B. COMMENT RÉNOVER LES LOGEMENTS DANS LE CALENDRIER IMPARTI ?

1. Un calendrier serré, un enjeu crucial

La rénovation des logements est le deuxième grand sujet de ce budget et des prochaines années pour le logement. La loi « Climat et résilience » 11 ( * ) a imposé un calendrier de rénovation des logements les plus énergivores. Les logements classés G, F et E ne pourront plus être loués respectivement en 2025, 2028 et 2034. Cette interdiction s'appliquera, dès le 1 er janvier 2023, aux logements dits « G + » qui ont les plus mauvaises performances. Ce calendrier très resserré est susceptible d'avoir des conséquences majeures.

L'Institut Paris Région 12 ( * ) a établi qu'en Île-de-France , cela concernait 45 % du parc des résidences principales selon l'ancien DPE, le nouveau étant plutôt plus sévère, soit 2,3 millions de logements. 48 % du parc locatif privé est concerné, soit onze années de construction. À Paris même, deux tiers du parc locatif est directement visé . Paris n'est pas la France mais cette étude montre le caractère absolument crucial de ce sujet.

Une enquête récente de la FNAIM 13 ( * ) montre que, devant le défi, beaucoup de bailleurs privés pourraient baisser les bras. Un quart pourrait vendre à des occupants qui ne feront pas nécessairement les travaux. Entre 5 et 10 % pourraient opter pour les meublés de tourisme qui ne sont pour l'heure pas soumis à cette réglementation. Les y soumettre, comme le ministre du logement a indiqué vouloir le faire, ne règlera pas le problème qui est autant un sujet de financement que de séquencement face aux capacités limitées des professionnels à mener à bien les travaux. La bonne manière de gérer les logements qui ne peuvent pas être mis aux normes reste en suspens. Enfin, la fiabilisation du lien travaux - DPE - saut d'étiquettes énergétiques est aussi un sujet qui n'est pas réglé.

2. Soutien aux bailleurs, amplification des aides, des solutions partielles

Tout d'abord, dans le PLFR, un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale 14 ( * ) afin de doubler le déficit foncier pour les bailleurs qui réalisent des travaux dans des logements énergivores. C'est une mesure que le rapporteur avait proposée lors de l'examen de la loi « Climat et résilience ». Il se félicite donc de son adoption qui est un geste attendu par les bailleurs.

Dans le PLF, les moyens de l'ANAH vont fortement augmenter . Son budget s'accroît de 900 millions d'euros via le programme 174 et de 219 millions d'euros grâce à l'affectation de recettes de quotas carbone. L'ANAH a été fortement critiquée par la Cour des comptes 15 ( * ) l'an passé et cette année par le Défenseur des droits 16 ( * ) . Il est de bon ton de faire porter à l'ANAH la responsabilité du retard français en matière de rénovation énergétique des logements. Le rapporteur estime que l'ANAH est au contraire le symbole et le symptôme du réveil de notre pays sur cette question, de notre forte accélération mais aussi de nos difficultés et insuffisances. Entre 2019 et 2023, le plafond d'emploi de l'ANAH aura été multiplié par deux, passant de 115 à 232. Entre 2019 et 2021, toutes aides confondues, les décaissements ont été multipliés par trois, le nombre de logements aidés par cinq .

Ma Prime Rénov' a été attribuée à 644 000 logements en 2021, pour un total de 2 milliards d'euros et un montant moyen de 3 200 euros. Dans 80 % des cas, il s'agit, comme prévu, de mono-gestes, à 70 % pour des systèmes de chauffage. Aujourd'hui, 85 % des aides sont attribuées en moins de 15 jours. Seuls 500 à 600 dossiers anciens sont bloqués et font l'objet d'un traitement individuel qui devrait permettre de résoudre 90 % des cas d'ici la fin de l'année.

L'ANAH a réussi la massification des aides, il lui reste à réussir la massification de l'accompagnement pour entraîner la massification des rénovations globales.

Sans minimiser le problème, les chiffres sont tout de même encourageants. Ma Prime Rénov' Sérénité, qui finance des rénovations globales, a permis, en 2021, la rénovation de plus de 41 000 logements, dont plus de 23 000 ont bénéficié d'une bonification pour sortie de passoire thermique .

Ma Prime Rénov' Copropriétés fait elle aussi son chemin, même si la montée en puissance est lente en raison de la difficulté à faire voter des travaux en assemblée générale. En 2021, elle a concerné 12 000 logements. On sait la difficulté du sujet. Les solutions passent certainement par une plus grande aide aux propriétaires modestes. La prime pourrait être doublée. Cela passe aussi par des solutions juridiques visant à rendre solidaires les propriétaires, entre occupants et bailleurs, et entre logements de différentes étiquettes énergétiques. Il faut donc réfléchir à des solutions comme l'opposabilité du DPE collectif pour un immeuble ou du vote du programme pluriannuel de travaux. N'ayons pas de tabous.

3. Vers la seconde vie du parc social ?

Dans le parc social, les enjeux de rénovation thermique sont relativement moins importants en proportion - 1,2 millions de logements seraient à traiter avant 2034 - mais posent aussi des questions différentes. Les bailleurs sociaux sont des institutionnels qui peuvent envisager des rénovations de masse rentabilisées sur de longues durées. Ils se projettent par ailleurs au-delà de 2034 et envisagent dès aujourd'hui l'avenir de leur patrimoine à l'horizon 2050 où un maximum de logements devra avoir atteint les classes A ou B selon la Stratégie nationale bas carbone, la SNBC 17 ( * ) .

La question se pose donc pour eux, en termes de stratégie de patrimoine, de savoir s'ils ne doivent pas dès aujourd'hui organiser des rénovations dans cette perspective pour ne pas faire plusieurs fois les travaux et les rentabiliser au plus tôt. Pour donner un ordre de grandeur, le coût moyen d'une réhabilitation thermique serait de l'ordre de 38 000 euros, celui d'une rénovation donnant une seconde vie au bâtiment allant au-delà de 2050 serait d'environ 100 000 euros, à comparer avec un coût de 158 000 euros pour une construction neuve. Les bailleurs sociaux envisagent de réaliser environ 10 000 rénovations « seconde vie » par an dans un premier temps.

Pour cela, ils demandent que ces opérations soient considérées en termes de subvention du FNAP, de prêts à long terme de la Caisse des Dépôts, mais aussi de fiscalité (TVA à taux réduit, exonération de TFPB) et de reconventionnement des loyers comme des logements neufs. C'est une démarche prometteuse pour avoir enfin une vision stratégique dans le secteur et s'organiser pour viser clairement l'horizon 2050, ce que le rapporteur avait plaidé dans la loi « Climat et résilience » en proposant d'intégrer, dès aujourd'hui, les logements D à la réflexion.


* 11 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl20-551.html

* 12 https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/000pack3/Etude_2841/NR_957_web_v_finale.pdf

* 13 https://www.fnaim.fr/communiquepresse/1837/10-passoires-thermiques-500-000-logements-pourraient-sortir-du-parc-locatif-les-propositions-de-la-fnaim.htm

* 14 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0393/AN/569

* 15 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/premiers-enseignements-du-deploiement-du-dispositif-maprimerenov

* 16 https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/defenseur_des_droits_-_decision_2022-199.pdf

* 17 https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc

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