C. DE NOUVEAUX CONCURRENTS SONT DÉSORMAIS SUR LE MARCHÉ

Le marché des avions de plus de 100 places, principal segment d'activité de l'industrie aéronautique civile, est aujourd'hui constitué du duopole formé par Airbus et Boeing . En raison de fortes barrières à l'entrée sur ce marché, les nouveaux entrants potentiels sont peu nombreux et ont tous un profil identique : ce sont des acteurs qui sont aujourd'hui présents sur le marché des avions régionaux et qui souhaitent monter en gamme en attaquant le marché des avions des plus de 100 places par le bas, c'est-à-dire en attaquant le marché des Airbus A320 et des Boeing B737.

Pour votre rapporteure, il ne fait aucun doute que d'ici 2020 plusieurs nouveaux avions susceptibles d'entrer en concurrence directe avec les A320 d'Airbus et les B737 de Boeing auront été mis en service par des pays émergents , au premier rang desquels la Chine. Toutefois, leur véritable capacité à concurrencer Airbus et Boeing sera mesurée par leur performance à l'exportation sur les marchés non domestiques. Il n'en reste pas moins que l'A320 est aujourd'hui le produit-phare d'Airbus , dont il représente 75 % des commandes : l'intensification de la concurrence sur ce segment rend d'autant plus nécessaires les efforts d'innovation, afin de conserver une longueur technologique d'avance.

LE NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL DU DUOPOLE AIRBUS-BOEING

Le canadien Bombardier

Placé jusqu'à présent sur le segment des avions d'affaires et sur celui des avions régionaux, Bombardier a lancé en 2004 le programme CSeries pour s'attaquer au marché des moyen-courriers de plus de 100 places avec le CS100 (jusqu'à 125 passagers) et le CS300 (jusqu'à 160 passagers).

Ces deux avions sont susceptibles de concurrencer les familles A320 et B737 par le bas (concurrents des A318 et A319 et des B737-600 et B737-700). Le développement de ce programme se déroule avec un retard significatif sur le calendrier prévu et les coûts de développement ont fortement dépassé l'estimation initiale , ce qui a mis en danger la survie de l'entreprise. Cette dernière a dû créer une co-entreprise avec le gouvernement du Québec pour le développement du programme. Le premier vol de la version CS100 a eu lieu en septembre 2013, tandis que celui de la version CS300 a eu lieu en février 2015. La version CS100 a été certifiée par l'AESA et la FAA en juin 2016, tandis que la version CS300 ne devrait plus tarder à être certifiée.

Bombardier a réussi à obtenir un certain nombre de commandes d'appareils CSeries. Les plus importants contrats ont été signés avec les compagnies Delta Airlines (75 CS100) et Air Canada (45 CS300) en début d'année 2016. À l'issue du salon de Farnborough (mi-juillet 2016), le nombre de commandes s'élève à 370 unités au total, dont 247 CS300. La première livraison d'un CS100 s'est déroulée fin juin 2016, pour la compagnie helvétique SWISS.

Le premier vol commercial a eu lieu le 15 juillet 2016 . En ce qui concerne la version CS300, son entrée en service est prévue pour le quatrième trimestre 2016, dans la compagnie lettonne Air Baltic. Le positionnement sur un créneau plutôt bas en termes de capacité a probablement permis à Bombardier d'engranger quelques commandes (Airbus ayant arrêté la production des A318 et livrant de moins en moins d'A319 au profit des A320 et A321 plus grands), mais cela ne devrait pas lui ouvrir l'accès à un marché très important.

Le brésilien Embraer

A l'instar de Bombardier , Embraer ambitionne de concurrencer Airbus et Boeing sur le bas du segment moyen-courrier. Avec son nouveau programme baptisé E2, Embraer prévoit de produire des avions ayant une capacité maximale de 146 passagers. Même si ce programme a été lancé plus tardivement que celui de Bombardier, il ne semble pas rencontrer de retards dans la phase de développement. Le premier vol a eu lieu en mai 2016 , en avance par rapport au calendrier envisagé. L'entrée en service de ces avions, dont trois versions sont prévues, devrait avoir lieu début 2018. Les E2 ont déjà engrangé 270 commandes.

Le chinois COMAC (COMmercial Aircraft Corporation)

Cette jeune entreprise publique développe deux programmes d'avions : le programme ARJ21, avion régional de 70 à 90 places, et le programme C919, jet de 168 à 190 places qui se place en concurrent direct des plus grandes versions de l'A320NEO et du B737MAX et sera équipé d'un moteur LEAP de CFM.

