Avis n° 146 (2019-2020) de M. Jean-Pierre SUEUR , fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 novembre 2019

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N° 146

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME XI

POUVOIRS PUBLICS

Par M. Jean-Pierre SUEUR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas, président ; MM. François?Noël Buffet, Jean?Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre?Yves Collombat, Alain Marc, vice?présidents ; M. Christophe?André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier, secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François BonhoMme , Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc?Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache?Brinio, MM. Jean?Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie?Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean?Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 13 novembre 2019, sous la présidence de Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné, sur le rapport pour avis de Jean-Pierre Sueur 1 ( * ) , les crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2020 .

Le rapporteur a souligné que les pouvoirs publics devaient prendre toute leur part dans l'effort national de redressement des finances publiques. Il a souligné à cet égard que la présidence de la République devrait davantage s'appliquer les règles vertueuses prônées aux autres pouvoirs publics en s'interrogeant sur les moyens de contenir son train de vie alors que peuvent être constatés une hausse de la dotation sollicitée, un prélèvement sur les disponibilités en hausse et un financement contestable de certaines dépenses sur des lignes budgétaires extérieures à son propre budget. Tout en reconnaissant certains efforts consentis, et le contexte qui rend indispensables certaines dépenses de sécurité, il a souligné que des marges d'économie existaient. La dotation allouée pour 2020 à la présidence de la République sera de nouveau augmentée, à 105 316 000 contre 103 millions d'euros en 2019 (+ 2,25 %), sans pour autant couvrir l'intégralité des dépenses, en augmentation, ce qui rendra nécessaire un prélèvement sur les disponibilités.

Il a relevé que la dotation allouée aux autres pouvoirs publics ne serait pas augmentée, abstraction faite d'un budget spécial alloué au Conseil constitutionnel et de quelques milliers d'euros supplémentaires que la Cour de justice de la République consacrera à des investissements :

- les dotations de l' Assemblée nationale et du Sénat sont reconduites respectivement à 517 890 000 euros et 323 584 600 euros mais ne couvrent pas l'intégralité des dépenses des deux assemblées, ce qui rendra nécessaire un prélèvement sur leurs disponibilités ;

- la dotation de La Chaîne Parlementaire est reconduite à 34 289 162 euros , répartie entre la dotation de Public Sénat , toujours de 17 648 000 euros , et celle de LCP-AN , maintenue à 16 641 162 euros ;

- la dotation du Conseil constitutionnel est reconduite à 11 719 229 euros , hors la dotation spéciale de 785 000 euros sur deux exercices consacrée aux dépenses du « référendum d'initiative partagée » pour assurer sa mission de suivi du recueil des soutiens dans le cadre de la première proposition de loi déposée sur le fondement de l'article 11 ;

- enfin, la Cour de justice de la République , dont la suppression est prévue par le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, déposé à l'Assemblée nationale, voit sa dotation portée à 871 500 euros , en très légère hausse (+ 1,16 %).

Sur la proposition de son rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2020.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'autonomie financière des institutions qui composent la mission « Pouvoirs publics », justifiée par « la sauvegarde du principe d'autonomie des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs » 2 ( * ) , ne saurait exempter ces dernières d'une juste contribution à l'effort national de redressement des finances publiques.

Les particularités, au sein des institutions, de la présidence de la République , des assemblées parlementaires , de La Chaîne parlementaire , du Conseil constitutionnel , de la Haute Cour et de la Cour de justice de la République justifient que la mission qui rassemble leurs crédits soit dépourvue de programmes et ne réponde pas à une politique publique prédéfinie.

Nos concitoyens exigent à juste titre l'exemplarité dans l'utilisation des deniers publics. C'est l'esprit dans lequel la plupart des institutions et la chaîne précitées ont engagé depuis plusieurs années un effort de maîtrise budgétaire significatif, renouvelé pour l'exercice 2020 , en ayant pour objectif que cet effort n'altère pas la qualité des missions remplies. Ainsi, les dotations des assemblées parlementaires sont reconduites en euros courants, et diminuent donc en euros constants, tout comme celle de la Chaîne parlementaire. La dotation du Conseil constitutionnel est également reconduite, hors l'abondement d'un budget spécial de 765 000 euros consacrés au suivi, pendant neuf mois, des soutiens que peuvent apporter les électeurs à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris.

La dotation de la Cour de justice de la République augmentera en 2020 de 1,16 % (10 000 euros supplémentaires) afin de permettre le renouvellement du parc informatique, relativement ancien.

Le montant total des dotations de la mission « Pouvoirs publics » devrait donc s'élever en 2020 à 994 455 491 euros , en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 3 111 000 euros, dont 2 316 000 euros supplémentaires pour la dotation allouée à la présidence de la République, soit au total + 0,31 % par rapport à 2019 .

La ventilation de ces dotations est la suivante :

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Variation 2020/2019

Intitulé
de la dotation

Ouvertes en LFI
pour 2019

Demandées
pour 2020

Ouverts en LFI
pour 2019

Demandés
pour 2020

Présidence de la République

103 000 000

105 316 000

103 000 000

105 316 000

+ 2, 25 %

Assemblée nationale

517 890 000

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0,00 %

Sénat

323 584 600

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0,00 %

La Chaîne parlementaire

34 289 162

34 289 162

34 289 162

34 289 162

0, 00 %

Indemnités des représentants français au Parlement européen

0

0

0

0

0,00 %

Conseil constitutionnel

11 719 229

12 504 229

11 719 229

12 504 229

+ 6, 70 %

Haute Cour

0

0

0

0

0,00 %

Cour de justice de la République

861 500

871 500

861 500

871 500

+ 1, 16 %

Total pour la mission

991 742 491

994 455 491

991 742 491

994 455 491

+ 0, 31 %

Source : bleu budgétaire, annexé au projet de loi de finances pour 2020

Même si les crédits de la mission « Pouvoirs publics » sont globalement contenus depuis 2012, au moyen d'efforts de maîtrise et de rationalisation des dépenses des pouvoirs publics, mais également au prix de prélèvements, parfois importants, sur leurs disponibilités, votre rapporteur s'inquiète de la hausse, observée depuis 2017, du total des crédits de la mission.

La plupart de ces prélèvements étaient, et sont encore, destinés à financer des investissements lourds, notamment dans les domaines de l'immobilier et de l'informatique. Ils ne devraient donc pas tous se reproduire et devraient même, pour certains, permettre de réaliser des économies de gestion.

Les coûts d'entretien et de rénovation d'un patrimoine immobilier comprenant de nombreux monuments nationaux n'en demeurent pas moins élevés, et votre rapporteur tient à souligner la nécessité de donner aux pouvoirs publics les moyens d'assurer leurs missions constitutionnelles. Il considère, dès lors, qu'un relèvement des crédits de la mission ne doit pas être exclu pour les années à venir, même si l'objectif prioritaire doit rester la maîtrise des dépenses. Ces réflexions d'ordre général ne doivent pas empêcher une réflexion sur les sources potentielles d'économie.

Total des crédits de la mission pouvoirs publics depuis 2012

Ouverts en LFI pour 2012

Ouverts en LFI pour 2013

Ouverts en LFI pour 2014

Ouverts en LFI pour 2015

Ouverts en LFI pour 2016

Ouverts en LFI pour 2017

Ouverts en LFI pour 2018

Ouverts en LFI pour 2019

Sollicités pour 2020

997 257 303

991 265 739

989 987 362

988 015 262

987 745 724

990 920 236

991 742 491

991 344 491

994 451 491

Source : rapports annuels de performances

Comme chaque année, l'examen des crédits alloués à la mission « Pouvoirs publics » par votre commission s'effectuera dans une optique davantage institutionnelle que budgétaire, ce dernier aspect étant traité exhaustivement par les rapporteurs spéciaux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il s'agit donc d'examiner l'activité de ces institutions au regard des moyens qui leur sont alloués, ce qui permet de souligner les efforts de rationalisation de leurs dépenses pour un exercice plus efficace de leurs missions.

Votre rapporteur ne consacrera aucun développement spécifique à la dotation de la Haute Cour , à laquelle aucun crédit n'est alloué en l'absence de réunion prévisible. Il n'en consacrera pas non plus aux « indemnités des représentants français au Parlement européen » qui, depuis les élections européennes de 2009, sont directement prises en charge par le Parlement européen. Aussi aucun crédit n'a-t-il été ouvert à ce titre depuis 2010 sur cette dotation de la mission « Pouvoirs publics ». Votre rapporteur s'interroge donc, cette année encore, sans pour autant que cela soit suivi d'effets, sur l'intérêt de maintenir l'existence d'une telle dotation qui est devenue purement formelle.

I. UNE HAUSSE SUBSTANTIELLE DES MOYENS DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE DEPUIS DEUX ANS

Votre rapporteur pour avis tient à souligner à titre liminaire les conditions pour le moins particulières dans lesquelles le présent rapport a pu être élaboré. Pour la première fois, la présidence de la République a refusé de donner suite à des demandes réitérées d'audition de votre rapporteur auprès des services de la présidence de la République qui n'ont finalement consenti qu'à des réponses écrites laconiques en arguant, sans convaincre juridiquement, que la Cour des Comptes et les rapporteurs spéciaux de la commission des finances des deux chambres pouvaient seuls être les interlocuteurs de la présidence de la République. Une telle audition avait pourtant été organisée sans aucune difficulté lors des années précédentes. Votre rapporteur formule le souhait qu'une telle situation ne se renouvellera pas, notamment pour permettre aux parlementaires de se prononcer en connaissance de cause sur le projet de loi de finances. Les explications demandées sont d'autant plus légitimes, qu'elles concernent celui des budgets de la mission « pouvoirs publics » qui sollicite en 2020 la plus forte augmentation, en valeur absolue, de toutes les dotations, en une période où des efforts importants sont demandés à chaque Français.

