Avis n° 596 (2018-2019) de Mme Muriel JOURDA , fait au nom de la commission des lois, déposé le 25 juin 2019

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N° 596

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juin 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) portant ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ,

Par Mme Muriel JOURDA,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

573 , 597 et 598 (2018-2019)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mardi 25 juin 2019 , sous la présidence de
M. Philippe Bas , président , la commission des lois a examiné le rapport pour avis de Mme Muriel Jourda sur le projet de loi n° 573 (2018-2019) portant ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (procédure accélérée).

La saisine de la commission porte sur les deux premiers articles de ce texte, qui relèvent de sa compétence et pour l'examen desquels elle a reçu une délégation au fond . Ces articles concernent, d'une part, la ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 portant sur la création de voies olympiques et paralympiques réservées ainsi que sur l'exercice des pouvoirs de police de la circulation lors des Jeux (article 1 er ), et, d'autre part, l'harmonisation du contentieux relatif aux opérations d'urbanisme et d'aménagement (article 2).

Dans la continuité de la loi relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 adoptée par le Parlement il y a un peu plus d'un an, ces dispositions visent à achever l'adaptation de notre droit pour faciliter et fluidifier la préparation et l'organisation de cet évènement sportif d'ampleur .

Consciente à la fois du besoin de souplesse et de la nécessité de finaliser, dans des délais relativement restreints, l'ensemble des sites et infrastructures programmés, la commission a approuvé les mesures dérogatoires contenues par le projet de loi.

Elle a néanmoins adopté 2 amendements afin de pallier certaines faiblesses ou imprécisions du texte.

Elle a, en premier lieu, apporté plusieurs modifications à l'ordonnance dont la ratification est proposée par l' article 1 er du présent projet de loi, afin de :

- préciser que les voies réservées devraient être activées de manière proportionnée aux objectifs de sécurité et de fluidité poursuivis ;

- encadrer les conditions dans lesquelles les autorités préfectorales se verraient déléguer, pendant la période des Jeux, le pouvoir de police de la circulation sur certaines voies ;

- préciser les conditions dans lesquelles le préfet de police serait, en Île-de-France, saisi pour avis des projets de travaux et d'aménagement susceptibles d'impacter la circulation sur les voies olympiques et paralympiques réservées.

En second lieu, elle a adopté une nouvelle rédaction de l' article 2 du projet de loi de manière à éviter toute référence, dans la loi, à une disposition de nature réglementaire .

Sous réserve de l'adoption de ses amendements, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle s'est saisie pour avis .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner, en première lecture et en procédure accélérée, le projet de loi n° 573 (2018-2019) portant ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, déposé le 12 juin 2019.

Un peu plus d'un an après l'adoption de la loi relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ce texte a pour objet d'achever l'adaptation de notre droit en vue de faciliter et de fluidifier la préparation et l'organisation de cet évènement d'ampleur pour notre pays.

Compte tenu de son objet principal, à savoir la définition de la gouvernance de la nouvelle agence nationale du sport, le projet de loi a été envoyé, pour examen au fond, à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Votre commission des lois s'est néanmoins saisie pour avis des deux premiers articles de ce texte, qui relèvent de sa compétence et pour l'examen desquels elle a reçu une délégation au fond.

Ces articles concernent, d'une part, la ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 portant sur la création de voies olympiques et paralympiques réservées ainsi que sur l'exercice des pouvoirs de police de la circulation lors des Jeux, et, d'autre part, l'harmonisation du contentieux relatif aux opérations d'urbanisme et d'aménagement.

Votre commission a examiné ce texte à l'aune des positions qui avaient été les siennes sur le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Consciente à la fois du besoin de souplesse et de la nécessité de finaliser, dans des délais en définitive relativement restreints, l'ensemble des sites et infrastructures programmés, elle a approuvé, sous réserve de quelques précisions et ajustements, les dispositions dérogatoires contenues par ce projet de loi.

I. RATIFIER L'ORDONNANCE RELATIVE À LA CRÉATION DE VOIES RÉSERVÉES ET À LA POLICE DE LA CIRCULATION, SOUS RÉSERVE DE QUELQUES PRÉCISIONS

L'ordonnance, dont l'article 1 er du présent projet de loi propose la ratification, a été prise sur le fondement de l'habilitation accordée par l'article 24 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Ce texte avait été examiné, au début de l'année 2018, par votre commission, sur le rapport de votre rapporteur.

L'habilitation autorisait le Gouvernement à légiférer à deux fins :

- d'une part, « permettre la création, pendant la durée nécessaire au bon déroulement des jeux Olympiques et paralympiques de 2024 [...] de voies réservées à la circulation des véhicules de secours et de sécurité et de ceux des personnes accréditées dans le cadre des jeux » ;

- d'autre part, transférer, pendant la même durée, « à l'autorité compétente de l'État les pouvoirs de police de la circulation et du stationnement sur ces voies réservées ainsi que sur les voies qui permettent d'en assurer le délestage et celles qui concourent au bon déroulement de ces jeux ».

Conformément aux termes de cette habilitation, l'ordonnance a été adoptée le 20 mars 2019, dans le délai d'un an prescrit. Le présent projet de loi proposant sa ratification a été déposé le 12 juin 2019, soit moins de trois mois après sa publication.

