TITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉCOLE ET À LA FORMATION

Article 13 A (art. L. 3232-7-1 du code de la santé publique) - Sensibilisation des élèves ultramarins du primaire sur les questions nutritionnelles

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, prévoit l'organisation d'une sensibilisation sur les questions nutritionnelles à l'intention des élèves du primaire des établissements scolaires ultramarins.

I - Le dispositif proposé

Adopté par la commission des affaires sociales sur proposition de sa rapporteure pour avis, Monique Orphé, députée de La Réunion, le présent article entend inscrire dans la loi l'organisation d'une sensibilisation sur les questions nutritionnelles à destination des élèves du primaire de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon .

Il est précisé que cette sensibilisation devra notamment porter sur la question du lien entre une alimentation trop riche en sucre et la survenance éventuelle du diabète.

Cette mesure prendra la forme d'un nouvel article L. 3232-7-1 du code de la santé publique, qui s'insèrera à la suite des dispositions introduites par la loi n° 2013-453 du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer. Celles-ci visent notamment à aligner les dates de péremption et les teneurs en sucres ajoutés des produits distribués en outre-mer sur celles des denrées vendues dans l'hexagone.

II - La position de la commission

Votre rapporteur souscrit pleinement à l'objectif poursuivi par les auteurs de cet article, dans la mesure où le surpoids et l'obésité, ainsi que les pathologies chroniques associées (diabète et maladies cardio-vasculaires, notamment), connaissent une progression particulièrement préoccupante, voire une explosion, dans la plupart des outre-mer . 35 % des Réunionnais sont ainsi en surpoids, 15 % en obésité, et la prévalence du diabète y atteint 10 % soit le double de la moyenne nationale. A Mayotte, l'obésité concernerait près de 40 % des hommes, et jusqu'à 72 % des femmes.

Cette évolution est en partie liée à l'évolution rapide des modes de vie et d'alimentation traditionnels, et n'est pas exclusive de la persistance de situations de malnutrition touchant particulièrement les enfants, notamment à Mayotte et en Guyane.

S'il apparaît indispensable, face à cette situation, de sensibiliser les ultramarins dès le plus jeune âge sur l'importance d'une alimentation équilibrée, il semble que cette ambition soit déjà satisfaite par l'article L. 312-17-3 du code de l'éducation . Celui-ci, applicable à l'ensemble du territoire national, prévoit en effet que « une information et une éducation à l'alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire, cohérentes avec les orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé mentionné à l'article L. 3231-1 du code de la santé publique et du programme national pour l'alimentation mentionné à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, sont dispensées dans les écoles , dans le cadre des enseignements ou du projet éducatif territorial mentionné à l'article L. 551-1 du présent code ».

Cette information générale est adaptée, sur le terrain, aux problématiques spécifiques rencontrées par chaque territoire. La déclinaison ultramarine du programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS) et du plan obésité (PO) 134 ( * ) fait ainsi référence à l'éducation à la santé nutritionnelle dans les établissements scolaires, ainsi qu'à la mise en place d'opérations pédagogiques dans ce cadre (comme par exemple l'opération« un fruit au goûter »).

D'autres dispositifs tels que les Ecoles Carambole, visant à la promotion de la santé nutritionnelle, existent par ailleurs dans plusieurs territoires ultramarins.

Votre commission a adopté l'amendement ( COM-208 ) de suppression de cet article, présenté par son rapporteur.

Votre commission propose donc à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 13 B (art. L. 3323-2 et L. 3335-2 [nouveau] du code de la santé publique) - Interdiction de l'affichage publicitaire pour les boissons alcooliques à proximité d'un établissement scolaire

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, prévoit l'interdiction de l'affichage publicitaire pour les boissons alcooliques à proximité d'un établissement scolaire.

