II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

La commission salue, tout d'abord, les avancées majeures permises par le droit européen en matière économique . L'harmonisation des réglementations au niveau européen doit être accélérée à des fins d'approfondissement du marché unique.

À cet égard, dans un monde où le numérique prend une place de plus en plus importante, la plus grande protection des consommateurs européens , notamment face aux nouvelles pratiques de commercialisation en ligne, est un progrès significatif dont il faut se réjouir.

Il en va de même pour l'harmonisation des réglementations nationales en matière sanitaire, qui permet d'améliorer la sécurité sanitaire et alimentaire du continent, tout en luttant contre les divergences de normes entre États membres aboutissant à des concurrences déloyales.

L'encadrement des relations entre plateformes et professionnels est également un élément essentiel pour assurer le développement de l'économie numérique dans des conditions de concurrence satisfaisantes. La définition de pratiques commerciales déloyales prohibées au niveau européen dans la chaîne alimentaire permettra, en outre, une meilleure coordination des autorités compétentes contre ces dernières, au bénéfice d'un rééquilibrage du rapport de force entre fournisseur et distributeur alimentaire.

L'Union européenne se doit d'être plus protectrice, plus proche des citoyens, et de renouer avec un projet global et ambitieux d'approfondissement de la coordination entre les peuples européens . Les évolutions de la réglementation européenne, que ce projet de loi entend traduire dans le droit interne, vont dans le bon sens. Il faut rappeler que, le plus souvent, ces évolutions s'inspirent du droit français, étendu au niveau continental.

Sur la forme, le Gouvernement sollicite plusieurs habilitations à prendre des mesures par voie d'ordonnances pour tirer les conséquences des évolutions législatives européennes.

Si le caractère technique des textes européens et les toilettages de parties entières de codes qui devront être réalisés plaident pour un recours aux ordonnances, les champs et les délais des habilitations demandées doivent être clairement encadrés par la loi : le rapporteur s'est attaché à vérifier ces points pour chacune des demandes du Gouvernement contenues dans le projet de loi initial, ce qui a conduit la commission à soutenir plusieurs amendements d'encadrement.

Toutefois, il convient de s'alarmer des retards pris par le Gouvernement dans certaines transpositions , ayant déclenché, parfois, des mises en demeure de la Commission européenne. Pour ces cas précis, le recours aux ordonnances demandé par le Gouvernement entraînera, mécaniquement, un allongement plus important des délais, aboutissant à des retards encore plus significatifs.

Quand cela était possible, le rapporteur a souhaité inscrire directement dans la loi certaines adaptations que le Gouvernement entendait prendre initialement par ordonnance. Pour les autres cas, la commission a appelé le Gouvernement, d'ici la séance publique, à faire de même et à mettre directement ces transpositions dans la loi tant à des fins d'efficacité qu'en vue de garantir un complet débat démocratique. Le rapporteur sera vigilant à ce que ces transpositions mettent effectivement en place les adaptations requises par le droit européen.

Sur le fond, les textes européens laissent, dans leur majorité, peu de marges de manoeuvre aux États membres dans la mesure où ils sont d'harmonisation maximale. En outre, procéder à des surtranspositions doit être mesuré précisément en amont, notamment d'un point de vue économique, afin de ne pas pénaliser les entreprises françaises par rapport à leurs concurrentes européennes.

Toutefois, dans certains cas, et dans le respect du droit européen, la France a intérêt à conserver un cadre plus protecteur et à adapter, quand le droit européen le permet, l'esprit de la directive ou du règlement à la réalité du terrain.

C'est pourquoi la commission a proposé :

- de s'assurer que la prohibition des pratiques commerciales déloyales minimales prévues en droit européen s'appliquent à toutes les relations entre des fournisseurs et la grande distribution, sans considération de chiffre d'affaires , critère qui pourrait faire sortir du champ d'application de la directive de nombreuses relations commerciales ;

- de garantir que les maladies animales faisant l'objet d'une surveillance particulière aujourd'hui en France continuent d'être suivies , même si elles ne figurent pas parmi les maladies européennes à contrôler ;

- de permettre l'accès aux données zootechniques et aux ressources zoogénétiques conservées , dans un but de préservation du patrimoine génétique commun.

La commission a proposé également certains amendements pragmatiques afin de donner davantage de souplesse aux autorités de contrôle. Ainsi, l'obligation faite aux agents de la DGCCRF, dans le cadre des tests de conformité des produits, de consigner dès le début d'une phase de test un nombre suffisant d'échantillons est inutilement contraignante lorsque le risque de disparition de ces produits est faible. Elle a ainsi préféré donner la possibilité à la DGCCRF d'apprécier elle-même ce risque et, au cas par cas, de décider d'une éventuelle consignation préalable en fonction du résultat de cette évaluation .

De la même manière, elle a jugé préférable de ne pas rigidifier les délais dans lesquels les parties transmettent leurs observations à l'Autorité de la concurrence suite à la notification des griefs, lorsque le rapporteur général recourt à la procédure simplifiée. En cela, elle tire les conséquences de la suppression du plafond de sanction encourue par une entreprise lorsque cette procédure est engagée, suppression prévue par la directive ECN+. En effet, désormais, le rapporteur général aura la possibilité d'y recourir même pour des affaires plus complexes, dans lesquelles la sanction encourue dépasserait 750 000 euros. La commission propose donc de lui octroyer le soin, lorsqu'il recourt à une procédure simplifiée, de moduler ces délais à la hausse selon la complexité de l'affaire , permettant aux parties prenantes d'engager une discussion technique fondée sur des critères objectifs. Elle a également prévu que, dans ce cas de figure, les déterminants de la sanction figurent directement dans la notification des griefs , afin que les décisions de l'Autorité gagnent en prévisibilité pour les entreprises.