A. LES VOIES OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES RÉSERVÉES : UN DISPOSITIF AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ ET DE LA SÉCURITÉ

Comme l'indiquait votre rapporteur lors de l'examen de l'habilitation à légiférer par ordonnance, le Gouvernement a pris l'engagement, vis-à-vis du Comité International Olympique (CIO), de mettre en oeuvre un dispositif de voies olympiques et paralympiques réservées afin de faciliter la circulation des véhicules des personnes accréditées dans le cadre des Jeux ainsi que des véhicules des services de secours.

Ce dispositif poursuit deux objectifs : d'une part, garantir, dans les zones soumises à une fréquentation routière dense, une durée de transport pour les délégations sportives entre leur lieu de résidence et le lieu des épreuves sportives inférieure à trente minutes ; d'autre part, assurer la sécurité des Jeux en facilitant la circulation des véhicules de sécurité et de secours.

Le cadre légal actuel ne fournissant aucune base juridique pour créer de telles voies réservées, l'article 1 er de l'ordonnance définit, conformément aux termes de l'habilitation, un dispositif juridique ad hoc .

Un cadre législatif et réglementaire insuffisant pour permettre la création
de voies olympiques et paralympiques réservées

En l'état du droit, les possibilités de limitation de la circulation en vue de la création de voies réservées sont restreintes et strictement encadrées.

Ainsi, si l'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation s'est vue reconnaître la possibilité de restreindre, voire interdire, la circulation dans certaines voies, elle n'est autorisée à le faire que pour les nécessités de sécurité et de tranquillité publiques.

Les dispositions législatives spécifiques permettant aux autorités de police, au-delà de ces critères traditionnels de police administrative, de créer des voies réservées sont par ailleurs limitées à des cas très spécifiques .

Le maire est ainsi autorisé à réserver, sur les routes de son agglomération, des voies de circulation pour des catégories d'usagers déterminées. En vertu de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), il peut, par arrêté motivé, « interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers de véhicules ».

Cette prérogative fait toutefois l'objet d'une double limitation :

- elle ne peut être mise en oeuvre que pour les nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement ;

- elle n'ouvre pas le droit de mettre en place des voies réservées sur toute la durée de la journée.

En application de l'article L. 2213-3 du même code, le maire peut également, par arrêté motivé, réserver des emplacements sur les voies publiques de son agglomération afin de « faciliter la circulation des transports publics de voyageurs et des taxis ainsi que des véhicules de transports de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, dans le cadre de leurs missions ».

À Paris, où les compétences en matière de police sont partagées, le préfet de police dispose également, dans des cas limités, de la possibilité de créer des voies réservées. En application de l'article L. 2512-13 du CGCT, il peut ainsi réserver certaines voies ou portions de voies à catégories d'usagers ou de véhicules « pour des motifs liés à la sécurité des personnes ou des biens ou pour assurer la protection du siège des institutions de la République et des représentations diplomatiques ». Il peut également le faire « pour assurer la sécurité des personnes faisant l'objet de mesures de protection particulières par les autorités publiques ou (...) pour des motifs d'ordre public, en cas de manifestation à caractère festif, sportif ou culturel, si la manifestation est itinérante ».

En raison des conditions strictes qu'elles prévoient, ces dispositions, qui s'appliquent aux voies situées en agglomération, ne paraissent pas pouvoir servir de fondement juridique à la mise en oeuvre du dispositif des voies olympiques et paralympiques. Elles ne permettent en effet pas au maire d'instaurer des voies réservées permanentes, sauf pour les voies réservées aux transports publics et aux taxis. Par ailleurs, s'agissant des autres usagers, le maire ne peut instaurer des voies réservées que pour les nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement, conditions qui ne couvrent pas le cas des jeux olympiques.

Par ailleurs, s'agissant des voies situées hors agglomération, aucune règle spécifique n'existe pour la création de voies réservées, ni sur les autoroutes et routes nationales, sur lesquelles le préfet dispose du pouvoir de police, ni sur les routes départementales, sur lesquelles la circulation est régie par le président du conseil départemental.

Dès lors, l'intervention du législateur apparaît nécessaire à la mise en oeuvre du dispositif des voies olympiques et paralympiques.

Source : extrait du rapport (n° 262, 2017-2018) de Mme Muriel Jourda,
fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi
relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 1 ( * ) .

Cet article autorise le Gouvernement à instaurer par décret, entre le 1 er juillet et le 15 septembre 2024 , des voies ou portions de voies réservées à la circulation de certains véhicules.

Seraient concernés, d'une part, les véhicules de secours et de sécurité, d'autre part, les véhicules des personnes accréditées. Eu égard au nombre élevé de personnes susceptibles d'être accréditées, évalué à 300 000, un nombre limité de véhicules, dont la liste serait définie par le comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, devrait être autorisé à recourir à ce dispositif.

Des voies ou portions de voies pourront être réservées non seulement dans les départements accueillant des sites de compétition , mais également dans les départements limitrophes , « lorsque la continuité ou la fluidité des itinéraires le rend nécessaire ». En pratique, 289 kilomètres de voies pourraient , selon les dernières informations communiquées à votre rapporteur, être concernés , principalement situés en Île-de-France. La ville de Marseille, qui devrait accueillir plusieurs épreuves sportives, pourrait également être impactée.