I - Le dispositif proposé

Inséré dans le texte adopté par la commission des lois à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, Monique Orphé, députée de la Réunion, cet article complète le chapitre V du titre III du livre III de la troisième partie du code de la santé publique, relatif aux zones protégées, qui instaure, dans les départements d'outre-mer, à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, une distance minimale autour de certains édifices pour l'installation des débits de boissons, pour prévoir une distance minimale autour des « établissements d'instruction publics et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse » à laquelle la publicité en faveur des boissons alcooliques est interdite.

II - La position de la commission

Au cours de son déplacement à La Réunion avec une délégation de la commission des affaires sociales, votre rapporteure a pu constater des difficultés liées au respect de la loi Évin sur ce territoire. Elle considère par conséquent qu'il serait d'ores et déjà nécessaire de veiller à la bonne application des textes existants.

Pour autant, votre commission partage la volonté de protéger les plus jeunes en interdisant la publicité à proximité des établissements scolaires. Cette même préoccupation a été à l'origine de la proposition de loi 135 ( * ) présentée par notre collègue Claire-Lise Campion et plusieurs de ses collègues le 1 er août 2013 permettant aux maires d'interdire la publicité par voie d'affichage en faveur des boissons alcooliques aux abords des établissements d'enseignement scolaire mais également à proximité des centres de loisirs.

La mesure proposée ne visant que les départements d'outre-mer, elle constitue une forme d'expérimentation avant, le cas échéant, l'adoption d'une mesure applicable à l'ensemble du territoire national.

Votre commission propose de modifier la rédaction de cet article pour insérer la disposition nouvelle au sein du chapitre III du livre III relatif à la publicité des boissons, plutôt qu'au sein du chapitre V relatif à l'installation des débits de boissons. Il s'agit en effet d'encadrer la publicité et non la mise en vente des boissons alcooliques.

Votre commission a adopté un amendement ( COM-197 ) de son rapporteur modifiant la rédaction de cet article.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 13 - Assouplissement des conditions d'accès à la validation des acquis de l'expérience

Objet : Cet article prévoit la suppression, à titre expérimental, de la durée minimale d'expérience requise pour bénéficier d'une validation des acquis de l'expérience au profit de personnes accompagnées, dans les collectivités d'outre-mer, par des organismes d'aide à la création d'entreprise.

I - Le dispositif proposé

Plusieurs voies cohabitent pour obtenir un diplôme ou un titre professionnel. Outre la formation initiale, qu'elle soit scolaire, universitaire, ou en apprentissage, et la formation professionnelle continue, la validation des acquis de l'expérience (VAE) permet à des personnes justifiant d'une certaine durée d'activité professionnelle dans le domaine concerné de la voir reconnue comme équivalente aux enseignements théoriques et pratiques délivrés dans le système de formation.

Initiée sous sa forme actuelle par la loi du 17 janvier 2002 136 ( * ) , la VAE requiert pour être recevable, depuis la loi du 8 août 2016 137 ( * ) , une durée minimale d'activité d'un an de la part du demandeur, exercée de façon continue ou non, contre trois ans auparavant. Il appartient à un jury , composé au moins au quart de professionnels 138 ( * ) , de valider ces acquis et de délivrer l'intégralité d'un titre professionnel ou seulement une partie de certification . Il se prononce à partir du dossier du candidat et à l'issue d'un entretien avec lui voire, dans certains cas, après une mise en situation professionnelle .

Selon l'article L. 6412-2 du code du travail, il appartient à l'organisme qui délivre la certification (ministères de l'éducation nationale ou du travail, conservatoire national des arts et métiers, chambres consulaires, branches professionnelles, etc.), de se prononcer sur la recevabilité de la demande de VAE qui lui est formulée.

Il convient par ailleurs de noter que, depuis la loi du 5 mars 2014 139 ( * ) , toute personne dont la candidature à une VAE a été déclarée recevable peut bénéficier d'un accompagnement dans la préparation de son dossier et de son entretien avec le jury. Il a notamment pour objet d'aider les candidats à valoriser leurs activités et leurs expériences professionnelles en fonction des exigences du référentiel de la certification visée, ainsi qu'à formaliser leur dossier 140 ( * ) . Il est adapté en fonction de leurs besoins, et les régions sont chargées de son organisation pour les demandeurs d'emploi.

