EXAMEN DES ARTICLES

Article 20 (articles L. 313-20 et L. 313-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Modifications de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent »

Objet : cet article étend le champ du « passeport talent » et transpose plusieurs dispositions relatives aux chercheurs étrangers en mobilité issues d'une directive européenne de mai 2016 en retard de transposition.

I. Le droit en vigueur

L'article 17 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 sur le droit des étrangers a créé l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet article instaure une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent », d'une durée maximale de quatre ans et destinée aux étrangers qui apportent une contribution au développement et au rayonnement de la France . Il s'agit d'un des principaux outils de « l'immigration choisie ».

En créant ce « passeport talent » qui regroupe les cartes qui existaient depuis 2008 en matière d'attractivité, tout en étendant leur champ d'application, le législateur de 2016 avait entendu donner un signal d'attractivité clair et lisible à l'attention de certaines catégories d'étrangers.

Le « passeport talent » présente en effet plusieurs avantages pour son titulaire par rapport aux autres titres de séjour :

- ses conditions d'octroi sont en grande partie communes quel que soit le cas de figure ;

- il est délivré dès la première admission au séjour ;

- il est pluriannuel et dispense donc son titulaire de fastidieuses démarches de renouvellement annuel en préfecture ;

- il permet l'exercice d'une activité professionnelle salariée sans avoir à solliciter d'autorisation de travail ;

- en cas de perte involontaire d'emploi, il est renouvelé pour un an puis, le cas échéant, pour la durée des droits acquis à l'allocation d'assurance chômage ;

- les membres de la famille 12 ( * ) du titulaire de cette carte peuvent se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent - famille » (prévue à l'article L. 313-21) qui donne également droit à l'exercice d'une activité professionnelle et qui évite d'avoir recours à la procédure du regroupement familial 13 ( * ) .

L'article L. 313-20 prévoit que le « passeport talent » est délivré dans dix cas de figure pour lesquels le législateur a considéré que les talents et compétences que l'étranger pouvait apporter à la France justifiaient un traitement privilégié de sa demande de séjour dans notre pays :

1° le salarié qualifié titulaire d'un diplôme au moins égal au master, ou le salarié d'une « jeune entreprise innovante » (JEI) , telle que définie à l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts ;

2° le titulaire d'une « carte bleue européenne » (délivrée à l'étranger qui occupe un emploi hautement qualifié, pour une durée égale ou supérieure à un an, et qui justifie d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures ou d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable) ;

3° le salarié en mission ;

le chercheur ou l'enseignant du supérieur (titulaire d'une carte « chercheur » délivrée à l'étranger titulaire d'un diplôme équivalent au grade de master, qui mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire) ;

5° le créateur d'entreprise ;

6° le porteur d'un projet économique innovant reconnu par un organisme public ;

7° l' investisseur qui réalise un investissement économique direct en France ;

8° le mandataire social ;

9° l' artiste-interprèt e 14 ( * ) ou l' auteur d'une oeuvre littéraire ou artistique 15 ( * ) ;

10° l'étranger dont la renommée nationale ou internationale est établie et qui vient exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif .

II. Le texte du projet de loi

En dépit de son caractère relativement récent, ce dispositif est déjà en partie non-conforme à des directives européennes, notamment une directive de mai 2016 dite « étudiants/chercheurs » 16 ( * ) dont la date butoir de transposition (23 mai 2018) est d'ores et déjà dépassée. Il fallait donc procéder rapidement aux transpositions nécessaires.

Le Gouvernement a saisi cette occasion pour retoucher le « passeport talent » sur d'autres aspects.

a) L'extension du « passeport talent » aux chercheurs en programme de mobilité

La directive précitée est issue de la refonte de deux directives plus anciennes : l'une de 2004 sur les étudiants et l'autre de 2005 sur les chercheurs. L'objectif général de cette nouvelle directive est de faciliter l'entrée et le séjour, la mobilité, la recherche d'emploi ou la création d'entreprise à l'issue de leurs études ou travaux de recherches de plusieurs catégories d'étrangers. Pour certaines, les dispositions de la directive doivent obligatoirement être transposées. C'est le cas de celles relatives aux chercheurs.

Afin que les chercheurs étrangers puissent facilement passer d'un organisme de recherche à un autre y compris lorsque ceux-ci sont situés dans deux États membres différents, la directive prévoit que :

- que les États membres accordent un titre de séjour « chercheur - programme de mobilité » aux chercheurs étrangers qui demandent à séjourner dans un État membre au titre d'un programme de l'Union européenne ou d'un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres ; la durée de cette autorisation doit être d'au moins deux ans ou égale à la durée de la convention d'accueil si celle-ci est plus courte 17 ( * ) ; la directive prévoit que les États membres peuvent poser des conditions à la délivrance de ce titre de séjour, parmi lesquelles le niveau de diplôme, la suffisance des ressources sans recourir au système d'aide sociale de l'État membre, l'existence d'une assurance maladie, la signature d'une convention d'accueil avec un organisme de recherche préalablement agréé, etc.

- qu'en revanche, si un chercheur étranger en mobilité a été admis au séjour dans un premier État membre, il est exempté de titre de séjour pour séjourner dans un second État membre ; la directive prévoit alors deux types de mobilité : une « mobilité de courte durée » limitée à 180 jours sur toute période de 360 jours 18 ( * ) et une « mobilité de longue durée » accordée pour une durée minimale de 360 jours 19 ( * ) ; la directive prévoit également que les États membres peuvent poser des conditions et notamment subordonner cette autorisation de séjour à sa notification aux autorités compétentes.

Le présent article assure la transposition en droit français de ces dispositions communautaires.

Le b) du présent article complète les dispositions du « passeport talent » relatives aux chercheurs étrangers. Un « passeport talent » portant la mention « chercheur - programme de mobilité » pourra être délivré au chercheur qui relève d'un programme de l'Union européenne, d'un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres ou d'une convention signée avec un organisme public ou privé ayant une mission de recherche ou d'enseignement supérieur préalablement agréé.

