N° 133

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Action culturelle extérieure

Par M. Claude KERN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, MM. Yves Bouloux, Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 16801715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Les crédits du programme 185 finançant la diplomatie culturelle et d'influence s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2024 à 805,9 millions d'euros : ils sont en hausse de 8,3 % par rapport à l'année passée (+ 62,2 M€). Les dépenses de fonctionnement et d'intervention sont portées à 721 millions d'euros, en hausse de 7,5 %.

Le programme 185 recouvre les dépenses des services de coopération et d'action culturelle des ambassades et de leurs instituts français ainsi que les subventions pour charges de service public des trois opérateurs (AEFE, Institut français et Campus France).

Les crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) sont renforcés à hauteur de 8 millions d'euros, dévolus essentiellement à la réforme du statut des personnels détachés. Cette hausse des crédits de l'AEFE semble très insuffisante pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République en 2018 : doubler le nombre d'enfants du réseau de l'enseignement français à l'étranger d'ici 2030 pour atteindre 700 000 élèves.

La première cohorte de bacheliers titulaires du baccalauréat français international sera diplômée en juin 2024.

Le rapporteur se félicite de la progression des crédits dévolus au réseau de coopération culturelle (postes, instituts et alliances) :

- d'une part, les crédits d'interventions sont augmentés de 24,3 M€. Cette hausse ciblera en priorité les postes diplomatiques (Service de coopération et d'action culturelle ou SCAC) ;

- d'autre part, 10 M€ sont destinés à améliorer les conditions de fonctionnement des postes, alliances et instituts français.

I. I. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER : AVOIR LES MOYENS DE SES AMBITIONS

A. TROIS ANS APRÈS LE DÉBUT DE LA CRISE SANITAIRE, LE BILAN DU PLAN DE SOUTIEN AU RÉSEAU POUR FAIRE FACE À LA CRISE SANITAIRE

Trois ans après la crise sanitaire, le rapporteur a souhaité faire le bilan du plan de soutien qu'il avait alors salué. La pandémie avait en effet fortement ébranlé le réseau d'éducation français à l'étranger, entrainant la fermeture de la quasi-totalité de ses établissements et mettant en péril son équilibre financier. Pour répondre à l'urgence, le plan de soutien au réseau a très fortement mobilisé les services de l'AEFE. Le bilan de ce plan a été retracé au conseil d'administration de l'AEFE fin 2022, dans ses différents volets :

· Le soutien aux familles françaises : les enveloppes consacrées aux dispositifs d'aide à la scolarité sur l'ensemble du réseau ont été augmentées de manière conséquente. Le dispositif de recours gracieux a été assoupli dès le début de l'année 2020 avec la prise en compte des revenus du début d'année dans l'évaluation de la situation des familles, ce qui a permis de réviser la quotité de familles déjà boursières ou d'attribuer de nouvelles bourses dès le troisième trimestre 2019-2020. Sur les 50 M€ votés dans le cadre de la loi de finances rectificative de juillet 2020 au titre de l'aide à la scolarité, 41,7 M€ ont été effectivement versés à l'AEFE en 2020. 22,1 M€ ont été utilisés pour les bourses scolaires lors de l'exercice 2021.

Le solde de ces crédits exceptionnels (19,6 M€) a été consacré, en 2022, au financement complémentaire de l'aide à la scolarité (10 M€) et à la mise en place d'un dispositif de soutien aux établissements d'enseignement français au Liban (10 M€).

· Le soutien aux établissements et familles étrangères en difficulté s'est traduit par plusieurs aides :

- une aide aux familles étrangères les plus en difficulté, sous la forme de remises totales ou partielles de leurs impayés. Au total, l'aide engagée au bénéfice des familles étrangères a concerné 250 établissements pour 13,5 M€ et a bénéficié à plus de 18 000 élèves ;

- des aides financières aux établissements : une aide spécifique pour les établissements ayant constaté une diminution d'effectif de plus de 5 % a été déployée pour un total 17,7 M€. Par ailleurs, une aide spécifique a été apportée aux établissements conventionnés de la Mission laïque française (Mlf) ;

- un dispositif de conventionnement temporaire avec l'AEFE pour les établissements en difficulté a bénéficié à 8 établissements, dont 5 au Liban ;

- une aide spécifique au réseau des établissements d'enseignement français au Liban : un dispositif complémentaire a été mis en place et financé sur les crédits du plan de sauvegarde du réseau ainsi que par une dotation supplémentaire du programme 185, attribuée en 2021, pour un montant de 10,9 M€.

Avec un montant moyen d'environ 5 900 € en 2022-2023 sur l'ensemble du réseau, les frais de scolarité restent en deçà de ceux des établissements concurrents étrangers. Néanmoins, ils sont en hausse de 4 à 8 % du fait des efforts de modernisation et d'extension des établissements du réseau scolaire français à l'étranger et du contexte inflationniste.

Les droits de scolarité appelés par les établissements en gestion directe (EGD) sont inférieurs d'environ 20 % à ceux des établissements conventionnés et partenaires. La progression des tarifs des EGD est en effet contrôlée par l'AEFE et ne peut excéder le taux d'inflation constaté dans le pays. En 2022, la participation financière des parents au financement des EGD et des établissements conventionnés est de 64 %, stable par rapport à l'année précédente. Près de 20 % des élèves français scolarisés dans le réseau bénéficient de bourses sur critères sociaux.

