V. LA CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE EN PLEINE EFFERVESCENCE

La France est l'un des rares pays au monde à disposer d' une industrie complète , constructeurs et équipementiers, maîtrisant l'ensemble des compétences nécessaires à la définition et à la construction d'un aéronef. L'industrie nationale est présente dans tous les segments de marché (avions de transport, avions d'affaires, hélicoptères, moteurs, systèmes) en y occupant souvent une place de leader .

LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA FILIÈRE AÉRONAUTIQUE FRANÇAISE

Airbus commercialise des avions de plus de 100 places dont la gamme s'articule autour de quatre familles : les appareils de la famille A320, monocouloirs court et moyen-courriers et leur nouvelle version remotorisée l'A320 NEO ( New Engine Option ) ; les appareils de la famille A330 et leur nouvelle version remotorisée l'A330 NEO, gros porteurs long-courriers polyvalents ; les appareils de la famille A350XWB, long-courriers de moyenne capacité dont le premier exemplaire a été livré en décembre 2014 ; le très gros porteur A380. Autre filiale d' Airbus Group , Eurocopter , désormais appelée Airbus Helicopters , est le leader mondial du marché des hélicoptères civils et parapublics . Enfin, ATR , détenu à parts égales entre Airbus Group et l'italien Alenia Aermacchi , est avec le brésilien Embraer et le canadien Bombardier un des grands acteurs mondiaux de l' aviation régionale , et produit des avions de 50 et 70 sièges.

Dassault Aviation est le principal constructeur européen d' avions d'affaires à réaction . Il a la caractéristique d'être l'unique industriel au monde à construire à la fois des avions militaires et des avions d'affaires civils avec la gamme Falcon . Parmi les évolutions notables, Airbus a cédé les participations qu'il détenait au sein de la société Dassault Aviation en 2016.

Daher Socata est l'autre acteur français de l'aviation d'affaires avec ses petits avions monomoteurs à turbopropulsion que sont les avions de la gamme TBM . Daher Socata a la particularité unique d'être également le premier fournisseur d'aérostructures pour les grands constructeurs.

Ces constructeurs français bénéficient sur le territoire d'un large choix de fournisseurs , au premier rang desquels figurent trois grands groupes : Safran , Thales et Zodiac Aerospace .

Safran est un fournisseur de premier rang dans la propulsion aéronautique et spatiale avec ses filiales SNECMA, Turbomeca, Techspace Aero, Herakles . SNECMA développe et produit, seul ou en coopération, des moteurs pour avions civils et militaires, pour lanceurs spatiaux et pour satellites. Son plus gros succès est le CFM-56 qu'elle produit conjointement avec General Electric et qui équipe Airbus A320 et Boeing B737 actuels. Turbomeca est le leader mondial des turbines à gaz motorisant les hélicoptères civils et parapublics, très présent chez Airbus Helicopters . Safran est également un fournisseur d'équipements avec ses filiales Messier-Bugatti-Dowty, Aircelle, Labinal et Hispano-Suiza .

Thales, à travers sa division Thales Avionics , figure au troisième rang mondial des fournisseurs d' électronique de cockpit et de cabine d'avions et d'hélicoptères. Thales Avionics développe et produit également des systèmes de générateurs électriques.

Zodiac Aerospace s'est hissé parmi les leaders mondiaux des fournisseurs d' équipements et systèmes aéronautiques . Zodiac Aerospace est présent sur tous les grands programmes aéronautiques d' Airbus et de Boeing , mais aussi dans l'aviation d'affaires, l'aviation militaire, ainsi que dans le domaine spatial.

À ces trois grands groupes de fournisseurs viennent s'ajouter d'autres acteurs de premier plan. On peut citer les fournisseurs d'aérostructures qui développent et produisent des sous-ensembles de fuselage : Stelia 15 ( * ) , Latécoère et Daher Socata . On peut citer également des acteurs qui sont filiales françaises de grands groupes internationaux , comme Liebherr Aerospace Toulouse et Ratier Figeac .

Au-delà de ces grandes entreprises, un grand nombre d'entreprises de taille plus modestes (ETI et PME) disposent de savoir-faire de pointe , souvent sur des activités de niche, qui bénéficient en premier lieu aux grands constructeurs français.