Le c) du présent article prévoit le cas du chercheur étranger en mobilité, ayant été admis dans un premier État membre et qui désormais sera autorisé à séjourner en France sans titre de séjour, à condition toutefois d'avoir notifié sa mobilité au préfet et de disposer de ressources suffisantes. Le conjoint du titulaire et les enfants du couple bénéficieront de la même exemption.

Le 2° du présent article étend le bénéfice du « passeport talent - famille » prévu à l'article L. 313-21 aux « enfants du couple » formé par le titulaire et son conjoint, et non plus aux seuls enfants du titulaire, englobant ce faisant les enfants du conjoint dont le titulaire ne serait pas le parent mais dont il assurerait la charge. La disposition actuelle était en effet contraire sur ce point aux dispositions de la directive de 2016 précitée pour les chercheurs ainsi qu'à celles d'une directive de 2009 pour les détenteurs de la carte bleue européenne 20 ( * ) . Le Gouvernement a cependant souhaité aller au-delà des obligations qui découlent de ces deux directives, en étendant le nouveau dispositif à l'ensemble des « passeports talent ».

Ce même 2° du présent article prévoit en outre que les membres de la famille d'un titulaire de la future carte de séjour temporaire « recherche d'emploi ou création d'entreprise » (créée à l'article 21 du présent projet de loi en remplacement de l'actuelle « autorisation provisoire de séjour » 21 ( * ) ) bénéficieront également de plein droit de la carte « passeport talent - famille ».

b) Les autres aménagements apportés au « passeport talent »

Il s'agit tout d'abord de permettre au « passeport talent » d'englober des situations qui n'entraient pas stricto sensu dans les dix cas de figure prévus à l'article L. 313-20. Ne pouvant pas bénéficier des conditions favorables attachées au « passeport talent », ces cas limites étaient renvoyés aux procédures de droit commun, plus longues, plus lourdes et aboutissant parfois à un rejet de la demande.

À cet effet, le présent article étend le « passeport talent » :

- au salarié recruté par une « entreprise innovante reconnue par un organisme public » ( a) du présent article ) ; il s'agit notamment de viser des entreprises innovantes qui ne rempliraient pas tous les critères posés par l'article 44 sexies -0 A du code général des impôts pour la « jeune entreprise innovante » 22 ( * ) comme certaines entreprises labellisées « French Tech Visa » par l'Agence du numérique ;

French Tech Visa

« Ce dispositif - qui s'appuie sur le nouveau titre de séjour « Passeport Talent » mis en place fin 2016 - vient renforcer encore l'impact de l'action publique French Tech pour attirer des talents internationaux de la Tech et faciliter leur accueil en France, qu'ils soient entrepreneurs, salariés ou investisseurs . Le nombre de visas ne sera pas limité a priori , sous réserve pour les candidats de remplir les critères d'éligibilité.

Dans le contexte de compétition internationale pour l'attraction des talents, l'accès aux visas et titres de séjour français pour les talents Tech étrangers est un enjeu majeur pour l'écosystème de la French Tech. Il l'est tout particulièrement pour les « scale-ups » françaises et internationales qui, par définition, croissent très fortement, recrutent énormément et créent des emplois en masse en France. »

« Le French Tech Visa est une procédure prioritaire et simplifiée pour l'obtention d'un titre de séjour « Passeport Talents » pour trois types de profils avec trois modes opératoires distincts :

- les fondateurs de startup internationaux, sélectionnés par les incubateurs et accélérateurs partenaires,

- les talents internationaux recrutés par des entreprises en hypercroissance sélectionnées sur la base des bénéficiaires du programme Pass French Tech,

- et des investisseurs internationaux qui s'installent en France. »

Source : visa.lafrenchtech.com

- au salarié recruté par une entreprise innovante pour exercer des fonctions en lien , non pas seulement avec « le projet de recherche et de développement de cette entreprise », mais aussi avec « le développement économique de ce projet » ( a) du présent article ) ;

- à l'étranger « susceptible de participer de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement de la France » qui vient exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif ( d) du présent article ). Cette rédaction est issue de l'ancienne carte « compétences et talents » à laquelle s'est substitué le « passeport talent » ; or plusieurs étrangers bénéficiaires de cette ancienne carte de séjour auraient eu des difficultés pour son renouvellement puisque le « passeport talent - renommée nationale ou internationale » ne prenait pas en compte cette dimension.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le texte adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale intègre plusieurs amendements rédactionnels de sa rapporteure ainsi que trois amendements émanant des commissions saisies pour avis qui visent :

- l'un 23 ( * ) à renvoyer à un décret les modalités de reconnaissance des entreprises innovantes afin d'éviter toute incohérence dans l'application que les services pourraient faire de l'extension du « passeport talent » ainsi qu'à publier la liste des organismes publics apportant leur « reconnaissance » aux entreprises concernées, conformément aux préconisations émises par le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi ;

- l'autre 24 ( * ) à élargir la délivrance du « passeport talent » aux étrangers qui participent au développement environnemental, social et international de l'entreprise ;

- le troisième 25 ( * ) à reconnaître l'artisanat comme une activité susceptible d'entrer dans le champ d'application du « passeport talent » au même titre que les domaines scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif déjà cités.

IV. La position de votre commission

a) Sur les chercheurs en programme de mobilité

Afin de conserver au « passeport talent » toute sa lisibilité et sa cohérence, votre rapporteur pour avis a proposé un amendement qui réunit l'ensemble des dispositions relatives aux chercheurs en programme de mobilité en dehors du « passeport talent » en créant une carte de séjour spécifique et en instaurant un régime d'exemption de titre de séjour pour les chercheurs en mobilité dans un deuxième État membre.

À cet effet, cet amendement CULT.1 crée deux nouveaux articles dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- l'article L. 313-27 pour les chercheurs étrangers en programme de mobilité (qui pourront bénéficier d'une carte de séjour délivrée dans des conditions très similaires au « passeport talent ») ;

- l'article L. 313-28 pour les chercheurs étrangers admis au séjour dans un premier État membre : ils seront dispensés de titre de séjour sous réserve d'une notification de ce séjour auprès du préfet du département concerné et à condition de justifier de moyens d'existence suffisants ainsi que d'une assurance maladie 26 ( * ) .

b) Sur les autres dispositions du « passeport talent »

Votre rapporteur pour avis est favorable à la démarche d'immigration choisie initiée depuis quelques années et considère que le « passeport talent », délivré à bon escient, est un dispositif intéressant. Il ne doit cependant pas être banalisé à l'excès et les conditions d'accès doivent rester strictes afin qu'il ne devienne pas un outil de contournement des règles d'entrée et de séjour des étrangers sur notre territoire.

