LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Par la commission

Campus France

Mme Béatrice Khaiat, directrice générale

Par le rapporteur pour avis

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE)

M. Laurent Bili, directeur général de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, accompagné de M. Daniel Vosgien, délégué aux programmes et aux opérateurs

Institut français (IF)

M. Pierre Buhler, président, accompagné de Mme Anne Tallineau, directrice générale

Fondation Alliance française

M. Bertrand Commelin, secrétaire général

Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

M. Christophe Bouchard, directeur, accompagné de Mme Raphaëlle Dutertre, responsable des relations avec les élus

Par ailleurs, le Sénat a organisé le mardi 21 novembre 2017 un débat en séance publique sur l'avenir de l'Institut français.

ANNEXE

Audition de Mme Béatrice Khaiat, directrice générale de Campus France

sur le contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et Campus France
pour la période 2017-2020

MERCREDI 8 NOVEMBRE 2017

___________

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous accueillons Mme Béatrice Khaiat, directrice générale de Campus France. Campus France est un opérateur de l'État, placé sous la double tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministre chargé des affaires étrangères. Campus France est chargé de mettre en place une « chaîne de l'accueil » des étudiants étrangers, allant de la promotion de l'enseignement supérieur français à la gestion de la mobilité et de l'accueil des étudiants étrangers qui choisissent de venir étudier en France. Campus France, ce sont 163 espaces et 92 antennes, intégrés au réseau culturel français dans 115 pays.

Mme Khaiat nous présentera le contrat d'objectifs et de moyens pour les années 2017 à 2020. La loi de 2010, qui a créé Campus France ainsi que l'Institut français et Expertise France, prévoit la transmission de leurs projets de contrats d'objectifs et de moyens aux commissions compétentes de chaque assemblée. Nous disposons de six semaines pour émettre, le cas échéant, un avis sur ce projet de contrat - ce que nous ne manquons jamais de faire. Afin d'éclairer cet avis que nous formulerons la semaine prochaine sur le rapport de notre collègue Claude Kern, rapporteur pour avis des crédits de l'action extérieure de l'État, pouvez-vous nous présenter le bilan du précédent contrat d'objectifs et de moyens et les axes stratégiques du prochain ?

Certains de nos collègues, sénateurs des Français de l'étranger, comme Mme Claudine Lepage, connaissent donc bien le réseau Campus France. C'est également le cas de notre collègue Guy-Dominique Kennel qui est administrateur de Campus France. Lors de chaque déplacement de notre commission à l'étranger, nous veillons à aller voir sur le terrain comment fonctionnent les services de Campus France. Ce fut le cas en 2015 à Rabat et Casablanca au Maroc et, il y a six mois, à Hyderabad, en Inde. À l'Alliance française d'Hyderabad, nous avons assisté à une présentation des formations d'ingénieurs en France à l'attention de jeunes Indiens, venus en nombre et visiblement très intéressés.

Mme Béatrice Khaiat, directrice générale de Campus France . - Merci beaucoup de votre invitation. Je m'attacherai surtout à vous présenter Campus France et à replacer l'attractivité de la France dans le contexte mondial. Le contrat d'objectifs et de moyens nous satisfait, il y a peu à en dire.

À la fin des années 1990, la France manquait d'un organisme comme le Deutscher Akademischer Austauschdienst (DAAD, office allemand d'échanges universitaires) ou le British Council, c'est pourquoi les ministres Claude Allègre et Hubert Védrine ont décidé, en 1998, de créer un organisme de promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger.

Jusqu'en 2015, le bloc anglo-saxon (États-Unis, Grande-Bretagne) était en tête pour attirer des étudiants ; la France se situait à la troisième place avec 310 000 étudiants étrangers accueillis sur notre territoire, dont la moitié d'Africains, 25 % d'Européens, 18 % d'Asiatiques et 8 à 9 % d'Américains.

