EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 7 novembre 2018, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires - de la mission « Action extérieure de l'Etat » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2019.

M. Christian Cambon, président . - Nous poursuivons l'examen des avis de la commission sur le projet de finances pour 2019, par celui portant sur le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ». Cet avis ne fera pas l'objet de vote, celui-ci étant réservé jusqu'à la semaine prochaine, après l'examen des deux autres programmes de la mission « Action extérieure de l'Etat », le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ».

M. Rachid Temal, co-rapporteur pour avis. - Il s'agit d'un programme essentiel puisqu'il concerne le service public destiné aux Français de l'étranger. Pour 2019, les crédits du programme 151, qui financent les dépenses du réseau consulaire, s'établissent à 374,24 M€, en augmentation de 1,5 % par rapport à 2019. Mais dans le détail, ce n'est pas si simple.

En effet, cette hausse est liée à une progression significative (+4 %) des crédits de personnel qui constituent une part importante (238,3 M€ sur 374,24 M€) de ce programme. Or, cette progression intervient en 2019 malgré une diminution du schéma d'emploi (puisque le programme perd 37 postes équivalents temps plein). Elle est liée, pour l'essentiel, à une remise à niveau du titre 2 après une sous-budgétisation en 2018 (due à des effets de change et de prix), ainsi qu'à l'impact du glissement vieillesse technicité, qui est un facteur mécanique.

Pourtant, le programme 151 contribuera bien en 2019, comme les autres, à l'effort de réduction de 10 % de la masse salariale à l'étranger demandé à la mission « Action extérieure de l'Etat » d'ici 2022. Ainsi, comme je l'ai dit, le programme 151 supprimera 37 emplois en 2019, objectif qui sera atteint par de nouvelles mesures de rationalisation du réseau : transfert au Service central de l'état civil à Nantes de la transcription des actes d'état civil réalisée dans certains postes (Suisse, Luxembourg), allègement des effectifs des postes à gestion simplifiée. Contribueront aussi à la baisse des effectifs l'externalisation du traitement des demandes de visas (Azerbaïdjan, Biélorussie) et la réduction de l'activité « visas » dans certains postes (Géorgie, Ukraine du fait de l'exemption des visas de court séjour Schengen). Enfin, la réduction de la masse salariale pourra aussi être obtenue par la transformation de postes d'agents titulaires en postes d'agents de droit local, ce qui peut avoir des conséquences pour l'évolution des carrières des personnels et pour leurs familles. Pour des raisons évidentes de sécurité, cette manoeuvre « d'ADLisation » ne devra pas concerner nos postes les plus sensibles. On relèvera aussi l'extinction quasi-totale de la compétence notariale des postes en 2019 et la suppression définitive de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) qu'ils organisaient - plus ou moins - pour les jeunes Français de l'étranger, ce qui est, bien évidemment, un choix politique.

Hors titre 2, les crédits du programme 151 pour 2019 s'établissent à 135,95 M€, en diminution de 2,6 %.

Ce montant comprend une dotation de 105,3 M€ destinée aux bourses scolaires, en baisse de 5 M€ par rapport à 2018, mais qui pourra être complétée au besoin, comme les années précédentes, par un prélèvement sur la soulte de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger qui, grâce à des effets de change favorables, a pu se reconstituer (son montant est estimé à 14,1 M€ fin 2018). A cet égard, il faut avoir en tête l'objectif du Président de la République de doubler le nombre d'élèves dans le réseau et les questions qu'il soulève.

