Avis n° 144 (2016-2017) de Mme Colette MÉLOT , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 24 novembre 2016

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N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 3

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

Par Mme Colette MÉLOT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Révolution pour l'industrie musicale, le numérique représente plutôt, pour le livre, une évolution douce des pratiques et des supports de lecture. Le secteur s'est donc trouvé protégé de la crise, sans l'éviter tout à fait ; faute au e-commerce et à l'indécente concurrence dont furent victimes les librairies les plus fragiles.

Le ministère de la culture et de la communication, avec le concours du Centre national du livre (CNL) et grâce l'implication sans faille du Parlement, a contribué à éviter au livre les affres que connut la musique et dont elle commence à peine à émerger grâce au streaming . Plan librairie, régulation de la vente de livres en ligne, amélioration de la situation contractuelle des auteurs, équité fiscale entre imprimé et numérique : ces combats, que votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a constamment soutenus, ont payé.

De nouveaux chantiers exigent désormais l'attention des pouvoirs publics en matière de diversité de la création et de renouvellement des publics. Peuvent être salués à cet égard la modernisation de l'opération « Premières pages » en 2012, désormais présente dans trente collectivités partenaires, la création de l'événement « Partir en livre » en 2015, qui propose 3 000 manifestations estivales à destination du jeune public, le développement des contrats territoire lecture avec un objectif supérieur à 150 en 2017 grâce à la mobilisation des crédits supplémentaires, mais également l'élargissement des jours et horaires d'ouverture des bibliothèques en faveur duquel une cinquantaine de collectivités ont d'ores et déjà engagé des démarches.

Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, l'affirmait à l'occasion de la présentation à la presse du projet de loi de finances pour 2017 : « la lecture est l'une des portes d'entrée majeures de la culture. Les bibliothèques, plus de 16 000 en France, sont des lieux d'ouverture, de partage, de transmission des savoirs mais aussi des valeurs de la République. C'est pourquoi il est nécessaire de soutenir l'adaptation de leurs horaires d'ouverture au rythme de vie des citoyens ».

Votre rapporteur pour avis partage ce jugement et appelle de ses voeux la poursuite de politiques publiques ambitieuses en faveur du livre comme de l'ensemble des industries culturelles, afin que les mutations technologiques en cours jamais ne nuisent à la diversité de la création, à la diffusion des oeuvres ou à la protection des auteurs et artistes. Il en va de l'avenir de l'exception culturelle.

Livre et lecture : l'espoir retrouvé

I. LIVRE ET LECTURE : L'ESPOIR RETROUVÉ

A. IMPRIMÉ ET NUMÉRIQUE : UNE COHABITATION APAISÉE

1. Des pratiques complémentaires
a) La résistance de l'imprimé...

En 2015, le chiffre d'affaires de l'édition française représente, en ventes de livres valorisées au prix de cession, 2,5 milliards d'euros , auxquels il convient d'ajouter 133 millions d'euros de cessions de droits, pour un total de 436 millions d'ouvrages vendus. Après cinq années consécutives de régression, le revenu net des éditeurs amorce enfin une légère reprise (+ 0,6 % en valeur) , comme l'indique le dernier rapport d'activité du Syndicat national de l'édition (SNE) 1 ( * ) .

L'édition en chiffres

Source : SNE, Statistiques nationales de l'édition 2016 (données 2015) Source : GfK, février 2016

Les exportations apparaissent, en revanche, à la peine avec un résultat de 680 millions d'euros en 2015 , en diminution de 1,7 % par rapport à l'année précédente.

Le marché a été particulièrement porté, sans surprise, par Riquet à la houppe d'Amélie Nothomb (75 000 exemplaires), mais également par les moins attendus Petit Pays de Gaël Faye (46 000 exemplaires) et Chanson douce de Leïla Slimani (26 000 exemplaires).

Après un excellent premier semestre 2016 (+ 3,5 % de chiffre d'affaires par rapport à la même période l'an passé), un mauvais été et une rentrée plutôt fade laissent présager une stabilisation, voire une progression légère du marché . Le résultat sera toutefois aidé par l'édition scolaire , qui bénéficie à plein de la réforme du collège, et par quelques best sellers . En particulier, avec un huitième tome, la magie d'Harry Potter continue d'opérer : depuis la sortie de version anglaise de Harry Potter et l'enfant maudit le 31 juillet dernier, plus de 150 000 exemplaires se sont déjà écoulés.

Les maisons d'édition ne sont toutefois pas toutes logées à la même enseigne. Le marché français reste, en effet, dominé par de grands groupes - Hachette Livre, Editis et Madrigall, issus du rachat de Flammarion par Gallimard opéré en 2012 -, qui réalisent 80 % du chiffre d'affaires du secteur. Ce déséquilibre pourrait s'accentuer à l'occasion de nouveaux phénomènes de concentration , notamment le rapprochement entre les éditions Belin et les Presses universitaires de France, annoncé le 17 octobre dernier. Aux côtés de ces puissantes structures, on compte environ 8 000 entreprises éditoriales , dont 4 000 pour lesquelles l'édition constitue l'activité principale et à peine un millier pour lesquelles cette activité est économiquement significative.

La progression du nombre de titres publiés , observable depuis plus de quarante ans, ne se dément pas : elle a crû de 229 % entre 1970 et 2015 selon les chiffres du dépôt légal de la Bibliothèque nationale de France (BnF) avec une stabilisation relative à partir de 2009. En 2015, 67 041 nouveautés ont été publiées , portant à 728 400 le nombre de titres imprimés disponibles. Le tirage moyen, qui s'établit à 5 017 exemplaires en 2015, ne cesse de diminuer . Il s'établissait à 14 500 exemplaires en 1974 et à 8 000 exemplaires en 2010.

Tous les genres littéraires ne font toutefois pas montre d'un même dynamisme : la bande dessinée, la littérature, notamment jeunesse, et l'art apparaissent nettement plus prolifiques que la littérature du savoir (philosophie, géographie et histoire, sciences sociales, mathématiques, etc.).

Ces inégalités se retrouvent dans la proportion de chaque catégorie dans le chiffre d'affaires des éditeurs. Ainsi, avec 13 % du chiffre d'affaires des éditeurs, le secteur de la jeunesse est, après la littérature, le deuxième secteur éditorial en France. Selon une récente étude publiée par le Centre national du livre (CNL), près de 70 % des jeunes âgés de 7 à 19 ans lisent au moins une fois par semaine et 28 % quotidiennement, même si cette activité apparaît infime au regard du temps passé devant la télévision, Internet et les jeux vidéo. En outre, 89 % des jeunes interrogés déclarent lire car ils y sont obligés.

Source : SNE, Statistiques nationales de l'édition 2016 (données 2015)

La bande dessinée affiche également une santé florissante avec, en 2015, la publication d'un nouvel album d' Asterix (1,62 million d'exemplaires vendus) et de Corto Maltese . Les ouvrages rassemblant les dessins des disparus de Charlie Hebdo ont également constitué des succès de librairies. La littérature demeure stable , portée par les ventes élevées des ouvrages primés - en moyenne, un prix Goncourt se vend à 250 000 exemplaires, voire au-delà (700 000 pour Au revoir là-haut de Pierre Lemaître en 2013) - et des livres de poche.

En revanche, la presse religieuse, technique et du savoir, les dictionnaires et les livres d'art continuent à marquer le pas, exception faite des livres de cuisine grâce aux ventes record de Simplissime publié par Hachette. Selon les informations données par Vincent Monadé lors de son audition par votre rapporteur pour avis, la situation demeure absolument catastrophique pour la poésie, le théâtre et les essais.

b) ... confirmée par le lent essor du livre numérique

Le livre numérique s'installe doucement dans les usages de lecture des Français. Il représente, en 2015, 6,5 % du chiffre d'affaires de l'édition à 90 millions d'euros . Sa croissance devrait se poursuivre à un rythme similaire en 2016 puis en 2017.

Le marché du livre numérique en France

(en millions d'euros)

Source : GfK

Selon les données fournies par le dernier rapport annuel du SNE, si seuls 2 % des Français ont acheté un livre numérique en 2015, 20 % en acquièrent plus de quatre par an . 65 % des clients paient à l'acte et 11 % des lecteurs se fournissent sur les sites de librairies en ligne. Les ouvrages acquis sur support numérique concernent à 62 % les ouvrages professionnels, notamment juridiques et à 20 % la littérature.

Les appareils de lecture numérique les plus fréquemment utilisés par les Français sont les tablettes et les ordinateurs portables ; les liseuses, pourtant spécifiquement dédiées à cet usage, n'arrivant qu'en troisième position.

Appareils utilisés pour la lecture de livres numériques

Source : Hadopi - 2015

Des lecteurs qui lisent en moyenne 10 livres au format numérique

Source : Ipsos - Les Français et la lecture - CNL

La France demeure, en matière de lecture numérique, largement en deçà des grands pays développés . À titre d'illustration, la part de marché du livre numérique représente 24 % du chiffre d'affaires des éditeurs américains et 16 % au Royaume-Uni. En Europe, seuls les Pays-Bas (4,9 %) et l'Italie (4,3 %) réalisent un résultat inférieur à celui de la France.

Le classement actuel dans ce domaine ne devrait guère être modifié dans les années à venir : en 2019, 59 % du chiffre d'affaires de l'édition seront numérique aux États-Unis et 57 % au Royaume-Uni, contre seulement 13 % en France.

Pourtant, les éditeurs français n'hésitent pas à saisir les opportunités du numérique et investissent des sommes importantes dans l'innovation , non seulement dans les outils, mais également dans la formation des salariés chargés d'élaborer, de développer et d'exploiter les nouvelles ressources numériques, les portails et autres systèmes de diffusion. La moindre ampleur du livre numérique s'explique plutôt, votre rapporteur pour avis en est convaincue, par un attachement culturel des Français au livre imprimé, plutôt qu'à un choix technologique ou économique des éditeurs.

Pénétration des e-books grand public par pays en 2019 (%)

Source : AFDEL

Pourtant, afin de soutenir le développement du livre numérique et dans un souci d'assurer la neutralité fiscale entre biens culturels de même nature, la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 a instauré, au 1 er janvier 2012, un parallélisme fiscal avec le livre physique en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) , sous la forme d'un taux réduit à 5,5 % sur le prix de vente des ouvrages.

La Commission européenne, considérant que la décision française était contraire à la lettre de la directive 2009/47/CE du 5 mai 2009 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée, a lancé une procédure en manquement contre la France et le Luxembourg, qui applique une législation similaire, le 3 juillet 2012.

Malgré les efforts de la France pour faire valoir que l'harmonisation du taux de TVA sur les livres est favorable à la diffusion de la culture et aux consommateurs et respecte le principe de neutralité fiscale , l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en date du 5 mars 2015 a donné raison à la Commission européenne, considérant que la directive précitée du 5 mai 2009 excluait toute possibilité d'appliquer un taux réduit de TVA aux « services fournis par voie électronique » et que la fourniture de livres numériques constituait un tel service.

Depuis cette décision en sa défaveur, le Gouvernement français n'a toutefois nullement amendé la législation fiscale applicable au livre numérique , jouant la montre dans l'attente de la révision prochaine de la directive annoncée pour 2018.

Son immobilisme n'est cependant pas total, puisqu'il s'agit d'oeuvrer, dans ce délai, à une modification de la directive favorable au taux réduit de TVA sur les contenus numériques, presse comme livre. Grâce à un considérable travail de mobilisation et de persuasion , la France compte désormais de nombreux alliés dans ce combat. Ainsi, à la suite de la Journée de Berlin du 9 septembre 2013 « Avenir du Livre, avenir de l'Europe » , l'Allemagne, jadis l'un des principaux opposants à l'application du taux réduit sur le livre numérique, s'est ralliée à la position française. De fait, vivement préoccupés par la situation générée à l'issue de la décision de la CJUE, les ministres chargés de la culture de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et de la Pologne ont signé une déclaration conjointe dans laquelle ils demandent « l'inclusion d'une modification du droit européen permettant l'application du taux réduit de TVA aux livres numériques dans la stratégie numérique pour l'Europe ». Une majorité d'États membres est aujourd'hui favorable à une telle réforme qui, comme toute réforme fiscale, nécessite l'unanimité .

La Commission européenne elle-même semble évoluer. Le 6 mai 2015, jour de la présentation de sa stratégie pour un marché unique numérique en Europe, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a annoncé lors d'un discours prononcé devant les éditeurs de presse allemands, qu'il souhaitait présenter en 2016 une réforme destinée à aligner les taux de TVA des livres électroniques et de la presse en ligne sur ceux des supports papier , soulignant, comme l'assène la France, que « le règlement de la TVA doit être technologiquement neutre » . S'il convient de se réjouir d'un tel revirement, votre rapporteur pour avis observe que nulle réforme n'est intervenue depuis et souhaite, dans l'intérêt du marché du livre, que la promesse annoncée soit rapidement tenue.

2. Un marché plus efficacement réglementé
a) Des libraires accompagnés
(1) Un secteur soutenu

Touchée de plein fouet, au tournant des années 2000, par un double phénomène de crise des industries culturelles et des commerces de centre-ville , et malmenée par la concurrence des nouvelles formes de vente, la librairie, poumon de la diffusion du livre avec 20 000 magasins sur l'ensemble du territoire, a connu une lente mais terrible érosion de son chiffre d'affaires.

La réaction des pouvoirs publics, après avoir longtemps tardé, intervient avec l'annonce, le 3 juin 2013 lors des rencontres nationales de la librairie, par Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, d'un « plan librairie » , qui s'inspire largement des conclusions de la mission confiée à Serge Kancel sur le soutien aux entreprises de librairie rendues publiques en janvier de la même année.

Les différentes mesures de ce plan, doté de 11 millions d'euros dont 9 millions d'euros de crédits nouveaux et mises en oeuvre à compter du 1 er janvier 2014, visent à redonner à la librairie indépendante une rentabilité suffisante pour lui permettre d'engager les investissements de modernisation nécessaires s'agissant du livre numérique ou de la vente en ligne. Ce plan de soutien vise également à conforter, sur le long terme, le modèle économique et culturel de la librairie. Il repose sur trois piliers :

- le fonds d'aide à la transmission des librairies , géré depuis 2008 par l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC), a été renforcé par une dotation supplémentaire de 4 millions d'euros apportée par le CNL , afin de répondre à l'augmentation attendue du nombre de transmissions de librairies. En 2014 et en 2015, 25 librairies ont été rachetées grâce au soutien du fonds ;

- un fonds d'avances en trésorerie (FALIB) a été créé à l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Doté de 5 millions d'euros par le CNL , ce fonds est destiné à pallier les difficultés croissantes que rencontrent les librairies pour accéder au crédit bancaire de court terme. À ce jour, 51 librairies ont bénéficié d'une avance de trésorerie leur permettant de maintenir ou d'obtenir un crédit bancaire. Le dispositif a été élargi en 2016 aux prêts de moyen terme , afin de permettre aux libraires en difficulté de restructurer leur trésorerie ;

- enfin, le budget consacré par le CNL au soutien à la librairie a été renforcé de 2 millions d'euros par redéploiement interne à compter de l'exercice 2014.

Tous dispositifs confondus, le soutien public à la librairie s'est élevé, en 2015, à 8,3 millions d'euros .

Ces mesures, et votre rapporteur pour avis s'en réjouit, portent leurs fruits. On observe ainsi que la part de la librairie dans le marché de la vente de livre repart à la hausse. Selon les données fournies par le Syndicat de la librairie française (SLF) lors de son audition, le chiffre d'affaires des entreprises aurait augmenté de 2,7 % en moyenne en 2015 , participant à la bonne santé observé du marché du livre.

Au-delà du plan librairie, plusieurs dispositifs concourent à ce résultat, notamment le décret n° 2015-1163 du 17 septembre 2015 modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics, qui a relevé le seuil de dispense de procédure de 15 000 euros à 25 000 euros pour les commandes de livres et, surtout, le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics , qui a in fine établi ce seuil à 90 000 euros , correspondant à près de 60 % des commandes publiques de livres. Cette modification, que salue votre rapporteur pour avis, aura des conséquences très positives pour les librairies pour lesquelles, en moyenne, les commandes publiques représentent 20 % du chiffre d'affaires, même si un important travail de pédagogie demeure à réaliser auprès des élus locaux sur la nouvelle réglementation. Le décret du 25 mars 2016 invite en effet les collectivités à « tenir compte de l'impératif de maintien sur le territoire d'un réseau dense de détaillants qui garantit la diversité de la création éditoriale et l'accès du plus grand nombre à cette création » .

Parallèlement, une réflexion a été engagée concernant les formations au métier de libraire . Des « Assises du métier de libraire », associant les représentants de la profession, les principaux organismes de formation et les institutions concernées, se sont tenues à l'automne 2015 avec pour objectif d'identifier les besoins de formation initiale et continue des entreprises et de leurs salariés. Des mesures sont attendues dans ce domaine d'ici la fin de l'année 2016, sur la base de contenus élaborés par le SLF.

(2) Une concurrence régulée

La loi n° 81-766 du 10 août 1981, dite loi « Lang » du nom du ministre de la culture de l'époque, a instauré un prix unique du livre imprimé à compter du 1 er janvier 1982 . Ce prix, qui s'impose à tous les détaillants, est fixé par l'éditeur ou par l'importateur. Il ne varie ni en fonction de la période de l'année, ni des territoires. Des remises peuvent toutefois être consenties par le détaillant, sans toutefois dépasser 5 % du prix fixé (9 % pour certaines commandes publiques).

L'objectif, toujours actuel, est de soutenir les libraires, afin de maintenir un réseau commercial dense sur l'ensemble du territoire national, mais aussi de favoriser la diversité littéraire et la création par un dispositif qui ne dessert pas la vente d'ouvrages difficiles.

De nombreux rapports, et notamment celui réalisé par Hervé Gaymard en 2009 pour le ministère de la culture et de la communication intitulé « Pour le livre : rapport sur l'économie du livre et son avenir » , en établissent un bilan particulièrement positif. Plus de trente-cinq ans après sa création, il apparaît en effet que le dispositif a permis le maintien d'un réseau de librairies dense et diversifié, qui représente toujours le principal acteur de la vente au détail de livres physiques, mais également d'une création éditoriale riche et variée . Surtout, le prix unique du livre n'a nullement eu l'effet inflationniste que craignaient ses détracteurs : l'évolution du prix du livre demeure inférieure ou égale à celui des prix à la consommation et le prix moyen du livre n'a pas progressé plus fortement en France que dans d'autres pays.

Par parallélisme, la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix unique du livre numérique a ouvert à l'éditeur, comme pour le livre papier, la liberté de fixer le prix de vente d'un ouvrage numérique, prix qui demeure toutefois inférieur d'environ 30 % à celui du livre physique.

Trois dispositions législatives récentes permettent de renforcer, dans l'univers numérique, l'application des lois précitées de 1981 et de 2011 relatives au prix du livre.

D'abord, afin de prévenir les litiges pouvant survenir sur l'application des lois relatives au prix du livre, une instance de médiation pour le secteur du livre a été créée par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Cette mission de conciliation est confiée à un médiateur du livre, dont les modalités de désignation ont été précisées par le décret n° 2014-936 du 19 août 2014, lequel définit également les modalités d'organisation de la procédure de conciliation. En 2015, une procédure de conciliation a été menée avec les principaux opérateurs pour rendre conformes les offres d'abonnement en ligne avec accès illimité à la loi du 26 mai 2011 . En 2016, le médiateur s'est saisi du dossier de la vente de livres d'occasion par plateformes de e-commerce.

Ensuite, afin de renforcer les moyens de contrôle de l'application des lois de 1981 et 2011 , la même loi du 17 mars 2014 a prévu une procédure d'assermentation d'agents relevant du ministère chargé de la culture afin de leur accorder des pouvoirs d'enquête et de constatation des infractions aux lois relatives au prix du livre. Les premiers agents devraient être habilités puis assermentés d'ici la fin de l'année 2016.

Enfin, pour mieux encadrer les pratiques commerciales non prévues par le législateur lors de l'adoption de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre et apparues chez certains opérateurs avec le développement du marché de la vente en ligne, la loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres prévoit l'interdiction de pratiquer la gratuité des frais de livraison des livres à domicile et la remise de 5 % dans le cadre de la vente à distance. Cette loi a pour objectif de restaurer les conditions d'une concurrence équilibrée entre les différents réseaux de la distribution de livres, notamment entre vendeurs de livres en ligne et librairies physiques. On assistait alors à une systématisation, par certaines plateformes, du double avantage de la remise légale de 5 % et de la gratuité de la livraison.

Le texte, originellement issu d'une proposition de loi du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale, a été profondément modifié par le Sénat à l'initiative de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication pour en renforcer l'efficacité . En effet, dans un premier temps, le dispositif prévoyait que la prestation de livraison à domicile ne pouvait être incluse dans le prix du livre ; le seul avantage autorisé dans le cadre de la vente en ligne demeurait donc le rabais de 5 %. Puis, l'Assemblée nationale a préféré interdire le rabais de 5 % sur les livres commandés en ligne et livrés à domicile. Il est in fine revenu au Sénat de renforcer la proposition en interdisant la gratuité des frais de port.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le SLF a estimé que la loi du 8 juillet 2014 avait représenté un élément majeur de la reprise économique constatée par de nombreux établissements : l'espoir du législateur qu'il pourrait contenir la concurrence d'Amazon et contribuer à faire revenir une partie du public en magasin n'était pas vain.

Désormais, les représentants des libraires portent leurs efforts sur les solutions à apporter à la très faible rentabilité des commerces de livres . Avec un taux de marge brute de 33,7 % en moyenne, la librairie se situe en effet au dernier rang de l'ensemble des commerces de détail. À titre de comparaison, le taux de marge brute s'établit à 39,9 % dans le secteur des jeux et jouets, à 43,1 % pour les articles de sport, à 46,5 % dans l'habillement et à 62,3 % pour les opticiens.

Il convient à cet égard de rappeler qu'en fixant à la fois le prix de vente public des livres et la remise commerciale accordée au libraire, le diffuseur (opérateur commercial des éditeurs) détermine la rémunération et la marge du libraire . Les conditions et critères de rémunération prévus dans les conditions générales de vente, plus difficiles à négocier pour les petits commerces, sont donc déterminants.

Certains diffuseurs appliquent déjà le principe d'une remise minimale sur un périmètre variable de détaillants (librairies labellisées LIR ou détaillants réalisant au moins 50 % de leur chiffre d'affaires avec le livre). En revanche, d'autres, parmi les plus grands, plafonnent la remise susceptible d'être accordée aux librairies dont ils estiment les volumes de vente insuffisants . L'addition de la remise commerciale de base et des points supplémentaires de remise en fonction de critères qualitatifs et quantitatifs conduit à une remise commerciale maximale de 35 % et dans la grande majorité des cas avoisinant les 30 %.

Dès lors, il pourrait être utile de prévoir, dans la loi du 10 août 1981, un taux de remise minimum de 35 % pour les librairies , afin d'assurer à ces commerces une rentabilité convenable.

b) Un opérateur indispensable à consolider

La loi n° 46-2196 du 11 octobre 1946 créant un centre national du livre et le décret n° 2014-1435 du 1 er décembre 2014 définissent les missions et l'organisation du CNL, établissement public administratif sous tutelle du ministère de la culture et de la communication.

Dans le cadre d'orientations définies par un conseil d'administration où siègent, aux côtés des pouvoirs publics, des représentants de la filière du livre et des personnalités qualifiées, le CNL a pour mission de :

- soutenir et encourager l'activité littéraire des écrivains, des illustrateurs et des traducteurs , par l'attribution de bourses de création et de résidence ;

- soutenir l'édition d'oeuvres littéraires jugées primordiales en raison de leur exigence littéraire ou scientifique par le biais de subventions à destination des éditeurs français ;

- encourager tous les modes d'expression littéraire et concourir à la diffusion , sous toutes ses formes, d'oeuvres littéraires en langue française ;

- contribuer, par l'aide aux entreprises d'édition et de librairie, au développement économique du secteur du livre ainsi qu'au maintien et à la qualité des réseaux de diffusion du livre et de la lecture ;

- participer à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture françaises ;

- favoriser la traduction d'oeuvres étrangères en français et d'oeuvres françaises en langues étrangères ;

- accompagner les manifestations littéraires ;

- intensifier les échanges littéraires en France et à l'étranger et concourir à des actions de promotion du livre et de la lecture susceptibles de contribuer à la diffusion et au rayonnement du livre français ;

- soutenir les bibliothèques, les établissements culturels et les librairies , en France et à l'étranger, qui commandent des ouvrages de langue française présentant un intérêt culturel, scientifique, technique ou touchant à la francophonie.

À cet effet, le CNL attribue des subventions et des prêts après avis de l'un des vingt commissions ou comités , organisés par disciplines ou par type d'intervention, qui rassemblent plus de 300 spécialistes (écrivains, universitaires, journalistes, chercheurs, traducteurs, critiques, éditeurs, libraires, conservateurs, animateurs de la vie littéraire, français et étrangers), nommés par le ministre de la culture et de la communication, sur proposition du président du CNL. Ces structures s'appuient également sur un réseau de lecteurs et d'experts.

En mai 2015, dans le cadre d'une ambitieuse réforme, pleinement déployée en 2016, le CNL a installé de nouveaux dispositifs, parmi lesquels la rémunération obligatoire des auteurs intervenant dans les manifestations soutenues par l'établissement et l'accompagnement de projets menés par les bibliothèques à destination de publics éloignés géographiquement, culturellement ou socialement de la lecture. La réforme, dont votre rapporteur pour avis avait salué l'esprit l'an passé, poursuit un triple objectif de simplification des dispositifs, d'évolution de certains d'entre eux et de refonte de la politique de soutien aux bibliothèques . Ainsi, les interventions de l'opérateur sont passées de 38 à 26 dispositifs grâce à la fusion de certaines aides et à la suppression d'autres. D'autres encore ont évolué afin d'y intégrer la dimension numérique et d'éviter les cumuls de subventions.

Pour mener à bien sa politique de soutien, le CNL bénéficie du produit de deux taxes : la taxe versée par les éditeurs sur le produit des ventes d'ouvrages en librairie et la taxe sur les ventes des appareils de reprographie, de reproduction et d'impression. Il ne reçoit aucune subvention du ministère de la culture et de la communication.

Le rendement de ces deux taxes affectées a connu, en 2014, une diminution supérieure à 10 %, tendance confirmée en 2015 , ce qui ne permet plus à l'opérateur de disposer d'un budget conforme au plafond fixé en loi de finances, soit 34,7 millions d'euros. Cette évolution, si elle devait perdurer, pourrait avoir des conséquences graves sur la capacité du CNL à remplir ses missions , comme s'en est ému son président lors de son audition par votre rapporteur pour avis.

Répartition des taxes

(en millions d'euros)

Source : CNL - Rapport d'activité 2015

Sur la base de ce constat, le ministre des finances et des comptes publics et la ministre de la culture et de la communication ont confié, le 29 juillet 2015, à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), une mission destinée à analyser les causes de l'érosion du rendement des taxes affectées au CNL , en identifiant la part des causes structurelles et celle liée à la conjoncture du secteur. Ses conclusions ont été rendues en novembre 2015 ; y sont formulées plusieurs préconisations , dont deux ont d'ores et déjà été mises en oeuvre.

L'article 96 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a élargi le champ de la taxe sur l'édition aux ventes de livres numériques . Cette mesure devrait pouvoir dégager une ressource estimée à 400 000 euros par an. En outre, une démarche de sensibilisation a été menée envers les éditeurs publics assujettis à cette taxe afin de s'assurer d'un rendement optimal.

Par ailleurs, Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, a indiqué, lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 9 novembre dernier, avoir confié conjointement à l'IGAC et au Conseil d'État le soin de définir un nouveau niveau de ressources pertinent à partir d'une revue des missions du CNL. Cette réflexion doit aboutir à la définition d'un nouveau modèle de financement . En effet, la mission menée en 2015 a estimé inexorable l'attrition progressive de la taxe dite « reprographie », dans la mesure où les ventes de photocopieurs diminuent au bénéfice de contrats de service.

En tout état de cause, le CNL a été conduit, en 2015, à réduire le montant de ses interventions . Son budget global d'intervention (26,3 millions d'euros) a ainsi diminué de 3,8 millions d'euros (- 12,6 %).

Panorama général des aides en volume et en valeur

Source : CNL - Rapport d'activité 2015

Sur 3 715 demandes d'aide reçues (hors les labels librairie de référence et agrément), le CNL a alloué 2 413 aides, soit un taux de satisfaction de près de 65 % (contre 67,1 % en 2014).

Panorama des aides par domaine d'intervention

Source : CNL - Rapport d'activité 2015

La diminution des dépenses d'intervention porte, dans des proportions variables, sur l'ensemble des champs d'intervention du CNL, à l'exception de la vie littéraire (2,4 millions d'euros), en particulier le soutien aux manifestations s'étant engagées dans une démarche de rémunération des auteurs, et des aides aux structures (4,7 millions d'euros) dont les budgets demeurent stables.

Le soutien aux organisateurs de manifestations littéraires

Source : CNL - Rapport d'activité 2015

Pour le reste :

- les bourses de création aux auteurs et traducteurs ont baissé de 15 %. La diminution de l'enveloppe destinée aux auteurs (- 13,5 %) porte essentiellement sur les bourses aux créateurs littéraires, les bourses aux chercheurs, comme les crédits de résidence, d'intraduction et de préparation restant stables. La baisse des aides aux traducteurs étrangers (- 23 %) sont la conséquence de la forte diminution du nombre de projets aidés (54 contre 89 en 2014) ;

- les aides aux éditeurs (- 8 %) ont été marquées par une diminution des aides à l'intraduction (- 23 %), les aides aux revues, à la publication, à l'extraduction, ainsi que les prêts aux éditeurs demeurant stables ;

Les aides aux auteurs comme aux éditeurs bénéficient majoritairement à la littérature, aux sciences sociales, à la poésie et au théâtre, comme l'indique le graphique ci-dessous, qui retrace la proportion des aides versées par le CNL au regard du chiffre d'affaires de chaque catégorie.

Panorama des aides par domaine éditorial

Source : CA édition : Repères statistiques France 2014/2015-SNE

- les aides à la diffusion ont diminué de 10,5 % en valeur pour un nombre de bénéficiaires néanmoins demeuré stable, conséquence de la suppression d'une aide aux acquisitions des bibliothèques au bénéfice, depuis 2015, du dispositif en faveur des publics empêchés dont la sollicitation reste encore limitée.

Le soutien aux bibliothèques

Source : CNL - Rapport d'activité 2015

S'agissant plus particulièrement des aides aux librairies, le CNL a choisi d'intervenir au plus près des territoires, en s'associant, depuis 2014, à la démarche de contractualisation entre les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les régions. Il est désormais cosignataire de onze conventions territoriales et s'est engagé à apporter, sur la durée de ces conventions (trois ans), 2,8 millions d'euros de crédits nouveaux.