Depuis le 1 er janvier 2017, la présidence de la République applique un règlement budgétaire et comptable qui reprend en grande partie les normes applicables à la gestion publique, et notamment les dispositions du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Dans le respect du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels 3 ( * ) , ce document fixe un cadre budgétaire et comptable qui décline les crédits sous la forme d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, tout en les organisant autour d'une partie qui traite l'action présidentielle en tant que telle (fonction de représentation, missions diplomatique et militaire attachées au chef de l'État, organisation de réceptions au Palais de l'Élysée), et une autre partie relative à l'administration de la présidence (gestion immobilière, personnels, télécommunications et informatique, sécurité, action sociale, etc. ).

Comme lors des exercices précédents, les charges de personnel représentent les deux tiers du total des dépenses. Depuis la loi de finances initiale pour 2009, les dépenses de la présidence de la République constituées à 95 % de dépenses de personnels ont fait l'objet d'un effort de rationalisation important. Les progrès réalisés avaient permis de ramener la dotation de l'État de 109 000 000 euros en 2012 à 103 000 000 euros en 2018. Pour les années 2015, 2016 et 2017, cette dotation s'élevait à 100 000 000 euros. Elle a été portée à 103 000 000 euros en 2018 et en 2019, au prix d'un prélèvement important sur les disponibilités de la présidence de la République, ce qui n'est, à terme, pas tenable.

Pour 2020, le récapitulatif des dépenses s'établit comme suit :

DÉPENSES (en €)

BUDGET 2019

BUDGET 2020

Part dans le budget

AE

CP

AE

CP

AE

CP

1-Personnels

71 500 000

71 500 000

71 510 000

71 510 000

64,77 %

64,71 %

2- Fonctionnement

14 853 500

15 534 500

15 843 170

15 753 170

14,35 %

14,25 %

Action présidentielle

2 620 000

2 620 000

2 505 000

2 505 000

2,27 %

2,27 %

Activité diplomatique

700 000

700 000

815 000

815 000

0,74 %

0,74 %

Action hors diplomatie en métropole et outre-mer

1 920 000

1 920 000

1 690 000

1 690 000

1,53 %

1,53 %

Administration de la présidence

12 233 500

12 914 500

13 338 170

13 248 170

12,08 %

11,99 %

Ressources humaines et administration générale

1 900 000

2 400 000

795 000

795 000

0,72 %

0,72 %

Moyens généraux

3 133 500

3 200 000

6 189 990

6 069 990

5,61 %

5,49 %

Gestion immobilière

2 500 000

2 500 000

1 898 700

1 928 700

1,72 %

1,75 %

Télécommunications, informatique et numérique

3 300 000

3 300 000

3 193 444

3 193 444

2,89 %

2,89 %

Sécurité

600 000

714 500

543 400

543 400

0,49 %

0,49 %

Action sociale

800 000

800 000

717 636

717 636

0,65 %

0,65 %

3- Déplacements présidentiels

15 000 000

15 050 000

15 645 000

15 665 000

14,17 %

14,17 %

déplacements diplomatiques

5 900 000

5 900 000

6 205 000

6 205 000

5,62 %

5,61 %

déplacements hors action diplomatique

1 900 000

1 950 000

2 040 000

2 060 000

1,85 %

1,86 %

avions ETEC

7 200 000

7 200 000

7 400 000

7 400 000

6,70 %

6,70 %

4- Investissement

5 065 500

4 695 500

7 406 830

7 587 830

6,71 %

6,87 %

TOTAL

106 419 000

106 780 000

110 405 000

110 516 000

100,00 %

100,00 %

RECETTES (en €)

BUDGET 2019

BUDGET 2020

Dotation loi de finances

103 000 000

105 316 000

Produits propres

1 280 000

1 200 000

recettes du restaurant

610 000

540 000

produits locatifs

170 000

160 000

participations des parents aux frais de la crèche

70 000

70 000

redevances, concessions

150 000

80 000

remboursement de plateaux repas

50 000

50 000

ventes de véhicules

30 000

30 000

autres produits

200 000

270 000

Prélèvement sur les disponibilités

2 500 000

4 000 000

TOTAL

106 780 000

110 516 000

Source : bleu budgétaire, annexé au projet de loi de finances pour 2020

A. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES DÉPENSES DE L'ÉLYSEE

Les dépenses de l'Élysée devraient de nouveau augmenter en 2020 passant de 106 780 000 euros à 110 516 000 euros (+ 3,5 %) après une hausse de 2,48 % entre 2018 et 2019. Cette hausse s'explique par l'augmentation substantielle des « moyens généraux » (+ 3 millions d'euros en autorisations d'engagement) et par l'augmentation du coût des déplacements présidentiels. À l'inverse, les dépenses de personnel devraient être contenues en 2020.

1. Une stabilisation des dépenses de personnel

Les dépenses de personnel, augmentées en 2019 de 2,4 millions d'euros (+ 3,5 %), pour atteindre 71,5 millions d'euros et représenter 67 % du total des dépenses, sont reconduites en 2020. Les efforts de maîtrise des effectifs de la présidence de la République, particulièrement marqués en 2018 avec la suppression de 13 postes en équivalents temps plein par fin de mises à disposition ou non-renouvellement de contrats ont été reconduits en 2019, principalement en raison du non-renouvellement, provisoire à ce stade, de certains postes. Ainsi, en juillet 2019, 795 postes étaient pourvus, soit 17 de moins qu'en juillet 2018, ce qui s'explique en grande partie par un nombre important de départs de membres du personnel au cours de la deuxième moitié de l'année 2018.

Se fondant sur les constats effectués pour l'année en cours, les services de la présidence de la République estiment la masse salariale nécessaire pour 2020 à 71,5 millions d'euros, en tenant compte des conséquences, depuis le 1 er janvier 2018, de l'indemnité compensatrice de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), du maintien à un niveau élevé du recrutement des emplois saisonniers ainsi que de la progression positive du glissement vieillesse-technicité (GVT) dans les ministères, difficilement maîtrisable par la présidence qui ne gère pas les rémunérations des agents mis à disposition qui représentent plus de 80 % des effectifs et dont le remboursement équivaut à environ 73 % de la masse salariale.

Une nouvelle organisation des services de la présidence de la République a été mise en oeuvre en 2019 , après une réflexion lancée dès 2017 sur les conditions d'exercice des missions afin d'optimiser les moyens et la gestion des crédits.

Sur le plan organisationnel en effet, le regroupement des effectifs des 17 anciennes directions au sein de quatre entités , à de rares exceptions près, au plus tard depuis le 1 er juillet 2019 a permis la mise en place d'une organisation qui semble plus rationnelle qu'auparavant.

Elle s'est traduite par le recrutement d'un directeur général des services , placé sous l'autorité du directeur de cabinet, chargé d'animer et de coordonner les services de la présidence de la République et de mettre en oeuvre le plan de transformation des services. Le secrétaire général demeure chargé du suivi des politiques publiques, tandis que le directeur de cabinet, tout en ayant autorité sur le directeur général des services, pourra davantage concentrer son activité sur d'autres aspects que le fonctionnement quotidien des services. La répartition des tâches entre ces trois responsables n'apparaît toutefois pas être totalement claire.

La mission de sécurité - pour n'évoquer qu'elle - a été confiée à une nouvelle direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR), à laquelle seront attribuées les tâches anciennement dévolues au groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) et au commandement militaire du Palais de l'Élysée.

En revanche, le fait que 12 personnes demeurent simultanément membres du cabinet du Président de la République et de celui du Premier ministre constitue une anomalie que votre rapporteur a déjà eu l'occasion de souligner . Sur ces 12 conseillers communs, 8 étaient rémunérés par Matignon et 4 par la présidence de la République. Quelles que soient les motivations budgétaires qui ont conduit à une telle organisation, qualifiée de « vertueuse » dans la réponse transmise à votre rapporteur pour avis, votre rapporteur considère qu'elle n'est pas conforme à l'esprit de la Constitution. En effet, le Gouvernement est responsable politiquement devant le Parlement tandis que le Président de la République n'est responsable qu'en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat » (article 68 de la Constitution). Pour respecter la distinction constitutionnelle des fonctions présidentielles et gouvernementales, et pour préserver la plénitude du contrôle parlementaire, il conviendrait de mettre fin à cette pratique des collaborateurs communs. Cette situation est d'autant moins compréhensible que la présidence de la République n'hésite pas à rappeler son attachement au principe de séparation des pouvoirs chaque fois qu'elle entend ne pas apporter de réponse aux questions de la représentation nationale 4 ( * ) .

2. Une nouvelle augmentation des frais afférents aux déplacements en 2020

Les déplacements de la présidence de la République constituent un poste de dépenses conséquent pour lequel, du fait des aléas afférents à l'actualité internationale, des écarts importants peuvent apparaître entre les prévisions et l'exécution. Toutefois, l'actualité internationale prévisible pour 2020 n'est pas notablement plus conséquente que lors des cinq années précédentes et il aurait pu être opportun de maîtriser davantage les coûts occasionnés en la matière.

Il apparait que l'objectif des services de la présidence de la République de recherche d'une meilleure maîtrise de ce poste de dépenses, en particulier grâce au recrutement en 2018 d'une chargée de mission spécialement dédiée au suivi des déplacements et à la recherche d'économies, et à la volonté affichée de porter une attention particulière à quatre principes (meilleure anticipation des déplacements, optimisation des dépenses induites par la préparation et le déroulement des voyages officiels, limitation du format de la délégation présidentielle et adaptation du dispositif de refacturation aux nouvelles exigences budgétaires), n'a pas été totalement atteint.