À cet égard, il conviendra d'être particulièrement attentif à l'utilisation ainsi qu'à l'application qui seront faites de la disposition ouvrant ce titre de séjour à l'étranger « susceptible de participer de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement de la France et qui vient exercer une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, artisanal, intellectuel, éducatif ou sportif ».

Par ailleurs, votre rapporteur tient à rappeler que la politique française d'immigration choisie ne doit pas aboutir à favoriser la fuite des cerveaux des pays émergents ou en développement. La directive prévoit à cet égard que « des mesures visant à soutenir la réintégration des chercheurs dans leur pays d'origin e devraient être prises en partenariat avec les pays d'origine en vue de l'établissement d'une politique migratoire globale ».

Votre rapporteur a présenté deux amendements relatifs au « passeport talent » :

- l'un visant à unifier la référence aux entreprises innovantes en renvoyant l'ensemble des critères à un décret (amendement CULT.2) ;

- l'autre visant à harmoniser les rédactions entre « entreprise innovante » et « projet économique innovant » (amendement CULT.3).

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 21 (articles L. 313-7, L. 313-8 [nouveau], L. 313-27 [nouveau] et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Création de cartes de séjour « étudiant - programme de mobilité » et « recherche d'emploi ou création d'entreprise »

Objet : cet article crée trois nouvelles cartes de séjour, deux à destination des étudiants en mobilité (l'une temporaire, l'autre pluriannuelle) et une troisième en remplacement de l'actuelle autorisation provisoire de séjour.

I. Le droit en vigueur

En vertu des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étudiants étrangers bénéficient à leur arrivée en France d'une carte de séjour temporaire . Celle-ci leur est délivrée à la condition qu'ils justifient d'une inscription dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que de ressources suffisantes. Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle.

Au terme d'une année de séjour en France, ce titre de séjour peut être renouvelé sous la forme d'une carte de séjour pluriannuelle d'une durée équivalente à celle du cycle d'études restant à courir « sous réserve du caractère réel et sérieux des études » poursuivies 27 ( * ) .

En outre, aux termes de l'article L. 311-11 du même code, les étudiants étrangers qui ont obtenu un diplôme d'un niveau au moins équivalent au grade master, peuvent bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour (APS) 28 ( * ) d'une durée d'un an non renouvelable pour effectuer une première recherche d'emploi (avec accès simplifié au marché du travail en France car la situation de l'emploi ne leur sera pas opposable en cas d'embauche) ou mettre en oeuvre un projet de création d'entreprise.

L'« APS » dans les autres pays de l'OCDE

Aux termes du rapport de l'OCDE 2017 sur le recrutement des travailleurs immigrés en France, il apparaît que les deux tiers des pays de l'OCDE ont des dispositifs permettant aux anciens étudiants, diplômés de l'enseignement supérieur dans le pays, de rechercher un emploi sur place.

Avec la durée de douze mois, l'APS française se situe dans le haut de la fourchette de ces dispositifs (la directive européenne 2016/801 prévoit une période minimum de neuf mois de recherche d'emploi pour les étrangers ayant achevé leurs études). Seules l'Allemagne et l'Australie ont une durée plus longue (avec une autorisation minimum de dix-huit mois). Certains pays comme les États-Unis, le Royaume Uni ou l'Espagne ne disposent pas de dispositif APS.

II. Le texte du projet de loi

a) Les étudiants étrangers en mobilité

La directive 2016/801 (UE) du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 « relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants des pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair » est issue de la refonte de deux directives plus anciennes : l'une de 2004 sur les étudiants et l'autre de 2005 sur les chercheurs. Cette nouvelle directive aurait dû être transposée par la France avant le 23 mai 2018.

L'objectif général de cette nouvelle directive est de faciliter l'entrée et le séjour, la mobilité, la recherche d'emploi ou la création d'entreprises à l'issue de leurs études ou travaux de recherches de plusieurs catégories d'étrangers. Pour certaines, les dispositions de la directive doivent obligatoirement être transposées. C'est le cas de celles relatives aux étudiants des pays tiers.

Afin d'assurer la continuité des études des étudiants étrangers qui suivent un programme impliquant des établissements d'enseignement supérieur situés dans plusieurs États membres, la directive prévoit que :

- les États membres accordent un titre de séjour « étudiant - programme de mobilité » aux étudiants étrangers qui demandent à séjourner dans un État membre au titre d'un programme de l'Union européenne, d'un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres ou d'une convention entre au moins deux établissements d'enseignement supérieur situés dans au moins deux États membres de l'Union européenne ; la durée de cette autorisation doit être d'au moins deux ans ou égale à la durée des études si celle-ci est plus courte 29 ( * ) et les États membres peuvent décider que la durée totale du séjour pour études ne dépasse pas la durée maximale des études telle que fixée par le droit national 30 ( * ) ; la directive prévoit que les États membres peuvent poser des conditions à la délivrance de ce titre de séjour, parmi lesquelles l'inscription dans un établissement d'enseignement supérieur, le paiement des droits d'inscription, une connaissance suffisante de la langue du programme d'études suivi ou encore la suffisance des ressources ;

- en revanche, si un étudiant étranger en mobilité a été admis au séjour dans un premier État membre, il est exempté de titre de séjour pour séjourner dans un autre État membre afin d'y effectuer une partie de ses études ; cette mobilité est limitée à 360 jours par État membre ; la directive prévoit également que les États membres peuvent poser des conditions et notamment subordonner cette autorisation de séjour à sa notification aux autorités administratives compétentes assortie le cas échéant de la preuve qu'il remplit diverses conditions : suffisance des ressources, assurance maladie, paiement des droits d'inscription, etc.

