 2015 pour un montant de 6 millions d'euros, puis un deuxième versement a été effectué le 14 avril 2016 après fourniture par AFP Blue d'un ensemble de documents conformément aux engagements contractuels ;

- BPI France pour un montant de prêt de 5 millions d'euros.

Le 11 mars 2015, Stéphane Guérillot a été nommé directeur général d'AFP Blue, puis, en mai de la même année, le comité stratégique, organe collégial interne chargé de contrôler les orientations de l'activité de la société et de veiller à leur mise en oeuvre, a été constitué.

L'année 2015 a été consacrée à l'insertion d'AFP Blue dans le fonctionnement du groupe et à la mise en place des procédures techniques et administratives permettant d'assurer la continuité de service et le lancement des développements prévus au contrat d'objectifs et de moyens :

- la définition et la mise en oeuvre des règles à observer dans les directions de l'Agence s'agissant des achats de biens et/ou de services ;

- la cession des investissements réalisés en 2014 et au début de l'année 2015 avant la mise en place des outils et procédures d'achat pour AFP Blue, et correspondant à des équipements, systèmes, licences et développements entrant dans son périmètre d'activité ;

- la gestion et l'organisation, avec les principaux éditeurs et fournisseurs concernés, de la cession et du transfert des licences logicielles et/ou des contrats de maintenance et de support des matériels apportés ou cédés à la filiale ;

- la mise en place, pour les commandes et les facturations, des règles, normes, documents et contrats nécessaires au fonctionnement de la filiale dans ses relations avec ses fournisseurs et ses clients.

Le transfert de plusieurs contrats de maintenance et de support liés à l'utilisation de licences logicielles n'a pu être effectué qu'en 2016, essentiellement pour des raisons techniques ou à cause de la complexité des opérations gérées chez les éditeurs qui, en principe, refusent le transfert des droits liés à leurs licences logicielles.

Les investissements de 2015 - 13,1 millions d'euros - ont été réalisés dans le respect des enveloppes initiales mais avec un arbitrage donnant la priorité aux investissements relatifs à la vidéo , conformément à la lettre du contrat d'objectifs et de moyens. Par ailleurs, une partie des investissements nécessaires à la couverture des événements spéciaux de l'année 2016 (Euro de football et Jeux olympiques) ont été réalisés en 2015 par anticipation.

Pour 2016, les priorités d'investissement ont été reconsidérées autour d'un double objectif : le lot 3 du système Iris avec la mise en place de la chaîne de production et de traitement vidéo et la fiabilisation d'AFP Forum, base de données en ligne, comme des outils de livraison clients.

Structure des investissements

(en %)

Source : AFP - Synthèse de l'expert-comptable auprès du comité d'entreprise - Sept. 2016

Selon les informations dont disposent votre rapporteur pour avis, les sommes d'ores et déjà dépensées par la filiale n'auraient pas toutes été consacrées à des investissements, car une partie non négligeable aurait été consacrée à des études et pré-projets.

Le conseil supérieur regrette, pour sa part, le peu d'informations disponibles , dans le rapport d'activité de l'AFP, sur les investissements réalisés par sa filiale en 2015 et sur la trajectoire envisagée pour les années à venir. Cette transparence lacunaire est d'autant plus dommageable que le plan d'affaires d'AFP Blue à l'horizon 2025 apparaît très ambitieux : 79 millions d'euros prévus mais un résultat net à l'équilibre en 2017 puis bénéficiaire à compter de 2018 jusqu'à atteindre 19 millions d'euros en 2025. Or, ces prévisions optimistes reposent sur une capacité d'autofinancement obtenue dès 2018 grâce à des recettes commerciales innovantes dont le contenu n'est nullement connu à ce jour.

Votre rapporteur pour avis ne peut également s'empêcher de rappeler, au regard du poids de la dette d'AFP Blue sur celle de l'Agence, combien la solution de la filialisation avait semblé dangereuse à votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Philippe Bonnecarrère, son rapporteur pour la loi du 17 avril 2015 susmentionnée, avait ainsi estimé à l'époque : « il s'agit là d'une déconsolidation pure et simple de la dette. Sachant que cette filiale ne pourra compter que sur une redevance de l'AFP, il est clair que c'est l'entreprise mère qui aura à faire face aux échéances de prêts , au prix de frais de TVA supplémentaires. Voilà un choix techniquement audacieux et c'est un euphémisme » . Espérons que l'avenir le fera mentir lorsque se réaliseront les promesses du plan d'affaires.

2. Une stratégie incertaine
a) Le sport est-il vraiment le bon cheval ?

Dans le cadre de son contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2014-2018, l'AFP s'est fixé comme objectif n° 3 « développer l'information sportive pour devenir un acteur majeur ». Il s'agit aussi bien de tirer profit d'un secteur porteur - le marché du sport a enregistré une croissance annuelle de 3,4 % sur la décennie passée - que de valoriser la production texte, vidéo et photo de l'Agence sur un créneau facilement identifiable par la clientèle. De fait, l'AFP, agence de presse généraliste, ne proposait jusqu'à présent nulle spécialisation que ses principaux concurrents avaient su de longue date offrir : l'information financière pour Reuters et l'actualité nord-américaine pour AP.

Selon le bilan de l'application du contrat d'objectifs et de moyens pour l'année 2015, le chiffre d'affaires de l'information sportive a cru de 12 % hors événements spéciaux , pour un objectif fixé de 2,5 % de croissance moyenne annuelle. Mais il ne représente toujours que 7 % du chiffre d'affaires de l'Agence.

Cette même année, un poste de coordinateur sport-vidéo et un poste de chargé de mission événements spéciaux ont été créés , sur un total de dix emplois à déployer sur le sport d'ici 2018.

Comparaison du nombre d'ETP consacrée à la mission éditoriale Sport
entre 2014 et 2015

Source : Rapport d'activité 2015 du conseil supérieur de l'AFP

L'Agence a développé des produits innovants pour consolider son offre sport : un fil vidéo sport en anglais et en français a été ouvert en avril 2016, après de lancement d'une interface de programmation dédiée en 2015. D'ici la fin de l'année 2016, une plateforme ciblant les clients hors média, en particulier l'industrie du sport, proposera des contenus publicitaires ou promotionnels diffusés via le réseau. En outre, à l'occasion des Jeux olympiques de Rio, un nouveau live multimédia, incluant textes, photos, tweets, éléments data et vidéos, a été mis en place.

Néanmoins, et votre rapporteur pour avis s'en étonne, la réalité semble bien en-deçà des effets d'annonce , comme s'en sont fait l'écho les représentants des syndicats lors de leur audition. Ainsi, alors qu'en février 2016, le conseil d'administration avait autorisé le rachat de la société Infoplum, une start-up australienne spécialisée dans l'exploitation des données numériques liées au sport présentée comme un actif stratégique pour le développement de nouveau produit, le projet a finalement été abandonné.

En outre, le traitement des Jeux olympiques s'est soldé par une déconfiture désolante avec seulement 1,3 million d'euros de recettes engrangées pour 2,8 millions d'euros investis. Pire, les photographies de l'Agence n'ont pu être distribuées aux clients pendant plusieurs heures lors de la cérémonie d'ouverture. Cet exemple malheureux confirme l'analyse livrée par Martin Ajdari, directeur général des médias et des industries culturelles au ministère de la culture et de la communication, à votre rapporteur pour avis lors de son audition : le sport est si coûteux à produire que sa rentabilité, tous médias confondus, est plus qu'incertaine.

Par ailleurs, il est regrettable que la mise en place annoncée d'un outil de suivi du chiffre d'affaires sport et des moyens qui y sont associés ait pris du retard. Sans remettre en cause la pertinence de la stratégie choisie, le conseil supérieur, dans son rapport au Parlement, indique à cet égard partager les préoccupations de la commission financière de l'Agence quant à la faiblesse des outils de pilotage et de gestion de l'entreprise.

b) Des objectifs commerciaux irréalistes ?

L'avenir de l'Agence passe également, et surtout, par la recherche de nouveaux clients. Logiquement, la direction a donc lancé en 2016 un ambitieux plan de relance commerciale sobrement intitulé « 1 000 nouveaux clients » , cet objectif devant être atteint en cinq ans. Il s'agit de se rapprocher de la puissance commerciale d'AP et de Reuters, qui comptent chacun environ 7 000 clients, contre 5 000 seulement pour l'AFP.

Ses modalités seront précisées au conseil d'administration à la fin de l'année 2016, mais il semble évident, compte tenu de l'attrition du marché de la presse française, que ces nouveaux usagers devront être recherchés, pour ce qui concerne le territoire national, auprès des médias audiovisuels et digitaux, mais également des entreprises et institutions , qui ne représentent aujourd'hui que 14 % du chiffre d'affaires de l'Agence, soit une proportion moindre que dans les autres grandes agences de presse internationales.

Répartition du chiffre d'affaires 2015 par marché

Source : AFP - Synthèse de l'expert-comptable auprès du comité d'entreprise - Sept. 2016

Les regards se tournent également vers l'étranger, où l'AFP doit maintenir son effort de développement , notamment auprès des chaînes de télévision, malgré la concurrence d'AP et de Reuters mais également de puissantes agences nationales comme Xinhua la chinoise et ses 6 000 journalistes, qui lui a récemment fait perdre de juteux contrats.

À cet égard, méritent d'être citées les inquiétudes dont le conseil supérieur de l'AFP fait état dans son rapport au Parlement en date du 30 juin 2016, et que votre rapporteur pour avis partage : « dès lors que la croissance repose désormais sur le chiffre d'affaires international, le conseil supérieur considère que le développement international doit être une des priorités absolues de la direction de l'Agence , afin notamment de développer son portefeuille de clients internationaux. Le conseil supérieur souhaite à ce titre souligner la nécessité d'un changement de culture et d'une montée en compétence des équipes commerciales , en particulier au niveau des directions régionales de l'Agence dans le monde. Il est primordial que ces équipes soient en capacité d'accroître la clientèle, rompant alors avec les habitudes du passé. Devant la nécessaire maîtrise des charges de personnel, la question d'un redéploiement d'effectifs vers la direction commerciale se doit d'être posée ».

Dans ce cadre, la création d'un poste de commercial en charge de l'Afrique francophone à Abidjan va dans le bon sens. En revanche, les crédits dévolus à la formation des 80 commerciaux, dont trente en France, - 3 566 euros en 2015 - apparaissent très largement insuffisants.

Parallèlement au plan de relance commerciale et afin de conserver son portefeuille actuel, l'Agence a lourdement investi pour améliorer le suivi et la gestion de la relation client . Un portail technique permet désormais à chaque client de suivre chaque incident et chaque intervention du service informatique (outil ITSM - information technology service management ). En outre, un outil de gestion de la relation client (CRM - customer relationship management ) sera déployé au début de l'année 2017.

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Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 180 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017 .

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017 .

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 23 NOVEMBRE 2016

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication examine les rapports pour avis sur les programmes « Presse », « Livre et industries culturelles », « audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » et « audiovisuel extérieur » de la Mission « Médias, Livre et industries culturelles ».

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M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse » . - Les années passent, le constat demeure : le marché de la presse papier, victime d'un vieillissement de son lectorat et de la fuite de ses recettes publicitaires, s'érode inexorablement. En 2015, pour la huitième année consécutive, il affiche une perte de 3 % en valeur, pour établir son chiffre d'affaires à 7,5 milliards d'euros.

Il serait pourtant inutilement pessimiste de limiter notre analyse à une oraison funèbre car les éditeurs, soutenu par l'État, ont su réagir et moderniser leur offre, malgré une rentabilité encore vacillante. La mutation digitale de la presse représente son avenir, même si elle ne compense pas encore les pertes de revenus traditionnels compte tenu d'un prix d'abonnement inférieur à celui proposé pour les versions imprimées et de recettes publicitaires limitées bien qu'en croissance continue.