Le soutien aux librairies

Source : CNL - Rapport d'activité 2015

- enfin, les aides au numérique ont régressé de 17 % , reflétant d'une part la diminution de la dotation du CNL à la BnF pour ses programmes de numérisation patrimoniale et, dans une moindre mesure, la baisse des subventions aux éditeurs pour la numérisation des catalogues sous droits.

Pour l'année 2016, les données relatives à l'activité du CNL ne sont pas encore disponibles, mais les missions restant inchangées, son activité devrait être similaire à celle observée en 2015. Votre rapporteur pour avis, soucieuse de permettre à l'opérateur de retrouver son niveau d'intervention d'antan auprès de la filière du livre, appelle de ses voeux des décisions rapides en faveur de la modernisation de ses sources de financement.

3. Des auteurs à mieux considérer
a) Une réglementation plus protectrice
(1) En matière de contrat

Les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition sont particulièrement structurantes pour le secteur du livre en ce qu'elles déterminent les règles impératives qui organisent les contrats de cession des droits par les auteurs aux éditeurs, ainsi que les obligations réciproques des parties .

En l'absence de modification significative depuis 1957, le contrat d'édition était devenu en partie obsolète : l'objet du contrat était défini comme « la fabrication en nombre des exemplaires de l'oeuvre » , ce qui ne permettait pas de prendre en compte la diffusion numérique. En outre, les règles édictées manquant de précision au point de permettre la perpétuation de mauvaises pratiques, il constituait un motif de mécontentement des auteurs comme de discorde avec les éditeurs.

Après plusieurs années de réflexion et de négociations sous l'égide du professeur Pierre Sirinelli, auteurs et éditeurs sont parvenus à un consensus formalisé dans un accord-cadre signé le 21 mars 2013 entre le Conseil permanent des écrivains (CPE) et le SNE, qui préconise, dans une démarche souple et originale, de déterminer les modalités d'application des grands principes dans un code des usages , discuté entre les organisations représentatives des auteurs et des éditeurs sous l'égide du ministère de la culture et de la communication, puis rendu obligatoire à tout le secteur du livre par un acte d'extension.

La loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition, a habilité le Gouvernement à tirer les conséquences de cet accord-cadre par voie d'ordonnance, ce qui fut fait le 12 novembre de la même année, pour une entrée en vigueur au 1 er décembre 2014.

Désormais, le contrat d'édition couvre à la fois l'édition en nombre des exemplaires d'une oeuvre et la réalisation de cette oeuvre sous une forme numérique. Lorsqu'il a pour objet l'édition d'un livre sous une forme imprimée et numérique, le contrat doit comporter une partie distincte dédiée aux conditions de cession des droits numériques. Les nouvelles dispositions définissent avec précision l'étendue de l'obligation qui pèse sur l'éditeur en matière d'exploitation permanente et suivie et de reddition des comptes tant pour l'édition imprimée que l'édition numérique. L'auteur pourra, lorsque l'éditeur n'aura pas rempli ses obligations contractuelles, obtenir la résiliation de son contrat selon des procédures simplifiées ne nécessitant pas le recours au juge.

Le nouveau contrat d'édition garantit également une juste rémunération de l'auteur en cas d'exploitation numérique de son oeuvre en prévoyant une participation à l'ensemble des recettes issues plus ou moins directement des différents modes d'exploitation de l'oeuvre, que ce soit dans le cadre des traditionnelles ventes à l'unité mais également dans le cadre de bouquets, d'abonnements ou lorsque le modèle économique de l'éditeur repose sur la publicité.

Les conditions économiques de la cession des droits numériques feront par ailleurs l'objet d'un réexamen régulier afin de tenir compte de l'évolution des modèles économiques de diffusion numérique. Si la mesure peut aujourd'hui sembler anecdotique au regard du faible niveau des recettes tirées de l'exploitation numérique, elle prendra tout son intérêt dans les années à venir.

Répartition du revenu par source

Europe des 27, 2003 et 2013, en milliards d'euros et % du total

Source : AFDEL

Les modalités d'application du nouveau contrat d'édition ont été précisées par un accord interprofessionnel entre les organisations représentatives des auteurs, signé le 1 er décembre 2014, puis étendu par un arrêté de la ministre de la culture et de la communication le 10 décembre de la même année.

Un projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1348 du 12 novembre 2014 modifiant les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 29 avril 2015. Finalement, l'article 107 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine fit office de ratification.

Par ailleurs, dès 2015, auteurs et éditeurs ont entamé un nouveau cycle de négociations relatives à l'amélioration de la transparence . En application de la loi du 7 juillet 2016 précitée, le Gouvernement remettra un rapport au Parlement sur les résultats de cette concertation, ainsi que sur la mise en oeuvre de la réforme du contrat d'édition.

Toutefois, sans attendre la fin des discussions interprofessionnelles, la loi du 7 juillet 2016 introduit d'ores et déjà dans le code de la propriété intellectuelle de nouvelles dispositions visant à faciliter les relations contractuelles entre auteurs et éditeurs (sanction du défaut de paiement des droits d'auteur ou de reddition des comptes par une résiliation de plein droit du contrat d'édition). S'agissant de la reddition des comptes, le SNE indique, dans son rapport d'activité 2015-2016, qu'il « est envisagé la mise en place, chez les éditeurs, d'un outil informatique pour produire leurs statistiques de ventes et faciliter la reddition des comptes ».

Votre rapporteur pour avis considère qu' un effort particulier de transparence doit être réalisé par les éditeurs, alors qu'en 2015, selon le 6 e baromètre des relations auteurs/éditeurs publié conjointement par la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) et la Société des gens de lettres (SGDL), 45 % des auteurs ne reçoivent que rarement, voire jamais, de reddition de comptes de la part de leur éditeur. Lorsqu'ils sont transmis, les documents exigés ne sont clairs et complets que pour 13 % des auteurs.

(2) En matière de protection sociale

Le régime social des artistes auteurs, dont font partie les auteurs de l'écrit, est rattaché au régime général . La branche des écrivains est gérée par l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA). Créée en 1977, elle est chargée du recouvrement de leurs cotisations et contributions.

Soucieux d'améliorer la protection sociale des auteurs, les ministères en charge de la culture et des affaires sociales ont confié une mission conjointe à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui a remis ses conclusions en 2013. Une concertation a ensuite été engagée avec les organisations professionnelles représentatives des artistes auteurs pour examiner différentes mesures de simplification et de consolidation de leur protection sociale, concernant en particulier la retraite .

Le précompte de la cotisation pour la retraite de base des artistes auteurs a ainsi été inscrit dans la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016. De fait, l'appel de cotisation à la retraite de base n'avait jamais été mis en place pour les artistes auteurs non affiliés à l'AGESSA. Afin de les rétablir dans leurs droits en simplifiant le recouvrement, les cotisations et contributions de sécurité sociale seront systématiquement précomptées pour les artistes auteurs déclarant fiscalement leurs revenus en traitements et salaires. La mise en oeuvre de cette mesure est prévue au plus tard au 1 er janvier 2019.

Parallèlement, un dispositif de régularisation des cotisations prescrites a été élaboré pour une entrée en vigueur à la fin de l'année 2016 , afin que les artistes auteurs dont les cotisations vieillesse n'ont pas été appelées puissent reconstituer leurs droits à retraite auprès du régime général, dès lors qu'ils justifieront les rémunérations en droits d'auteur perçues et acquitteront les cotisations d'assurance vieillesse afférentes.

Par ailleurs, le régime de retraite complémentaire des artistes auteurs professionnels (RAAP), géré par l'Institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création (IRCEC), a été réformé afin de garantir son statut de régime de protection sociale. Dans ce cadre, un dispositif de cotisations proportionnelles aux revenus d'artistes auteurs à un taux unique de 8 % remplace, depuis le 1 er janvier 2016, un système de classes de cotisations optionnelles. Cette réforme permet d' améliorer le niveau des retraites servies . Les auteurs de l'écrit, qui bénéficient de la prise en charge par la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA) de la moitié de leurs cotisations du RAAP au titre du droit de prêt en bibliothèque, continueront d'en bénéficier.

b) Une paupérisation qui demeure inquiétante

Malgré des avancées significatives en faveur de la rémunération et de la protection sociale des auteurs de l'écrit, le phénomène de paupérisation s'accentue.

Selon le 6 e baromètre des relations auteurs/éditeurs précité, 69 % des auteurs perçoivent, en 2015, pour l'édition imprimée moins de 10 % de droits d'auteur sur le prix public de vente des livres , contre 59 % en 2013. Ils ne sont plus que 7 % (10 % en 2013) à percevoir un taux supérieur à 10 %. Pire, près de 19 % des auteurs sont rémunérés à un taux inférieur à 5 % du prix public de vente , alors qu'ils n'étaient que 15 %, proportion déjà alarmante, en 2013. Ce dernier chiffre atteint 27 % pour l'exploitation numérique. Non que le pourcentage de rémunération versé aux auteurs sur le prix d'un livre imprimé (8 %, 10 %, 12 % ou, très rarement jusqu'à 18 % selon les contrats) n'ait été brutalement diminué, mais il demeure très insuffisant en littérature jeunesse (6 % partagés avec l'illustrateur).

Par ailleurs, seul un auteur sur deux (49 %) se voit proposer systématiquement un contrat avec un à-valoir , dont le montant moyen est à la baisse : il est inférieur à 1 500 euros pour 38 % des auteurs.

Au final, les rémunérations issues de l'activité d'écriture représentent moins de 25 % des revenus pour plus de 65 % des auteurs de l'écrit.

Pourcentage des revenus d'auteur par rapport aux revenus annuels

Source : 6 e baromètre des relations auteurs/éditeurs - SCAM/SGDL

Il y a vingt ans, 20 000 auteurs se partageaient 450 millions d'euros de droits ; ils sont 60 000 aujourd'hui pour une somme identique . En réalité, les recettes de l'industrie du livre sont concentrées, chaque année, sur quarante titres et une quinzaine d'auteurs hors desquels il est difficile pour quiconque de vivre de sa plume. On estime à 150 seulement le nombre d'auteurs qui gagnent aisément leur vie et à 8 000 ceux qui perçoivent des revenus d'auteur équivalents au SMIC. Sans bénéficier de rémunérations élevées, les traducteurs ont les revenus les plus sécurisés car, outre leurs droits, ils touchent une rémunération fixe d'au minimum 21 euros par page.

En conséquence, près de 70 % des auteurs exercent un autre métier parallèlement à leur activité littéraire, notamment scénariste, journaliste, chercheur ou enseignant. Pour des raisons liées à l'exercice du métier comme à leur rémunération moyenne, les illustrateurs, dessinateurs et coloristes de bande dessinée ainsi que les traducteurs ont moins fréquemment une autre activité professionnelle.

D'autres auteurs choisissent de compléter les revenus issus de leurs oeuvres littéraires par des travaux alimentaires de « nègre » , ou ghost writer , pour le compte d'autrui, dont ils mettent en forme les confessions. Si certains assument ce second emploi, pour lequel ils peuvent même grassement être rémunérés lorsque la personnalité « biographée » est célèbre (jusqu'à 20 000 euros d'à-valoir et 3 à 4 % du prix du livre), existe aussi un lumpenprolétariat d'écrivains précaires pour lesquels les à-valoir sont faibles, les délais contraints et les droits d'auteur souvent inexistants. « Il y aura toujours assez de faméliques dans notre métier malheureusement, pour que l'emploi de nègre ne se perde point » , écrivait Colette, ghost writer de son propre mari, en 1936. La réalité n'est hélas guère différente aujourd'hui.

Dans ce contexte, le soutien du CNL aux auteurs apparaît vital pour nombre d'entre eux. Il se décline principalement en bourses de création et de résidence visant à permettre à des auteurs et illustrateurs professionnels, ayant déjà été publiés à compte d'éditeur, de mener à bien un projet en langue française. Les traducteurs peuvent bénéficier de bourses de traduction (langues étrangères vers le français) et de séjour (français vers les langues étrangères), afin de favoriser le rayonnement et la diffusion internationale des oeuvres. Enfin, la bourse Cioran bénéficie chaque année à un auteur pour l'écriture d'un essai à caractère philosophique ou littéraire. D'un montant de 12 000 euros, elle a été attribuée en 2015 à Santiago Espinosa pour l'écriture de son Traité des apparences . Par ailleurs, l'assistance culturelle du CNL vient en aide aux auteurs confrontés à des difficultés économiques.

En 2015, 306 aides ont été attribuées aux auteurs et aux traducteurs pour un montant total de 2,28 millions d'euros , soit une diminution de 30 % en volume et de 15 % en valeur par rapport à 2014, année où les demandes ont toutefois été en nombre supérieur de 20 %.

c) Une relation privilégiée avec le public à mettre en valeur

Les auteurs, signe de l'appétence conservée des Français pour le livre et la littérature, continuent à attirer le public, dans les salons spécialisés comme lors des animations organisées par les librairies ou les bibliothèques. Là réside une piste intéressante pour améliorer la rémunération des auteurs , sans modifier par trop les équilibres économiques fragiles du secteur.

Comme le rappelait le président du CNL lors de son audition par votre rapporteur pour avis, aux États-Unis, les conférences ou les clubs de lecture qui invitent des auteurs les paient systématiquement et, parfois, très cher. En Allemagne, les tournées d'écrivains, y compris dans les librairies, sont rémunérées.

Fort de ces exemples, le CNL a récemment conditionné sa participation au financement des festivals et autres salons du livre , au nombre de 86 en France, à l'obligation de rémunérer les écrivains qui participent aux débats qui s'y tiennent . Pour 200 000 euros d'aides versées sous condition à ces manifestations en 2016, les auteurs se sont ainsi vus verser 2 millions d'euros de rémunération pour leur participation.

Votre rapporteur pour avis salue cette initiative et se réjouit de la prise de conscience des organisateurs d'événements sur le thème du livre, y compris des collectivités territoriales, quant à la problématique de la rémunération des écrivains et des illustrateurs. Elle appelle de ses voeux la généralisation de ces bonnes pratiques dans l'ensemble des manifestations littéraires , qu'elles soient, ou non, subventionnées par le CNL.

L'enjeu est également de moderniser les salons afin d'y attirer un public de plus jeunes lecteurs . Il est à cet égard inquiétant que le Salon du Livre de Paris ait récemment perdu près de 30 % de visiteurs. Auditionné par votre rapporteur pour avis, le SNE, qui en assure l'organisation, a indiqué être en phase de refonte des équipes dédiées à l'événement en vue d'obtenir de meilleurs résultats de fréquentation en 2017.

L'année 2017 sera également marquée par la participation toute particulière de la France à la Foire du Livre de Francfort , événement le plus important de l'industrie du livre à l'échelle mondiale, dont elle sera l'invitée d'honneur. Au-delà de la semaine même de la Foire, la mise à l'honneur de la France se traduira dans un grand nombre de manifestations culturelles organisées en Allemagne au cours de l'année.

Afin de soutenir cette opportunité de mieux faire connaître la littérature et les auteurs français par-delà les frontières hexagonales, le CNL contribuera au financement de la présence de la France en ces différentes occasions en y consacrant une partie de l'enveloppe de 2,5 millions d'euros destinée aux actions de l'opérateur à l'international. En outre, le ministère de la culture et de la communication mobilisera à cet effet un million d'euros des crédits centraux de la sous-action 04 « édition, librairie et professions du livre » de l'action n° 01 « livre et lecture » du programme 334 « livre et industries culturelles ».

B. LES BIBLIOTHÈQUES : ATOUT MAJEUR DE LA POLITIQUE PUBLIQUE EN FAVEUR DE LA LECTURE

1. La figure centrale de la Bibliothèque nationale de France
(1) Des missions plurielles

Au terme du décret du 3 janvier 1994 qui la régit, la Bibliothèque nationale de France (BnF), établissement public à caractère administratif, a pour missions de :

- collecter, cataloguer, conserver et enrichir le patrimoine national dont elle a la garde, qu'il soit imprimé, graphique, audiovisuel ou numérique.

La mission de collecte passe notamment par la mise en oeuvre du dépôt légal , qui concerne l'ensemble de la création, y compris le jeu vidéo. Récemment, plusieurs cartons de jeux ont ainsi été transmis à l'opérateur par le leader français du secteur, Ubisoft. La BnF réadapte ensuite les jeux déposés pour qu'ils soient utilisables sur les nouveaux supports.

Ces collections sont valorisées par un programme d'expositions régulières et enrichies grâce à une importante politique d'acquisitions patrimoniales . Pour y parvenir, la BnF lève des fonds grâce au mécénat . Après plusieurs manuscrits médiévaux pour 3,1 millions d'euros et des manuscrits de Berlioz pour 1,5 million d'euros en 2015, l'opérateur a acquis en 2016 le bréviaire de Saint Louis de Poissy, ainsi que le manuscrit de Nadja d'André Breton pour 2 millions d'euros ;

- permettre l'accès du plus grand nombre à ces collections , tout en veillant à leur conservation.

En 2015, la BnF a accueilli, dans ses salles de lecture, environ 813 000 visiteurs. En raison du développement des possibilités de recherche à distance, mais également de facteurs conjoncturels, notamment des récents attentats terroristes et la crue du mois de juin qui a obligé l'établissement à fermer pendant trois jours, la tendance à l'érosion de la fréquentation se poursuit en 2016 (- 1 %). Afin de tenter d'y remédier, l'établissement a rénové sa politique d'accueil via notamment une organisation des salles de lecture du Haut-de-Jardin plus conforme aux nouvelles habitudes de lecture et de travaux collectifs des étudiants, une extension du Wifi et un assouplissement des règles d'accréditation . En outre, la réouverture d'une partie du site Richelieu à la fin de l'année 2016 devrait conduire à renforcer l'affluence. De fait, parmi les indicateurs de performance attachés à l'objectif n° 1 « Favoriser l'accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture » figure le renforcement de la fréquentation des salles de lecture de la BnF avec un objectif de 970 000 visiteurs en 2017 . Les pratiques évoluent également : près de 60 000 personnes fréquentent ainsi chaque année la bibliothèque hors des salles de lecture, ce qui nécessite de réfléchir à de nouvelles formes d'accueil, en particulier pour les travaux collectifs

- enfin, préserver, gérer et mettre en valeur son patrimoine immobilier. Pour mémoire, outre le site François Mitterrand, la BnF dispose de plusieurs implantations à Paris (bibliothèque de l'Arsenal, bibliothèque-musée de l'opéra, quadrilatère Richelieu).

Dans le cadre de sa mission de conservation et avec le soutien financier du CNL, la numérisation du patrimoine libre de droit écrit en français ou en langue régionale et imprimé sur le territoire national a été confiée à l'opérateur , qui dispose d' une bibliothèque numérique, Gallica. Inaugurée en 1997 comme une simple bibliothèque numérique à vocation encyclopédique, Gallica a profondément évolué à compter de 2006, en contrepoint des projets de numérisation de Google . Le site, désormais généraliste, reçoit près de quinze millions de visiteurs chaque année (40 000 visites par jour pour quarante pages lues par personne en moyenne) et compte plus de 3,4 millions de documents. Une nouvelle version du site a récemment été développée pour les mobiles et les tablettes. Le site Gallica intra-muros , version disponible seulement dans les salles de lecture et de recherche de la BnF, rassemble, pour sa part, près de 3,8 millions de documents, dont 400 000 documents sous droit.

Un accent particulier est mis sur la reproduction des « trésors et chefs d'oeuvre » , avec notamment la numérisation progressive des réserves des départements spécialisés . D'autres fonds sont numérisés pour des raisons de conservation et de communication : reproduction de documents très fragiles (support sur plaque de verre par exemple) ou présentant des difficultés de manipulation (documents de très grand format, objets comme le fonds de marionnettes du département « arts du spectacle »). Des chantiers spécifiques sont enfin lancés en fonction des partenariats et accords passés par la BnF : la numérisation en 3D de globes du département « cartes et plans » dans le cadre d'un mécénat ou la reproduction d'imprimés chinois anciens conformément à l'accord de partenariat signé avec l'université de Shandong.

Si les projets de numérisation des oeuvres ont d'abord principalement porté sur le domaine public et les collections les plus contemporaines ou extraordinaires, la loi n° 2012-287 du 1 er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XX e siècle a ouvert les campagnes de numérisation à des oeuvres autrefois oubliées. Le législateur a instauré à cet effet un mécanisme de gestion collective pour les droits numériques attachés aux livres indisponibles du XX e siècle publiés en France et ne faisant plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur, soit environ 200 000 titres.

Le dispositif prévu consiste en un transfert de l'exercice des droits numériques à une société de perception et de répartition des droits, au terme d'un délai de six mois après l'inscription des livres dans une base de données publique réalisée par la BnF , et sauf opposition des titulaires de droits. Pendant ce délai, les auteurs et leurs ayants droit sont informés, afin de leur permettre d'exercer en toute connaissance de cause leur droit de sortie initial. Après l'entrée en gestion collective, les titulaires de droits conservent cependant la possibilité de se retirer, sans contrepartie, du dispositif dès lors que les droits d'exploitation numérique de l'oeuvre n'ont pas été cédés à un éditeur.

La BnF a publié, le 21 mars 2013, une première liste de près de 63 000 livres, essentiellement des ouvrages de littérature et de sciences humaines publiés après 1981, sur son Registre des livres indisponibles en réédition électronique (ReLire), dont les droits d'exploitation numérique sont entrés en gestion collective le 21 septembre 2013 à défaut d'opposition de leurs éditeurs, de leurs auteurs ou des ayants droit de ces derniers. A la même date, par arrêté de la ministre de la culture et de la communication, la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA) a été agréée en qualité de société de perception et de répartition pour la gestion collective du droit d'autoriser l'exploitation numérique des livres indisponibles.

Une nouvelle liste de 35 000 titres a été publiée en 2014 , essentiellement composée d'oeuvres publiées avant 1970 en littérature, histoire et sciences sociales et humaines. Puis, la campagne de numérisation proprement dite a débuté à l'été 2014 et la commercialisation des 15 000 premiers fichiers est intervenue à la fin de l'année 2015 .

Le dispositif, pour efficace soit-il en matière d'accès aux oeuvres, vient cependant de recevoir un coup d'arrêt brutal . En effet, si, par une décision du 28 février 2014, le Conseil constitutionnel avait estimé que la loi du 1 er mars 2012, poursuivant un but d'intérêt général, était conforme à la Constitution et ne violait pas les dispositions relatives au droit de propriété garanties par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, telle n'est pas la conclusion de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Pour mémoire, dans un arrêt du 6 mai 2015, le Conseil d'État a décidé de surseoir à statuer sur le recours pour excès de pouvoir intenté par certains titulaires de droits, afin de soumettre à la CJUE une question préjudicielle sur la compatibilité de la réglementation relative aux livres indisponibles avec la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 . Il s'agissait de déterminer si le dispositif de gestion collective des livres indisponibles constitue ou non une exception ou une limitation autorisée .

Les observations de l'avocat général de la CJUE, présentées le
7 juillet dernier, furent fort critiques quant au respect du droit de l'auteur, qui exige le consentement exprès et préalable avant toute reproduction et communication au public de ses oeuvres, par le système ReLire.

Elles ont été confirmées par l' arrêt du 16 novembre 2016 , dans lequel la CJUE remet en cause le mécanisme français permettant la diffusion numérique des livres indisponibles dans le commerce, sur autorisation de la société de gestion collective SOFIA. Elle y estime que les articles 2 et 3 de la directive du 22 mai 2001 « s'opposent à ce qu'une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, confie à une société agréée de perception et de répartition de droits d'auteurs l'exercice du droit d'autoriser la reproduction et la communication au public, sous une forme numérique, de livres dits indisponibles, à savoir des livres publiés en France avant le 1 er janvier 2001 et ne faisant plus l'objet ni d'une diffusion commerciale ni d'une publication sous une forme imprimée ou numérique, tout en permettant aux auteurs ou ayants droit de ces livres de s'opposer ou de mettre fin à cet exercice dans les conditions que cette réglementation définit ».

L'arrêt considère que, le dispositif français n'entrant pas dans le cadre des exceptions et limitations au monopole de l'auteur prévues par la directive, il lui revenait de déterminer si une société de gestion collective pouvait autoriser la reproduction numérique d'un livre indisponible, à condition que l'auteur ne s'y soit pas opposé dans un délai de six mois à compter de l'inscription de l'ouvrage dans ReLire. La Cour a estimé que le consentement de l'auteur à l'utilisation de son oeuvre peut être exprimé de manière implicite, sous réserve que l'auteur soit informé de sa future utilisation , en vue de l'interdire s'il le souhaite. Or, dans le mécanisme prévu par la loi du 1 er mars 2012, la Cour considère qu'il n'est pas exclu que les auteurs concernés n'aient pas reçu d'information sur cette future utilisation et n'aient pas été en mesure de prendre position. En effet, la réglementation française ne garantit pas l'information effective et individualisée des auteurs.

Par ailleurs, il ne peut être raisonnablement présumé que les auteurs de livres « oubliés » soient favorables à leur résurrection en vue d'une exploitation commerciale sous forme numérique. « Dans ces conditions, une simple absence d'opposition de leur part ne peut pas être regardée comme l'expression de leur consentement implicite à cette utilisation » , déclare la Cour.

La CJUE s'est également prononcée contre la possibilité de mettre fin à l'exploitation commerciale de leurs oeuvres sous forme numérique, soit d'un commun accord avec les éditeurs, soit seuls à condition qu'ils rapportent la preuve qu'ils sont bien les titulaires des droits. Elle considère que « lorsque l'auteur d'une oeuvre décide, dans le cadre de la mise en oeuvre d'une réglementation telle que celle en cause au principal, de mettre fin pour l'avenir à l'exploitation de cette oeuvre sous une forme numérique, ce droit doit pouvoir être exercé sans devoir dépendre, dans certains cas, de la volonté concordante de personnes autres que celles que cet auteur a préalablement autorisées à procéder à une telle exploitation numérique, et donc de l'accord de l'éditeur ne détenant, par ailleurs, que les droits d'exploitation de ladite oeuvre sous une forme imprimée. ». Par ailleurs, elle rappelle qu'il doit être possible de mettre fin à l'exploitation de son oeuvre, sans avoir à se soumettre à une formalité préalable.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis juge indispensable que la révision prochaine de la directive du 22 mai 2001 rende possible le maintien du programme ReLire en faveur des livres indisponibles.

La BnF est dotée, dans le projet de loi de finances, d' une subvention pour charges de service public de 210,1 millions d'euros en 2017 , soit une légère augmentation de 1,6 %. Cette somme correspond à 92,4 % des recettes de l'établissement, le reste provenant de la billetterie, des activités commerciales et du mécénat.

Cet ajustement à la hausse doit permettre d' absorber les tensions sur la masse salariale , liées à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, à l'application de l'accord relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations des fonctionnaires et aux mesures de sécurité mise en place en 2016 à la suite des attentats. L'établissement a d'ailleurs largement participé à l'effort de maîtrise des dépenses publiques en limitant ses coûts de fonctionnement , en particulier ses charges de personnel, qui représentent 73,3 % des dépenses de l'opérateur. En 2017, il ne lui est donc par demandé de nouvelle diminution de son plafond d'emploi, qui demeure à 2 249 ETPT.

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Laurence Engel, présidente de l'établissement public, a fait part de son soulagement à la perspective : après une diminution de près de 10 % des effectifs de l'opérateur depuis sept ans, la réorganisation du travail nécessaire au développement de nouvelles missions, notamment le dépôt légal numérique, créait de problématiques tensions sociales, conduisant à une grève massive au printemps dernier. La stabilisation des effectifs va ainsi permettre de lancer les chantiers souhaités par la nouvelle gouvernance en matière de respect de l'environnement, d'adéquation des emplois et des compétences et d'organisation fonctionnelle, qui seront inscrits au contrat de performance de l'opérateur pour la période 2017-2020, en cours de finalisation.

(2) Des projets immobiliers aussi interminables que coûteux

L'immense site François Mitterrand nécessite régulièrement des travaux de modernisation et de mise aux normes . L'année 2017 n'y fera pas exception et verra le lancement du projet de renouvellement du système de sécurité incendie pour un coût total de 22,5 millions d'euros, dont 2 millions d'euros mobilisés en 2017. Un million d'euros sera par ailleurs consacré, en 2017 comme l'année suivante, à la mise aux normes des ascenseurs des quatre tours du bâtiment. Débutera également le chantier de renouvellement du système de transport automatique de document : une enveloppe de 450 000 euros y est destinée en 2017 sur un montant total de 4,75 millions d'euros. Une réflexion est également en cours sur les solutions à apporter à la saturation, à l'horizon 2023, des espaces de stockage des réserves , ainsi que l'indiquait Laurence Engel, présidente de la BnF, lors de son audition.

Toutefois, l'essentiel des crédits de travaux est consacré à la rénovation du site historique du quadrilatère Richelieu , où la BnF est installée depuis le XVIII e siècle . Il s'agit assurer la sécurité des personnes et la sûreté des collections patrimoniales, en vue de l'installation sur le site des bibliothèques de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et de l'École nationale des Chartes dans les locaux laissés vacants par le déménagement des imprimés et des périodiques sur le site de Tolbiac en 1998, et, à terme, de constituer un pôle de ressources en histoire de l'art , grâce à la rénovation des salles de lecture, à l'augmentation du nombre de places et à la création de nouvelles aires d'accueil pour le public. La BnF devrait également utiliser le site rénové pour y déployer une partie de ses collections spécialisées (arts du spectacle, manuscrits, monnaies, médailles et antiques, musique) afin de libérer des espaces de réserve sur le site François Mitterrand.

Ce chantier, entamé en 2011 et qui devait s'achever en 2020, représente pour l'État une charge globale d'environ 232,5 millions d'euros, régulièrement réévaluée par l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), mandaté pour la conduite de l'opération 2 ( * ) . Des surcoûts à hauteur de 6,7 millions d'euros ont en effet été constatés à la suite de la découverte d'amiante et de plomb dans le bâtiment. Ces aléas ont retardé les travaux de plus de deux ans , de même que plusieurs contentieux, en 2014, avec des entreprises du chantier et les atermoiements du ministère de la culture et de la communication sur le sort à réserver à l'escalier d'honneur , qui date de 1917 et est inscrit à l'inventaire supplémentaire. Il sera finalement détruit en 2017, afin de faciliter, par son remplacement par un ouvrage plus modeste, la circulation du public entre les différentes parties du quadrilatère.

L'enveloppe des travaux est imputée à 80 % au ministère de la culture et de la communication , les 20 % restants étant à la charge du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche au titre de la tutelle qu'il exerce sur l'école nationale des Chartes et de celle qu'il partage avec le ministère de la culture et de la communication sur l'INHA.

Au total, la participation du ministère de la culture s'élèvera à 189,7 millions d'euros , sauf nouveau dérapage budgétaire, financée pour 155,2 millions d'euros sur le programme 334 « Livre et industries culturelles » et pour 34,5 millions d'euros sur le programme 175 « Patrimoines ». Pour l'année 2017, les dépenses d'investissement s'élèveront à 8,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 6 millions d'euros en crédits de paiement.