Les crédits hors titre 2 du programme 151 comprennent également des crédits d'intervention qui, cette année, bénéficient en apparence d'une légère augmentation (+2,7 %), à 18,1 M€. Néanmoins, ces crédits intègrent pour la première fois cette année une enveloppe de 2 millions d'euros destinée au nouveau dispositif du Soutien au tissu associatif des Français à l'étranger (STAFE) sur lequel je vais revenir. Ces crédits d'intervention permettent aux postes consulaires d'allouer des aides aux Français en difficulté (13,3 M€), de subventionner une douzaine de centres médico-sociaux, principalement en Afrique, d'aider des organismes de bienfaisance, de soutenir l'adoption internationale ou encore de financer les rapatriements sanitaires, qui ont tendance à se multiplier, surtout dans l'espace européen. Notons cependant que les craintes exprimées l'an passé concernant l'entrée en vigueur de la directive « protection consulaire » au printemps 2018 ne se sont pas concrétisées, aucune demande de rapatriement dans ce cadre n'étant notamment intervenue. Il faut, bien sûr, rester prudent et se donner plus de temps pour apprécier les effets sur notre réseau de cette directive. Enfin, il faut évoquer les crédits prévus au titre du STAFE (Soutien au tissu associatif des Français à l'étranger), dispositif décidé à l'automne dernier pour compenser la suppression de la réserve parlementaire. Le montant prévu (2 millions d'euros) est cependant bien inférieur à celui que les Français de l'étranger percevaient au titre de la réserve parlementaire. En outre, ces crédits sont distribués sur la base d'appels à projets sur lesquels les conseillers consulaires et les conseillers de l'AFE sont consultés, les parlementaires étant, en revanche, tenus à l'écart de la procédure, ce qui pose problème d'un point de vue démocratique.

J'ajouterai que sur les bourses et l'aide sociale, il me semblerait opportun de mener un jour une étude approfondie permettant d'examiner le mode de calcul et l'exactitude des chiffres qui nous sont présentés.

Enfin, le programme 151 comprend divers crédits de fonctionnement, pour un montant total de 12,6 millions d'euros (stable par rapport à 2018). Parmi ces crédits, il faut relever une hausse importante de l'enveloppe prévue pour les élections (+2,6 M€, soit 3,7 M€ en tout) dans la perspective des élections européennes du printemps 2019. Le coût total de ce scrutin pour les Français de l'étranger est estimé à 5,8 M€, en augmentation par rapport à 2014 du fait du nombre d'électeurs inscrits sur les listes, du poids des envois de propagande électorale dans le contexte désormais d'une circonscription unique (l'estimation budgétée porte sur 20 listes mais il est possible qu'il y en ait davantage), enfin une augmentation de 60 % des tarifs postaux depuis 2014. En cas d'insuffisance des crédits prévus à cet effet, le ministère de l'intérieur versera une contribution au ministère des affaires étrangères en cours de gestion. Parmi les mesures qui devraient faciliter l'organisation du scrutin, il faut noter la possibilité (en vigueur depuis 2015) de transmettre les procurations aux mairies par voie électronique et surtout, pour la première fois, l'intégration des listes électorales consulaires dans le Répertoire électoral unique (REU) qui permet de supprimer le système de la double inscription (possibilité de s'inscrire simultanément sur les listes électorales communales et consulaires). Le vote électronique, dont l'utilisation a été suspendue lors des législatives de 2017 en raison d'un risque de cyberattaque, reste envisagé pour les élections consulaires de 2020 et les élections législatives de 2022, mais ne sera pas applicable pour les élections européennes. Le ministère travaille actuellement à la fiabilisation de cette solution.

On notera aussi une augmentation des crédits destinés au développement de la télé-administration, en vue notamment d'engager le chantier de la dématérialisation des actes d'état civil (avec, à la clé, on l'espère, des économies substantielles puisque 80 % des dépenses du Service central de l'état civil (SCEC) correspondent à des frais d'affranchissement), mais aussi d'autres chantiers numériques (dématérialisation des déclarations de PACS, règlement en ligne des droits de chancellerie, pré-demande en ligne des passeports..). Il est aussi envisagé de mettre en place un centre d'appels disponible 24h/24 pour répondre aux demandes des usagers des services consulaires.

Parmi les autres lignes de crédits de fonctionnement figurent la dotation destinée à l'Assemblée des Français de l'étranger (en légère baisse, à 2,3 M€) et des crédits destinés au fonctionnement du réseau (en baisse de 2,7 M€, du fait du transfert des frais de représentation et de tournées consulaires au programme 105).