Le présent article 13 propose, à titre expérimental , d' élargir les conditions d'accès à la VAE à certains publics résidant à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin ou Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de loi, les personnes ayant engagé une démarche de création d'entreprise avec un organisme de micro-crédit comme l'association pour le droit à l'initiative économique (Adie) ne pourront se voir opposer la durée minimale d'un an d'expérience professionnelle requise pour bénéficier de la VAE.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

III - La position de la commission

Au cours de ses auditions, votre rapporteur a pu mesurer les réserves que cet article 13 suscite chez certains des principaux acteurs impliqués dans la promotion et le développement de la VAE.

La crainte d'une dévalorisation supplémentaire de ce mode d'acquisition d'une qualification, qui ferait suite à l'abaissement de trois à un an, par la loi du 8 août 2016 141 ( * ) , de la durée minimale d'activité requise pour présenter un dossier, a été à plusieurs reprises évoquée. Il a ainsi été souligné que cette condition permet de garantir un niveau plancher de connaissances de la part des candidats et que sa suppression risquerait d'accroître le taux d'échec.

Comme l'a expliqué à votre rapporteur le représentant de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA), il convient de garantir la meilleure préparation possible des personnes souhaitant valider les acquis de leur expérience à leur mise en situation devant le jury , grâce notamment à un accompagnement dès le début du processus.

Il semblerait par ailleurs que cet article 13 ait été élaboré antérieurement à l'abaissement de la durée minimale d'activité requise pour bénéficier de la VAE . En effet, son étude d'impact fait toujours référence aux trois années en vigueur avant la loi du 8 août 2016 (p. 50), alors que le passage à un an figurait dans la version initiale de l'article 34 du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs 142 ( * ) déposé à l'Assemblée nationale le 24 mars 2016.

De plus, cette étude d'impact apparaît pour le moins lacunaire : elle ne fournit aucune information sur la situation de la VAE aujourd'hui dans les collectivités d'outre-mer , ni sur le nombre potentiel de bénéficiaires de l'expérimentation. Elle ne mentionne pas les secteurs d'activité qui pourraient être les premiers concernés ou les principales qualifications qui seraient visées. Enfin, son analyse des impacts économiques de cette disposition semble quelque peu optimiste en la qualifiant « d'appui essentiel au développement économique des départements d'outre-mer » (p. 51)
et en estimant qu'elle accroîtra les ressources fiscales de l'Etat et l'assiette des cotisations sociales. Elle affirme également, avec plus de prudence, que cette mesure serait « susceptible » d'engendrer un accroissement de la taille moyenne des entreprises.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, la VAE n'en serait pourtant qu'à ses balbutiements outre-mer , et n'y concernerait que quelques centaines de personnes par an. Ainsi, en 2015, seulement 123 titres professionnels relevant du ministère de l'emploi auraient été délivrés au titre de la VAE. Il convient donc de relativiser la portée de cette expérimentation . Néanmoins, l'étude d'impact fournit des éléments sur son objectif réel : faire sortir de l'emploi informel des travailleurs en leur permettant d'acquérir une qualification et de créer leur entreprise. Selon une étude de l'ADIE qu'elle cite, près des trois quarts des travailleurs informels de Guyane exercent leur activité dans ce cadre depuis plus d'un an.

Il est dès lors légitime d'adapter, dans un cadre expérimental, la VAE aux spécificités des économies des collectivités ultramarines . Au vu du public spécifique qui est concerné et de la nécessité de lutter contre l'économie informelle et de soutenir l'entreprenariat, il peut effectivement être envisagé de suspendre temporairement l'application du critère de la durée minimale d'expérience requise pour bénéficier de la VAE. Il convient toutefois de rappeler que le jury reste souverain pour attribuer ou non le diplôme , quels que soient le profil du candidat ou l'accompagnement dont il a pu bénéficier.