L'ordonnance précise enfin que le dispositif pourra être mis en oeuvre de manière permanente ou durant des périodes déterminées . Il s'agit, selon les informations recueillies par votre rapporteur, de limiter l'impact pour les usagers de la route, en instaurant plusieurs catégories de voies :

- des voies dites « permanentes », mises en oeuvre durant toute la période des Jeux, à raison de 18 à 20 heures par jour ;

- des voies dites « temporaires », activées pendant des périodes de quelques jours ;

- enfin, des voies dites « activables », destinées à être réservées, en fonction des besoins, pendant des périodes très courtes, de quelques heures consécutives au maximum.

Tout en prenant acte de la nécessité, pour la France, de respecter ses engagements internationaux, votre rapporteur s'est inquiétée de la proportionnalité du dispositif envisagé au regard de la gêne susceptible d'être occasionnée aux usagers de la route, qui plus est en période estivale.

Si elle s'est félicitée de l'effort conduit pour réduire l'ampleur du dispositif, qui devait initialement concerner 324 kilomètres de voirie, elle s'est interrogée sur la nécessité de mettre en place des voies réservées dès le 1 er juillet 2024 , alors même que la cérémonie d'ouverture des Jeux est fixée au 26 juillet.

Il lui a été indiqué que l'activation anticipée du dispositif se justifiait par deux éléments : en premier lieu, l'arrivée, quinze jours avant le début de la compétition, de l'ensemble des 206 délégations attendues ; en second lieu, la nécessité de mettre en oeuvre, de manière précoce et progressive, les voies réservées, afin d'en expérimenter l'usage et, le cas échéant, d'adapter le dispositif.

Jugeant ces arguments recevables, mais soucieuse de ne pas pénaliser démesurément l'ensemble des usagers de la route, votre commission a, par l' amendement COM-6 de son rapporteur, complété l'article 1 er de l'ordonnance pour préciser que les voies réservées devraient être activées de manière proportionnée aux objectifs de sécurité et de fluidité poursuivis.

Ce faisant, elle incite le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour restreindre au strict nécessaire le nombre de voies concernées et à recourir, dès que possible, au dispositif des voies temporaires ou activables, dont l'impact sur la circulation sera plus réduit.

B. UN TRANSFERT BIENVENU DES POUVOIRS DE POLICE DE LA CIRCULATION AUX AUTORITÉS ÉTATIQUES

1. La police de la circulation et du stationnement, une compétence éclatée

En l'état du droit, le pouvoir de police de la circulation et du stationnement est réparti entre plusieurs autorités :

- le maire est compétent sur toutes les voies situées en agglomération, qu'elle qu'en soit l'autorité gestionnaire (routes nationales, routes départementales et voies de communication) ainsi que, en dehors des agglomérations, sur les routes communales et intercommunales 2 ( * ) ;

- le président du conseil départemental exerce ce pouvoir de police sur les routes départementales situées en dehors des agglomérations 3 ( * ) ;

- le préfet de département est, quant à lui, compétent sur les routes nationales situées hors agglomération ainsi que sur les autoroutes 4 ( * ) . Il peut également se substituer aux autorités locales, en cas de carence de celles-ci, après mise en demeure restée infructueuse 5 ( * ) . Enfin, il doit également être saisi pour avis de tous les arrêtés des maires et des présidents de conseils départementaux concernant les routes à grande circulation 6 ( * ) .

La police de la circulation et du stationnement

La police spéciale de la circulation et du stationnement recouvre :

- la réglementation des voies (fermeture de certaines portions, délimitation des vitesses maximales autorisées, délimitation des pistes cyclables, etc. ) ;

- la définition des zones de stationnement, le contrôle du stationnement payant et la répression du stationnement gênant ;

- la gestion des fourrières.

Source : extrait du rapport (n° 262, 2017-2018) de Mme Muriel Jourda,
fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi
relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Ce partage des compétences s'applique dans l'ensemble de la région Île-de-France, à l'exception de la ville de Paris . En effet, si le maire de Paris dispose de la compétence de droit commun en matière de police de la circulation et du stationnement, son intervention sur certaines catégories de voies est limitée au bénéfice du préfet de police.

Compétence du préfet de police en matière de police de la circulation
et du stationnement à Paris

En vertu de l'article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales, le préfet de police conserve un pouvoir de police sur :

- certains sites, voies ou portions de voies qui, pour des motifs liés à la sécurité des personnes et des biens, continuent d'être régulés de manière permanente par le préfet de police. La liste de ces axes est fixée par arrêté du préfet de police, après avis du maire de Paris ;

- les axes environnant le siège des institutions de la République ou des représentations diplomatiques. Ces axes sont également réglementés de manière permanente par le préfet de police ;

- les axes nécessaires pour assurer la sécurité des personnes faisant l'objet de mesures particulières par les autorités publiques (par exemple, pour des transferts de prisonniers vers le Palais de justice). Ces axes peuvent être temporairement régis par le préfet de police ;

- les axes où se déroulent des manifestations de voie publique itinérantes à caractère revendicatif ou à caractère festif, sportif ou culturel. Sur ces voies, le préfet de police est autorisé à prendre des mesures de régulation temporaire, après avis du maire de Paris.