Selon l'INSEE, le secteur aéronautique et spatial est le secteur industriel qui a, en proportion, l e plus fort effet d'entraînement sur le reste de l'économie . Son activité propre induit une génération de presque cinq fois sa propre valeur ajoutée dans les autres secteurs d'activité. Par comparaison, le secteur automobile, placé en seconde position, a un effet induit de quatre fois sa propre valeur ajoutée, la moyenne des autres secteurs industriels se situant entre 2 et 2,5.

LES PARTICIPATIONS DE L'ÉTAT DANS LE DOMAINE AÉRONAUTIQUE

L'État est présent au capital de plusieurs entreprises du secteur :

- Airbus Group : l'État Français détient 11% du capital et des droits de vote à travers la société holding SOGEPA . La France exerce ses droits d'actionnaire dans cette société en coordination avec l'Allemagne ( KfW ), qui détient une participation de 11 %, et l'Espagne ( SEPI ), qui détient 4%. Les trois État, liés par les accords conclus en décembre 2012, détiennent ainsi une minorité de blocage de 26% dans Airbus Group ;

- Dassault Aviation : la participation historique de l'État a été transférée à Airbus Group à la fin des années 1990. L'État a toutefois fait l'acquisition d' une action Dassault Aviation en juin 2013 lui permettant de nouer un pacte d'actionnaires concertant avec Airbus Group qui lui donne des droits sur la participation d' Airbus Group dans Dassault Aviation . Dans le cadre de ce pacte d'actionnaires, Airbus Group a procédé depuis fin 2014 à trois opérations de cession successives de ses titres Dassault Aviation (novembre 2014, mars 2015 et juin 2016) qui l'ont conduit à se désengager largement du capital de Dassault Aviation et à émettre une obligation échangeable en titres Dassault Aviation à échéance 2021. Actuellement, Airbus Group détient environ 9 % du capital de Dassault Aviation . Par ailleurs, l'État a conclu une convention avec GIMD ( Groupe Industriel Marcel Dassault , l'actionnaire majoritaire de Dassault Aviation ) en novembre 2014 lui donnant un droit de préemption en cas de cession d'actions par GIMD entraînant sa perte de contrôle sur Dassault Aviation ;

- Safran : l'État détient actuellement 15,4% du capital et 23,9% des droits de vote . Le niveau de participation de l'État dans Safran a été diminué lors d'une cession en mars 2015 (3,96% du capital ont été cédés), puis d'une nouvelle cession en novembre 2015 (pour 2,64% du capital), permettant de bénéficier de la forte hausse du cours de cette société depuis plusieurs années tout en gardant un contrôle suffisant au regard des droits de vote doubles applicables ;

- Thales : l'État (26%) et Dassault Aviation (25%) co-contrôlent l'entreprise , qui est un fournisseur clé pour le secteur aéronautique.

Par la détention de ces participations, l'État est présent dans un secteur en croissance , créateur d'emplois, vecteur d'innovation, et générant un important excédent commercial. L'approche d' investissement de long terme qui caractérise l'État est particulièrement adaptée aux cycles longs correspondant aux programmes et aux technologies du domaine aéronautique, a fortiori en considérant la structure duopolistique de l'aviation civile ( Boeing et Airbus ).

La dimension patrimoniale est également significative puisque les participations de l'État dans Airbus Group et Safran représentent une valeur combinée de l'ordre de 8,5 Md€ au 31 août 2016.

Cette présence au capital de ces grands industriels du secteur aéronautique, permet à l'État de s'assurer d'un niveau de contrôle suffisant dans ces entreprises stratégiques en termes de souveraineté . En particulier, le maintien de la force de dissuasion nucléaire, reposant sur les missiles balistiques et la composante aéroportée, nécessite la maîtrise de l'outil industriel associé, dont les participations dans le secteur aéronautique constituent un important pilier. Le secteur aéronautique développe en outre des technologies ou des produits duaux, présentant simultanément des usages militaires et civils . À ce sujet, la totalité des activités lanceurs civils et militaires ont été regroupées en juin 2016 au sein de la co-entreprise Airbus Safran Launchers , détenue à parité par Airbus Group et Safran . Certaines activités relèvent également d'une souveraineté partagée reposant sur une relation avec des États alliés : on peut mentionner le cas des hélicoptères militaires, du transport aérien stratégique (A400M) ou encore des missiles tactiques ( MBDA Systems ). L'État veille à la bonne santé financière de ces grands groupes, protection naturelle contre d'éventuelles menaces sur la souveraineté des actifs.