Dans son avis 143 ( * ) du 28 juillet 2016 sur le projet de loi, le Conseil d'Etat a estimé que l'expérimentation prévue au présent article était justifiée « au regard des caractéristiques et des contraintes particulières des collectivités susceptibles de la mettre en oeuvre ». Il sera nécessaire, à son terme, de procéder à son évaluation mais cela ne doit pas dispenser, d'ici là, de conduire une réflexion sur les moyens de développer la VAE dans les collectivités d'outre-mer et de remédier aux difficultés qu'elle y rencontre aujourd'hui.

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.

Article 13 ter - Prise en charge des dépenses de tutorat engagées par les entreprises

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, permet dans un cadre expérimental la prise en charge des dépenses de tutorat des entreprises au titre de leur plan de formation.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Issu d'un amendement de notre collègue député Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, adopté en commission puis profondément réécrit en séance publique par un amendement du Gouvernement, cet article 13 ter vise à augmenter les ressources à la disposition des entreprises pour financer en leur sein des mécanismes de « tutorat » assuré en faveur des jeunes .

Dans sa version initiale , adoptée par la commission des lois, il autorisait, dans le cadre d'une expérimentation de cinq ans limitée aux départements et collectivités d'outre-mer, les entreprises d'au moins onze salariés à déduire du montant d e leur contribution au financement de la formation professionnelle , qu'elles versent à un Opca et qui s'élève à 1 % de leur masse salariale, les dépenses correspondant à une part de la rémunération des salariés assurant le tutorat d'étudiants ou d'apprentis ainsi que les éventuels compléments de salaire perçus par ces salariés en raison de cette activité supplémentaire. Il revenait au pouvoir réglementaire de définir les modalités de mise en oeuvre de cette expérimentation, notamment la part de la rémunération déductible, et le Gouvernement aurait dû remettre au Parlement, au plus tard un an avant son terme, un rapport évaluant notamment son impact sur le développement du tutorat et l'accès des jeunes les moins qualifiés à l'emploi et à la qualification.

L'adoption en séance publique d'un amendement du Gouvernement a modifié l'économie de cet article 13 ter en transformant son dispositif. Dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, cet article prévoit, à titre expérimental et pour dix-huit mois dans ces mêmes départements et collectivités d'outre-mer, que les dépenses des entreprises « liées à l'exercice de la fonction tutorale » et visant à former ses salariés pour l'accomplir peuvent être prises en charge par leur Opca sur les fonds destinés au financement du plan de formation de celles-ci, qui représentent 0,3 % de leur masse salariale lorsqu'elles comptent moins de onze salariés, 0,2 % entre onze et quarante-neuf salariés et 0,1 % entre cinquante
et trois cents salariés. Au-dessus de ce seuil, les entreprises ne sont soumises à aucune obligation de financement mutualisé de leur plan de formation.

La limite fixée à la prise en charge par les Opca des frais liés au tutorat des salariés en contrat de professionnalisation sera applicable à cette expérimentation , soit un maximum de 230 euros par mois et par salarié titulaire d'un tel contrat 144 ( * ) , dans la limite de six mois. Ce plafond est porté à 345 euros par mois lorsque le tuteur a plus de 45 ans ou qu'il encadre un jeune peu qualifié, un demandeur d'emploi de longue durée ou le titulaire d'un minima social (RSA, ASS, AAH) 145 ( * ) . La mise en oeuvre de cette expérimentation est conditionnée à la signature d'un accord entre l'Etat et les Opca destiné à en définir les modalités pratiques.

