C. DES ALTERNATIVES À L'INCARCÉRATION INSUFFISAMMENT DÉVELOPPÉES

L'inadaptation du parc immobilier carcéral à la population placée sous main de justice s'explique enfin par le faible nombre de mesures alternatives à l'incarcération et d'aménagements de peine. En outre, votre rapporteur pour avis rappelle qu'au phénomène de surpopulation carcérale, s'ajoute un fort nombre de personnes placées sous main de justice suivies en milieu ouvert.

1. La crédibilité des peines alternatives à l'incarcération en question

Les peines alternatives à l'emprisonnement le plus fréquemment prononcées concernent des peines en lien avec le permis de conduire ou entraînant la confiscation d'un véhicule (sur le fondement de l'article 131-6 du code pénal).

Plusieurs dispositions peuvent également être mobilisées par les juridictions : le sursis avec mise à l'épreuve (article 132-41 du code pénal), le travail d'intérêt général (article 131-8 du code pénal), les jours-amende (article 131-5 du code pénal), les stages (stage de citoyenneté - 131-5-1 du code pénal, stage de sensibilisation aux dangers de la drogue ou stage de responsabilité parentale, stage de sensibilisation à la sécurité routière
- article 131-35-1 du code pénal), la sanction-réparation (articles 131-8-1 et 131-15-1 du code pénal), qui restent insuffisamment connues, ou encore la contrainte pénale, créée par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales , susceptible d'être prononcée, à compter du 1 er janvier 2017 , pour tous les délits.

Récemment, avec la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, le cadre législatif a été complété pour permettre le prononcé de la mesure de travail d'intérêt général même à l'encontre d'une personne absente à l'audience, lorsque ce dernier a fait connaître son accord par écrit et est représenté par un avocat.

Votre rapporteur regrette l'absence de lisibilité du panel des mesures alternatives à l'incarcération . Il déplore également qu'aucune statistique ne lui ait été transmise concernant l'évolution des mesures alternatives à l'incarcération : en raison de l'élaboration de nouvelles méthodes statistiques, aucune actualisation des données n'aurait pu être produite depuis le 1 er octobre 2015.

Il est essentiel, afin de ne pas décrédibiliser les mesures alternatives à l'incarcération, d'assurer un suivi attentif de celles-ci . Or dans un référé de mars 2016 7 ( * ) , la Cour des comptes relevait le faible niveau de coopération et d'organisation entre les juges de l'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation, la mauvaise évaluation de la charge de travail de ces derniers ainsi que l'insuffisance de l'encadrement interne. Elle soulignait surtout les lacunes de la prise en charge des condamnés en dehors de la prison avec une absence générale d'évaluation initiale et objective du condamné et une faible professionnalisation des programmes de prévention de la récidive. On peut également relever que les magistrats visitent rarement les établissements pénitentiaires, ce qui leur donne une faible connaissance tant du monde des détenus que du personnel pénitentiaire.

Enfin, au 31 juillet 2016, environ 2 100 contraintes pénales avaient été prononcées par les juridictions 8 ( * ) et prises en charge par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Ce faible recours à la contrainte pénale s'explique vraisemblablement par la difficulté d'appropriation de cet outil par les magistrats et l'absence de différenciation claire avec la mesure de sursis avec mise à l'épreuve. Dans ce contexte, il apparaît peu souhaitable, comme cela devrait malheureusement être le cas en raison de l'application automatique du II de l'article 19 de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 précitée, d'étendre l'application de cette peine à tous les délits à compter du 1 er janvier 2017 .

2. La stagnation des aménagements de peine

Au 1 er octobre 2016, 20,3 % des personnes écrouées bénéficiaient d'un aménagement de peine.

