EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a présenté, le 24 avril dernier, un projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.

Depuis 1945, seules deux lois ont encadré le lancement d'une souscription nationale. La première, datée du 7 septembre 1948, visait l'érection d'un monument commémoratif au général Leclerc 1 ( * ) . La seconde, du 11 juin 1983, concernait la Polynésie française, touchée par 6 cyclones entre décembre 1982 et avril 1983 2 ( * ) . Le Sénat était à l'initiative de cette loi. Quatre autres souscriptions nationales lancées entre 1945 et 1980 ont, quant à elles, donné lieu à l'adoption de décrets.

Le présent projet de loi est destiné à faire face aux conséquences matérielles de l'incendie du 15 avril dernier et à faciliter une restauration la plus rapide possible de l'édifice, en s'appuyant sur les dons et les promesses de dons enregistrés dans les heures et les jours qui ont suivi le sinistre. Celui-ci a, en effet, suscité un émoi populaire et un réel élan de générosité de la part de nos concitoyens mais aussi des grands donateurs, français et étrangers. Près d'un milliard d'euros de dons et de promesses de dons ont ainsi été enregistrés ou annoncés depuis l'incendie.

Il convient de rappeler, à ce stade, que le texte vise des travaux qui n'ont pas encore été précisément estimés et dont le montant dépendra, pour partie, des choix architecturaux retenus . Seule une évaluation des besoins en personnels a pu être avancée par Jean-Claude Bellanger, secrétaire général des compagnons du devoir, dans l'optique d'une restauration à l'identique. Il prévoit ainsi le recrutement de 550 personnes : 200 couvreurs, 150 charpentiers, 100 maçons et 100 tailleurs de pierre. Cela suppose à court terme un triplement du nombre d'élèves dans ces filières, selon Bernard Stalter, président des Chambres des métiers et de l'artisanat.

La dépense fiscale prévue par le projet de loi n'a pas, non plus, été chiffrée dans l'analyse d'impact.

Seule la structure administrative chargée de concevoir et de coordonner les travaux semble déjà clairement envisagée. Le général Jean-Louis Georgelin, ancien chef d'État-major des armées (2006-2010) puis grand chancelier de la Légion d'honneur (2010-2016), a ainsi été désigné représentant spécial du Président de la République, en charge de la reconstruction de Notre-Dame de Paris. Il est entré en fonctions dès le 18 avril 2019 et peut s'appuyer sur « l'ensemble des ministères mobilisés et en particulier le ministère de la culture » 3 ( * ) . Il est appelé à prendre la tête d'un futur établissement public. Le coût de cette nouvelle structure n'est, toutefois, pas appréhendé dans l'analyse d'impact.

Un ambassadeur chargé de la coordination du volet international de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame a également été nommé, en la personne de M. Stanislas Lefebvre de Laboulaye, ancien ambassadeur de France auprès de la Russie (2006-2008) et du Saint-Siège (2008-2011). Celui-ci accompagnera les grands donateurs étrangers dans leur démarche, assurera le lien entre l'État français et les organisations internationales, en particulier l'Unesco, et mobilisera les expertises européennes qui pourraient être requises. Rattaché au ministre de l'Europe et des affaires étrangères auquel il rend compte, il est également appelé à travailler en étroite coopération avec le représentant spécial du Président de la République.

S'agissant de la collecte des dons, un décret publié le 16 avril 2019 a créé deux fonds de concours permettant de rattacher au budget de l'État les recettes provenant de ces dons 4 ( * ) . Le premier est destiné à recevoir les dons émanant de personnes résidant en France ou d'entreprises où le siège social y est installé. Le second concerne les dons reçus de l'étranger.

La commission des finances a reçu délégation de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication pour examiner au fond les articles 4, 5 et 5 bis du présent projet de loi, qui relèvent de sa compétence. Votre rapporteur a également examiné les articles 1 er , 2, 3, 7 et 8 qui se rattachent à notre champ de compétences du fait de leurs incidences financières.

I. UN CHANTIER QUI VIENT RAPPELER LA FAIBLESSE DES MOYENS BUDGÉTAIRES ALLOUÉS POUR LA PRÉSERVATION DU PATRIMOINE

L'État est propriétaire de 87 cathédrales ainsi que de la basilique Saint-Nazaire de Carcassonne et de l'église Saint-Julien de Tours, toutes classées monuments historiques. Aux termes de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l'État, l'État peut engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont il a la propriété.

Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, Vincent Éblé et Julien Bargeton, ont salué, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, l'augmentation des crédits accordés au programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture ». Ils restent cependant insuffisants pour faire face à un événement exceptionnel comme l'incendie de la cathédrale Notre-Dame.