En outre, il bénéficie d'un pouvoir d'avis ou de prescription :

- sur les axes essentiels à la sécurité à Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics, dont la liste est définie par décret, le maire de Paris exerçant la police de la circulation et du stationnement, dans le respect des prescriptions du préfet de police émises lors de l'aménagement des voies ;

- sur les axes concourant à la sécurité des personnes et des biens à Paris, la régulation de la circulation et du stationnement relève du maire de Paris mais nécessite un avis du préfet de police.

2. Le transfert temporaire des pouvoirs de police aux autorités étatiques

Conformément aux termes de l'habilitation, les articles 2 et 3 de l'ordonnance tendent à transférer, de manière temporaire, les pouvoirs de police de la circulation aux autorités étatiques .

En Île-de-France, ce transfert se ferait au bénéfice du préfet de police . Dans les autres départements accueillant des sites de compétition ainsi que dans les départements limitrophes, serait compétent le préfet de la zone de sécurité et de défense .

Ce transfert de compétence comporterait deux volets .

Il s'agit, tout d'abord, de donner compétence à ces autorités préfectorales pour déterminer, par arrêté, les voies ou les portions de voies qui :

- soit permettront d'assurer le délestage des voies réservées par décret ;

- soit concourront au déroulement des Jeux, en raison des incidences ou de l'utilité qu'elles peuvent avoir sur la circulation sur les voies réservées ou pour la desserte des sites olympiques (article 2 de l'ordonnance).

Sur ces voies ainsi que sur les voies et portions de voies réservées qui seront déterminées par décret, les mêmes autorités préfectorales disposeraient, ensuite, du pouvoir de police de la circulation et du stationnement, par dérogation au cadre légal de droit commun (article 3 de l'ordonnance).

Le transfert de compétence serait limité dans le temps : il ne s'appliquerait que du 1 er juillet au 15 septembre 2024, de manière cohérente avec la période au cours de laquelle des voies réservées pourront être mises en place.

Votre commission a approuvé ces dispositions , qui, comme l'indiquait votre rapporteur lors de l'examen du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques, se justifient par la nécessité « de fluidifier le dispositif de circulation mis en place dans le cadre des Jeux ainsi que [de] réduire le nombre d'interlocuteurs pour le comité d'organisation des jeux olympiques et paralympiques ».

Par l' amendement COM-6 de son rapporteur, elle a néanmoins souhaité encadrer les conditions de ce transfert de compétence, en :

- précisant, à l'article 2 de l'ordonnance, la période pendant laquelle les voies de délestage ainsi que les voies concourant au déroulement des Jeux pourront être déterminées ;

- prévoyant que cette décision soit précédée d'une consultation des autorités normalement détentrices du pouvoir de police de la circulation, comme cela est, par exemple, le cas à Paris pour la détermination de certaines voies relevant de la compétence du préfet de police, afin d'assurer une parfaite collaboration entre les autorités compétentes 7 ( * ) .

C. UNE CENTRALISATION NÉCESSAIRE DE LA COORDINATION DES PROJETS DE TRAVAUX ET D'AMÉNAGEMENT AFFECTANT LES VOIES RÉSERVÉES

1. La programmation et l'encadrement des travaux sur la voirie routière : une compétence partagée entre plusieurs autorités

La réalisation de travaux ou d'aménagements sur la voirie routière fait l'objet de plusieurs prescriptions.

Outre l'exigence d'une autorisation délivrée par le gestionnaire de la voirie concernée, le législateur a confié aux autorités détentrices du pouvoir de police de la circulation et du stationnement le soin de coordonner la programmation et la réalisation des travaux impactant l'usage normal du domaine public routier , de manière à limiter l'impact que des interventions successives et dispersées pourraient avoir sur la circulation.

Cette coordination relève de plusieurs autorités .

En agglomération , le maire est compétent, en vertu de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière, pour coordonner l'ensemble des travaux impactant le sol et le sous-sol des voies publiques, quelle qu'en soit l'autorité gestionnaire.

Il est, à ce titre, destinataire, chaque année, des projets de travaux envisagés, que ceux-ci soient programmés par des entités ou services publics ou par des particuliers.

Sur cette base, il est chargé d'établir le calendrier annuel des travaux et de le notifier aux acteurs concernés. Il dispose, dans ce cadre, d'un pouvoir de prescription et peut, par une décision motivée, refuser l'inscription d'un projet de travaux.

Hors agglomération , cette compétence de coordination est exercée par chaque autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation, à savoir le maire sur les routes communales 8 ( * ) , le président du conseil départemental sur les routes départementales 9 ( * ) et le préfet pour les routes nationales 10 ( * ) .

Cette répartition subit une exception s'agissant des routes à grande circulation, dont la liste est fixée par décret. Sur ces voies, les travaux réalisés relèvent de la compétence unique du préfet, en agglomération comme hors agglomération.

Ce cadre légal s'applique en Île-de-France, comme sur le reste du territoire national .

Cependant, une spécificité existe à Paris : eu égard au partage de compétences en matière d'exercice de la police de la circulation, le maire est en effet tenu de recueillir l'avis du préfet de police pour tous les projets d'aménagement de voirie concernant les axes essentiels à la sécurité à Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics 11 ( * ) . Le préfet de police peut émettre, à cette occasion, des prescriptions visant à garantir la fluidité de la circulation des véhicules de sécurité et de secours.