Les prévisions pour 2019 ont tenu compte de l'exécution, insuffisamment maîtrisée dudit poste en 2018, au cours duquel, comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport rendu public le 18 juillet dernier, sur les comptes et la gestion des services de la présidence de la République : « les dépenses correspondantes sont en augmentation de 13 % et s'établissent à hauteur de 20,01 millions d'euros (19,84 millions d'euros nets) contre 17,68 millions d'euros (17,56 millions d'euros nets) » en 2017 .

Votre rapporteur constate que, globalement, les dépenses consacrées aux déplacements par la présidence de la République augmentent depuis 2018. Après avoir connu une diminution régulière de 2012 à 2018, passant de 19,4 millions d'euros à 14,3 millions d'euros en loi de finances initiale, les crédits budgétés augmentent en 2020, pour s'élever à 15, 665 millions d'euros en crédits de paiement. Toutefois, proportionnellement, la part des déplacements dans le budget global demeure identique à celle de l'an dernier, 14,1 % dans le projet de loi de finances pour 2020, dans la mesure où les deux parts augmentent au même rythme.

Comme l'an dernier, votre rapporteur tient à rappeler qu'un cadre budgétaire contraint s'applique à tous les acteurs publics et que les éventuelles dépenses exceptionnelles liées aux frais de déplacements de la présidence de la République jugés indispensables doivent être davantage compensées par la recherche d'économies sur d'autres postes.

En outre, à ce jour, l'engagement, renouvelé lors du changement de mandature, de privilégier lorsque cela est possible le transport terrestre et de contenir les frais de transports aériens, qui représentent 60 % du coût total des déplacements de la présidence de la République, par exemple par le recours privilégié à l'A330 plutôt qu'au Falcon, n'est pas tenu.

3. Des frais de fonctionnement en augmentation

S'il a logiquement pesé sur les frais de personnel, le renforcement des moyens de sécurité de la présidence de la République depuis 2018, auquel votre rapporteur souscrit dans le contexte que nous connaissons , n'a pas eu d'effet démesuré sur les frais de fonctionnement. En effet, les services de la présidence de la République sont partiellement parvenus à compenser les lourdes dépenses induites en la matière par des économies sur d'autres postes.

La hausse, depuis 2018, des effectifs 5 ( * ) affectés à la sécurité s'accompagne d'un accroissement des moyens de contrôle et de prévention des risques à la présidence de la République. Ce renforcement concerne les moyens de ce qui est devenu la DSPR : blindage des véhicules d'escorte 6 ( * ) , renouvellement du parc radio, des équipements voués à la géolocalisation et des équipements individuels d'entraînement et de protection, achat et maintenance de nouveaux matériels de sécurité, de protection périmétrique, de contrôle et de détection et mise à niveau du parc de vidéo-surveillance.

Au-delà de la sécurité des personnes et des biens, les risques portent également sur les systèmes de télécommunications et informatiques . Pour 2020, l'enveloppe allouée en la matière diminue légèrement, après la hausse opérée conformément aux recommandations qu'avait formulées l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) pour 2019.

Au total, en autorisation d'engagements, les frais de fonctionnement augmenteront en 2020 de presque 1 million d'euros. La « réduction du train de vie » mise en avant dans le bleu budgétaire pour 2020 est donc très relative. Toutefois, votre rapporteur souligne les efforts consentis s'agissant de la gestion des véhicules et des chauffeurs.

Depuis 2011, l'effectif des chauffeurs a diminué de 12 équivalents temps plein travaillé (ETPT) grâce à une plus grande mutualisation.

Évolution du nombre de chauffeurs employés
à la présidence de la République (en ETPT)

Au 31 décembre

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019
(prévisionnel)

TOTAL

48

46

42

38

37

37

36

36

36

Source : services de la présidence de la République

Pour parvenir à ces résultats, la présidence de la République a, par exemple, drastiquement encadré les fonctions de chauffeurs affectés, dont le nombre est passé d'une dizaine à seulement quatre aujourd'hui au bénéfice d'une organisation en pool . Par ailleurs, les chauffeurs affectés sont ponctuellement mis à disposition du pool : c'est le cas du chauffeur du directeur de cabinet.

Des économies sur les frais de carburant ont pu être obtenues au moyen d'une politique volontariste d'acquisition de véhicules électriques ou hybrides dont la part dans le parc automobile a augmenté L'autonomie des nouveaux modèles Zoé ayant été étendue à 300 km et les durées de charge écourtées, l'utilisation de ce type de véhicule a été grandement facilitée. Leur utilisation, auparavant cantonnée aux courses dans Paris intra-muros et au sein de la petite couronne, peut désormais dépasser ce périmètre. En outre, le parc est progressivement remplacé par des véhicules plus modestes, mais aussi moins consommateurs : les véhicules de type Peugeot 508 par exemple sont progressivement et pour partie remplacés par des véhicules de type Peugeot 308 .

4. Une augmentation importante des investissements

Les dépenses d'investissement s'établiront en 2020 à 7,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7, 6 millions en crédits de paiement contre 5 065 500 euros en autorisations d'engagement et 4 695 500 euros en crédits de paiement en 2019, soit une hausse de 46 % en autorisations d'engagement. Elles représenteront 6,71 % du total des dépenses de la présidence de la République en autorisations d'engagement.

Plus d'un tiers des sommes engagées (2 611 000 euros) concernera des investissements destinés à maintenir les capacités opérationnelles des serveurs informatiques, le reste étant consacré à la gestion immobilière (2 260 000 euros), la sécurité (1 856 000 euros) et la communication numérique (440 000 euros).

B. UNE AUGMENTATION DE LA DOTATION DE L'ÉTAT ET DU PRÉLÈVEMENT SUR LES DISPONIBILITÉS

La dotation sollicitée de l'État pour 2020 est portée à 105 316 000 euros, contre 103 millions d'euros en 2019. Compte tenu de la modicité de ses ressources propres, la présidence de la République devra donc opérer un important prélèvement sur ses disponibilités afin d'équilibrer son budget.

1. Des ressources propres qui devraient légèrement diminuer malgré la vente de produits estampillés Élysée

Les ressources propres de la présidence de la République proviennent de produits divers de gestion : 1 200 000 euros sont budgétés à ce titre pour 2020, soit un retour au niveau de 2018.

La présidence de la République a accru, à partir de 2014, le montant de ses recettes propres en facturant davantage que par le passé les services dont bénéficie une partie de son personnel ou de ses invités. Sont notamment concernés la perception des loyers et des charges locatives par la présidence de la République, en tant que propriétaire de logements situés Quai Branly, le produit des frais de restauration acquittés par les usagers et le remboursement d'une partie des frais de déplacement par les participants aux déplacements officiels qui ont été réévalués.

La progression des recettes propres, qui sont constituées pour moitié des recettes du restaurant du personnel, comporte toutefois peu de marges de manoeuvre en raison de la nature des recettes qui correspond principalement à de l'action sociale (crèche, restaurant, logement) même si des recettes supplémentaires sont induites par la vente de « produits dérivés » connaissant un certain succès sur le plan commercial.

2. Un important prélèvement sur les disponibilités qui pose la question de la pérennité, à terme, de la structure du budget

En 2020, la présidence de la République envisage de ponctionner 4 millions d'euros sur ses disponibilités pour équilibrer son budget (5 665 500 euros ont effectivement été prélevés en 2019 alors que 2,5 millions d'euros étaient prévus).

Les disponibilités de la présidence de la République s'élevaient, au 31 décembre 2018, à 17,1 millions d'euros 7 ( * ) . Elles lui permettent donc de renouveler ce type d'exercice budgétaire pendant quelques années encore. Toutefois, de tels montants de prélèvements au regard du niveau des disponibilités ne pourront être pérennes.

II. LA STABILISATION DES DOTATIONS DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES MALGRÉ DE LOURDES CHARGES

Les Questeurs de l'Assemblée nationale et du Sénat se sont réunis le 10 juillet 2019, sous la présidence de Christian Babusiaux, président de chambre honoraire à la Cour des comptes, pour arrêter les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées et des sociétés de programme de La Chaîne parlementaire en 2020. Ils ont maintenu pour les deux assemblées, cette année encore, leurs demandes de dotations en euros courants. La dotation du Sénat est ainsi inchangée depuis 2012 et inférieure de 1,2 % par rapport à celle qui était versée entre 2008 et 2011. Toutefois, le montant des dotations versées aux assemblées ne couvrant pas l'intégralité de leur besoin de financement, celles-ci devront de nouveau effectuer un prélèvement sur leurs disponibilités financières, et compter sur des produits de gestion pour équilibrer leurs comptes . Le tableau ci-après récapitule le montant des dotations allouées à l'Assemblée nationale, au Sénat et à La Chaîne parlementaire depuis 2015.

Dotation 2016

Dotation 2017

Dotation

2018

Dotation

2019

Dotation

2020

Variation
2020 / 2019

En valeur

En %

Dotation « Assemblée nationale »

517 890 000

517 890 000

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0

0,00 %

Dotation « Sénat »

323 584 600

323 584 600

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0

0,00 %

Action « Sénat »

311 627 700

311 627 700

311 627 700

312 227 700

312 227 700

0

0,00 %

Action « Jardin du Luxembourg »

11 956 900

11 956 900

11 956 900

11 356 900

11 356 900

0

0,00 %

Action « Musée du Luxembourg »

0

0

0

0

0

0

0,00 %

Dotation « La Chaîne parlementaire »

35 489 162

34 887 162

34 687 162

34 289 162

34 289 162

0

0,00 %

Action « LCP-AN »

16 641 162

16 641 162

16 641 162

16 641 162

16 641 162

0

0,00 %

Action « Public-Sénat »

18 848 000

18 246 000

18 046 000

17 648 000

17 648 000

0

0,00 %

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2020

A. LE BUDGET 2020 DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN TRÈS LÉGÈRE BAISSE

Le budget de l'Assemblée nationale pour 2020 se caractérise, pour les charges, par une légère diminution de leur montant total, la faible hausse des dépenses d'investissement étant plus que compensée par la baisse des dépenses de fonctionnement et, pour les ressources, par la reconduction en euros courants de la dotation de l'État et un nouveau prélèvement sur les disponibilités.