Le présent projet de budget s'attache, sur le programme 180 « presse et médias », doté de 294,3 millions d'euros dont 127,8 millions d'euros d'aides à la presse, à accompagner la presse dans sa mue, en consacrant davantage de moyens au soutien aux projets de modernisation tout en renforçant les aides aux titres les plus fragiles et les plus malmenés par une révolution numérique qu'ils ont peine à accompagner.

Dans un contexte de concentration des entreprises de presse, de paupérisation des rédactions où pigistes et stagiaires remplacent trop souvent les journalistes salariés comme c'est le cas, à titre d'illustration, de la rédaction de L'Obs, d'une crise de confiance à l'égard des médias et de concurrence des réseaux sociaux qui ne manque pas d'inquiéter, la presse représente un enjeu de société et de démocratie, qui dépasse le cadre d'un projet de loi de finances et nous oblige à la réflexion tout autant qu'à la responsabilisation.

D'un point de vue budgétaire, le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), une première fois réformé en 2014, poursuit, avec le décret du 26 août 2016, son adaptation aux besoins des éditeurs : son champ d'application est étendu à davantage de titres et, surtout, le taux de subvention des projets est relevé à 40 % voire à 70 % pour les entreprises émergentes qui souhaitent innover. 27,4 millions d'euros y seront consacrés en 2017. Parallèlement, est créé, en application du même décret, un fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, doté de 5 millions d'euros en 2017 pour subventionner des programmes d'incubation et des bourses pour les médias émergents.

Ces initiatives doivent évidemment être saluées, même si, en termes d'aides à la presse, un déséquilibre considérable demeure entre les montants dont bénéficie la presse imprimée et les aides destinées à la presse en ligne. À titre d'illustration, sur 108 millions d'euros d'aides directes distribués en 2015, 93 % ont été attribués au support papier. En 2017, avec le renforcement des aides à la modernisation, cette proportion tombera à 75 %, signe d'une lente mais nécessaire adaptation de notre arsenal budgétaire en faveur de la presse aux défis de demain.

S'agissant du soutien au pluralisme, qui, vous le savez mes chers collègues, me tient particulièrement à coeur, le présent projet de budget opère également un effort louable avec l'élargissement à l'ensemble des périodicités de l'aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale en application du décret du 26 août 2016 précité. 1,47 million d'euros y sont inscrits pour 2017, qui s'ajoutent, au bénéfice du pluralisme, au 1,4 million d'euros de l'aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces et, surtout, aux 13,2 millions d'euros de l'aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires déjà ambitieusement réformée l'an passé. Certes, les crédits consacrés à ces dispositifs semblent modestes en comparaison d'autres aides à la presse, mais ils n'en demeurent pas moins indispensables à la survie des titres concernés.

L'originalité du présent projet de loi de finances, pour ce qui concerne les aides à la presse inscrites au programme 180, s'arrête ici. Pour le reste, les enveloppes de l'an passé sont reconduites pour 2017, notamment pour ce qui concerne l'aide au portage (36 millions d'euros), dont la réforme ne cesse d'être annoncée sans jamais intervenir, et son appendice l'exonération des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et les porteurs de presse (16,9 millions d'euros). Il en va de même de l'aide à la distribution de la presse (18,8 millions d'euros au bénéfice de Presstalis) et de l'aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale (1,6 million d'euros correspondant à l'accompagnement par l'État des plans sociaux intervenus par le passé dans les imprimeries). En revanche, l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse est portée à 6 millions d'euros, soit une augmentation de 2,3 millions d'euros. Sachant que le revenu moyen d'un marchand de journaux s'établit à 11 000 euros bruts par an et que le réseau enregistre la fermeture d'environ 1 000 points de vente par an, c'est peu de dire que le coup de pouce est utile.

Les kiosquiers bénéficieront également d'une augmentation de 0,7 point de leur commission, troisième étape de la revalorisation de leur rémunération décidée par le Conseil supérieur des messageries de presse le 1 er juillet 2014. Je m'en réjouis, comme je me réjouis qu'enfin, après des années d'efforts et au prix d'une casse sociale considérable, la société Presstalis affiche des résultats moins inquiétants avec un résultat d'exploitation à 2,1 millions d'euros en 2015, qui pourrait atteindre 5,1 millions d'euros cette année, nonobstant des capitaux propres lourdement négatifs. Le soutien de l'État et des éditeurs, les économies drastiques opérées par la direction et les sacrifices des salariés, dont le nombre a été divisé par deux en dix ans, ont payé.

Mon optimisme est nettement plus mesuré quant à l'avenir des Messageries lyonnaises de presse, victimes d'un changement brutal de gouvernance le 21 juin dernier et depuis soumises à la pression commerciale d'éditeurs souhaitant rejoindre Presstalis. Les engagements pris par la précédente direction en matière de mutualisation logistique avec Presstalis sont même remis en cause, au point que des voix s'élèvent pour que, dans ce contexte, la question de la fusion des deux messageries soit à nouveau examinée. Pour ma part, j'y suis plutôt favorable, dès lors que les inévitables conséquences sociales sont raisonnablement compensées et accompagnées. En tout état de cause, les négociations relatives aux barèmes, en cours dans chacune des messageries et avec les autorités de régulation, devront être l'occasion, pour chacun, de se responsabiliser et de donner aux messageries les moyens de fonctionner convenablement.

J'aborderai enfin l'épineux dossier de l'Agence France-Presse, doté, au titre du programme 180, de 132,5 millions d'euros, soit 5 millions supplémentaires, correspondant à 110,8 millions d'euros de compensation pour charges de service public et à 21,7 millions d'euros d'abonnements destinés aux administrations.

Je suis particulièrement inquiet à la lecture des chiffres qui m'ont été transmis - le résultat net, négatif pour la troisième année consécutive, s'établit à - 4,9 millions d'euros en 2015, le chiffre d'affaires commercial se rétracte et la dette consolidée atteint 71,5 millions d'euros -, comme de la teneur des auditions menées sur ce dossier, où transpiraient les tensions sociales et les inquiétudes pour l'avenir de l'Agence. En effet, dans un contexte de concurrence internationale exacerbée, à l'heure où un risque supérieur à 10 millions d'euros plane sur l'AFP au titre de la régularisation juridico-fiscale de ses personnels à l'étranger et où, dès 2018, des échéances de prêts pèseront un peu plus sur les comptes de l'Agence, comment croire qu'une spécialisation en « sport », domaine peu rentable pour n'importe quel média, puisse « sauver » l'Agence » ? J'en doute moi-même beaucoup et j'appelle de mes voeux un sursaut de réalisme de la part de la direction et un soutien renforcé de l'État.

Les difficultés rencontrées par la presse en matière de pluralisme, d'indépendance et de liberté, méritent plus qu'un effort budgétaire, certes louable, mais une ambitieuse réforme des aides allouées au secteur. Compte tenu de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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M. David Assouline - Je suis profondément attristé que nous n'ayons pas l'occasion de discuter de ces questions d'importance majeure en séance publique cette année. En dépit de nos divergences politiques, nous partageons tous, au sein de cette commission, un fort intérêt pour la culture et les sujets culturels. Le débat budgétaire en séance est généralement l'occasion d'expliquer les enjeux culturels à nos collègues des autres commissions. Il est regrettable que nous nous privions de cette opportunité, sans compter les risques que l'adoption d'une question préalable fait peser sur l'image du Sénat, dans un contexte de montée des discours populistes sur l'inutilité du rôle du Parlement, du Sénat en particulier.

Dans ces conditions, j'espère que l'Assemblée nationale votera l'augmentation de la redevance pour l'audiovisuel public, conformément au souhait de la ministre de la culture et de la communication, sur laquelle nous n'aurons pas la possibilité de nous prononcer, alors que je veux croire que nous aurions pu voter de concert. Elle permettra de sanctuariser une part des crédits dédiés à l'audiovisuel dans un contexte budgétaire menaçant avec la suppression de la publicité pendant les émissions télévisées destinées à la jeunesse et les incertitudes sur les projets à venir.

M. Louis Duvernois . - Je tenais à saluer la précision et la densité des rapports qui nous ont été présentés. En tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de France Médias Monde, j'ai été particulièrement sensible au rapport à la fois complet et fidèle à la réalité que Claudine Lepage nous a fait de l'audiovisuel extérieur. Je suis cependant surpris que n'ait pas été mentionnée la question de la diffusion de France 24 et de RFI sur le territoire national, pourtant évoquée par la présidente de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, lors de son audition devant notre commission la semaine dernière. France Médias Monde a d'ores et déjà décidé de cette orientation, mais il me paraîtrait nécessaire que nous l'appuyons dans cette démarche, d'autant que des difficultés techniques apparaissent dans l'attribution des fréquences pour la diffusion sur le territoire.

Mme Corinne Bouchoux . - Saluons le travail des rapporteurs, même s'il est effectué davantage pour la gloire dans le contexte particulier des conditions de discussion du projet de loi de finances cette année.

Ce travail a notamment permis de nous éclairer sur plusieurs problématiques.

Sur le budget de l'audiovisuel public, j'ai été sensible aux propos de Jean-Pierre Leleux concernant le nouveau regard à porter sur les ressources au travers de la question de la publicité.

Sur la presse, je me réjouis d'entendre que des évolutions dans la restructuration des prestataires paraissent possibles et que la fusion entre les deux messageries de presse ne constitue plus un tabou, dès lors que les obstacles sociaux auront été levés.

Sur l'audiovisuel extérieur, je remercie Claudine Lepage pour son éclairage concernant le travail fait par Mme Saragosse et M. Bigot respectivement en faveur de France Médias Monde et de TV5 Monde.

Pour compléter le rapport de Colette Mélot, je souhaitais rappeler que c'est à l'occasion d'une audition d'une mission d'information de notre commission que nous avions repéré, dès 2015, que les sommes dues aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ne pouvaient leur être versées par la Hadopi en l'absence de texte réglementaire se référant à la compensation des opérations qu'ils mènent pour l'institution. Je me réjouis que le Conseil d'État ait mis un terme au contentieux entre les FAI et la Hadopi à ce sujet. Pour autant, se pose toujours la question du modèle économique de la Hadopi.

Si notre vote avait pu véritablement être pris en compte, le groupe écologiste se serait prononcé en faveur des crédits de la mission, tant nous nous félicitons du soutien aux livres, à l'audiovisuel extérieur, à l'audiovisuel, à la presse et aux kiosquiers que permettent les crédits.

M. Jean-Léonce Dupont . - Le travail fourni pas nos rapporteurs n'est pas inutile car il nous a apporté un précieux éclairage sur les évolutions et les enjeux des secteurs. Pour apprécier particulièrement cette chaîne, je me félicite ainsi d'apprendre le développement des programmes inédits sur Arte. Néanmoins, comme notre vote porte sur l'ensemble de la mission et non sur chacun des programmes, le groupe UDI-UC votera contre les crédits de la mission.

M. Jean-Pierre Leleux . - Je souscris aux propos de Jean-Léonce Dupont. Si je me félicite plutôt des évolutions concernant France Médias Monde et Arte, je suis plus réservé concernant la situation de France Télévisions : c'est pourquoi je n'ai d'autre choix que de m'abstenir sur les crédits de cette mission, car mes avis diffèrent selon les programmes.