2. Une extension pertinente de la compétence du préfet de police

De manière dérogatoire à ce cadre légal, l'article 4 de l'ordonnance du 20 mars 2019 prévoit que le préfet de police soit, en Île-de-France, consulté sur tous les projets de travaux et d'aménagements susceptibles d'impacter les voies et portions de voies réservées instaurées par décret entre le 1 er juillet et le 15 septembre 2024.

Afin de garantir une bonne circulation sur ces voies, il est prévu qu'il puisse subordonner la réalisation des travaux à certaines prescriptions.

Il s'agit, en pratique, d'étendre la prérogative dont il dispose actuellement, en vertu de l'article L. 2412-14 du code général des collectivités territoriales, sur certaines voies de l'agglomération parisienne à l'ensemble des voies réservées qui seront identifiées dans la région Île-de-France.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par la préfecture de police, ces dispositions auraient principalement vocation à s'appliquer dans l'agglomération parisienne, notamment sur les quais de Seine et sur le boulevard périphérique. Pourraient également être concernées certaines communes des départements de la petite couronne, en particulier Saint-Denis.

Votre commission a souscrit à l'objectif poursuivi par l'article 4 de l'ordonnance. Le préfet de police ayant vocation à exercer le pouvoir de police de la circulation sur l'ensemble des voies et portions de voies qui seront réservées, il est cohérent qu'il puisse également se prononcer sur tous les ouvrages susceptibles d'affecter la bonne utilisation de ces voies.

Qui plus est, eu égard à l'éclatement des compétences, dans la région Île-de-France, en matière de coordination des programmes de travaux de voirie, il est apparu pertinent à votre commission qu'une autorité unique puisse exercer, de manière temporaire, un droit de regard global sur l'ensemble des projets d'aménagement susceptibles d'affecter la circulation en région parisienne au cours de cet évènement d'ampleur.

Par l' amendement COM-6 de son rapporteur, votre commission a toutefois estimé nécessaire de préciser, dans la loi, la procédure applicable. Elle a ainsi spécifié que le préfet de police serait saisi, par dérogation aux dispositions légales de droit commun, par les autorités en charge de la coordination des travaux de voirie, pour leur secteur de compétence.

II. APPROUVER L'HARMONISATION DU CONTENTIEUX PORTANT SUR LES OPÉRATIONS D'URBANISME

L'article 2 du projet de loi tend à donner compétence à la cour administrative d'appel de Paris, statuant en premier et dernier ressort, sur les déférés préfectoraux afférents aux opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière liées à l'organisation et au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

A. L'INSTAURATION DE RÉGIMES DÉROGATOIRES POUR ACCÉLÉRER LA CONSTRUCTION ET L'AMÉNAGEMENT DES SITES OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES

Parmi les objectifs de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 figurait le souci de simplifier et d'accélérer les procédures de construction, de rénovation et d'aménagement des ouvrages olympiques et paralympiques. Eu égard aux engagements pris par la France à l'égard du comité international olympique, il s'agissait de s'assurer que le programme de construction prévu pourrait être réalisé dans les temps.

À cette fin, le législateur a adopté plusieurs dispositions dérogeant au code de l'urbanisme et de l'environnement , parmi lesquelles la simplification de la procédure de consultation du public pour les travaux de construction et de rénovation des bâtiments pérennes, le recours à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour réaliser le village olympique et paralympique, ou encore la simplification du régime applicable aux installations temporaires, qui se verront dispenser d'autorisation d'urbanisme.

Poursuivant la même logique, le Gouvernement a simplifié, par la voie réglementaire, les règles du traitement contentieux des litiges relatifs aux opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière nécessaires à la préparation et au déroulement des Jeux.

Par un décret du 26 décembre 2018 , la cour administrative d'appel de Paris s'est ainsi vue confier la compétence pour statuer, en premier et dernier ressort, sur les recours formés à l'encontre des actes afférents à ces opérations 12 ( * ) . Le Conseil d'État demeure néanmoins compétent pour traiter les pourvois en cassation.

Compétence de la cour d'appel de Paris sur les actes afférents
aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

Le 5° de l'article R. 311-2 du code de justice administrative, introduit par le décret n° 2018-1249 du 26 décembre 2018 précité, prévoit que la cour administrative d'appel de Paris est compétente, à compter du 1 er janvier 2019, pour statuer en premier et dernier ressort sur l'ensemble des actes afférents :

- aux opérations d'urbanisme et d'aménagement, aux opérations foncières et immobilières, aux infrastructures et équipements ainsi qu'aux voiries, dès lors qu'ils sont, même pour partie seulement, nécessaire à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des Jeux ;

- à tous les documents qui conditionnent la réalisation de ces opérations, en particulier les documents d'urbanisme et d'aménagement ;

- aux opérations d'urbanisme et d'aménagement réalisées selon la procédure intégrée de mise en compatibilité des documents d'urbanisme 13 ( * ) .

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, cette simplification du traitement contentieux poursuit deux objectifs : d'une part, accélérer les procédures afin d'éviter des retards dans le programme de construction des ouvrages nécessaires à l'organisation et au déroulement des Jeux ; d'autre part, unifier le contentieux sur les litiges concernant les Jeux, en prévoyant la compétence d'une juridiction unique.