A. LA FILIÈRE FRANÇAISE EST TOUJOURS PERFORMANTE

En 2015, les adhérents du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) ont enregistré un chiffre d'affaires de 58,3 Md€, en augmentation de 8,5 % par rapport à 2014 , avec une très forte part (39,4 Md€) réalisée à l'exportation, en augmentation de 14 %. En termes de commandes, 2015 est une année record avec 77,6 Md€, soit une progression de 6,2 % par rapport à 2014. Le carnet de commandes global de la profession représente environ 6 années de production et le secteur civil représente 70% des commandes enregistrées.

ÉVOLUTION DES COMMANDES AÉRONAUTIQUES ET SPATIALES CIVILES ET MILITAIRES (EN MILLIONS D'EUROS COURANTS)

Source : GIFAS

COMMANDES PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE (EN MOYENNE SUR DIX ANS)

Source : GIFAS

Ces performances permettent au secteur de dégager, une fois de plus, le premier solde excédentaire de la balance commerciale française avec +22,2 Md€ en 2015 , même si ces résultats sont en baisse de 6 % par rapport à 2014 (+23,6 Md€). Les équipementiers et PME de la chaîne de sous-traitance obtiennent eux aussi d'excellents résultats en 2015, avec un chiffre d'affaires estimé à 20,3 Md€ (+10 % à périmètre constant) et 15 Md€ de commandes enregistrées.

Le secteur se porte si bien que les constructeurs se trouvent dans la situation enviée de ne pas produire assez pour des clients qui veulent être livrés rapidement . L'enjeu est alors de gérer la croissance en assurant l'accompagnement des sous-traitants.

LES RÉSULTATS DE LA FILIÈRE AÉRONAUTIQUE EN 2015-2016

Sur le marché des aéronefs , Airbus Group ( Airbus, Airbus Defense & Space et Airbus Helicopters ) a dégagé un chiffre d'affaires de 64 Md€ en 2015, en progression de 6 %. Airbus a livré sur le marché civil 635 appareils, battant à nouveau le record de livraisons de l'année précédente (629 appareils en 2014, 626 en 2013, 588 en 2012). Airbus a enregistré 1 080 commandes nettes en 2015, contre 1 456 en 2014. À fin juillet 2016, les commandes sont de 323 appareils (contre 380 pour la même période en 2015), portant le carnet de commandes à 6 815 appareils, soit près de dix années de production aux cadences actuelles. En juillet 2016, lors du salon de Farnborough, Airbus a enregistré près de 200 nouvelles commandes. En comparaison, Boeing a livré sur le marché civil 762 appareils en 2015 et a enregistré 768 commandes nettes. À fin juillet 2016, Boeing a enregistré 333 commandes nettes depuis le début de l'année.

En 2016, Airbus prévoit la livraison de plus de 650 avions et une augmentation du carnet de commandes d'avions commerciaux, en raison de la montée en cadence programmée du programme A350-XWB et de la montée en cadence progressive du programme A320 (Airbus a annoncé en novembre 2015 vouloir faire monter la cadence de 42 appareils par mois actuellement à environ 60 appareils par mois d'ici 2019). Seul l'A380 connaît des difficultés de commercialisation.

Sur le marché des avions régionaux , ATR a livré 88 avions neufs en 2015, soit une augmentation de 6 % par rapport aux 83 livraisons de 2014 et de 20% par rapport aux 74 livraisons de 2013. En 2015, ATR a accueilli douze nouveaux exploitants de la nouvelle série 600, lui permettant de passer la barre des 200 opérateurs dans près d'une centaine de pays. Des commandes fermes pour 76 avions assorties de 81 options ont été enregistrées en 2015. ATR a démarré 2016 avec un carnet de commandes de 260 avions qui garantit près de trois années de production.

Cependant, la baisse des cours du pétrole est dommageable pour ATR , car il lui devient plus difficile de valoriser la faible consommation de carburant de ses appareils auprès des compagnies. ATR doit également faire face à la situation économique dégradée dans les pays émergents, qui sont généralement d'importants clients.