Le tableau ci-après récapitule les principaux postes du budget et leur évolution depuis 2018 :

Variations 2020/2019

Budget?2018

Réalisé?2018

Taux d'exécution

Budget?2019

Budget?2020

en valeur absolue

en %

CHARGES

A - Section de fonctionnement

539 476 079

523 262 627

96,99 %

540 882 079

535 150 806

-5 731 273

-1,06 %

60

Achats de biens et fournitures

7 571 500

6 752 821

89,19 %

7 492 500

7 258 500

-234 000

-3,12 %

61-62

Services extérieurs

29 697 000

30 051 624

101,19 %

31 923 300

33 014 800

1 091 500

3,42 %

63

Impôts et taxes

4 411 000

4 285 778

97,16%

4 187 000

4 204 000

17 000

0,41 %

64

Charges de personnel :

176 146 000

174 633 555

99,14 %

171 080 800

172 440 500

1 359 700

0,79 %

Charges de rémunération

123 862 600

121 566 502

98,15 %

115 192 000

114 132 000

-1 060 000

-0,92 %

Charges sociales et diverses

52 283 400

53 067 053

101,50 %

55 888 800

58 308 500

2 419 700

4,33 %

65

Charges parlementaires :

319 625 579

307 511 943

96,21 %

325 768 479

317 608 006

-8 160 473

-2,50 %

Indemnités parlementaires

51 233 921

50 689 767

98,94 %

51 139 921

51 041 687

-98 234

-0,19 %

Charges sociales

70 192 056

73 829 541

105,18 %

74 428 006

71 572 206

-2 855 800

-3,84 %

Secrétariat parlementaire

169 134 830

162 867 693

96,29 %

170 485 142

169 250 203

-1 234 939

-0,72 %

Voyages et déplacements

6 168 000

6 118 931

99,20 %

6 458 000

6 349 000

-109 000

-1,69 %

Charges de représentation

6 230 972

4 599 003

73,81 %

6 669 410

6 322 410

-257 000

-3,85 %

Autres charges

16 665 800

9 407 009

56,44 %

16 588 000

13 072 500

-3 515 500

-21,19 %

67-69

Charges exceptionnelles et imprévues

2 025 000

26 906

1,33 %

430 000

625 000

195 000

45,35%

B - Section d'investissement

28 939 000

19 897 517

68,76 %

27 254 000

32 682 500

5 428 500

19,92 %

C - Dépenses budgétaires totales (A + B)

568 415 079

543 160 144

95,55 %

568 136 079

567 833 306

-302 773

-0,05 %

D - Recettes budgétaires propres

3 907 840

7 599 506

184,58 %

3 179 800

1 416 000

-1 763 800

-55,47 %

E - Dotation de l'État

517 890 000

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0

0,00 %

F - Résultat budgétaire (D+E+C)

-46 617 237

-17 670 639

-47 066 279

-48 527 306

-1 461 027

3,10 %

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2020

1. L'évolution des charges : une faible hausse des dépenses d'investissement, compensée par une forte baisse des dépenses de fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement prévues pour 2020 s'élèvent à 535 150 806 euros contre 540,761 millions d'euros prévus en 2019, en diminution de 1,06 % par rapport à la loi de finance initiale pour 2019. Les charges parlementaires et les charges de personnel représentent respectivement 59,3 % et 32,2 % du total.

Les premières, qui comprennent les indemnités parlementaires, les charges sociales y afférentes, les frais de secrétariat parlementaire, les frais de déplacements, les charges de représentation et diverses autres charges, diminueront en 2020 de 2,5 % par rapport au budget 2019, tous les sous-postes étant réduits.

Les secondes, qui comprennent les rémunérations, les charges sociales et diverses autres charges, augmentent légèrement (+ 0,79 % par rapport au budget 2019.

Les dépenses d'investissement de l'Assemblée nationale s'étaient élevées à 19 897 517 euros en 2018, pour un budget de 28 939 000 euros, soit un taux d'exécution de 68,76 %, lié à la décision de reporter certaines opérations de travaux. En 2019, la section d'investissement a ainsi été portée à 27 254 000 euros.

Le budget d'investissement pour 2020 devrait s'établir à 32 682 500 euros, soit une hausse de 19,92 %. Il s'agira notamment de poursuivre la rénovation de l'hôtel de Broglie, d'entamer des travaux de rénovation de l'Hôtel de Lassay, et de procéder à la couverture de l'hémicycle et de la salle des conférences, ce qui pourrait d'ailleurs se traduire par l'absence de session extraordinaire en juillet prochain.

2. L'évolution des ressources : une stabilité de la dotation de l'État qui rend nécessaire un nouveau prélèvement sur les disponibilités de l'Assemblée nationale

Le budget de l'Assemblée nationale pour 2020 prévoit la reconduction en euros courants, et donc la baisse en euros constants, de la dotation de l'État , qui s'établira à nouveau à 517,890 millions d'euros.

Les produits divers sont estimés à 1, 416 millions d'euros en 2020 contre 3,179 millions d'euros en 2018 et 3,907 millions d'euros en 2018, soit une baisse massive cette année de 55,47 %, par rapport à 2019. Il s'agit pour l'essentiel de l'effet de la suppression de la redevance de gestion des fonds de sécurité sociale, qui correspondent à la mise à disposition de personnels et de locaux de l'Assemblée nationale.

En conséquence, pour équilibrer son budget, l'Assemblée nationale prévoit, comme les années passées, de procéder à un important prélèvement sur ses disponibilités en 2020, pour satisfaire à un besoin de financement d'environ 48,5 millions d'euros. Une forte incertitude s'attache par nature au niveau de ce prélèvement qui sera constaté en exécution, en fonction des dépenses effectives. Ainsi, en 2017, il s'était finalement élevé à 49,707 millions d'euros, pour une prévision de 62,785 millions d'euros. À l'inverse, le budget initial pour 2018 prévoyait un prélèvement de 28,458 millions d'euros alors qu'il a dû être porté à 46,617 millions d'euros par le budget rectificatif pour 2018.

B. PAS D'AUGMENTATION DE LA DOTATION SOLLICITÉE PAR LE SÉNAT EN 2020

Le budget du Sénat comprend trois composantes, qui constituent autant d'actions distinctes au sein de la mission « Pouvoirs publics » et portent respectivement sur le Sénat et les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions institutionnelles, le Jardin du Luxembourg, dont le Sénat assure directement la gestion, et le Musée du Luxembourg, dont il a confié la gestion à la Réunion des musées nationaux dans le cadre d'une délégation de service public.

En 2020, il se caractérise, pour les charges, par une légère augmentation, la faible hausse des dépenses de fonctionnement n'étant que partiellement compensée par la baisse des dépenses d'investissements et, pour les ressources, par la reconduction en euros courants de la dotation de l'État et un nouveau prélèvement sur les disponibilités.

1. L'évolution des charges : une hausse des dépenses de fonctionnement, partiellement compensée par la baisse des dépenses d'investissement

Les dépenses de fonctionnement prévues pour 2020 s'élèvent à 320,7 millions d'euros, contre 316,2 millions d'euros en 2019, pour ce qui concerne les moyens nécessaires à l'accomplissement des missions institutionnelles du Sénat, en hausse de 1,44 %. Elles s'établissent à 11,439 millions d'euros pour le Jardin du Luxembourg, en hausse de 0,58 % par rapport à 2019, et à 17 700 euros pour le Musée du Luxembourg, un montant identique à celui de l'année précédente.

La hausse des dépenses de fonctionnement de l'action « Sénat » s'explique essentiellement par le renforcement des moyens de travail des sénateurs : la dotation versée à l'association de gestion des assistants de sénateurs (AGAS) a été majorée de 10 % le 1 er novembre 2018 et a porté en 2019 ses effets en année pleine. Chaque sénateur dispose désormais d'une enveloppe mensuelle brute de 8 402, 85 euros pour rémunérer au maximum 5 collaborateurs, au minimum à mi-temps.

Les dépenses afférentes aux rémunérations et aux charges sociales progressent de 0,32 %, dont 91 617 600 euros pour les fonctionnaires (en diminution de 0,11%) et 7 829 800 euros pour les contractuels (+ 3,63 %). Le nombre des emplois de fonctionnaires connaît en effet une diminution régulière depuis plusieurs années et passera à 990 emplois budgétaires en 2020, contre 995 en 2019 (pour mémoire, le nombre d'emplois ouverts étaient de 1 016 en 2015). S'y ajoutent 98 personnels contractuels, dont 64 en contrat de travail à durée indéterminée et 34 en contrat de travail à durée déterminée. S'agissant du Jardin du Luxemburg, les effectifs des personnels chargés de son entretien diminueront de 111 à 109 personnes, l'effet budgétaire étant compensé par le vieillissement des personnels en poste (GVT).

Les dépenses d'investissement prévues pour 2020 s'élèvent à 25,594 millions d'euros contre 25,941 millions d'euros en 2019 pour ce qui concerne les moyens nécessaires à l'accomplissement des missions institutionnelles du Sénat, en baisse de 1,34 %. Elles s'établissent à 1 767 000 euros en 2020 contre 376 000 euros l'année précédente pour le Jardin du Luxembourg, principalement pour financer la rénovation indispensable de la fontaine Médicis 8 ( * ) , et 150 000 euros pour le Musée du Luxembourg, soit un montant identique à celui de l'année précédente.

