II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : APPROUVER ET COMPLETER LA PROPOSITION DE LOI POUR ADAPTER LA « LOI LITTORAL »

Votre commission salue la cohérence de cette proposition de loi , même si son intitulé aurait pu gagner en modestie.

Toutefois, le texte transmis au Sénat soulève certaines difficultés juridiques et demeure incomplet : il ne règle pas les difficultés d'aménagement des territoires littoraux alors que cette question s'avère essentielle pour envisager la relocalisation d'activités et d'habitations menacées par le recul du trait de côte.

A. UN TEXTE COHÉRENT MAIS SOULEVANT CERTAINES DIFFICULTÉS JURIDIQUES

L'intérêt de cette proposition de loi est certain : elle offrirait de nouveaux instruments à l'État et aux élus locaux pour faire face au recul du trait de côte.

Votre rapporteur pour avis partage l'objectif de ce texte : maintenir les activités proches du rivage lorsque cela est possible et organiser, à moyen terme, leur repli vers l'arrière-pays.

Les différents travaux d'évaluation doivent être poursuivis , notamment sous l'égide du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). De même, les modalités de financement de la présente réforme - et notamment le fonctionnement du nouveau fonds d'adaptation au recul du trait de côte 30 ( * ) - manquent de précisions et donc de crédibilité.

Lors de ses travaux, votre commission a poursuivi deux objectifs : renforcer le rôle des élus locaux dans la gestion de ce risque, d'une part, et lever les incertitudes juridiques soulevées par le texte transmis au Sénat, d'autre part.

1. Le renforcement du rôle des élus locaux

Le maintien des activités dans des zones menacées par le recul du trait de côte suppose la mobilisation de l'État mais également des élus locaux . Sur le terrain, la réussite de la proposition de loi dépendra de leur capacité à acquérir par préemption des biens menacés puis à les remettre à la disposition des particuliers via un bail réel immobilier littoral (BRILi).

Comme le souligne Mme Pascale Got, rapporteur de l'Assemblée nationale, « rien n'est obligatoire : les élus peuvent encore connaître toutes les difficultés possibles et imaginables sur leur territoire, étant entendu que, au bout du compte, ce sont les populations et les acteurs économiques qui seront directement concernés » 31 ( * ) .

Votre commission des lois propose de renforcer le rôle des élus locaux : les zones d'activité résiliente et temporaire (ZART) seraient issues d'une véritable initiative des territoires et non d'une décision unilatérale de l'autorité préfectorale .

Concrètement, ces zones seraient créées « sur proposition d'une collectivité territoriale ou d'un groupement concerné » (amendement COM-9) .

De même, il convient d' inciter les personnes publiques (bailleurs) à utiliser les BRILi pour remettre certains biens à la disposition des particuliers (preneurs).

Dès lors, votre commission a veillé à assurer la sécurité juridique des bailleurs mais aussi l'équilibre de leurs relations contractuelles avec les preneurs .

Elle propose d'interdire toute résiliation unilatérale du BRILi (amendement COM-16) pour offrir une plus grande visibilité aux cocontractants 32 ( * ) , alors que le texte transmis par l'Assemblée nationale offrait une possibilité de résiliation unilatérale aux seuls preneurs.

Votre commission souhaite, en outre, subordonnée à l'accord du bailleur la cession par le preneur de son droit au bail à une tierce personne (amendement COM-21) 33 ( * ) . Elle a également rappelé que le loyer fixé par le bailleur devait correspondre à la valeur réelle du bien, les personnes publiques ne pouvant pas consentir des libéralités 34 ( * ) (amendement COM-20) .

Enfin, votre commission des lois a précisé l'articulation entre la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte et les schémas de cohérence territoriale (SCoT) dans une logique de simplification des procédures d'urbanisme (amendement COM-10) .

2. Des incertitudes juridiques à lever

Bien que cohérent, le texte transmis au Sénat soulève trois difficultés juridiques que votre commission des lois propose de lever.

En premier lieu, nos collègues députés ont qualifié l'article 2 bis relatif à l'indemnisation des occupants de l'immeuble Le Signal de « disposition interprétative » 35 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis constate cependant que cet article modifierait les critères d'éligibilité au « fonds Barnier » et qu'il ne répond pas aux critères de définition d'une « simple » disposition interprétative. Dès lors, il apparaît préférable de prévoir, « en dur » , un nouveau cas d'éligibilité au « fonds Barnier » pour permettre l'indemnisation de ces personnes sinistrées (amendement COM-8) .

En deuxième lieu, votre commission des lois propose de supprimer l'article 8 bis relatif au devoir d'information des professionnels de l'immobilier. Si votre rapporteur pour avis partage l'objectif de cette disposition, il rappelle que ces professionnels sont d'ores et déjà soumis à un devoir de conseil et que l'article 8 bis , qui ne traite que du risque de recul du trait de côte, pourrait créer des effets d' a contrario non désirés 36 ( * ) (amendement COM-11) .

En dernier lieu, votre commission souhaite supprimer l'article 10 qui interdirait aux personnes publiques et assimilées d'aliéner les biens de leur domaine privé situés dans une zone d'activité résiliente et temporaire (ZART). Cet article constitue, en effet, une atteinte au droit de propriété des personnes publiques et présente un fort risque d'inconstitutionnalité (amendement COM-13) .


* 30 Fonds qui serait créé par l'article 13 de la proposition de loi.

* 31 Compte rendu intégral de l'Assemblée nationale, deuxième séance du jeudi 1 er décembre 2016.

* 32 En toute hypothèse, les résiliations à l'amiable et les résiliations pour faute d'une des parties resteraient possibles.

* 33 Alors que le texte transmis par l'Assemblée nationale prévoyait, dans cette hypothèse, une simple information du bailleur.

* 34 Conseil d'État, 17 mars 1893, Chemins de fer de l'Est .

* 35 Cf. le commentaire de l'article 2 bis pour plus de précisions sur cette notion.

* 36 Effets « d'a contrario » qui consisterait, par exemple, à penser que les agents immobiliers n'ont pas la même obligation d'information concernant les autres risques naturels (inondations, avalanches, etc. ).

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