Par ailleurs, il est faux de dire que nous n'aurons pas de débat budgétaire cette année en séance : plusieurs heures de débat sont prévues, au cours desquelles nous pourrons nous exprimer et porter les couleurs de la culture dans l'hémicycle.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur . - Je n'ai effectivement pas abordé dans ma présentation les questions liées à France 24 et RFI car je les évoquerai dans quelques instants en vous présentant le projet de COM de France Médias Monde.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles » . - Quelques mots pour saluer, une nouvelle fois, les efforts réalisés par les professionnels du livre et de l'édition au cours des dernières années. Je souhaite rappeler que je n'ai pas exprimé une position négative concernant les crédits du programme « livre et industries culturelles ». Quant au débat budgétaire, je partage les propos de Jean-Pierre Leleux : du temps a été ménagé pour nous permettre de nous exprimer en séance publique. Bien sûr, nous ne pourrons pas autant présenter en séance le fruit de notre travail que d'autres années, mais travailler pour la gloire peut aussi apporter quelques satisfactions !

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse » . - Pour revenir à la question de la distribution mentionnée par Corinne Bouchoux, j'ai évidemment parlé de la possible fusion entre les Messageries lyonnaises de presse et Presstalis. Mais cette fusion n'est pas la seule option. J'évoque un certain nombre de pistes de mutualisation des moyens dans mon rapport écrit, que vous pouvez consulter.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nos travaux sont loin d'être inutiles car il en restera des traces, avec le compte rendu de notre réunion de ce matin et la publication prochaine des rapports pour avis. Concernant l'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public, je dois dire que je n'y suis pas favorable tant qu'une réforme structurelle de la redevance n'aura pas été opérée au préalable et que le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) n'aura pas été entièrement réaffecté au financement de l'audiovisuel public.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP)

M. Jean-Pierre ROGER, président

M. Guy DELIVET, directeur général

Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR)

M. Jean VIANSSON-PONTÉ, président du SPQR et de l'Union de la presse en Région

Mme Haude D'HARCOURT, conseillère chargée des relations avec les institutions

Groupe La Poste

M. Nicolas ROUTIER, directeur général du courrier

Intersyndicale de l'Agence France Presse (AFP)

M. Philippe FAYE, CGT

M. David ESNAULT, SNJ-CGT

Éditeurs de la presse quotidienne nationale

M. Louis DREYFUS, président du directoire , Le Monde

M. Laurent JOFFRIN, directeur de la rédaction et de la publication , Libération

M. Silvère MAGNON, Secrétaire Général, co-directeur de publication , L'Humanité

Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN)

M. Denis BOUCHEZ, directeur

Syndicat national des journalistes (SNJ)

M. Claude CÉCILE, secrétaire général

Mme Dominique PRADALIÉ, secrétaire générale

Ministère de la culture et de la communication - Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC)

M. Martin AJDARI, directeur général des médias et des industries culturelles

M. Frédéric HABOURY, chef du bureau du régime économique de la presse et des métiers de l'information

Agence France Presse

M. Emmanuel HOOG, président-directeur général

M. Fabrice LACROIX, directeur général

Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP)

M. Roch-Olivier MAISTRE, président

La Semaine

M. Jean-Pierre JAGER , fondateur du journal et directeur de la publication

ANNEXE

Audition de Mme Audrey Azoulay,
ministre de la culture et de la communication

MERCREDI 9 NOVEMBRE 2016

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Madame la ministre, je suis très heureuse de vous accueillir pour la première fois pour la traditionnelle audition budgétaire, un moment privilégié d'échanges autour des grandes orientations des différentes politiques publiques. Nous avons tous apprécié, tous groupes confondus, l'excellent travail de coopération réalisé, grâce à votre écoute, lors de l'examen du volumineux projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, aboutissant à une loi satisfaisante capitalisant sur les avancées de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Nous examinerons successivement les missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Je suis également heureuse de me retrouver devant votre commission, avec laquelle j'ai plaisir à travailler.

En cette semaine particulière d'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre dernier, je tiens à souligner que nous avons fait le choix de porter haut le budget de la culture, pour lui donner des moyens importants, à l'instar des autres grandes priorités du Gouvernement : la jeunesse, l'éducation, l'emploi et les domaines régaliens.

Les Français ont montré qu'ils ne voulaient pas renoncer à la culture : cet été, ils ont été plus nombreux que d'habitude dans les festivals sur vos territoires et ont montré ce besoin de se retrouver autour des propositions d'artistes. Les journées européennes du patrimoine ont également remporté un grand succès.

Ce projet de loi de finances renforce la place de la culture et la rend toujours plus accessible. Ainsi, nous élargissons les horaires des bibliothèques, chère Sylvie Robert. Le Président de la République a pour objectif qu'un enfant scolarisé sur deux puisse avoir accès à un enseignement artistique et culturel à l'école. C'est le sens de notre priorité donnée à l'éducation artistique et culturelle, de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine et de celle visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, ainsi que des valeurs que nous défendons dans les actions du ministère avec les professionnels de la culture. Dans le cadre légal du dialogue avec les partenaires sociaux, nous avons conclu le 28 avril un accord historique sur le régime des intermittents du spectacle, entré en vigueur par décret le 1 er août dernier. Le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle, le FONPEPS, sera doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement. C'est le sens aussi des accords sur la production audiovisuelle, appelés de vos voeux, des accords sur la diversité cinématographique signés à Cannes et des accords sur le renforcement du soutien à la création indépendante ou sur les aides à la musique.

Ce budget est en hausse de 5,5 %, soit l'une des plus fortes hausses que le ministère ait connue et cette augmentation concerne toutes ses composantes. Ainsi, le budget de la culture dépasse le seuil symbolique de 1 % pour atteindre 1,1 % du budget de l'État, et ce, sans aucun artifice. Nous avons respecté le périmètre défini depuis plus de trente ans, c'est-à-dire la mission « Culture », les programmes 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » et 334 « Livre et industries culturelles » et la dotation générale de décentralisation, la DGD, pour les bibliothèques - bien qu'elle soit portée par le ministère de l'intérieur.

Nous défendons quelques orientations claires : s'adresser aux jeunes générations, investir dans les territoires et soutenir la presse et les médias. En sus du budget, lors du comité interministériel du tourisme, le Premier ministre a annoncé lundi dernier que 5 millions d'euros supplémentaires provenant du Fonds interministériel de prévention de la délinquance financeront des investissements de sécurité des grands opérateurs culturels. Ils s'ajoutent aux 9 millions d'euros prévus dans le PLF pour la sécurité des opérateurs et aux 73 emplois supplémentaires prévus dans trois établissements publics. Le Fonds d'urgence au spectacle vivant, créé à la suite des attentats du Bataclan et abondé en juin 2016 pour renforcer la sécurité des grands festivals d'été, se verra également doté de 4 millions d'euros supplémentaires. Bonne nouvelle pour le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), qui gère ce fonds, nous allons intervenir pour que le plafond de recettes de la taxe parafiscale ne soit pas bloquant, afin qu'il ne perde pas le surplus de recettes cette année.

Je suis fière de ce budget, qui traduit notre ambition pour la culture. La mission « Culture » sera dotée de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement, 2,91 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 6,2 %. Sa principale priorité est la jeunesse. Entre 2012 et 2017, l'effort financier pour l'éducation artistique et culturelle a été multiplié par deux, grâce à un budget en 2017 en hausse de 12 %, pour atteindre 64 millions d'euros et financer de nombreuses opérations. Une initiative nouvelle, « Création en cours », se développe dans certains départements, avec le ministère de l'éducation nationale, pour que des résidences de jeunes artistes diplômés des écoles d'art se tiennent dans des classes de CM1, CM2 ou sixième, notamment dans les zones les moins favorisées en termes d'offre culturelle.

Le réseau d'enseignement supérieur Culture, d'une centaine d'écoles, forme 10 000 étudiants par an, avec un taux d'insertion de 80 %. Ses moyens seront renforcés à hauteur de 6 %, avec 276 millions d'euros en crédits de paiement. S'inspirant de financements par le mécénat ou de fondations, un appel à projets a été lancé pour inciter à la diversité de recrutement au sein de ces écoles, comme l'École de la Comédie de Saint-Étienne, le théâtre national de Strasbourg, le Conservatoire national supérieur ou l'École nationale des beaux-arts...

Deuxième priorité : ce budget élargit les horizons de la création dans les territoires, au plus près du public. Le budget de la création augmente de 4 % ; 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant, en sus du soutien renforcé déjà accordé en 2016 aux compagnies, aux labels et aux résidences d'artistes, et donc à l'indépendance, aux ateliers de fabrique artistique, sur l'ensemble du territoire et notamment en milieu rural. Nous lançons des projets innovants comme « Micro Folies » porté par l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette et déployé à la fin de cette année, le développement de l'établissement public de coopération culturelle de Clichy-Montfermeil ou les conventions signées entre les quartiers prioritaires d'Île-de-France et certains établissements publics, grâce à des crédits de la politique de la ville en Île-de-France. C'est un exemple réussi à généraliser. Les moyens des arts visuels sont accrus de 9 % en crédits de paiement, pour atteindre 77 millions d'euros, et de 33 % en autorisations d'engagement, à 90 millions d'euros, afin de soutenir la photographie - trop peu soutenue actuellement - grâce à la commande publique.

Troisième priorité : remettre la culture au coeur de notre quotidien. Des partenariats sont signés avec les collectivités territoriales dans le cadre des contrats de développement culturel, s'ajoutant à une soixantaine de pactes initiés en 2015 avec des villes et des intercommunalités. Dix nouveaux pactes seront signés en 2016. Les crédits déconcentrés, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), progresseront de 7 %, avec particulièrement 1,5 million d'euros dédiés à l'action culturelle en milieu rural.

Nous participons à la rénovation d'équipements importants, comme la Comédie de Saint-Étienne, le centre de création contemporaine Olivier-Debré à Tours, la Maison de la culture à Bourges - longtemps attendue -, le théâtre des Amandiers à Nanterre ou l'École nationale supérieure de la photographie d'Arles. Je citerai aussi le chantier de la Cité du théâtre dans les ateliers Berthier à Paris.

Nous investirons dans le numérique grâce au programme d'investissements d'avenir de troisième génération lancé par le Président de la République.

Nous voulons protéger et valoriser un patrimoine exceptionnel, vivant et plébiscité, par une augmentation de 4 % du budget dédié : 318 millions d'euros pour les monuments historiques, 360 millions d'euros pour les musées, 29 millions d'euros pour les archives et 32 millions d'euros pour l'architecture. Les crédits transférés aux collectivités territoriales augmenteront de 1 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement, avec un geste fort sur le programme 175, dont les autorisations d'engagement augmentent de 6 %. Je rectifie une erreur de saisie sur l'action 4 du programme 175 : les transferts aux collectivités ont progressé entre 2016 et 2017. Les moyens du CMN, le Centre des monuments nationaux, en fonctionnement et en investissement, augmenteront de 8 % entre 2016 et 2017. Au total, les crédits du programme 175 augmentent de 4 %.

Les musées ont connu des difficultés en raison de la baisse de fréquentation touristique consécutive aux attentats. Sur les trois premiers trimestres de 2016, les trente plus grands opérateurs ont connu une chute de fréquentation de 16 %, avec un fort impact sur les recettes mais aussi sur leurs dépenses en raison des dépenses de sécurité supplémentaires; d'où les mesures décidées lors du comité interministériel du tourisme, ainsi que dans le PLF pour 2017. Les crédits de paiement pour les musées de France augmentent de 6 %, les engagements de 8 % et les crédits pour les acquisitions de 12 %. Nous respecterons tous les schémas directeurs des musées et lancerons le nouveau schéma directeur du Centre Pompidou, avec une augmentation de sa dotation en fonds propres de 5 millions d'euros en crédits de paiement et de 18 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Une réflexion « musée du XXI e siècle » est en cours sur la place du musée, ses rapports avec le public, afin de construire un musée citoyen et participatif. Les conclusions devraient être connues avant la fin de l'année.