Il peut être relevé qu'un tel raccourcissement de la chaîne contentieuse existe dans d'autres cas, notamment s'agissant des contentieux de l'urbanisme dans les communes soumises à une forte tension en matière d'accès au logement 14 ( * ) .

B. UNE VOLONTÉ D'ALIGNEMENT DU RÉGIME CONTENTIEUX DES DÉFÉRÉS PRÉFECTORAUX

Dans le cadre de la préparation et de l'organisation des Jeux, les communes destinées à accueillir les villages olympiques et paralympiques ainsi que les épreuves seront, eu égard à leurs compétences en matière d'urbanisme, directement impliquées dans la programmation et la conduite des projets d'aménagement et d'infrastructure .

Les autorités communales sont en effet compétentes pour délivrer les autorisations de construction ou d'aménagement, compétence qu'elles partagent avec l'État 15 ( * ) .

Dans les communes qui se seront dotées d'un plan national ou d'un document d'urbanisme, le maire aura ainsi la charge de délivrer les permis de construire, d'aménager ou de démolir ainsi que de se prononcer sur tout projet faisant l'objet d'une déclaration préalable de travaux 16 ( * ) .

Par ailleurs, comme le soulignait votre rapporteur dans son rapport relatif à la loi sur les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, « l'organisation des Jeux [...] pourrait nécessiter de modifier, dans des délais relativement contraints, des documents d'urbanisme et des documents prescriptifs de rang supérieur ». Pourraient notamment être concernés des plans locaux d'urbanisme (PLU), dont la définition relève du conseil municipal.

Conformément aux articles L. 2131-2, L. 2131-3 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, les actes individuels ou réglementaires qui seront pris par les autorités communales à cette occasion, en particulier les permis de construire, les autorisations d'utilisation du sol et les certificats d'urbanisme, de même que les éventuelles modifications des documents locaux d'urbanisme, seront susceptibles d'être déférés par le préfet au juge administratif , dès lors qu'il les jugerait contraires à la légalité.

En l'état du droit, l'article L. 2131-6 précité confie au tribunal administratif la compétence pour connaître de ces déférés.

La procédure du déféré préfectoral contre les actes communaux

En application des articles L. 2131-3 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, le préfet peut déférer au tribunal administratif les actes des autorités communales qu'il estime contraires à la légalité.

Deux cas doivent être distingués :

- les actes soumis à une obligation de transmission au préfet préalablement à leur entrée en vigueur, listés par l'article L. 2131-2 du même code, doivent être déférés dans un délai de deux mois à compter de leur transmission ;

- les actes non soumis à cette obligation de transmission, ne peuvent être déférés que si le préfet a demandé leur communication dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle ils sont devenus exécutoires et dans un délai de deux mois à compter de leur communication au préfet.

Par dérogation à ce cadre légal, l'article 2 du projet de loi tend, dans la continuité du décret du 26 décembre 2018 précité, à donner compétence à la cour administrative d'appel de Paris pour connaître des déférés préfectoraux formés à l'encontre des actes pris par les autorités communales pour les opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière afférentes à la préparation et à l'organisation des Jeux. Sont visés l'ensemble des actes listés par le 5° de l'article R. 311-2 du code de la justice administrative.

La cour statuerait en premier et dernier ressort, sans préjudice de la compétence du Conseil d'État pour les pourvois en cassation.

L'article 2 ne prévoit, en revanche, aucune dérogation s'agissant des déférés préfectoraux qui pourraient être formés à l'encontre des actes des autres catégories de collectivités territoriales. Il a été indiqué à votre rapporteur qu'une telle disposition n'était pas nécessaire dès lors que les départements et les régions ne seraient pas amenés, dans le cadre de la préparation des Jeux, à prendre des actes en matière d'urbanisme.

C. UNE HARMONISATION COHÉRENTE ET NÉCESSAIRE

Bien que la répartition des compétences au sein de la juridiction administrative relève théoriquement du domaine réglementaire, votre commission a pris acte de la nécessité , en l'espèce, d'une intervention du législateur pour déroger au cadre posé par les dispositions législatives du code général des collectivités territoriales.

Elle a également partagé le souci du Gouvernement d'harmoniser l'ensemble du contentieux concernant les opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière afférents aux jeux Olympiques et Paralympiques, qu'il s'agisse de recours formés par les particuliers ou de déférés préfectoraux.

Si elle n'approuve pas, par principe, le raccourcissement des procédures contentieuses eu égard à l'atteinte susceptible d'être portée au droit au recours effectif, votre commission a jugé qu'il se justifiait, en l'espèce, par la nécessité, pour les pouvoirs publics, de finaliser les opérations de construction dans les délais impartis . Cette même position l'avait d'ailleurs amenée, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, à adopter de nombreuses dérogations à la législation en matière d'urbanisme.

Votre commission a néanmoins jugé la rédaction proposée par le Gouvernement perfectible. Afin d'éviter toute référence, dans la loi, à une disposition de nature réglementaire, elle a, par l'adoption de l' amendement COM-7 de son rapporteur, prévu que le contentieux des déférés préfectoraux serait attribué à une juridiction unique, statuant en premier et dernier ressort, renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de procéder à sa désignation ainsi qu'à l'énumération des actes concernés.