M. Jean-Pierre Grand, co-rapporteur pour avis. - J'évoquerai, en ce qui me concerne, trois sujets qui intéressent le programme 151, nos postes consulaires et les Français de l'étranger : l'activité « visas », la situation des ressortissants français au Royaume-Uni dans le contexte du Brexit et le projet de réforme de la représentation des Français de l'étranger

Un mot, pour commencer, sur les visas, qui sont une activité importante et rentable de nos postes. Le nombre de demandes de visas, qui avait légèrement fléchi en 2016 à la suite des attentats perpétrés en 2015, a atteint un record en 2017 (4 millions, soit + 13,5 %), la tendance à la hausse s'étant poursuivie sur 2018. Le nombre de visas accordés progresse parallèlement, malgré un taux de refus en hausse (13,55 % en 2017) en raison d'un renforcement des contrôles visant à prévenir le risque migratoire. Conséquence de l'augmentation constatée, les recettes tirées de l'activité visas se sont élevées à 210,4 M€ en 2017, en hausse de 13,3 % par rapport à 2016 (185,7 millions d'euros). Conformément à un nouveau mode de calcul adopté en début d'année 2018, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a obtenu cette année 25 % de 3 % des recettes collectées, soit 1,38 million d'euros pour financer le recrutement de personnels vacataires. Ces vacations permettent d'apporter des renforts ponctuels appréciables aux postes qui en ont besoin pour le traitement des demandes de visas. On espère qu'avec la progression de l'activité, elles seront au rendez-vous en 2019. Le déploiement de l'application France-Visas, envisagé en 2020, devrait permettre de réduire encore les délais d'instruction, qui sont en moyenne de 4,3 jours en 2017 mais restent variables selon les postes.

Je voudrais maintenant évoquer, comme l'an passé, les conséquences du Brexit sur la situation des quelque 300 000 Français (et plus largement des 3 millions de ressortissants européens) qui résident au Royaume-Uni. Si Londres avait présenté dès juin 2017 une proposition relative aux droits des citoyens de l'UE, celle-ci laissait subsister de nombreux points d'interrogation. Les négociations conduites par la suite ont abouti le 19 mars 2018 à un projet d'accord assez complet. Celui-ci prévoit en effet que les citoyens européens présents à la fin d'une période de transition (soit le 31 décembre 2020) pourront continuer à vivre, travailler ou étudier au Royaume-Uni dans les mêmes conditions que celles prévues actuellement par le droit européen, ceux y ayant résidé pendant cinq ans à cette date pouvant bénéficier du statut de résident permanent. Le droit au regroupement familial serait garanti et les citoyens conserveraient leurs droits sociaux et d'accès aux soins. Au-delà de la période de transition, les droits des citoyens européens dépendront de l'accord sur les relations futures et à défaut, de la législation nationale britannique.

L'entrée en vigueur de cet accord reste cependant conditionnée à l'obtention d'un accord d'ensemble sur le Brexit, qui devait intervenir à l'automne, ainsi qu'à l'accomplissement des formalités de ratification. Or, depuis l'échec du Conseil européen d'octobre, l'éventualité d'un no deal paraît de plus en plus crédible. Quelles mesures à l'égard de nos ressortissants le Royaume-Uni va-t-il prendre dans cette hypothèse ? Pour l'heure, nous n'en savons rien.

Quoi qu'il en soit, la Direction des Français de l'étranger et de l'administration consulaire a reçu pour consigne de se préparer à ce scénario. Il s'agira notamment de lancer une campagne de communication adaptée pour informer les ressortissants et leur permettre d'anticiper les démarches à accomplir, suivant les instructions du Home Office britannique. En outre, le Consulat général de Londres serait renforcé pour mieux répondre aux interrogations de nos concitoyens (accueil téléphonique, guichet, traitement des demandes d'actes d'état civil et de passeports...).