Le 1° du I. du présent article complète les dispositions de l'article L. 313-7 relatives à la carte de séjour temporaire dont bénéficient les étudiants étrangers lors de leur arrivée sur le territoire. Ce titre pourra désormais porter la mention « étudiant - programme de mobilité » lorsque l'étudiant relève d'un programme de l'Union européenne, d'un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres ou d'une convention entre au moins deux établissements d'enseignement supérieur situés dans au moins deux États membres de l'Union européenne.

Le 2° du I. du présent article prévoit, toujours dans le cadre de l'article L. 313-7, le cas de l'étudiant étranger en mobilité qui été admis dans un premier État membre et qui désormais sera autorisé à séjourner en France sans titre de séjour, à condition toutefois d'avoir notifié sa mobilité au préfet du département concerné et de disposer de ressources suffisantes.

Le 3° du I. du présent article prévoit que le décret d'application de l'article L. 313-7 sera complété pour préciser les conditions d'application des nouvelles dispositions relatives aux étudiants étrangers en mobilité.

Le III. du présent article crée, en complément de la carte de séjour temporaire, pour les mêmes étudiants étrangers, une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « étudiant - programme de mobilité ». Cette carte aurait une durée égale à la durée du programme ou de la convention sans pouvoir être inférieure à deux ans. Cette disposition va au-delà des prescriptions de la directive « étudiants / chercheurs » de 2016 qui prévoit que cette durée peut être inférieure à deux ans en fonction de la durée des études 31 ( * ) .

Deux conditions complémentaires sont posées : disposer de moyens d'existence suffisants et être entré régulièrement en France.

Le IV. du présent article prévoit que l'étudiant ou le chercheur étranger (ainsi que des membres de la famille de ce dernier) en mobilité en France, en provenance d'un autre État membre qui l'avait admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, peut être remis aux autorités compétentes de cet État membre si :

- son titre de séjour a expiré ou a été retiré au cours de la période de mobilité ;

- il ne remplit pas ou plus les conditions de la mobilité ;

- le préfet n'a pas reçu la notification prévue ;

- le préfet a fait objection de la mobilité de cet étranger 32 ( * ) .

b) Transformation de l'APS en une nouvelle carte de séjour temporaire

Le II. du présent article introduit un article L. 313-8 qui transforme les dispositions de l'actuelle « autorisation provisoire de séjour » (APS) 33 ( * ) en une carte de séjour temporaire portant la mention « recherche d'emploi ou création d'entreprise ». Comme l'actuelle APS, cette carte aurait une durée de 12 mois non renouvelable. En revanche son champ d'application, actuellement limité aux étudiants étrangers, serait ouvert également aux chercheurs afin de mettre notre droit en conformité avec la directive précitée « étudiants / chercheurs » de 2016 qui prévoit dans son article 25 qu'« après avoir achevé leurs recherches ou leurs études, les chercheurs et les étudiants ont la possibilité de rester sur le territoire de l'État membre (...) pendant au moins neuf mois afin d'y chercher un travail ou d'y créer une entreprise ».

Cette nouvelle carte de séjour serait donc accessible :

- aux étudiants étrangers titulaires d'une carte de séjour « étudiant » ou « étudiant - programme mobilité » et qui ont obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur français ; avec une extension prévue en faveur des étudiants étrangers qui auraient quitté le territoire après l'obtention dudit diplôme et qui pourraient désormais solliciter le bénéfice de ladite carte dans les quatre 34 ( * ) années suivantes 35 ( * ) ;

- et, désormais, aux chercheurs étrangers titulaires d'une carte de séjour « chercheur » ou « chercheur - programme de mobilité » et qui ont achevé leurs travaux de recherche.

Le demandeur doit en outre justifier qu'il dispose d'une assurance maladie.

L'objet de la carte est circonscrit ; il doit s'agir :

- soit de la recherche d'une première expérience professionnelle : pendant la durée de validité de la carte, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation ou ses recherches et pour une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret ;

- soit d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches.

À l'issue des douze mois :

- si l'étranger qui recherchait un emploi justifie d'une promesse d'embauche ou d'un emploi , il pourra obtenir une carte de séjour pluriannuelle 36 ( * ) sans que lui soit opposable la situation de l'emploi ;

- si l'étranger justifie de la création et du caractère viable de son entreprise , il pourra obtenir un passeport talent « créateur d'entreprise » 37 ( * ) ou une carte de séjour temporaire « entrepreneur / profession libérale » 38 ( * ) .

L'article prévoit que l'autorité administrative ne pourra effectuer de contrôles visant à s'assurer que l'étranger remplit toujours les conditions qui ont présidé à la délivrance de son titre de séjour qu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant ladite délivrance 39 ( * ) .

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels de sa rapporteure.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, un amendement de notre collègue député Florent Boudié. Celui-ci octroie aux étudiants étrangers en mobilité en France admis au séjour dans un premier État membre, en conformité avec les articles 24 et 27 de la directive précitée, le droit à l'exercice d'une activité professionnelle salariée à titre accessoire dans les mêmes conditions que les étudiants étrangers admis au séjour dans le cadre du droit commun 40 ( * ) .

IV. La position de votre commission

a) Sur les cartes de séjours destinées aux étudiants étrangers en mobilité

Le dispositif proposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale est particulièrement illisible. Votre rapporteur pour avis propose de regrouper l'ensemble des dispositions relatives aux étudiants en mobilité dans deux nouveaux articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ( amendement CULT.4 ) :

- l'un consacré aux étudiants étrangers en mobilité qui arrivent en France en provenance d'un pays tiers : ils pourront bénéficier, dès leur première admission au séjour, d'une carte de séjour pluriannuelle de la durée de leur cycle d'étude ; serait exigé d'eux des moyens d'existence suffisants, une assurance maladie ainsi qu'une connaissance suffisante de la langue du programme d'étude suivi ;

- l'autre consacré aux étudiants étrangers en mobilité qui ont déjà été admis au séjour dans un autre État membre : ils seront dispensés de titre de séjour et autorisés à séjourner en France pendant un maximum de douze mois à condition de notifier leur séjour au préfet du département concerné et de justifier de moyens d'existence suffisants ainsi que d'une assurance maladie 41 ( * ) .

b) Sur la nouvelle carte « recherche d'emploi et création d'entreprise »

L'actuel « autorisation provisoire de séjour » est un outil intéressant mais sujet à d'importants risques de détournement, avec peu de moyens de contrôle par l'administration. Son extension dans le cadre du présent article, telle que souhaitée par le Gouvernement et l'Assemblée nationale, doit donc être particulièrement encadrée et rester au plus près des dispositions qui nous sont imposées par la directive.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 21 (article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Visite médicale des étudiants étrangers primo-arrivants

Objet : cet article additionnel vise à rétablir la compétence de l'Office française de l'immigration et de l'intégration (OFII) en matière de visite médicale des étudiants étrangers primo-arrivants .