La BnF est elle-même largement mise à contribution pour le financement du projet . Reviennent ainsi à sa charge les coûts de déménagement des personnels et des collections . L'établissement public a, en outre, sur la période 2001-2012, complété de 12 millions d'euros le financement des travaux de la première phase, grâce à des gains issus de contentieux gagnés, et a ainsi financé plusieurs rénovations de salles et de mobiliers.

Finalement, et votre rapporteur pour avis s'en réjouit, la première phase épique de travaux du quadrilatère Richelieu s'est achevée le 25 mai 2016 . Les services de la BnF et les écoles supérieures destinataires des locaux se sont installées à l'été. D'ici la fin de l'année 2016, la salle de lecture Labrouste sera rouverte au public.

Dans la perspective du lancement des travaux de la phase 2 en 2017 , des bungalows provisoires ont été installés dans la Cour d'Honneur et les bâtiments concernés fermés au public le 30 septembre dernier après transfert des collections. Celle des monnaies et médailles sera pour partie abritée par la Banque de France, en application du partenariat conclu à cet effet pour une durée de quatre ans par la BnF.

Une somme équivalente de 12 millions d'euros devra à nouveau être trouvée pour la seconde phase, notamment pour le financement de la rénovation de la façade (4,8 millions d'euros) et des parties classées (salle ovale, salon Louis XV, galerie Mazarine) , ainsi que la réfection des pavés de la cour . Il est envisagé, à cet effet, de faire appel au mécénat et d'y affecter une partie du produit de la cession prochaine d'un bâtiment. D'ores et déjà, 300 000 euros ont été engagés par la fondation d'entreprise Total pour la réfection de la galerie Mazarine, classée monument historique. Une souscription pour les décors de la salle ovale sera prochainement lancée ; la BnF en espère 500 000 euros, sur un coût total estimé à 3,4 millions d'euros. En outre, il semblerait que la direction générale du patrimoine du ministère de la culture prenne finalement à sa charge, pour un montant d'environ 7 millions d'euros, la réfection des toitures et des façades.

2. Le renouveau attendu de la bibliothèque publique d'information

La bibliothèque publique d'information (Bpi), établissement public à caractère administratif placé sur la tutelle du ministère de la culture et de la communication, est associée au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et participe à ses activités. Conformément au décret constitutif de 1976, l'établissement est une bibliothèque encyclopédique et multimédia accessible gratuitement et sans formalité, qui met à la disposition du public des ressources documentaires françaises et étrangères de toute nature.

Compte tenu de sa large amplitude d'ouverture , notamment le soir et en fin de semaine, la Bpi accueille depuis sa création une grande mixité de publics. En 2015, outre 63 % d'étudiants et 5 % de lycéens, elle comptait parmi ses publics des usagers rencontrant des difficultés sociales , pour certains récemment arrivés en France, à la recherche de services pouvant contribuer à leur insertion sociale et/ou à leur intégration (ateliers de conversation en français et en langues étrangères, ateliers d'apprentissage du numérique ou d'accompagnement professionnel).

Pour répondre à cette demande particulière, la Bpi organise chaque semaine des accueils spécifiques dans le cadre de partenariats avec des associations du champ social , ainsi que des permanences pour le public des jeunes migrants avec l'association France Terre d'Asile. Depuis 2015, l'établissement a renforcé son action en matière de cohésion sociale en intégrant le réseau des partenaires de la Cité des métiers (lieu ressource de la Cité des sciences et de l'industrie) pour la mise en oeuvre d'ateliers portant sur la recherche d'emploi, l'orientation professionnelle et la création d'entreprise.

En tant que bibliothèque nationale, la Bpi assure également une mission de coopération entre les bibliothèques , en développant des actions collaboratives et de mutualisation des bonnes pratiques, notamment dans les domaines du cinéma documentaire, de l'accès aux personnes handicapées, de la formation professionnelle et des ressources numériques. À ce titre, l'établissement soutient l'association « réseau Carel », qui regroupe des collectivités territoriales pour l'accès aux ressources numériques en bibliothèques, afin d'obtenir des éditeurs des tarifs adaptés aux réseaux de lecture publique.

Depuis 2005, la Bpi est en outre en charge de la gestion et de la diffusion du catalogue national des films documentaires pour les bibliothèques publiques créé dans les années 1980. Dans ce cadre, l'opérateur a lancé, à l'automne 2016, la création d'une plateforme de vidéo à la demande donnant accès aux documentaires sous forme numérique. Les bibliothèques abonnées à ce service peuvent en proposer la consultation sur place, la projection publique ou le prêt numérique à domicile.

Ces missions se poursuivront dans le cadre du contrat de performance pour la période 2016-2018 récemment conclu entre la Bpi et son ministère de tutelle.

Malgré les efforts réalisés pour adapter au mieux l'offre de services proposée aux besoins des usagers, la fréquentation de la bibliothèque poursuit son érosion , avec environ 1,35 million de visiteurs en 2015 et 1,2 million en 2016, en raison de la fermeture partielle de l'établissement pendant les travaux de sécurité incendie du Centre Pompidou, mais aussi de la moindre attractivité du centre de Paris après les attentats de novembre et des mesures de protection afférentes (accès modifié et contrôle de sécurité renforcé dans le cadre de l'état d'urgence). La saturation de la bibliothèque demeure cependant fréquente , notamment les week-ends et durant les périodes de préparation des examens, avec une durée moyenne de visite (3 heures 34) qui continue de s'allonger. Aux termes du « bleu » budgétaire pour 2017, la fréquentation de la Bpi devrait atteindre 1,5 million de visiteurs.

Le réaménagement de la bibliothèque constitue désormais une priorité. En septembre 2015, le président du Centre Pompidou a annoncé que l'entrée de la bibliothèque se ferait par la place Georges Pompidou (dite Piazza), avec une file d'attente distincte de celle du musée, au lieu de l'accès actuel par l'arrière du bâtiment utilisé depuis 2001. Cette modification, qui renoue avec l'esprit architectural originel du bâtiment, permet d'envisager une visibilité et une attractivité renforcée de la Bpi, ce dont votre rapporteur pour avis se félicite.

La rénovation des espaces intérieurs permettra d'améliorer l'accès aux outils numériques, de proposer davantage d'ateliers aux usagers, de développer l'action culturelle de la bibliothèque, avec notamment l'organisation de trois expositions par an dans un espace dédié, mais également de faciliter l'organisation d'accueils de groupes dans le cadre d'actions d'éducation artistique et culturelle.

En 2016, le projet a connu des avancées significatives concernant le cadrage et la planification des opérations : la maîtrise d'ouvrage a été déléguée par convention à OPPIC en juillet et, à la fin de l'année, sera lancé l'appel d'offres pour le choix du maître d'oeuvre. Les travaux débuteront en 2018 pour une livraison prévue en 2020 , ce qui explique qu'aucune enveloppe n'y soit encore dédiée par le présent projet de budget.

Le montant des crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2017 au titre de la subvention pour charges de service public est de 6,9 millions d'euros (fonctionnement) . Ce montant a été ajusté à la hausse (+ 0,6 %) pour permettre à l'établissement d'absorber l'augmentation tendancielle des charges de fonctionnement et le relèvement du point d'indice de la fonction publique pour les 63 ETPT (stables en 2017) que compte l'établissement.

Hors projet de rénovation des espaces intérieurs, les crédits inscrits au titre de la dotation en fonds propres (investissement) progressent de 1,7 million d'euros en autorisations d'engagement et 390 000 euros en crédits de paiement. Cet ajustement est destiné à financer le renouvellement des revêtements du sol et à la réalisation de travaux sur la structure du bâtiment (la coursive), dans le cadre du projet de modification de l'accès du public à la bibliothèque.

3. Les bibliothèques : fer de lance du soutien public à la lecture dans les territoires

Le soutien public aux 7 112 bibliothèques municipales, intercommunales et départementales, qui accueillent chaque année plus de 10 millions de lecteurs , relève de trois dispositifs complémentaires :

- le concours particulier des bibliothèques de la dotation générale de décentralisation

Depuis sa création en 1986, cette enveloppe a contribué au financement de 2,8 millions de mètres carré de bibliothèque sur l'ensemble du territoire national. En 2016, les projets ainsi subventionnés concernent des établissements à Brest, Caen, Carpentras et Cambrai, ainsi que les bibliothèques numériques de référence de Lyon, Rennes Métropole, du Grand Troyes et du département du Pas-de-Calais. L'extension des horaires d'ouverture des établissements volontaires , en application du rapport de la sénatrice Sylvie Robert 3 ( * ) , bénéficie également de ces crédits depuis la circulaire interministérielle du 15 juin 2016. La dotation s'élèvera à 80 millions d'euros en 2017, soit un montant équivalent à celui de 2016, alors que Sylvie Robert estimait que la mise en oeuvre de cette réforme exigeait un rehaussement des crédits à 85 millions d'euros ;

- le développement des contrats territoire-lecture

Instaurés en 2010, les contrats territoire-lecture visent à renforcer l'action des bibliothèques et à favoriser la lecture chez les publics dits éloignés (illettrés, habitants des zones rurales, personnes handicapées, détenus), comme chez les plus jeunes . Fort d'une dotation supplémentaire d'un million d'euros en 2016, soit 2,2 millions d'euros, le dispositif concerne désormais 132 contrats. Pour en poursuivre le développement, un nouvel abondement de 500 000 euros est prévu en 2017 ;

- la mise à disposition de conservateurs d'État en bibliothèques classées

Le dispositif, réglementé par le code du patrimoine, s'explique par la présence d'importants fonds d'État dans les 54 établissements concernés. Depuis 2010, un conventionnement avec les collectivités bénéficiaires , permet de définir les modalités et les objectifs de la mise à disposition gratuite d'une centaine de postes, pour un coût d'environ 9 millions d'euros par an pour l'État. Après une évaluation des conventions couvrant la période 2013-2015, de nouveaux contrats ont été conclus en 2016 pour trois ans.

De manière plus indirecte, le droit de prêt en bibliothèque (9,3 millions d'euros en 2017) , instauré par la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre de prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs, consiste à ce que l'État verse une rémunération aux auteurs et aux éditeurs en contrepartie du prêt de leurs ouvrages en bibliothèque , calculée sur la base d'un forfait par lecteur inscrit. Les bibliothèques complètent le dispositif par un versement de 6 % sur les livres qu'elles achètent. Les sommes ainsi récoltées contribuent également au financement d'un régime de retraite complémentaire au profit des écrivains, des illustrateurs et des traducteurs.

Par ailleurs, 100 000 euros de crédits centraux seront destinés en 2017 à aider les bibliothèques pour des acquisitions d'intérêt national , dans les régions dépourvues de Fonds régionaux d'acquisition des bibliothèques (FRAB). Ces derniers seront, pour leur part, dotés, via les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), de 200 000 euros.

En 2017, le soutien public aux bibliothèques visera à renforcer leur rôle dans la cité et à mieux répondre aux nouvelles attentes des usagers , qui seront prochainement analysées dans le cadre d'une enquête décennale sur la fréquentation des bibliothèques.

Un effort particulier sera notamment porté sur le développement des ressources numériques , avec une nouvelle évaluation du projet « Prêt numérique en bibliothèque », qui mobilise les principaux éditeurs et distributeurs français de livres numériques, ainsi qu'une vingtaine de grands établissements. En outre, les collectivités continueront à être accompagnées dans leurs projets d'extension d'horaires d'ouverture , pour plus d'une vingtaine d'établissements volontaires. Enfin, les actions en faveur des publics éloignés du livre et de la lecture se verront renforcées au travers de nouveaux contrats territoire-lecture, de l'opération « Premières Pages », qui concerne désormais 200 000 enfants dans trente départements, de la troisième édition « Partir en livre », grande manifestation littéraire pour la jeunesse. En outre, suivant les propositions de Sylvie Robert, une « Nuit de la lecture » sera organisée au mois de janvier 2017 par le ministère de la culture et de la communication en partenariat avec le réseau des bibliothèques.

Votre rapporteur pour avis estime que ces perspectives vont dans le bon sens. Elle souhaite toutefois que ne soit pas relégué l'objectif de création de nouveaux établissements sur le territoire national, dès lors que plus du quart de la population française n'a toujours pas accès à une bibliothèque dans sa commune de résidence, ni même, pour 11 % de nos concitoyens, à un lieu de lecture.

Musique et jeu vidéo : la technologie au secours des créateurs

II. MUSIQUE ET JEU VIDÉO : LA TECHNOLOGIE AU SECOURS DES CRÉATEURS

A. LE STREAMING, AVENIR DE L'INDUSTRIE MUSICALE

1. Un bouleversement des usages
a) Un modèle économique à réinventer

En France, le secteur de la production phonographique est composé de trois filiales de groupes multinationaux, appelés majors , ( Universal, Warner et Sony ) depuis le rachat, en septembre 2012 4 ( * ) , d' EMI par Universal , mais également de nombreuses petites et très petites sociétés indépendantes.

Les rémunérations directes de ces acteurs sont issues de la location, de la vente ou de la diffusion de supports physiques ou numériques en application du droit exclusif applicable à une prestation musicale. Ils perçoivent également des ressources indirectes correspondant aux régimes de licences légales ou d'exception au droit voisin (rémunération équitable et redevance pour copie privée).

Depuis 2002, le secteur de la musique enregistrée est économiquement sinistré, accusant une chute de près de 65 % de sa valeur et de 50 % de ses emplois . Cette crise, pour partie due au développement des usages illicites, fut accentuée par la difficulté initiale des professionnels à s'adapter à la révolution numérique et aux conséquences de cette dernière sur le transfert de la valeur des producteurs vers les diffuseurs.

Comme le rappelle avec justesse l'Association française des éditeurs de logiciels (AFDEL) 5 ( * ) , rebaptisée Tech in France en février 2016, dans son récent Livre blanc, « l'industrie musicale a été impactée à chaque rupture technologique : la radio dans les années 1920, la cassette analogique dans les années 1960, le disque compact dans les années 1980, le format de compression MP3 et les réseaux pair à pair (P2P) dans les années 1990 puis le streaming dans les années 2000. Elle traverse donc actuellement sa cinquième rupture technologique. À chaque rupture, les ventes ont chuté dans un premier temps. Puis le secteur de la musique s'est restructuré et le marché est reparti à la hausse ».

De fait, la filière musicale a depuis amorcé une mutation efficace de ses outils technologiques et de son modèle économique . Même si le numérique ne parvient pas encore à compenser la baisse de la vente de supports physiques, son taux de croissance élevé fait espérer des jours meilleurs.

Source : SNEP/SCPP/SPPF

Pour autant, le chiffre d'affaires de la musique enregistrée a, une nouvelle fois, fléchi en 2015 avec un résultat de 543 millions d'euros, soit 4,6 % de moins que l'année précédente et 36 % de moins qu'on 2011 . Cette nouvelle régression s'explique notamment par une forte diminution des ventes physiques (- 15,9 %), qui représentent encore l'essentiel des revenus des producteurs à 64 % du chiffre d'affaires. Après de bons débuts, l'année 2015 a vu ses résultats réduits en raison de la moindre fréquentation des salles de concert et des magasins , notamment les FNAC, après les attentats du 13 novembre.

Seul le vinyle, qui ne représente que 2,3 % du marché physique, bénéficiant d'un effet de mode, est en croissance avec 750 000 exemplaires vendus en 2015. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) 6 ( * ) , si la structure des dépenses culturelles et de loisirs des ménages français est globalement demeurée stable entre 2010 et 2014, à environ 95 millions d'euros par an, le poste « disques, cassettes, pellicules photos » a subi, sur la période, une régulière érosion : à 2,2 millions d'euros, il ne représentait que 2,3 % des dépenses en 2014, contre 3,6 % en 2010.

En revanche, les revenus du marché numérique augmentent (+ 6 %) et représentent 36 % du chiffre d'affaires de la filière en 2015 , grâce à l'évolution des usages au bénéfice du streaming .

En 2016, le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) table sur une croissance de 6 % avec, pour la première fois, une proportion équivalente du numérique et du marché physique dans le chiffre d'affaires de la filière. L'AFDEL estime cependant que l'évolution du rapport entre numérique et physique sera en réalité plus lente, pour aboutir à un équilibre des forces à l'horizon 2020.

Ventes de musique enregistrée en France par format, 2010-2019 (%)

Source : AFDEL

Les revenus globaux de la musique enregistrée par moyen de distribution

(2012-2019)

(en milliards de $)

Source : Document de base Deezer, AMF, Septembre 2015, Enders

Les droits voisins ont, quant à eux, augmenté de 4,7 % par rapport à 2014 pour atteindre 117 millions d'euros . Si leur importance est moindre au sein de la filière, ils constituent un complément de revenus indispensable pour les producteurs.

Source : SNEP/SCPP/SPPF

Enfin, le nombre d'albums francophones commercialisés, tous supports confondus, est en légère hausse par rapport à 2014 (251 albums commercialisés en 2015 contre 242 l'année précédente). Signe du succès renouvelé de la production française , les nouveaux artistes francophones ont été deux fois plus nombreux à signer un contrat avec un producteur et dix-sept albums français, d'artistes aussi différents que Louane, Nekfeu ou Francis Cabrel, figurent parmi les vingt meilleures ventes de l'année.

Source : SNEP

Au-delà de la situation française, le marché mondial de la musique enregistrée renoue avec la croissance avec une augmentation de 3,2 % de son chiffre d'affaires en 2015.

Source : IFPI

Le marché digital, qui s'établit à 6,73 milliards de dollars de recettes, est désormais plus rentable que le marché physique (5,82 milliards de dollars).

Source : IFPI

Avec une augmentation moyenne de 10 % entre 2014 et 2015 dans les principaux pays développés et supérieure à 20 % en Allemagne et en Corée du Sud, le marché de la musique numérique poursuit en effet sa croissance .

Croissance des marchés numériques

Source : IFPI

En revanche, la chute abyssale de la vente de supports physiques, observée depuis le début des années 2000, ne cesse guère , exception faite du Japon.

Source : IFPI

b) Un espoir pour la filière musicale au prix de l'installation d'une concurrence déséquilibrée

Le streaming est un mode de consommation qui permet à l'utilisateur d' écouter légalement de la musique sans avoir à l'acquérir . En cela, il diffère du téléchargement comme de l'achat physique, qui impliquent une possession définitive du titre ou de l'album, et répond aux attentes des amateurs de musique souhaitant, à un coût raisonnable, disposer d'une vaste discothèque numérique et découvrir les nouveautés proposées par les plateformes.

Pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) 7 ( * ) , « plus d'accès, moins de propriété caractérise la pénétration croissante des services de streaming pour l'accès aux contenus audio. (...) Ces plateformes formulent toutes peu ou prou la même promesse : proposer la bonne musique au bon moment ».

Pourcentage des Français consommateurs de musique numérique ayant utilisé un service de musique en streaming

Source : Syndicat national de l'édition phonographique, édition 2015, et Hyperworld

Le marché numérique, qui représente l'avenir commercial de la musique enregistrée, se caractérise désormais par un essor du streaming corolairement à une réduction du chiffre d'affaires tiré du téléchargement (ou vente à l'acte).

Le marché français en 2015

Source : SNEP

Avec des revenus s'élevant à 104 millions d'euros en 2015 (correspondant à 17,7 milliards de titres écoutés), en hausse de 44 % par rapport à 2014, le marché du streaming aura été multiplié par cinq en cinq ans ; il est maintenant plus deux fois supérieur à celui du téléchargement à l'acte (48 millions d'euros).

La part de l'achat à l'acte au sein des revenus numériques a diminué de moitié en cinq ans

Source : GfK

En 2015, dans un marché du téléchargement en baisse de 20 %, iTunes a perdu huit points de part de marché, passant de 87,1 % des recettes issues de l'achat de musique à l'acte en 2014 à 79,2 % en 2015. Cette réduction a profité à son concurrent Google, passé de 4,8 % à 10,5 % des recettes en un an.

Le marché du téléchargement à l'acte

Source : GfK/SNEP

On distingue deux modèles économiques de streaming : il peut s'agir de services financés par la publicité (gratuits pour l'utilisateur) ou de streaming par abonnement , où l'internaute bénéficie d'avantages supplémentaires (tels que la faculté d'écoute hors ligne et/ou l'absence de publicité) en contrepartie d'un paiement.

La croissance du streaming, qui permet de compenser la baisse des revenus du téléchargement, est essentiellement tirée, désormais, par le streaming par abonnement , qui contribue à hauteur de 67 % au chiffre d'affaires global du streaming et à 55 % du marché numérique de la musique . En 2015, trois millions de Français étaient abonnés à un service de streaming musical, contre deux millions en 2014.

Source : SNEP

En France, l'offre de streaming est dominée, dans un marché hautement oligopolistique, par les plateformes françaises Deezer et suédoise Spotify et par le service de streaming vidéo YouTube appartenant à Google 8 ( * ) . Les revenus du streaming sont concentrés à près de 80 % sur trois plateformes audio : Deezer (42,9 %), Spotify (21,3 %) et Napster (14,2 %).

Le marché du streaming

Source : GfK/SNEP

Les plateformes d'envergure plus modeste - une cinquantaine selon les chiffres publiés en 2014 par l'observatoire de la musique 9 ( * ) -, malgré des catalogues variés, connaissent des situations économiques souvent précaires entraînant, pour ces sociétés, un taux de mortalité élevé .

À titre d'illustration, alors qu'en 2013 Spotify et Deezer présentaient respectivement, au niveau mondial, un chiffre d'affaires estimé à 747 millions d'euros et 65 millions d'euros, le chiffre d'affaires cumulé des autres plateformes présentes sur le marché français s'élevait à seulement 15 millions d'euros.

Les données relatives aux parts de marché des différents services de streaming sont particulièrement difficiles à obtenir. Toutefois, les informations communiquées par Deezer en 2015 à l'occasion de sa tentative d'entrée en bourse permettent de donner un aperçu des positions respectives des principaux services au niveau mondial : selon les informations publiques récoltées par la société, Deezer considérait que sa base d'abonnés d'approximativement 6,9 millions de clients en faisait le deuxième service au niveau mondial, derrière le leader Spotify, disposant quant à lui d'une base de trente millions d'abonnés. Suivraient Rhapsody, avec 2,5 millions d'abonnés, et Tidal avec environ 800 000 abonnés. Selon une déclaration publique d'août 2015, Apple Music aurait disposé d'une base de onze millions d'usagers enregistrés pour utiliser les services de son offre d'essai gratuit de trois mois ; ce chiffre s'établirait aujourd'hui à quinze millions.

La position excessivement dominante des principales plateformes leur permet d' engager les investissements nécessaires à l'adaptation technologique et à la publicité de leurs offres . À l'été 2016, Deezer, déjà présent dans 180 pays grâce à de nombreux partenariats avec des opérateurs de télécommunications, a ainsi rendu son service accessible aux États-Unis. Quant à Spotify, la plateforme a lancé son offre de programmatique audio sur près de soixante marchés nationaux, afin de permettre aux annonceurs de toucher les 70 millions d'utilisateurs de sa formule gratuite et de mettre à leur disposition les données sociodémographiques de l'audience du site.

2. Des aides publiques modestes et ciblées
a) Des crédits centraux particulièrement limités

Depuis 2002, la crise de l'industrie musicale a conduit les pouvoirs publics à intervenir plus activement en faveur de la filière, pour des raisons à la fois sociales, économiques et culturelles , afin de limiter l'impact social de la crise, de maintenir la capacité des entreprises à investir, mais également d'assurer le renouvellement des talents et de garantir la diversité des répertoires.

Les crédits destinés à cette politique de soutien demeurent toutefois modestes. L'action 2 « industries culturelles » du programme 334 « Livre et industries culturelles », ne représente, avec 16,9 millions d'euros pour 2017, que 6,1 % des crédits du programme. Or, sur cette enveloppe déjà fort contrainte, seuls 5,3 millions d'euros de crédits centraux sont destinés au secteur de la musique enregistrée , afin de favoriser le renouvellement de la création et la promotion des nouveaux talents au travers du financement de plusieurs dispositifs.

Les crédits centraux contribuent chaque année au financement de plusieurs manifestations dédiées aux artistes , notamment les Allumés du jazz et les Victoires de la musique.

Ils dotent également le Fonds pour la création musicale (FCM), qui favorise la création, la diffusion et la formation des artistes dans les répertoires variés des musiques actuelles et classiques. L'association, créée en 1984 à l'initiative des représentants des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs phonographiques, dispose d'un budget alimenté par l'ensemble des Sociétés de perception et de répartitions des droits (SRPD) issu des sommes prélevées par ces dernières sur les 25 % de la rémunération pour copie privée et les montants non répartissables de la rémunération équitable, dans le respect de l'article L. 321-9 du CPI. Son champ d'intervention couvre le financement de la production phonographique, vidéographique et audiovisuelle, du spectacle vivant et de la formation des artistes et musiciens de jazz et variétés. En 2015, la subvention versée au titre du programme 334 s'est élevée à 262 200 euros.

Les crédits centraux participent, par ailleurs, au financement du Bureau export de la musique française (Burex), association créée en 1993 à l'initiative des producteurs phonographiques, des pouvoirs publics et des SPRD, qui accompagne la filière française dans le développement de ses artistes à l'international dans le domaine des musiques actuelles, classiques et du jazz. Les aides distribuées dans ce cadre portent sur l'expertise et la logistique (transport d'un artiste à l'étranger par exemple). Après une première augmentation de 500 000 euros prévue par la loi de finances pour 2012, le Burex bénéficiera, aux termes du présent projet de loi de finances, d'une nouvelle rallonge de 130 000 euros. Le ministère des affaires étrangères, partenaire du Burex, y consacre chaque année 250 000 euros, tandis que la filière musicale le finance pour moitié.

Si votre rapporteur pour avis salue ce nouvel effort, elle rappelle que les sommes engagées en faveur du soutien à l'export sont encore très inférieures à celles dont bénéficie le secteur du cinéma comme à celles qu'y consacrent d'autres pays européens , notamment le Royaume-Uni avec une dotation annuelle de 2,7 millions de livres. Pourtant, les artistes français continuent à être chéris au-delà des frontières hexagonales, notamment Maître Gims et Stromae sur le continent africain. En octobre 2016, Christine and the Queens a, fait rare pour une chanteuse française, figuré à la une du Times .

En outre, depuis la loi de finances pour 2016, ils intègrent une dotation de 2 millions d'euros destinée au financement d'un fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique de la musique , en faveur des entreprises indépendantes de production phonographique et des acteurs innovants du secteur de la musique enregistrée (entreprises de diffusion et intermédiaires techniques), qui contribuent à la diversité des offres en ligne. Les dépenses d'investissement mais également, sous certaines conditions, de fonctionnement, y sont éligibles.

Des crédits centraux sont enfin destinés au soutien des disquaires indépendants , via le soutien au Club action des labels indépendants français (CALIF), association créée en 2002 au bénéfice de la création de nouveaux commerces culturels de proximité et du maintien des points de vente existants. En pratique, elle attribue des aides financières à la location des murs de boutiques au prorata de la surface dédiée à la vente de produits musicaux. En 2015, l'association a été soutenue à hauteur de 220 000 euros par le programme 334. À cet égard, votre rapporteur pour avis salue la mesure présentée à l'article 23 du projet de loi de finances rectificative pour 2016, qui, sur le modèle de ce qui s'applique pour les marchands de journaux depuis 2014, instaure une exonération facultative de contribution économique territoriale (CET) pour les disquaires indépendants , dès lors qu'une délibération est prise en ce sens par les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés.

En 2017, 300 000 euros de crédits centraux correspondent à la participation financière du ministère de la culture et de la communication à la mise en place de l'observatoire de l'économie de la musique , prévue par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine et pour laquelle un décret d'application est en cours de rédaction. Le décret qui en précise les missions, la gouvernance et le fonctionnement sera publié d'ici la fin de l'année.

Les actions financées par les crédits de l'action 2 du programme 334 sont complétées, depuis 2005, par un dispositif d'avances remboursables dont la gestion a été confiée à l'IFCIS : le fonds d'avances aux industries musicales (FA-IM) doté de près de 20 millions d'euros , abondé à deux reprises par le ministère de la culture et de la communication et la Caisse des dépôts et consignations. Le fonds octroie des avances à des entreprises indépendantes de la filière musicale pour des projets de développement structurel pour un montant maximum de 2,5 millions d'euros. En 2015, une enveloppe de 2 millions d'euros provenant notamment du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), spécifiquement destinée aux très petites entreprises du spectacle vivant musical, a été sanctifiée. En outre, l'accès au fonds a été facilité par la mise en place d'une procédure simplifiée pour les demandes inférieures à 50 000 euros.

b) Un crédit d'impôt indispensable

Le ministère de la culture et de la communication soutient également la production par le biais du crédit d'impôt en faveur de la production phonographique , dont il assure la gestion. Le dispositif a pour objectifs la promotion de la diversité musicale, la préservation de la création francophone et le soutien structurel aux labels, en particulier celles de petite taille, qui sont les plus fragilisées par la mutation technologique du secteur. En 2015, 94 entreprises en ont bénéficié.

Instauré par l'article 36-I de la loi n° 2006-961 du 1 er août 2006 relative aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI), codifié aux articles 220 octies , 220Q et 223O du code général des impôts, le crédit d'impôt est applicable depuis le 1 er janvier 2006 à des productions concernant de nouveaux talents . Lorsque les albums sont chantés, le bénéfice du crédit d'impôt est, en outre, subordonné au respect d'une condition de francophonie.

Dans sa version initiale, relativement restrictive, le crédit d'impôt phonographique représentait 20 % du montant total des dépenses de production et/ou de postproduction d'un disque et des dépenses liées au développement de ces productions (scène, émissions de télévision ou de radio, création de site Internet, base de données numérisées, etc.). Les dépenses de développement éligibles au crédit d'impôt étaient plafonnées à 350 000 euros par enregistrement mais, dans tous les cas, la somme des crédits d'impôt ne pouvait excéder 700 000 euros par entreprise et par exercice.

Unanimement saluée par les professionnels et après une première prolongation de trois ans entre 2009 et 2012, la mesure fut maintenue et renforcée par l'article 28 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. La nouvelle version du crédit d'impôt phonographique a été autorisée par la Commission européenne au titre des aides d'État le 14 février 2013 pour une durée de quatre ans, soit jusqu'au 31 décembre 2016.

Le renforcement du dispositif s'est alors traduit par :

- la revalorisation du taux de crédit d'impôt (de 20 à 30 % du montant total des dépenses éligibles) en faveur des entreprises qui répondent à la définition de la PME européenne ;

- la création d'un plafond unique (somme des crédits d'impôt calculés au titre des dépenses éligibles par entreprise et par exercice) à hauteur de 800 000 euros, contre 700 000 euros précédemment.