*       *

*

Sous réserve de l'adoption de ses amendements, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 dont elle s'est saisie pour avis.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MARDI 25 JUIN 2019

M. Philippe Bas , président . - Nous examinons ce matin le rapport pour avis de Mme Muriel Jourda sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - Ce projet de loi s'inscrit dans la droite ligne de la loi que le Sénat a adoptée il y a un peu plus d'un an sur l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il a pour but premier de fixer les modalités de gouvernance de la nouvelle agence nationale du sport. C'est pourquoi son examen a été délégué au fond à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Notre commission s'est saisie, quant à elle, des deux premiers articles du projet de loi, pour l'examen desquels elle a reçu une délégation au fond. Ces articles ont pour objet, d'une part, de ratifier l'ordonnance prise en application de l'article 24 de la loi que je viens de citer, d'autre part, d'harmoniser le contentieux en matière d'urbanisme.

L'article 1 er du projet de loi tend à ratifier l'ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à l'exercice de la police de la circulation lors des Jeux. Dans le but de faciliter le transport et l'acheminement des moyens de sécurité, l'ordonnance définit les modalités selon lesquelles la fluidité de la circulation sera assurée. Elle comporte quatre articles majeurs. Je vous propose de les examiner dans le même état d'esprit bienveillant que celui que nous avions adopté lors de l'examen du précédent projet de loi. Il me semble, en effet, que nous partageons tous le souhait que ces Jeux soient une réussite.

L'article 1 er de l'ordonnance porte sur la création des voies et portions de voies réservées aux personnes accréditées et aux véhicules de secours et de sécurité, qui seront déterminées par décret. Nous pourrions considérer que cela ne nous avance guère... Mais l'ordonnance apporte malgré tout quelques précisions sur les conditions de mise en service de ce dispositif. La période d'abord : des voies pourront être réservées du 1 er juillet au 15 septembre 2024. Le lieu ensuite : elles pourront l'être dans les départements accueillant un site de compétition ou dans un département limitrophe. Il est par ailleurs précisé que les voies pourront être réservées de manière permanente ou pendant des périodes déterminées. Des précisions pour assurer la proportionnalité de ces mesures me semblent nécessaires, la circulation étant déjà suffisamment difficile en Île-de-France...

Je me suis également interrogée sur la période prévue dans l'ordonnance pour la mise en service de ces voies : pourquoi en effet commencer le 1 er juillet, si les jeux Olympiques ne commencent que le 26 ? Le Gouvernement nous a expliqué, à raison me semble-t-il, qu'il était nécessaire d'anticiper la mise en place de ces voies, d'une part car les 206 délégations attendues devraient arriver quinze jours avant le début de la compétition, d'autre part pour ménager un laps de temps pour expérimenter le dispositif, s'assurer qu'il donne satisfaction et, le cas échéant, lui apporter des ajustements.

En pratique, le nombre de kilomètres linéaires de voirie concernée, initialement évalué à 324 km, a été revu à la baisse et s'établit désormais à 289 km, ce qui me paraît une bonne chose.

Le Gouvernement envisage de réserver certaines voies de manière permanente, pendant toute la période, à raison de 18 à 20 heures par jour, d'autres seulement pendant quelques jours. Certaines voies, dites « activables », pourront par ailleurs être mises en service, en fonction des besoins, pour des périodes beaucoup plus courtes, de l'ordre de quelques heures.

Je vous proposerai d'approuver cet article, mais non sans ajouter une référence au principe de proportionnalité, afin d'encourager le Gouvernement à persévérer dans la réduction au strict nécessaire du nombre de voies concernées.

L'article 2 de l'ordonnance donne compétence aux autorités préfectorales pour définir, par arrêté, les voies de délestage ainsi que les voies qui concourent à l'organisation des Jeux. Il est prévu que celles-ci soient déterminées en Île-de-France, par le préfet de police, dans les autres départements, par le préfet de la zone de sécurité et de défense. Je vous proposerai, sur cet article, que soit rappelée la période concernée par ce transfert de compétence et que l'autorité normalement détentrice de ce pouvoir soit consultée avant toute décision.

L'article 3 prévoit quant à lui le transfert aux autorités étatiques du pouvoir de police de la circulation et du stationnement, sur les voies réservées, les voies de délestage et les voies concourant à l'organisation des Jeux. Il paraît en effet nécessaire de confier à une autorité unique cette compétence, aujourd'hui éclatée entre plusieurs autorités. Comme à l'article 2 de l'ordonnance, le pouvoir de police de la circulation serait transféré au préfet de police, en Ile-de-France, et au préfet de la zone de sécurité et de défense, dans les autres départements concernés.

Enfin, l'article 4 de l'ordonnance prévoit que le préfet de police donnera son avis et pourra émettre des prescriptions sur les projets de travaux susceptibles d'avoir une incidence sur les voies réservées. Cela me semble cohérent. Là encore, je vous proposerai de préciser la procédure applicable, sans rien changer au fond.

À la lumière de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de l'article 1 er du projet de loi, modifié par mes amendements d'ajustement.

L'article 2 du projet de loi donne compétence à la cour administrative d'appel de Paris sur les déférés préfectoraux afférents aux opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière liées à l'organisation et au déroulement des Jeux. Il s'agit d'harmoniser le traitement contentieux de ces opérations, un décret adopté le 26 décembre 2018 ayant déjà donné compétence à cette juridiction sur les autres types de recours. Cela se conçoit, même si le délégué interministériel a eu raison de qualifier de « baroque » l'hypothèse que le préfet défère une décision prise par l'État dans ce domaine... C'est sans doute effectivement une hypothèse d'école. Je propose néanmoins d'adopter cet article, modifié par un amendement qui élimine la référence à un texte réglementaire.