Sur le marché des avions d'affaires , Dassault Aviation a livré 55 Falcon en 2015 (contre 66 en 2014 et 77 en 2013) : le marché mondial de l'aviation d'affaires a subi de plein fouet la crise et est encore convalescent. Le groupe Dassault Aviation a revu sa prévision de livraisons de Falcon à la baisse, soit 50 en 2016, et indique que son chiffre d'affaires devrait baisser par rapport à 2015.

Sur le marché des hélicoptères civils , Airbus Helicopters a livré 281 machines en 2015, contre 326 en 2013, soit une baisse de 14 %. Cette activité est également touchée par la baisse des cours du pétrole : les opérateurs effectuant des vols vers les plateformes pétrolières ne commandent plus de nouveaux hélicoptères. Malgré cette baisse du nombre d'appareils livrés, le chiffre d'affaires a augmenté de 4 % en raison d'une plus grande contribution des activités liées aux services (support, maintenance) qui représentent 47 % du chiffre d'affaires en 2015. Le nombre de commandes nettes (civiles et militaires) est en baisse à 333 hélicoptères (contre 369 en 2014) : le carnet de commandes d' Airbus Helicopters a atteint 11,8 Md€ en 2015, soit une baisse de 4 % par rapport à 2014 (12,2 Md€).

Sur le marché des moteurs , Safran a dégagé un chiffre d'affaires ajusté de 17,4 Md€ en 2015 (contre 15,4 Md€ en 2014) et les commandes enregistrées s'élèvent à 17,9 Md€ (contre 22,8 Md€ en 2014). Son carnet de commandes atteint 68,1 Md€ à la fin de l'année 2015, en hausse de 6,8 % par rapport à 2014 (63,8 Md€). Le groupe atteint une part de marché de 70% sur la nouvelle génération de moteurs pour courts-moyens courriers.

Sa filiale Safran Aircraft Engines (anciennement SNECMA ) a livré 1 612 moteurs CFM56 en 2015, dans le cadre de sa coentreprise CFM international avec General Electric , établissant un nouveau record de production par rapport aux 1 560 livrés en 2014 (+3 %), 695 moteurs de forte puissance GE90-115 et GP7000 en association avec General Electric (contre 690 en 2014) et 55 moteurs SaM146 dans le cadre de la société commune PowerJet avec NPO Saturn (contre 52 en 2014). En 2014, CFM international a enregistré 736 commandes de moteurs CFM56 et 1 399 moteurs LEAP en cours de développement, portant le carnet de commandes de CFM international à 13 252 moteurs fin 2015, soit plus de huit années de production aux cadences actuelles. Pour Safran , la priorité pour 2016 porte principalement sur la réussite de la montée en cadence de la production du LEAP liée au succès des programmes A320NEO et Boeing 737 MAX.

Dans le domaine des moteurs d'hélicoptères, la filiale Safran Helicopter Engines (anciennement Turbomeca ) a livré 625 moteurs en 2015, contre 832 en 2014 et 934 en 2013.

À noter, la baisse importante du cours de l'eurodollar en 2014-2015 a dans l'ensemble constitué une bonne nouvelle pour l'industrie aéronautique française. Toutefois, les grands groupes comme Airbus Group utilisent des couvertures pour limiter les risques liés aux variations des taux de change, qui sont dégressives dans le temps. L'impact de la baisse de l'euro n'a donc pas été significatif en 2015 pour Airbus Group , mais il pourrait engendrer bien plus d'effets positifs en 2017-2018 : pour chaque 0,1 $ de dépréciation de l'euro, Airbus Group améliore son résultat de 1 Md€ . Safran a publié un chiffre d'affaires en hausse de 13,4 % en 2015, la baisse de l'euro expliquant à elle seule 9 % de cette hausse.

Hormis celles, minoritaires, qui exportent directement en zone dollar, les PME bénéficient moins directement de la baisse de l'euro . Cela renforce en revanche leur compétitivité pour gagner de nouveaux contrats face à des concurrents situés hors de la zone euro.


* 15 La naissance du groupe Stelia , issu de la fusion d' Aérolia et de Sogerma , est la seule évolution majeure de la filière sur la période 2014-2015. Cette consolidation entre deux groupes français a permis la création du premier fournisseur d'aérostructures en Europe, et le numéro trois mondial.

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