Puis la mesure, décidément utile, a obtenu une prolongation de trois ans supplémentaires, ainsi qu'un renforcement dans le cadre de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014. Aux termes du décret n° 2015-704 du 19 juin 2015, plusieurs modifications ont à nouveau été apportées au dispositif :

- une réduction du critère d'ancienneté de trois ans à un an des entreprises de production phonographiques éligibles ;

- une augmentation du plafond de crédit d'impôt de 800 000 euros à 1,1 million d'euros par an et par entreprise ;

- pour les petites et moyennes entreprises, la prise en compte de la rémunération des dirigeants dans l'assiette des dépenses éligibles , au prorata du temps passé sur l'oeuvre et dans la limite d'un plafond de 45 000 euros par dirigeant ;

- pour les autres labels, la suppression de la « décote » 10 ( * ) dans la comptabilisation des projets éligibles, en contrepartie d'un abaissement du taux de crédit d'impôt de 20 % à 15 %.

Bien que convaincue de l'immense intérêt du crédit d'impôt pour l'industrie musicale, par ailleurs peu dispendieuse des deniers publics, votre rapporteur pour avis regrette que les dispositifs d'aide demeurent très majoritairement destinés à la production et trop peu à la distribution . Il était envisagé, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, d'élargir l'assiette des dépenses éligibles en prenant en compte les dépenses promotionnelles liées à la publication de l'enregistrement phonographique. Les documents budgétaires ne font nullement état d'une telle évolution : la dépense fiscale estimée pour 2017 demeure stable par rapport à 2015 et 2016 à 8 millions d'euros .

Ce point constituera un enjeu de périmètre important lors de la prochaine prolongation - indispensable - du dispositif, qui arrive à échéance en 2018. Auditionné par votre rapporteur pour avis, le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) a estimé que, pour une efficacité renforcée, il conviendrait également d'augmenter à 1,3 million d'euros le plafond du crédit d'impôt et à 20 % la proportion des dépenses éligibles.

3. Des évolutions législatives et institutionnelles bienvenues
a) La mission Schwartz ou la délicate question du partage de la valeur

Depuis le développement du marché numérique de la musique et des nouveaux modèles économiques afférents, la question du partage de la valeur a fait l'objet de nombreuses réflexions, qui ont toutes souligné l'absence de constat partagé et révélé des tensions importantes entre les acteurs , générées notamment par un manque de transparence dans les relations économiques.

Les sujets complexes de partage de la valeur et de transparence envenimant progressivement les relations entre professionnels, un diagnostic documenté et partagé devenait indispensable en vue d'envisager les réformes nécessaires. À cet effet, Marc Schwartz s'est vu confier en mai 2015, par le ministère de la culture et de la communication, une mission destinée à faire converger les positions des parties et à aboutir à un accord équilibré pour la filière.

Un protocole d'accord a été signé le 2 octobre 2015 par dix-huit organisations . Il comprend six objectifs :

- le soutien au développement de l'offre de musique légale , qui s'est traduit par la mise en oeuvre de la charte des bonnes pratiques avec les acteurs de la publicité en ligne et par la mise en place d'un comité de suivi avec les fournisseurs de solutions de paiement. Il renvoie également à l'amélioration du cadre juridique européen en matière de propriété intellectuelle ;

- l'établissement d'une plus grande transparence de l'économie de la filière musicale , qui consacre la création d'un observatoire de l'économie de la musique et prévoit la réalisation d'une étude ayant pour objectif de constituer un diagnostic partagé sur le partage de la valeur dans la musique en ligne officiellement lancée en novembre 2015. Les difficultés à définir son périmètre et sa méthodologie n'ont pas encore permis d'aboutir à un résultat ;

- l'amélioration de l'exposition de la musique et de la diversité culturelle , qui concerne le renforcement de l'effectivité du système des quotas de chansons françaises en radios et de l'exposition des titres francophones sur les plateformes ;

- la promotion de bonnes pratiques contractuelles par un code des usages , qui constitue une reconduite des « 13 engagements pour la musique en ligne » signés en 2011 sous l'égide d'Emmanuel Hoog ;

- la garantie d'une juste rémunération pour les artistes dans le cadre d'exploitation numérique . Deux des trois majors ont d'ores et déjà annoncé s'engager à partager avec les artistes leurs revenus dans l'hypothèse où elles recevraient des produits provenant de la vente de leurs participations au capital de plateformes de musique en ligne.

- la mobilisation des moyens disponibles pour faciliter la transition numérique : la définition des modalités de mise en oeuvre et des moyens affectés au fonds de soutien à l'emploi direct est actuellement discutée entre les partenaires sociaux.

Depuis la signature du protocole, trois comités de pilotage se sont tenus sous l'égide du ministère de la culture et de la communication. En outre, deux nouveaux signataires l'ont rejoint, portant ainsi à vingt le nombre d'organisations professionnelles impliquées.

b) La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine ou la difficulté de trouver un juste équilibre entre des intérêts opposés
(1) En matière de relations entre producteurs, artistes et plateformes

Les dispositions de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, rejoignent, s'agissant de la filière musicale, les préconisations du rapport de Christian Phéline sur le partage de la valeur sur le marché de la musique en ligne 11 ( * ) , et poursuivent trois objectifs :

- assurer une plus grande protection des droits des artistes-interprètes dans leurs relations contractuelles avec les producteurs de phonogrammes ;

- introduire plus de transparence et de régulation dans les relations entre les producteurs de phonogrammes et les artistes-interprètes comme entre lesdits producteurs et les plateformes de musique en ligne ;

- réguler les relations contractuelles dans le secteur de la musique grâce à la création d'une procédure de médiation spécialisée pour traiter les différends entre acteurs de la filière. Le médiateur de la musique, dont le décret est actuellement en consultation, devrait être nommé d'ici le mois de janvier 2017.

Pour ce qui concerne l'amélioration de la transparence des relations entre les producteurs de phonogrammes et les artistes interprètes et le renforcement des droits de ces derniers, dont les contrats étaient jusqu'alors très peu encadrés par le code de la propriété intellectuelle, l'article 10 de la loi impose de meilleures pratiques contractuelles, tout en maintenant le primat de la négociation. En particulier, est étendu aux artistes-interprètes le principe applicable aux auteurs selon lequel l'existence d'un contrat de travail ou de prestation de service sera sans incidence sur la jouissance de leurs revenus au titre de leurs prestations. Par ailleurs, les contrats des artistes-interprètes devront dorénavant mentionner de façon distincte chacun des droits cédés aux producteurs de phonogrammes et en limiter précisément le champ d'exploitation.

L'accaparement des droits des artistes-interprètes, qui pouvait être pratiqué par certains producteurs de phonogrammes dans les contrats dit « 360 », est également considérablement limité. Désormais, les droits connexes détenus par les artistes (droit à l'image, droit sur les produits dérivés, etc.) ne relevant pas directement de leurs prestations musicales ne pourront être cédés qu'à condition que le contrat conclu avec leur producteur le prévoie expressément et distinctement. En outre, les producteurs ne pourront exploiter les prestations des artistes-interprètes sous une forme non prévue au moment de la signature du contrat, qu'à condition que le contrat prévoie cette faculté ainsi qu'une rémunération afférente, corrélative aux recettes.

La loi exclut également du champ de la cession de créances de l'artiste-interprète les sommes qui lui sont dues au titre de la rémunération équitable et de la rémunération pour copie privée , gérées par les sociétés de perception et de répartition des droits.

Dans l'hypothèse où le producteur de phonogrammes n'exploiterait pas les droits qui lui ont été cédés par l'artiste-interprète, et ce de façon abusive, ce dernier pourra saisir le juge civil compétent afin que soit ordonnée toute mesure mettant fin à cette situation.

De plus, est garantie à l'artiste-interprète la perception d'une rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation de sa prestation, les exploitations physiques et numériques étant jugées distinctes. S'agissant de l'exploitation numérique, la loi pose le principe d'une « garantie de rémunération minimale » dont le niveau sera fixé dans le cadre d'accords collectifs de travail, dont la négociation a débuté entre les partenaires sociaux.

Enfin, le producteur de phonogrammes est désormais dans l'obligation de produire semestriellement des redditions de comptes aux artistes et d'expliquer de façon transparente le calcul de leur rémunération pour chaque mode d'exploitation.

Pour ce qui concerne le renforcement de la transparence des relations entre les producteurs phonographiques et les plateformes de musique en ligne (accès aux catalogues, rémunération, etc.), l'article 11 prévoit que les conditions d'exploitation des répertoires seront désormais fixées de manière objective, équitable et non discriminatoire entre les producteurs de phonogrammes et les plateformes de musique en ligne . Cette mesure permettra d'assurer un accès équitable aux catalogues de musique pour les petites plateformes, tandis que les petits producteurs pourront obtenir des conditions commerciales plus équilibrées auprès des plateformes de musique en ligne.

(2) Le retour des tensions autour des quotas radio

Depuis leur introduction par la loi du 1 er février 1994 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les dispositions relatives aux quotas de titres francophones en radios, instrument essentiel de la diversité musicale sur les ondes, ont régulièrement donné lieu à des débats houleux entre les acteurs de la filière musicale et les radios. Les désaccords portent principalement sur l'adaptation des quotas pratiqués à certains formats radiophoniques, la concentration des titres diffusés et la promotion de nouveaux talents.

Le CSA a publié, en décembre 2013, un rapport relatif à « l'exposition des musiques actuelles sur les radios musicales privées » , qui préconisait une modification de la loi précitée du 30 septembre 1986, visant à assouplir le système des quotas pour donner plus de place à la régulation via l'introduction de critères de diversité dans les conventions. Les radios respectant certains critères (variété des interprètes et des titres différents diffusés, part des nouveaux talents, rotation périodique maximale d'un même titre, etc.) pourraient bénéficier d'un régime adapté. Le CSA envisageait ce type d'assouplissement en faveur des radios qui « sont confrontées à une production d'expression française limitée dans les genres musicaux sur lesquels est construite leur programmation » et qui « jouent un rôle de découverte en exposant des titres et/ou des artistes peu connus du grand public et faiblement exposés dans les médias ».

Pour faire suite aux engagements annoncés la même année en faveur des artistes francophones, lors du Marché international du disque et de l'édition musicale (MIDEM) et du Printemps de Bourges, une mission consacrée à l'exposition de la musique dans les médias a été confiée , au mois de septembre 2013, à Jean-Marc Bordes . Le rapport, remis le 17 mars 2014, s'appuyant sur une large consultation des professionnels concernés et sur une analyse des études disponibles, dresse un état des lieux détaillé de l'exposition de la musique sur les services de communication audiovisuelle traditionnels (télévision et radio) et sur les services numériques.

Il fait état d'une moindre exposition du répertoire francophone sur les ondes depuis 2007 : diminution de 14 % du nombre de titres en programmation, recul de 26 % de l'audience des nouveautés francophones et des listes de lecture composées d'un nombre de titres plus restreint que les listes internationales. La concentration est extrême puisqu'environ une dizaine de chansons bénéficie, sur certaines stations, des trois quarts du nombre de diffusions. Or, pour se faire connaître, les jeunes talents doivent pouvoir compter sur un nombre élevé de rotations. Le rapport souligne à cet égard l'importance du maintien des quotas de musique francophone, ainsi que la nécessité de limiter la concentration des titres diffusés.

936

804

- 14 %

Nombre de titres francophones entrés en programmation

2007 2013

Source : Observatoire de la radio / Yacast

Nombre de nouveautés francophones envoyées aux radios

Source : Yacast/Muzicenter nov. 2014

Ce constat est toujours d'actualité : selon le bilan 2016 du SNEP relatif à l'économie de la production musicale, alors que le nombre de nouveautés francophones envoyées aux radios s'est établi à 1 185 en 2015, en augmentation de 2 % par rapport à l'année précédente, seuls 381 titres ont été diffusés sur les ondes. La part des nouveautés francophones au sein des diffusions radiophoniques n'atteint désormais plus que 17 % contre 21 % en 2011 et leur concentration s'accélère, notamment sur les radios destinées à un public jeune. Les chances d'entendre sur les ondes Ma belle Andalouse de Kenji Girac plutôt que les non moins estimables Diable d'Arlt ou Requin-baleine de Pain-Noir demeurent donc considérablement plus élevées, au mépris de tout objectif de diversité.

Dans le prolongement du rapport de Christian Phéline, et à l'issue de débats parlementaires aussi vifs que passionnés, la loi précitée du 7 juillet 2016 est venue moderniser le dispositif, afin d'en renforcer l'effectivité et améliorer l'exposition de la création francophone en radio , dont le rôle prescripteur demeure primordial. Selon un sondage IFOP du mois de janvier 2014, la radio demeure, pour 74 % des Français, le média privilégié de découverte de nouveaux talents.

L'article 35 crée un triple dispositif, dont votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication avait craint le caractère complexe et difficile à mettre en oeuvre :

- la limitation de la concentration de la diffusion d'oeuvres musicales d'expression française sur un nombre réduit de titres , en interdisant de dépasser un seuil de rotation ;

- l'instauration d'un nouveau régime dérogatoire pour les radios spécialisées dans la découverte musicale , caractérisées par une très grande diversité de programmation et répondant à des critères quantitatifs précis (la diffusion d'au moins 1 000 titres différents par mois, dont une majorité de nouvelles productions, et l'interdiction de diffuser un même titre plus de 100 fois dans le mois) ;

- la création d'une incitation en faveur de la diversité musicale, reposant sur une modulation limitée des quotas pouvant aller jusqu'à cinq points, en contrepartie d'engagements précis, objectifs et vérifiables, qu'il appartient au CSA de négocier avec les titulaires de fréquence.

Si les modalités de mise en oeuvre des deux dernières mesures de l'article 35 sont fixées par le CSA dans une délibération prise après consultation publique, celle relative à la limitation du nombre de rotations est d'application directe . Elle ne semble toutefois pas encore, et votre rapporteur pour avis le déplore, être mise en oeuvre.

En outre, afin d' assurer un meilleur contrôle de l'application des obligations fixées , l'article 34 demande au CSA de rendre compte, dans son rapport annuel, du respect par les services de radio des dispositions relatives aux quotas de chanson française, des mesures prises pour mettre fin aux manquements constatés et des raisons pour lesquelles de telles mesures n'auraient pas été prises. En 2015, l'opérateur a adressé 22 mises en garde, sans jamais prononcer, pour autant, la moindre sanction.

B. LE JEU FRANÇAIS : LE DÉFI DE L'INDÉPENDANCE

1. Une pratique culturelle de masse
a) Un loisir intergénérationnel

Avec 12 heures et 17 minutes passées en moyenne chaque semaine à jouer en 2015 , soit 1 heure et 45 minutes de plus qu'en 2011, le jeu vidéo représente le second loisir culturel des Français , juste après la télévision. De fait, alors que l'on ne comptait que 29 % de joueurs réguliers au sein de la population française en 2005, ce niveau s'établit, en 2015, à 53 % et atteint 74 % s'agissant des joueurs occasionnels. 24 % des joueurs déclarés pratiquent quotidiennement.

Temps hebdomadaire alloué à la consommation d'activités culturelles et créatives par les Français de 10 ans et plus

(2012 par rapport à 2011)

Source : GfK - enquête 2012 auprès de 2 305 répondants/EY,
Panorama des industries créatives et culturelles en France, novembre 2013

L'âge moyen demeure stable à 35 ans (37 ans pour les hommes et 33 ans pour les femmes) ; il était de 21 ans en 2000. La proportion de femmes atteint 44 %, contre seulement 20 % en 2000. Le jeu vidéo est ainsi passé en quinze ans d'un loisir jeune et majoritairement masculin à une pratique de masse intergénérationnelle. On estime d'ailleurs à 46 % et 32 % la proportion des foyers français équipés respectivement en consoles de salon et en consoles portables, même si le mobile apparaît comme le premier vecteur de démocratisation du jeu, qui représente 49 % du temps passé sur ces équipements.

Chaque génération pratique désormais un ou plusieurs jeux vidéo. Aux deux extrémités de la population, l'intégralité de la population des 10-14 ans appartient à la catégorie des joueurs ; c'est également le cas de 59 % des plus de 55 ans (ils n'étaient que 6 % en 2000). À compter de 2017, des maisons de retraite s'équiperont avec la Wii de Nintendo, première console à détection de mouvements, en vue de proposer de nouvelles formes d'activité sportive à leurs résidents. La pratique du jeu est également collective et familiale . Ainsi, les parents, qui représentent 35 % des joueurs affirment à 57 % pratiquer cette activité avec leurs enfants.

Les usages et genres de jeux varient considérablement avec l'âge , ce qui explique des ventes très différenciées selon les catégories : 32 % des jeux vendus en 2015 affichent un pictogramme PEGI 3 (jeu adapté aux enfants âgés de trois à sept ans), tandis que 34 % sont des productions destinées aux majeurs (PEGI 18).

Pourcentage de joueurs par tranche d'âge

Source : Étude SELL/GfK « Les Français et le Jeu Vidéo » -
Sur une base de 1002 personnes âgées de 10 à 65 ans/Octobre 2015

S'agissant des supports, 67 % des joueurs jouent sur PC, 54 % sur consoles de salon, 49 % sur mobiles, 29 % sur consoles portables, 33 % sur tablettes et 13 % en ligne.

En 2015, en volume comme en valeur, le podium pour le marché physique, toutes plateformes confondues, est occupé par les superproductions Fifa 16 d'Electronic Arts, Call of Duty : Black ops 3 d'Activision Blizzard et GTA 5 de Take-two Interactive. Les deux premiers jeux ont dépassé le million d'exemplaires vendus.

Les jeux français réalisent également de remarquables résultats , bien que plus modestes. S'ils ne représentent que 3,4 % du marché en valeur, à 90 % issus de la vente de jeux pour consoles de salon, leur design et leur originalité sont prisés par les consommateurs. De fait, y compris pour les plus modestes créations sur mobiles, les joueurs sont à la recherche d'une haute qualité graphique et narrative que proposent souvent les studios hexagonaux.

Jeux les plus vendus par genres en 2015

(en millions d'unités - Marché physique)

Source : GfK / Données panel marché physique à fin 2015

b) « Le paradoxe d'Arte »

En 2001, le Grand Palais organisait la première exposition d'envergure dédiée en France au jeu vidéo. En 2004, Gran Turismo 4 , avec 19 millions d'euros de recettes, s'affichait comme le premier produit culturel vendu en France, dépassant les résultats du film Shrek 2 de DreamWorks comme du roman Da Vinci Code de Dan Brown. Deux ans plus tard, pour la première fois, trois créateurs de jeux sont faits chevaliers de l'ordre des Arts et des Lettres. Puis, en 2012, grâce à un partenariat entre le constructeur et le célèbre musée, la Nintendo 3DS entre au Louvre, pour offrir aux visiteurs des visuels en réalité augmentée en sus des habituels commentaires audio.

Pour autant, le jeu vidéo comme pratique culturelle demeure encore fort peu considéré au pays des Lumières. Selon une étude commandée par le ministère de la culture et de la communication en 2016, seuls 7 % des Français considèrent que le jeu vidéo constitue, par nature, un objet culturel .

Le résultat est certes meilleur que le score de la téléréalité (5 %), mais il apparaît nettement inférieur à ceux obtenus par les musées (84 %), la presse (58 %), la philatélie (25 %), la danse entre amis (21 %) ou la chasse et la pêche (15 %).

Parmi les trois disciplines considérées comme les moins « culturelles » parmi les 27 soumises au sondage figurent, outre le jeu vidéo, les séries télévisées (13 %) et la téléréalité, activités ayant pour point commun d'avoir une pratique indissociablement liée à un écran, symbole de passivité et d'un potentiel abrutissement de celui qui s'y adonne. La réputation de violence qui s'attache au jeu vidéo représente également, pour les sondés, une caractéristique qui l'éloigne du concept de culture.

Le manque de considération affiché par les Français pour un loisir qu'ils pratiquent par ailleurs assidument fait dire à Oscar Brada, conseiller artistique à la Gaîté Lyrique, espace parisien dédié aux cultures numériques, dans un entretien réalisé par Le Monde le 28 septembre 2016 : « On est en plein dans le paradoxe d'Arte. C'est la chaîne la plus regardée si on en croit les déclarations, alors que c'est loin d'être celle qui fait le plus d'audience. C'est un rapport à la culture très français ».

Votre rapporteur pour avis partage cette réflexion, tout en rappelant que les résultats de cette étude, au demeurant sociologiquement fort intéressants, résultent également de la méconnaissance d'une partie de la population quant à la diversité de la production de jeux , dont certains offrent une qualité culturelle, narrative et pédagogique indéniable. Oscar Barda livre à cet égard une réflexion de bon sens : « les gens ne connaissent que les jeux vidéo qui ont de l'argent pour se faire connaître. Il leur est imposé une image du jeu qui est Call of Duty ou Mario . Ça revient à considérer que la nourriture, c'est McDo et c'est tout. »

2. Une production française de qualité
a) Des formations internationalement reconnues

Loin des acteurs historiques, géniaux autodidactes du jeu à la française, les évolutions technologiques et le développement galopant de la production ont rendu nécessaire le recrutement massif de jeunes diplômés dûment formés aux exigences techniques et artistiques de l'industrie .

La France compte une cinquantaine de formations en matière de jeu vidéo, toutes professions confondues, dont une vingtaine sont jugées d'excellente qualité par la filière , même si la tendance à former de nombreux graphistes et designers de jeux ne correspond pas toujours aux besoins des studios, qui recherchent des codeurs et programmateurs encore trop rares . Dans un souci d'identification pour les étudiants, futurs étudiants et employeurs, le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) en a rassemblé douze dans un réseau unique , dont le portail Internet a été mis en ligne en octobre 2016.

Parmi ces écoles, Rubika représente aujourd'hui l'un des fleurons français en la matière, issu d'une première formation en jeu vidéo créée en 1987 à l'initiative de la chambre de commerce et d'industrie du Grand Hainaut, dans la région industriellement dévastée de Valenciennes. Désormais baptisée Rubika depuis la fusion de l'Institut supérieur de design de Valenciennes, de Supinfocom et de Supinfo Game, elle est l'une des rares écoles à former, grâce à des passerelles originales entre les différents cursus proposés, des techniciens intervenant à la fois dans l'univers du cinéma, des jeux vidéo et du design industriel . Si cette triple spécialisation pouvait surprendre il y a encore quelques années, la convergence des univers en a fait la formule du succès de l'école.

La participation des étudiants à de nombreux projets et concours, intégrés à la scolarité, a, avec une quarantaine de prix et récompenses gagnés depuis 1987, contribué à la notoriété de l'école dans l'univers très fermé du jeu vidéo. Cette reconnaissance profite avant tout aux élèves qui, à 80 %, décrochent, dans un délai inférieur à trois mois, un emploi à l'issue de leur formation.

Rubika ne cesse désormais de se développer et forme aujourd'hui, au terme d'un cursus de cinq ans, 1 500 jeunes chaque année dans le cadre de son nouveau campus valenciennois installé dans l'ancienne usine Vallourec. Elle exporte également son savoir-faire à l'étranger : après la création d'un établissement en Inde, à Pune, en 2008 - 650 étudiants y sont inscrits pour l'année 2016-2017, contre seulement 15 à ses débuts -, la rentrée 2007 verra l'ouverture d'une structure à Montréal.

Comme sa concurrente parisienne et première à ouvrir une formation spécialisée, l'école d'arts graphiques des Gobelins, l'établissement est mondialement connu pour l'exigence de sa formation : 40 % de ses 3 200 diplômés des trente dernières années exercent dans une cinquantaine de pays étrangers, en particulier au sein des plus prestigieux studios de jeu nord-américains, japonais ou coréens.

À cet égard, le président du SNJV indiquait à votre rapporteur pour avis, lors de son audition, que les jeunes diplômés français continuent à partir en Asie, aux États-Unis et au Canada, mais dans des proportions bien moindres que dans les années 1990-2000, lorsque l'industrie française du jeu vidéo vivait une crise importante. Les Français continuent, et votre rapporteur pour avis s'en réjouit, à être sélectionnés pour la qualité de leur formation, équilibre efficace entre créativité artistique et maîtrise technologique , tout en faisant état d'un niveau de culture générale rare dans ce milieu et fort apprécié en matière de narration.

b) Des créateurs à succès qui tiennent à leur indépendance

Pour la deuxième année consécutive, l'année 2015 affiche une croissance insolente du marché du jeu vidéo en France (+ 6 %) et un confortable chiffre d'affaires de 2,87 milliards d'euros . En dix ans, malgré des périodes de creux, le marché a crû de près de 300 %. La demande fut notamment exceptionnelle en fin d'année et les ventes enregistrées au mois de décembre se sont établies à un niveau record.

La croissance du marché est majoritairement tirée par la vente de jeux (+ 7 % à 1,6 milliard d'euros) et d'accessoires (+ 13 % à 305 millions d'euros) .

Répartition du chiffre d'affaires

( en millions d'euros )

Source : Estimation SELL, à partir des données GfK à fin 2015

Par ailleurs, la transition vers les consoles de génération 8 (Nintendo 3DS, PS Vita, Nintendo Wii U, Xbox One, Playstation 4) est arrivée à son terme. Le marché de la vente de consoles a logiquement chuté de 6 % en 2015, en raison de la diminution de 69 % du chiffre d'affaires généré par les consoles de génération 7.

Le dynamisme du marché se manifeste également par la poursuite de l'évolution des usages vers le digital , qui multiplie les modes de consommation du jeu. Dans les années à venir, la vente à grande échelle de casques de réalité virtuelle et la généralisation du jeu en streaming devraient accélérer ce phénomène et générer de nouveaux revenus pour l'industrie du jeu.

Les perspectives pour 2016 et 2017 font état d'une poursuite de la croissance du marché à un niveau élevé avec, notamment, l'arrivée de nouveaux jeux destinés aux consoles de génération 8. La commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans un récent rapport sur les industries culturelles à l'ère numérique 12 ( * ) ne prévoit pas autre chose pour l'avenir : « les enjeux émergents semblent concerner principalement le cloud gaming , tandis que les possibilités encore mal définies de la réalité augmentée et des terminaux immersifs (comme le casque de réalité virtuelle Oculus Rift, acquis par Facebook pour près de deux milliards de dollars en 2014) font leur apparition ». Elle estime d'ailleurs que, parmi les industries culturelles, « le secteur du jeu vidéo est celui qui paraît le mieux armé culturellement et technologiquement pour accompagner la transformation numérique de la production, de la distribution et de la consommation de ses contenus ».

La croissance du marché après une période de disette entraîne de nombreuses créations d'emplois (1 000 par an depuis 2014 sur un total de 5 000 salariés en production). Demeure toutefois une véritable fragilité économique de certains studios, dont 60 % ont moins de cinq ans d'existence.

Selon la CNIL, « désormais, deux grands modèles d'affaires coexistent : d'un côté, les grands studios développent des projets coûteux, nécessitant un investissement considérable en termes de marketing et les jeux sont de ce fait proposés à un prix élevés ; d'un autre côté, une multitude de studios (Gameloft, Zynga, King, etc.) proposent des jeux freemium ou entièrement gratuits, avec des prétentions plus modestes, un potentiel viral plus élevé et une logique de monétisation très différente ».

Les studios français appartiennent majoritairement à la seconde catégorie, bien qu'il existe plusieurs sociétés de grande taille. L'enjeu, dans un secteur hautement concurrentiel et sous-capitalisé (cf supra ) est, au-delà des stricts résultats commerciaux des jeux produits, de conserver un niveau d'indépendance suffisant pour assurer sa liberté de création.

Le récent conflit, largement médiatisé, qui a opposé le géant français (10 000 salariés) du jeu vidéo à succès Ubisoft ( Assassin's Creed , Watch Dog , The Division , Rayman , etc.) à Vivendi, avait justement l'indépendance comme enjeu. Les joueurs ne s'y sont pas trompés et ont massivement soutenu l'entreprise sur le site « we love Ubisoft », lancé à l'occasion des trente ans de la société, et sur les réseaux sociaux. Vivendi, qui a déjà racheté le studio Gameloft, détient déjà 22,8 % de l'éditeur de jeu et 20,2 % des droits de vote au conseil d'administration. Pour maintenir sa position, Ubisoft a rajouté plus de 3,6 millions de titres détenus par la Banque publique d'investissement (Bpifrance). À ce jour, les positions semblent gelées, jusqu'au prochain épisode.

Sans nier l'intérêt qu'il peut y avoir à créer des synergies entre acteurs des industries culturelles , votre rapporteur pour avis juge essentiel que les studios français, quel que soit leur chiffre d'affaires, puissent maintenir leur indépendance au bénéfice d'une création libre et de qualité, tout en disposant des moyens d'innover et de s'adapter aux évolutions technologiques.

3. Un soutien public à faire évoluer
a) Un crédit d'impôt dynamique à mieux calibrer pour une efficacité renforcée

Le crédit d'impôt pour les dépenses de jeu vidéo (CIJV), en application depuis 2008, a pour finalité de préserver et accroître la productivité des entreprises de création de jeux vidéo . Il permet aux studios installés en France de déduire 20 % des dépenses éligibles de leur impôt dû pour la production de jeux vidéo contribuant à la diversité de la création française et européenne .

Le CIJV a été renforcé par la loi n° 2013-1279 du 30 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013. Depuis la décision de la Commission européenne du 11 décembre 2014, puis à la parution du décret n° 2015-722 du 23 juin 2015, trois modifications principales sont entrées en application, entraînant, depuis, la relocalisation de plusieurs productions sur le territoire national :

- l'abaissement du seuil d'éligibilité du coût de développement des productions de 150 000 euros à 100 000 euros afin de faire accéder au dispositif des jeux au budget plus modeste, correspondant à l'émergence des nouveaux marchés du jeu mobile et du jeu indépendant ;

- la prise en compte, dans l'assiette des dépenses éligibles, des dépenses salariales des personnels techniques et administratifs pour autant qu'elles concourent à la création du jeu vidéo auquel le crédit d'impôt est attribué ;

- l'éligibilité de certains jeux destinés à un public adulte classés « 18 + » par le système de classification paneuropéen PEGI, dès lors qu'ils contribuent de façon significative au développement et à la diversité de la création et répondent à un critère supplémentaire lié à la contextualisation de la violence qu'ils diffusent, à l'exception des jeux à caractère pornographique. Cette mesure permet d'ouvrir le régime à des projets innovants et ambitieux sur le plan créatif et narratif, qui présentent de ce fait des coûts de production élevés .

En 2016, la dépense fiscale liée au CIJV générée par les dépenses de production réalisées en 2015 atteindra 9,3 millions d'euros , contre 5,3 millions d'euros l'année précédente. Les prévisions pour 2017 sont estimées entre 16 et 17 millions d'euros . Cette forte progression est due en partie à l'augmentation du nombre d'oeuvres produites (31 oeuvres bénéficiaires du CIJV au titre de 2015, contre 27 en 2014), mais surtout à l'accroissement des budgets de production (41 millions d'euros de dépenses de production en 2015 pour seulement 26 millions d'euros en 2014), tenant à l'intégration dans le dispositif de jeux dits « AAA » classés « 18 + » , à l'instar de Tom Clancys Ghost Recon : Wildlands , édité par Ubisoft pour 38 millions d'euros de dépenses de production réalisés en France sur deux ans.