L'ARJ21 a été lancé en 2002 et a connu de très importants retards . Ses premières livraisons étaient annoncées pour 2009, mais il n'a pu être livré qu'en novembre 2015 à la compagnie chinoise Chengdu Airlines. Il a effectué son premier service commercial le 28 juin 2016 . L'ARJ21 n'est pour le moment certifié que par l'autorité chinoise , et n'est homologué ni par la FAA, ni par l'AESA. Ses opérations sont donc pour le moment très limitées. Comac dispose d'environ 250 commandes pour cet appareil, essentiellement de compagnies chinoises.

Bien qu'il connaisse un certain nombre de difficultés, le programme C919 avance. Le planning de développement, revu de nombreuses fois, prévoit un premier vol en 2016 pour une mise en service entre 2018 et 2020 . Avec plus de 500 commandes fermes aujourd'hui et bénéficiant d'une position privilégiée en Chine, pays appelé à devenir rapidement le plus gros marché pour les constructeurs, le C919 a toutes les chances de rencontrer un succès commercial . En revanche, la concurrence avec l'A320NEO et le B737MAX, les enjeux pesant sur la nécessité d'une reconnaissance européenne de la certification chinoise de cet appareil et les retards à répétition pourraient limiter le marché à l'export de cet avion.

Le russe UAC (United Aircraft Corporation)

UAC est un conglomérat public regroupant des noms prestigieux du passé aéronautique russe ( Sukhoi, Tupolev, Irkut ), né en 2007 de la volonté de Vladimir Poutine de rebâtir l'industrie aéronautique russe qui a souffert de l'effondrement de l'URSS. Deux programmes majeurs dans le domaine civil sont en cours :

- le Superjet, jet régional de moins de 100 places dont une part significative a été développée par des industriels français (moteurs, nacelles et divers équipements), qui est entré en service avec difficulté en 2011 et qui cherche aujourd'hui à faire ses preuves auprès des compagnies occidentales (seule la compagnie irlandaise CityJet a commandé ces appareils fin 2015) ;

- le YAK-242 (anciennement appelé MS-21), jet de 150 à 212 passagers dont les trois versions prévues entrent en concurrence directe avec l'ensemble des familles A320 et B737. Initialement prévu en 2014, le premier vol ne devrait pas avoir lieu avant 2016 pour une entrée en service probablement vers la fin de la décennie . Le programme fait l'objet de moins de 300 commandes fermes, uniquement russes.

Le japonais Mitsubishi

Mitsubishi ne développe pas actuellement d'avions de plus de 100 places. Il développe toutefois aujourd'hui le MRJ ( Mitsubishi Regional Jet ), un avion régional de 70 ou 90 places selon la version, lancé en 2007. Son premier vol a eu lieu en novembre 2015 . Sa mise en service, prévue initialement en 2014, n'aura pas lieu avant 2018. Mitsubishi a obtenu sa première commande européenne en juillet 2016 (20 appareils pour le loueur suédois Rockton). Mitsubishi sera probablement le prochain candidat à tenter son entrée sur le marché des avions de plus de 100 places, après les quatre cités précédemment.

Cette concurrence émergente est prise au sérieux par Airbus et Boeing . En effet, c'est l'annonce du lancement du programme CSeries de Bombardier qui a amené Airbus à réviser sa stratégie sur le segment des A320 en proposant des évolutions incrémentales qui permettent de répondre à un double objectif : conserver une longueur d'avance en termes de performances pour limiter l'émergence de la concurrence ; se laisser plus de temps pour introduire la prochaine génération d'aéronefs, attendue vers 2030, qui offrira davantage de ruptures technologiques et contribuera ainsi à garder la concurrence à distance.

Pour l'heure, Airbus et Boeing ont fait le choix de la remotorisation de l'A320 (modèle NEO) et du B737, afin de fournir un avion plus performant tout en restant aussi fiable que la génération précédente. Les deux constructeurs ont annoncé une hausse de leur cadence sur leur programme d'avions court et moyen-courriers, du fait de leurs importants carnets de commande.

En ce qui concerne les avions long-courriers, la concurrence mettra encore du temps à émerger sur ce segment pour lequel les barrières à l'entrée sont encore plus importantes. Les Russes et Chinois se sont cependant alliés pour essayer de mettre au point ensemble un programme gros porteur.

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