Le nombre d'étudiants en mobilité dans le monde double tous les 12 ans : ils étaient 2 millions en 2000, 4 millions en 2012 et on estime qu'ils seront 9 millions en 2025. En 2015, la France est passée en 4e position, dépassée par l'Australie, même si elle reste le premier pays francophone d'accueil. La Russie, 6e, est juste derrière l'Allemagne, 5 e : les étudiants des pays de l'ancien bloc soviétique, qui s'étaient détournés de la Russie après la chute de l'URSS, y retournent désormais massivement grâce une politique très attractive de bourses et des campagnes de communication. Ensuite viennent le Canada (7 e ), le Japon (8 e ) et la Chine (9 e ) qui mène une politique d'influence depuis les années 2000. L'objectif de ce plan stratégique, « Le rêve chinois », est que la Chine passe de premier pays d'envoi à premier pays d'accueil des étudiants dans 20 à 30 ans. Les Émirats arabes unis sont passés de la 18 e place en 2010 à la 12 e place en 2015. L'Arabie saoudite attribue des bourses d'études islamiques, et est ainsi passée de la 29 e place en 2010 à la 13 e place en 2015 ; la Turquie, passée de la 31e à la 14 e place avec 30 000 bourses du même type en 2015, 60 000 bourses en 2016, 90 000 bourses en 2017, etc. L'Ukraine et les Pays-Bas sont également offensifs, avec, dans ce dernier pays, des cours dispensés intégralement en anglais à partir du master pour tous les étudiants.

Face à ces nouveaux concurrents, la France reste dans le peloton de tête mais elle recule. Quelle politique veut-on mener, notamment à l'égard de l'Afrique ? Nous avons des liens anciens avec ce continent et nous devons être présents car nos concurrents y sont également. La comparaison entre les espaces Campus France et les instituts Confucius en Afrique est édifiante, notamment à Dakar. La Turquie mène également une politique d'influence active en Afrique, avec notamment l'implantation d'instituts culturels.

La France est aujourd'hui en concurrence avec des pays qui investissent massivement. Or, en quinze ans, les moyens que la France allouait aux bourses ont été divisés par deux. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit un maintien des sommes allouées aux bourses, mais il faudrait faire beaucoup plus. Les pays anglo-saxons attribuent peu de bourses mais mènent des campagnes de promotion massives réalisées par de grandes agences de communication. La France est au milieu du gué : elle n'a ni les moyens de réaliser des campagnes de communication importantes, ni d'attribuer autant de bourses que ses concurrents - notamment l'Allemagne qui en attribue massivement.

Exemple flagrant, alors que les étudiants tunisiens venaient très majoritairement en France il y a quelques années encore, ils ne sont plus que 50 % actuellement, et se dirigent désormais vers l'Allemagne, qui veut aussi construire une université tuniso-allemande, la Roumanie ou encore l'Espagne. Autre exemple : le Cameroun, pays à la fois anglophone et francophone, où l'Allemagne arrive désormais devant la France, qui n'attire plus que 15 % des étudiants camerounais poursuivant des études à l'étranger.

Campus France est un établissement sous tutelle des ministères des affaires étrangères et de l'enseignement supérieur. Le forum Campus France rassemble tous les types d'établissements d'enseignement supérieur : universités, écoles d'ingénieurs, écoles de commerce, écoles d'art, centres de langues, etc.

Nous faisons de la communication à l'étranger car les étudiants ont le choix de leur lieu d'études et nous devons les convaincre. Nous les aidons à s'inscrire et à se rendre en France, mais cela nécessite une politique de visas plus souple, y compris pour les visas de circulation qui permettent aux étudiants étrangers ayant obtenu un master ou un doctorat en France de garder un lien avec notre pays.

La loi relative au droit des étrangers en France a créé une carte de séjour « Passeport talent », mais il faut appliquer la loi et délivrer effectivement ces cartes de séjour. Vous avez tous connaissance de visas refusés. Menons une politique de délivrance des visas plus ouverte allant dans le sens d'une plus grande attractivité. L'élection de notre Président de la République (et également son initiative « Make Our Planet Great Again ») a donné l'image d'une France ouverte sur le monde, positive, qui attire les étrangers. Poursuivons dans cette voie.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Venons-en au bilan et aux projets de contrats d'objectifs et de moyens...

Mme Béatrice Khaiat . - Le contrat d'objectifs et de moyens reprend nos grandes missions. Il réaffirme la promotion de l'enseignement supérieur et la recherche ; nous gérons les bourses du Gouvernement français et le contrat nous demande de démarcher davantage les gouvernements étrangers pour qu'ils nous confient des programmes de bourses ainsi que l'accueil de leurs étudiants en France. Un accent est également mis sur le numérique, pour notamment garder contact avec les Alumni, les anciens élèves ayant fait leurs études en France. Campus France a ainsi développé un réseau social de 120 000 Alumni dans 85 pays, animé par les ambassades.

