I. UN BUDGET EN AUGMENTATION

Les crédits de paiement de la mission « Justice », qui avaient déjà augmenté en 2016 (+ 299 millions d'euros) et 2015 (+ 88 millions d'euros) connaissent une nouvelle augmentation de près de 4,8 % en 2017 (+ 391 millions d'euros).

Concernant les quatre programmes étudiés dans le présent avis, leurs crédits de paiement progressent en moyenne au même rythme que ceux de la mission « Justice » (4,8 %), augmentant ainsi de près de 188 millions d'euros, après une progression de 182,6 millions d'euros en 2016. Ces deux années d'augmentation constituent toutefois une forme de rattrapage par rapport à l'année 2015, où leurs crédits de paiement avaient régressé de 51 millions d'euros, alors que ceux de la mission « Justice » augmentaient.

Si la part des crédits de paiement des programmes suivis dans le présent avis reste stable à hauteur de 47,9 % du total des crédits ouverts, celle des autorisations d'engagement de ces mêmes programmes régresse de huit points entre 2016 et 2017. Les autorisations d'engagement de la mission « Justice » augmentent ainsi de près de 26,5 % (+ 2,2 milliards d'euros), alors que les autorisations d'engagement des quatre programmes suivis par le présent avis n'augmentent que de 4,4 % (+ 179 millions d'euros) sur la même période.

Sur le total de l'augmentation des autorisations d'engagement de la mission « Justice », près de 2 milliards d'euros sont dédiés au programme 101 « Administration pénitentiaire ». En effet, l'essentiel de cette enveloppe s'explique par l'engagement pris par le Gouvernement en vue du lancement de la première phase de construction ou d'extension d'établissements pénitentiaires.

Toutefois pour 2017, l'ensemble de ces augmentations est réduite par l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement à l'initiative du Gouvernement en seconde délibération, réduisant de près de 42 millions d'euros les crédits de paiement et autorisations d'engagement de la mission « Justice » dont 18,3 millions concernant les quatre programmes suivis dans le présent avis 8 ( * ) .

Globalement, les crédits de paiement des programmes suivis par le présent avis ont augmenté de 14 % en moyenne depuis 2012, quand l'ensemble des crédits de la mission « Justice » a progressé de 16 %. La part des crédits relatifs aux programmes suivis par le présent avis a donc reculé de deux points, dans un contexte d'augmentation budgétaire notable, en raison de la priorité relative accordée à l'administration pénitentiaire. Le tableau ci-après détaille ces évolutions.

A. LE PROGRAMME « JUSTICE JUDICIAIRE »

Ce programme comprend l'ensemble des dépenses des juridictions judiciaires, du personnel affecté au sein du réseau judiciaire de proximité 9 ( * ) , ainsi que celui du casier judiciaire national. Il comprend également les crédits correspondant au budget de l'École nationale des greffes (ENG) et la subvention versée à l'École nationale de la magistrature (ENM).

1. Des crédits de paiement et des autorisations d'engagement globalement en progression

La programme « Justice judiciaire », dont les crédits de paiement avaient déjà augmenté en 2016 (+ 145 millions d'euros), connaît une nouvelle augmentation en 2017 (+ 119 millions d'euros), certes moins importante en valeur absolue que l'année passée. Ces deux années d'augmentation font toutefois suite à une année de diminution des crédits de paiement, de 45 millions d'euros en 2015.

En 2017, ce programme progresse toutefois dans une proportion moindre (3,7 %) que la moyenne des programmes suivis dans cet avis (4,8 %). Ses crédits de paiement (CP) atteignent ainsi 3,329 milliards dans le projet de loi de finances pour 2017, contre 3,210 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2016.