Pour ce qui concerne le Sénat, les principaux investissements auront pour objet la poursuite de la rénovation de l'immeuble du 26-36, rue de Vaugirard et la création d'un nouveau site Internet du Sénat .

2. L'évolution des ressources : une stabilité de la dotation de l'État qui rend nécessaire un nouveau prélèvement sur les disponibilités

Après avoir reconduit en euros courants sa demande de dotation de l'année précédente entre 2008 et 2011, et après l'avoir réduite de 3 % en 2012, le Sénat connaîtra en 2020, comme ce fut le cas de 2013 à 2019, une stabilisation des crédits qui lui sont alloués. Pour la neuvième année consécutive, la dotation de l'État sera donc maintenue au même montant (323 584 600 euros) en euros courants et diminuera donc en euros constants.

Pour 2020, la couverture par cette dotation des dépenses prévisionnelles de l'exercice s'élève à 89,96 % contre 91,39 % en 2019 et 92,1 % durant l'exercice 2018. Les dépenses de fonctionnement étant supérieures au montant de cette dotation, la différence sera financée par la consommation de la totalité des produits budgétaires attendus 9 ( * ) (5,47 millions d'euros). Afin de rendre possible l'augmentation du montant des dépenses pour 2020 (+ 1,60 % au total), le Sénat puisera en conséquence une nouvelle fois dans ses disponibilités et financera l'intégralité de ses investissements par ce biais.

Le prélèvement sur les disponibilités devrait en conséquence s'élever à 30,66 millions d'euros en 2020, contre 24,98 millions d'euros en 2019, afin de financer des dépenses de fonctionnement à hauteur de 3,15 millions d'euros et la totalité des dépenses d'investissement.

C. LA CHAÎNE PARLEMENTAIRE : UNE DOTATION STABLE EN 2020

La Chaîne parlementaire a été créée par la loi n° 99-1174 du 30 décembre 1999 afin de rendre compte des activités de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Cette création visait notamment à doter la France d'un organe similaire à la BBC Parliament britannique, à la chaîne Phoenix en Allemagne ou encore à Chamber TV au Luxembourg, toutes chargées de la diffusion et de la rediffusion des travaux parlementaires.

Depuis mars 2000, La Chaîne parlementaire dispose d'un canal de diffusion de 24 heures, 7 jours sur 7. Le temps d'antenne journalier se partage strictement et équitablement entre deux sociétés distinctes de programmes, LCP-Assemblée nationale et Public Sénat.

Aux termes de l'article 2 de la loi n° 99-1174 du 30 décembre 1999, La Chaîne parlementaire remplit une « mission de service public, d'information, et de formation des citoyens à la vie publique, par des programmes parlementaires, éducatifs et civiques ».

Elle propose donc des programmes diversifiés en diffusant les séances publiques de l'Assemblée nationale et du Sénat en direct ou en différé, des magazines politiques quotidiens, des journaux d'information, des reportages, ainsi que des documentaires. Enfin, elle est également chargée de la retransmission des événements politiques nationaux, européens et internationaux. Elle a enregistré un pic d'audience, avec plus de 150 000 téléspectateurs pendant la retransmission d'une audition de votre commission des lois le mercredi 19 septembre 2018 10 ( * ) , soit une part d'audience de 4,1 % sur l'ensemble de l'audition, avec un pic à 8,9 % selon Médiamétrie.

En termes de contrôle, conformément au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, La Chaîne parlementaire n'est pas soumise à l'autorité de régulation de l'audiovisuel (CSA) mais au contrôle du bureau de chaque assemblée.

S'agissant de la ligne éditoriale, chacune des deux sociétés de programmes dispose d'une totale indépendance. Leurs présidents, nommés pour trois ans par le Bureau de chaque assemblée sur proposition de son Président, ainsi que leurs conseils d'administration, au sein desquels tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat sont représentés, en sont garants.

En application de la loi n° 99-1174 du 30 décembre 1999 portant création de La Chaîne parlementaire, « chaque société de programme conclut annuellement avec l'assemblée dont elle relève une convention précisant les modalités d'exécution de sa mission, ainsi que le montant de la participation financière dont elle est dotée par cette assemblée ». Les budgets des deux sociétés de programmes demeurent distincts. Il n'existe pas de mutualisation de certains équipements ou personnels.

Pour 2020, la dotation de l'État à La Chaîne parlementaire LCP-Assemblée nationale sera reconduite à 16 641 162 euros et celle de Public Sénat à 17 648 000 euros .

À l'exception d'investissements, qu'ils soient courants ou relatifs à des coproductions, la quasi-totalité de ces crédits correspond à des charges d'exploitation, principalement destinées aux programmes et aux charges salariales.

La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale

LCP-Assemblée nationale a pour mission de présenter la diversité du travail quotidien des députés, de rendre compte des débats de société, et de proposer des émissions d'information avec l'analyse d'experts et de politologues. Ainsi, la société de programmes LCP-Assemblée nationale propose plus d'une vingtaine d'émissions à la fois politiques, mais aussi culturelles, tant au niveau local, national, qu'international. En outre, les images des séances publiques de l'Assemblée nationale sont disponibles sur le site www.lcp.fr. Tous les débats sont ainsi retransmis en direct ou en différé, tout au long de la session parlementaire.

En termes d'effectifs, le service de rédaction de LCP-Assemblée nationale est composé de 14 personnes. La société de programmes compte également 4 journalistes présentateurs, 11 journalistes reporters d'images, 4 personnes chargées du web ainsi que 2 documentalistes. Enfin, 14 personnes sont responsables de la production, 2 personnes de la programmation, 2 autres de la technique et 4 de l'antenne. À ce total s'ajoutent 3 personnes chargées de la communication, 4 des aspects administratifs ainsi que les titulaires des différentes fonctions de direction.

Public-Sénat

Parmi ses activités, Public Sénat propose des documentaires relatifs aux débats de société, mais aussi plus d'une trentaine d'émissions ainsi qu'une dizaine d'heures de débats et de magazines par semaine. Plus de 10 000 vidéos à la demande sont également disponibles en rediffusion sur le site internet www.publicsenat.fr. Pour exercer son activité, Public Sénat dispose d'un plateau équipé de 8 caméras et d'une salle de montage situés au Palais du Luxembourg.

En termes d'effectifs, Public Sénat compte 80 collaborateurs, dont 40 journalistes, 9 personnes responsables de l'antenne et de la programmation ou encore 12 en charge de la production et des services support.

III. LES MOYENS RENFORCÉS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DEPUIS QUATRE ANS POUR ASSURER SA PROFESSIONALISATION

Les crédits finalement alloués au Conseil constitutionnel pour 2019 se sont élevés à 12,5 millions d'euros contre 11,7 millions d'euros en 2018. La hausse constatée pour l'exercice en cours correspond uniquement aux frais nécessaires pour permettre au Conseil constitutionnel d'assurer le suivi du recueil des soutiens à la première proposition de loi déposée sur le fondement de l'article 11 de la Constitution.

A. LE PREMIER DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI MENTIONNÉE À L'ARTICLE 11

Par une décision du Conseil constitutionnel du 9 mai 2019, la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, déposée à l'Assemblée nationale le 10 avril 2019, a été reconnue conforme à la Constitution, ouvrant une période de neuf mois de recueil de soutiens à cette initiative auprès des inscrits sur les listes électorales. Avec les règlements des assemblées et les lois organiques, les propositions de loi mentionnées à l'article 11 sont les seules à faire l'objet d'un tel contrôle a priori obligatoire, en vertu de l'article 61 de la Constitution.

En l'absence de précédent, une enveloppe spéciale de 500 000 euros pour les opérations liées au référendum d'initiative partagée (RIP) a été sollicitée en cours d'exercice 2019 par le Conseil constitutionnel, et un montant de 285 000 euros est prévu pour 2020.

Concrètement, le Conseil constitutionnel est destinataire de l'ensemble des données recueillies dans le cadre du dispositif mis en place par le ministère de l'intérieur, et est même le seul habilité à accéder à certaines d'entre elles, telle la publication du nombre total de soutiens déposés.

L'enveloppe spéciale correspond principalement aux moyens informatiques nécessaires au recueil des soutiens et aux frais exposés pour l'exercice des contrôles qui sont opérés en propre par le Conseil constitutionnel. Auditionnés par votre rapporteur pour avis, Laurent Fabius, président et Jean Maïa, secrétaire général du Conseil constitutionnel, ont informé votre rapporteur du fait que plusieurs réunions de travail se tenaient chaque semaine, avec le ministère, pour vérifier notamment la solidité du dispositif informatique mis en place.

Le Conseil identifie en outre les difficultés au moyen des réclamations dont il est rendu destinataire par les électeurs.

La première mise en oeuvre de ce dispositif est l'occasion de définir et d'ajuster un processus totalement inédit. Votre rapporteur pour avis souligne que des améliorations ont été apportées par le Conseil constitutionnel, en lien avec le ministère de l'intérieur, pour ce qui est de l'ergonomie du site Internet de recueil des soutiens, dont la version initiale présentait objectivement des lacunes et n'incitait pas les électeurs à apporter son soutien. Toutefois, votre rapporteur regrette que les dispositions législatives en vigueur n'imposent pas un degré d'information plus important des électeurs sur la possibilité d'apporter leur soutien à cette initiative. En effet, ainsi que l'a rappelé son président, Roch-Olivier Maistre, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut contraindre les médias audiovisuels à informer les citoyens de l'existence du processus et de la possibilité qu'ils ont de le soutenir. Le silence de la loi sur ce point ne lui donne pas compétence pour agir en ce sens.

Cette situation explique probablement en partie le nombre de soutiens recueillis : au 6 novembre 2019, le Conseil constitutionnel a fait état de 924 000 soutiens apportés, très loin à ce jour des 10 % requis du corps électoral sur 9 mois, soit 4 717 396 soutiens nécessaires à la poursuite du processus.

