B. LES MESURES D'URGENCE ONT PERMIS UN REBOND À L'ÉTÉ...

Pour parer à l'urgence économique, trois lois de finances rectificatives pour 2020 ont progressivement instauré des mesures d'urgence de soutien à l'économie à hauteur de :

• 64,5 milliards d'euros pour les mesures à impact immédiat sur le déficit public, comme l'indemnisation de l'activité partielle ou le fonds de solidarité pour les entreprises ;

• 76 milliards d'euros de mesures sans impact immédiat sur le déficit, principalement des reports d'échéances sociales et fiscales ainsi que des remboursements anticipés ;

• 327,5 milliards d'euros environ de garanties apportées par l'État (dont seuls 40 % ont effectivement été consommés), notamment dans le cadre du prêt garanti par l'État (PGE) et des dispositifs de réassurance. Ces montants ne seront appelés qu'en cas de défaut.

Source : Commission des affaires économiques, données budgétaires

À ces efforts de soutien d'ampleur inédite s'ajoute aussi l'impact positif des stabilisateurs automatiques , dont le rôle dans l'absorption du choc économique ne doit pas être sous-estimé. La France fait partie de l'un des pays dans lesquels ceux-ci sont les plus conséquents. Selon l'OFCE, en France, la perte de revenu liée à la crise a été absorbée à 54 % par les administrations publiques.

Dans leur ensemble, les mesures d'urgence ont permis de limiter la portée de l'ajustement que l'économie française aurait dû supporter en leur absence - bien que l'on puisse regretter le déploiement tardif de certains volets comme l'assouplissement des conditions d'éligibilité au fonds de solidarité ou les reports d'échéance, sollicités par le Sénat dès le printemps 2020.

L'emploi et les revenus des ménages ont été relativement préservés, grâce au dispositif exceptionnel d'activité partielle et aux aides aux personnes précaires. La période de confinement s'est même traduite par une augmentation historique de l'épargne des Français. Les faillites d'entreprises sont pour l'instant contenues, les trésoreries ayant été temporairement renflouées par les prêts garantis par l'État (PGE), les aides directes et les reports de charges. Le troisième trimestre de l'année 2020 a permis aux entreprises de renouer avec l'activité, le pays enregistrant 18,2 % de croissance trimestrielle.

C. ... MAIS LA « DEUXIÈME VAGUE » REMET EN CAUSE LES ÉQUILIBRES DE LA STRATÉGIE GOUVERNEMENTALE DE RELANCE

La nouvelle dégradation des conditions sanitaires intervenues au mois d'octobre est venue interrompre le rebond de l'économie qui s'amorçait à l'été. Le retour de restrictions sanitaires sévères a conduit à une rechute de l'activité et de la demande dans un certain nombre de secteurs, au premier rang desquels le transport aérien, l'hébergement, le tourisme, le commerce et la culture, déjà sévèrement frappés par le premier confinement.

Cette « rechute » a entraîné la réactivation des mesures de soutien d'urgence et le dépôt d'un quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 , qui prévoit environ 20 milliards d'euros d'aides supplémentaires . Celles-ci visent à renforcer le fonds de solidarité, les exonérations de cotisations sociales et l'activité partielle, ainsi qu'à financer les dépenses de santé et des prestations vis-à-vis des populations les plus précaires.

En dépit de la prolongation des dispositifs de soutien, l'impact cumulé de la crise brutale de mars et de ce second confinement noircit les prévisions économiques. Plusieurs facteurs suggèrent qu'un « retour à la normale » tel qu'il se profilait en août ne sera pas facilement atteint après cette seconde crise :

• d'abord, évidemment, l'incertitude persistante sur la levée de ces restrictions et sur l'éventuelle survenue d'une « troisième vague » obère la confiance des agents économiques. Cette crise de confiance pourrait peser durant plusieurs années sur les arbitrages entre épargne et consommation, ou sur les décisions d'investissement et de recrutement ;

• cela pourrait avoir pour effet de transformer une crise qui était principalement une crise de l'offre, en raison des restrictions sanitaires, en une crise de la demande , provoquée par une chute de la consommation. L'épargne forcée accumulée durant le confinement pourrait se transformer en épargne de précaution ;

• ensuite, la dégradation de la situation financière des entreprises , liée à l'important encours de crédit contracté durant la crise et à la baisse de revenus d'activité, fait craindre une fragilisation à long terme et rend urgente le retour de la croissance . Il faut à ce titre noter que les entreprises françaises ont supporté 44 % de la perte de revenus liée à la crise, un taux bien plus haut que dans les pays voisins ;

La philosophie du plan de relance présenté par le Gouvernement en septembre, qui visait à accompagner le rebond et à créer la « France de 2030 », ne correspond plus à la situation qui prévaut en novembre. La priorité est désormais un effort de relance accru et ciblé sur 2021 , y compris par le biais d'un soutien à la demande, via un stimulus budgétaire rapide, plutôt qu'une transformation à long terme de l'offre.

Par ailleurs, bien que cet enjeu ne soit pas immédiat, le jeu des stabilisateurs automatiques, et surtout les montants colossaux engagés par l'État français dans le cadre des mesures d'urgence, ont engendré une nette dégradation du solde public et une augmentation de la dette. Le déficit atteindra cette année 11,3 %, tandis que le ratio de dette publique culminera à 119,8 % au sens de Maastricht. À terme, un retour vers l'équilibre budgétaire, conforme aux engagements de la France et gage de confiance, suppose une perspective de croissance solide et durable.

Ces constats mènent à une conclusion sans appel : les conséquences économiques de la « deuxième vague » appellent à repenser les équilibres de la stratégie économique présentée en septembre. D'abord, la pleine mobilisation des dispositifs de soutien restera nécessaire, et ce probablement y compris au cours de l'année 2021, ce qui interroge le choix du Gouvernement de ne prévoir aucun crédit sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Surtout, le plan de relance doit être ajusté pour mieux cibler une relance de court terme, globale et qui vise aussi bien l'offre que la demande.

Partageant cette analyse et la nécessité d'un stimulus économique rapide, la plupart des États occidentaux s'engagent déjà dans la voie d'une relance budgétaire d'ampleur exceptionnelle. Une réponse équivalente et coordonnée doit intervenir en France, sous peine de perdre du terrain dans la compétition économique internationale .

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