Lévan Sardjevéladzé, nouveau président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), auditionné par votre rapporteur pour avis, a salué le dispositif du CIJV. Tout en en rappelant les limites, il a néanmoins appelé à son élargissemen t à l'occasion de la prochaine notification du prolongement de l'aide auprès de l'Union européenne, pour en accroître l'efficacité au profit des studios français confrontés à une redoutable concurrence internationale , dont les sénateurs André Gattolin et Bruno Retailleau se faisaient l'écho en 2013 dans le cadre de leurs travaux sur l'industrie du jeu vidéo 13 ( * ) .

Plusieurs modifications pourraient ainsi utilement être apportées :

- l'augmentation du taux de 20 à 30 % des dépenses éligibles , sur le modèle de la réforme récente du crédit d'impôt cinéma, pour rendre la mesure plus attractive au regard des dispositifs étrangers . Pour mémoire, ce taux atteint 25 % au Royaume-Uni ; le modèle mérite d'être considéré alors que la perspective de la concrétisation du « Brexit » pourrait convaincre de nombreux studios d'installer leur siège social sur le territoire français. Quantic Dream a annoncé envisager d'installer en France, si une telle réforme était mise en oeuvre, ses 250 salariés implantés en Chine. En termes d'emploi comme de rayonnement international, l'enjeu est donc de taille ;

Le dispositif britannique : un modèle à considérer

Dans la perspective de « transformer le Royaume-Uni en centre technologique de l'Europe » , le pays a mis en place, un abaissement fiscal ( tax relief ) pour les industries du jeu vidéo, de l'animation et de la création télévisuelle . Au 1 er avril 2014, a, à cet effet, été étendu le dispositif de crédit d'impôt audiovisuel et cinéma au jeu vidéo , avec notamment :

- une part minimum de 25 % du budget total localisé au Royaume-Uni pour que le projet soit éligible au crédit d'impôt ;

- un test culturel transposé de celui en vigueur pour les programmes audiovisuels et adapté très marginalement au secteur du jeu vidéo (notamment pour les postes clés) ;

- un taux de crédit d'impôt de 20 % si le projet présente des dépenses au Royaume-Uni inférieures à 20 millions de livres et 25 % lorsqu'elles sont supérieures à ce seuil ;

- un plafonnement des dépenses éligibles à 80 % des dépenses totales réalisées sur le territoire national.

Le 27 mars 2014, la Commission européenne a conclu, après une enquête approfondie, que le projet britannique d'accorder certains allègements fiscaux à des fabricants de jeux vidéo était conforme aux règles européennes en matière d'aides d'État. Elle a estimé, en particulier, que la mesure incite les créateurs à concevoir des jeux respectant certains critères culturels, conformément aux objectifs fixés par l'Union.

Source : ministère de la culture et de la communication

- l'augmentation du plafond d'aide , afin de renforcer l'intérêt du dispositif pour les productions les plus coûteuses . La France produit en effet trop peu de jeux « AAA », chers à produire mais en mesure de représenter de remarquables succès commerciaux, alors que le crédit d'impôt est plutôt calibré pour soutenir des productions de moyenne envergure à un ou deux millions d'euros ;

- la simplification de l'accès au CIVJ , notamment via un assouplissement du critère de narration , afin d'y rendre éligibles de plus nombreux jeux et, partant, un nombre plus élevé de studios. De fait, la construction actuelle du dispositif le destine majoritairement aux jeux narratifs (95 % du montant d'aide distribué), notamment d'aventure, au détriment des jeux de simulation, pourtant extrêmement en vogue auprès du public.

b) Des aides limitées en faveur de l'innovation

Cofinancé par le ministère de l'économie et des finances et le CNC, géré par le CNC et doté en moyenne de 3 millions d'euros par an , le fonds d'aide au jeu vidéo (FAJV) a pour objectif de soutenir la recherche et développement, l'innovation et la création dans le secteur du jeu vidéo, à travers deux dispositifs - l'aide à la pré-production et l'aide à la création de propriétés intellectuelles - complétés par un soutien, modeste, aux opérations à caractère collectif destiné à l'accompagnement de colloques, journées professionnelles, festivals de portée nationale ou internationale, qui relèvent de la promotion du jeu vidéo.

Créée en 2003, l'aide à la pré-production apporte aux studios un accompagnement financier à l'innovation dans la phase de réalisation d'un prototype non commercialisable. Elle vise à soutenir le travail d'études sur les composantes nécessaires à la création d'un jeu vidéo et à identifier les contraintes techniques à lever. Son montant, attribué à parts égales sous forme d'avance remboursable et de subvention, est plafonné à 35 % des dépenses de pré-production du jeu jusqu'à la réalisation d'un prototype.

En 2015, neuf projets ont été soutenus au titre de cette aide pour un montant global accordé d' un million d'euros . Les projets de prototypes, destinés à convaincre des éditeurs et correspondant à une démarche commerciale ambitieuse, sont significativement plus nombreux que l'année précédente où seulement trois projets avaient été accompagnés. Ce dynamisme est corrélé à la diffusion sur le marché des consoles de nouvelle génération (PS4, XBoxOne et Wii U), qui ouvrent de nouvelles perspectives de distribution et de création.

L'aide à la création de propriétés intellectuelles de jeux vidéo constitue, depuis sa mise en oeuvre à la fin de l'année 2010, un soutien sélectif à la production. Dans le contexte d'une évolution des modes de distribution dématérialisés qui bouleversent la chaîne de valeur, le dispositif favorise de nouvelles créations et incite les entreprises à créer une valeur patrimoniale autour des jeux vidéo qu'elles produisent en les engageant à conserver les droits de propriété intellectuelle.

L'aide, attribuée sous forme de subvention , est plafonnée à 50 % du coût du projet et ne peut dépasser 200 000 euros sur trois ans par entreprise bénéficiaire, conformément au règlement européen dit de minimis 14 ( * ) . 33 projets en ont bénéficié en 2015 pour une enveloppe globale de 2,07 millions d'euros , soit un montant moyen de 82 000 euros par projet en augmentation de 15 % par rapport à l'année précédente corrélativement à la progression de 30 % des devis de production.

Ces aides, d'un montant limité qui devrait demeurer stable en 2017, sont fort utiles à la filière, notamment pour les studios les plus fragiles. Pour autant, votre rapporteur pour avis estime que les objectifs du soutien public à l'industrie du jeu vidéo doivent s'attacher à correspondre à l'évolution des besoins . Ainsi, si les supports de jeu demeurent équitablement partagés entre ordinateurs, consoles et mobiles, la croissance en volume des ventes (+ 25 %) comme en valeur du chiffre d'affaires (+ 40 %) du jeu immatériel par rapport au jeu physique, dans un contexte où l'accès au marché dépend trop largement du bon vouloir de plateformes internationales , plaide en faveur de la création d'une aide à la distribution digitale des jeux français , sous la forme d'une avance remboursable.

Reste que les évolutions technologiques et l'univers particulièrement concurrentiel du jeu vidéo obligent les studios français à investir fréquemment et massivement dans la production . Or, malgré des résultats commerciaux plus que satisfaisants et un soutien public efficace bien que limité, les liquidités disponibles demeurent très insuffisantes pour la filière, qui gagnerait, sous réserve de maintenir une indépendance créative , à intéresser des investisseurs et des financiers.

Le droit d'auteur à l'ère numérique : quelle protection demain ?

III. LE DROIT D'AUTEUR À L'ÈRE NUMÉRIQUE : QUELLE PROTECTION DEMAIN ?

A. LE RÔLE CENTRAL MAIS TROP LIMITÉ DE LA HADOPI

1. Une institution longtemps en sursis

Depuis son installation le 8 janvier 2010, en application des lois n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la création sur Internet et n° 2009-1311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) n'a jamais fait l'objet d'un consensus ni politique ni social .

Comme le rappelaient les sénateurs Loïc Hervé et Corinne Bouchoux, auteurs d'un rapport d'information sur la Hadopi commis au nom de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication 15 ( * ) , « d'abord, le gouvernement qui l'a créée n'a jamais défendu la Hadopi avec conviction face aux attaques de l'opposition de l'époque et des internautes, ce qui a contribué à rendre son positionnement peu lisible pour une opinion publique déjà, au mieux, dubitative. C'est donc affaiblie qu'elle s'est invitée, bien malgré elle, dans la campagne pour l'élection présidentielle pour 2012. Moins de deux ans après son installation, sa suppression figurait en bonne place au programme du candidat François Hollande ».

S'il n'en fut heureusement rien d'un point de vue législatif, l'institution faillit pourtant bel et bien périr d'asphyxie budgétaire . Dès 2012, sa subvention, supérieure à 10 millions d'euros depuis 2010, diminuait de 10 %. Puis la restriction atteignit 32 % en 2013, conduisant, pour la première fois, à un résultat déficitaire nécessitant un prélèvement sur le fonds de roulement. 2014 s'inscrivit dans un scénario budgétaire similaire (réduction de 20 % de la dotation pour atteindre la somme très insuffisante de 5,5 millions d'euros, résultat déficitaire à hauteur de 2,5 millions d'euros, prélèvement sur le fonds de roulement). Après une stabilité de la dotation en 2015, ne compensant nullement l'assèchement du fonds de roulement, l'année 2016 permit une première respiration grâce à une subvention de 8,5 millions d'euros, soit 7,8 millions d'euros après application de la réserve de précaution.

Si la Hadopi survécut à ces années de disette, ce fut au prix d'une internalisation massive de ses travaux, de la réduction des dépenses de fonctionnement et de communication, d' une diminution de sa masse salariale , notamment de son encadrement, et, surtout, d' une restriction du champ de ses missions , en particulier d'études, de développement de l'offre légale et de sensibilisation des scolaires au droit d'auteur.

Parallèlement aux contraintes financières qui lui étaient imposées, l'institution faillit perdre son statut d'autorité publique indépendante (API) dotée à ce titre de la personnalité morale, comme le prévoyait la proposition de loi d'initiative sénatoriale relative aux autorités administratives indépendantes et aux autorités publiques indépendantes.

Lors de l'examen de ce texte au début de l'année 2016, votre commission de la culture s'était, avec succès, fermement opposée à une telle réforme, qui aurait dangereusement affaibli la légitimité de la Hadopi à mettre en oeuvre plusieurs missions.

Il lui est apparu que les missions afférentes aux mesures techniques de protection (MTP) ne sauraient, par nature, être exercées par un établissement public administratif (EPA) , dès lors qu'elles nécessitent, eu égard aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et de la Constitution, des garanties solides d'indépendance et d'impartialité .

Le changement de statut de la Hadopi en EPA aurait, en outre, eu de graves conséquences, s'agissant de ces mêmes garanties et du respect des droits des internautes dans le cadre de l'examen de leurs situations individuelles au cours de la procédure de réponse graduée (respect du contradictoire, confidentialité de la procédure, mécanisme de délibération des trois magistrats composant la commission de protection des droits de la Hadopi).

Comme le rappelait le sénateur Philippe Bonnecarrère, dans l'avis rendu au nom de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la proposition de loi susmentionnée, à propos du choix, pour le législateur, de recourir ou non à un statut d'API « si les API et les EPA partagent des caractéristiques communes telles que leur principe de spécialité ou la soumission aux règles de droit public dans leur organisation et leur fonctionnement, ils ne constituent pas pour autant des modes d'actions publiques substituables répondant aux mêmes enjeux et finalités administratifs. La création d'une API se justifie lorsqu'il s'agit de confier une mission de régulation ou de garantir l'exercice d'une liberté publique. Tel est bien le cas de la Hadopi ».

2. Une capacité d'action retrouvée
a) Un budget enfin conforme aux besoins

Le projet de loi de finances pour 2017 s'inscrit, comme l'an passé, dans une logique de consolidation des ressources de l'institution et mettant fin à sa sous-budgétisation chronique, ce dont votre rapporteur pour avis se réjouit.

Le montant de la subvention s'établit, pour 2017, à 9 millions , en augmentation de 500 000 euros par rapport à 2016, soit 6 %. Dans l'hypothèse d'un taux de gel à 8% portant sur la totalité des crédits (y compris la masse salariale 16 ( * ) ), les prévisions de recettes pour 2017 s'établissent à 8,3 millions d'euros.

Évolution des recettes de la Hadopi sur la période 2013-2017

Source : Hadopi

Cette subvention permettra à l'institution de conforter ses missions et de financer la mise en oeuvre de ses priorités stratégiques . Elle prendra également en charge l'indemnisation des FAI au titre des surcoûts résultant du traitement des demandes d'identification des internautes (cf supra ) et, à parité avec le ministère de la culture et de la communication, la mise à disposition d'un agent en tant qu'expert national détaché auprès de Commission européenne.

Toutefois, la soutenabilité budgétaire de la Hadopi en 2017 demeure fragile du fait de l'aléa qui pèse sur l'estimation du montant de la compensation due aux FAI.

Évolution des dépenses de la Hadopi sur la période 2013-2017

Source : Hadopi

En 2017, le résultat de la Hadopi devrait être déficitaire à hauteur de 300 000 euros . La dotation aux amortissements étant estimée à 470 000 euros, la capacité d'autofinancement de 150 000 euros devrait être suffisante pour couvrir les investissements prévus.

Les années 2016 et 2017 amorcent donc une stabilisation de la trajectoire budgétaire de l'institution : le montant de la subvention versée et l'exécution se rapprochent, le fonds de roulement atteint désormais son seuil prudentiel (2,2 mois de fonctionnement).

Consciente du contexte budgétaire général et de la contrainte pesant sur ses moyens, l'Hadopi a dû se résoudre à une diminution significative de son plafond d'emploi, et ce sans que le périmètre de ses missions légales ne soit modifié. En 2016, le nombre d'emplois rémunérés devrait s'établir à 51,2 ETPT , contre 71 ETPT à sa création, pour un plafond fixé à 65 ETPT. Dans une optique de reconstitution de ses équipes, indispensable au bon exercice des missions de l'institution, les effectifs prévus en 2017 devraient progresser pour atteindre 56,5 ETPT , et continuer d'augmenter progressivement lors des exercices suivants.

À l'avenir, l'objectif est d'inscrire l'institution dans un régime de croisière avec une stabilisation du budget annuel autour de 9 millions d'euros et des effectifs à une soixantaine d'agents .

L'augmentation des crédits ouverts (+ 2,7 % hors indemnisation des FAI) devrait permettre de financer le déploiement stratégique des activités de la Hadopi dans plusieurs domaines :

- l'observation des usages

La conduite de la mission d'observation est structurée de sorte que ses résultats soient une aide à la décision pour l'action de l'institution comme pour les pouvoirs publics en général . Les travaux poursuivent un triple objectif : le déploiement de mesures directes des usages , c'est-à-dire d'outils logiciels dédiés capables de comptabiliser exactement les pratiques étudiées auprès de larges panels de consommateurs volontaires ; l'analyse qualitative et quantitative des pratiques , soit la conduite de travaux d'étude et de recherche permettant de disposer d'une bonne connaissance des tendances en cours et des usages émergents ; la préparation et l'évaluation des politiques publiques avec la réalisation de travaux destinés à évaluer les actions menées en matière de diffusion culturelle et de protection des droits et à contribuer à leurs évolutions ;

- l'encouragement au développement de l'offre légale et la régulation des mesures techniques de protection

La labellisation et le recensement des offres légales constituent une précieuse base de données pour l'observation de l'offre légale. Ces outils doivent toutefois être complétés par des solutions qui s'adressent plus directement aux consommateurs, pour les informer et les sensibiliser à la problématique du droit d'auteur . Les actions menées dans ce cadre pourront en particulier distinguer le jeune public, très attiré par l'offre culturelle dématérialisée, notamment illicite, et le public spécialisé dans le domaine de la création, afin de le guider s'agissant des démarches possibles pour la protection des oeuvres ;

- la protection des droits

L'année 2017 devrait se traduire par une effectivité accrue de la lutte contre les pratiques illicites : l'achèvement du déploiement de la réponse graduée au traitement de la totalité des saisines reçues, la prise en compte des cas de partage de multiples oeuvres contrefaites qui fera l'objet d'un suivi particulier, le renforcement de la dissuasion par une stratégie de transmission à l'autorité judiciaire systématique dans les cas les plus critiques, que ce soit sur le fondement de la négligence caractérisée ou de la contrefaçon lorsque le dossier le justifie.

b) Des modalités complexes de compensation aux fournisseurs d'accès à Internet

Les dispositions de l'article L. 34-1 du code des procédures civiles d'exécution prévoient le versement d'une compensation des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées par les opérateurs, à la demande de la Hadopi, pour la mise en oeuvre de la réponse graduée . Or, à ce jour, aucun texte réglementaire n'a été publié s'agissant de la détermination des modalités de compensation des FAI.

Par décision en date du 23 décembre 2015, le Conseil d'État a enjoint l'État de prendre les mesures réglementaires qu'implique nécessairement l'application de l'article L. 34-2 précité. À cet effet, le Gouvernement a confié, en juin 2016, une mission à l'inspection générale des finances, afin de déterminer les modalités financières que pourrait revêtir une telle compensation.

La compensation prévue à l'article L. 34-1 ne concerne que la prestation d'identification des adresse IP, qui comprend, d'une part, les demandes ordinaires (collecte en nombre et automatisée des données à partir d'un fichier électronique transmis par la Hadopi aux FAI chaque jour ouvré), et, d'autre part, les demandes complémentaires (recherche individualisée d'informations). En outre, la compensation a vocation à couvrir les seuls surcoûts spécifiques au traitement des demandes de la Hadopi . Il convient donc d'exclure les frais que les FAI devraient en tout état de cause supporter pour faire fonctionner leur système d'exploitation propre, ainsi que les frais engagés au titre de l'application d'une autre législation ou réglementation.

Or, les demandes d'indemnisation formulées par les FAI au titre des surcoûts imputables à la Hadopi s'avèrent nettement surévaluées au regard de la réalité technico-économique constatée sur des opérations d'identification entièrement automatisées.

Contrairement aux FAI qui continuent de revendiquer une tarification au nombre d'adresses IP, l'Hadopi considère , comme l'a rappelé Christian Phéline, son nouveau président, lors de son audition par votre rapporteur pour avis, que seule une logique de forfait « à la requête » (fichier unique contenant les demandes, transmis quotidiennement aux FAI et faisant l'objet d'un traitement totalement automatisé) est de nature à calibrer équitablement la compensation de la réalité des coûts supportés par les FAI.

Dans le cadre du référé relatif à la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) en date du 25 avril 2016, la Cour des comptes recommande d'ailleurs l'adoption d'une tarification forfaitaire et unique qui s'appliquerait aux réquisitions de toutes les administrations ou autorités indépendantes concernées, dans une logique de rationalisation des dépenses de l'État. En réponse à la Cour, le Premier ministre a indiqué être favorable à l'établissement d'un « système cohérent et unique de juste rémunération, fondé, sauf exception, sur une compensation financière forfaitaire pour les FAI les plus importants ».

Si une tarification forfaitaire globale devait être retenue à l'avenir, il conviendrait de ne pas faire reposer la clé de répartition de la compensation entre les administrations ayant recours aux FAI sur le seul critère lié au volume des actes d'identification sollicités, mais bien de tenir compte du niveau respectif de complexité du système, de la régularité et de l'uniformité des demandes, des délais et de la forme des réponses attendues, qui influent significativement sur les coûts réels.

Dans l'immédiat, l'évaluation financière conduite par l'inspection générale des finances s'est limitée à la charge propre de la Hadopi et au règlement par l'État des contentieux passés avec les FAI. Une fois ses conclusions connues, un décret devrait être adopté pour fixer le montant de la compensation due pour l'année 2017. Si cette somme devait dépasser 400 000 euros, la capacité de la Hadopi de mener à bien missions légales et nouveaux projets serait mise à mal.

3. Une expertise insuffisamment mobilisée

Les usages, licites ou non, des internautes en matière de consommation des oeuvres en ligne s'ajustent rapidement aux potentialités ouvertes par le déploiement des techniques . Alors que le recours au pair-à-pair n'est plus ascendant, la généralisation du haut débit puis l'essor du très haut débit concourent à la large prédominance des sites de streaming légaux ou illégaux . Si, toutefois, les pratiques de téléchargement perdurent, c'est d'une façon croissante par l'intermédiaire des diffusions en streaming alors copiées par les utilisateurs, notamment à travers l'emploi de « convertisseurs ». Ces usages de stream ripping se développent rapidement, notamment dans le domaine de la musique, et concernent désormais plusieurs millions de consommateurs en France.

Source : Hadopi / Opinion Way - Octobre 2015

Dans ce contexte l'expertise de la Hadopi pourrait être utile au développement de voies d'action nouvelles :

- en élargissant le champ de la lutte contre la contrefaçon commerciale

La Hadopi pourrait se voir confier un rôle de suivi des actions engagées à l'initiative du ministère de la culture et de la communication selon l'approche dite « follow the money 17 ( * ) ». Ainsi, les comités de suivi des bonnes pratiques pour le respect du droit d'auteur, qui réunissent ayants droit et intermédiaires de la publicité et des moyens de paiement dans la perspective d'assécher les ressources des sites illicites, pourraient gagner à une certaine sécurisation juridique : la pleine opposabilité de la qualification comme « contrefaisants » des sites visés serait renforcée par l'intervention d'un organisme public indépendant à titre de tiers de confiance.

En outre, selon l'approche « Follow the works 18 ( * ) », le recours facilité et généralisé aux technologies de reconnaissance de contenus pourrait permettre d'éviter que les oeuvres retirées d'un site parce que signalées comme contrefaisantes ( notice and take down 19 ( * ) ) ne réapparaissent rapidement et à de nombreuses reprises. Dans le cadre de sa mission d'évaluation des expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance de contenus et de leur efficacité, la Hadopi pourrait utilement y contribuer ;

- en développant l'information, la sensibilisation et la protection du public par une action éducative en coopération avec les enseignants et les ayants droit et un accompagnement des consommateurs en matière d'offre légale ;

- en proposant une mesure indépendante des usages.

Les compétences développées par la Hadopi en matière d'observation des pratiques pourraient être utilisées pour l'ajustement de divers dispositifs de la politique culturelle dans le champ numérique. En particulier, l'institution pourrait apporter tout son concours à la conduite des études d'usage et à l'élaboration des barèmes qu'elles fondent en matière de rémunération pour copie privée, ainsi que l'avait proposé votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication lors de l'examen de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

B. UNE RÉFORME EUROPÉENNE ENTRE ESPOIR ET INQUIÉTUDE

1. Fiscalité des hébergeurs de contenus culturels : le fisc se rebiffe

La révolution numérique, si elle a facilité fabuleusement l'accès aux oeuvres, a également conduit - le constat est connu et sans appel - à un transfert de la valeur des créateurs et des producteurs vers les diffuseurs , eux-mêmes tous puissants dans un marché numérique hautement oligopolistique.

Quantification de la création de valeur explicite

(en millions d'euros ; 2014; estimations)

Source : Sociétés, analyse et estimations Roland Berger - 2016

Les grandes plateformes internationales que sont Apple, Facebook, Google et Amazon (les fameux GAFA) mettent à disposition du public, dans le cadre d'une stratégie commerciale parfaitement rôdée, des contenus culturels numériques à des prix fort bas, captent l'essentiel du marché de la publicité et rémunèrent a minima les titulaires de droits.

Dans une récente étude sur les plateformes et l'accès aux contenus audiovisuels 20 ( * ) , le CSA estime que « de la même manière que les fournisseurs d'accès à Internet ont développé des offres de télévision afin d'enrichir leurs services Internet, les contenus audiovisuels constituent un véritable levier de développement pour les plateformes . (...) Quelle que soit la stratégie retenue, les plateformes participent activement à l'organisation des contenus disponibles dans leur environnement ».

Si les liens cliqués sur Google ne concernent qu'à 30 % des contenus culturels, l'ensemble des industries culturelles est concerné , en particulier la presse (58 %) et la musique (11 %), et il n'est guère aisé pour elles de lutter efficacement.

Étude passive moteur de recherche : part des liens cliqués et accès direct

Source : Mediametrie / NetRating ; Sépage ; analyses Roland Berger - 2016

Les contenus culturels génèrent ainsi 23 % des revenus des plateformes numériques . Cette proportion atteint 66 % pour les plateformes audio et vidéo et 43 % pour les réseaux sociaux, selon l'étude commandée par le Groupement européen des sociétés d'auteurs et compositeurs (GESAC) à l'institut Roland Berger et rendue publique en septembre dernier.

Estimation de l'impact direct des contenus culturels sur la création de valeur explicite

( en millions d'euros; 2014)

Source : Sociétés, analyse et estimations Roland Berger- 2016

À un partage déséquilibré de la valeur, s'ajoute une distorsion de concurrence fiscale flagrante entre les acteurs nationaux, que sont majoritairement les artistes et les producteurs, et les géants américains de l'Internet.

Bariza Khiari, rapporteure de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication de la loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition, déplorait dans son rapport qu' « Amazon, comme Google, Apple et Facebook, sociétés qu'il est fréquent de regrouper sous l'acronyme de « GAFA », aient développé, dès leur création, des stratégies fiscales et juridiques d'évitement avec des implantations à l'étranger et des flux croisés de transferts de valeur, exploitant pour ce faire les avantages inhérents à leurs activités, et notamment le caractère dématérialisé des échanges commerciaux ».

Le chiffre d'affaires produit en France par les GAFA est estimé entre deux et trois milliards d'euros. Pourtant, chacune des quatre entreprises ne s'acquitterait que d'environ quatre millions par an au titre du paiement de l'impôt sur les sociétés. Ces stratégies d'optimisation, légales, ont pu être mises en place à la faveur du défaut d'harmonisation fiscale des législations européennes , comme le rappelle le rapport de la mission confiée à Pierre Lescure en 2012 sur la culture à l'ère numérique 21 ( * ) : « En l'absence d'harmonisation fiscale au sein de l'Union européenne, les entreprises dont le siège est établi en France sont placées dans une situation de concurrence inéquitable, qui profite aux entreprises installées dans des pays où les taux d'imposition sur les bénéfices ou de TVA sont les plus faibles . Cette asymétrie, à laquelle s'ajoutent des distorsions propres à la fiscalité culturelle spécifique à la France, handicape les acteurs français ».

Pour ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, plusieurs caractéristiques de l'imposition des bénéfices ne permettent pas son application effective aux richesses produites par l'économie numérique et singulièrement l'e-commerce , notamment la taxation des revenus sur le lien effectif de leur création et la taxation fondée sur la notion d'établissement stable. Une réforme des normes fiscales internationales, soutenue par la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, fait depuis plusieurs mois l'objet de travaux au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais sans proposition concrète à ce jour.

À défaut d'harmonisation fiscale, plusieurs solutions de repli ont été envisagées : la création d'une taxe sur la publicité en ligne et d'une taxe sur l'achat de service de commerce électronique proposée par l'ancien sénateur Philippe Marini, auteur de la proposition de loi précitée pour une fiscalité numérique neutre et équitable, l'imposition de l'activité de collecte des données personnelles prônée par Pierre Colin et Nicolas Collin 22 ( * ) , ou encore la taxation des supports de lecture numérique défendue par le rapport précité de Pierre Lescure.

Les États ont majoritairement préféré appliquer aux GAFA, avec un succès plus ou moins évident, une imposition « classique » . Après avoir multiplié les contentieux fiscaux et les procédures de redressement en France, au Japon, au Royaume-Uni, en Allemagne ou encore en Chine, Amazon a indiqué avoir revu l'organisation de ses activités en Europe . Depuis le 1 er mai 2015, les ventes sont comptabilisées par pays dans quatre d'entre eux (Allemagne, Royaume-Uni, Italie et Espagne), entraînant le paiement des taxes nationales , et non plus au niveau de la holding installée au Luxembourg, où l'entreprise bénéficie depuis 2003 d'un accord de «?tax ruling?» qui limite sa taxation sur les sociétés à moins de 1 % de ses revenus.

En 2015, Google a payé 6,7 millions d'euros d'impôt sur les sociétés au titre de ses activités en France. Si la somme est supérieure de 30 % à celle réglée l'année précédente, elle demeure encore marginale au regard de l'activité réelle du groupe sur le territoire national . Ainsi, la publicité dans les moteurs de recherche, dont le groupe constitue le leader incontesté, représentait, la même année, un marché de 1,7 milliard d'euros en France. L'entreprise californienne fait d'ailleurs l'objet d'un redressement fiscal à hauteur de 1,6 milliard d'euros d'arriérés d'impôts. Plusieurs perquisitions et saisies ont été menées, en juin 2011, dans ses locaux parisiens, dans le cadre d'une enquête sur les prix de transfert entre la branche française et la holding irlandaise. De nouvelles perquisitions ont eu lieu en juin dernier pour des motifs liés à l'enquête fiscale.

L'Europe n'est pas en reste : la Commission européenne examine désormais très attentivement, sous la pression de plusieurs États membres, les pratiques fiscales et commerciales des géants américains du numérique . Elle a ainsi annoncé l'ouverture d'une enquête à la fin de l'année 2014, après la révélation des accords fiscaux avantageux accordés à ces grandes firmes par le Luxembourg. En outre, Margrethe Vestager, commissaire en charge de la concurrence, a signé le 15 avril 2015 l'acte d'accusation contre Google , visé depuis 2010 par une procédure d'enquête pour abus de position dominante.

Les États-Unis eux-mêmes ont entamé une lutte contre l'optimisation fiscale organisée par les GAFA. Facebook pourrait ainsi devoir payer de 3 à 5 milliards de dollars au titre d'un redressement fiscal , selon les informations transmises par le groupe juillet dernier à la Commission des opérations en bourse américaine (SEC). Le fisc américain (IRS), au terme d'un contrôle réalisé sur les comptes de l'entreprise pour les années 2008 à 2013, estime en effet que ses actifs ont été sous-évalués lors du transfert d'une partie des activités à une filiale irlandaise en 2010. Facebook prévoit de déposer un recours devant un tribunal en charge des affaires fiscales mais, si la décision du fisc était confirmée, elle pourrait obliger les GAFA à modifier en profondeur leurs pratiques en matière d'optimisation fiscale.

Votre rapporteur pour avis souligne combien l'installation d'un régime fiscal juste et de règles de concurrence équitables constituent le préalable indispensable à un partage de la valeur plus favorable aux créateurs et plus protecteur de la diversité culturelle.

2. Un combat européen de longue haleine
a) Une réflexion menée en profondeur par les autorités européennes

Le 15 janvier 2015, l'eurodéputée Julia Reda (Allemagne, Parti pirate) présentait devant la Commission des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen son pré-rapport sur la « directive InfoSoc » de 2001. Première étape en vue d'une résolution du Parlement européen, il faisait suite au lancement, par la Commission européenne, d'une consultation publique sur la révision des règles de l'Union européenne en matière de droit d'auteur.

Partisane d'un Internet sans frontière et d'une circulation fluide des contenus, y compris culturels, Julia Reda livra, sans surprise, un document ambitieux, proposant de lever les restrictions à la circulation des oeuvres, en généralisant les exceptions reconnues pour tel ou tel usage, et à harmoniser dans ce sens l'ensemble des règles aujourd'hui en vigueur dans les États membres.