Côté britannique, la mise en place de nouvelles procédures administratives sera nécessaire pour l'obtention du statut de résident permanent. Le Royaume-Uni a ainsi prévu d'inaugurer avant la fin de l'année 2018 un dispositif d'enregistrement en ligne pour recueillir les demandes. Mais les associations de citoyens européens résidant au Royaume-Uni sont très inquiètes quant à la capacité de l'administration britannique de procéder sans erreurs à l'enregistrement de tous les citoyens de l'UE avant la date effective du Brexit. Elles s'inquiètent également des orientations futures de la politique migratoire britannique, après les déclarations de la Première ministre Theresa May en faveur d'une immigration choisie.

Enfin, une préoccupation est le traitement qui sera réservé aux quelque quatre millions de ressortissants britanniques qui viennent en France chaque année : seront-ils exemptés de visas? Dans le cas contraire, il faudrait renforcer le poste consulaire de Londres d'un millier d'ETP, un effort hors de portée!

Pour finir, je voudrais évoquer les perspectives de réforme de la représentation des Français de l'étranger, dont le Président de la République avait exprimé le souhait lors de la session d'automne de l'AFE de l'année dernière. Parmi les raisons qui justifieraient une réforme figurent notamment l'insuffisante lisibilité de cette représentation et un turn-over trop important des élus consulaires, qui occasionne, nous dit-on, beaucoup d'élections partielles. La différenciation entre les élus consulaires qui siègent à l'AFE et les autres est aussi parfois mal vécue. Après une consultation des élus et des grandes associations de Français de l'étranger, le secrétaire d'Etat Jean-Baptiste Lemoyne a livré en mars 2018, lors de la 28e session de l'AFE, une première restitution soulignant les points d'accord : nécessité de conserver des élus de proximité élus au suffrage universel direct, de garder aussi une représentation non parlementaire au plan national, de former davantage les élus des Français de l'étranger et de renforcer leurs liens avec les élus parlementaires. Selon le directeur des Français de l'étranger que nous avons auditionné, la réforme, dont les contours définitifs ne sont pas encore arrêtés, pourrait conduire à une réduction du nombre de conseillers consulaires qui sont actuellement, je le rappelle, 442. Le mode de fonctionnement de l'AFE pourrait être revu, une possibilité étant que l'une des deux sessions plénières annuelles soit supprimée et remplacée par une commission permanente réunissant le bureau de l'AFE et les parlementaires, ce qui, à mon sens, pourrait être une bonne chose. Cette réforme ne pouvant intervenir avant celle de la représentation nationale, son calendrier a été décalé et, en tout état de cause, il n'est pas prévu qu'elle entre en vigueur avant les élections consulaires de 2020. Nous suivrons évidemment l'évolution de ce dossier avec la plus grande attention.