Le Conseil constitutionnel rend ce nombre public tous les quinze jours et a fait savoir à votre rapporteur que ce rythme était difficilement améliorable car « il entend ne communiquer que des informations fiables, ce qui implique notamment de sa part un ensemble de contrôles sur les données brutes venant jusqu'à lui ».

Le délai de cinq jours, imparti au ministère de l'intérieur pour procéder à des vérifications administratives concernant la qualité d'électeurs des personnes ayant soutenu l'initiative référendaire est prévu par les textes adoptés en 2013 et 2014. Si ces contrôles ont pu être accélérés en métropole au moyen du répertoire électoral unique, ils demeurent plus lents en Nouvelle-Calédonie, où ils sont effectués par l'institut statistique local.

Ce contrôle est bien sûr indispensable afin de vérifier l'identité des électeurs apportant leur soutien. À ce jour, une seule tentative de fraude a été détectée et signalée au Procureur de la République, un individu ayant tenté d'apporter son soutien au nom du Président de la République en exercice.

Si l'on fait abstraction de cette enveloppe spéciale, le budget du Conseil constitutionnel reconduit en 2019 sera maintenu au global en 2020, la hausse des frais de fonctionnement étant cette année encore compensée par une diminution des investissements. Après dix années d'un programme d'investissement soutenu, qui a permis la restauration de l'aile Montpensier du Palais royal, le montant des investissements en 2019, comme en 2020, est légèrement moindre que les années précédentes, permettant un renforcement des moyens de fonctionnement nécessaires à une activité toujours plus soutenue du Conseil constitutionnel.

En 2020 comme en 2019, les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 10 269 000 euros contre 10 016 000 euros en 2018. Le budget consacré aux membres a été reconduit à l'identique tandis que le budget relatif au personnel a été programmé en légère augmentation compte tenu de la nécessité de renforcer et de professionnaliser le secrétariat général du Conseil constitutionnel. Les dépenses d'investissement ont représenté environ 1 450 000 euros en 2019 contre 1 703 000 euros en 2018, et devraient être reconduites à l'identique pour 2020, toujours principalement absorbées par des investissements informatiques et des travaux d'aménagement.

Si l'on fait abstraction des enveloppes spéciales « RIP » pour 2019 et 2020, le budget du Conseil constitutionnel est donc reconduit cette année encore à l'identique. S'ils restent élevés et dépassent de 18,1 % le montant de la dotation versée par l'État en 2016, ces crédits s'expliquent par l'importante activité du Conseil constitutionnel, qui a impliqué de « renforcer et professionnaliser les services », et la mobilisation de moyens pour mieux faire connaître son rôle et son action.

B. UNE ACTIVITÉ LÉGÈREMENT MOINS SOUTENUE EN 2019 AU TITRE DU CONTENTIEUX ÉLECTORAL

En vertu de l'article 58 de la Constitution, « le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République (et) examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin ». Alors qu'il n'avait rendu aucune décision à ce titre en 2018, l'intégralité du contentieux ayant été épuisée en 2017, le Conseil constitutionnel a été amené en 2019 à rejeter le recours du parti « Les Républicains » contre la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) du 21 décembre 2017 relative au compte de campagne de M. Emmanuel Macron (décision n° 2019-173 PDR du 11 juillet 2019).

Par ailleurs, conformément à l'article 59 de la Constitution, « le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs ». Les recours transmis en la matière se multiplient à chaque renouvellement des assemblées parlementaires. Il est logique toutefois que le rythme des décisions rendues sur les élections des parlementaires ait été moindre en 2019, seules des élections partielles ayant été jugées deux ans après les renouvellements, général de l'Assemblée nationale et partiel du Sénat. Seules douze décisions relatives à des élections législatives et une décision technique de rectification d'une erreur matérielle relative à une élection sénatoriale ont été rendues en 2019.

Le 21 février 2019, le Conseil constitutionnel a estimé nécessaire de formuler des observations sur les élections législatives de 2017. Au final, 298 réclamations ont été formées devant lui par des candidats ou des électeurs et 351 saisines ont été adressées par le CNCCFP au titre des règles de financement électoral. Le Conseil constitutionnel a souligné que le contentieux des élections législatives de 2017 avait nettement crû. Il a préconisé de dispenser du dépôt d'un compte de campagne tous les candidats réalisant moins de 2 % des suffrages exprimés, contre 1 % à l'heure actuelle, afin de désengorger la CNCCFP et de diminuer, par ricochet, le contentieux qu'il traite. Votre rapporteur pour avis estime qu'une telle évolution ne remettrait pas en cause les grands principes du contrôle du financement électoral et conduirait mécaniquement à diminuer le contentieux électoral pour permettre tant à la CNCCFP qu'au Conseil constitutionnel de consacrer leurs moyens de contrôle aux contentieux les plus probants.

C. LA RECONDUCTION POUR 2020 DES MOYENS DESTINÉS A FAIRE CONNAÎTRE LE RÔLE ET L'ACTION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

1. Comme en 2019, des dépenses de fonctionnement en légère augmentation pour 2020, pour « renforcer et professionnaliser les services »

Le Conseil constitutionnel comptait, au 1 er janvier 2019, 72 collaborateurs rémunérés à titre principal par l'institution auxquels s'ajoutent, à titre occasionnel, des rapporteurs adjoints, un conseiller technique issu de la Cour des comptes, des stagiaires et des collaborateurs temporaires (interprètes, etc. ), ce qui équivaut à un total de 64,4 ETP. Cet effectif, qui fait du Conseil constitutionnel l'une des plus petites cours constitutionnelles d'Europe, est à comparer aux 300 personnes travaillant pour la Cour constitutionnelle fédérale allemande de Karlsruhe et aux 200 personnes du Tribunal constitutionnel espagnol, même si l'on ne peut totalement établir un parallèle avec l'activité de ces deux instances. L'augmentation des dépenses de personnel lors des derniers exercices doit donc être largement relativisée et mise en perspective avec le nombre et la technicité des décisions rendues. Cette particulière technicité s'est par exemple manifestée avec la décision la plus « longue » jamais rendue par le Conseil constitutionnel, le 21 mars 2019, à l'occasion de la loi de programmation « 2018-2022 » et de réforme pour la justice, comprenant 395 paragraphes, la saisine du Conseil portant sur 57 articles de la loi.

Le Conseil constitutionnel a remplacé, avec la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en 2010, une partie de ses personnels de catégorie B par des agents de catégorie A, pour adapter ses effectifs aux nouveaux besoins. Cette nouvelle répartition, combinée à la prise en compte de l'ancienneté des personnels permanents et au recours à des personnels occasionnels nécessité par l'accroissement des activités de contrôle électoral, a rendu la hausse des dépenses de personnel inéluctable entre 2010 et 2019. Cette hausse est apparue raisonnable, d'autant qu'elle a partiellement été compensée par des économies sur les autres dépenses de fonctionnement.

Le budget consacré aux membres du Conseil constitutionnel est reconduit à l'identique pour 2020. Parmi les anciens Présidents de la République, membres de droit du Conseil constitutionnel, seul Valéry Giscard d'Estaing y siège actuellement 11 ( * ) . Le projet de loi constitutionnelle « pour un renouveau de la vie démocratique », déposé le 29 août 2019 sur le bureau de l'Assemblée nationale, prévoit la suppression du deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution, aux termes duquel les anciens Présidents de la République « font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel » (article 5), tout en prévoyant une exception au bénéfice des « anciens Présidents de la République qui ont siégé au Conseil constitutionnel l'année précédant la délibération en conseil des ministres du projet de la présente loi constitutionnelle » (article 13).

Au total, les dépenses de fonctionnement qui avaient augmenté de 2,5 % en 2019 (+ 253 000 euros), pour atteindre 10,269 millions d'euros sont reconduites à l'identique en 2020. Cette évolution des dépenses de fonctionnement est de nouveau gagée à due concurrence par une diminution des dépenses d'investissement.

2. Une diminution à due concurrence des investissements

Le Conseil constitutionnel procède à l'entretien des locaux qu'il occupe dans l'aile Montpensier du Palais Royal.

Un ambitieux programme de travaux a été engagé de 2008 à 2018, qui a permis l'amélioration de l'accessibilité, le respect des normes de détection des incendies, l'aménagement et la rénovation des locaux.

Les dépenses d'investissement du Conseil constitutionnel devraient s'élever en 2020 à 1 449 000 euros. Ces dépenses permettront en particulier de financer des investissements informatiques et des travaux de sécurité.

3. L'accentuation des échanges internationaux

Le Conseil constitutionnel a considérablement accentué, depuis trois ans, ses échanges internationaux , ce qui se traduit par des échanges sur l'organisation, le fonctionnement et la jurisprudence des cours constitutionnelles.

Trois principaux cadres d'échanges internationaux ont ainsi été mis en place. Ils donnent chacun lieu à une rencontre annuelle et à des échanges réguliers entre les services : le premier avec la Cour constitutionnelle fédérale allemande de Karlsruhe, le deuxième avec les cours constitutionnelles d'Europe du sud-ouest, le dernier avec les cours constitutionnelles francophones.

Ainsi, les échanges annuels entre le Conseil constitutionnel et la Cour constitutionnelle fédérale allemande de Karlsruhe se sont institutionnalisés et portent notamment sur l'articulation entre les textes nationaux et européens en matière de droits fondamentaux et le bon équilibre entre la sauvegarde de l'ordre public et la garantie des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte antiterroriste.

Depuis 2017, le Conseil constitutionnel a, en outre, rejoint le réseau informel des cours constitutionnelles « latines », institué en 1999, qui comprend le Tribunal constitutionnel espagnol, le Tribunal constitutionnel portugais et la Cour constitutionnelle italienne. Il a vocation à se réunir chaque année pour échanger sur un thème juridique d'intérêt commun et sur l'évolution récente des différentes jurisprudences.