Après des débats parlementaires houleux, un texte de compromis fut finalement voté par la commission JURI le 16 juin 2015 : il prévoyait une nouvelle exception pour l'extraction de textes et de données et une plus grande facilité donnée aux bibliothèques pour la numérisation de leurs collections ; il proposait également d'harmoniser la réglementation s'agissant des exceptions de citations et de parodie. Le droit de panorama n'y était en revanche pas prévu et demeurait au bon vouloir des États membres.

Une résolution non législative a ensuite été adoptée en séance plénière par le Parlement européen le 9 juillet 2015. Les députés ont demandé à ce que les futures propositions visant à réformer la législation européenne sur le droit d'auteur à l'ère numérique assurent un juste équilibre entre les droits et intérêts des créateurs et ceux des consommateurs .

Parallèlement aux travaux du Parlement européen, la Commission européenne a adopté, le 6 mai 2015, une communication sur le marché unique numérique , qui proposait seize actions-clés déclinées autour de trois piliers - l'amélioration de l'accès aux biens et services numériques pour les consommateurs et les entreprises, la création d'un environnement propice au développement des réseaux et services numériques innovants et des conditions de concurrence équitable, la maximisation du potentiel de croissance de l'économie numérique - pour lesquels elle s'engageait à faire des propositions au plus tard à la fin de l'année 2016.

Le plan d'action sur le droit d'auteur adopté par la Commission européenne le 9 décembre 2015 , concomitamment avec le projet de règlement sur la portabilité de l'accès aux oeuvres, concrétise la stratégie sur la marché unique du numérique du 6 mai 2015 et définit la vision de la Commission européenne en faveur d'un cadre moderne pour le droit d'auteur dans l'Union. Il repose sur quatre objectifs :

- Élargir l'accès aux contenus

La proposition de règlement sur la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne vise à faire disparaître les restrictions qui ne permettent pas aux résidents de l'Union de se déplacer avec le contenu numérique qu'ils ont acheté ou souscrit dans leur pays d'origine. La Commission entend améliorer la distribution transfrontalière de programmes de radio et de télévision en ligne en réexaminant la directive 93/83/CEE dite « câble et satellite » et en facilitant l'octroi de licences pour l'accès transfrontalier aux contenus ;

- Prévoir des exceptions au droit d'auteur pour une société innovante et inclusive

L'intention affichée est de permettre aux chercheurs d'utiliser plus facilement les techniques de fouille dites data mining et text mining pour analyser de grandes séries de données. Les réflexions de la Commission portent également sur les exceptions à des fins pédagogiques, sur l'accès des personnes malvoyantes à un plus grand nombre d'oeuvres via la ratification du traité de Marrakech du 27 juin 2013 et sur l'instauration de l'exception de panorama sur l'ensemble du territoire européen. S'agissant de la mise en oeuvre du traité de Marrakech, la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a introduit dans le droit français la condition d'absence de disponibilité commerciale des formats adaptés aux malvoyants pour faire jouer l'exception « handicap » ;

- Créer un marché plus juste

Il est ici prévu d'évaluer si l'utilisation en ligne des oeuvres protégées par le droit d'auteur, qui sont le résultat de l'investissement des créateurs et des industries créatives, est dûment autorisée et rémunérée au moyen de licences permettant une juste rémunération de chacun ;

- Lutter contre le piratage

La Commission européenne a enfin annoncé son intention travailler, en 2016, sur un cadre européen de l'approche dite follow the money pour interrompre les flux financiers vers les entreprises qui font des profits grâce au piratage. Elle examinera en outre les moyens de rendre plus efficace la suppression des contenus illicites par les intermédiaires en ligne.

La Commission entend également améliorer les règles européennes sur la protection des droits de propriété intellectuelle avec le lancement d'une consultation publique sur l'évaluation et la modernisation du cadre juridique existant posé par la directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

Pour faire suite à sa communication du 9 décembre 2015, la Commission européenne a lancé, le 23 mars 2016, une consultation publique sur le rôle des éditeurs dans la chaîne de valeur des droits d'auteur et sur l'exception de panorama.

La Commission européenne a présenté, le 14 septembre 2016, un ensemble de mesures visant à mettre en oeuvre les orientations définies dans son plan d'action du 9 décembre 2015 :

- une proposition de règlement qui régit le droit d'auteur et les droits voisins pour les transmissions et retransmissions en ligne de programmes de radio et de télévision ;

- une proposition de directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique visant à refondre, pour la moderniser, la législation du 22 mai 2001 ;

- une proposition de directive visant à mettre en oeuvre le traité de Marrakech et une proposition de règlement relatif à l'échange d'exemplaires en format accessible entre l'Union européenne et les pays tiers parties au traité.

L'ensemble des propositions s'articule autour de trois priorités :

- offrir un plus grand choix et un accès amélioré et transfrontière aux contenus en ligne en permettant aux radiodiffuseurs d'obtenir plus facilement les autorisations nécessaires auprès des titulaires des droits sous la forme de licences accordées par les d'organismes de gestion collective ;

- améliorer les règles en matière de droit d'auteur dans les domaines de la recherche, de l'éducation et de l'inclusion des personnes handicapées (création d'une exception pour fouille de textes et exploration de données, encadrement de l'exception pédagogique, mise en oeuvre du traité de Marrakech) ;

- instaurer un marché plus équitable et durable pour les créateurs et la presse en renforçant la capacité des titulaires de droits à négocier et à être rémunérés pour l'exploitation en ligne de leurs contenus sur les plateformes de partage de vidéos, qui devront se doter d'outils techniques de lutte contre le piratage, et en créant un droit voisin pour les éditeurs de presse.

Ces propositions ont fait l'objet d'une présentation par la Commission européenne lors du groupe « droit d'auteur » du Conseil européen des 3 et 4 octobre.

Décevant pour certains, inquiétant pour d'autres , le texte propose plusieurs modifications de la directive de 2001, sans qu'il s'agisse véritablement d'une refonte du droit existant comme en avait rêvé Julia Reda un an plus tôt.

b) L'engagement sans faille de la France aux côtés des créateurs

Dès les premières annonces du 6 mai 2015, le ministère de la culture et de la communication a mis en place un comité de liaison pour le droit d'auteur dans le marché unique numérique chargé de mener une réflexion sur les avancées du débat européen et de formuler des propositions concrètes en matière de partage de la valeur et de mise en oeuvre des droits des créateurs à l'ère numérique. De nombreux contacts bilatéraux (Pologne, Espagne, Italie, Allemagne, Royaume-Uni) ont par ailleurs été noués pour défendre ces sujets auprès de la commission.

Après une première réunion le 24 juin 2015, le comité de liaison s'est réuni le 2 février 2016 pour traiter de l'avancée des négociations relatives au règlement « portabilité », puis le 11 juillet, afin de présenter les réflexions en cours de la Commission européenne sur l'évolution de la législation en matière de droit d'auteur. Les autorités françaises, et votre rapporteur pour avis s'en réjouit, sont particulièrement attentives aux exceptions et limitations au droit d'auteur et veillent à ce que les enjeux culturels et industriels du droit d'auteur soient pleinement pris en compte .

Le 22 avril 2015, elles ont transmis aux institutions européennes une note formulant des propositions pour la modernisation du droit d'auteur dans le marché unique numérique , rappelant que toute réouverture du cadre européen applicable en matière de droit d'auteur doit être l'occasion de progresser dans la définition d'une réponse européenne aux priorités suivantes : la rémunération de la création et le partage de la valeur avec les acteurs numériques, le respect effectif du droit d'auteur, l'amélioration de la portabilité des contenus et de l'interopérabilité des formats dans le respect des règles de territorialité et, enfin, l'accès au savoir par le développement prioritaire des licences plutôt que la prolifération sans contrôle des exceptions.

Pour asseoir sa réflexion sur des données récentes et une expertise reconnue , le ministère de la culture et de la communication a commandé en 2016 plusieurs rapports thématiques, dont un rapport sur la création d'un droit voisin des éditeurs de presse, demandé à Mme Laurence Franceschini, médiatrice du cinéma, et transmis en juillet dernier, et un rapport sur l'interopérabilité dans le cadre du paquet commerce électronique confié à M. Jean-Philippe Mochon.

Si le texte proposé s'avère finalement moins ambitieux ou révolutionnaire que certains le craignaient, il importe que le Gouvernement et la représentation nationale demeurent attentifs à ce que, au fil des négociations à venir au Conseil et au Parlement européens, les intérêts des titulaires de droits, malmenés depuis trop longtemps par la révolution numérique, soient protégés.

Votre rapporteur pour avis partage à cet égard l'analyse de Vincent Montagne, président du SNE, qui, si elle concerne le livre, peut aisément s'appliquer à l'ensemble des industries culturelles confrontées aux attaques répétées contre le droit d'auteur : « certains rêvent d'un monde où l'accès universel aux connaissances se ferait au mépris des auteurs. Dans ce monde, on plagierait les textes, on y puiserait librement les connaissances et les créations, devenues de simples données échangeables, partageables, diffusables à l'infini... mais occasionnellement ou jamais rémunérées. Dans ce combat entre la gratuité désordonnée et la juste rémunération des auteurs et autres acteurs de la filière du livre et de l'édition, se joue l'avenir de notre société. Ne plus rémunérer la création, c'est l'asservir. Lui ôter ses moyens d'indépendance et sa liberté ».

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne l'adoption des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017 .

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 23 NOVEMBRE 2016

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication examine les rapports pour avis des programmes « Presse », « Livre et industries culturelles », « audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » et « audiovisuel extérieur » de la Mission « Médias, Livre et industries culturelles ».

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Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles » . - Le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », est doté, dans le présent projet de loi de finances, de 276,9 millions d'euros de crédits de paiement.

Ils sont destinés, pour 94 %, à l'action 01 « livre et lecture », elle-même consacrée à 80 % à la subvention de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (BnF), hors chantier du quadrilatère Richelieu.

La BnF est ainsi dotée de 210,1 millions d'euros de subvention pour charges de service public, soit une légère augmentation de 1,6 % destinée à absorber les tensions sur la masse salariale liées à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et aux mesures de sécurité mises en place après les attentats de l'an passé. Seront également financés des travaux d'entretien, menés par tranches pluriannuelles, du site François Mitterrand (renouvellement du système de sécurité incendie, mise aux normes des ascenseurs, modernisation du système de transport automatique des documents).

Parallèlement, l'interminable chantier du quadrilatère Richelieu se poursuit avec l'espoir d'être terminé en 2020. De 211 millions d'euros en 2011, le coût du projet est désormais évalué à 232,6 millions d'euros en raison d'aléas techniques et de contentieux divers, dont 80 % à la charge du ministère de la culture et de la communication. L'année 2016 a vu s'achever la première phase de travaux : les services de la BnF, l'Institut national d'histoire de l'art et l'École nationale des Chartes se sont installés à l'été et, d'ici à la fin de l'année, la salle de lecture Labrouste sera ouverte au public. Pour débuter la seconde phase de travaux, 8,7 millions d'euros d'engagement et 6 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits au présent projet de loi de finances, destinés notamment à la destruction, controversée, de l'escalier d'honneur au profit d'un ouvrage de taille plus raisonnable. Le coût exponentiel du chantier oblige parallèlement la BnF à faire appel au mécénat pour financer les nombreuses dépenses que l'État ne peut prendre en charge, soit environ 12 millions d'euros : la rénovation de la façade du bâtiment et des parties classées (salle ovale, salon Louis XV, galerie Mazarine) et la réfection des pavés de la cour.

Autre sujet délicat pour l'action 01 « livre et lecture » : l'atrophie continue des ressources du Centra national du livre (CNL), dont les subventions sont indispensables à nombre d'auteurs, de traducteurs, de libraires, comme aux bibliothèques et aux manifestations littéraires. Or, l'érosion du rendement des taxes (taxe sur le chiffre d'affaires des éditeurs et taxe sur les ventes d'appareil de reprographie) qui lui sont affectées pour mener ses actions mettent en danger leur avenir. Depuis 2015, disposant désormais de moins de 30 millions d'euros de recettes, le CNL réduit le montant des aides attribuées et le nombre de ses interventions. Compte tenu de l'importance du soutien de l'opérateur auprès des libraires les plus fragiles comme des auteurs qui exercent leur art dans un genre peu rentable (essai, poésie, théâtre en particulier), il est essentiel de trouver rapidement au CNL d'autres sources de financement. Attendons à cet égard les propositions que fera, rapidement espérons-le, la mission conjointement menée par l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et le Conseil d'État.

Pour ce qui concerne toujours le livre et la lecture, je souhaite enfin attirer votre attention sur la condamnation, par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 16 novembre 2016, du mécanisme ReLire permettant la numérisation et la diffusion des livres indisponibles du XX e siècle, dont nous avions à l'unanimité voté le principe en 2012. La Cour a considéré que le dispositif n'entrait pas dans le cadre des exceptions et limitations au monopole de l'auteur prévues par la directive du 22 mai 2001 et qu'il ne garantissait pas suffisamment l'information effective et individualisée des auteurs concernés. Alors que 15 000 fichiers sont d'ores et déjà commercialisées et que les opérations de numérisation se poursuivent à grande échelle, sous l'égide de la BnF et avec le soutien financier du CNL, cette décision vient mettre un coup d'arrêt brutal à une opération utile, à laquelle le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 février 2014, n'avait rien trouvé à redire. Il convient donc de se mobiliser, mes chers collègues, pour que la révision prochaine de la directive du 22 mai 2001 rende possible la reprise du programme ReLire et, partant, la mise à disposition au public de milliers d'oeuvres indisponibles.

L'action 02 « industries culturelles » dispose quant à elle, comme je vous l'indiquais en préambule, d'une enveloppe fort modeste de 16,9 millions d'euros. Sur ce total, 5,3 millions d'euros bénéficient au secteur de la musique enregistrée, notamment pour doter le fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique, le fonds pour la création musicale et le Bureau export, ce dernier faisant, depuis 2016, l'objet d'un effort budgétaire louable, bien que limité. Par ailleurs, 2,6 millions d'euros contribuent à soutenir diverses manifestations de promotion du cinéma en région.

Enfin, et surtout, la Hadopi se voit doter de 9 millions d'euros. Certes, après des années de disette, il faut évidemment se réjouir de la consolidation, entamée en 2016 et que poursuit le présent projet de loi de finances, des ressources d'une institution dont l'efficacité demeure, dans un contexte où le piratage des oeuvres sur Internet n'a nullement cessé.

Mais l'effort apparaît en réalité en trompe l'oeil puisque la totalité des crédits supplémentaires affectés à la Hadopi en 2017, de l'ordre de 500 000 euros, sera versée, au terme d'un long contentieux et en application de la décision du Conseil d'État en date du 23 décembre 2015, aux fournisseurs d'accès à Internet en compensation des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations qu'ils assurent pour l'opérateur. Le montant exact de la compensation due sera prochainement fixé par décret ; s'il devait dépasser le niveau envisagé par l'Inspection générale des finances en juin dernier, la dotation de la Hadopi pour 2017 pourrait à nouveau s'avérer insuffisante pour mener à bien ses missions légales.

En tout état de cause, comme la ministre de la culture et de la communication l'a affirmé lors de son audition devant notre commission, il n'est aucunement question de renforcer les compétences de la Hadopi, et je le regrette, afin d'adapter ses outils et ses missions aux évolutions des modes de piratage. Dès lors, la question de son avenir, entre nécessaire adaptation, fusion avec un autre opérateur et suppression, se posera inéluctablement à nouveau.

Ma présentation ne serait pas complète, si je ne vous indiquais pas, qu'au-delà des modestes crédits qui leur sont dévolus au sein du programme 334, les industries culturelles sont bénéficiaires de dispositifs fiscaux dont l'efficacité n'est plus à démontrer : le crédit d'impôt pour les dépenses du jeu vidéo (17 millions d'euros en 2017), qui, depuis 2008, permet de préserver la productivité des studios français dans un contexte de concurrence exacerbée, et le crédit d'impôt en faveur de la production phonographique (8 millions d'euros en 2017) créé en 2006 en faveur de la création francophone.

Les actions menées et les dispositifs de soutien mis en oeuvre ont permis aux industries culturelles françaises, malmenées par la révolution numérique et la concurrence étrangère et sujet de notre plus vive inquiétude par le passé, de se moderniser et, finalement, de se maintenir. Livre, musique et jeu vidéo affichent désormais un optimisme non feint pour l'avenir, que j'ai pu constater au cours des auditions préparatoires à l'examen du présent budget. Il faut, mes chers collègues, nous en réjouir et saluer les efforts des professionnels qui, soutenus par des politiques publiques ambitieuses, ont permis aujourd'hui ce résultat.

Compte tenu de ces observations, mes chers collègues, je vous propose de donner un avis de sagesse à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles», au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

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M. David Assouline - Je suis profondément attristé que nous n'ayons pas l'occasion de discuter de ces questions d'importance majeure en séance publique cette année. En dépit de nos divergences politiques, nous partageons tous, au sein de cette commission, un fort intérêt pour la culture et les sujets culturels. Le débat budgétaire en séance est généralement l'occasion d'expliquer les enjeux culturels à nos collègues des autres commissions. Il est regrettable que nous nous privions de cette opportunité, sans compter les risques que l'adoption d'une question préalable fait peser sur l'image du Sénat, dans un contexte de montée des discours populistes sur l'inutilité du rôle du Parlement, du Sénat en particulier.

Dans ces conditions, j'espère que l'Assemblée nationale votera l'augmentation de la redevance pour l'audiovisuel public, conformément au souhait de la ministre de la culture et de la communication, sur laquelle nous n'aurons pas la possibilité de nous prononcer, alors que je veux croire que nous aurions pu voter de concert. Elle permettra de sanctuariser une part des crédits dédiés à l'audiovisuel dans un contexte budgétaire menaçant avec la suppression de la publicité pendant les émissions télévisées destinées à la jeunesse et les incertitudes sur les projets à venir.

M. Louis Duvernois . - Je tenais à saluer la précision et la densité des rapports qui nous ont été présentés. En tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de France Médias Monde, j'ai été particulièrement sensible au rapport à la fois complet et fidèle à la réalité que Claudine Lepage nous a fait de l'audiovisuel extérieur. Je suis cependant surpris que n'ait pas été mentionnée la question de la diffusion de France 24 et de RFI sur le territoire national, pourtant évoquée par la présidente de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, lors de son audition devant notre commission la semaine dernière. France Médias Monde a d'ores et déjà décidé de cette orientation, mais il me paraîtrait nécessaire que nous l'appuyons dans cette démarche, d'autant que des difficultés techniques apparaissent dans l'attribution des fréquences pour la diffusion sur le territoire.

Mme Corinne Bouchoux . - Saluons le travail des rapporteurs, même s'il est effectué davantage pour la gloire dans le contexte particulier des conditions de discussion du projet de loi de finances cette année.

Ce travail a notamment permis de nous éclairer sur plusieurs problématiques.

Sur le budget de l'audiovisuel public, j'ai été sensible aux propos de Jean-Pierre Leleux concernant le nouveau regard à porter sur les ressources au travers de la question de la publicité.

Sur la presse, je me réjouis d'entendre que des évolutions dans la restructuration des prestataires paraissent possibles et que la fusion entre les deux messageries de presse ne constitue plus un tabou, dès lors que les obstacles sociaux auront été levés.

Sur l'audiovisuel extérieur, je remercie Claudine Lepage pour son éclairage concernant le travail fait par Mme Saragosse et M. Bigot respectivement en faveur de France Médias Monde et de TV5 Monde.

Pour compléter le rapport de Colette Mélot, je souhaitais rappeler que c'est à l'occasion d'une audition d'une mission d'information de notre commission que nous avions repéré, dès 2015, que les sommes dues aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ne pouvaient leur être versées par la Hadopi en l'absence de texte réglementaire se référant à la compensation des opérations qu'ils mènent pour l'institution. Je me réjouis que le Conseil d'État ait mis un terme au contentieux entre les FAI et la Hadopi à ce sujet. Pour autant, se pose toujours la question du modèle économique de la Hadopi.

Si notre vote avait pu véritablement être pris en compte, le groupe écologiste se serait prononcé en faveur des crédits de la mission, tant nous nous félicitons du soutien aux livres, à l'audiovisuel extérieur, à l'audiovisuel, à la presse et aux kiosquiers que permettent les crédits.

M. Jean-Léonce Dupont . - Le travail fourni pas nos rapporteurs n'est pas inutile car il nous a apporté un précieux éclairage sur les évolutions et les enjeux des secteurs. Pour apprécier particulièrement cette chaîne, je me félicite ainsi d'apprendre le développement des programmes inédits sur Arte. Néanmoins, comme notre vote porte sur l'ensemble de la mission et non sur chacun des programmes, le groupe UDI-UC votera contre les crédits de la mission.

M. Jean-Pierre Leleux . - Je souscris aux propos de Jean-Léonce Dupont. Si je me félicite plutôt des évolutions concernant France Médias Monde et Arte, je suis plus réservé concernant la situation de France Télévisions : c'est pourquoi je n'ai d'autre choix que de m'abstenir sur les crédits de cette mission, car mes avis diffèrent selon les programmes.

Par ailleurs, il est faux de dire que nous n'aurons pas de débat budgétaire cette année en séance : plusieurs heures de débat sont prévues, au cours desquelles nous pourrons nous exprimer et porter les couleurs de la culture dans l'hémicycle.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur . - Je n'ai effectivement pas abordé dans ma présentation les questions liées à France 24 et RFI car je les évoquerai dans quelques instants en vous présentant le projet de COM de France Médias Monde.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles » . - Quelques mots pour saluer, une nouvelle fois, les efforts réalisés par les professionnels du livre et de l'édition au cours des dernières années. Je souhaite rappeler que je n'ai pas exprimé une position négative concernant les crédits du programme « livre et industries culturelles ». Quant au débat budgétaire, je partage les propos de Jean-Pierre Leleux : du temps a été ménagé pour nous permettre de nous exprimer en séance publique. Bien sûr, nous ne pourrons pas autant présenter en séance le fruit de notre travail que d'autres années, mais travailler pour la gloire peut aussi apporter quelques satisfactions !

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse » . - Pour revenir à la question de la distribution mentionnée par Corinne Bouchoux, j'ai évidemment parlé de la possible fusion entre les Messageries lyonnaises de presse et Presstalis. Mais cette fusion n'est pas la seule option. J'évoque un certain nombre de pistes de mutualisation des moyens dans mon rapport écrit, que vous pouvez consulter.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nos travaux sont loin d'être inutiles car il en restera des traces, avec le compte rendu de notre réunion de ce matin et la publication prochaine des rapports pour avis. Concernant l'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public, je dois dire que je n'y suis pas favorable tant qu'une réforme structurelle de la redevance n'aura pas été opérée au préalable et que le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) n'aura pas été entièrement réaffecté au financement de l'audiovisuel public.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2017.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Syndicat national de l'édition (SNE) : M. Pierre Dutilleul, directeur général

Centre national du livre (CNL) : M. Vincent Monadé, président

Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) : M. Guillaume Leblanc, directeur général

Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) : MM. Martin Ajdari, directeur général des médias et des industries culturelles, Nicolas Georges, directeur chargé du livre et de la lecture, et Jean-Baptiste Gourdin, chef de service, adjoint du directeur général

Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) : MM. Lévan Sardjevéladzé, président, et Julien Villedieu, délégué général

Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) : M. Christian Phéline, président, et Mme Pauline Blassel, secrétaire générale par intérim

Syndicat de la librairie française : MM. Mathieu de Montchalin, président, et Guillaume Husson, délégué général

Bibliothèque nationale de France (BnF) : Mmes Laurence Engel, présidente, et Sylviane Tarsot-Gillery, directrice générale

Contribution écrite

FNAC

ANNEXE

Audition de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication

MERCREDI 9 NOVEMBRE 2016

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Madame la ministre, je suis très heureuse de vous accueillir pour la première fois pour la traditionnelle audition budgétaire, un moment privilégié d'échanges autour des grandes orientations des différentes politiques publiques. Nous avons tous apprécié, tous groupes confondus, l'excellent travail de coopération réalisé, grâce à votre écoute, lors de l'examen du volumineux projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, aboutissant à une loi satisfaisante capitalisant sur les avancées de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Nous examinerons successivement les missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Je suis également heureuse de me retrouver devant votre commission, avec laquelle j'ai plaisir à travailler.

En cette semaine particulière d'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre dernier, je tiens à souligner que nous avons fait le choix de porter haut le budget de la culture, pour lui donner des moyens importants, à l'instar des autres grandes priorités du Gouvernement : la jeunesse, l'éducation, l'emploi et les domaines régaliens.

Les Français ont montré qu'ils ne voulaient pas renoncer à la culture : cet été, ils ont été plus nombreux que d'habitude dans les festivals sur vos territoires et ont montré ce besoin de se retrouver autour des propositions d'artistes. Les journées européennes du patrimoine ont également remporté un grand succès.

Ce projet de loi de finances renforce la place de la culture et la rend toujours plus accessible. Ainsi, nous élargissons les horaires des bibliothèques, chère Sylvie Robert. Le Président de la République a pour objectif qu'un enfant scolarisé sur deux puisse avoir accès à un enseignement artistique et culturel à l'école. C'est le sens de notre priorité donnée à l'éducation artistique et culturelle, de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine et de celle visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, ainsi que des valeurs que nous défendons dans les actions du ministère avec les professionnels de la culture. Dans le cadre légal du dialogue avec les partenaires sociaux, nous avons conclu le 28 avril un accord historique sur le régime des intermittents du spectacle, entré en vigueur par décret le 1 er août dernier. Le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle, le FONPEPS, sera doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement. C'est le sens aussi des accords sur la production audiovisuelle, appelés de vos voeux, des accords sur la diversité cinématographique signés à Cannes et des accords sur le renforcement du soutien à la création indépendante ou sur les aides à la musique.

Ce budget est en hausse de 5,5 %, soit l'une des plus fortes hausses que le ministère ait connue et cette augmentation concerne toutes ses composantes. Ainsi, le budget de la culture dépasse le seuil symbolique de 1 % pour atteindre 1,1 % du budget de l'État, et ce, sans aucun artifice. Nous avons respecté le périmètre défini depuis plus de trente ans, c'est-à-dire la mission « Culture », les programmes 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » et 334 « Livre et industries culturelles » et la dotation générale de décentralisation, la DGD, pour les bibliothèques - bien qu'elle soit portée par le ministère de l'intérieur.

Nous défendons quelques orientations claires : s'adresser aux jeunes générations, investir dans les territoires et soutenir la presse et les médias. En sus du budget, lors du comité interministériel du tourisme, le Premier ministre a annoncé lundi dernier que 5 millions d'euros supplémentaires provenant du Fonds interministériel de prévention de la délinquance financeront des investissements de sécurité des grands opérateurs culturels. Ils s'ajoutent aux 9 millions d'euros prévus dans le PLF pour la sécurité des opérateurs et aux 73 emplois supplémentaires prévus dans trois établissements publics. Le Fonds d'urgence au spectacle vivant, créé à la suite des attentats du Bataclan et abondé en juin 2016 pour renforcer la sécurité des grands festivals d'été, se verra également doté de 4 millions d'euros supplémentaires. Bonne nouvelle pour le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), qui gère ce fonds, nous allons intervenir pour que le plafond de recettes de la taxe parafiscale ne soit pas bloquant, afin qu'il ne perde pas le surplus de recettes cette année.

Je suis fière de ce budget, qui traduit notre ambition pour la culture. La mission « Culture » sera dotée de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement, 2,91 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 6,2 %. Sa principale priorité est la jeunesse. Entre 2012 et 2017, l'effort financier pour l'éducation artistique et culturelle a été multiplié par deux, grâce à un budget en 2017 en hausse de 12 %, pour atteindre 64 millions d'euros et financer de nombreuses opérations. Une initiative nouvelle, « Création en cours », se développe dans certains départements, avec le ministère de l'éducation nationale, pour que des résidences de jeunes artistes diplômés des écoles d'art se tiennent dans des classes de CM1, CM2 ou sixième, notamment dans les zones les moins favorisées en termes d'offre culturelle.

Le réseau d'enseignement supérieur Culture, d'une centaine d'écoles, forme 10 000 étudiants par an, avec un taux d'insertion de 80 %. Ses moyens seront renforcés à hauteur de 6 %, avec 276 millions d'euros en crédits de paiement. S'inspirant de financements par le mécénat ou de fondations, un appel à projets a été lancé pour inciter à la diversité de recrutement au sein de ces écoles, comme l'École de la Comédie de Saint-Étienne, le théâtre national de Strasbourg, le Conservatoire national supérieur ou l'École nationale des beaux-arts...

Deuxième priorité : ce budget élargit les horizons de la création dans les territoires, au plus près du public. Le budget de la création augmente de 4 % ; 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant, en sus du soutien renforcé déjà accordé en 2016 aux compagnies, aux labels et aux résidences d'artistes, et donc à l'indépendance, aux ateliers de fabrique artistique, sur l'ensemble du territoire et notamment en milieu rural. Nous lançons des projets innovants comme « Micro Folies » porté par l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette et déployé à la fin de cette année, le développement de l'établissement public de coopération culturelle de Clichy-Montfermeil ou les conventions signées entre les quartiers prioritaires d'Île-de-France et certains établissements publics, grâce à des crédits de la politique de la ville en Île-de-France. C'est un exemple réussi à généraliser. Les moyens des arts visuels sont accrus de 9 % en crédits de paiement, pour atteindre 77 millions d'euros, et de 33 % en autorisations d'engagement, à 90 millions d'euros, afin de soutenir la photographie - trop peu soutenue actuellement - grâce à la commande publique.

Troisième priorité : remettre la culture au coeur de notre quotidien. Des partenariats sont signés avec les collectivités territoriales dans le cadre des contrats de développement culturel, s'ajoutant à une soixantaine de pactes initiés en 2015 avec des villes et des intercommunalités. Dix nouveaux pactes seront signés en 2016. Les crédits déconcentrés, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), progresseront de 7 %, avec particulièrement 1,5 million d'euros dédiés à l'action culturelle en milieu rural.

Nous participons à la rénovation d'équipements importants, comme la Comédie de Saint-Étienne, le centre de création contemporaine Olivier-Debré à Tours, la Maison de la culture à Bourges - longtemps attendue -, le théâtre des Amandiers à Nanterre ou l'École nationale supérieure de la photographie d'Arles. Je citerai aussi le chantier de la Cité du théâtre dans les ateliers Berthier à Paris.

Nous investirons dans le numérique grâce au programme d'investissements d'avenir de troisième génération lancé par le Président de la République.

Nous voulons protéger et valoriser un patrimoine exceptionnel, vivant et plébiscité, par une augmentation de 4 % du budget dédié : 318 millions d'euros pour les monuments historiques, 360 millions d'euros pour les musées, 29 millions d'euros pour les archives et 32 millions d'euros pour l'architecture. Les crédits transférés aux collectivités territoriales augmenteront de 1 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement, avec un geste fort sur le programme 175, dont les autorisations d'engagement augmentent de 6 %. Je rectifie une erreur de saisie sur l'action 4 du programme 175 : les transferts aux collectivités ont progressé entre 2016 et 2017. Les moyens du CMN, le Centre des monuments nationaux, en fonctionnement et en investissement, augmenteront de 8 % entre 2016 et 2017. Au total, les crédits du programme 175 augmentent de 4 %.