Sous réserve de l'adoption de mes amendements, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je dois vous confier un problème métaphysique : je croyais que la police de la circulation était du domaine règlementaire. Je ne comprends pas trop ce méli-mélo d'ordonnances, de lois, de décrets... Mais cela doit être dû à mon ignorance des subtilités des actions du Gouvernement...

M. Philippe Bas , président . - Bien au contraire, c'est une excellente question !

M. Alain Richard . - ... que je me pose également : si l'on ouvre le code de la route, on voit bien que la partie législative ne dit rien sur la circulation, qui est régie par des articles de la partie règlementaire. J'ai donc du mal à comprendre pourquoi le Gouvernement veut un support législatif pour les mesures qu'il veut prendre.

Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - Nous avons autorisé le Gouvernement à prendre une ordonnance, et celle-ci renvoie à un décret
- c'est en effet étrange. Le recours à la loi était toutefois nécessaire, dans la mesure où la répartition des compétences s'agissant du pouvoir de la police de la circulation, à laquelle il est prévu de déroger, est fixée par la loi : celles situées en agglomération sont du ressort du maire, la voirie départementale dépend du président du conseil départemental et les voies nationales du préfet.

M. Alain Richard . - Ce qui est donc de niveau législatif, c'est de confier au préfet la compétence sur des voies qui ne sont pas nationales.

M. Pierre-Yves Collombat . - À Paris, il ne doit pas y en avoir beaucoup !

M. Alain Richard . - Certaines grandes artères de banlieue sont des départementales.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-6 complète l'article 1 er de l'ordonnance pour préciser que les voies réservées devraient être activées de manière proportionnée aux objectifs de sécurité et de fluidité poursuivis. Il vise par ailleurs à encadrer les conditions dans lesquelles les autorités préfectorales se verront déléguer le pouvoir de police et de circulation pendant la période. À l'article 2, il limite la durée pendant laquelle ces autorités seront autorisées à déterminer la liste des voies de délestage et des voies concourant au déroulement des jeux, et prévoit une consultation préalable des autorités normalement détentrices du pouvoir de police de la circulation. À l'article 4, l'amendement précise les conditions dans lesquelles le préfet de police sera, en Île-de-France, saisi pour avis des projets de travaux et d'aménagements susceptibles d'influer sur les voies réservées.

L'amendement COM-6 est adopté.

Article 2

Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - Afin d'éviter une référence à une disposition de nature règlementaire, cet amendement prévoit que le contentieux des déférés préfectoraux en matière d'urbanisme sera attribué à une juridiction unique, statuant en premier et dernier ressort, renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de procéder à sa désignation ainsi qu'à l'énumération des actes concernés.

L'amendement COM-7 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - Nous aurions pu attendre du Conseil d'État qu'il eût choisi cette solution plus élégante. Mais ici, grâce à Mme Jourda, nous le surpassons !

Je vous propose de donner un avis favorable au texte, sous réserve de l'adoption de nos amendements.

Il en est ainsi décidé.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Préfecture de police de Paris.

- M. Jean Castex , délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2014.

- M. Pierre Lieutaud , préfet coordonnateur national pour la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques de 2014.


* 1 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l17-262/l17-2621.pdf

* 2 Art. L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales.

* 3 Art. L. 3221-1 du code général des collectivités territoriales.

* 4 Art. R. 411-9 du code de la route.

* 5 Art. L. 2215-1 et L. 3221-5 du code général des collectivités territoriale.

* 6 Art. R. 411-8 du même code.

* 7 À Paris, il est d'ores et déjà prévu que le maire soit consulté préalablement à la détermination des voies ou portions de voies qui, pour des motifs liés à la sécurité des personnes et des biens, continuent d'être régulés par le préfet de police.

* 8 Art. L. 141-10 du code de la voirie routière.

* 9 Art. L. 131-7 du même code.

* 10 Le préfet tire cette compétence de son pourvoir de police général.

* 11 Art. L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales.

* 12 Le décret a modifié l'article R. 311-2 du code de la justice administrative

* 13 Visée à l'article L. 300-6-1 du code de l'urbanisme, la procédure intégrée de mise en compatibilité permet, dans le cadre d'un projet d'urbanisme ou d'aménagement, d'adapter simultanément plusieurs documents d'urbanisme et documents prescriptifs de rang supérieur, dont la modification relève, en temps normal, de différentes autorités et différentes procédures. Cette procédure permet de contraindre les délais procéduraux des projets d'urbanisme et d'aménagement.

* 14 Introduit par le décret n° 2013-879 du 1 er octobre 2013, l'article R. 811-1 du code de justice administrative prévoit que les recours formés, entre le 1 er décembre 2013 et le 1 er décembre 2018, contre les permis de construire ou de démolir ainsi que contre les permis d'aménager un lotissement soient jugés par le tribunal administratif en premier et dernier ressort.

* 15 Art. L. 422-1 et suivants du code de l'urbanisme.

* 16 Dans les autres communes, il reviendra au préfet de délivrer ces autorisations.

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