Les musées et monuments historiques sont partenaires du projet « les portes du temps » pour accueillir enfants et jeunes durant les vacances, que nous cherchons à dynamiser.

Le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) augmente de 5 %, pour atteindre 707 millions d'euros en 2017, afin de financer les réformes comme les aides à l'export et les aides aux cinémathèques sur l'ensemble du territoire. Nous apporterons également des aides pour le documentaire et la réforme des cinémas d'art et d'essai. Ce budget donne donc toute sa place à la culture dans les priorités du Gouvernement.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, pour le programme 175 « Patrimoines » . - Je me félicite de l'augmentation des crédits pour les monuments historiques, mais quelles mesures concrètes l'État prendra-t-il pour garantir leur bonne exécution ? Plusieurs rapports ont relevé une sous-consommation de ces crédits ces dernières années : les collectivités et les entreprises en ont un besoin impérieux, car près d'un millier d'emplois ont été perdus par les entreprises du Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques. Avec la réforme territoriale et le regroupement des DRAC au sein des nouvelles régions, nous craignons de nouveaux ralentissements pour la consommation des crédits.

Vous avez annoncé que le pourcentage des crédits reversés par l'État sur les successions en déshérence à la Fondation du patrimoine passerait de 50 % à 75 %. Le décret sera-t-il publié avant la fin de l'année ?

Comment expliquer que la subvention du CMN s'établisse à 17 millions d'euros en 2017, alors que l'État s'était engagé sur une subvention de 30 millions d'euros lors du transfert de la maîtrise d'ouvrage et que les réserves constituées par le CMN dans un fonds de roulement sont désormais quasiment épuisées ? Le CMN gère de très grands monuments et est essentiel pour les entreprises spécialisées et le tourisme.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de M. David Assouline, je présenterai ses questions sur le cinéma et sur la création.

L'an passé, le Gouvernement a renforcé ambitieusement le crédit d'impôt en faveur du cinéma et de l'audiovisuel avec des résultats remarquables. Toutefois, au-delà des aides fiscales, le financement du cinéma est largement porté par les chaînes de télévision et notamment par Canal+. Les difficultés financières annoncées par le groupe conduisent la chaîne à renégocier ses engagements et à demander des assouplissements en matière de chronologie des médias. Qu'en pensez-vous ? Jusqu'où faut-il aller pour sauver Canal+ ?

Le 14 septembre dernier, la Commission européenne a dévoilé son projet de révision de la directive du 22 mai 2001 relative au droit d'auteur. Si certaines propositions vont dans le bon sens, notamment au bénéfice des éditeurs de presse, d'autres mesures inquiètent, en particulier en matière de territorialité des droits. Que pensez-vous du projet présenté ? Comment la France va-t-elle se mobiliser pour faire valoir ses positions ?

Comment expliquer la persistance d'un tel écart entre les crédits alloués au spectacle vivant et ceux alloués aux arts plastiques, alors qu'il y a un réel besoin de structuration du secteur et que les établissements d'arts plastiques font face à des charges de structure croissantes ?

Pourquoi ne pas envisager la mise en place d'aides ciblées en direction des jeunes photojournalistes, dans le cadre d'une refonte des aides à la presse, pour faciliter le renouvellement de la profession ?

Vous nous avez indiqué revenir sur le plafonnement de la taxe au sujet duquel deux amendements ont été rejetés, à l'Assemblée nationale, pour financer les aides distribuées par le CNV, instrument vertueux indispensable pour la diversité artistique et la création. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de M. Jean-Claude Luche, je présenterai ses questions sur la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture.

Comment expliquer qu'aucun mécanisme de compensation ne soit prévu pour l'exonération des étudiants boursiers dans les écoles d'art territoriales, alors qu'il s'agit d'une politique sociale définie par l'État ? Quelles sont les mesures prévues pour rapprocher le statut des enseignants des écoles d'art territoriales de celui des enseignants des écoles nationales, que le projet annuel de performances définit comme une priorité, mais pour lequel aucune enveloppe spécifique n'est prévue ?

Pour les conservatoires, comment garantir que le nombre de places offertes aux prochains concours d'assistant territorial d'enseignement artistique et de professeur d'enseignement artistique de la fonction publique territoriale compense l'absence d'organisation de ces concours sur une base régulière, comme c'était le cas auparavant ?

Certains critiquent le manque de transparence dans l'attribution des crédits entre les différents conservatoires par les DRAC et l'application apparemment inégale des nouveaux critères d'intervention de l'État par les DRAC. Des mesures comme la rédaction d'un vade-mecum sont-elles envisagées pour garantir aux conservatoires une certaine prévisibilité dans l'allocation des crédits ? J'ajoute que la somme consacrée aux conservatoires n'est pas revenue à son niveau initial...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Le rythme de consommation et la capacité de consommation et d'engagement des crédits de la DRAC en faveur des monuments historiques (MH) ont été moins dynamiques au début de l'exercice 2016 qu'auparavant, en raison de la mise en place de la réforme territoriale, non encore achevée. Plus de 60 % des crédits MH des DRAC sont destinés à des monuments historiques qui n'appartiennent pas à l'État et qui nécessitent donc des plans de financement mobilisant de nombreux acteurs. Nous avons rattrapé ce lent début d'année. Au 7 novembre, 80 % des crédits destinés aux monuments historiques avaient été consommés, sachant que les deux derniers mois de l'année consomment généralement 25 % des crédits annuels. Nous suivons donc un bon rythme et essayons d'éviter l'annulation de crédits en cours de gestion.

Le produit de la quote-part que reverse l'État à la Fondation du patrimoine sur les successions en déshérence était en baisse par rapport aux années précédentes, ce qui était préoccupant pour la Fondation du patrimoine, qui réalise un travail indispensable. Nous nous sommes engagés à augmenter la quote-part que reverse l'État à la Fondation à 75 %. Le décret a été publié le 5 novembre, exprès pour vous !

M. Philippe Nachbar . - Merci de votre délicate attention !

M. Jean-Louis Carrère . - Bravo, monsieur Nachbar !

Mme Audrey Azoulay, ministre . - L'effort budgétaire de l'État pour le CMN est très important en 2017, sa contribution augmentant de 8 %, passant de 25,4 millions à 27,4 millions d'euros, dans le cadre du plan pluriannuel entre le ministère et le CMN, mis à jour avec la direction générale du patrimoine, pour plus de visibilité et de priorité des travaux réalisés. C'était particulièrement important alors que la restauration de l'hôtel de la Marine va commencer et que le CMN a assuré la réouverture de la villa Cavrois de Mallet-Stevens à Croix. L'évolution du périmètre du CMN a pour corollaire une augmentation des dépenses de fonctionnement et un résultat d'exploitation négatif. Cependant, le fonds de roulement, qui s'élevait à 64 millions d'euros fin 2015, devrait compter 38 millions d'euros fin 2016 pour assurer une stabilité de l'établissement.

Nous menons des discussions soutenues avec Canal+ sur i-Télé et sur sa contribution à l'industrie cinématographique. Une convention, suivie par, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), a été signée pour cinq ans avec le monde du cinéma et prévoit un double mode de calcul, assis sur le chiffre d'affaires et le nombre d'abonnés. Canal+ souhaite faire évoluer ses offres commerciales et donc le calcul de l'investissement dans le cinéma. Les professionnels du cinéma et le ministère de la culture regardent cela avec attention et ne négocieront un changement de cette convention qu'en cas d'assurance du financement de Canal+ en contrepartie de la licence cryptée qui lui est attribuée.

Nous avons travaillé durant deux ans sur la territorialité du droit d'auteur dans le cadre de la réforme du droit communautaire pour répondre à la Commission européenne, qui souhaitait instaurer un marché unique numérique avec de nombreux projets de textes comme un règlement sur la portabilité, un règlement réformant la directive sur le câble et le satellite, un projet de réforme de la directive relative aux services de médias audiovisuels, un autre réformant la directive sur le droit d'auteur et deux textes sur les exceptions handicap au droit d'auteur, issus du traité de Marrakech. En 2014, des projets inquiétants de la Commission remettaient en cause la territorialité des droits d'exploitation ; pour préfinancer une oeuvre, les producteurs pré-vendent des droits d'exploitation sur chacun des territoires, constituant le préfinancement, qui garantit la diversité : on peut ainsi financer des oeuvres non seulement par les parts de marché, mais aussi sur une part de risque distribuée selon les territoires. Nous avons défendu nos positions durant deux ans et sommes rassurés par les textes de la Commission de ces derniers mois. Ceux-ci font droit à nos propositions de respect du droit d'auteur, de reconnaissance de la diversité culturelle, de territorialité des droits, de respect de l'oeuvre par la portabilité des abonnements dans une formulation mieux sécurisée, de responsabilité de nouveaux diffuseurs sur Internet - par une meilleure prise en compte des plateformes dans la diffusion des oeuvres, d'intégration de ces plateformes dans le champ de la régulation audiovisuelle, de création d'un nouveau droit voisin pour les éditeurs de presse, afin de rééquilibrer les relations avec les géants d'Internet.

Nous avons fait remonter au vice-président de la Commission, M. Ansip, nos mécontentements sur l'extension du principe du pays d'origine à certains services numériques dans le cadre de la réforme de la directive « câble et satellite ». La majorité des États membres sont opposés à cette extension, porte d'entrée pour remettre en cause la territorialité des droits. Pour gagner en influence, j'ai préparé la position française pour le prochain Conseil des ministres de l'Union européenne de novembre avec l'Allemagne et l'Italie.

Près de 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant et 61 millions d'euros aux arts visuels au sein du programme 131, mais la dotation destinée aux arts visuels augmente de 9 %, soit deux fois plus que celle pour le spectacle vivant. Au total, les crédits pour les arts visuels ont augmenté de 12 % depuis 2012. En 2017, un investissement de 17 millions d'euros en autorisations d'engagement est prévu en faveur du Centre national des arts plastiques (CNAP) afin de relocaliser ses réserves, actuellement situées à La Défense, en raison de la fin de leur bail emphytéotique en 2018, et pour remédier à une localisation peu optimale, tant pour le financement que pour la conservation des oeuvres. Nous attendons l'avis du Conseil de l'immobilier de l'État sur les différents lieux identifiés.

Nous consolidons les institutions de référence comme les Fonds régionaux d'art contemporain, qui viennent récemment d'ouvrir leurs portes pour leur anniversaire, les centres d'art ou le musée du Jeu de Paume, qui réalise un travail remarquable dans le domaine de la photographie, et nous avons lancé une commande publique sur la photographie. Des efforts sont réalisés sur les écoles supérieures d'art et concernent donc les arts plastiques. Au total, les crédits pour les arts visuels s'élèvent à 150 millions d'euros.

La taxe affectée au CNV est plafonnée par une mesure transverse concernant de nombreux opérateurs. Mais les dépenses du CNV sont intrinsèquement liées à ses recettes et liées au marché sur lequel opère le CNV. Il y aurait une contradiction à faire jouer le plafond et que les sommes écrêtées reviennent au budget de l'État, alors que les dépenses sont générées par ces recettes. Nous avons débattu avec Bercy, qui maintient sa doctrine de plafonnement des recettes, tandis que nous défendons la réalité économique et sectorielle. Le compromis trouvé pour remonter le plafond sera présenté en projet de loi de finances rectificative pour que l'établissement public conserve l'intégralité de l'augmentation de la taxe.

Mme Maryvonne Blondin . - Automatiquement ? Ce serait vertueux...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Vous avez raison. Soyez-y attentifs !

Mme Sylvie Robert . - C'était très important !