Les musées ont connu des difficultés en raison de la baisse de fréquentation touristique consécutive aux attentats. Sur les trois premiers trimestres de 2016, les trente plus grands opérateurs ont connu une chute de fréquentation de 16 %, avec un fort impact sur les recettes mais aussi sur leurs dépenses en raison des dépenses de sécurité supplémentaires; d'où les mesures décidées lors du comité interministériel du tourisme, ainsi que dans le PLF pour 2017. Les crédits de paiement pour les musées de France augmentent de 6 %, les engagements de 8 % et les crédits pour les acquisitions de 12 %. Nous respecterons tous les schémas directeurs des musées et lancerons le nouveau schéma directeur du Centre Pompidou, avec une augmentation de sa dotation en fonds propres de 5 millions d'euros en crédits de paiement et de 18 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Une réflexion « musée du XXI e siècle » est en cours sur la place du musée, ses rapports avec le public, afin de construire un musée citoyen et participatif. Les conclusions devraient être connues avant la fin de l'année.

Les musées et monuments historiques sont partenaires du projet « les portes du temps » pour accueillir enfants et jeunes durant les vacances, que nous cherchons à dynamiser.

Le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) augmente de 5 %, pour atteindre 707 millions d'euros en 2017, afin de financer les réformes comme les aides à l'export et les aides aux cinémathèques sur l'ensemble du territoire. Nous apporterons également des aides pour le documentaire et la réforme des cinémas d'art et d'essai. Ce budget donne donc toute sa place à la culture dans les priorités du Gouvernement.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, pour le programme 175 « Patrimoines » . - Je me félicite de l'augmentation des crédits pour les monuments historiques, mais quelles mesures concrètes l'État prendra-t-il pour garantir leur bonne exécution ? Plusieurs rapports ont relevé une sous-consommation de ces crédits ces dernières années : les collectivités et les entreprises en ont un besoin impérieux, car près d'un millier d'emplois ont été perdus par les entreprises du Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques. Avec la réforme territoriale et le regroupement des DRAC au sein des nouvelles régions, nous craignons de nouveaux ralentissements pour la consommation des crédits.

Vous avez annoncé que le pourcentage des crédits reversés par l'État sur les successions en déshérence à la Fondation du patrimoine passerait de 50 % à 75 %. Le décret sera-t-il publié avant la fin de l'année ?

Comment expliquer que la subvention du CMN s'établisse à 17 millions d'euros en 2017, alors que l'État s'était engagé sur une subvention de 30 millions d'euros lors du transfert de la maîtrise d'ouvrage et que les réserves constituées par le CMN dans un fonds de roulement sont désormais quasiment épuisées ? Le CMN gère de très grands monuments et est essentiel pour les entreprises spécialisées et le tourisme.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de M. David Assouline, je présenterai ses questions sur le cinéma et sur la création.

L'an passé, le Gouvernement a renforcé ambitieusement le crédit d'impôt en faveur du cinéma et de l'audiovisuel avec des résultats remarquables. Toutefois, au-delà des aides fiscales, le financement du cinéma est largement porté par les chaînes de télévision et notamment par Canal+. Les difficultés financières annoncées par le groupe conduisent la chaîne à renégocier ses engagements et à demander des assouplissements en matière de chronologie des médias. Qu'en pensez-vous ? Jusqu'où faut-il aller pour sauver Canal+ ?

Le 14 septembre dernier, la Commission européenne a dévoilé son projet de révision de la directive du 22 mai 2001 relative au droit d'auteur. Si certaines propositions vont dans le bon sens, notamment au bénéfice des éditeurs de presse, d'autres mesures inquiètent, en particulier en matière de territorialité des droits. Que pensez-vous du projet présenté ? Comment la France va-t-elle se mobiliser pour faire valoir ses positions ?

Comment expliquer la persistance d'un tel écart entre les crédits alloués au spectacle vivant et ceux alloués aux arts plastiques, alors qu'il y a un réel besoin de structuration du secteur et que les établissements d'arts plastiques font face à des charges de structure croissantes ?

Pourquoi ne pas envisager la mise en place d'aides ciblées en direction des jeunes photojournalistes, dans le cadre d'une refonte des aides à la presse, pour faciliter le renouvellement de la profession ?

Vous nous avez indiqué revenir sur le plafonnement de la taxe au sujet duquel deux amendements ont été rejetés, à l'Assemblée nationale, pour financer les aides distribuées par le CNV, instrument vertueux indispensable pour la diversité artistique et la création. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de M. Jean-Claude Luche, je présenterai ses questions sur la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture.

Comment expliquer qu'aucun mécanisme de compensation ne soit prévu pour l'exonération des étudiants boursiers dans les écoles d'art territoriales, alors qu'il s'agit d'une politique sociale définie par l'État ? Quelles sont les mesures prévues pour rapprocher le statut des enseignants des écoles d'art territoriales de celui des enseignants des écoles nationales, que le projet annuel de performances définit comme une priorité, mais pour lequel aucune enveloppe spécifique n'est prévue ?

Pour les conservatoires, comment garantir que le nombre de places offertes aux prochains concours d'assistant territorial d'enseignement artistique et de professeur d'enseignement artistique de la fonction publique territoriale compense l'absence d'organisation de ces concours sur une base régulière, comme c'était le cas auparavant ?

Certains critiquent le manque de transparence dans l'attribution des crédits entre les différents conservatoires par les DRAC et l'application apparemment inégale des nouveaux critères d'intervention de l'État par les DRAC. Des mesures comme la rédaction d'un vade-mecum sont-elles envisagées pour garantir aux conservatoires une certaine prévisibilité dans l'allocation des crédits ? J'ajoute que la somme consacrée aux conservatoires n'est pas revenue à son niveau initial...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Le rythme de consommation et la capacité de consommation et d'engagement des crédits de la DRAC en faveur des monuments historiques (MH) ont été moins dynamiques au début de l'exercice 2016 qu'auparavant, en raison de la mise en place de la réforme territoriale, non encore achevée. Plus de 60 % des crédits MH des DRAC sont destinés à des monuments historiques qui n'appartiennent pas à l'État et qui nécessitent donc des plans de financement mobilisant de nombreux acteurs. Nous avons rattrapé ce lent début d'année. Au 7 novembre, 80 % des crédits destinés aux monuments historiques avaient été consommés, sachant que les deux derniers mois de l'année consomment généralement 25 % des crédits annuels. Nous suivons donc un bon rythme et essayons d'éviter l'annulation de crédits en cours de gestion.

Le produit de la quote-part que reverse l'État à la Fondation du patrimoine sur les successions en déshérence était en baisse par rapport aux années précédentes, ce qui était préoccupant pour la Fondation du patrimoine, qui réalise un travail indispensable. Nous nous sommes engagés à augmenter la quote-part que reverse l'État à la Fondation à 75 %. Le décret a été publié le 5 novembre, exprès pour vous !

M. Philippe Nachbar . - Merci de votre délicate attention !

M. Jean-Louis Carrère . - Bravo, monsieur Nachbar !

Mme Audrey Azoulay, ministre . - L'effort budgétaire de l'État pour le CMN est très important en 2017, sa contribution augmentant de 8 %, passant de 25,4 millions à 27,4 millions d'euros, dans le cadre du plan pluriannuel entre le ministère et le CMN, mis à jour avec la direction générale du patrimoine, pour plus de visibilité et de priorité des travaux réalisés. C'était particulièrement important alors que la restauration de l'hôtel de la Marine va commencer et que le CMN a assuré la réouverture de la villa Cavrois de Mallet-Stevens à Croix. L'évolution du périmètre du CMN a pour corollaire une augmentation des dépenses de fonctionnement et un résultat d'exploitation négatif. Cependant, le fonds de roulement, qui s'élevait à 64 millions d'euros fin 2015, devrait compter 38 millions d'euros fin 2016 pour assurer une stabilité de l'établissement.

Nous menons des discussions soutenues avec Canal+ sur i-Télé et sur sa contribution à l'industrie cinématographique. Une convention, suivie par, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), a été signée pour cinq ans avec le monde du cinéma et prévoit un double mode de calcul, assis sur le chiffre d'affaires et le nombre d'abonnés. Canal+ souhaite faire évoluer ses offres commerciales et donc le calcul de l'investissement dans le cinéma. Les professionnels du cinéma et le ministère de la culture regardent cela avec attention et ne négocieront un changement de cette convention qu'en cas d'assurance du financement de Canal+ en contrepartie de la licence cryptée qui lui est attribuée.

Nous avons travaillé durant deux ans sur la territorialité du droit d'auteur dans le cadre de la réforme du droit communautaire pour répondre à la Commission européenne, qui souhaitait instaurer un marché unique numérique avec de nombreux projets de textes comme un règlement sur la portabilité, un règlement réformant la directive sur le câble et le satellite, un projet de réforme de la directive relative aux services de médias audiovisuels, un autre réformant la directive sur le droit d'auteur et deux textes sur les exceptions handicap au droit d'auteur, issus du traité de Marrakech. En 2014, des projets inquiétants de la Commission remettaient en cause la territorialité des droits d'exploitation ; pour préfinancer une oeuvre, les producteurs pré-vendent des droits d'exploitation sur chacun des territoires, constituant le préfinancement, qui garantit la diversité : on peut ainsi financer des oeuvres non seulement par les parts de marché, mais aussi sur une part de risque distribuée selon les territoires. Nous avons défendu nos positions durant deux ans et sommes rassurés par les textes de la Commission de ces derniers mois. Ceux-ci font droit à nos propositions de respect du droit d'auteur, de reconnaissance de la diversité culturelle, de territorialité des droits, de respect de l'oeuvre par la portabilité des abonnements dans une formulation mieux sécurisée, de responsabilité de nouveaux diffuseurs sur Internet - par une meilleure prise en compte des plateformes dans la diffusion des oeuvres, d'intégration de ces plateformes dans le champ de la régulation audiovisuelle, de création d'un nouveau droit voisin pour les éditeurs de presse, afin de rééquilibrer les relations avec les géants d'Internet.

Nous avons fait remonter au vice-président de la Commission, M. Ansip, nos mécontentements sur l'extension du principe du pays d'origine à certains services numériques dans le cadre de la réforme de la directive « câble et satellite ». La majorité des États membres sont opposés à cette extension, porte d'entrée pour remettre en cause la territorialité des droits. Pour gagner en influence, j'ai préparé la position française pour le prochain Conseil des ministres de l'Union européenne de novembre avec l'Allemagne et l'Italie.

Près de 700 millions d'euros seront consacrés au spectacle vivant et 61 millions d'euros aux arts visuels au sein du programme 131, mais la dotation destinée aux arts visuels augmente de 9 %, soit deux fois plus que celle pour le spectacle vivant. Au total, les crédits pour les arts visuels ont augmenté de 12 % depuis 2012. En 2017, un investissement de 17 millions d'euros en autorisations d'engagement est prévu en faveur du Centre national des arts plastiques (CNAP) afin de relocaliser ses réserves, actuellement situées à La Défense, en raison de la fin de leur bail emphytéotique en 2018, et pour remédier à une localisation peu optimale, tant pour le financement que pour la conservation des oeuvres. Nous attendons l'avis du Conseil de l'immobilier de l'État sur les différents lieux identifiés.

Nous consolidons les institutions de référence comme les Fonds régionaux d'art contemporain, qui viennent récemment d'ouvrir leurs portes pour leur anniversaire, les centres d'art ou le musée du Jeu de Paume, qui réalise un travail remarquable dans le domaine de la photographie, et nous avons lancé une commande publique sur la photographie. Des efforts sont réalisés sur les écoles supérieures d'art et concernent donc les arts plastiques. Au total, les crédits pour les arts visuels s'élèvent à 150 millions d'euros.

La taxe affectée au CNV est plafonnée par une mesure transverse concernant de nombreux opérateurs. Mais les dépenses du CNV sont intrinsèquement liées à ses recettes et liées au marché sur lequel opère le CNV. Il y aurait une contradiction à faire jouer le plafond et que les sommes écrêtées reviennent au budget de l'État, alors que les dépenses sont générées par ces recettes. Nous avons débattu avec Bercy, qui maintient sa doctrine de plafonnement des recettes, tandis que nous défendons la réalité économique et sectorielle. Le compromis trouvé pour remonter le plafond sera présenté en projet de loi de finances rectificative pour que l'établissement public conserve l'intégralité de l'augmentation de la taxe.

Mme Maryvonne Blondin . - Automatiquement ? Ce serait vertueux...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Vous avez raison. Soyez-y attentifs !

Mme Sylvie Robert . - C'était très important !

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Le ministère de la culture finance 40 millions d'euros de bourses pour les étudiants en école d'art en 2017, en hausse par rapport à 2016, et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) finance des bourses sur critères sociaux dans tous les établissements. Dans certaines écoles, des dispositifs spécifiques favoriseront la diversité dans les promotions. Le Gouvernement veut créer un statut spécifique des professeurs d'écoles d'art territoriales pour reconnaître leurs missions d'enseignement supérieur et de recherche, équivalentes aux missions des professeurs des écoles nationales, et réévaluer la grille indiciaire et les conditions d'accès à ce nouveau cadre. Nous n'avons pas encore chiffré ces mesures, qui prendraient effet fin 2017. Un projet de décret sur la recherche est en cours, associant les représentants des écoles territoriales supérieures d'art et des écoles nationales.

L'État augmente le financement des conservatoires - sans revenir à leur niveau initial - de 3,5 millions d'euros, pour atteindre 17 millions d'euros. Toutes les dispositions ont été prises pour que les quatre critères d'intervention de l'État dans le financement des conservatoires soient élaborés avec les collectivités territoriales et précisés par une circulaire du 10 mai 2016 : mise en oeuvre d'une tarification sociale, renouvellement des pratiques pédagogiques, accompagnement de la diversification de l'offre artistique, encouragement des réseaux et des partenariats. Ce texte a aussi ouvert le droit, pour des conservatoires souvent implantés en zone rurale, de bénéficier d'une aide de l'État qui n'existait pas en 2012.

M. André Gattolin, rapporteur spécial de la mission « Culture » . - Malheureusement, nous ne débattrons pas en séance publique des missions budgétaires, même si Vincent Eblé et moi-même présenterons notre rapport spécial sur la mission « Culture ». Vous vous en doutez, mes questions sont d'ordre financier. Quelles sont vos prévisions sur la part croissante des dépenses de personnel du ministère de la culture à la suite du plan Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) au sein de la hausse affichée du budget de la culture ? Avez-vous des détails sur le véhicule de financement du programme de travaux du Grand Paris ? Si la subvention exceptionnelle ne dépend pas du ministère de la culture, qui la portera ? Je n'ai rien vu dans le programme d'investissements d'avenir (PIA)...

Avec Colette Mélot, je suis, au sein de la commission des affaires européennes, les sujets du numérique et de la culture. Un projet de directive européenne prévoyant la neutralité fiscale de la TVA pour la presse et le livre sur tous les supports, numériques ou matériels, devrait être déposé à la fin du mois. Qu'en pensez-vous, sachant que la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la France sur sa loi portant à 7 % la TVA sur le livre numérique ?

Mme Françoise Férat . - Sans être obnubilée par l'archéologie préventive, je m'interroge sur la budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), en 2017. En 2015, 1 692 diagnostics ont été réalisés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), soit 81 % d'entre eux, contre 19 % par les collectivités territoriales. Or la ventilation de la RAP ne correspond pas à cette répartition. Pour quelles raisons l'INRAP devrait, comme en 2016, percevoir 73 millions d'euros, contre seulement 10 millions d'euros pour les collectivités territoriales ?

Mme Sylvie Robert . - Le groupe socialiste et républicain est satisfait de l'augmentation du budget de la culture, qui atteint le seuil symbolique de 1,1 % du budget de l'État, jamais atteint jusqu'alors, grâce à une augmentation de 5,5 %. Dans le contexte particulier de commémoration des attentats du 13 novembre, certains d'entre nous se sont réveillés groggy ce matin après les résultats de l'élection présidentielle américaine ; l'éducation et la culture sont des enjeux extrêmement importants pour l'émancipation individuelle et collective et pour le jugement critique et la liberté de choix. Dans notre société de tensions, de divisions, où la tentation du repli est forte, la reconnaissance et l'altérité sont très importantes. La culture y participe. Nous sommes satisfaits que l'investissement artistique et culturel soit une priorité. Nous sommes heureux d'examiner ce budget, même si nous ne pourrons pas le voter et en sommes frustrés.

Vos priorités sur la jeunesse, la création, l'équité territoriale et l'emploi sont essentielles.

Dans la ventilation budgétaire sur le terrain, assurons un égal accès à l'art et à la culture. Prévoir qu'un enfant sur deux puisse bénéficier d'un enseignement artistique et culturel est ambitieux. Nous avons lu la charte pour l'éducation artistique et culturelle signée à Avignon et suivons les travaux du Haut Conseil. Comment avez-vous négocié avec l'éducation nationale pour que cet enseignement soit pris sur du temps scolaire ?

Nous sommes satisfaits de l'augmentation de 7 % des crédits déconcentrés en DRAC. La directive nationale d'orientation comprendra des priorités : zones rurales, quartiers populaires ou prioritaires... Cette équité territoriale sera-t-elle spécifiée dans cette directive, eu égard aux différences de périmètre des grandes régions ? Le différentiel d'investissement entre Paris et le reste de la région d'Ile-de-France est-il un peu atténué ?

En application de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, nous attendons pour janvier des rapports sur les arts visuels, le spectacle vivant, le permis de faire, sur l'architecture ou le 1 % travaux publics, essentiels pour mesurer les différentes incidences budgétaires. L'article 1 er assure la liberté de création et l'article 5 évoque les labels. Envisagez-vous de développer ces labels et d'étendre les esthétiques - comme les marionnettes - et de consolider ce qui existe, notamment en revalorisant le plafond des SMAC, les scènes de musiques actuelles ? Depuis plusieurs années, les musiques actuelles ont été le parent pauvre du secteur culturel.

Mme Marie-Christine Blandin . - Les écologistes se réjouissent que le Gouvernement, à la suite de la loi, montre que la culture n'est pas une variable d'ajustement, même en période de tension budgétaire. Nous sommes aussi attentifs à l'emploi et à toutes les actions de consolidation du régime des intermittents, qui est fondamental.

Nos groupes ont des préoccupations communes, comme l'importance des musiques actuelles, pratiquées par un quart des Français - on est loin d'un quart du budget de la création ! Plus de 12 % des Français pratiquent collectivement un instrument ; c'est le lieu du lien et des rencontres de culture, ce qui nous manque en ce moment dans le monde. En moyenne, 102 000 euros sont consacrés à une SMAC, contre sept fois plus - 750 000 euros - pour une scène nationale. En dépit de la jeunesse du label SMAC, il ne faut pas s'arrêter à cette maigre part. Il est nécessaire de gonfler leurs subventions.

Vos annonces au sujet du CNV nous réjouissent. Je sais que vous avez fort à faire avec Bercy. Sachez que, pour notre part, nous avons fort à faire, à la fin du débat budgétaire, avec les représentants de la commission des finances, qui adorent le plafonnement... Moi qui suis contre ces plafonnements et qui préfère les mécanismes coopératifs, je me réjouis de votre astuce : respecter la règle, mais monter le plafond chaque fois que de besoin.

Je voulais vous signaler une anomalie que le Sénat aurait pu corriger si nous avions pu débattre de la première partie du projet de loi de finances. Aujourd'hui, la billetterie est en ligne et se trouve dans les mains de trois grands groupes - Live Nation, Vivendi et Vente-privée.com -, qui prennent 15 % du montant du billet des spectacles. Le comble, c'est qu'ils ne sont pas frappés par la TVA. La vente de billets doit être une des seules activités associées à la culture à n'être pas assujettie à la TVA. Celui qui fait le spectacle paie la TVA, pendant que les trois majors rackettent la culture et ne paient même pas d'impôt ! Je souhaitais vous signaler cette niche de recettes potentielle.

À propos des arts plastiques, notre collègue David Assouline a signalé que 90 % des crédits bénéficiaient au spectacle vivant. On peut aider les arts plastiques autrement que par le budget.

Il nous faudra quand même revenir sur la TVA applicable aux droits d'auteur, à 10 %, alors que tous les autres taux de TVA ont baissé.

Il faudra payer les artistes qui répondent aux appels d'offres, qui leur consacrent du temps de créativité, même si leur candidature n'est pas retenue.

Nous vous demandons, madame la ministre, un effort significatif sur le régime social de base et sur le régime complémentaire des artistes. Or le paritarisme est en panne depuis 2014, et le régime complémentaire est absolument intenable si des gens devaient payer ce pour quoi on les appelle.

Je vous remercie d'avoir mentionné les actions très positives menées en faveur des photographes. Qu'en est-il de la mise en oeuvre de l'amendement qui a été adopté, pour notre plus grand bonheur, à l'article 30 de la loi sur la liberté de la création, afin de donner un coût d'arrêt à l'impunité des spoliations réalisées via les moteurs de recherche ?

Enfin, nous avons inscrit dans la loi le principe d'une responsabilité partagée. Nous avons entendu comment vous souteniez les collectivités qui s'engagent, mais vous ne devez pas devenir le supplétif de celles qui se désengagent. Quand les territoires se dispensent de soutenir la culture, les artistes en appellent à l'État. C'est une catastrophe !

Mme Françoise Laborde . - Je suis moi aussi ravie que le budget alloué à la culture corresponde à plus de 1 % du budget global de l'État - proportion établie selon un mode de calcul identique depuis trente ans. C'est important de le relever.

Je m'associe aux questions de Sylvie Robert sur la jeunesse, l'éducation et la culture. Peut-être arriverons-nous un jour à vous auditionner en même temps que Mme la ministre de l'éducation nationale... Depuis la refondation de l'école, un certain nombre d'actions culturelles très importantes tournées vers les élèves se trouvent reléguées à la marge, sur du temps périscolaire.

Pour terminer, j'aimerais avoir quelques précisions sur la Cité du théâtre, qui touche aussi à la question des relations entre Paris et ce qu'on appelle - ou non - la province.

Mme Christine Prunaud . - Madame la ministre, je vous remercie, au nom de mon groupe, de votre intervention, très claire et très sereine.

Nous sommes plutôt satisfaits de constater une légère hausse du budget de la culture, même si, bien évidemment, nous demandons toujours plus. Disons que vous avez presque rattrapé le retard pris entre 2012 et 2015...

Je m'intéresse tout particulièrement à la jeunesse. À ce sujet, vous avez parlé de l'installation en résidence dans les établissements scolaires de jeunes artistes, diplômés d'écoles d'art. L'idée, dont j'entends parler pour la première fois aujourd'hui, est intéressante. J'aimerais avoir un peu plus de précisions sur ce projet : établissements concernés, financement, ligne budgétaire...

Par ailleurs, l'année dernière, nous avions interrogé votre prédécesseur à propos du concours que pourraient passer certains professeurs des conservatoires de musique pour intégrer la fonction publique territoriale. Nous n'avons pas obtenu de réponse.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je vais moi aussi commencer par me réjouir de l'augmentation significative - environ 4 % - des crédits alloués au patrimoine. C'est une excellente chose.

En tant qu'élue d'un territoire rural, je suis très attachée au maintien de la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine local. C'est un enjeu économique fort pour nos communes dans les territoires ruraux. Je tiens à saluer l'effort de l'État en ce sens, avec une augmentation sensible des crédits destinés aux opérations en région en faveur de la protection et de la restauration des monuments historiques. Ainsi, 60 % des crédits destinés au patrimoine monumental seront destinés aux opérations en région. Les DRAC bénéficieront quant à elles de 50 millions d'euros supplémentaires, soit une augmentation de 7 %, même si leur situation est parfois compliquée.

On note aussi, peut-être à la suite de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite « LCAP », du 7 juillet dernier une hausse de 30 % des crédits d'études destinées à soutenir les collectivités territoriales dans la création des sites patrimoniaux remarquables.

L'adoption de la loi LCAP a permis des avancées majeures en termes de clarification des rôles des différents acteurs de ce secteur, notamment l'INRAP, et du renforcement du contrôle scientifique de l'État. Nous avons tous dit que c'était une excellente chose.

En outre, rappelons que, dans le cadre du précédent exercice budgétaire, la budgétisation de la RAP, à hauteur de 118 millions d'euros, a permis une réelle et importante sécurisation du financement de l'archéologie préventive, en permettant à l'INRAP de bénéficier de ressources stables. Nous saluons le maintien, cette année, des fonds affectés à cette budgétisation, avec 119 millions d'euros pour 2017. L'action patrimoine archéologique s'élève ainsi à 133,9 millions d'euros en crédits de paiement.

J'insiste sur le fait que la sécurisation des outils de financement profite non seulement à l'INRAP, mais aussi aux collectivités territoriales et aux aménageurs, via le FNAP, le Fonds national pour l'archéologie préventive.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que, conformément aux engagements pris lors de la loi LCAP, cette budgétisation permettra de financer toutes les missions de l'INRAP liées à l'archéologie préventive ?

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » . - On ne peut que saluer l'effort que représente le budget pour 2017 de la culture, qui permet aux différents postes de retrouver un niveau correct. Il était temps, le quinquennat n'ayant pas été, sur ce plan, à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre.

Je veux évoquer la filière musicale. Ces dernières années, ce secteur a connu des chauds et froids, entre espoirs et déceptions, notamment autour du Centre national de la musique, projet qui a été abandonné au profit d'un concept de « maison commune », qui, au fond, n'a pas encore pu être bien structuré.

Comme vous le savez, les attentes sont fortes sur ce plan. Il existe même une forme de jalousie - le terme me dérange un peu - à l'égard de la filière du cinéma, compte tenu des efforts consentis en faveur de celle-ci. La musique et la chanson françaises sont des outils de promotion de notre pays à l'étranger qui méritent véritablement d'être soutenus, car elles portent en elles bien d'autres effets - culturels, voire économiques. J'ai relevé que les crédits du bureau export de la musique française ont été légèrement augmentés, mais dans des proportions qui n'ont rien à voir avec l'effort supplémentaire pour le cinéma.

Vous avez évoqué le plafond glissant - susceptible d'augmenter avec les recettes prévisionnelles - du CNV. Aujourd'hui, le plafond s'élève à 30 millions d'euros. Les perspectives de recettes pour cette année sont déjà bien supérieures, puisque l'on attend presque 32 millions d'euros. Pensez-vous, comme nous le souhaitons, que l'on va laisser au CNV ses propres recettes, dans une logique d'autoalimentation du secteur, que la commission de la culture a toujours soutenue ? Il faut dire que nous n'aimons pas trop les plafonnements au profit de Bercy...

Mme Audrey Azoulay, ministre . - M. Gattolin a évoqué les crédits de personnel au sein du budget. Sur la période 2012-2017, 18,5 millions d'euros auront été mobilisés pour le pouvoir d'achat des agents du ministère de la culture, dont 10 millions d'euros pour rattraper le retard de celui-ci, par rapport à d'autres départements ministériels, en matière indemnitaire - le décalage est réellement handicapant en matière de recrutements -, et 8 millions d'euros pour financer les effets indiciaires, liés à l'amélioration de la structuration des corps et de la carrière des personnels. Quatre priorités ont été assignées à la politique générale du personnel : travailler sur le statut d'enseignant-chercheur dans les écoles nationales supérieures d'architecture, dans le cadre d'un plan pluriannuel ; poursuivre le rattrapage catégoriel et statutaire indemnitaire des agents du ministère ; poursuivre la mise en oeuvre de la loi Sauvadet ; contribuer à la politique de recrutement par voie d'apprentissage - c'est important -, en se fixant des objectifs ambitieux.

Comme vous l'aurez constaté, il n'y aura aucune suppression nette d'emploi en 2017 au ministère de la culture, en rupture avec les années antérieures.

Vous avez également évoqué le Grand Palais, cet équipement exceptionnel dont nous avons la chance d'avoir hérité à la suite des expositions universelles du début du XX e siècle et que le monde entier nous envie. Tout récemment encore, à l'occasion de la FIAC, cet équipement, situé en plein centre de Paris et comparable à aucun autre, a suscité l'admiration. Cependant, on ne peut pas aujourd'hui en tirer le plein bénéfice. Certains espaces sont fermés, certaines mesures de sécurité ne sont pas prises, ce qui oblige l'établissement à fonctionner dans des conditions assez chaotiques. La dirigeante de l'établissement doit engager sa propre responsabilité lorsqu'elle ouvre certaines salles.

Nous voulons définir un projet ambitieux pour le Grand Palais, qui nous permettra de bénéficier pleinement de cette merveille et du Palais de la découverte, en créant, notamment, de nouvelles circulations. Ce projet a un coût élevé, estimé à 466 millions d'euros, dont 436 millions d'euros actualisés et 30 millions d'euros de frais financiers. Il est prévu qu'il soit financé par le ministère de la culture, à hauteur de 112 millions d'euros, par la RMN-GP, par emprunt, à hauteur de 150 millions d'euros et par une dotation exceptionnelle, via le PIA, à hauteur de 200 millions d'euros.

S'agissant de la RAP et de l'archéologie préventive, qui ont été évoquées par Mmes Férat et Monier, la réforme qui a mis fin à l'affectation de la taxe visait à résoudre des dysfonctionnements que vous aviez souvent relevés et auxquels les multiples réformes de la RAP menées depuis 2001 n'avaient pas permis de répondre.

Dans le PLF pour 2017, le principe demeure celui de la budgétisation, 119 millions d'euros sont inscrits sur le programme « Patrimoines », tandis que les recettes de la RAP sont versées au budget général. Les diagnostics de l'INRAP bénéficieront de 72 millions d'euros et les dotations en fonds propres de l'Institut s'élèveront à 1,6 million d'euros. La dotation de l'INRAP sera complétée par la mise en place d'une subvention pour charges de service public, à hauteur - inchangée - de 7,5 millions d'euros.

La loi de finances initiale pour 2016 a entériné un changement des modalités de financement public, avec cette budgétisation et la répartition suivante : sur 119 millions d'euros, 72 millions d'euros sont affectés aux diagnostics, 35,4 millions au FNAP, 10 millions d'euros au financement des diagnostics des collectivités territoriales et 1,6 million d'euros aux dotations en fonds propres de l'INRAP.

Le montant ventilé pour les diagnostics des collectivités territoriales est issu d'échanges avec l'ANACT, l'Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale. Il a reçu l'avis favorable du Conseil national d'évaluation des normes le 8 septembre dernier et du Comité des finances locales le 27 septembre dernier. Il a été doublé par rapport à l'année précédente.

J'en viens à l'éducation artistique et culturelle, qui fait partie de nos grandes priorités. Je rappelle que la charte pour l'éducation artistique et culturelle, ou charte EAC, a été élaborée par le Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle. Un plan d'action a été signé par Najat Vallaud-Belkacem et par moi-même cet été à Avignon. Les projets EAC sont définis selon trois principes : la rencontre avec l'artiste, la connaissance des arts et la pratique artistique. Pour la première fois, on reconnaît la doctrine de l'éducation par l'art.