Pour conclure, nous ne vous proposons pas d'avis à ce stade car notre vote sur ce programme est réservé jusqu'au vote de l'ensemble de la mission « Action extérieure de l'Etat » la semaine prochaine (mercredi 14 novembre). A titre personnel cependant, il me semble que le processus de rationalisation imposé depuis des années au réseau consulaire ait atteint ses limites. Alors que celui-ci n'a cessé de se moderniser et d'économiser depuis une dizaine d'années, ce qui se profile s'apparente plus à du rabot qu'à une rationalisation vertueuse. Une telle stratégie fragilise le service rendu à nos compatriotes à l'étranger et affaiblit notre influence, qui passe par le maintien d'une implantation matérielle et humaine.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je remercie les rapporteurs et partage tout ce qui a été dit. Alors que des économies ont été faites ces dix dernières années, le gouvernement propose de réduire la masse salariale du réseau de l'Etat de 10 % en quatre ans, soit de réaliser 110 millions d'euros d'économies, dont 78 millions d'euros sur le seul réseau du Quai d'Orsay. Malgré l'inventivité dont nos ambassadeurs sauront faire preuve pour s'acquitter de cette obligation, il est difficile de penser que cela ne va pas affecter la qualité du service public. Le risque est qu'on fasse davantage appel à des prestataires privés, comme c'est déjà le cas pour la prise de rendez-vous. Nous sommes viscéralement attachés au maintien d'un service public de qualité, composé d'hommes et de femmes très engagés dans leurs fonctions et nous ne souhaitons pas qu'il soit réduit. Un mot sur la réforme envisagée de la représentation des Français de l'étranger. La précédente réforme, que j'avais portée à l'époque en tant que ministre, remonte à juillet 2013. Il me semble que nous n'avons pas assez de recul pour apprécier la mise en oeuvre de cette réforme et qu'il est trop tôt pour modifier le système mis en place. La réforme de 2013 avait permis d'élargir le collège électoral des sénateurs français de l'étranger mais surtout de doter les communautés françaises établies hors de France d'élus de proximité, ce qui constituait une belle avancée. Aujourd'hui, on envisage une réduction du nombre d'élus. Je ne comprends pas l'acharnement mis actuellement à affaiblir la représentation politique, que ce soit en France ou à l'étranger. Certes, des décrets d'application auraient besoin d'être revus, mais cela ne relève pas de la loi. A mon sens, le projet qui est en train d'être élaboré à la direction des français à l'étranger et de l'administration consulaire est guidé par des considérations administratives et ne tient pas compte du point de vue politique. Les élus consulaires font un travail remarquable. Ils sont en outre des bénévoles qui touchent des défraiements minimes. Installés depuis longtemps dans leur pays de résidence, ils sont des relais précieux entre les autorités locales et les communautés françaises, alors que les diplomates, eux, ne sont que de passage.

Mme Isabelle Raimond-Pavero. - L'an passé, nous nous interrogions sur la fiabilité du dispositif Itinera de recueil mobile des demandes de passeport pour les personnes situées loin des postes consulaires, relayant des critiques sur son coût et ses problèmes techniques. Où en est-on maintenant ?

M. Richard Yung. - A ma connaissance, un nouveau modèle est en train d'être testé. S'agissant des recettes issues des visas, le retour au programme 151 est dérisoire : 1,4 million d'euros, alors que les visas représentent pour l'Etat, sur la base de 40 euros nets par visas, un bénéfice net de 160 millions d'euros. Les effets de ce mécanisme, intéressant dans son principe, ont été habilement réduits. J'aimerais avoir des précisions sur l'évolution des effectifs. Ils seront réduits de 37 équivalents temps plein. Pourtant, il est question pour 2019 d'un transfert de postes des autres ministères vers le ministère des affaires étrangères. Cela va-t-il annuler la baisse ? Quel sera le bilan au final ? Enfin, avez-vous des informations concernant d'éventuelles cessions de bâtiments de postes consulaires ?

M. Édouard Courtial. - Au sujet des visas, avez-vous des indications concernant le « taux de fuite » des demandes vers les consulats d'autres pays ? Lorsque j'étais au gouvernement, le consulat général de Shanghai ne parvenait pas, pour des raisons d'engorgement, à traiter les quelque 7.000 demandes qu'il recevait chaque année, de sorte que les Chinois découragés se tournaient vers le consulat d'Allemagne. Avec pour conséquence qu'au lieu de venir à Paris via Air France pour faire du tourisme et dépenser de l'ordre de 1 000 euros par semaine, ils se rendaient à Berlin via Lufthansa, ce qui représentait un certain manque à gagner pour notre pays. Existe-t-il un indicateur permettant de mesurer un tel phénomène ?

