II. UNE HAUSSE ENCORE INSUFFISANTE DES CRÉDITS CONSACRÉS À L'IMMIGRATION RÉGULIÈRE

L'action n° 1 du programme 303 « Circulation des étrangers et politique des visas » et surtout le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité » regroupent l'ensemble des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » concourant à l'accueil et à l'intégration des étrangers admis à séjourner sur le territoire français.

Ces crédits affichent globalement une hausse importante qu'il convient néanmoins de nuancer s'agissant tout particulièrement de la subvention pour charges de service public attribuée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui intègre désormais les taxes autrefois affectées ( cf. infra ). À périmètre constant, la hausse des crédits est tout de même de 20,1 % en AE et 20,4 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 .

Évolution des crédits du programme 104 hors changement de périmètre

LFI pour 2016

PLF pour 2017

Variation en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

104 - Intégration et accès à la nationalité française

95 609 213 €

95 463 298 €

114 840 000 €

114 900 000 €

20,1

20,4

11 - Accueil des étrangers primo-arrivants

40 635 798 €

40 635 798 €

48 900 000 €

48 900 000 €

20,3

20,3

12 - Actions d'accompagnement des étrangers en situation régulière

24 538 500 €

24 538 500 €

29 731 000 €

29 731 000 €

21,2

21,2

14 - Accès à la nationalité française

1 204 515 €

1 058 600 €

945 600 €

1 005 600 €

- 21,5

- 5,0

15 - Accompagnement des réfugiés

20 243 400 €

20 243 400 €

26 725 400 €

26 725 400 €

32,0

32,0

16 - Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8 987 000 €

8 987 000 €

8 538 000 €

8 538 000 €

- 5,0

- 5,0

Source : commission des lois du Sénat à partir du projet annuel de performances
annexé au projet de loi de finances pour 2017

Si un réel effort est réalisé pour la formation linguistique des primo-arrivants dans le cadre du nouveau contrat d'intégration républicaine, votre rapporteur estime toutefois insuffisants les montants consacrés par le projet de loi de finances pour 2017 à la politique d'immigration régulière eu égard à l'enjeu majeur que constitue dans notre société l'intégration des populations immigrées : dès lors que ces personnes ont été admises sur le territoire, la République est dans l'obligation de parvenir à leur intégration. Cela est particulièrement vrai s'agissant des réfugiés et autres bénéficiaires d'une protection internationale.

A. LA HAUSSE BIENVENUE QUOIQUE TROMPEUSE DE LA SUBVENTION DE L'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTÉGRATION

Pivot traditionnel de la politique d'immigration et d'intégration, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a vu au cours de ces dernières années ses missions profondément accrues et modifiées alors même que ses ressources demeuraient à un niveau inchangé. Le projet de loi de finances pour 2017 confirme à cet égard la rupture initiée par la loi de finances initiale pour 2016 par un abondement en effectifs et en moyens.

Le financement de l'OFII était jusqu'à présent essentiellement assuré par l'affectation de diverses taxes correspondant aux droits de timbre acquittés par les étrangers ou aux taxes sur la main d'oeuvre étrangère dues par les entreprises. Cependant, depuis la loi de finances pour 2012, le montant de ces taxes était plafonné.

Le projet de loi de finances pour 2017 modifie la structure des ressources de l'OFII par une mesure de reversement dans le budget général de l'ensemble des taxes et redevances précédemment affectées en contrepartie d'une augmentation de la subvention pour charges de service public de l'opérateur .

Ce changement de périmètre entraîne ainsi une forte hausse des crédits affectés à l'action n° 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants » qui porte désormais la quasi-totalité des ressources de l'opérateur, ces crédits passant de 40 635 798 euros en loi de finances initiale pour 2016 à 181 900 000 euros en 2017 en AE=CP.

Au-delà de cette mesure de périmètre, cette augmentation des crédits de l'action n° 11 est trompeuse à plusieurs titres.

En premier lieu, la mesure de transfert des taxes affectées n'est pas réalisée à montant constant. Alors que les taxes affectées étaient plafonnées à 140,6 millions d'euros en 2016, le montant reversé du budget général sera seulement de 133 millions d'euros , en application du taux d'effort de 5 % fixé par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage d'avril 2016.

En deuxième lieu, déduction faite de cette mesure de transfert, la subvention pour charges de service public de l'OFII augmente de 8,26 millions d'euros, soit 20 %, et son plafond d'emplois passe de 936 ETPT en 2016 à 1 014 en 2017 .

Certes, votre rapporteur se félicite de l'augmentation des moyens de l'OFII enregistrée depuis l'an passé en loi de finances initiale. L'examen de l'exécution budgétaire au cours des dernières années invite toutefois à la prudence dans la mesure où les crédits alloués initialement ont fait l'objet de mesures de régulation importantes en cours d'année . Ainsi, en 2015, la subvention initiale de 10,4 millions d'euros avait été réduite à 4,4 millions d'euros en exécution ; en 2016, malgré l'important abondement opéré par voie d'amendement au cours de l'examen du budget qui avait abouti à une subvention de 38,9 millions d'euros inscrite en loi de finances initiale, la subvention versée ne devrait être que de 22,6 millions d'euros.

Enfin, votre rapporteur tient à mettre en garde contre un effet déformant de la maquette budgétaire . Bien que l'OFII soit rattaché budgétairement au programme 104 , l'évolution de ses missions au cours de ces deux dernières années sous l'effet des réformes législatives mais également des événements tend à en faire un acteur de premier plan de la garantie du droit d'asile , en théorie couverte par l'action n° 2 du programme 303.

En effet, la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a confié à l'opérateur l'intégralité de la gestion des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, de leur accueil et de la détection des vulnérabilités au sein du guichet unique, à leur hébergement dans le cadre du dispositif national d'accueil, en passant par la gestion de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). La hausse du flux de l'asile depuis 2015 a, par ailleurs, conduit à une mobilisation de ses services sur plusieurs opérations : desserrement de la « jungle » de Calais, évacuation des campements en Île-de-France, acheminement et accueil des demandeurs d'asile depuis l'Italie et la Grèce dans le cadre de la relocalisation.

Or, hormis un transfert de 2,55 millions d'euros correspondant aux frais de gestion de l'ADA du programme 303 vers le programme 104, les documents budgétaires ne sont pas le reflet fidèle de cette nouvelle situation . L'état des dépenses par destination de l'opérateur pour 2016 fait bien apparaître 15,8 millions d'euros de dépenses d'intervention pour le premier accueil des demandeurs d'asile, mais il ne distingue pas parmi les dépenses de personnel ou de fonctionnement ce qui relève de l'asile. Il s'avère pourtant que les guichets uniques ont mobilisé, en 2016, 97 ETP contre 77 initialement prévus, que la gestion de l'ADA, du fait des montants en jeu (25 millions d'euros mensuels en moyenne), nécessite des moyens également importants, et que les diverses opérations évoquées ci-dessus ont rendu nécessaire un abondement de la ligne « transport des demandeurs d'asile » au sein du budget de l'établissement de 1,5 million d'euros.

Dès lors, votre rapporteur s'interroge sur l'opportunité du maintien du rattachement de cet opérateur au programme 104.

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