Le suivi post-incarcération est aujourd'hui essentiellement assuré dans le cadre d'un placement sous surveillance électronique qui ne permet pas un accompagnement personnalisé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Ainsi, au 1 er octobre 2016, 79,9 % des condamnés faisant l'objet d'un aménagement de peine étaient placés sous surveillance électronique , le recours au bracelet électronique étant plébiscité en raison de son faible coût journalier (9,94 euros en 2015).

Il est particulièrement préoccupant de constater cette même tendance parmi les condamnés faisant l'objet d'une libération sous contrainte 9 ( * ) . Au 1 er octobre 2016, 70,8 % des personnes bénéficiant d'une libération sous contrainte et toujours suivies par les SPIP dans ce cadre, soit 349 mesures, s'exécutaient sous le régime du placement sous surveillance électronique. Seuls 111 condamnés, soit 22,5 % des condamnés sous le régime de la libération sous contrainte, étaient placés en semi-liberté et 33 (6,69 %) en placement extérieur.

Coût des aménagements de peine

Période

Placement extérieur
avec facturation

Semi-liberté

Surveillance
électronique

2010

29,04 €

47,68 €

15,50 €

2011

31,32 €

48,61 €

10,43 €

2012

30,07 €

47,34 €

11,67 €

2013

31,20 €

50,36 €

12,17 €

2014

32,89 €

53,34 €

11,01 €

2015

33,42 €

89,24 €

9,94 €

Source : projet annuel de performances pour la mission « Justice » annexé au projet de loi de finances pour 2017

Contrairement à 2015, le nombre de condamnés en semi-liberté est en augmentation (+ 4,2 %) pour atteindre un effectif de 1 607 personnes au 1 er octobre 2016, soit 13,3 % des aménagements de peine. Votre rapporteur pour avis souligne néanmoins que le coût d'une journée de placement en semi-liberté (53,34 euros en 2014), augmente d'environ de 67 % en raison de cette sous-utilisation.

Votre rapporteur salue les efforts fournis par l'administration pénitentiaire pour surmonter les obstacles à une mise en oeuvre large de cette mesure, notamment dans l'adaptation des horaires aux contraintes d'un emploi. La même démarche doit désormais être entreprise pour les placements à l'extérieur qui ont diminué de près de 8 % en un an alors même qu'ils présentent un intérêt majeur pour prévenir la récidive. Cette mesure est cependant fragile en tant qu'elle repose essentiellement sur le tissu associatif. Dans le référé précité de mars 2016, la Cour des comptes relevait que ces conventions pourraient s'inscrire dans le cadre d'une procédure de marché public de prestation de services.

Votre rapporteur relève également que la mesure de la libération sous contrainte reste peu prononcée : le nombre de personnes écrouées dans ce cadre a diminué de 9,4 % en un an.

Entendue par votre rapporteur pour avis, Mme Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté, a regretté, pour les très courtes peines, la faiblesse du nombre d'aménagements et le nombre important de sorties sèches. Or ces incarcérations brèves sont porteuses, à l'issue de la peine, d'un fort risque de désocialisation pour les personnes concernées.

Enfin, à l'instar de la Cour des comptes, votre rapporteur regrette l'absence d'outils d'évaluation de la prise en charge des condamnés par le SPIP. Or un renforcement des moyens fléchés vers les aménagements de peine ne sera légitimé que par la preuve de l'efficacité de ces programmes dans le temps.


* 7 Cour des comptes, référé du 22 mars 2016 sur la prise en charge et le suivi, par l'administration pénitentiaire, des majeurs condamnés.

* 8 Avec une forte concentration puisque 24 tribunaux de grande instance sont à l'origine de la moitié des peines de contrainte pénale.

* 9 Une libération sous contrainte est un dispositif d'aménagement des peines qui peut être accordé lorsque la personne a été condamnée à 5 ans de prison maximum et qu'elle a déjà effectué les deux tiers de sa peine. La libération sous contrainte peut s'effectuer sous forme d'une libération conditionnelle, de semi-liberté, d'un placement sous bracelet électronique ou d'un placement à l'extérieur.

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