II - La position de la commission

Aux yeux de votre rapporteur, cet article 13 ter est une source de confusion entre les différents outils de la formation professionnelle continue et ses sources de financement , sans pour autant parvenir à atteindre son objectif qui semble avoir été, dans l'esprit de l'auteur de l'amendement initial, le développement de l'accès des jeunes à l'emploi. Cherchant à développer le tutorat, il ne tient pas compte des mécanismes déjà existants et détourne de son objet le plan de formation .

A l'heure actuelle, le code du travail apporte une définition précise de la notion de tutorat . Il s'agit de l'accompagnement , par un salarié d'une entreprise, d'une personne accueillie en période de professionnalisation ou en contrat de professionnalisation au sein de celle-ci 146 ( * ) .

Selon l'article D. 6325-7 de ce code, les missions du tuteur comprennent notamment l'accueil et l'information de la personne en formation, la participation à l'acquisition des savoir-faire professionnels, la liaison avec son organisme de formation ou encore l'évaluation du suivi de la formation.

La prise en charge par les Opca des dépenses liées au tutorat est déjà très largement ouverte au titre de la professionnalisation 147 ( * ) . Selon l'article L. 6232-15 du même code, ils assurent le financement de la formation des tuteurs ainsi que les coûts liés à l'exercice de la fonction tutorale . Ainsi, la formation pédagogique des tuteurs , qui comprend aussi bien les frais pédagogiques, leur rémunération et les charges sociales afférentes que d'éventuels frais de transport ou d'hébergement, est déjà financée par les Opca dans la limite de 15 euros par heure de formation et d'une durée maximale de 40 heures (art. D. 6332-90). Quant au coût, pour l'entreprise, de l'activité du tuteur, il peut lui être remboursé par l'Opca avec un plafond de 230 euros par mois et par salarié en contrat de professionnalisation et une durée maximale de six mois, sauf exception 148 ( * ) (cf. supra ).

Il convient par ailleurs de souligner que, dans le cadre d'une formation en apprentissage , chaque apprenti est encadré par un maître d'apprentissage , salarié de l'entreprise d'accueil qui a pour mission de « contribuer à l'acquisition par l'apprenti dans l'entreprise des compétences correspondant à la qualification recherchée et au titre ou diplôme préparés, en liaison avec le centre de formation d'apprentis » (art. L. 6223-5). Les Opca peuvent prendre en charge, à travers la professionnalisation, les dépenses liées à leur formation pédagogique dans les mêmes conditions que celles des tuteurs de contrats de professionnalisation. Enfin, depuis la loi du 10 juillet 2014 149 ( * ) , le recours aux stagiaires dans les entreprises est encadré : chacun d'entre eux doit être suivi par un tuteur, un salarié ne pouvant exercer cette responsabilité pour plus de trois stagiaires. De plus, le nombre de stagiaires ne peut dépasser 15 % de l'effectif de la structure d'accueil lorsque celle-ci compte au moins vingt salariés, ou trois lorsqu'elle est plus petite 150 ( * ) .

Alors que ces différentes formes de tutorat sont déjà prises en compte par le droit du travail et font l'objet, lorsqu'elles s'inscrivent dans le cadre d'un contrat de travail et d'un processus d'acquisition d'un diplôme ou d'un titre professionnels, d'une prise en charge financière grâce à des fonds dédiés, l'expérimentation prévue à l'article 13 ter repose sur un nouveau circuit financier et détourne de son objet le plan de formation .

Celui-ci, élaboré par l'employeur, vise à répondre à son obligation de maintenir l'employabilité de ses salariés 151 ( * ) . En application de l'article L. 6321-1 du code du travail, il doit assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et leur capacité à occuper un emploi, afin notamment de tenir compte de « l'évolution des emplois, des technologies et des organisations ». Il peut également contribuer au développement de leurs compétences . Son financement repose sur une part de la contribution à la formation professionnelle des entreprises qui s'élève à 0,4 % de la masse salariale en dessous de 11 salariés, 0,2 % entre 11 et 49 salariés et 0,1 % entre 50 et 299 salariés (cf. supra ).