Ce nouveau contrat d'objectifs et de moyens correspond bien à nos activités mais ne fixe pas de nouvelles ambitions. Il ne dit rien sur les moyens ni sur les actions nouvelles, mais est plus simple et plus lisible que le précédent contrat d'objectifs et de moyens, qui comportait beaucoup trop d'indicateurs.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Un contrat d'objectifs et de moyens doit fixer des objectifs et des moyens, c'est son but.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis . - J'ai étudié le contrat d'objectifs et de moyens qui fixe, comme vous l'avez dit des objectifs mais sans précision sur les moyens. C'était aussi le cas pour l'Institut Français. Avez-vous l'assurance que vos deux ministères de tutelle vous accorderont les moyens nécessaires pour exercer vos missions ?

Le ministère des affaires étrangères avait souhaité passer de 48 % (en 2015) à 52 % (en 2017) des bacheliers étrangers dans les lycées français à l'étranger qui poursuivent leurs études supérieures en France. Cet objectif est-il atteint ?

Campus France est présent dans près de 120 pays. Dans un contexte de baisse de crédits publics, vous avez démultiplié votre action en créant de nouveaux outils numériques innovants, comme France Alumni lancé fin 2014, qui met en réseau les étudiants étrangers ayant fait leurs études en France avec les ambassades, les établissements d'enseignement supérieur et les entreprises françaises ; plus de 77 ambassades y ont participé. Où en est le développement de ce réseau social ? Ce service est-il toujours gratuit ou est-il devenu payant ?

Immersion France est une application gratuite mobile téléchargeable pour les étudiants qui veulent étudier le français en France. Plus de 400 offres de formation en langue française y sont proposées. L'application a connu un grand succès dès son lancement. Où en est l'application ? Combien compte-t-elle d'utilisateurs ?

Quels sont les premiers résultats de l'initiative MOPGA ( Make Our Planet Great Again ) - puisqu'il faut l'appeler ainsi en France ! - lancée par le Président de la République le 8 juin dernier ? A-t-elle vocation à être poursuivie par Campus France ?

Les bourses du Gouvernement français sont un outil central de notre attractivité universitaire - 12 000 étudiants en bénéficient chaque année - mais elles pâtissent de la contrainte budgétaire : les crédits budgétés ont été réduits de 10 % en 10 ans (et les crédits consommés ont connu également une réduction) alors que nos concurrents accroissent leurs efforts. En Allemagne, les bourses pour les étudiants étrangers ont augmenté ces dernières années de 6 % par an. Comment analysez-vous cette situation ?

Mme Béatrice Khaiat . - Soyons clair : je n'ai aucune garantie sur les moyens que m'accorderont les deux ministères. Campus France reçoit chaque année une subvention pour charges de service public de 6 millions d'euros, ce n'est pas assez pour de grosses campagnes de communication. La France distribue 12 000 bourses chaque année, mais l'Arabie saoudite en distribue 77 000, la Turquie 90 000, et l'Allemagne en verse à foison. La France n'a plus les moyens de financer un cursus complet (les bourses sont versées pour une durée de six à douze mois) et pour des montants moindres : en moyenne 700 euros par mois contre 3 000 euros en Arabie saoudite...

Mais n'oublions pas que la France a une excellente image. Nos études supérieures ont le meilleur rapport qualité-prix au monde. Le fait que les frais universitaires soient largement pris en charge par l'État est un élément d'attractivité, couplé à une politique de recherche excellente qu'atteste le nombre élevé de prix Nobel, médailles Fields, etc. obtenus par les chercheurs français. La qualité de vie, notre culture et notre langue sont également reconnues.

Nous réalisons actuellement une étude avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) pour connaître le nombre d'élèves des lycées français qui poursuivent leurs études supérieures en France. Nous vous transmettrons cette étude avant la fin de l'année.