I. Le droit en vigueur

La responsabilité du « suivi sanitaire préventif » des étudiants étrangers est aujourd'hui confiée aux établissements d'enseignement supérieur 42 ( * ) . Cette disposition date de la loi de mars 2016 sur le droit des étrangers précitée.

Auparavant, en vertu d'une disposition de nature réglementaire 43 ( * ) , les étrangers, étudiants comme non étudiants, devaient obligatoirement, pour valider leur visa, passer une visite médicale à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Ainsi, en 2013, l'OFII avait fait passer 210 000 visites médicales, dont 60 000 concernaient des étudiants étrangers. Or ledit office, pressé par le Gouvernement de stabiliser ses moyens, souhaitait être déchargé de cette mission pour certaines catégories d'étrangers et notamment les publics éligibles au « passeport talent » ainsi que les étudiants.

S'agissant des étudiants, les débats parlementaires de 2015 et 2016 sur le projet de loi relatif au droit des étrangers ont vu la question évoluer au fil des lectures :

- en première lecture, l'Assemblée nationale avait adopté un article additionnel qui dispensait de la visite médicale de l'OFII les étudiants étrangers « justifiant d'un suivi médical régulier » ;

- en première lecture, le Sénat avait supprimé cette disposition à l'initiative de sa commission des lois au motif qu'elle était de nature réglementaire ; mais notre collègue François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois, avait rappelé que la visite devant un médecin de l'OFII présentait une garantie d'homogénéité sur le territoire, qu'elle était pratiquée par des médecins ayant une bonne connaissance des pathologies des populations migrantes et qu'elle était peu coûteuse pour les étudiants étrangers ; le rapporteur pour avis de votre commission, notre collègue Guy-Dominique Kennel, pointait en outre dans son rapport 44 ( * ) que la question de la répartition des missions et des tâches entre l'OFII et les services interuniversitaires et universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SIUMPPS) n'avait pas été traitée, ces derniers ne semblant pas prêts à reprendre la compétence à leur charge ; Guy-Dominique Kennel avait même mis en garde le Gouvernement contre des « dysfonctionnements administratifs préjudiciables tant à la qualité d'accueil des étudiants étrangers en France qu'à la santé publique de l'ensemble de la population » ;

- après l'échec de la commission mixte paritaire, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale avait rétabli l'article concerné dans une rédaction encore élargie, aux termes de laquelle les établissements d'enseignement supérieur sont « responsables du suivi sanitaire préventif des étudiants étrangers » 45 ( * ) .

Les établissements d'enseignement supérieur se sont ainsi retrouvés dotés d'une nouvelle compétence, sans transfert de moyens et dans l'attente d'une clarification annoncée de leurs responsabilités par le biais d'une circulaire qui, à ce jour, n'est toujours pas parue.

D'une manière générale, les établissements publics d'enseignement supérieur (universités, instituts, écoles, etc.) sont tenus d'organiser une protection médicale au bénéfice de leurs étudiants, quelle que soit leur nationalité. Les universités créent à cet effet un SIUMPPS. Les autres établissements publics d'enseignement supérieur peuvent confier l'exécution de cette prestation à un SIUMPPS de leur choix.

Extrait de l'article D. 714-21 du code de l'éducation

« Dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique d'établissement, les services universitaires ou interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé sont chargés, dans la continuité de la politique de santé en faveur des élèves, d'organiser une veille sanitaire pour l'ensemble de la population étudiante :

1° En effectuant au moins un examen préventif intégrant une dimension médicale, psychologique et sociale au cours des trois premières années d'études dans l'enseignement supérieur ;

2° En assurant une visite médicale à tous les étudiants exposés à des risques particuliers durant leur cursus ;

3° En contribuant au dispositif d'accompagnement et d'intégration des étudiants handicapés dans l'établissement ;

4° En participant aux instances de régulation de l'hygiène et sécurité ;

5° En impulsant et en coordonnant des programmes de prévention et des actions d'éducation à la santé (...). »

Mais avec le transfert non préparé et non financé d'une compétence supplémentaire s'agissant des étudiants étrangers, et comme l'a très bien montré notre collègue François-Noël Buffet dans son dernier avis budgétaire, la situation est aujourd'hui très préoccupante , « l'État n'ayant pas suffisamment organisé le transfert du suivi médical des étudiants étrangers vers les SIUMPPS » 46 ( * ) .

Extrait du rapport de novembre 2017 de M. François-Noël Buffet
sur « Asile, immigration, intégration, nationalité » 47 ( * )

« D'un point de vue pratique, tout d'abord, rien n'oblige les étudiants étrangers à se rendre aux convocations des SIUMPPS . Les ressources humaines de ces services sont d'ailleurs aussi contraintes que celles de l'OFII : les établissements d'enseignement supérieur ne comptent qu'environ 150 médecins sur l'ensemble du territoire (soit un ou deux praticiens par établissement).

Les universités rencontrent également des difficultés à recenser les étudiants étrangers qu'elles accueillent : l'OFII refuse désormais de leur communiquer la liste des titres de séjour accordés, alors que les services « relations internationales » et médicaux des facultés ne sont pas suffisamment coordonnés.

D'un point de vue médical ensuite, l'examen préventif réalisé par les services interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé est beaucoup moins poussé que celui de l'OFII, notamment en matière de détection de la tuberculose.

À l'inverse, les médecins de l'office disposent d'une meilleure connaissance des pathologies des populations migrantes et d'un équipement leur permettant de procéder aux examens radiographiques des poumons.

