INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner, en première lecture et en procédure accélérée, le projet de loi n° 573 (2018-2019) portant ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, déposé le 12 juin 2019.

Un peu plus d'un an après l'adoption de la loi relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ce texte a pour objet d'achever l'adaptation de notre droit en vue de faciliter et de fluidifier la préparation et l'organisation de cet évènement d'ampleur pour notre pays.

Compte tenu de son objet principal, à savoir la définition de la gouvernance de la nouvelle agence nationale du sport, le projet de loi a été envoyé, pour examen au fond, à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Votre commission des lois s'est néanmoins saisie pour avis des deux premiers articles de ce texte, qui relèvent de sa compétence et pour l'examen desquels elle a reçu une délégation au fond.

Ces articles concernent, d'une part, la ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 portant sur la création de voies olympiques et paralympiques réservées ainsi que sur l'exercice des pouvoirs de police de la circulation lors des Jeux, et, d'autre part, l'harmonisation du contentieux relatif aux opérations d'urbanisme et d'aménagement.

Votre commission a examiné ce texte à l'aune des positions qui avaient été les siennes sur le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Consciente à la fois du besoin de souplesse et de la nécessité de finaliser, dans des délais en définitive relativement restreints, l'ensemble des sites et infrastructures programmés, elle a approuvé, sous réserve de quelques précisions et ajustements, les dispositions dérogatoires contenues par ce projet de loi.

I. RATIFIER L'ORDONNANCE RELATIVE À LA CRÉATION DE VOIES RÉSERVÉES ET À LA POLICE DE LA CIRCULATION, SOUS RÉSERVE DE QUELQUES PRÉCISIONS

L'ordonnance, dont l'article 1 er du présent projet de loi propose la ratification, a été prise sur le fondement de l'habilitation accordée par l'article 24 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Ce texte avait été examiné, au début de l'année 2018, par votre commission, sur le rapport de votre rapporteur.

L'habilitation autorisait le Gouvernement à légiférer à deux fins :

- d'une part, « permettre la création, pendant la durée nécessaire au bon déroulement des jeux Olympiques et paralympiques de 2024 [...] de voies réservées à la circulation des véhicules de secours et de sécurité et de ceux des personnes accréditées dans le cadre des jeux » ;

- d'autre part, transférer, pendant la même durée, « à l'autorité compétente de l'État les pouvoirs de police de la circulation et du stationnement sur ces voies réservées ainsi que sur les voies qui permettent d'en assurer le délestage et celles qui concourent au bon déroulement de ces jeux ».

Conformément aux termes de cette habilitation, l'ordonnance a été adoptée le 20 mars 2019, dans le délai d'un an prescrit. Le présent projet de loi proposant sa ratification a été déposé le 12 juin 2019, soit moins de trois mois après sa publication.

A. LES VOIES OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES RÉSERVÉES : UN DISPOSITIF AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ ET DE LA SÉCURITÉ

Comme l'indiquait votre rapporteur lors de l'examen de l'habilitation à légiférer par ordonnance, le Gouvernement a pris l'engagement, vis-à-vis du Comité International Olympique (CIO), de mettre en oeuvre un dispositif de voies olympiques et paralympiques réservées afin de faciliter la circulation des véhicules des personnes accréditées dans le cadre des Jeux ainsi que des véhicules des services de secours.

Ce dispositif poursuit deux objectifs : d'une part, garantir, dans les zones soumises à une fréquentation routière dense, une durée de transport pour les délégations sportives entre leur lieu de résidence et le lieu des épreuves sportives inférieure à trente minutes ; d'autre part, assurer la sécurité des Jeux en facilitant la circulation des véhicules de sécurité et de secours.

Le cadre légal actuel ne fournissant aucune base juridique pour créer de telles voies réservées, l'article 1 er de l'ordonnance définit, conformément aux termes de l'habilitation, un dispositif juridique ad hoc .

Un cadre législatif et réglementaire insuffisant pour permettre la création
de voies olympiques et paralympiques réservées

En l'état du droit, les possibilités de limitation de la circulation en vue de la création de voies réservées sont restreintes et strictement encadrées.

Ainsi, si l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation s'est vue reconnaître la possibilité de restreindre, voire interdire, la circulation dans certaines voies, elle n'est autorisée à le faire que pour les nécessités de sécurité et de tranquillité publiques.

Les dispositions législatives spécifiques permettant aux autorités de police, au-delà de ces critères traditionnels de police administrative, de créer des voies réservées sont par ailleurs limitées à des cas très spécifiques .

Le maire est ainsi autorisé à réserver, sur les routes de son agglomération, des voies de circulation pour des catégories d'usagers déterminées. En vertu de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), il peut, par arrêté motivé, « interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers de véhicules ».

Cette prérogative fait toutefois l'objet d'une double limitation :

- elle ne peut être mise en oeuvre que pour les nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement ;

- elle n'ouvre pas le droit de mettre en place des voies réservées sur toute la durée de la journée.

En application de l'article L. 2213-3 du même code, le maire peut également, par arrêté motivé, réserver des emplacements sur les voies publiques de son agglomération afin de « faciliter la circulation des transports publics de voyageurs et des taxis ainsi que des véhicules de transports de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, dans le cadre de leurs missions ».