Évolution 2016-2017 des crédits du programme « J ustice judiciaire »
(en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2017/2016 (en %)

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2017/2016 (en %)

1- Traitement et jugement des contentieux civils

968,59

969,14

0,1 %

968,59

969,14

0,1 %

2- Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

1 051,82

1 209,88

15,0 %

1 051,82

1 209,88

15,0 %

3- Cassation

48,14

50,44

4,8 %

48,14

50,44

4,8 %

5- Enregistrement des décisions judiciaires

10,74

11,85

10,3 %

10,74

11,85

10,3 %

6- Soutien 10 ( * )

1 024,18

1 018,68

-0,5 %

986,71

912,47

-7,5 %

7- Formation

116,96

151,70

29,7 %

116,96

151,70

29,7 %

8- Support à l'accès au droit et à la justice

27,16

23,23

-14,5 %

27,16

23,23

-14,5 %

Total

3 247,59

3 434,92

5,8 %

3 210,12

3 328,71

3,7 %

Source : Commission des lois du Sénat à partir du projet annuel de performance pour 2017.

Votre rapporteur pour avis relève que l'essentiel de la hausse des crédits profite à l'action relative à la « Conduite de la politique pénale et [au] jugement des affaires pénales » (+ 15 % de ses crédits de paiement, soit + 158 millions d'euros), quand l'action relative aux « Traitement et jugement des contentieux civils » ne progresse que de 1 % (tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement), soit seulement un demi-million d'euros.

Toutefois, un amendement adopté en seconde délibération à l'Assemblée nationale a réduit les crédits du programme « Justice judiciaire » de 8,2 millions d'euros, hors dépenses de personnel. Cette diminution représente près de 7 % du montant de l'augmentation initiale prévue pour les services judiciaires, mais seulement 0,3 % du budget total alloué aux services judiciaires. Celui-ci demeure en hausse de 3,5 % en crédits de paiement à 3,321 milliards d'euros et de 5,5 % en autorisations d'engagement à 3,427 milliards d'euros.

Depuis 2012, les crédits de paiement du programme « Justice judiciaire » ont progressé de près de 12 %. Toutefois, parmi les programmes suivis par le présent avis, il constitue celui qui progresse le moins et dont la progression est inférieure de près de quatre points à la moyenne de progression des crédits de paiement alloués à la mission « Justice ».

2. L'essentiel de la hausse budgétaire au bénéfice de nouveaux emplois affectés à la lutte contre le terrorisme

Le schéma d'emplois de la Chancellerie 11 ( * ) repose sur la création nette de 600 emplois pour les services judiciaires, soit presque quatre fois plus que l'an passé. Ces emplois correspondent aux deux tiers de la hausse des crédits pour le programme 166 « Justice judiciaire » (près de 80 millions d'euros supplémentaires). Il s'agit principalement d'emplois de greffiers (+ 465), de magistrats (+ 238) et d'assistants de justice (+ 134). Comme les années précédentes, ces créations sont permises, notamment, par la conversion d'emplois de catégorie C, non remplacés (- 310), en emplois de greffiers.

L'effort accompli en faveur de la lutte contre le terrorisme, qui fait l'objet de plans successifs (PLAT) 12 ( * ) depuis 2015, explique l'essentiel du solde positif du schéma d'emplois proposé pour 2017, comme pour les deux derniers exercices, surtout pour les magistrats.

Schéma d'emplois du programme
« Justice judiciaire » pour 2017
(en ETP 13 ( * ) )

Catégorie d'emploi

Entrées prévues

Sorties prévues

Solde des emplois du programme

Dont PLAT

Magistrats de l'ordre judiciaire

547

309

+ 238

+ 205

Personnels d'encadrement

249

115

+ 134

+ 47

B métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif

851

386

+ 465

+ 136

B administratifs et techniques

101

28

+ 73

+ 30

Juristes assistants

-

-

-

+ 100

C administratifs et techniques

462

772

- 310

+ 50

Total

2 210

1 610

+ 600

+ 568

Sources : projet annuel de performance pour 2017 et commission des lois du Sénat.