D'un point de vue financier, enfin, les visites médicales de l'OFII coûtent en moyenne 40 euros. Elles sont assurées à partir d'une taxe payée par l'ensemble des étrangers primo-arrivants et qui s'élève, pour les étudiants, à 60 euros .

Le coût du transfert du suivi sanitaire des étudiants étrangers de l'OFII vers les établissements d'enseignement supérieur est ainsi évalué à 2,92 millions d'euros annuels . Cette somme n'a toutefois pas été transférée aux universités, l'OFII continuant de percevoir l'intégralité de la taxe payée par les étudiants étrangers primo-arrivants.

Aussi, les étudiants étrangers ne font-ils plus l'objet d'un suivi médical sérieux et coordonné, alors que les enjeux en matière de santé publique restent fondamentaux . »

Source : www.senat.fr

II. La position de votre commission pour avis

Au-delà des actions de promotion de la santé de droit commun, accessibles à chaque étudiant quelle que soit sa nationalité, il est donc indispensable que les étudiants étrangers primo-arrivants bénéficient d'une visite médicale adaptée afin notamment d'assurer, dès leur entrée sur le territoire, le dépistage de pathologies infectieuses éventuellement importées de leur pays ou leur région d'origine et à fort potentiel épidémique (SRAS, Ebola, tuberculose, méningite, etc.). C'est un enjeu de santé publique , d'autant plus prégnant que, dans les salles de cours et les amphithéâtres, les risques de contagion sont importants. L'effectif annuel des étudiants étrangers primo-entrants est aujourd'hui de 73 000 personnes .

Les médecins de l'OFII sont manifestement les mieux formés et les mieux équipés pour assurer ce type de visite médicale et il convient de leur redonner cette compétence. C'est le souhait de votre rapporteur pour avis qui, malheureusement, compte tenu des rigueurs des articles 40 et 41 de la Constitution, ne peut déposer d'amendement rétablissant la compétence de l'OFII en matière de visites médicales des étudiants étrangers primo-arrivants.

Il vous propose néanmoins la suppression de la disposition actuelle de l'article L. 313-7 relative au suivi sanitaire préventif des étudiants étrangers par les établissements d'enseignement supérieur et son remplacement par une disposition rappelant que les étudiants étrangers bénéficient, bien évidemment, des actions de promotion de la santé dispensées par les établissements d'enseignement supérieur au bénéfice de l'ensemble de leur population étudiante ( amendement CULT.8 ).

Votre commission a adopté un article additionnel ainsi rédigé.

Article 22 (article L. 313-9 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Création d'une carte de séjour « jeune au pair »

Objet : cet article crée une nouvelle carte de séjour temporaire destinée aux jeunes au pair .

I. Le droit en vigueur

Les jeunes gens « au pair » sont de jeunes gens étrangers qui séjournent en France pour une période limitée dans une famille d'accueil pour perfectionner leur français et améliorer leur connaissance de notre pays en échange d'une participation aux tâches familiales courantes. À ce titre, ils constituent une catégorie spécifique tenant à la fois de l'étudiant et du travailleur. On estime qu'ils seraient chaque année environ 6 000 en France , ce qui placerait notre pays en 3 ème position mondiale des pays d'accueil derrière les États-Unis et le Royaume-Uni 48 ( * ) .

Le séjour des jeunes au pair n'est actuellement encadré par aucun texte législatif spécifique mais relève d'un accord européen sur le placement au pair qui date de 1969 49 ( * ) et qui visait à harmoniser dans tous les États membres du Conseil de l'Europe les conditions du placement au pair et à accorder une protection particulière à ces jeunes.

Dans son application à la France, cet accord de 1969 prévoit notamment que :

- le jeune doit avoir entre dix-huit 50 ( * ) et trente ans ;

- la durée de séjour est au maximum de deux ans ;

- un accord écrit est conclu avant que le jeune n'ait quitté son pays de résidence pour préciser les droits et les devoirs respectifs des deux parties 51 ( * ) .

Pour leur entrée et leur séjour en France, il est actuellement délivré aux jeunes au pair une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » , celle-là même qui est délivrée aux étudiants étrangers inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur 52 ( * ) . Cette carte n'est pas totalement adaptée à la situation des jeunes au pair et surtout elle ne permet aucun suivi ni aucune comptabilisation des jeunes gens « au pair » sur le territoire français.

II. Le texte du projet de loi

Une récente directive 2016/801 (UE) du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 « relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants des pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair » entend faciliter l'entrée et le séjour, la mobilité, la recherche d'emploi ou la création d'entreprise à l'issue de leurs études ou travaux de recherches de plusieurs catégories d'étrangers. Certaines de ses dispositions sont optionnelles , en particulier celles relatives aux jeunes gens au pair, aux volontaires en dehors du service volontaire européen (SVE) et aux élèves dans le cadre d'un programme d'échanges. La France a choisi de ne transposer que celles relatives aux jeunes au pair 53 ( * ) . C'est l'objet du présent article.

Cette transposition devrait permettre, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, de créer un véritable statut pour les jeunes au pair (avec un titre de séjour qui leur serait désormais spécifique) et d' éviter certains abus parfois constatés comme le travail de nuit, l'emploi d'un jeune au pair pour exercer une fonction réglementée (garde de très jeunes enfants, de personnes âgées ou malades), la faiblesse du nombre d'heures de cours ou de l'argent de poche attribué, le non-respect des horaires, etc. Voire des situations particulièrement graves relevant de l'esclavage moderne.

Le présent article crée un nouvel article dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, consacré à la carte de séjour temporaire portant la mention « jeune au pair ». Cet article L. 313-9 définit ainsi le jeune au pair : l'étranger, âgé entre dix-huit et trente ans, venant dans une famille d'accueil, ne possédant aucun lien de parenté avec celle-ci et d'une nationalité différente 54 ( * ) , dans le but d'améliorer ses compétences linguistiques et sa connaissance de la France, en échange de petits travaux ménagers et de la garde d'enfants. Il doit également apporter la preuve soit qu'il dispose « d'une connaissance de base de la langue française », soit qu'il possède « un niveau d'instruction secondaire ou des qualifications professionnelles » 55 ( * ) .