À Paris, où les compétences en matière de police sont partagées, le préfet de police dispose également, dans des cas limités, de la possibilité de créer des voies réservées. En application de l'article L. 2512-13 du CGCT, il peut ainsi réserver certaines voies ou portions de voies à catégories d'usagers ou de véhicules « pour des motifs liés à la sécurité des personnes ou des biens ou pour assurer la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques ». Il peut également le faire « pour assurer la sécurité des personnes faisant l'objet de mesures de protection particulières par les autorités publiques ou (...) pour des motifs d'ordre public, en cas de manifestation à caractère festif, sportif ou culturel, si la manifestation est itinérante ».

En raison des conditions strictes qu'elles prévoient, ces dispositions, qui s'appliquent aux voies situées en agglomération, ne paraissent pas pouvoir servir de fondement juridique à la mise en oeuvre du dispositif des voies olympiques et paralympiques. Elles ne permettent en effet pas au maire d'instaurer des voies réservées permanentes, sauf pour les voies réservées aux transports publics et aux taxis. Par ailleurs, s'agissant des autres usagers, le maire ne peut instaurer des voies réservées que pour les nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement, conditions qui ne couvrent pas le cas des jeux olympiques.

Par ailleurs, s'agissant des voies situées hors agglomération, aucune règle spécifique n'existe pour la création de voies réservées, ni sur les autoroutes et routes nationales, sur lesquelles le préfet dispose du pouvoir de police, ni sur les routes départementales, sur lesquelles la circulation est régie par le président du conseil départemental.

Dès lors, l'intervention du législateur apparaît nécessaire à la mise en oeuvre du dispositif des voies olympiques et paralympiques.

Source : extrait du rapport (n° 262, 2017-2018) de Mme Muriel Jourda,
fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi
relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 1 ( * ) .

Cet article autorise le Gouvernement à instaurer par décret, entre le 1 er juillet et le 15 septembre 2024 , des voies ou portions de voies réservées à la circulation de certains véhicules.

Seraient concernés, d'une part, les véhicules de secours et de sécurité, d'autre part, les véhicules des personnes accréditées. Eu égard au nombre élevé de personnes susceptibles d'être accréditées, évalué à 300 000, un nombre limité de véhicules, dont la liste serait définie par le comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, devrait être autorisé à recourir à ce dispositif.

Des voies ou portions de voies pourront être réservées non seulement dans les départements accueillant des sites de compétition , mais également dans les départements limitrophes , « lorsque la continuité ou la fluidité des itinéraires le rend nécessaire ». En pratique, 289 kilomètres de voies pourraient , selon les dernières informations communiquées à votre rapporteur, être concernés , principalement situés en Île-de-France. La ville de Marseille, qui devrait accueillir plusieurs épreuves sportives, pourrait également être impactée.

L'ordonnance précise enfin que le dispositif pourra être mis en oeuvre de manière permanente ou durant des périodes déterminées . Il s'agit, selon les informations recueillies par votre rapporteur, de limiter l'impact pour les usagers de la route, en instaurant plusieurs catégories de voies :

- des voies dites « permanentes », mises en oeuvre durant toute la période des Jeux, à raison de 18 à 20 heures par jour ;

- des voies dites « temporaires », activées pendant des périodes de quelques jours ;

- enfin, des voies dites « activables », destinées à être réservées, en fonction des besoins, pendant des périodes très courtes, de quelques heures consécutives au maximum.

Tout en prenant acte de la nécessité, pour la France, de respecter ses engagements internationaux, votre rapporteur s'est inquiétée de la proportionnalité du dispositif envisagé au regard de la gêne susceptible d'être occasionnée aux usagers de la route, qui plus est en période estivale.

Si elle s'est félicitée de l'effort conduit pour réduire l'ampleur du dispositif, qui devait initialement concerner 324 kilomètres de voirie, elle s'est interrogée sur la nécessité de mettre en place des voies réservées dès le 1 er juillet 2024 , alors même que la cérémonie d'ouverture des Jeux est fixée au 26 juillet.

Il lui a été indiqué que l'activation anticipée du dispositif se justifiait par deux éléments : en premier lieu, l'arrivée, quinze jours avant le début de la compétition, de l'ensemble des 206 délégations attendues ; en second lieu, la nécessité de mettre en oeuvre, de manière précoce et progressive, les voies réservées, afin d'en expérimenter l'usage et, le cas échéant, d'adapter le dispositif.

Jugeant ces arguments recevables, mais soucieuse de ne pas pénaliser démesurément l'ensemble des usagers de la route, votre commission a, par l' amendement COM-6 de son rapporteur, complété l'article 1 er de l'ordonnance pour préciser que les voies réservées devraient être activées de manière proportionnée aux objectifs de sécurité et de fluidité poursuivis.

Ce faisant, elle incite le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour restreindre au strict nécessaire le nombre de voies concernées et à recourir, dès que possible, au dispositif des voies temporaires ou activables, dont l'impact sur la circulation sera plus réduit.


* 1 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l17-262/l17-2621.pdf

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