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Le ministère de la culture finance 40 millions d'euros de bourses pour les étudiants en école d'art en 2017, en hausse par rapport à 2016, et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) finance des bourses sur critères sociaux dans tous les établissements. Dans certaines écoles, des dispositifs spécifiques favoriseront la diversité dans les promotions. Le Gouvernement veut créer un statut spécifique des professeurs d'écoles d'art territoriales pour reconnaître leurs missions d'enseignement supérieur et de recherche, équivalentes aux missions des professeurs des écoles nationales, et réévaluer la grille indiciaire et les conditions d'accès à ce nouveau cadre. Nous n'avons pas encore chiffré ces mesures, qui prendraient effet fin 2017. Un projet de décret sur la recherche est en cours, associant les représentants des écoles territoriales supérieures d'art et des écoles nationales.

L'État augmente le financement des conservatoires - sans revenir à leur niveau initial - de 3,5 millions d'euros, pour atteindre 17 millions d'euros. Toutes les dispositions ont été prises pour que les quatre critères d'intervention de l'État dans le financement des conservatoires soient élaborés avec les collectivités territoriales et précisés par une circulaire du 10 mai 2016 : mise en oeuvre d'une tarification sociale, renouvellement des pratiques pédagogiques, accompagnement de la diversification de l'offre artistique, encouragement des réseaux et des partenariats. Ce texte a aussi ouvert le droit, pour des conservatoires souvent implantés en zone rurale, de bénéficier d'une aide de l'État qui n'existait pas en 2012.

M. André Gattolin, rapporteur spécial de la mission « Culture » . - Malheureusement, nous ne débattrons pas en séance publique des missions budgétaires, même si Vincent Eblé et moi-même présenterons notre rapport spécial sur la mission « Culture ». Vous vous en doutez, mes questions sont d'ordre financier. Quelles sont vos prévisions sur la part croissante des dépenses de personnel du ministère de la culture à la suite du plan Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) au sein de la hausse affichée du budget de la culture ? Avez-vous des détails sur le véhicule de financement du programme de travaux du Grand Paris ? Si la subvention exceptionnelle ne dépend pas du ministère de la culture, qui la portera ? Je n'ai rien vu dans le programme d'investissements d'avenir (PIA)...

Avec Colette Mélot, je suis, au sein de la commission des affaires européennes, les sujets du numérique et de la culture. Un projet de directive européenne prévoyant la neutralité fiscale de la TVA pour la presse et le livre sur tous les supports, numériques ou matériels, devrait être déposé à la fin du mois. Qu'en pensez-vous, sachant que la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France sur sa loi portant à 7 % la TVA sur le livre numérique ?

Mme Françoise Férat . - Sans être obnubilée par l'archéologie préventive, je m'interroge sur la budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), en 2017. En 2015, 1 692 diagnostics ont été réalisés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), soit 81 % d'entre eux, contre 19 % par les collectivités territoriales. Or la ventilation de la RAP ne correspond pas à cette répartition. Pour quelles raisons l'INRAP devrait, comme en 2016, percevoir 73 millions d'euros, contre seulement 10 millions d'euros pour les collectivités territoriales ?

Mme Sylvie Robert . - Le groupe socialiste et républicain est satisfait de l'augmentation du budget de la culture, qui atteint le seuil symbolique de 1,1 % du budget de l'État, jamais atteint jusqu'alors, grâce à une augmentation de 5,5 %. Dans le contexte particulier de commémoration des attentats du 13 novembre, certains d'entre nous se sont réveillés groggy ce matin après les résultats de l'élection présidentielle américaine ; l'éducation et la culture sont des enjeux extrêmement importants pour l'émancipation individuelle et collective et pour le jugement critique et la liberté de choix. Dans notre société de tensions, de divisions, où la tentation du repli est forte, la reconnaissance et l'altérité sont très importantes. La culture y participe. Nous sommes satisfaits que l'investissement artistique et culturel soit une priorité. Nous sommes heureux d'examiner ce budget, même si nous ne pourrons pas le voter et en sommes frustrés.

Vos priorités sur la jeunesse, la création, l'équité territoriale et l'emploi sont essentielles.

Dans la ventilation budgétaire sur le terrain, assurons un égal accès à l'art et à la culture. Prévoir qu'un enfant sur deux puisse bénéficier d'un enseignement artistique et culturel est ambitieux. Nous avons lu la charte pour l'éducation artistique et culturelle signée à Avignon et suivons les travaux du Haut Conseil. Comment avez-vous négocié avec l'éducation nationale pour que cet enseignement soit pris sur du temps scolaire ?

Nous sommes satisfaits de l'augmentation de 7 % des crédits déconcentrés en DRAC. La directive nationale d'orientation comprendra des priorités : zones rurales, quartiers populaires ou prioritaires... Cette équité territoriale sera-t-elle spécifiée dans cette directive, eu égard aux différences de périmètre des grandes régions ? Le différentiel d'investissement entre Paris et le reste de la région d'Ile-de-France est-il un peu atténué ?

En application de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, nous attendons pour janvier des rapports sur les arts visuels, le spectacle vivant, le permis de faire, sur l'architecture ou le 1 % travaux publics, essentiels pour mesurer les différentes incidences budgétaires. L'article 1 er assure la liberté de création et l'article 5 évoque les labels. Envisagez-vous de développer ces labels et d'étendre les esthétiques - comme les marionnettes - et de consolider ce qui existe, notamment en revalorisant le plafond des SMAC, les scènes de musiques actuelles ? Depuis plusieurs années, les musiques actuelles ont été le parent pauvre du secteur culturel.

Mme Marie-Christine Blandin . - Les écologistes se réjouissent que le Gouvernement, à la suite de la loi, montre que la culture n'est pas une variable d'ajustement, même en période de tension budgétaire. Nous sommes aussi attentifs à l'emploi et à toutes les actions de consolidation du régime des intermittents, qui est fondamental.

Nos groupes ont des préoccupations communes, comme l'importance des musiques actuelles, pratiquées par un quart des Français - on est loin d'un quart du budget de la création ! Plus de 12 % des Français pratiquent collectivement un instrument ; c'est le lieu du lien et des rencontres de culture, ce qui nous manque en ce moment dans le monde. En moyenne, 102 000 euros sont consacrés à une SMAC, contre sept fois plus - 750 000 euros - pour une scène nationale. En dépit de la jeunesse du label SMAC, il ne faut pas s'arrêter à cette maigre part. Il est nécessaire de gonfler leurs subventions.

Vos annonces au sujet du CNV nous réjouissent. Je sais que vous avez fort à faire avec Bercy. Sachez que, pour notre part, nous avons fort à faire, à la fin du débat budgétaire, avec les représentants de la commission des finances, qui adorent le plafonnement... Moi qui suis contre ces plafonnements et qui préfère les mécanismes coopératifs, je me réjouis de votre astuce : respecter la règle, mais monter le plafond chaque fois que de besoin.

Je voulais vous signaler une anomalie que le Sénat aurait pu corriger si nous avions pu débattre de la première partie du projet de loi de finances. Aujourd'hui, la billetterie est en ligne et se trouve dans les mains de trois grands groupes - Live Nation, Vivendi et Vente-privée.com -, qui prennent 15 % du montant du billet des spectacles. Le comble, c'est qu'ils ne sont pas frappés par la TVA. La vente de billets doit être une des seules activités associées à la culture à n'être pas assujettie à la TVA. Celui qui fait le spectacle paie la TVA, pendant que les trois majors rackettent la culture et ne paient même pas d'impôt ! Je souhaitais vous signaler cette niche de recettes potentielle.

À propos des arts plastiques, notre collègue David Assouline a signalé que 90 % des crédits bénéficiaient au spectacle vivant. On peut aider les arts plastiques autrement que par le budget.

Il nous faudra quand même revenir sur la TVA applicable aux droits d'auteur, à 10 %, alors que tous les autres taux de TVA ont baissé.

Il faudra payer les artistes qui répondent aux appels d'offres, qui leur consacrent du temps de créativité, même si leur candidature n'est pas retenue.

Nous vous demandons, madame la ministre, un effort significatif sur le régime social de base et sur le régime complémentaire des artistes. Or le paritarisme est en panne depuis 2014, et le régime complémentaire est absolument intenable si des gens devaient payer ce pour quoi on les appelle.

Je vous remercie d'avoir mentionné les actions très positives menées en faveur des photographes. Qu'en est-il de la mise en oeuvre de l'amendement qui a été adopté, pour notre plus grand bonheur, à l'article 30 de la loi sur la liberté de la création, afin de donner un coût d'arrêt à l'impunité des spoliations réalisées via les moteurs de recherche ?

Enfin, nous avons inscrit dans la loi le principe d'une responsabilité partagée. Nous avons entendu comment vous souteniez les collectivités qui s'engagent, mais vous ne devez pas devenir le supplétif de celles qui se désengagent. Quand les territoires se dispensent de soutenir la culture, les artistes en appellent à l'État. C'est une catastrophe !

Mme Françoise Laborde . - Je suis moi aussi ravie que le budget alloué à la culture corresponde à plus de 1 % du budget global de l'État - proportion établie selon un mode de calcul identique depuis trente ans. C'est important de le relever.

Je m'associe aux questions de Sylvie Robert sur la jeunesse, l'éducation et la culture. Peut-être arriverons-nous un jour à vous auditionner en même temps que Mme la ministre de l'éducation nationale... Depuis la refondation de l'école, un certain nombre d'actions culturelles très importantes tournées vers les élèves se trouvent reléguées à la marge, sur du temps périscolaire.

Pour terminer, j'aimerais avoir quelques précisions sur la Cité du théâtre, qui touche aussi à la question des relations entre Paris et ce qu'on appelle - ou non - la province.

Mme Christine Prunaud . - Madame la ministre, je vous remercie, au nom de mon groupe, de votre intervention, très claire et très sereine.

Nous sommes plutôt satisfaits de constater une légère hausse du budget de la culture, même si, bien évidemment, nous demandons toujours plus. Disons que vous avez presque rattrapé le retard pris entre 2012 et 2015...

Je m'intéresse tout particulièrement à la jeunesse. À ce sujet, vous avez parlé de l'installation en résidence dans les établissements scolaires de jeunes artistes, diplômés d'écoles d'art. L'idée, dont j'entends parler pour la première fois aujourd'hui, est intéressante. J'aimerais avoir un peu plus de précisions sur ce projet : établissements concernés, financement, ligne budgétaire...

Par ailleurs, l'année dernière, nous avions interrogé votre prédécesseur à propos du concours que pourraient passer certains professeurs des conservatoires de musique pour intégrer la fonction publique territoriale. Nous n'avons pas obtenu de réponse.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je vais moi aussi commencer par me réjouir de l'augmentation significative - environ 4 % - des crédits alloués au patrimoine. C'est une excellente chose.

En tant qu'élue d'un territoire rural, je suis très attachée au maintien de la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine local. C'est un enjeu économique fort pour nos communes dans les territoires ruraux. Je tiens à saluer l'effort de l'État en ce sens, avec une augmentation sensible des crédits destinés aux opérations en région en faveur de la protection et de la restauration des monuments historiques. Ainsi, 60 % des crédits destinés au patrimoine monumental seront destinés aux opérations en région. Les DRAC bénéficieront quant à elles de 50 millions d'euros supplémentaires, soit une augmentation de 7 %, même si leur situation est parfois compliquée.

On note aussi, peut-être à la suite de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite « LCAP », du 7 juillet dernier une hausse de 30 % des crédits d'études destinées à soutenir les collectivités territoriales dans la création des sites patrimoniaux remarquables.

L'adoption de la loi LCAP a permis des avancées majeures en termes de clarification des rôles des différents acteurs de ce secteur, notamment l'INRAP, et du renforcement du contrôle scientifique de l'État. Nous avons tous dit que c'était une excellente chose.