S'il remplit les conditions précitées, l'étranger pourra se voir délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, renouvelable une fois 56 ( * ) , portant la mention « jeune au pair ».

Il lui faudra également conclure une convention avec la famille d'accueil pour définir ses droits et ses obligations « notamment les modalités de subsistance, de logement et d'assurance en cas d'accidents, les modalités permettant au jeune au pair d'assister à des cours, le nombre maximal d'heures hebdomadaires consacrées aux tâches de la famille qui ne peut excéder vingt-cinq, le repos hebdomadaire et le versement d'une somme à titre d'argent de poche ». Il s'agit ici de la reprise des principaux éléments contenus dans l'accord de 1969.

Un décret en Conseil d'État fixera les conditions d'application de ce nouvel article L. 313-9 (notamment le montant de la gratification et les conditions de travail).

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

La commission des lois a adopté un amendement rédactionnel présenté par sa rapporteure. En séance publique, le présent article a été adopté sans modification supplémentaire.

IV. La position de votre commission pour avis

La transposition des dispositions relatives aux jeunes au pair de la directive précitée « étudiants/chercheurs » de 2016 était optionnelle. Votre rapporteur pour avis estime qu'il était légitime de les transposer en droit français afin d'offrir un véritable statut à ces jeunes adultes privés du soutien de leur famille pendant une période parfois assez longue.

La pratique des jeunes gens « au pair » est bien souvent une expérience formidable tant pour le jeune qui découvre notre pays, notre langue et notre culture que pour la famille qui l'accueille et apprend aussi à le découvrir.

Mais il est important de prévenir tout risque de détournement du dispositif par des employeurs peu scrupuleux, à la recherche d'une main d'oeuvre peu onéreuse et particulièrement dépendante. Outre un amendement de clarification rédactionnelle ( amendement CULT.5 ), il semble donc important que la convention conclue entre les deux parties définisse non seulement les droits et obligations du jeune au pair mais également ceux et celles de la famille d'accueil ( amendement CULT.6 ).

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 33 quater (nouveau) (article L. 131-5 du code de l'éducation) - Intervention du directeur académique des services de l'éducation nationale en cas de refus d'inscription d'un enfant en âge scolaire dans une école par le maire de la commune

Objet : cet article prévoit l'intervention du directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) en cas de refus d'inscription d'un enfant en âge scolaire dans une école par le maire de la commune .

I. Le droit en vigueur

À ce jour, et en vertu des dispositions de l'article L. 131-1 du code de l'éducation, l'instruction est obligatoire pour les enfants entre six et seize ans. Cette obligation pèse sur les personnes responsables de l'enfant soumis à cette obligation scolaire : ces dernières doivent faire inscrire l'enfant dans un établissement d'enseignement (public ou privé) ou déclarer qu'elles lui feront donner l'instruction dans la famille 57 ( * ) . Chaque année, à la rentrée scolaire, le maire, dans les fonctions qu'il exerce en tant qu'agent de l'État, dresse la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l'obligation scolaire 58 ( * ) . Lorsque la commune compte plusieurs écoles publiques, le ressort de chacune d'entre elles est déterminé par délibération du conseil municipal.

L'inscription de l'enfant dans l'école publique qu'il doit fréquenter se fait alors sur la base d'un certificat d'inscription sur la liste scolaire . Ce certificat est délivré par le maire et mentionne l'école qui doit être fréquentée. Le maire ne peut s'opposer à l'inscription que si les capacités d'accueil sont atteintes ; en revanche, tout autre motif de refus (par exemple, lié à l'irrégularité du séjour des parents sur le territoire français) est illégal.

Dans le cas d'un refus du maire de délivrer le certificat d'inscription sur la liste scolaire, l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales prévoit que le préfet de département demande au maire d'y procéder voire y procède d'office lui-même ou par délégation spéciale. Le tribunal administratif de Paris a estimé que lorsque le maire refuse d'inscrire illégalement des enfants à l'école, le préfet ne peut, sans commettre un excès de pouvoir, refuser de se substituer à lui pour procéder à l'inscription d'office (TA Paris, 1 er février 2002, n° 0114244/7, Mme M'Bodet Sissoko ).

Le Défenseur des droits est régulièrement saisi de cas de refus de maire d'inscrire des enfants étrangers en âge scolaire. Son examen débouche soit sur un règlement amiable 59 ( * ) soit sur une décision, transmise le cas échéant au procureur de la République concerné. Par exemple, le 28 juillet 2017, le Défenseur des droits a pris une décision relative à un refus de scolarisation opposé par le maire à une famille résidant dans un campement.

Enfin, si le préfet refuse d'user de son pouvoir de substitution, les familles peuvent intenter un recours en annulation devant le tribunal administratif accompagné d'un référé-suspension, voire déposer une plainte pour discrimination.

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue députée Marie-Christine Lang 60 ( * ) qui instaure une sorte de « procédure d'urgence » en cas de refus du maire de délivrer le certificat d'inscription : sans attendre le déclenchement de la procédure de substitution par le préfet prévue à l'article L. 2122-34 précité, le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) pourrait autoriser l'accueil provisoire de l'élève et solliciter l'intervention du préfet.

Il s'agit, dans l'esprit de l'auteure de l'amendement, de contrer rapidement l'éventuel refus, par le maire de la commune concernée, d'inscrire un enfant étranger primo-arrivant en âge scolaire, sans avoir à attendre les effets de la procédure de substitution par le préfet.

III. La position de votre commission pour avis

Considérant que le droit en vigueur prévoit déjà une procédure d'inscription dans le premier degré de l'enseignement scolaire en cas de refus du maire de la commune, votre rapporteur pour avis estime il n'y a pas lieu de prévoir de procédure d'urgence supplémentaire. Il appartient en effet au préfet et à ses services de mettre en oeuvre les prérogatives qu'ils tirent de la loi avec toute la diligence nécessaire au cas d'espèce.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis propose la suppression du présent article ( amendement CULT.7 ).

Votre commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

*

* *

Votre commission de la culture a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi dont elle s'était saisie pour avis.