Le Conseil constitutionnel est également membre de l'association des cours constitutionnelles ayant en partage l'usage du français (ACCPUF), dont il a d'ailleurs suscité la création en 1997.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a intensifié ses liens avec la Conférence des cours constitutionnelles européennes dont il est membre depuis 1987. Créée en 1972, à Dubrovnik, elle réunit actuellement 41 cours constitutionnelles européennes ou institutions analogues qui sont chargées du contrôle constitutionnel des normes.

Il a également adhéré, en 2013, à la Conférence mondiale sur la justice constitutionnelle, qui réunit plus d'une centaine de cours et conseils constitutionnels et cours suprêmes d'Afrique, des Amériques, d'Asie et d'Europe.

Au titre des rencontres bilatérales, le Conseil constitutionnel a ainsi accueilli en 2019, des délégations venant des Cours constitutionnelles du Mexique, de Finlande, de Jordanie, du Cambodge et du Mali et a envoyé une délégation en Argentine et au Canada.

Votre rapporteur note la vitalité de ces échanges et a conscience de leur utilité, mais tient à souligner cette année encore qu'ils doivent s'effectuer dans un cadre budgétaire contraint.

4. Mieux faire connaître le rôle du Conseil constitutionnel

Diverses actions à destination de publics variés ont été lancées, visant à mieux faire connaître le rôle du Conseil constitutionnel. Il s'agit de diffuser son action auprès d'un public plus large que les seuls juristes. Ces initiatives ont vocation à rappeler aux citoyens le rôle fondamental que jouent les cours constitutionnelles, en France comme ailleurs, dans la préservation des garanties fondamentales et des libertés individuelles.

Votre rapporteur est convaincu qu'il s'agit là d'une action qui va bien au-delà de la simple communication et qu'il est essentiel que les citoyens aient une meilleure connaissance de la Constitution de leur pays.

Il souligne ainsi le succès du Conseil constitutionnel dans sa participation à la Nuit du droit et le renouvellement du concours, intitulé « Découvrons notre Constitution » , en direction de jeunes scolaires .

Le Conseil constitutionnel publie également sur son site Internet, depuis février 2017, la liste des « contributions extérieures » qui lui sont soumises à l'occasion d'une saisine sur le fondement de l'article 61 de la Constitution qui permet au Président de la République, au Premier ministre, aux présidents des assemblées ou à 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel d'une loi adoptée par le Parlement afin qu'il examine sa validité au regard de la Constitution avant qu'elle ne soit promulguée.

Au cours de cette procédure, le Conseil peut recevoir des « contributions extérieures », qualifiées en 1991 de « portes étroites » par le doyen Vedel, permettant à des professeurs de droit, à des professionnels mais aussi à des citoyens d'appeler l'attention du Conseil constitutionnel sur une question de droit précise. Le Conseil demeure souverain dans l'acceptation et l'utilisation des « portes étroites » mais la publication de la liste des « portes étroites » qui lui sont soumises à l'occasion d'un contrôle a priori de constitutionnalité participe d'un mouvement plus général de renforcement de la traçabilité de la norme.

Votre rapporteur s'interrogeait l'an dernier sur l'éventuelle publicité, à terme, du contenu de ces contributions extérieures. Le Conseil constitutionnel a décidé en 2019 de rendre public le contenu de ces contributions, une fois la décision rendue . Ce choix permet d'assurer la parfaite transparence des décisions rendues sans que la publicité systématique des contributions extérieures n'aient entraîné leur multiplication, sans doute du fait du choix judicieux de publier chaque décision avant de rendre publiques les contributions extérieures .

D. L'ACTIVITÉ LIÉE À LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ POUR LA PREMIERE FOIS EN RECUL

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 12 ( * ) et la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ont rendu possible, à compter du 1 er mars 2010, la saisine a posteriori du Conseil constitutionnel par tout justiciable estimant qu'une disposition législative en vigueur porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis.

Entre la première décision rendue, le 28 mai 2010, et le 11 novembre 2019, 810 décisions issues d'une question prioritaire de constitutionnalité ont été rendues , soit 5 fois plus que les décisions résultant d'une saisine a priori du Conseil sur la même période. Si l'on exclut les années 2010 et 2011 qui ont vu le lancement de la procédure, et qui, à ce titre, ne peuvent être considérées comme représentatives, le Conseil rend depuis six ans entre 60 et 80 décisions de ce type chaque année. Le nombre de QPC rendues a même dépassé en 2019 le nombre de décisions a priori rendues en 60 ans, ce qui montre la vitalité du mécanisme.

Toutefois, au 1 er octobre 2019, seules 47 décisions QPC avaient été rendues par le Conseil constitutionnel sur l'année civile, un premier tassement du flux de questions nouvelles ayant été observé à la fin de l'été 2019. Votre rapporteur souligne toutefois qu'il est trop tôt pour indiquer s'il est conjoncturel ou augure d'une modification de tendance par rapport aux années précédentes.

Depuis le lancement de la procédure, le Conseil constitutionnel rend ses décisions QPC dans un délai moyen inférieur à 80 jours , conformément au délai de trois mois fixé par la loi organique du 10 décembre 2009, malgré la hausse en parallèle, depuis dix ans, des décisions « DC » rendues à l'issue de saisines a priori . Ce délai peut être tenu parce qu'un certain nombre de règles sont scrupuleusement respectées : délai maximal des plaidoiries de 15 minutes, refus systématique des reports d'audience, etc. Sur le plan statistique, votre rapporteur constate 13 ( * ) qu'il n'existe plus d'écart significatif dans les transmissions des QPC selon qu'elles émanent du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Votre rapporteur interprète cet ensemble d'éléments comme révélant l'achèvement d'une période qui a permis le lancement, avec succès, d'un mécanisme ayant objectivement contribué à l'amélioration de l'état de droit.

La QPC devrait entrer dans une nouvelle étape ainsi que l'a indiqué le président du Conseil constitutionnel, lors de son audition 14 ( * ) par votre rapporteur. Dans cette perspective, le Conseil constitutionnel entend dresser un bilan plus complet de la QPC en 2020, à l'occasion des dix ans du mécanisme. D'un point de vue juridique, il est d'ores et déjà établi que la QPC, assortie d'un mécanisme de filtre, qui permet de limiter les manoeuvres dilatoires permet aux justiciables de faire valoir leurs droits fondamentaux garantis par le Conseil constitutionnel. Le Conseil souhaite désormais aller plus loin en analysant de manière plus approfondie à cette occasion les caractéristiques au sens large de la QPC : Dans quelle mesure les avocats encouragent-ils leurs clients à y recourir ? Existe-t-il des zones géographiques plus enclines à soulever des QPC ? Pourquoi le contentieux en matière fiscale donne-t-il lieu à un nombre de QPC si important alors que le droit du travail, par exemple, entraîne moins de QPC ?

Le président du Conseil constitutionnel a confirmé à votre rapporteur lors de son audition qu'il « souhaite faire de la QPC une question citoyenne ». C'est le sens d'une première série de décisions « QPC » qui ont été rendues directement après que le Conseil constitutionnel a tenu audience en région, en 2019, à Metz puis à Nantes. Ces audiences ont été d'autant plus bénéfiques qu'elles ont été suivies quelques jours plus tard d'un échange direct entre les étudiants de la faculté de droit la plus proche et le Président du Conseil constitutionnel, lequel a pu expliciter le contenu des décisions rendues quelques jours plus tôt. Votre rapporteur pour avis ne peut qu'approuver une telle démarche.

IV. LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE : UNE INSTITUTION À L'AVENIR TOUJOURS AUSSI INCERTAIN

A. UNE JURIDICTION CHARGÉE DE JUGER LES CRIMES ET DÉLITS COMMIS PAR LES MEMBRES DU GOUVERNEMENT DANS L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS

Instaurée par la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, la Cour de justice de la République (CJR) est compétente pour juger les crimes et délits commis par les membres du Gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions 15 ( * ) . Composée de 15 juges , elle comprend 12 parlementaires (6 députés, 6 sénateurs et autant de suppléants désignés par leurs assemblées respectives, lors de chaque renouvellement) et 3 magistrats du siège de la Cour de cassation , et est présidée par l'un de ces magistrats.

Une commission des requêtes , composée de 3 magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, de deux conseillers d'État et de 2 conseillers maîtres à la Cour des comptes, reçoit les plaintes des personnes s'estimant lésées par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions. Elle peut classer la plainte ou la transmettre au procureur général près la Cour de cassation pour saisine de la CJR. Le procureur général près la Cour de cassation peut également saisir directement la CJR après avis conforme de la commission des requêtes.

La commission d'instruction , composée de 3 membres titulaires et de 3 membres suppléants, tous conseillers à la Cour de cassation, procède à toutes les mesures d'investigation jugées utiles. Elle peut requalifier les faits. À l'issue de son instruction, elle peut décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou décider le renvoi devant la CJR. Sa décision peut faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

La Cour de justice de la République vote sur la culpabilité, à la majorité absolue, par bulletins secrets. Sa décision peut également faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation qui doit alors statuer dans un délai de trois mois.

B. UNE JURIDICTION À L'ACTIVITÉ PERMANENTE

Le faible nombre des procès (avant le procès de M. Jean-Jacques Urvoas en septembre 2019, les précédents procès avaient concerné Mme Christine Lagarde en décembre 2016 et M. Charles Pasqua en avril 2010) ne constitue que la partie émergée de l'activité de la juridiction : chaque année, au moins une quarantaine de requêtes est instruite par la commission des requêtes, ce nombre n'incluant pas les requêtes immédiatement déclarées irrecevables que le secrétariat général de la Cour traite directement. Concrètement, presque chaque semaine, au moins une requête concernant un membre du Gouvernement ou un ancien membre du Gouvernement est examinée par la Cour. Les décisions rendues par la commission des requêtes, qui siège en moyenne une fois par mois, le sont en moyenne en deux mois. Elles sont portées à la connaissance des requérants et ne sont pas susceptibles de recours.