En outre, rappelons que, dans le cadre du précédent exercice budgétaire, la budgétisation de la RAP, à hauteur de 118 millions d'euros, a permis une réelle et importante sécurisation du financement de l'archéologie préventive, en permettant à l'INRAP de bénéficier de ressources stables. Nous saluons le maintien, cette année, des fonds affectés à cette budgétisation, avec 119 millions d'euros pour 2017. L'action patrimoine archéologique s'élève ainsi à 133,9 millions d'euros en crédits de paiement.

J'insiste sur le fait que la sécurisation des outils de financement profite non seulement à l'INRAP, mais aussi aux collectivités territoriales et aux aménageurs, via le FNAP, le Fonds national pour l'archéologie préventive.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que, conformément aux engagements pris lors de la loi LCAP, cette budgétisation permettra de financer toutes les missions de l'INRAP liées à l'archéologie préventive ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » . - On ne peut que saluer l'effort que représente le budget pour 2017 de la culture, qui permet aux différents postes de retrouver un niveau correct. Il était temps, le quinquennat n'ayant pas été, sur ce plan, à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre.

Je veux évoquer la filière musicale. Ces dernières années, ce secteur a connu des chauds et froids, entre espoirs et déceptions, notamment autour du Centre national de la musique, projet qui a été abandonné au profit d'un concept de « maison commune », qui, au fond, n'a pas encore pu être bien structuré.

Comme vous le savez, les attentes sont fortes sur ce plan. Il existe même une forme de jalousie - le terme me dérange un peu - à l'égard de la filière du cinéma, compte tenu des efforts consentis en faveur de celle-ci. La musique et la chanson françaises sont des outils de promotion de notre pays à l'étranger qui méritent véritablement d'être soutenus, car elles portent en elles bien d'autres effets - culturels, voire économiques. J'ai relevé que les crédits du bureau export de la musique française ont été légèrement augmentés, mais dans des proportions qui n'ont rien à voir avec l'effort supplémentaire pour le cinéma.

Vous avez évoqué le plafond glissant - susceptible d'augmenter avec les recettes prévisionnelles - du CNV. Aujourd'hui, le plafond s'élève à 30 millions d'euros. Les perspectives de recettes pour cette année sont déjà bien supérieures, puisque l'on attend presque 32 millions d'euros. Pensez-vous, comme nous le souhaitons, que l'on va laisser au CNV ses propres recettes, dans une logique d'auto-alimentation du secteur, que la commission de la culture a toujours soutenue ? Il faut dire que nous n'aimons pas trop les plafonnements au profit de Bercy...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - M. Gattolin a évoqué les crédits de personnel au sein du budget. Sur la période 2012-2017, 18,5 millions d'euros auront été mobilisés pour le pouvoir d'achat des agents du ministère de la culture, dont 10 millions d'euros pour rattraper le retard de celui-ci, par rapport à d'autres départements ministériels, en matière indemnitaire - le décalage est réellement handicapant en matière de recrutements -, et 8 millions d'euros pour financer les effets indiciaires, liés à l'amélioration de la structuration des corps et de la carrière des personnels. Quatre priorités ont été assignées à la politique générale du personnel : travailler sur le statut d'enseignant-chercheur dans les écoles nationales supérieures d'architecture, dans le cadre d'un plan pluriannuel ; poursuivre le rattrapage catégoriel et statutaire indemnitaire des agents du ministère ; poursuivre la mise en oeuvre de la loi Sauvadet ; contribuer à la politique de recrutement par voie d'apprentissage - c'est important -, en se fixant des objectifs ambitieux.

Comme vous l'aurez constaté, il n'y aura aucune suppression nette d'emploi en 2017 au ministère de la culture, en rupture avec les années antérieures.

Vous avez également évoqué le Grand Palais, cet équipement exceptionnel dont nous avons la chance d'avoir hérité à la suite des expositions universelles du début du XX e siècle et que le monde entier nous envie. Tout récemment encore, à l'occasion de la FIAC, cet équipement, situé en plein centre de Paris et comparable à aucun autre, a suscité l'admiration. Cependant, on ne peut pas aujourd'hui en tirer le plein bénéfice. Certains espaces sont fermés, certaines mesures de sécurité ne sont pas prises, ce qui oblige l'établissement à fonctionner dans des conditions assez chaotiques. La dirigeante de l'établissement doit engager sa propre responsabilité lorsqu'elle ouvre certaines salles.

Nous voulons définir un projet ambitieux pour le Grand Palais, qui nous permettra de bénéficier pleinement de cette merveille et du Palais de la découverte, en créant, notamment, de nouvelles circulations. Ce projet a un coût élevé, estimé à 466 millions d'euros, dont 436 millions d'euros actualisés et 30 millions d'euros de frais financiers. Il est prévu qu'il soit financé par le ministère de la culture, à hauteur de 112 millions d'euros, par la RMN-GP, par emprunt, à hauteur de 150 millions d'euros et par une dotation exceptionnelle, via le PIA, à hauteur de 200 millions d'euros.

S'agissant de la RAP et de l'archéologie préventive, qui ont été évoquées par Mmes Férat et Monier, la réforme qui a mis fin à l'affectation de la taxe visait à résoudre des dysfonctionnements que vous aviez souvent relevés et auxquels les multiples réformes de la RAP menées depuis 2001 n'avaient pas permis de répondre.

Dans le PLF pour 2017, le principe demeure celui de la budgétisation, 119 millions d'euros sont inscrits sur le programme « Patrimoines », tandis que les recettes de la RAP sont versées au budget général. Les diagnostics de l'INRAP bénéficieront de 72 millions d'euros et les dotations en fonds propres de l'Institut s'élèveront à 1,6 million d'euros. La dotation de l'INRAP sera complétée par la mise en place d'une subvention pour charges de service public, à hauteur - inchangée - de 7,5 millions d'euros.

La loi de finances initiale pour 2016 a entériné un changement des modalités de financement public, avec cette budgétisation et la répartition suivante : sur 119 millions d'euros, 72 millions d'euros sont affectés aux diagnostics, 35,4 millions au FNAP, 10 millions d'euros au financement des diagnostics des collectivités territoriales et 1,6 million d'euros aux dotations en fonds propres de l'INRAP.

Le montant ventilé pour les diagnostics des collectivités territoriales est issu d'échanges avec l'ANACT, l'Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale. Il a reçu l'avis favorable du Conseil national d'évaluation des normes le 8 septembre dernier et du Comité des finances locales le 27 septembre dernier. Il a été doublé par rapport à l'année précédente.

J'en viens à l'éducation artistique et culturelle, qui fait partie de nos grandes priorités. Je rappelle que la charte pour l'éducation artistique et culturelle, ou charte EAC, a été élaborée par le Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle. Un plan d'action a été signé par Najat Vallaud-Belkacem et par moi-même cet été à Avignon. Les projets EAC sont définis selon trois principes : la rencontre avec l'artiste, la connaissance des arts et la pratique artistique. Pour la première fois, on reconnaît la doctrine de l'éducation par l'art.

S'agissant des coopérations avec le ministère de l'éducation nationale, sachez que la députée Sandrine Doucet a été chargée d'une mission visant à repérer l'ensemble des bonnes pratiques en la matière. Son rapport doit nous être remis d'ici aux prochaines semaines.

L'opération « Création en cours », commune au ministère de la culture et au ministère de l'éducation nationale, vise à installer de jeunes artistes auprès d'enfants scolarisés en CM1, en CM2 ou en sixième, dans des territoires où l'offre d'éducation artistique et culturelle est insuffisante. Nous avons lancé un appel à candidatures pour une centaine d'écoles et de collèges - une sera retenue dans chaque département -, en impliquant une centaine d'écoles supérieures qui interviennent sur la formation artistique et qui dépendent du ministère de la culture : la Fémis, les écoles d'art, les écoles d'architecture, les écoles nationales supérieures de théâtre, de marionnettes, de photos, les conservatoires. Les résidences dureront vingt jours au minimum et permettront un véritable dialogue entre les jeunes artistes, les élèves, les familles, les enseignants et l'ensemble de la communauté scolaire, au plus près de la création. Cette opération, financée sur les crédits du ministère de la culture, à hauteur de 1,75 million d'euros, débutera en janvier 2017. Pour l'année scolaire 2017-2018, 2 millions d'euros seront mobilisés.

Le statut des professeurs dans les conservatoires est un sujet de préoccupation ancien. L'organisation des concours ne relève pas du ministère de la culture, ni même de l'État. Elle est la prérogative du Centre national de la fonction publique territoriale. La révision des critères de classement des conservatoires et, dans le même temps, des schémas nationaux d'orientation pédagogique qui sont prévus par la loi LCAP devraient nous permettre de mieux cerner le niveau de qualification attendu pour ces professeurs et encourager l'ouverture de concours.

Pour ce qui concerne l'aménagement du territoire et le déploiement de ces moyens nouveaux, l'augmentation des moyens des DRAC est supérieure au taux directeur des moyens du ministère. Même si la directive nationale d'orientation 2016-2017 avait été établie avant que je ne prenne mes fonctions, des orientations très claires sont fixées aux DRAC, par écrit et par oral, leur demandant, pour chaque opération nouvelle et pour chaque euro nouveau déconcentré, de concentrer leur action là où l'offre est insuffisante, à savoir généralement dans les territoires ruraux et périurbains et les quartiers prioritaires. Nous le faisons systématiquement, pour toutes les opérations que nous lançons.

Les scènes de musiques actuelles sont essentielles à l'émergence des jeunes artistes, à la diffusion et à la création. Aujourd'hui, le réseau compte 97 structures. Il a bénéficié de 2 millions d'euros de mesures nouvelles pour achever le plan de développement lancé en 2011. L'effort total de l'État s'élève à près de 12 millions d'euros, dont 4 millions issus de la période 2011-2016. En 2017, ce plan sera parachevé avec quelques moyens complémentaires alloués, notamment, aux SMAC situés en milieu rural, en particulier en Haute-Saône et en Picardie.

La billetterie, activité de plus en plus concentrée sur deux ou trois grands groupes, et sur la participation des recettes qui en sont issues aux mécanismes généraux de péréquation ou de solidarité du secteur, constitue une vraie préoccupation. J'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer avec certains organismes de solidarité sectorielle, comme l'ASTP, l'Association pour le soutien du théâtre privé, ou le CNV. J'ai demandé à la direction générale des médias et des industries culturelles et à la direction générale de la création artistique d'y travailler. Il ne faudrait pas, en effet, qu'émerge un point de fuite, dommageable stratégiquement à la fois pour ces organismes de solidarité sectorielle et pour les sujets relatifs à la TVA. Nous y serons très attentifs. Il faudra peut-être s'inspirer de notre expérience dans le domaine du cinéma, pour lequel nous avions pris des mesures spécifiques avec Bercy.

Madame Robert, nous allons proposer la mise en place d'un label national pour la marionnette en 2017 et une augmentation des moyens consacrés à cette discipline.

Le projet de la Cité du théâtre a été présenté récemment au Président de la République. Ce projet doit prendre place aux ateliers Berthier, dans le nord-ouest de Paris, dans le quartier en complète rénovation des Batignolles, véritable « champ de grues ». Les ateliers Berthier sont des ateliers historiques, ceux de l'Opéra national de Paris, servant à la fabrication des décors et d'une partie des costumes. Une salle du théâtre de l'Odéon y est installée depuis déjà un certain temps.