M. Olivier Cadic. - Alors que la population des Français à l'étranger ne cesse de croître, les moyens du réseau consulaire ne cessent de diminuer. Cela implique de revoir l'organisation et les missions des consulats. L'idée d'un centre d'appel centralisant les demandes, que j'avais moi-même émise il y a une dizaine d'année et que la députée Anne Gennetet a récemment reprise dans un rapport est pertinente, ce sera une réelle avancée pour délester les postes consulaires. Avez-vous une estimation de la charge induite par la gestion du STAFE pour les consulats, notamment en termes de moyens humains ? Car il s'agit bien d'une nouvelle mission qui n'est pas anodine : il faut solliciter les associations, examiner les demandes, organiser la concertation... Cela prend du temps, d'autant que les procédures utilisées ne sont pas modernes. Il faudrait évaluer cela. Merci d'avoir évoqué le dossier du Brexit. J'étais récemment à une réunion à Londres avec l'association Les 3 millions (The3Million) à laquelle participaient de nombreux parlementaires britanniques. Personne ne sait ce qui va advenir, l'angoisse est forte, tout est au conditionnel. Concernant la réforme de la représentation des Français de l'étranger, il faut savoir que la France est considérée comme ayant le meilleur système de représentation et qu'elle est dans ce domaine regardée comme un modèle. J'ai cru comprendre que la réforme ne serait pas applicable pour les élections consulaires de 2020, pouvez-vous me confirmer ce point ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Sur la réforme du système de représentation des Français de l'étranger, je rejoins ce qui a été dit par notre collègue Hélène Conway-Mouret, il faut savoir ce que nous voulons. Ce système, mis en place après la deuxième guerre mondiale et développé peu à peu, est admiré et copié par les pays étrangers. De même, j'ai l'impression que le réseau consulaire s'éloigne de la philosophie qui était la sienne à l'origine, celle d'un réseau au service de ses ressortissants, pour se rapprocher de celle du réseau consulaire britannique, qui est davantage au service des intérêts économiques et des voyageurs professionnels. Je ne voudrais pas que la France s'oriente vers ce modèle, même si je reconnais beaucoup de pragmatisme aux Britanniques. Concernant le STAFE, l'enveloppe prévue représente 2 millions d'euros, alors que 3 millions revenaient aux Français de l'étranger dans le cadre de la réserve parlementaire. Alors qu'on nous avait dit que cette somme resterait la même, elle a été en réalité amputée d'un million d'euros. Par ailleurs, beaucoup de dossiers sont refusés par les consulats. Je regrette que la réserve parlementaire ait été abolie et que certains d'entre nous aient soutenu cette suppression. Il aurait mieux fallu en corriger les abus. En plus, les parlementaires sont mis à l'écart, comme ils le sont de l'AFE. C'est aberrant. La mise en place des conseillers consulaires a été un vrai progrès car il y avait un besoin d'élus de proximité. Malheureusement, dans de nombreux pays, ils sont insuffisamment associés par les postes consulaires. Il faudrait renforcer leurs droits, notamment dans les petits pays où les parlementaires se rendent moins souvent. Une autre décision aberrante, qui porte en outre atteinte au principe d'égalité, est la suppression de la JDC pour les jeunes Français de l'étranger. Car s'il y a un endroit où l'on a vraiment besoin d'une JDC, c'est bien à l'étranger. De fait, ce rendez-vous est bien souvent l'unique occasion pour de jeunes Français binationaux résidant loin des consulats et non scolarisés dans les établissements français, d'avoir un contact avec des autorités françaises. En plus, cela ne coûte quasiment rien. Dans le même temps, on renforce le budget destiné à la JDC sur le territoire national. Il y a sûrement moyen d'éviter cette suppression qui est une aberration. Je soulignerai d'ailleurs que certains postes sont très heureux d'organiser ce rendez-vous et en perçoivent tout l'intérêt pour les jeunes en termes de connaissance de la défense de la France et de sensibilisation aux valeurs universelles. Qu'on laisse donc faire les postes qui le font volontiers.

Mme Hélène Conway-Mouret. - A l'appui des propos des rapporteurs, je voudrais citer une phrase tirée d'un récent rapport de la députée Anne Gennetet : « Urgent, élève sérieux recherche solution innovante pour relever un défi majeur pour son avenir. Pronostic vital engagé ». Voilà la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui le ministère des affaires étrangères.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis. - Personne ne conteste plus aujourd'hui le rôle essentiel des élus consulaires. Il nous faudra être attentifs à ce que la représentation de proximité des Français de l'étranger soit préservée dans le cadre de la future réforme, car elle permet des relations solides et durables avec nos concitoyens hors de France qui en éprouvent particulièrement le besoin. Pour eux, les conseillers consulaires sont un peu comme les conseillers municipaux, le consulat étant la mairie.