Il est indéniable que l'exercice d'une fonction tutorale dans l'entreprise, qui est conditionné au volontariat des salariés, ne correspond pas à cette définition et l'inclusion des dépenses qui y sont liées dans le plan de formation dénaturerait ce dernier. C'est le point de vue unanime des partenaires sociaux auditionnés par votre rapporteur , et ce d'autant plus que de nombreuses possibilités de financement via la professionnalisation existent déjà.

La formation professionnelle des salariés ultramarins reste très insuffisante et ses ressources financières , en raison de la taille moyenne plus réduite des entreprises que dans l'hexagone et du poids de l'économie informelle, sont limitées . Il serait néfaste de les détourner pour un objet qui ne contribue pas directement à maintenir leur employabilité ou à développer leurs compétences, qui ne peut en aucun cas conduire à l'acquisition d'une qualification validée par un titre ou un diplôme professionnels, mais qui dispose déjà de mécanismes de prise en charge par les Opca.

La structuration de la fonction tutorale dans les entreprises et la transmission des savoir-faire entre salariés expérimentés et nouveaux embauchés doit faire l'objet d'efforts concertés à l'échelle de chaque entreprise mais également dans les branches . Il est important de rappeler ici que la négociation triennale de branche sur la formation professionnelle doit notamment traiter du développement du tutorat et de la valorisation de la fonction de tuteur, en particulier pour les salariés de plus de 55 ans 152 ( * ) . C'est à cet échelon que des impulsions doivent être données pour que ces formations internes aux entreprises se développent et pallient l'insuffisance de l'offre de formation que connaissent les collectivités ultramarines.

En conséquence, votre commission a adopté l'amendement ( COM-198 ) de suppression de cet article présenté par son rapporteur.

Votre commission propose à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 13 quater - Raccourcissement expérimental de la durée du contrat de professionnalisation outre-mer

Objet : Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, prévoit à titre expérimental, dans les départements et certaines collectivités d'outre-mer, d'abaisser à six mois la durée minimale du contrat de professionnalisation lorsqu'il est précédé d'une préparation opérationnelle à l'emploi réalisée dans l'hexagone.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, l'article 13 quater propose, dans un cadre expérimental , une nouvelle adaptation d'un dispositif de la politique de l'emploi et de développement des qualifications aux spécificités de certaines collectivités régies par l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion) et de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour une durée de trois ans à compter de la promulgation du présent projet de loi, il abaisse , sous conditions, la durée minimale du contrat de professionnalisation conclu à l'issue d'une préparation opérationnelle à l'emploi (POE) de douze à six mois.

Issu de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 20 septembre 2003 153 ( * ) et inscrit dans le code du travail par la loi du 4 mai 2004 154 ( * ) , le contrat de professionnalisation est un contrat de travail en alternance destiné aux jeunes , aux demandeurs d'emploi de plus de 25 ans et aux titulaires de minima sociaux dont l'objectif est l'acquisition d'une qualification professionnelle reconnue 155 ( * )156 ( * ) et de favoriser l'insertion ou la réinsertion dans l'emploi. Il comprend une phase d'enseignements théoriques et professionnels au sein d'un organisme de formation et une période d'acquisition d'un savoir-faire en entreprise .

Le contrat de professionnalisation peut être soit un contrat de travail à durée déterminée (CDD), soit s'inscrire dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) et prendre dans ce cas la forme d'une action de professionnalisation. En application de l'article L. 6325-11 du code du travail, sa durée est comprise entre six et douze mois , voire vingt-quatre mois pour certains bénéficiaires. Son financement est assuré par les organismes collecteurs paritaires agréés (Opca) de la formation professionnelle, grâce à la part de la contribution des entreprises en faveur de la formation professionnelle consacrée à la professionnalisation , qui s'élève à 0,15 % de la masse salariale lorsqu'elles ont moins de onze salariés, 0,3 % entre onze et 299 salariés et 0,4 % au-delà de ce seuil.