L'idée est de consolider l'implantation, sur place, de l'Odéon, pour l'heure assez inconfortablement installé, d'y faire venir la Comédie-Française, qui, depuis plus de cinquante ans, réclame une salle plus moderne pour faire entrer dans son répertoire des esthétiques contemporaines, ce qu'elle fait déjà dans ses emprises actuelles, mais de façon moins adaptée, et de pouvoir loger, parce que le projet porte aussi sur la transmission, le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, qui pourrait ainsi quitter les locaux de formation quasi insalubres qu'il occupe actuellement - il garderait, en revanche, son petit théâtre. Ce bel ensemble réunirait donc l'Odéon, la Comédie-Française, le Conservatoire, de nouvelles esthétiques et une mission de transmission tournée vers la jeunesse, le tout dans un quartier en pleine mutation.

Cela implique aussi d'investir pour l'Opéra national, dans une partie de l'Opéra Bastille qui n'était pas complètement achevée, pour permettre que ce qui se faisait à Berthier se fasse aussi à Bastille, tout en offrant à l'Opéra national de nouvelles possibilités pour présenter de petites formes dans une salle adaptée et un espace dédié pour l'éducation artistique et culturelle.

Je terminerai en évoquant le bureau export de la musique française. Nous attachons une grande importance au rayonnement que peut apporter la musique, à travers l'export. Vous avez peut-être vu, récemment, Christine and the Queens à la une d'un grand magazine américain. Certains de nos artistes connaissent véritablement de très grands succès à l'étranger, raison pour laquelle nous avons très sensiblement renforcé notre effort en faveur du bureau export. Les crédits budgétaires ont déjà été augmentés de 500 000 euros en 2016. Nous amplifions cet effort en 2017, avec 125 000 euros supplémentaires, portant la subvention à 1,3 million d'euros. Si cet effort se poursuit en 2018, ce que j'espère, les moyens alloués à cette politique de rayonnement culturel majeure auront donc doublé en trois ans.

La comparaison avec le cinéma est parfois faussée, notamment parce que la politique du cinéma est financée par des taxes parafiscales. Les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes. Ces taxes sont bien moins importantes dans la musique. Cela dit, le secteur est conscient des efforts budgétaires réalisés, qu'il veut d'ailleurs lui-même contribuer à consolider, en apportant une contribution professionnelle supplémentaire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La semaine prochaine, nous rencontrerons Mme Jacqueline Eidelman, chargée d'une mission sur les musées du XXI e siècle. Nous pourrons évoquer avec elle un certain nombre de sujets.

Nous passons à l'examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », il vous est proposé de la doter de 573 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 571 millions d'euros en crédits de paiement, hors compte de concours financier pour l'audiovisuel public, qui, lui, bénéficiera de 3,93 milliards d'euros. Ce montant est resté inchangé à l'issue de la discussion de la première partie du PLF à l'Assemblée nationale, mais la répartition entre la contribution à l'audiovisuel public et la taxe sur les opérateurs de communications électroniques a été modifiée par rapport à la proposition du Gouvernement.

S'agissant de l'audiovisuel public, plusieurs réformes ont été faites durant ce mandat en faveur d'une plus grande indépendance du secteur : la réforme des modes de nomination des patrons des chaînes en 2013, la réforme du financement de l'audiovisuel public uniquement par impôts d'État et par une taxe en partie affectée, et non plus par crédits budgétaires de l'État.

Le projet de budget pour 2017 prévoit des moyens importants pour l'audiovisuel public, dont nous croyons qu'il a un rôle majeur à jouer en matière d'information, de création et, plus généralement, de cohésion sociale pour surmonter la crise que traverse aujourd'hui notre société.

Les 63 millions d'euros supplémentaires dédiés à l'audiovisuel public par rapport à l'année précédente permettront le respect des contrats d'objectifs et de moyens de l'Institut national de l'audiovisuel et de Radio France, le financement des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions, Arte et France Médias Monde et du projet de plan stratégique de TV5 Monde. Ils permettront également de financer un plan d'investissement sans précédent dans la création audiovisuelle par France Télévisions et Arte, à hauteur de 30 millions d'euros, et le lancement, prévu dans l'année, de France 24 en espagnol par France Médias Monde, ainsi que celui, déjà effectué, d'une nouvelle offre d'information en continu pour un coût additionnel, en sus des moyens mis en commun, de l'ordre de 14 millions à 15 millions d'euros. Ces crédits financeront enfin la poursuite des travaux de la maison de la radio, afin que ces investissements ne pèsent ni sur le budget de fonctionnement de Radio France ni sur l'offre publique radiophonique.

L'évolution du nombre de foyers redevables de la CAP, la contribution à l'audiovisuel public, permet une évolution spontanée de 13 millions d'euros, et l'indexation de la contribution sur l'inflation s'élève à 25 millions d'euros, soit une hausse globale de 38 millions d'euros. Le Gouvernement a considéré que c'était le meilleur moyen d'assurer un financement pérenne et indépendant des besoins de ces organismes en 2017. La proposition initiale, qui consistait à relever la CAP de 1 euro en sus de l'actualisation sur l'inflation, n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale.

S'agissant des crédits budgétaires de la mission « Médias, livre et industries culturelles », je citerai d'abord notre action en faveur du livre, qui s'appuiera en 2017 sur un budget de 260 millions d'euros en crédits de paiement. Beaucoup a été fait dans le domaine du livre depuis 2012. Je pense au plan d'aide aux librairies indépendantes, à l'opération destinée à la lecture pour la jeunesse - initiée l'an dernier, celle-ci a profité cette année à 500 000 enfants -, aux contrats territoires-lecture, qui seront près de 150 en 2017, soit 25 supplémentaires. Nous allons aussi aider pour la première fois les bibliothèques à élargir leurs horaires d'ouverture et donner des moyens supplémentaires à la Bibliothèque nationale de France, qui voit ses emplois stabilisés et sa dotation augmentée.

Dans le secteur du jeu vidéo, nous dépensons chaque année plus de 34 millions d'euros. Certains veulent aller plus loin. Il est vrai que cette industrie, qui a une dimension culturelle créative importante, est source de fortes synergies avec d'autres secteurs de la création audiovisuelle.

Dans le secteur de la musique, je rappellerai la création d'un fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique doté de 2 millions d'euros, la mise en place de l'Observatoire de l'économie de la musique pour 0,3 million d'euros et le renforcement du bureau export de la musique.

Pour les médias, deux fonds ont été créés en 2016 : le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, pour 4 millions d'euros, et le Fonds aux médias d'information sociale de proximité, pour 1,6 million d'euros. Les autres aides qui bénéficient d'une hausse dans ce budget sont l'aide au pluralisme de la presse locale et le Fonds stratégique pour le développement de la presse.

Vous citez une mesure importante concernant les diffuseurs et les marchands de journaux. Une mesure importante proposée pour 2017 et très attendue par la profession est l'exonération systématique de contribution économique territoriale pour tous les marchands de journaux indépendants, les kiosquiers. Un amendement gouvernemental sera déposé en ce sens au PLF 2017 dans le cadre des articles non rattachés.

Je sais que vous êtes aussi très attentifs aux radios associatives. Nous allons revaloriser leur budget de façon très significative, puisque le budget du Fonds de soutien à l'expression radiophonique sera augmenté de 6 %. Cela répond à une demande très ancienne, au sujet de laquelle vous m'avez beaucoup sollicitée.

Je voudrais également attirer votre attention sur l'AFP, qui est notre championne mondiale en matière d'agence d'information. L'État continue de la soutenir activement, avec plus de 10 millions d'euros supplémentaires entre 2016 et 2017.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Madame la ministre, je crains de ne pas partager votre optimisme sur le financement de l'audiovisuel public, particulièrement pour France Télévisions.

Lors de son audition sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens, la présidente de France Télévisions a reconnu que l'État allait se retrouver « face à une falaise » concernant le rendement de la CAP du fait de l'absence de réforme. Quelle est, dans ces conditions, la confiance que l'on peut accorder à un contrat d'objectifs et de moyens sur cinq ans, si les ressources de l'audiovisuel public ne sont pas garanties ? Pourquoi avoir encore une fois renoncé à réformer la CAP ?

La Cour des comptes a mis en évidence des excès dans les rémunérations de certains personnels de France Télévisions, qui cumulent à la fois des salaires élevés et des rémunérations complémentaires avec des contrats d'usage. Comment réagissez-vous à ces révélations ? Quelle réponse envisagez-vous d'y apporter ?

Un an après la grande grève, la situation de Radio France semble fragile, avec des réformes repoussées, comme celle des orchestres ou des rédactions, et des déficits persistants. Quelle est exactement la situation financière de Radio France aujourd'hui ? Les foyers de dépenses sont-ils aujourd'hui maîtrisés ou bien craignez-vous une dégradation des comptes dans les mois qui viennent ?

Ma dernière question concerne la radio numérique terrestre. Le CSA a engagé un nouveau programme de déploiement sur les régions de Lille, Lyon et Strasbourg, permettant un franchissement du seuil des 20 % de couverture de la population française. Il semble que le Gouvernement n'ait pas encore fait connaître sa position quant à la présence des radios du service public sur ces trois zones. Qu'en est-il exactement ?

Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel extérieur » . - Le budget de France Médias Monde est en augmentation cette année, et l'on ne peut que s'en réjouir. Le COM prévoit le maintien, voire une légère augmentation annuelle des moyens jusqu'en 2020, mais nous verrons comment cela se passe.

J'ai auditionné hier une partie des syndicats de France Médias Monde. Permettez-moi de me faire le relais de certaines de leurs préoccupations. Ils s'interrogent sur le projet stratégique à long terme. En effet, la télévision est budgétivore, et les besoins de France 24 sont réels. Mais, parallèlement, le budget de RFI stagne dans le meilleur des cas, ce qui suscite l'inquiétude des salariés sur leur avenir et sur celui de leur radio. Pouvez-vous préciser les priorités de l'État pour le groupe audiovisuel extérieur ?

TV5 Monde panse encore ses plaies suite à l'attaque informatique de 2015. Est-ce que les leçons ont été tirées pour l'ensemble de l'audiovisuel public ? Pensez-vous que TV5 Monde va pouvoir reprendre sa marche en avant dans un contexte très concurrentiel ?

France 24 est partenaire de la nouvelle chaîne d'information, Franceinfo. Quel jugement portez-vous sur ce partenariat et sur les débuts de la chaîne ? Quels sont les apports de France Médias Monde à ce projet ? L'équilibre entre les différents médias ne devra-t-il pas être revu à terme ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits « Livre et industries culturelles » . - Madame ministre, je vous remercie pour la progression et la stabilisation de certaines lignes budgétaires. Je voudrais toutefois attirer votre attention sur deux points.

Lors des auditions que j'ai menées, j'ai pu constater la baisse des taxes que perçoit le Centre national du livre. Selon les conclusions de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles sur les causes de l'érosion du rendement des taxes qui lui sont affectées, il apparaît que, pour ce qui concerne la taxe sur les appareils de reprographie, la poursuite de cette attrition serait inexorable, les photocopieurs étant replacés par des sociétés de services.

Or il y a de nombreuses répercussions sur les actions qui sont menées par le CNL, notamment le soutien à la librairie, la politique territoriale, les salons, les festivals, et certains projets peuvent être remis en question. Dès lors, quelles sont les pistes envisagées pour lui donner les moyens de mener à bien ses missions à l'avenir ? D'autres sources de financement seront-elles mobilisées ?

Comme l'an passé, le présent projet de loi de finances dote la HADOPI de moyens suffisants à la mise en oeuvre de ses missions. Ce budget stabilisé permet d'en assurer le fonctionnement mais pas au-delà. Or le piratage continue de priver les auteurs de la rémunération qui leur est due. Par ailleurs, il est possible que les modalités de piratage évoluent à moyen terme et que certaines missions deviennent obsolètes. Est-il envisagé de maintenir la HADOPI à ce niveau d'action ou, au contraire, d'en élargir le champ de compétence à de nouveaux modes de piratage afin de la rendre plus efficace ?