Concernant Itinera, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères développe actuellement un dispositif de 3 ème génération « Itinera 3 », qui aura vocation à compléter le parc existant. Développé en interne par la Direction des systèmes d'information, ce dispositif devrait avoir, selon les informations qui nous ont été communiquées, un coût unitaire inférieur à celui des valises de 2ème génération. La DFAE et la DSI travaillent actuellement, en lien avec le Ministère de l'Intérieur et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), à la fiabilisation et à la sécurisation de ces matériels avant d'envisager leur déploiement dans le réseau consulaire.

S'agissant des recettes de visas, selon le nouveau mode de calcul adopté en début d'année, ce sont 3 % des recettes collectées l'année précédente qui reviennent au ministère des affaires étrangères, dont 75 % au profit du programme 185 et 25 % au profit du programme 151. C'est plus favorable car auparavant, quand les recettes baissaient l'année précédente, il n'y avait pas de retour au profit du ministère.

Enfin, pour répondre à M. Edouard Courtial, nous n'avons pas connaissance d'un dispositif évaluant l'ampleur des reports des demandes de visas sur d'autres consulats, il faudra poser la question au ministre.

M. Rachid Temal. - Les effectifs du programme 151 baissent bien de 37 ETP en 2019 et ne sont pas affectés par le transfert au ministère des affaires étrangères d'agents de droit local d'autres ministères et occupant des fonctions support dans nos postes à l'étranger : en effet, ceux-ci seront rattachés au programme 105. Concernant les recettes de visas, je rappelle qu'elles contribuent aussi, via le programme 185, au financement de la politique touristique, dont il n'est pas besoin de souligner l'enjeu pour notre pays. Sur ce volet aussi, le retour de recettes est insuffisant, surtout si l'on compare aux moyens dont cette politique est dotée dans d'autres pays comme l'Espagne. Il faudrait augmenter le taux de retour en faveur des deux programmes du ministère. Sur l'avenir du réseau, c'est d'abord une question d'ordre politique sur le service public. Si l'on considère que les Français de l'étranger ont droit au même service que les autres, il faut y consacrer des moyens suffisants, dans le cas contraire, il faut adapter le réseau (privatisations de certaines activités, mutualisation, à l'exemple du centre d'appel, recentrage des missions...), mais on voit bien les problèmes que cela pose. S'agissant du STAFE, sur la première campagne, 302 projets ont été déposés, dont 46 % étaient dans le champ éducatif, et ¾ d'entre eux, soit 223 projets en tout, ont été retenus, pour un montant de 1,74 million d'euros. La prochaine campagne pour le STAFE sera lancée début janvier 2019, il faudra bien évidemment regarder cela de près. Concernant le Brexit, nous ne savons pas grand-chose et nous partageons les inquiétudes. Sur la réforme de la représentation des Français de l'étranger, selon les informations dont nous disposons, elle ne sera pas appliquée pour les élections consulaires de 2020, elle n'est d'ailleurs pas actée, ne pouvant être conduite avant la réforme de la représentation nationale. S'agissant de la JDC, le directeur des Français de l'étranger nous a dit que son maintien aurait un coût. Pour autant, je partage le point de vue exprimé et considère que ce dispositif permet de maintenir un lien avec les jeunes Français de l'étranger. Pour une raison similaire, je ne suis pas favorable à une diminution du nombre d'élus consulaires.

Pour conclure, je pense qu'il serait intéressant d'approfondir nos travaux sur la question des bourses scolaires et de l'aide sociale, afin de sortir du débat et d'objectiver les problèmes.

M. Jean-Pierre Grand. - C'est d'autant plus vrai que, s'agissant des bourses, on ne pourra pas éternellement puiser dans la soulte, il faudra bien se poser les bonnes questions.

La commission réserve son vote jusqu'à la fin de l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » le 14 novembre 2018.

Page mise à jour le

Partager cette page