Il est intéressant de comparer France Alumni avec l'Alumniportal Deutschland, portail centralisé lancé par le DAAD en septembre 2008, qui compte 155 000 membres. France Alumni, après seulement trois ans d'existence, rassemble déjà 121 000 membres, et est décliné pays par pays car il nous a semblé important que les ambassades conservent un lien avec les anciens étudiants revenus dans leur pays. Cette initiative associe l'ambassade, les établissements d'enseignement supérieur, les entreprises françaises ou du pays, et les Alumni. Les plateformes France Alumni sont très dynamiques, notamment au Maroc et en Chine. Actuellement 86 sites sont ouverts, il y en aura 90 avant la fin de l'année.

Immersion France, autre application, doit donner envie aux étudiants étrangers de venir étudier en France ou, ne serait-ce que de découvrir tout simplement le français dans un cours d'été, couplé avec du sport ou une autre activité.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis . - France Alumni est-il toujours un service gratuit ?

Mme Béatrice Khaiat . - Oui, car il faut atteindre un seuil critique pour pouvoir faire payer une entreprise mettant en ligne une annonce pour un recrutement. Nous disposons d'un vivier de 121 000 membres, nous attendons le seuil de 150 000 membres avant de faire payer le service.

Immersion France rassemble près de 500 offres de promotion pour les centres de français langue étrangère. L'application, disponible sur Android et sur IPhone, connait un grand succès.

L'initiative MOPGA a été pour nous une formidable campagne de communication gratuite. À peine lancée, nous avons reçu sur le site près de 11 000 messages venant d'étudiants, de chercheurs, d'entrepreneurs et d'organisations non-gouvernementales. Campus France, chargé de répondre aux étudiants et aux chercheurs, a envoyé un message plus détaillé à 5 622 chercheurs ou étudiants, qui ont donné lieu au renvoi de 1 822 projets personnels détaillés, principalement sur le thème de l'énergie. Deux tiers des étudiants et des chercheurs étaient Américains et plus d'une centaine d'entre eux issus d'universités prestigieuses comme le MIT (Massachusetts Institute of Technology) ou l'université d'Harvard. En définitive, 500 personnes ont déposé leur candidature pour des études en France, dont 320 Américains, et seront personnellement recontactés. Nous avons aussi 484 candidats à doctorat, dont 307 Américains, et beaucoup en sciences exactes. Par comparaison, la France ne compte actuellement que 220 doctorants américains, et principalement en sciences sociales. Le CNRS va gérer 400 projets dont 220 américains pour des longs séjours de recherche, 237 candidatures pour un post-doctorat dont 121 américains, 86 demandes de collaboration avec un laboratoire français et 92 demandes de court séjour de recherche. Campus France continuera à accompagner cette initiative très positive. Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation nous ont octroyé 1,5 million d'euros supplémentaires par rapport aux 30 millions déjà prévus pour accompagner ces étudiants, répartis sur trois pays : 1,25 million d'euros pour les États-Unis, 125 000 euros pour l'Inde et 125 000 euros pour la Grande-Bretagne.

Trois pays ou continents doivent avoir une place particulière dans notre politique d'accueil : la Chine (car les Chinois sont le deuxième contingent d'étudiants étrangers en France après les Marocains, mais seuls 10 000 visas sont octroyés chaque année, contre 90 000 visas accordés en Grande-Bretagne), l'Inde (qui nous envoie 4 000 étudiants par an, un chiffre qui a doublé récemment mais qui reste largement inférieur aux 13 000 étudiants indiens accueillis en Allemagne) et enfin l'Afrique.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Lors d'un long entretien durant notre voyage, le ministre indien de l'éducation nous a confirmé le fort intérêt de son pays pour la France après l'élection de Donald Trump et le Brexit. Mais l'Inde était en attente de la signature par la France d'un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes. J'ai écrit en ce sens à Thierry Mandon et ai renouvelé ma demande auprès de Frédérique Vidal.

Mme Béatrice Khaiat . - Cet accord n'est malheureusement pas encore signé.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Il faudrait qu'il le soit rapidement.

M. Jacques Grosperrin . - Le Brexit est-il une opportunité pour l'attractivité de la France auprès des étudiants étrangers ? Si oui, lesquels ? Par ailleurs, nous savons tous que certaines filières universitaires sont actuellement « en tension » compte tenu de l'afflux d'étudiants français : comment dans ce contexte accueillir plus d'étudiants étrangers dans de bonnes conditions d'études ?