* 12 Conjoint âgé d'au moins 18 ans et enfants entrés mineurs en France.

* 13 La demande de regroupement familial est plus contraignante : elle doit être déposée après 18 mois de séjour et il faut généralement compter un délai de 6 mois pour obtenir une réponse.

* 14 Au sens de l'article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle.

* 15 Au sens de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle.

* 16 Directive (UE) n° 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 « relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair ».

* 17 Article 18.1 de la directive précitée.

* 18 Article 28.1 de la directive précitée.

* 19 Article 29.1 de la directive précitée.

* 20 Directive 2009/50/CE du 25 mai 2009.

* 21 Voir le commentaire de l'article 21 pour plus de détails sur ce dispositif.

* 22 Il doit notamment s'agir d'une entreprise créée depuis moins de 8 ans, employant moins de 250 salariés, ayant soit réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros soit un bilan inférieur à 43 millions d'euros et répondant en outre à certaines conditions relatives à la détention de son capital.

* 23 Amendement de Mme Fiona Lazaar, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, adopté avec les avis favorables de la rapporteure et du ministre.

* 24 Amendement de Mme Marielle de Sarnez, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, adopté avec les avis favorables de la rapporteure et du ministre.

* 25 Amendement de Mme Marielle de Sarnez, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, adopté avec les avis favorables de la rapporteure et du ministre.

* 26 Il s'agit d'un rappel d'une obligation générale prévue à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : tout étranger doit être muni du justificatif de : « (...) la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ».

* 27 Article L. 313-18 du même code.

* 28 Initialement, cette APS avait été créée en 2006 pour une durée de 6 mois afin de permettre de rechercher un emploi dans le cadre d'une première expérience professionnelle. La durée de l'APS avait été portée à 12 mois en 2013 et étendue à la création d'entreprise en 2016.

* 29 Article 18.2 de la directive précitée.

* 30 Article 18.3 de la directive précitée.

* 31 « Au moins deux ans ou égale à la durée des études si celle-ci est plus courte » (article 18.2 de la directive précitée).

* 32 Cela peut être le cas notamment si elle estime que l'étranger constitue une menace pour l'ordre public en vertu de l'article L. 313-3 du même code.

* 33 Les dispositions de l'APS sont abrogées par le 5° de l'article 35 du présent projet de loi.

* 34 La durée de quatre ans a été choisie par référence à la durée maximale de la carte de séjour « passeport talent », dispositif le plus favorable que l'étudiant étranger diplômé aurait éventuellement pu obtenir en restant en France pour travailler.

* 35 Il s'agit de la transcription de l'une des promesses du président de la République en faveur de la migration circulaire dans son discours de Ouagadougou devant des étudiants de l'université Ouaga I prononcé le 27 novembre 2017 : « Je souhaite que tous ceux qui sont diplômés en France puissent y revenir, quand ils le souhaitent et aussi souvent qu'ils le souhaitent, grâce à des visas de circulation de plus longue durée, parce qu'étudier en France, c'est une relation privilégiée qui doit se prolonger et qui ne doit pas se soumettre à une date couperet. »

* 36 Soit un passeport talent « emploi qualifié ou emploi dans une jeune entreprise innovante » (1° de l'article L. 313-20) ou « salarié hautement qualifié » (2° du même article) ou « chercheur » (4° du même article) ou « artiste interprète » (9° du même article) soit une carte de séjour temporaire pour un emploi en contrat à durée déterminée ou indéterminée ou en travail temporaire (article L. 313-10).

* 37 5° de l'article L. 313-20.

* 38 3° de l'article L. 313-10.

* 39 Les termes de la directive sont les suivants : « Trois mois au minimum après avoir délivré le titre de séjour au titre du présent article, l'État membre peut demander aux ressortissants de pays tiers de prouver qu'ils ont de réelles chances d'être recrutés ou de créer une entreprise » (article 25.7 de la directive précitée).

* 40 C'est-à-dire dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle.

* 41 Il s'agit d'un rappel d'une obligation générale prévue à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : tout étranger doit être muni du justificatif de : « (...) la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; ».

* 42 9 ème alinéa de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 43 Il s'agissait de l'article R. 313-1 du même code.

* 44 Voir commentaire sous l'article 4 bis in Avis n° 2 (2015-2016) de M. Guy-Dominique Kennel , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, déposé le 1 er octobre 2015.

* 45 Voir commentaire sous l'article 4 bis in Rapport n° 3423 de M. Erwann Binet, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, déposé le 20 janvier 2016.

* 46 Avis « Asile, immigration, intégration et nationalité » n° 114 (2017-2018) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 novembre 2017, sur le projet de loi de finances pour 2018.

* 47 Id.

* 48 Cf. étude d'impact annexée au projet de loi.

* 49 Accord du Conseil de l'Europe en date du 24 novembre 1969, signé par la France le 3 juin 1970, ratifié le 5 février 1971 et entré en vigueur le 30 mai 1971.

* 50 Voire 17 ans si le jeune a un représentant légal en France.

* 51 À tout le moins le jeune au pair doit être nourri par la famille, disposer de temps pour prendre ses cours, bénéficier d'une journée de repos par semaine dont un dimanche par mois, recevoir de l'argent de poche et ne pas être astreint à travailler plus de cinq heures par jour.

* 52 Article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 53 Article 16 de la directive précitée.

* 54 Cette condition n'est pas prévue par la directive qui autorise néanmoins les États membres à poser des exigences supplémentaires.

* 55 Cette condition n'est pas prévue par la directive qui autorise néanmoins les États membres à poser des exigences supplémentaires.

* 56 La durée de séjour prévue par la directive est de 18 mois mais les États membres conservent la faculté d'aller au-delà.

* 57 Premier alinéa de l'article L. 131-5 du même code.

* 58 Article L. 131-6 du même code.

* 59 Par exemple, le 12 juillet 2017, le Défenseur des droits a adopté un règlement amiable relatif au refus de scolarisation d'un enfant étranger lié à la difficulté de prouver sa domiciliation sur la commune.

* 60 Sous-amendé par la commission des lois et accepté par le Gouvernement.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page