II. LE DÉFI D'UNE RÉPONSE ADAPTÉE AUX ÉMEUTES URBAINES

A. LES ÉMEUTES RELANCENT LES QUESTIONS SUR LA POLITIQUE DE LA VILLE ET LES POLITIQUES SECTORIELLES DE DROIT COMMUN

Les émeutes urbaines survenues du 27 juin au 7 juillet 2023 viennent questionner en profondeur les politiques publiques menées depuis plusieurs années.

À Dammarie-lès-Lys, 8 millions de dégâts sont à déplorer. Les violences ont été principalement commises par des collégiens qui ont brûlé la médiathèque au coeur de la Plaine du Lys, la maison de l'emploi, une école maternelle et attaqué le commissariat. Aujourd'hui, seule l'école maternelle a été reconstruite afin d'assurer une rentrée normale. Mais les motivations ayant conduit des adolescents et des habitants à détruire des équipements qui leur sont dédiés suscitent toujours de profondes interrogations. À Vaulx-en-Velin, les violences ont été moins importantes. Des majeurs étaient principalement impliqués. Ils ont utilisé un très grand nombre de mortiers d'artifice. Le lien avec le trafic de drogue y est probable.

Même si un grand nombre des 555 communes ayant subi des violences (des petites villes aux grandes banlieues parisiennes) ont au moins un quartier prioritaire, la moitié d'entre elles n'a pas connu de violences3(*). Ces émeutes se sont étendues à des petites villes, voire à des territoires proches de la ruralité. Si la dégradation des rapports entre la police et la population ou le sentiment de stigmatisation sont remontés par les préfets, les causes sont plus larges : rupture du dialogue intergénérationnel, développement de la pauvreté et des familles monoparentales. Par rapport à 2005, outre l'extension géographique, y compris outre-mer, et les violences hors QPV, les pillages sont une nouveauté. Pourtant, les auditions menées et les rencontres de la rapporteure avec les acteurs du terrain montrent également que les émeutes ont été le mieux jugulées là où la médiation, les associations, les parents, un conseil citoyen, soit l'ensemble du tissu d'encadrement et de proximité d'un quartier a pu intervenir.

Ainsi, la question posée par les émeutes est beaucoup plus large que la seule politique de la ville. C'est l'ensemble de l'action publique dans les territoires pauvres qui est interrogé. La mise en cause de l'efficacité de la politique de la ville ou du renouvellement urbain souligne une nouvelle fois l'insuffisance de l'évaluation, alors que le marketing politique, le jeu des annonces et la froide logique budgétaire sont souvent les principaux mobiles. La rapporteure renouvelle donc les propositions déjà formulées en 2022 de muscler les capacités d'évaluation locales et les moyens de long terme comme le suivi de cohortes individuelles, pour connaître les trajectoires des habitants.

Par ailleurs, c'est bien le manque des politiques sectorielles de droit commun qui est une nouvelle fois souligné et l'absence d'outils de suivi. L'Orange budgétaire annexé au projet de lois de finances4(*) censé le répertorier est tout à fait inopérant selon les mots mêmes de la ministre devant la commission. Il dénombre quelques 10 milliards de crédits théoriques alors que les évaluations qualitatives effectuées par l'Assemblée nationale en 20185(*) ou l'Institut Montaigne en 20206(*) ont montré l'étendue du différentiel par rapport aux territoires normalement dotés.


* 3 Article du 10 octobre 2023 de Marco Oberti et Maela Guillaume Le Gall (Sciences Po / Polytechnique).

* 4 https://www.budget.gouv.fr/documentation/documents-budgetaires/exercice-2024/le-projet-de-loi-de-finances-et-les-documents-annexes-pour-2024/documents-de-politique-transversale-2024

* 5 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cec/l15b1014_rapport-information#

* 6 https://www.institutmontaigne.org/publications/les-quartiers-pauvres-ont-un-avenir

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