S'agissant des coopérations avec le ministère de l'éducation nationale, sachez que la députée Sandrine Doucet a été chargée d'une mission visant à repérer l'ensemble des bonnes pratiques en la matière. Son rapport doit nous être remis d'ici aux prochaines semaines.

L'opération « Création en cours », commune au ministère de la culture et au ministère de l'éducation nationale, vise à installer de jeunes artistes auprès d'enfants scolarisés en CM1, en CM2 ou en sixième, dans des territoires où l'offre d'éducation artistique et culturelle est insuffisante. Nous avons lancé un appel à candidatures pour une centaine d'écoles et de collèges - une sera retenue dans chaque département -, en impliquant une centaine d'écoles supérieures qui interviennent sur la formation artistique et qui dépendent du ministère de la culture : la Fémis, les écoles d'art, les écoles d'architecture, les écoles nationales supérieures de théâtre, de marionnettes, de photos, les conservatoires. Les résidences dureront vingt jours au minimum et permettront un véritable dialogue entre les jeunes artistes, les élèves, les familles, les enseignants et l'ensemble de la communauté scolaire, au plus près de la création. Cette opération, financée sur les crédits du ministère de la culture, à hauteur de 1,75 million d'euros, débutera en janvier 2017. Pour l'année scolaire 2017-2018, 2 millions d'euros seront mobilisés.

Le statut des professeurs dans les conservatoires est un sujet de préoccupation ancien. L'organisation des concours ne relève pas du ministère de la culture, ni même de l'État. Elle est la prérogative du Centre national de la fonction publique territoriale. La révision des critères de classement des conservatoires et, dans le même temps, des schémas nationaux d'orientation pédagogique qui sont prévus par la loi LCAP devraient nous permettre de mieux cerner le niveau de qualification attendu pour ces professeurs et encourager l'ouverture de concours.

Pour ce qui concerne l'aménagement du territoire et le déploiement de ces moyens nouveaux, l'augmentation des moyens des DRAC est supérieure au taux directeur des moyens du ministère. Même si la directive nationale d'orientation 2016-2017 avait été établie avant que je ne prenne mes fonctions, des orientations très claires sont fixées aux DRAC, par écrit et par oral, leur demandant, pour chaque opération nouvelle et pour chaque euro nouveau déconcentré, de concentrer leur action là où l'offre est insuffisante, à savoir généralement dans les territoires ruraux et périurbains et les quartiers prioritaires. Nous le faisons systématiquement, pour toutes les opérations que nous lançons.

Les scènes de musiques actuelles sont essentielles à l'émergence des jeunes artistes, à la diffusion et à la création. Aujourd'hui, le réseau compte 97 structures. Il a bénéficié de 2 millions d'euros de mesures nouvelles pour achever le plan de développement lancé en 2011. L'effort total de l'État s'élève à près de 12 millions d'euros, dont 4 millions issus de la période 2011-2016. En 2017, ce plan sera parachevé avec quelques moyens complémentaires alloués, notamment, aux SMAC situés en milieu rural, en particulier en Haute-Saône et en Picardie.

La billetterie, activité de plus en plus concentrée sur deux ou trois grands groupes, et sur la participation des recettes qui en sont issues aux mécanismes généraux de péréquation ou de solidarité du secteur, constitue une vraie préoccupation. J'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer avec certains organismes de solidarité sectorielle, comme l'ASTP, l'Association pour le soutien du théâtre privé, ou le CNV. J'ai demandé à la direction générale des médias et des industries culturelles et à la direction générale de la création artistique d'y travailler. Il ne faudrait pas, en effet, qu'émerge un point de fuite, dommageable stratégiquement à la fois pour ces organismes de solidarité sectorielle et pour les sujets relatifs à la TVA. Nous y serons très attentifs. Il faudra peut-être s'inspirer de notre expérience dans le domaine du cinéma, pour lequel nous avions pris des mesures spécifiques avec Bercy.

Madame Robert, nous allons proposer la mise en place d'un label national pour la marionnette en 2017 et une augmentation des moyens consacrés à cette discipline.

Le projet de la Cité du théâtre a été présenté récemment au Président de la République. Ce projet doit prendre place aux ateliers Berthier, dans le nord-ouest de Paris, dans le quartier en complète rénovation des Batignolles, véritable « champ de grues ». Les ateliers Berthier sont des ateliers historiques, ceux de l'Opéra national de Paris, servant à la fabrication des décors et d'une partie des costumes. Une salle du théâtre de l'Odéon y est installée depuis déjà un certain temps.

L'idée est de consolider l'implantation, sur place, de l'Odéon, pour l'heure assez inconfortablement installé, d'y faire venir la Comédie-Française, qui, depuis plus de cinquante ans, réclame une salle plus moderne pour faire entrer dans son répertoire des esthétiques contemporaines, ce qu'elle fait déjà dans ses emprises actuelles, mais de façon moins adaptée, et de pouvoir loger, parce que le projet porte aussi sur la transmission, le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, qui pourrait ainsi quitter les locaux de formation quasi insalubres qu'il occupe actuellement - il garderait, en revanche, son petit théâtre. Ce bel ensemble réunirait donc l'Odéon, la Comédie-Française, le Conservatoire, de nouvelles esthétiques et une mission de transmission tournée vers la jeunesse, le tout dans un quartier en pleine mutation.

Cela implique aussi d'investir pour l'Opéra national, dans une partie de l'Opéra Bastille qui n'était pas complètement achevée, pour permettre que ce qui se faisait à Berthier se fasse aussi à Bastille, tout en offrant à l'Opéra national de nouvelles possibilités pour présenter de petites formes dans une salle adaptée et un espace dédié pour l'éducation artistique et culturelle.

Je terminerai en évoquant le bureau export de la musique française. Nous attachons une grande importance au rayonnement que peut apporter la musique, à travers l'export. Vous avez peut-être vu, récemment, Christine and the Queens à la une d'un grand magazine américain. Certains de nos artistes connaissent véritablement de très grands succès à l'étranger, raison pour laquelle nous avons très sensiblement renforcé notre effort en faveur du bureau export. Les crédits budgétaires ont déjà été augmentés de 500 000 euros en 2016. Nous amplifions cet effort en 2017, avec 125 000 euros supplémentaires, portant la subvention à 1,3 million d'euros. Si cet effort se poursuit en 2018, ce que j'espère, les moyens alloués à cette politique de rayonnement culturel majeure auront donc doublé en trois ans.

La comparaison avec le cinéma est parfois faussée, notamment parce que la politique du cinéma est financée par des taxes parafiscales. Les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes. Ces taxes sont bien moins importantes dans la musique. Cela dit, le secteur est conscient des efforts budgétaires réalisés, qu'il veut d'ailleurs lui-même contribuer à consolider, en apportant une contribution professionnelle supplémentaire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La semaine prochaine, nous rencontrerons Mme Jacqueline Eidelman, chargée d'une mission sur les musées du XXI e siècle. Nous pourrons évoquer avec elle un certain nombre de sujets.

Nous passons à l'examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Mme Audrey Azoulay, ministre . - Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », il vous est proposé de la doter de 573 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 571 millions d'euros en crédits de paiement, hors compte de concours financier pour l'audiovisuel public, qui, lui, bénéficiera de 3,93 milliards d'euros. Ce montant est resté inchangé à l'issue de la discussion de la première partie du PLF à l'Assemblée nationale, mais la répartition entre la contribution à l'audiovisuel public et la taxe sur les opérateurs de communications électroniques a été modifiée par rapport à la proposition du Gouvernement.

S'agissant de l'audiovisuel public, plusieurs réformes ont été faites durant ce mandat en faveur d'une plus grande indépendance du secteur : la réforme des modes de nomination des patrons des chaînes en 2013, la réforme du financement de l'audiovisuel public uniquement par impôts d'État et par une taxe en partie affectée, et non plus par crédits budgétaires de l'État.

Le projet de budget pour 2017 prévoit des moyens importants pour l'audiovisuel public, dont nous croyons qu'il a un rôle majeur à jouer en matière d'information, de création et, plus généralement, de cohésion sociale pour surmonter la crise que traverse aujourd'hui notre société.

Les 63 millions d'euros supplémentaires dédiés à l'audiovisuel public par rapport à l'année précédente permettront le respect des contrats d'objectifs et de moyens de l'Institut national de l'audiovisuel et de Radio France, le financement des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions, Arte et France Médias Monde et du projet de plan stratégique de TV5 Monde. Ils permettront également de financer un plan d'investissement sans précédent dans la création audiovisuelle par France Télévisions et Arte, à hauteur de 30 millions d'euros, et le lancement, prévu dans l'année, de France 24 en espagnol par France Médias Monde, ainsi que celui, déjà effectué, d'une nouvelle offre d'information en continu pour un coût additionnel, en sus des moyens mis en commun, de l'ordre de 14 millions à 15 millions d'euros. Ces crédits financeront enfin la poursuite des travaux de la maison de la radio, afin que ces investissements ne pèsent ni sur le budget de fonctionnement de Radio France ni sur l'offre publique radiophonique.

L'évolution du nombre de foyers redevables de la CAP, la contribution à l'audiovisuel public, permet une évolution spontanée de 13 millions d'euros, et l'indexation de la contribution sur l'inflation s'élève à 25 millions d'euros, soit une hausse globale de 38 millions d'euros. Le Gouvernement a considéré que c'était le meilleur moyen d'assurer un financement pérenne et indépendant des besoins de ces organismes en 2017. La proposition initiale, qui consistait à relever la CAP de 1 euro en sus de l'actualisation sur l'inflation, n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale.

S'agissant des crédits budgétaires de la mission « Médias, livre et industries culturelles », je citerai d'abord notre action en faveur du livre, qui s'appuiera en 2017 sur un budget de 260 millions d'euros en crédits de paiement. Beaucoup a été fait dans le domaine du livre depuis 2012. Je pense au plan d'aide aux librairies indépendantes, à l'opération destinée à la lecture pour la jeunesse - initiée l'an dernier, celle-ci a profité cette année à 500 000 enfants -, aux contrats territoires-lecture, qui seront près de 150 en 2017, soit 25 supplémentaires. Nous allons aussi aider pour la première fois les bibliothèques à élargir leurs horaires d'ouverture et donner des moyens supplémentaires à la Bibliothèque nationale de France, qui voit ses emplois stabilisés et sa dotation augmentée.

Dans le secteur du jeu vidéo, nous dépensons chaque année plus de 34 millions d'euros. Certains veulent aller plus loin. Il est vrai que cette industrie, qui a une dimension culturelle créative importante, est source de fortes synergies avec d'autres secteurs de la création audiovisuelle.

Dans le secteur de la musique, je rappellerai la création d'un fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique doté de 2 millions d'euros, la mise en place de l'Observatoire de l'économie de la musique pour 0,3 million d'euros et le renforcement du bureau export de la musique.

Pour les médias, deux fonds ont été créés en 2016 : le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, pour 4 millions d'euros, et le Fonds aux médias d'information sociale de proximité, pour 1,6 million d'euros. Les autres aides qui bénéficient d'une hausse dans ce budget sont l'aide au pluralisme de la presse locale et le Fonds stratégique pour le développement de la presse.

Vous citez une mesure importante concernant les diffuseurs et les marchands de journaux. Une mesure importante proposée pour 2017 et très attendue par la profession est l'exonération systématique de contribution économique territoriale pour tous les marchands de journaux indépendants, les kiosquiers. Un amendement gouvernemental sera déposé en ce sens au PLF 2017 dans le cadre des articles non rattachés.

Je sais que vous êtes aussi très attentifs aux radios associatives. Nous allons revaloriser leur budget de façon très significative, puisque le budget du Fonds de soutien à l'expression radiophonique sera augmenté de 6 %. Cela répond à une demande très ancienne, au sujet de laquelle vous m'avez beaucoup sollicitée.

Je voudrais également attirer votre attention sur l'AFP, qui est notre championne mondiale en matière d'agence d'information. L'État continue de la soutenir activement, avec plus de 10 millions d'euros supplémentaires entre 2016 et 2017.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Madame la ministre, je crains de ne pas partager votre optimisme sur le financement de l'audiovisuel public, particulièrement pour France Télévisions.

Lors de son audition sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens, la présidente de France Télévisions a reconnu que l'État allait se retrouver « face à une falaise » concernant le rendement de la CAP du fait de l'absence de réforme. Quelle est, dans ces conditions, la confiance que l'on peut accorder à un contrat d'objectifs et de moyens sur cinq ans, si les ressources de l'audiovisuel public ne sont pas garanties ? Pourquoi avoir encore une fois renoncé à réformer la CAP ?

La Cour des comptes a mis en évidence des excès dans les rémunérations de certains personnels de France Télévisions, qui cumulent à la fois des salaires élevés et des rémunérations complémentaires avec des contrats d'usage. Comment réagissez-vous à ces révélations ? Quelle réponse envisagez-vous d'y apporter ?

Un an après la grande grève, la situation de Radio France semble fragile, avec des réformes repoussées, comme celle des orchestres ou des rédactions, et des déficits persistants. Quelle est exactement la situation financière de Radio France aujourd'hui ? Les foyers de dépenses sont-ils aujourd'hui maîtrisés ou bien craignez-vous une dégradation des comptes dans les mois qui viennent ?

Ma dernière question concerne la radio numérique terrestre. Le CSA a engagé un nouveau programme de déploiement sur les régions de Lille, Lyon et Strasbourg, permettant un franchissement du seuil des 20 % de couverture de la population française. Il semble que le Gouvernement n'ait pas encore fait connaître sa position quant à la présence des radios du service public sur ces trois zones. Qu'en est-il exactement ?

Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel extérieur » . - Le budget de France Médias Monde est en augmentation cette année, et l'on ne peut que s'en réjouir. Le COM prévoit le maintien, voire une légère augmentation annuelle des moyens jusqu'en 2020, mais nous verrons comment cela se passe.

J'ai auditionné hier une partie des syndicats de France Médias Monde. Permettez-moi de me faire le relais de certaines de leurs préoccupations. Ils s'interrogent sur le projet stratégique à long terme. En effet, la télévision est budgétivore, et les besoins de France 24 sont réels. Mais, parallèlement, le budget de RFI stagne dans le meilleur des cas, ce qui suscite l'inquiétude des salariés sur leur avenir et sur celui de leur radio. Pouvez-vous préciser les priorités de l'État pour le groupe audiovisuel extérieur ?

TV5 Monde panse encore ses plaies suite à l'attaque informatique de 2015. Est-ce que les leçons ont été tirées pour l'ensemble de l'audiovisuel public ? Pensez-vous que TV5 Monde va pouvoir reprendre sa marche en avant dans un contexte très concurrentiel ?

France 24 est partenaire de la nouvelle chaîne d'information, Franceinfo. Quel jugement portez-vous sur ce partenariat et sur les débuts de la chaîne ? Quels sont les apports de France Médias Monde à ce projet ? L'équilibre entre les différents médias ne devra-t-il pas être revu à terme ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits « Livre et industries culturelles » . - Madame ministre, je vous remercie pour la progression et la stabilisation de certaines lignes budgétaires. Je voudrais toutefois attirer votre attention sur deux points.

Lors des auditions que j'ai menées, j'ai pu constater la baisse des taxes que perçoit le Centre national du livre. Selon les conclusions de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles sur les causes de l'érosion du rendement des taxes qui lui sont affectées, il apparaît que, pour ce qui concerne la taxe sur les appareils de reprographie, la poursuite de cette attrition serait inexorable, les photocopieurs étant replacés par des sociétés de services.

Or il y a de nombreuses répercussions sur les actions qui sont menées par le CNL, notamment le soutien à la librairie, la politique territoriale, les salons, les festivals, et certains projets peuvent être remis en question. Dès lors, quelles sont les pistes envisagées pour lui donner les moyens de mener à bien ses missions à l'avenir ? D'autres sources de financement seront-elles mobilisées ?

Comme l'an passé, le présent projet de loi de finances dote la HADOPI de moyens suffisants à la mise en oeuvre de ses missions. Ce budget stabilisé permet d'en assurer le fonctionnement mais pas au-delà. Or le piratage continue de priver les auteurs de la rémunération qui leur est due. Par ailleurs, il est possible que les modalités de piratage évoluent à moyen terme et que certaines missions deviennent obsolètes. Est-il envisagé de maintenir la HADOPI à ce niveau d'action ou, au contraire, d'en élargir le champ de compétence à de nouveaux modes de piratage afin de la rendre plus efficace ?

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits « Presse » . - À l'occasion des auditions préparatoires au présent projet de loi de finances, plusieurs de mes interlocuteurs m'ont fait part de leurs craintes s'agissant de la poursuite de la mutualisation des moyens entre messageries de presse, à la suite du changement de gouvernance opéré au sein des Messageries lyonnaises de presse. Si cet obstacle venait à se confirmer, des mesures seront-elles prises pour obliger les messageries à tenir leurs engagements ? La fusion des deux entités pourrait-elle alors être envisagée ?

Malgré une augmentation de 5 millions d'euros de sa dotation en 2017, l'Agence France-Presse demeure dans une situation financière inquiétante, marquée par la faiblesse de ses résultats commerciaux et par un niveau d'endettement élevé. Comment l'État pourrait-il envisager de sortir l'Agence de ce mauvais pas sans contrevenir à la réglementation européenne ?

M. Michel Savin. - Je souhaite obtenir une précision et une confirmation : de quel montant sera l'effort consenti en faveur des SMAC, et cet effort sera-t-il bien ciblé sur le monde rural ?

Mme Marie-Christine Blandin. - Nous nous félicitons de la remontée des crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique.

Par ailleurs, nous voulons insister sur l'éducation aux médias, vers laquelle il est important de flécher des crédits.

S'agissant enfin du Grand Palais, notre commission restera vigilante pour que la culture scientifique ne soit pas rognée par les prestations internes à cette entité.

Mme Maryvonne Blondin. - L'Observatoire de l'économie de la musique doit être mis en place au début de l'année prochaine. Quels seront ses moyens, notamment en matière de personnel ?

J'aimerais aussi savoir s'il y a une différence entre les pactes culturels et les contrats de développement culturel. Les régions peuvent-elles être associées aux seconds ? Comme elles ont maintenant la main sur les fonds européens, elles pourraient peut-être aider les autres collectivités territoriales à élaborer des projets artistiques favorisant la vie culturelle dans les zones un peu abandonnées sur ce plan.

Mme Vivette Lopez. - Madame la ministre, vous avez annoncé votre intention d'aider à l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques. Quelle forme prendra cette aide ? Des plages d'ouverture plus larges supposent une augmentation du temps de travail des bibliothécaires ou des embauches. Aiderez-vous les communes à financer les heures supplémentaires ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - En ce qui concerne la contribution à l'audiovisuel public, les prévisions de Bercy font toujours apparaître un dynamisme spontané, lié à l'augmentation du nombre de foyers détenteurs d'un poste de télévision, mais qui diminue continûment. Nous ne sommes donc pas en retard, mais nous finirons par l'être si nous ne faisons pas cette réforme, que nos grands voisins européens ont déjà faite. Mon ministère la prépare avec le concours de Bercy, pour que l'administration soit parfaitement prête le jour où la décision sera prise par la représentation nationale et le Gouvernement.

S'agissant de Radio France, la dernière prévision de résultat net transmise par la société pour 2016 est légèrement meilleure que prévu : 13 millions d'euros de déficit, soit 3 millions d'euros de moins qu'envisagé. On est donc sur le chemin du retour à l'équilibre des comptes, prévu pour 2018 par le contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019. L'effort est partagé entre l'État et Radio France. De son côté, le Gouvernement a tenu et tiendra ses engagements : une dotation exceptionnelle de 80 millions d'euros sera allouée à la société entre 2016 et 2018, et la nouvelle offre d'information à laquelle contribue Radio France sera accompagnée à hauteur de 500 000 euros. Du sien, Radio France doit mener un certain nombre de réformes ; nous y serons attentifs, car elles sont nécessaires pour aller au bout du chemin.

Plusieurs rapports ont souligné le coût élevé de la généralisation de la radio numérique terrestre, notamment pour les éditeurs. S'agissant du service public, le contrat d'objectifs et de moyens signé en mars dernier prévoit la possible diffusion en RNT des services musicaux de France Musique, Mouv' et FIP dans les zones où ils ne sont pas disponibles en FM. Une demande de réservation de fréquences pourrait donc être envisagée dans le cadre des appels lancés par le CSA à Strasbourg, Lille et Lyon, si un déficit était avéré dans ces zones-là.

Les priorités de France Médias Monde sont clairement fixées dans le contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 : lancement de l'offre de France 24 en espagnol, présence de cette chaîne dans l'ensemble de ses zones de diffusion avec le passage en TNT en Afrique et la migration en HD en Asie, en Amérique et en Europe, effort de communication pour accroître la notoriété des marques du groupe, enrichissement des offres numériques et renforcement de la sécurité des emprises et du système d'information.

Grâce à l'accord conclu en 2015, qui a conduit à une hausse des salaires des personnels et à une adaptation de leur temps de travail à celui des personnels de France 24, la situation de RFI me paraît maintenant stabilisée.

À la suite de la cyberattaque subie par TV5 Monde le 8 avril 2015, le premier acte de cybersabotage de cette ampleur commis sur le sol français, le Gouvernement a réuni l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information et l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel et de la presse pour partager avec eux ses informations. Un comité stratégique de l'audiovisuel public s'est réuni le 21 octobre dernier pour, notamment, réfléchir à des projets de cybersécurité. Compte tenu des coûts additionnels de 4,4 millions d'euros supportés par TV5 Monde, auxquels s'ajoutent des pertes de recettes sur le numérique, nous et d'autres gouvernements bailleurs de fonds avons débloqué des financements exceptionnels à hauteur de 2 millions d'euros. Par ailleurs, la France a augmenté sa dotation pérenne à TV5 Monde de 0,7 million d'euros en 2016.

Les signes d'érosion des taxes affectées au Conseil national du livre sont, en effet, une vraie préoccupation. Une mission a été confiée, en 2015, à l'Inspection générale des affaires culturelles pour en comprendre l'origine. La loi de finances rectificative pour 2015 a étendu le champ d'application de la taxe sur l'édition des ouvrages numériques, mais cette mesure n'a pas suffi à compenser l'érosion constatée. Je vais confier à deux experts de l'Inspection générale des affaires culturelles et du Conseil d'État un travail d'examen plus structurel sur l'assiette pertinente pour retrouver un niveau de recettes suffisant.

Les moyens supplémentaires alloués à la Hadopi dans le projet de loi de finances pour 2017 visent principalement à répondre aux demandes d'indemnisation des fournisseurs d'accès à Internet et non à revenir sur le débat relatif à ses missions. Parallèlement à l'action de la Hadopi, nous avons pris des mesures énergiques contre ceux qui tirent un profit commercial du piratage, en suivant l'approche dite follow the money - si vous m'autorisez cet anglicisme.

Au sein des Messageries lyonnaises de presse, un changement de gouvernance est en effet intervenu avant l'été. Une nouvelle équipe se met en place. L'État est vigilant sur ces évolutions et le commissaire du Gouvernement auprès du CSMP, le Conseil supérieur des messageries de presse, rappelle, lorsque cela est nécessaire, la nécessité de préserver les équilibres de la loi Bichet.

Il est dans l'intérêt des Messageries lyonnaises de presse et de Presstalis de mener à terme les réformes structurelles qu'elles ont entreprises, sous l'égide du CSMP et dans un dialogue constructif avec l'État. Les deux messageries ont, je crois, conscience de partager un intérêt commun, ce qui a déjà permis de réaliser des réformes importantes : le nouveau schéma directeur de niveau 2 et le décroisement des flux logistiques.

En ce qui concerne les conséquences de la réforme des annonces judiciaires et légales de 2015 sur certaines publications à faible diffusion, je confirme que le titre La Semaine ne peut plus bénéficier de la publication des annonces judiciaires et légales ; ce changement s'impose à nous, et c'est plutôt la circulaire qui n'était pas adaptée. Nous n'avons pas été saisis d'autres cas où la question se poserait. Je vous promets de vous faire parvenir dans la semaine la réponse écrite que je vous dois.

Quant à l'Observatoire de l'économie de la musique, le décret précisant ses missions, sa gouvernance et son fonctionnement fait actuellement l'objet d'une consultation publique, qui s'achèvera le 10 novembre. Il sera publié d'ici à la fin de l'année, pour que l'observatoire puisse être effectif au 1 er janvier 2017. Cette instance sera abritée par le CNV mais aura une gouvernance propre. L'engagement de l'État aux côtés des professionnels participant à l'observatoire se traduit dans le projet de loi de finances pour 2017 par l'attribution au CNV de 300 000 euros supplémentaires, destinés à financer les études de la future instance. Le transfert de moyens humains et financiers hébergés à la Cité de la musique-Philharmonie de Paris est également prévu.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Qu'en est-il des SMAC ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - L'effort, de 500 000 euros, bénéficiera prioritairement, mais pas exclusivement, au monde rural.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Compte tenu de la gravité du phénomène de radicalisation, nous devrions sérieusement réfléchir à étendre la zone de diffusion de la chaîne Monte Carlo Doualiya, qui porte un autre regard sur le monde en langue arabe.

Mme Sylvie Robert. - Nous sommes préoccupés par la situation d'i-Télé, d'autant plus qu'elle se prolonge. Il faut mesurer l'inquiétude psychologique et morale, voire la détresse, des journalistes. Ceux-ci ont été reçus par la ministre du travail. Où en êtes-vous vous-même, madame la ministre, et y a-t-il une issue à cette situation triste et extrêmement préoccupante ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Sylvie Robert exprime une préoccupation partagée par nombre d'entre nous. Après avoir reçu les représentants des journalistes et m'être entretenue avec la direction de la chaîne, j'ai appelé le CSA à assumer toute sa responsabilité, ce qu'il a fait en lançant ses mises en demeure. Les difficultés sont liées aussi à une inquiétude sur l'avenir éditorial d'i-Télé : restera-t-elle une chaîne d'information avec un degré d'exigence et de qualité élevé ? Quelle est votre position sur la situation, madame la ministre, et quels ont été les résultats de l'entretien des représentants des journalistes avec Mme El Khomri ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. - Nous sommes nous aussi très préoccupés par la situation. La grève dure depuis trop longtemps : nous risquons de battre mardi prochain le record de la plus longue grève dans l'audiovisuel depuis la fin de l'ORTF !

Les questions soulevées par ce conflit ont été abordées de façon plus générale au moment de l'examen de la proposition de loi de Patrick Bloche visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias. Les équipes d'i-Télé s'inquiètent à juste titre pour leur indépendance et pour l'éthique de l'information, qui doit être protégée vis-à-vis des intérêts des actionnaires comme de ceux des annonceurs. Cette question intéresse le législateur comme le Gouvernement. Quant au CSA, il a joué son rôle de façon claire pour faire respecter la convention en vertu de laquelle i-Télé a obtenu une fréquence.

Des problèmes de droit du travail se posent également. C'est pourquoi Myriam El Khomri a ouvert sa porte aux équipes d'i-Télé, mais aussi à la direction, qui n'a pas encore répondu.

Pour sa part, le ministère de la culture a donné du temps au dialogue. Nous avons reçu les équipes et la direction, laquelle a pris devant moi des engagements destinés à assurer l'indépendance des rédactions, mais qui n'ont pas abouti. Parier sur l'épuisement des journalistes, qui commence à être réel, n'est ni digne ni responsable de la part d'un groupe comme Canal+.

Nous restons très vigilants et nous attendons de la direction, dans les jours qui viennent, des gestes en faveur de l'indépendance des rédactions.


* 1 « L'édition en perspective » - Rapport d'activité du SNE - 2015-2016.

* 2 Le montant des travaux était estimé à 211 millions d'euros en 2011.

* 3 « L'adaptation et l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques » - Rapport à la ministre de la culture et de la communication - Août 2015.

* 4 Après avoir reçu, le 21 septembre 2012, les autorisations réglementaires de la Commission européenne et de la Federal Trade Commission aux États-Unis, Vivendi et UMG ont finalisé le 28 septembre 2012 l'acquisition de 100 % de la division de musique enregistrée d'EMI Group Global Limited (EMI Recorded Music) à Citigroup Inc (Citi).

* 5 Livre blanc « Numérique : de nouveaux horizons pour la culture » publié à l'occasion de la 2 e édition du Forum de Tokyo en 2015.

* 6 INSEE - Comptes nationaux.

* 7 « Les données, muses et frontières de la création - Lire, écouter, regarder et jouer à l'heure de la personnalisation ». Cahiers innovation & prospectives n° 3. Octobre 2015.

* 8 YouTube ne se considère toutefois pas comme un service de streaming à part entière, et donc comme un éditeur, mais comme un hébergeur de contenus. Cette distinction importante dans la qualification du service a une incidence majeure sur la façon dont les ayants droit sont rémunérés par la filiale de Google.

* 9 État des lieux de l'offre de musique numérique, second semestre 2014 - Observatoire de la musique.

* 10 Une clause d'effort était demandée aux entreprises les plus importantes, consistant à ne prendre en compte, dans la base de calcul du crédit d'impôt, que les dépenses pour les seules productions qui excédaient la moyenne, après application d'une décote de 70 %, des productions au titre des deux derniers exercices.

* 11 « Musique en ligne et partage de la valeur : état des lieux, voies de négociation et rôles de la loi » - Décembre 2013.

* 12 « Les données, muses et frontières de la création - Lire, écouter, regarder et jouer à l'heure de la personnalisation ». Cahiers innovation & prospectives n° 3. Octobre 2015.

* 13 « Jeu vidéo : une industrie culturelle innovante pour nos territoires » - Rapport d'information n° 852 (2012-2013).

* 14 En vertu du règlement UE n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du Traité aux aides de minimis , les aides dont le montant total versé sur trois années ne dépasse pas 200 000 euros peuvent être mises en oeuvre sans avoir été notifiées à la Commission européenne.

* 15 « La Hadopi : totem et tabou » - Rapport d'information n° 600 (2014-2015).

* 16 Pour rappel, la Hadopi ne bénéficie pas de l'application de la circulaire propre aux opérateurs sur l'application du taux de mise en réserve. En 2015, il était de 8 % aussi bien pour le fonctionnement que pour la masse salariale alors que les opérateurs se sont vus appliquer un taux moindre de 0,5 % pour la masse salariale. Cette application uniforme de 8% sur la totalité des crédits a amputé de 225 000 euros la subvention de 2015.

* 17 Suivre l'argent.

* 18 Suivre les oeuvres.

* 19 Signaler et retirer.

* 20 « Plateformes et accès aux contenus culturels : quels enjeux concurrentiels et de régulation ? » - CSA - Septembre 2016.

* 21 « Acte II de l'exception culturelle » - Mai 2013.

* 22 Rapport de la mission d'expertise sur la fiscalité de l'économie numérique - Janvier 2013.

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