Au 1 er août 2019, 24 requêtes, mettant en cause à 28 reprises un membre du Gouvernement, dont 25 en exercice, ont été transmises.

Évolution de l'activité de la Cour de justice de la République

2015

2016

2017

2018

2019 (au 1 er août)

Nombre de plaintes enregistrées

42

74

41

17

24

Nombre de membres du Gouvernement concernés

88

153

95

65

28

Dont nombre de membres du Gouvernement en exercice

13

106

46

14

25

Au 1 er août 2019, la commission des requêtes a été saisie depuis sa création de 1 487 plaintes, émanant de particuliers ou d'associations, et a émis 45 avis favorables à la saisine de la commission d'instruction, soit un taux de saisine de la commission d'instruction, hors requêtes immédiatement déclarées irrecevables, de seulement 3,02 %. Votre rapporteur en déduit, d'une part, que de nombreuses requêtes n'avaient sans doute pas vocation à prospérer sérieusement et, d'autre part, que la commission des requêtes joue pleinement son rôle de filtre. Sur les 45 avis favorables, 30 faisaient suite à une plainte de particuliers et 15 émanaient de requêtes du procureur général soit à la suite d'une décision d'incompétence de la juridiction de droit commun (juge d'instruction et chambre de l'instruction), soit sur saisine d'office.

Les 45 avis favorables de la commission des requêtes ont donné lieu à 44 saisines de la commission d'instruction par le procureur général dans un délai très bref (compétence liée). Ces 44 saisines ont donné lieu à l'ouverture de 17 informations après jonction de plaintes dans la même affaire (22 dans l'affaire dite du sang contaminé, 5 dans l'affaire dite de l'ESB 16 ( * ) et 1 réquisitoire supplétif). 8 affaires ont donné lieu à un arrêt de renvoi devant la formation de jugement de la CJR, 5 affaires se sont terminées par un arrêt de non-lieu, 1 affaire a donné lieu à un arrêt d'incompétence, 1 affaire s'est achevée par un arrêt constatant l'extinction de l'action publique par prescription et 1 affaire a donné lieu à une dispense de peine. Enfin, 3 affaires sont actuellement pendantes devant la commission d'instruction.

Le rythme de travail de la Cour de justice de la République est, par définition, imprévisible et très variable. Le nombre de requêtes reçues et le stock à traiter varient donc considérablement d'une année sur l'autre. Les trois années les plus chargées, s'agissant des requêtes reçues, ont été respectivement 1994 (234 requêtes reçues), 2005 (97) et 1996 (89), tandis que 2010 (18), 2007 (26), 2009 (30), et 2018 (17) ont connu un nombre de requêtes moins important.

La hausse des saisines depuis 2013, en particulier en 2016, est probablement pour partie liée à la volonté de déplacer des contentieux du terrain de l'opportunité politique vers le terrain judiciaire. Cela explique que les requêtes visant des membres du Gouvernement en fonction ont considérablement augmenté de 2013 à 2016, puis de nouveau depuis l'an dernier. À titre d'exemple, plusieurs requêtes ont visé le Premier ministre et le ministre de l'intérieur concernant les conditions de travail des fonctionnaires de police et également les consignes qui leur sont données, ce qui se confirme pour l'année en cours.

C. UNE JURIDICTION AUX MOYENS MAÎTRISÉS MAIS À L'AVENIR INCERTAIN

Plus de la moitié des dépenses de la Cour de justice de la République correspond à des frais immobiliers . Bien que ce loyer pèse lourdement sur le budget de l'institution, les perspectives sont plus satisfaisantes depuis la renégociation de son loyer par la Cour.

S'il est toujours question que la CJR occupe des locaux libérés par le tribunal de grande instance de Paris sur l'île de la Cité, à présent que ce dernier a emménagé sur le site des Batignolles, afin d'être située à proximité immédiate de la Cour de cassation dont est issu son personnel permanent, cette question est suspendue au devenir même de la juridiction.

En effet, l'article 8 du projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, déposé à l'Assemblée nationale le 29 août dernier, vise à supprimer la compétence, et donc l'existence, de la Cour de justice de la République pour juger la responsabilité pénale des membres du Gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions. Toutefois, la suppression de la Cour de justice de la République n'entraînerait pas une extinction immédiate des dépenses à engager compte tenu notamment de la nécessité de respecter un préavis de six mois en cas de résiliation du contrat locatif de l'immeuble du 21, rue de Constantine, et de divers autres contrat.

Pour 2020, la quasi-totalité des postes est reconduite, grâce à une gestion rigoureuse des charges de fonctionnement : seule une enveloppe supplémentaire de 12 000 euros est sollicitée pour permettre le renouvellement du parc informatique. Si l'on tient compte d'une légère diminution des frais de justice prévus, au total, le budget de la CJR passe donc de 861 500 à 871 500 euros pour 2020.

Le tableau ci-dessous récapitule les charges budgétées en lois de finances initiales pour la Cour de justice de la République depuis 2015 :

2015

2016

2017

2018

2019

2020
(prévisionnel)

Loyer et charges locatives

453 000

453 000

453 000

453 000

453 000

453 000

Indemnités des magistrats

135 000

135 000

135 000

135 000

135 000

135 000

Autres charges de fonctionnement

132 000

132 000

132 000

132 000

132 000

144 000

Frais de justice

70 000

70 000

70 000

70 000

70 000

68 000

Éventuels frais de procès

71 500

71 500

71 500

71 500

71 500

71 500

Total

861 500

861 500

861 500

861 500

861 500

871 500

Source : Cour de justice de la République

Que coûte un éventuel procès devant la Cour de justice de la République ?

La Cour évalue à 71 500 euros environ le coût total du procès d'un membre du Gouvernement ou d'un ancien membre du Gouvernement. Ce montant couvre principalement les frais de justice, les indemnités dues aux assesseurs et aux magistrats parlementaires, l'installation des systèmes de sécurité, les divers aménagements matériels, les frais de location de robe et les frais de restauration sur place pour éviter tout contact pendant le procès entre la formation de jugement et l'extérieur. Cette évaluation s'est révélée pertinente lors du déroulement du dernier procès en septembre 2019 et doit être reconduite pour 2020 dans l'hypothèse où se tiendrait une audience après renvoi devant la formation de jugement.

*

* *

Au bénéfice de ces remarques, nonobstant certaines observations dont votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2020.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DÉPLACEMENT EFFECTUÉ

Conseil constitutionnel (déplacement effectué le 9 octobre 2019)

M. Laurent Fabius , président

M. Jean Maia , secrétaire général

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Présidence de la République

M. Patrick Strzoda , préfet, directeur de cabinet

Cour de justice de la République

M. Jean-Baptiste Parlos , président

Mme Bernadette Verdeil , secrétaire générale


* 1 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 2 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, LOLF.

* 3 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, LOLF.

* 4 Le Rapport d'information n ° 324 (2018-2019) du 20 février 2019 de Mme Muriel JOURDA et M. Jean-Pierre SUEUR, fait au nom de la commission des lois, formule la préconisation de « mettre fin à la pratique des conseillers communs au Président de la République et au Premier ministre, pour respecter la distinction constitutionnelle des fonctions présidentielles et gouvernementales » (proposition n° 7).

* 5 S'agissant de la sécurité des personnes, l'effectif du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) a été augmenté depuis 2018 de 14 équivalents temps plein, pour atteindre 77. L'effectif était tombé de 89 fonctionnaires en 2011 à 63 en 2017 et ne permettait plus au GSPR, dans un contexte d'insécurité toujours très élevée, d'exercer ses missions dans des conditions optimales.

* 6 Lorsqu'il acceptait encore le principe d'une audition par votre rapporteur, M. Patrick Strzoda, préfet, directeur de cabinet du Président de la République, avait souligné que le blindage d'un véhicule revenait à environ 800 000 euros, en plus du coût d'acquisition dudit véhicule.

* 7 Réponse transmise à votre rapporteur pour avis le

* 8 Celle-ci, commandée en 1630 par marie de Médicis, a changé d'emplacement en 1862 et présente aujourd'hui des traces d'usure et des dégâts liés à la pollution. Prévue en 2018, cette opération n'avait pas été réalisée.

* 9 Les produits budgétaires regroupent les ventes de produits et services réalisés par le Sénat (principalement les revenus des immeubles loués, les redevances annuelles de gestion versées par les caisses autonomes de sécurité sociale et de retraites).

* 10 Audition organisée dans le cadre de la mission d'information de la commission des lois, dotée par le Sénat des prérogatives d'une commission d'enquête, sur les conditions dans lesquelles des personnes n'appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l'exercice de leurs missions de maintien de l'ordre et de protection de hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de manquements.

* 11 Jacques Chirac, décédé le 26 septembre 2019, ne siégeait plus depuis 2011, Nicolas Sarkozy ne siège plus depuis janvier 2013 et François Hollande n'a pas souhaité siéger.

* 12 L'article 61-1 de la Constitution dispose que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

* 13 Sur le fondement du rapport annuel d'activité du Conseil d'État, du rapport annuel d'activité de la Cour de cassation et des éléments fournis à votre rapporteur par les services du Conseil constitutionnel.

* 14 Audition de M. Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, le mercredi 9 octobre 2019.

* 15 Articles 68-1 et 68-2 de la Constitution.

* 16 L'Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) est plus connue sous le nom de « maladie de vache folle ».

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