Mme Béatrice Khaiat . - Le Brexit et l'élection de Donald Trump ouvrent sans conteste des opportunités pour la France. Après l'élection américaine, Campus France a été immédiatement reçu par l'ambassadeur du Mexique en France : son pays réoriente ses programmes de bourses massivement vers la France. Quant au Brexit, il constitue une opportunité pour notre pays surtout vis-à-vis des Indiens.

Je profite de cette occasion pour rappeler que les espaces Campus France sont présents partout dans le monde, sauf en Grande-Bretagne, où notre bureau, qui se trouvait au sein de l'Institut français de Londres, a été fermé il y a quelques années. Il est indispensable que nous rouvrions un espace Campus France dans ce pays.

Les filières sous tension le sont surtout pour la première année de licence. Or les étudiants étrangers arrivent souvent en troisième année de licence, en master ou en doctorat. Les demandes sont donc différentes.

À cet égard, il est important de promouvoir les doctorats en France, dont le nombre est en baisse, tant chez les étudiants français que chez les étudiants étrangers en France : il y a donc de la place pour les étudiants étrangers, d'autant plus que la France veut aussi envoyer de plus en plus d'étudiants français à l'étranger.

Mme Claudine Lepage . - Merci de votre présentation qui replace Campus France dans un contexte mondial éminemment concurrentiel. L'ambassade de France au Mexique est également très sollicitée pour mettre en place des programmes de double certification France-Mexique. C'est une opportunité très intéressante à la suite de l'élection de Donald Trump.

Nous sommes prêts à soutenir les objectifs de votre contrat d'objectifs et de moyens, mais c'est difficile lorsqu'on ne connait pas les moyens alloués...

Sénatrice des Français de l'étranger, j'ai pu visiter de nombreux bureaux de Campus France, à certaines saisons remplis d'étudiants se faisant conseiller. Savez-vous quel pourcentage de ces étudiants part effectivement étudier en France ? Le cas échéant, pour quelles raisons ne viennent-ils pas ? Est-ce un projet insuffisamment étayé, un refus des universités françaises, un refus de visa ?

Le chiffre de 121 000 membres de France Alumni après seulement quelques années d'expérience est très encourageant.

Où en est le projet de suivi plus spécifique par Campus France des étudiants venus en France ? Quel est leur taux de réussite dans leurs études en France et leur devenir après leurs études ?

Très souvent, les étudiants étrangers présentent un dossier dès le baccalauréat obtenu mais nous ne les acceptons pas en premier cycle universitaire. Cela a-t-il un rapport avec les filières sous tensions ? La réforme prévue pour l'entrée à l'université aura-t-elle un impact sur l'action de Campus France ?

M. Pierre Ouzoulias . - Merci pour cette présentation qui me laisse perplexe. Malgré vos ambitions, les moyens ne sont pas à la hauteur. À partir d'un cas concret, celui des archéologues syriens, vous verrez les difficultés à accueillir des scientifiques étrangers. Le monde entier s'est ému du dynamitage du temple de Bêl à Palmyre mais pas de la disparition d'une profession entière ... Arrivés en France, accueillis sans visas, sans logement, dans des conditions lamentables, ces scientifiques ont été reçus par la seule bonne volonté de certains professeurs et universités. Or, ils sont la condition même de la reconstruction des sites du patrimoine syrien. Il a manqué une coordination des ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche, de l'intérieur, des universités et des bailleurs sociaux et ce bricolage a été catastrophique. Nos collègues sont venus en France car notre pays conserve une bonne image, construite depuis cinquante ans. Mais si nous n'arrivons pas à les accueillir correctement, d'autres prendront notre place, notamment l'Allemagne. Il faudrait que Campus France fasse le lien entre ces deux ministères. En tant qu'élu, je suis moi-même allé chercher des visas ou des logements pour ces archéologues ! Organiser un colloque avec des scientifiques venant du Proche-Orient est désormais quasiment impossible compte tenu des difficultés à obtenir des visas.

Certains pays ont une politique agressive pour attribuer des bourses à des étudiants étrangers venant dans leur pays mais aussi pour des étudiants français travaillant en France sur des sujets qui les intéressent...

Mme Béatrice Khaiat . - Tout à fait.