Toujours dans un objectif de souplesse, la commission a doté l'Autorité de la concurrence de pouvoirs supplémentaires en outre-mer . Elle lui a notamment permis d'intervenir en matière de pratiques anticoncurrentielles dans le commerce de détail et de gros sur la base de « préoccupations de concurrence » liées aux prix et aux marges, et non plus uniquement lorsqu'une concentration porte atteinte à une concurrence effective dans la zone considérée.

S'agissant des stocks stratégiques pétroliers, la commission a estimé souhaitable de conserver l'évolution envisagée par l'article 20 du projet de loi initial, tout en corrigeant un « effet de bord » identifié par le rapporteur .

Comme évoqué plus haut, le statut d'ECS de la Sagess, issu de la loi du 16 juillet 2013, est non conforme au droit de l'Union européenne, découlant de la directive du 14 septembre 2009. Aussi la suppression de la référence à ce statut, mentionnée à l'article L. 642-1-1 du code de l'énergie, est-elle compréhensible.

Pour autant, l'abrogation pure et simple du deuxième alinéa de l'article L. 642-6 du même code induit un « effet de bord », qui pourrait déstabiliser le cadre juridique et fiscal applicable aux stocks stratégiques.

En effet, en supprimant toute référence aux prestations réalisées par la Sagess pour le compte du Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), dans le cadre d'une convention approuvée par l'État, le dispositif proposé :

- d'une part, irait plus loin que le droit antérieur à la loi précitée ;

- d'autre part, rendrait inopérant le régime fiscal afférent à la Sagess.

Tel qu'il est rédigé, l'article 20 fragiliserait à terme l'organisation des stocks stratégiques et la situation financière de l'un de ses opérateurs : l'ensemble des acteurs interrogés, y compris le Gouvernement, ont convenu du problème d'articulation du dispositif avec la législation fiscale, soulevé par le rapporteur.

C'est pourquoi elle a adopté, à son initiative, un amendement visant à revenir strictement au droit antérieur à la loi du 16 juillet 2013.

Il entend corriger la mauvaise transposition de la directive du 14 septembre 2009 - en supprimant le statut d'ECS de la Sagess et le principe du recours exclusif du CPSSP à cette société - sans déstabiliser le cadre juridique existant - en maintenant le régime fiscal de la Sagess et le principe d'une convention pouvant la lier au CPSSP approuvée par l'État.

Le Sénat a adopté l'article 20 ainsi modifié en séance publique.

Enfin, pour garantir la pleine applicabilité des dispositifs européens de surveillance des maladies transmissibles et pour garantir une régulation vétérinaire suffisante sur tout le territoire comme l'y invitent les règlements européens à transposer, elle a entendu promouvoir la vaccination vétérinaire à des fins de lutte contre l'antibiorésistance et mettre en place des mécanismes de lutte contre la désertification vétérinaire en France.

La France, comme d'autres pays européens, est confrontée, de manière croissante, à un phénomène de désertification vétérinaire dans des zones rurales, majoritairement à faible densité d'élevages.

L'observatoire national démographique de la profession vétérinaire de l'Ordre national des vétérinaires a mis en évidence que si le nombre de vétérinaires inscrits en France métropolitaine a augmenté de 7,5 % entre 2012 et 2016, la situation n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire.

Il est à noter un recul de l'activité de soins aux animaux de production, le marché de l'activité de soins aux animaux domestiques étant en croissance.

Les organisations d'éleveurs, l'association permanente des chambres d'agriculture et les élus ruraux constatent régulièrement que les vétérinaires ruraux sont de moins en moins nombreux, ce qui pose des problèmes de continuité des soins aux animaux d'élevage et de surveillance des maladies animales, dont celles transmissibles à l'homme. Le non-remplacement des vétérinaires partant en retraite participe au sentiment de déclassement des territoires ruraux, comme le manque de médecins généralistes. Il pénalise spécifiquement les éleveurs qui sont déjà mis en difficulté par la conjoncture.

La commission a donc proposé :

- de permettre de mieux identifier le problème de cette désertification vétérinaire en prévoyant que le ministre détermine par arrêté, sur la base des chiffres de l'observatoire national démographique de la profession vétérinaire, les zones caractérisées par une offre insuffisante de soins et un suivi sanitaire insuffisant des animaux d'élevage ;

- que le Gouvernement permette aux collectivités territoriales d'attribuer des aides destinées à l'installation ou au maintien de vétérinaires dans ces zones , notamment afin de garantir une permanence des soins. Ces aides pourront, par exemple, être des indemnités d'étude ou de stage versées aux étudiants inscrits dans des formations vétérinaires, s'ils s'engagent à exercer en tant que vétérinaires dans l'une des zones au travers d'une convention signée avec la collectivité territoriale.

Le Gouvernement a entendu cet appel en séance publique, mettant ainsi en oeuvre la recommandation de la commission, au profit d'une meilleure lutte contre la désertification vétérinaire (amendement n° 18).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page