Les crédits budgétaires pour l'entretien et la restauration du patrimoine

La loi de finances pour 2019 prévoit 456,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 331,1 millions d'euros en crédits de paiement (CP) pour l'entretien et la restauration des monuments historiques.

Les crédits dédiés aux grands projets se limitent à 130 millions d'euros en AE et 34,5 millions d'euros en CP (soit 12,8 millions d'euros de plus qu'en 2018). 115 millions d'euros en AE et 19 millions d'euros en CP sont fléchés vers le financement de deux projets : le Grand Palais et le Château de Villers-Cotterêts. Le chantier du Grand Palais doit s'achever en 2023, celui de Villers-Cotterêts se terminer, pour la première tranche, en 2022.

Les rapporteurs spéciaux avaient également salué le succès du loto du patrimoine, invitant à sa reconduction. Ce dispositif a permis d'affecter 20 millions d'euros à la Fondation du patrimoine en vue du financement de 18 projets. Votre rapporteur avait cependant regretté que le loto du patrimoine soit soumis à l'impôt et fait adopter deux amendements, l'un lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 et l'autre à l'occasion du projet de loi « Croissance et transformation des entreprises » en février dernier, qui n'ont pas été retenus dans la version définitive de chacun des deux textes. Les recettes générées par le loto du Patrimoine en 2018 se sont, en effet, élevées à 200 millions d'euros, dont 14 millions d'euros ont été prélevés par l'État (6 millions d'euros au titre de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), 4 millions d'euros pour le financement du centre national pour le développement du sport (CNDS) et 4 millions d'euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée). Refusant tout abandon de taxe, le Gouvernement avait, au préalable, annoncé, le 25 octobre 2018, le déblocage de 21 millions d'euros supplémentaires au profit de la Fondation du patrimoine.

Source : commission des finances du Sénat

D'après les informations obtenues par votre rapporteur, les crédits affectés à l'entretien courant et aux travaux de restauration des 87 cathédrales se sont élevés à 286 millions d'euros entre 2012 et 2018, soit une moyenne de 41 millions d'euros par an. Les dépenses concernant la sécurité des cathédrales (sécurité incendie, mise aux normes électriques, accessibilité) se sont élevées durant cette période à 17 millions d'euros. La moyenne annuelle des dépenses de l'État par cathédrale s'élève, de fait, à 471 126 euros entre 2012 et 2018.

S'agissant de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les dépenses d'entretien se sont élevées à 3,8 millions d'euros entre 2012 et 2018. La direction régionale des affaires culturelles Île-de-France entendait consacrer 590 000 euros en 2019 aux dépenses d'entretien . L'État n'était, par ailleurs, pas en mesure de faire face seul aux travaux de rénovation qui ont débuté en juillet 2018 et dont le coût était estimé à environ 60 millions d'euros sur 20 ans.

L'État devait ainsi financer 40 millions d'euros, à raison de 2 millions d'euros par an. Il n'a ainsi participé qu'à hauteur de 4 millions d'euros à la première étape du chantier, la réfection de la flèche dont le coût était estimé à 11 millions d'euros. La différence devait être réglée par des mécènes, dans le cadre d'une convention signée entre le ministère de la culture et la fondation Avenir du Patrimoine à Paris (FAPP). Sous réserve de crédits disponibles, l'État s'était engagé à augmenter son apport annuel minimum d'un euro de subvention supplémentaire par euro de mécénat recueilli, dans la limite de 4 millions d'euros par an. La FAPP, sous l'égide de la Fondation Notre Dame, devait centraliser une partie des dons privés, notamment les fonds récoltés par la fondation américaine 501c3 Friends of Notre-Dame de Paris et les dons privés français récoltés par la FAPP elle-même.

Travaux prévus avant l'incendie
de la cathédrale Notre-Dame de Paris

(en millions d'euros)

Chantiers

Coût

Flèche

11

Arc-boutant n°10

0,6

Chemin de ronde

12

Chevet

30

Sacristie

6

Total

59,6

Source : Direction régionale des affaires culturelles - Île-de-France


* 1 Loi n° 48-1392 du 7 septembre 1948 relative à l'érection d'un monument commémoratif au général Leclerc et instituant une souscription nationale à cet effet.

* 2 Loi n° 83-474 du 11 juin 1983 organisant une souscription nationale en faveur de la Polynésie française.

* 3 Communiqué de la présidence de la République, 17 avril 2019.

* 4 Décret n° 2019-327 du 16 avril 2019 autorisant le rattachement par voie de fonds de concours des recettes provenant des dons versés au titre du financement des travaux de restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

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