Évolution du schéma d'emplois du programme
« Justice judiciaire » depuis 2012
(en ETP)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde des emplois proposés en loi de finances initiale

+ 282

+ 142

+ 45

+ 183

+ 157

+ 600

Part PLAT

-

-

-

73 %

73 %

95 %

Sources : projet annuel de performance pour 2017,
ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

Concernant l'entrée en fonction de ces personnels, d'après les informations transmises par la Chancellerie à votre rapporteur pour avis, les effets de ce renforcement pluriannuel des effectifs seront différés en raison des phases de formation correspondantes. En effet, la durée de la formation est de 31 mois 14 ( * ) pour les magistrats à l'École nationale de la magistrature (ENM), de 18 mois pour les greffiers à l'École nationale des greffes (ENG). Lors de son audition par votre commission sur le projet de loi de finances pour 2017, le garde des sceaux , M. Jean-Jacques Urvoas , a indiqué à votre rapporteur pour avis que les créations d'emplois étaient des « cibles, dont l'atteinte dépendra des résultats aux concours ».

3. Peu de créations d'emplois destinées à d'autres priorités

Au sein de ce schéma proposant la création de 600 emplois supplémentaires, seulement 32 d'entre eux ne sont pas dédiés au PLAT 15 ( * ) . Cette création nette de 32 emplois correspond au solde entre la création de 399 postes d'une part et le redéploiement de 367 postes d'autre part. Contrairement aux 568 emplois créés dans le cadre du PLAT, la répartition entre magistrats et fonctionnaires n'est pas encore connue pour ces 32 autres emplois créés.

Répartition de la création nette de 32 emplois « hors PLAT »
du programme « Justice judiciaire » pour 2017 (en ETP)

Créations d'emplois

Destination des emplois

Nombre d'emplois concernés

Traitement de dispositions en matière pénale

+ 20

Prévention de la récidive

+ 10

Fonctionnement général des juridictions

+ 36

Justice du XXI ème siècle

+ 37

Création de la juridiction unifiée du brevet

+ 12

Suppression de la juridiction de proximité

+ 15

Développement de l'assistance des magistrats par les greffiers

+ 232

Résorption des stocks d'affaires non traitées dans certaines juridictions 16 ( * )

+ 28

Réforme de la désignation des conseillers prud'hommaux

+ 9

Total créations d'emplois

+ 399

Économies d'emplois

Déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel

- 87

Transfert aux officiers de l'état civil de la gestion du pacte civil de solidarité (PACS)

- 70

Transfert aux officiers de l'état civil de la gestion des changements de prénom

- 8

Suppression de l'homologation obligatoire par le juge des plans de surendettement

- 38

Application de la procédure de l'amende forfaitaire à certains délits routiers

- 34

Informatisation de certaines procédures

- 80

Nouvelle cartographie des emplois issue de la réforme statutaire des greffes

- 50

Total économies d'emplois

- 367

SOLDE NET CREATION D'EMPLOIS

+ 32

Sources : projet annuel de performance pour 2017 et commission des lois du Sénat.

Selon votre rapporteur pour avis, ces créations nettes d'emplois dépendent ainsi en grande partie de redéploiements internes aux juridictions et de la réalisation d'économies d'emplois, dont deux d'entre elles paraissent prématurées pour l'année 2017. En effet, certaines mesures de déjudiciarisation prévues par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle ne pourront produire leurs effets en année pleine dès 2017. Il en est ainsi du transfert aux officiers d'état civil de la gestion des PACS, qui n'entrera en vigueur que le 1 er novembre 2017, et de la suppression de l'homologation obligatoire par le juge des plans de surendettement, prévue au 1 er janvier 2018. En conséquence, les 108 emplois que la Chancellerie prévoit de redéployer dans ces deux matières ne seront pas « libérables » en année pleine avant l'exercice 2018, ce qui pose, selon votre rapporteur pour avis, un problème de sincérité budgétaire.

Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis ne peut qu'émettre des réserves sur la création effective de ces 32 emplois supplémentaires.