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits « Presse » . - À l'occasion des auditions préparatoires au présent projet de loi de finances, plusieurs de mes interlocuteurs m'ont fait part de leurs craintes s'agissant de la poursuite de la mutualisation des moyens entre messageries de presse, à la suite du changement de gouvernance opéré au sein des Messageries lyonnaises de presse. Si cet obstacle venait à se confirmer, des mesures seront-elles prises pour obliger les messageries à tenir leurs engagements ? La fusion des deux entités pourrait-elle alors être envisagée ?

Malgré une augmentation de 5 millions d'euros de sa dotation en 2017, l'Agence France-Presse demeure dans une situation financière inquiétante, marquée par la faiblesse de ses résultats commerciaux et par un niveau d'endettement élevé. Comment l'État pourrait-il envisager de sortir l'Agence de ce mauvais pas sans contrevenir à la réglementation européenne ?

M. Michel Savin. - Je souhaite obtenir une précision et une confirmation : de quel montant sera l'effort consenti en faveur des SMAC, et cet effort sera-t-il bien ciblé sur le monde rural ?

Mme Marie-Christine Blandin. - Nous nous félicitons de la remontée des crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique.

Par ailleurs, nous voulons insister sur l'éducation aux médias, vers laquelle il est important de flécher des crédits.

S'agissant enfin du Grand Palais, notre commission restera vigilante pour que la culture scientifique ne soit pas rognée par les prestations internes à cette entité.

Mme Maryvonne Blondin. - L'Observatoire de l'économie de la musique doit être mis en place au début de l'année prochaine. Quels seront ses moyens, notamment en matière de personnel ?

J'aimerais aussi savoir s'il y a une différence entre les pactes culturels et les contrats de développement culturel. Les régions peuvent-elles être associées aux seconds ? Comme elles ont maintenant la main sur les fonds européens, elles pourraient peut-être aider les autres collectivités territoriales à élaborer des projets artistiques favorisant la vie culturelle dans les zones un peu abandonnées sur ce plan.

Mme Vivette Lopez. - Madame la ministre, vous avez annoncé votre intention d'aider à l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques. Quelle forme prendra cette aide ? Des plages d'ouverture plus larges supposent une augmentation du temps de travail des bibliothécaires ou des embauches. Aiderez-vous les communes à financer les heures supplémentaires ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - En ce qui concerne la contribution à l'audiovisuel public, les prévisions de Bercy font toujours apparaître un dynamisme spontané, lié à l'augmentation du nombre de foyers détenteurs d'un poste de télévision, mais qui diminue continûment. Nous ne sommes donc pas en retard, mais nous finirons par l'être si nous ne faisons pas cette réforme, que nos grands voisins européens ont déjà faite. Mon ministère la prépare avec le concours de Bercy, pour que l'administration soit parfaitement prête le jour où la décision sera prise par la représentation nationale et le Gouvernement.

S'agissant de Radio France, la dernière prévision de résultat net transmise par la société pour 2016 est légèrement meilleure que prévu : 13 millions d'euros de déficit, soit 3 millions d'euros de moins qu'envisagé. On est donc sur le chemin du retour à l'équilibre des comptes, prévu pour 2018 par le contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019. L'effort est partagé entre l'État et Radio France. De son côté, le Gouvernement a tenu et tiendra ses engagements : une dotation exceptionnelle de 80 millions d'euros sera allouée à la société entre 2016 et 2018, et la nouvelle offre d'information à laquelle contribue Radio France sera accompagnée à hauteur de 500 000 euros. Du sien, Radio France doit mener un certain nombre de réformes ; nous y serons attentifs, car elles sont nécessaires pour aller au bout du chemin.

Plusieurs rapports ont souligné le coût élevé de la généralisation de la radio numérique terrestre, notamment pour les éditeurs. S'agissant du service public, le contrat d'objectifs et de moyens signé en mars dernier prévoit la possible diffusion en RNT des services musicaux de France Musique, Mouv' et FIP dans les zones où ils ne sont pas disponibles en FM. Une demande de réservation de fréquences pourrait donc être envisagée dans le cadre des appels lancés par le CSA à Strasbourg, Lille et Lyon, si un déficit était avéré dans ces zones-là.

Les priorités de France Médias Monde sont clairement fixées dans le contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 : lancement de l'offre de France 24 en espagnol, présence de cette chaîne dans l'ensemble de ses zones de diffusion avec le passage en TNT en Afrique et la migration en HD en Asie, en Amérique et en Europe, effort de communication pour accroître la notoriété des marques du groupe, enrichissement des offres numériques et renforcement de la sécurité des emprises et du système d'information.

Grâce à l'accord conclu en 2015, qui a conduit à une hausse des salaires des personnels et à une adaptation de leur temps de travail à celui des personnels de France 24, la situation de RFI me paraît maintenant stabilisée.

À la suite de la cyberattaque subie par TV5 Monde le 8 avril 2015, le premier acte de cybersabotage de cette ampleur commis sur le sol français, le Gouvernement a réuni l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information et l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel et de la presse pour partager avec eux ses informations. Un comité stratégique de l'audiovisuel public s'est réuni le 21 octobre dernier pour, notamment, réfléchir à des projets de cybersécurité. Compte tenu des coûts additionnels de 4,4 millions d'euros supportés par TV5 Monde, auxquels s'ajoutent des pertes de recettes sur le numérique, nous et d'autres gouvernements bailleurs de fonds avons débloqué des financements exceptionnels à hauteur de 2 millions d'euros. Par ailleurs, la France a augmenté sa dotation pérenne à TV5 Monde de 0,7 million d'euros en 2016.

Les signes d'érosion des taxes affectées au Conseil national du livre sont, en effet, une vraie préoccupation. Une mission a été confiée, en 2015, à l'Inspection générale des affaires culturelles pour en comprendre l'origine. La loi de finances rectificative pour 2015 a étendu le champ d'application de la taxe sur l'édition des ouvrages numériques, mais cette mesure n'a pas suffi à compenser l'érosion constatée. Je vais confier à deux experts de l'Inspection générale des affaires culturelles et du Conseil d'État un travail d'examen plus structurel sur l'assiette pertinente pour retrouver un niveau de recettes suffisant.

Les moyens supplémentaires alloués à la HADOPI dans le projet de loi de finances pour 2017 visent principalement à répondre aux demandes d'indemnisation des fournisseurs d'accès à Internet et non à revenir sur le débat relatif à ses missions. Parallèlement à l'action de la HADOPI, nous avons pris des mesures énergiques contre ceux qui tirent un profit commercial du piratage, en suivant l'approche dite follow the money - si vous m'autorisez cet anglicisme.

Au sein des Messageries lyonnaises de presse, un changement de gouvernance est en effet intervenu avant l'été. Une nouvelle équipe se met en place. L'État est vigilant sur ces évolutions et le commissaire du Gouvernement auprès du CSMP, le Conseil supérieur des messageries de presse, rappelle, lorsque cela est nécessaire, la nécessité de préserver les équilibres de la loi Bichet.

Il est dans l'intérêt des Messageries lyonnaises de presse et de Presstalis de mener à terme les réformes structurelles qu'elles ont entreprises, sous l'égide du CSMP et dans un dialogue constructif avec l'État. Les deux messageries ont, je crois, conscience de partager un intérêt commun, ce qui a déjà permis de réaliser des réformes importantes : le nouveau schéma directeur de niveau 2 et le décroisement des flux logistiques.

En ce qui concerne les conséquences de la réforme des annonces judiciaires et légales de 2015 sur certaines publications à faible diffusion, je confirme que le titre La Semaine ne peut plus bénéficier de la publication des annonces judiciaires et légales ; ce changement s'impose à nous, et c'est plutôt la circulaire qui n'était pas adaptée. Nous n'avons pas été saisis d'autres cas où la question se poserait. Je vous promets de vous faire parvenir dans la semaine la réponse écrite que je vous dois.

Quant à l'Observatoire de l'économie de la musique, le décret précisant ses missions, sa gouvernance et son fonctionnement fait actuellement l'objet d'une consultation publique, qui s'achèvera le 10 novembre. Il sera publié d'ici à la fin de l'année, pour que l'observatoire puisse être effectif au 1 er janvier 2017. Cette instance sera abritée par le CNV mais aura une gouvernance propre. L'engagement de l'État aux côtés des professionnels participant à l'observatoire se traduit dans le projet de loi de finances pour 2017 par l'attribution au CNV de 300 000 euros supplémentaires, destinés à financer les études de la future instance. Le transfert de moyens humains et financiers hébergés à la Cité de la musique-Philharmonie de Paris est également prévu.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Qu'en est-il des SMAC ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - L'effort, de 500 000 euros, bénéficiera prioritairement, mais pas exclusivement, au monde rural.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Compte tenu de la gravité du phénomène de radicalisation, nous devrions sérieusement réfléchir à étendre la zone de diffusion de la chaîne Monte Carlo Doualiya, qui porte un autre regard sur le monde en langue arabe.

Mme Sylvie Robert. - Nous sommes préoccupés par la situation d'i-Télé, d'autant plus qu'elle se prolonge. Il faut mesurer l'inquiétude psychologique et morale, voire la détresse, des journalistes. Ceux-ci ont été reçus par la ministre du travail. Où en êtes-vous vous-même, madame la ministre, et y a-t-il une issue à cette situation triste et extrêmement préoccupante ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Sylvie Robert exprime une préoccupation partagée par nombre d'entre nous. Après avoir reçu les représentants des journalistes et m'être entretenue avec la direction de la chaîne, j'ai appelé le CSA à assumer toute sa responsabilité, ce qu'il a fait en lançant ses mises en demeure. Les difficultés sont liées aussi à une inquiétude sur l'avenir éditorial d'i-Télé : restera-t-elle une chaîne d'information avec un degré d'exigence et de qualité élevé ? Quelle est votre position sur la situation, madame la ministre, et quels ont été les résultats de l'entretien des représentants des journalistes avec Mme El Khomri ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - Nous sommes nous aussi très préoccupés par la situation. La grève dure depuis trop longtemps : nous risquons de battre mardi prochain le record de la plus longue grève dans l'audiovisuel depuis la fin de l'ORTF !

Les questions soulevées par ce conflit ont été abordées de façon plus générale au moment de l'examen de la proposition de loi de Patrick Bloche visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Les équipes d'i-Télé s'inquiètent à juste titre pour leur indépendance et pour l'éthique de l'information, qui doit être protégée vis-à-vis des intérêts des actionnaires comme de ceux des annonceurs. Cette question intéresse le législateur comme le Gouvernement. Quant au CSA, il a joué son rôle de façon claire pour faire respecter la convention en vertu de laquelle i-Télé a obtenu une fréquence.

Des problèmes de droit du travail se posent également. C'est pourquoi Myriam El Khomri a ouvert sa porte aux équipes d'i-Télé, mais aussi à la direction, qui n'a pas encore répondu.

Pour sa part, le ministère de la culture a donné du temps au dialogue. Nous avons reçu les équipes et la direction, laquelle a pris devant moi des engagements destinés à assurer l'indépendance des rédactions, mais qui n'ont pas abouti. Parier sur l'épuisement des journalistes, qui commence à être réel, n'est ni digne ni responsable de la part d'un groupe comme Canal+.

Nous restons très vigilants et nous attendons de la direction, dans les jours qui viennent, des gestes en faveur de l'indépendance des rédactions.


* 1 Aux termes du projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour 2017, ce nombre devrait s'établir à 16,8 milliards en 2017.

* 2 Aux termes du projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour 2017, ce nombre devrait s'établir à 360 en 2017.

* 3 Loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016.

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