M. Pierre Ouzoulias . - Ainsi, de nombreux travaux sur le génocide arménien sont financés, mais pas par l'Arménie...

Mme Maryvonne Blondin . - J'ai rencontré des étudiants anglais à Londres qui s'inquiétaient des conséquences du Brexit sur leurs études, alors que le Parlement ne débattait que des conséquences économiques. Ces étudiants voulaient poursuivre leurs études à l'étranger et je les ai renvoyés vers Campus France.

Avez-vous recensé la part d'hommes et de femmes parmi les étudiants et selon les pays ? Il y a probablement une majorité d'hommes parmi les étudiants indiens...

M. Pierre Laurent . - Les chiffres de l'explosion de la mobilité internationale sont éloquents. C'est à nous, qui votons le budget, d'apporter la garantie à Mme Khaiat qu'elle disposera de moyens suffisants. Nous allons, dans les prochains jours, nous prononcer sur le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et celui du ministère des affaires étrangères. Utilisons notre pouvoir de donner un avis pour alerter sur cette situation et demandons une vision à long terme - et non une année après l'autre - même si cet avis n'aura probablement pas d'incidence sur le budget de cette année...

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous assumerons toujours nos responsabilités. J'ai fait inscrire à l'ordre du jour un débat sur l'avenir de l'Institut français, à la suite des réserves que nous avons émises sur ses moyens lors de l'examen du projet de COM de cet établissement, l'hiver dernier.

Quelle part représentent les étudiants étrangers francophones parmi tous ceux venant en France ? Le fait de ne pas parler français constitue-t-il un obstacle à des études en France ?

Mme Béatrice Khaiat . - Une de nos études montre que, dans le monde, les trois quarts des étudiants anglophones se dirigent vers des pays anglophones pour leurs études à l'étranger, alors que seulement 55 % des étudiants francophones qui se dirigent vers la France : il y a donc une forte déperdition de ces étudiants.

Depuis la « loi Fioraso », Campus France recense près de 1 400 programmes en anglais (ou à la fois en anglais et en français) mais n'oublions pas que l'objectif est aussi que les étudiants étrangers apprennent le français lors de leur séjour. Mais en Grande-Bretagne, un étudiant anglophone peut obtenir un master en anglais en un an, alors que pour étudier en France, il faut d'abord étudier le français durant un an, puis faire deux ans de master. Or les étudiants asiatiques sont dans une logique d'efficacité tournée vers leur insertion professionnelle. Nous devons continuer à développer des cursus en anglais pour ces étudiants asiatiques, sur le modèle de ce que font les Pays-Bas et l'Allemagne.

Nous avons réalisé une étude sur le genre et la mobilité en France : l'étudiant type venant en France est à 55 % une fille, venant souvent d'Asie - Chine, Japon, Corée - ou d'Amérique, et qui étudie les sciences sociales. Je vous ferai parvenir les chiffres sur les étudiants indiens. Et on remarque que le Brésil envoie désormais plus d'étudiantes faisant des études d'ingénieur.

Selon une étude, les 300 000 étudiants étrangers en France rapportent chaque année 5 milliards d'euros à la France. Si l'on en retranche le coût de l'enseignement supérieur, il reste tout de même un solde de net de 2 milliards d'euros pour notre économie, sans compter l'effet important d'animation du territoire.

La politique d'attractivité se joue dès le lycée : en Chine, les parents veulent tellement être sûrs que leurs enfants étudient à l'étranger qu'ils les envoient dès la seconde, la première ou la terminale. La Suisse, les États-Unis ou la Grande-Bretagne mènent une politique de développement des internats, alors que la France n'a qu'un seul internat pour des lycéens étrangers, l'École des Roches, qui vient d'être rachetée par un groupe de Dubaï. Vous êtes des élus territoriaux, sachez qu'il y a là un marché à développer...

Mieux connaître le devenir des étudiants est aussi l'un des objectifs de l'outil France Alumni. La francophonie s'entretient, gardons le lien avec ces personnes ayant souvent des positions importantes en rentrant dans leur pays après des études en France.

Un programme « Élysée » a attribué exceptionnellement 7 millions d'euros pour trois ans pour les étudiants syriens mais ce montant est faible comparé aux 50 millions d'euros par an attribués par l'Allemagne pour les Syriens...

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