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur ce point lors de son audition par votre commission, le garde des sceaux , M. Jean-Jacques Urvoas , a indiqué que « le nombre de postes ne relevant pas de la lutte antiterroriste [était] plus élevé que 32 », précisant que « des magistrats référents en la matière [ avaient été nommés ] dans chaque parquet , [et] remplissaient toutefois d'autres tâches ». Selon le ministre, le bénéfice des emplois créés dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme permet « d'améliorer le fonctionnement des juridictions, en facilitant la gestion des dossiers extraordinaires » .

En outre, votre rapporteur pour avis souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur un sujet dont lui ont fait part les représentants des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires entendus en audition.

Il s'agit d'une inquiétude concernant les conséquences de la mise en oeuvre de la réforme relative aux mesures de rétention des étrangers, qui modifie les conditions d'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) 17 ( * ) , en vigueur depuis le 1 er novembre 2016. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par la Chancellerie, ces mesures nécessiteraient un besoin supplémentaire de 28 ETPT de magistrats et de 15 ETPT de fonctionnaires (dont 10 ETPT de greffiers).

Votre rapporteur pour avis s'interroge donc sur la prise en compte de ce besoin dans le schéma d'emplois décrit précédemment 18 ( * ) , aucun document budgétaire n'en faisant mention, et souhaite que cet impact puisse être intégré dans le budget des services judiciaires.

Enfin, il s'agit également pour le Gouvernement de financer la mise en oeuvre de mesures catégorielles à hauteur de 15,6 millions d'euros (inclus dans le périmètre des 80 millions d'euros consacrés aux dépenses de personnel). Celles-ci ont plusieurs objets distincts :

- la poursuite de la réforme du statut des greffiers ;

- la revalorisation de la prime de fonction des chefs de juridiction ;

- la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) 19 ( * ) , ainsi que du nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) 20 ( * ) .


* 8 Les développements qui suivent sont réalisés à partir du projet de loi de finances initial pour 2017.

* 9 Maisons de la justice et du droit, commissions départementales d'accès au droit et bureaux d'aide juridictionnelle.

* 10 Le projet de loi de finances pour 2017 présente un changement de périmètre concernant la présentation par action des frais de justice. Les dépenses de frais de justice qui étaient prises en charge par le budget central des services judiciaires, jusqu'ici imputées sur l'action n° 6 « Soutien », sont désormais intégralement imputées sur l'action n° 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales ». C'est ce qui explique tant la baisse de cette action au sein du programme 166 « Justice judiciaire », que l'augmentation sensible de l'action n° 2.

* 11 Inchangé suite à l'adoption de l'amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, réduisant de 8,2 millions d'euros les AE et CP des services judiciaires, la réduction de crédit ne concernant pas le titre 2 dédié aux dépenses de personnel.

* 12 Le plan de lutte anti-terrorisme est souvent abrégé dans les documents budgétaires par l'acronyme « PLAT », ou « PLAT 1 » et « PLAT 2 », pour la période à laquelle ils sont mis en oeuvre, respectivement les années 2015 et 2016 pour le premier et 2017 pour le second.

* 13 Le schéma d'emploi, non prévu par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), fixe, pour chaque ministère, le niveau des créations et des suppressions de postes (solde net). L'unité de compte est ici l'équivalent temps plein (ETP).

* 14 Par exemple, les magistrats de la promotion 2016, recrutés par concours en 2015, devraient être affectés en juridiction en 2018.

* 15 Cf . p. 56 du projet annuel de performance pour 2017.

* 16 Cette disposition concerne : les conseils de prud'hommes, les tribunaux pour enfants et les tribunaux d'instance.

* 17 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 18 La totalité du besoin en effectifs sur cette seule réforme (+ 45 ETPT) dépasse le nombre d'emplois supplémentaires que le Gouvernement propose de créer, en plus des emplois dédiés à la lutte contre le terrorisme.

* 19 Le protocole PPCR est un accord qui concerne les trois fonctions publiques et porte réforme de l'architecture statutaire, des grilles de rémunération et de la gestion des fonctionnaires.

* 20 Ce régime indemnitaire va devenir, d'ici 2016, le nouvel outil indemnitaire de référence et remplacer la plupart des primes existantes dans la fonction publique de l'État.

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