Dans certaines circonstances, une durée minimale de contrat de douze mois est requise . C'est notamment le cas lorsqu'il est précédé d'une POE. La POE , qui peut être individuelle ou collective, est destinée aux demandeurs d'emploi, aux titulaires d'un contrat unique d'insertion ou d'un CDD conclu avec une structure d'insertion par l'activité économique (IAE) afin de leur permettre d'acquérir les compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée à Pôle emploi. Financée principalement par cet organisme, elle doit précéder un CDI, un CDD d'au moins douze mois, un contrat de professionnalisation de la même durée ou un contrat d'apprentissage .

Le présent article 13 quater abaisse dans certains territoires (cf. supra ) à six mois , pour une durée de trois ans, la durée minimale d'un contrat de professionnalisation pouvant suivre une POE dès lors que trois conditions sont remplies :

- cette POE a duré plus de trois mois ;

- elle a été réalisée en dehors de la collectivité de résidence de son bénéficiaire ;

- le contrat de professionnalisation a été conclu avant le début de la POE.

Cette expérimentation doit faire l'objet d'une évaluation et le Gouvernement devra remettre au Parlement, au plus tard trois mois avant son terme, un rapport sur l'opportunité de la pérenniser.

II - La position de la commission

Le Gouvernement présente cette mesure comme une réponse à l'insuffisance de l'offre de formation outre-mer , qui constituerait un obstacle au développement du contrat de professionnalisation dans les territoires concernés par l'expérimentation et, de manière plus générale, à l'amélioration de la qualification des populations ultramarines. Aux yeux de votre rapporteur et des partenaires sociaux qu'elle a auditionnés, la solution proposée n'apporte qu'une réponse très imparfaite aux carences actuellement constatées et s'apparente à un bricolage qui vient brouiller la distinction entre la POE et le contrat de professionnalisation et risque de dénaturer encore davantage ce dernier.

Il est indéniable qu'une part non-négligeable d'ultramarins qui viennent suivre une formation dans l'hexagone ne retournent pas dans leurs territoires d'origine, et ne leur font donc pas profiter des qualifications qu'ils ont acquises. Toutefois, le présent article ne prévoit rien qui permette de développer l'offre de formation dans ces collectivités . S'il est évident que certaines qualifications rares n'ont pas vocation à être proposées dans chacune d'elles, il existe d'ores et déjà des lacunes dans des formations répondant aux besoins économiques des territoires qu'il faudrait combler localement.

Le dispositif qu'il est envisagé de mettre en oeuvre à titre expérimental suscite par ailleurs d'importantes difficultés juridiques , que ce soit sur les objectifs respectifs de la POE et du contrat de professionnalisation ou l'articulation entre ces deux outils de formation. Contrairement au contrat de professionnalisation, la POE n'a pas pour objet l'acquisition d'une qualification mais bien la remise à niveau d'un demandeur d'emploi pour qu'il maîtrise les compétences requises par le poste qu'il va occuper. De plus, la pédagogie du contrat de professionnalisation repose sur l'alternance entre périodes de formation théorique et activité professionnelle en entreprise . Il serait ici envisagé de transférer sur la POE, réalisée dans l'hexagone préalablement à la période de travail en entreprise, cette formation théorique . Outre une ingénierie de formation complexe, à adapter presque au cas par cas, le risque est réel que l'acquisition de la qualification visée soit plus lente et que la qualité globale de la formation soit moindre en raison de cette déconnexion entre ses aspects théoriques et pratiques .

Le contrat de professionnalisation doit rester un outil d'accès à une qualification reconnue nationalement . C'est la raison pour laquelle votre commission, à l'initiative de son rapporteur Michel Forissier, s'était opposée à l'expérimentation visant à autoriser des contrats de professionnalisation dérogeant à cette règle, dans le cadre de l'examen de la loi du 8 août 2016 précitée, en supprimant son article 33 (devenu l'article 74), qui avait finalement été rétabli par l'Assemblée nationale (cf. supra ). En raccourcissant la durée globale d'une formation, puisqu'à un contrat de professionnalisation de douze mois pourront se substituer une POE de trois mois et un contrat de six mois, cet article 13 quater s'inscrit dans la même logique. Il n'est pas à la hauteur des enjeux en matière de formation dans les outre-mer , c'est la raison pour laquelle votre commission a adopté l'amendement ( COM-199 ) de suppression de cet article présenté par son rapporteur.

Votre commission propose à la commission des lois de supprimer cet article.

Article 30 sexies (nouveau) (art. L. 1544-8-1 et L. 1545-3 du code de la santé publique) - Prérogatives des agents compétents en matière de contrôles de santé publique de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française

Objet : Cet article additionnel précise la portée et les modalités de l'exercice des prérogatives dont disposent les agents polynésiens et calédoniens compétents en matière de contrôles de santé publique.

Cet article additionnel reprend, en les aménageant, les dispositions figurant initialement à l'article 3 quater , qu'il est proposé de déplacer après l'article 30 quinquies , afin de rassembler dans un même titre du projet de loi les différents éléments relatifs à la recherche et à la constatation des infractions ( COM-209 ).

Votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article additionnel ainsi rédigé.


* 134 Ces deux documents étaient prévus pour une période allant jusqu'à la fin de l'année 2015 ; une nouvelle version devrait en paraître sous peu, à l'heure de l'impression du présent rapport.

* 135 N° 821 (2012-2013).

* 136 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, art. 133 à 146.

* 137 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée, art. 78.

* 138 Art. R. 335-7 du code de l'éducation.

* 139 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 précitée, art. 6.

* 140 Selon l'article R. 6423-3 du code du travail.

* 141 Auquel votre commission s'était opposée à l'initiative de son rapporteur Michel Forissier.

* 142 Devenu l'article 78 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 143 Conseil d'Etat, avis sur un projet de loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, 28 juillet 2016, NOR : OMEX1617132L.

* 144 Vraisemblablement, dans le cadre de l'expérimentation, par salarié bénéficiant d'un tutorat.

* 145 Art. D. 6332-91 du code du travail.

* 146 Art. L. 6325-3-1 du code du travail ; un tuteur doit être volontaire, justifier de deux années d'expérience professionnelle et peut suivre au maximum trois bénéficiaires de contrats ou de périodes de professionnalisation (art. D. 6324-2, D. 6324-5, D. 6325-6, et D. 6325-9 du même code).

* 147 Financée par une part de la contribution à la formation professionnelle des entreprises s'élevant à 0,15 % de la masse salariale lorsqu'elles ont moins de onze salariés, 0,3 % entre onze et 299 salariés et 0,4 % au-delà de ce seuil.

* 148 Art. D. 6332-91 : le plafond est porté à 345 euros pour les tuteurs d'au moins 45 ans
ou si le titulaire du contrat de professionnalisation est un jeune peu qualifié, un demandeur d'emploi de longue durée ou qu'il perçoit un minima social.

* 149 Loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages
et à l'amélioration du statut des stagiaires.

* 150 Art. R. 124-10 et R. 124-13 du code de l'éducation.

* 151 Cass. soc., 5 juin 2013, n° 11-21255.

* 152 Art. L. 2241-6 du code du travail.

* 153 Accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle.

* 154 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie
et au dialogue social.

* 155 Soit enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles, soit reconnue
dans les classifications d'une branche, soit ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle.

* 156 L'article 74 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée permet, jusqu'au 31 décembre 2017, la conclusion de contrats de professionnalisation avec des demandeurs d'emploi pour acquérir
des qualifications ne faisant pas l'objet d'une telle reconnaissance.

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