B. UNE FAIBLE AUGMENTATION DES EFFECTIFS QUI MET EN PÉRIL L'ATTEINTE DES OBJECTIFS PRÉSIDENTIELS

À la rentrée 2023, le réseau des établissements français à l'étranger comprenait 580 établissements homologués par le ministère de l'éducation et de la jeunesse (contre 567 en 2022), dans 139 pays différents. Ce nombre est en hausse de 2,3 %.

L'augmentation de la subvention pour charge de service public de l'AEFE à hauteur de 8 M€ est destinée au financement de la refonte du statut des personnels détachés. En effet, à la suite d'un contentieux devant le Conseil d'État, l'État est désormais tenu de financer le transport du fonctionnaire détaché à l'étranger et de ses ayants droit, ainsi que de verser une indemnité de changement de résidence. Les surcoûts liés à la revalorisation du point d'indice et à l'inflation sont quant à eux internalisés et financés sur les fonds propres de l'AEFE pour 2024.

Le CAP 2030 de doublement des effectifs dans le réseau a été réaffirmé le 3 juillet 2023 lors des conclusions des consultations sur l'enseignement français à l'étranger (EFE) et du Comité interministériel présidé par la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères et le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse. Pourtant, Mme Claudia Scherrer-Efosse, directrice de l'AEFE, admet elle-même que cet objectif est « extrêmement ambitieux » et que les effectifs à la rentrée 2023 étaient en deçà des objectifs, ce qu'elle explique par un contexte géopolitique défavorable. En effet, la progression annuelle de seulement 1 % des effectifs à la rentrée 2023 reste environ 4 fois en deçà de ce qui serait nécessaire pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République en 2018, qui est d'atteindre 700 000 élèves en 2030. L'objectif intermédiaire fixé par le ministère - atteindre 500 000 élèves en 2026 - supposerait d'attirer 50 000 nouveaux élèves aux rentrées 2024 et 2025. Depuis son annonce et au fil des exercices budgétaires, le rapporteur est sceptique quant à la réalisation des objectifs fixés par le Président de la République.

L'augmentation des effectifs est plus particulièrement portée par la hausse du nombre d'élèves étrangers, dont on estime qu'elle sera de 8,4 % en 2024, 9,2 % en 2025 et 9,8 % en 2026. Actuellement, 2/3 des élèves de l'enseignement français à l'étranger n'ont actuellement pas la nationalité française ; ils devraient être plus de 80 % à l'horizon 2030.

Nombre d'élèves scolarisés dans le réseau d'enseignement français à l'étranger

 

L'AEFE identifie 4 axes dans sa feuille de route 2023-2026 pour parvenir à atteindre les objectifs de développement du réseau :

1. Garantir la qualité et la rendre lisible pour les familles, grâce à l'homologation et à la labellisation. Les établissements sont engagés à s'investir dans une démarche d'auto-évaluation.

2. Développer un vivier de professionnels formés : l'objectif consiste à former 20 000 enseignants. Les instituts régionaux de formation (IRF), pleinement installés depuis le 1er janvier 2023, doivent proposer une offre de formation adaptée aux besoins locaux, notamment dans les zones en croissance. La mise en place des IRF permet de systématiser la formation des personnels de droit local.

3. Renforcer l'attractivité de l'offre éducative « EFE » : il s'agit notamment de renforcer la logique de « marque » de l'EFE, en capitalisant sur ses valeurs d'excellence, d'innovation ainsi que sur ses atouts. L'enseignement des langues en maternelle est l'un des atouts du réseau, qui veut apparaitre comme celui d'un enseignement plurilingue. Le réseau développe activement les sections internationales, qui sont passées de 138 à 272 entre 2018 et 2022 ; elles ne se limitent plus au secondaire mais concernent de plus en plus le primaire. Il s'agit également de développer la notoriété et la force du cursus EFE auprès de l'enseignement supérieur, et d'assurer le développement immobilier du réseau pour accueillir des effectifs croissants dans des conditions attractives.

4. Mobiliser les acteurs avec des objectifs partagés : une action concertée avec les postes diplomatiques est notamment mise en place pour identifier les zones géographiques dans lesquelles une croissance des effectifs pourrait être notable, par l'agrandissement d'établissements scolaires existants ou la création de nouveaux établissements.

Le service d'aide au développement du réseau (SADR)

Au sein de l'AEFE, le service d'aide au développement du réseau a pour mission d'accompagner des porteurs de projet préalablement identifiés par les postes diplomatiques.

Le SADR comprend sept experts qui assurent la mission de développement par l'accompagnement à la densification du réseau existant (augmentation des effectifs, extensions d'homologations, soit 60 % de l'objectif), à la transformation de filières francophones en filières homologuées au sein d'établissements déjà existants et à la création de nouveaux établissements.

Cet accompagnement prend la forme de missions analyse-conseil auprès des établissements conventionnés, de missions de conseil en développement pour aider les établissements dans la conception et la rédaction de plans stratégiques, de missions d'impulsion au développement en appui des postes diplomatiques pour évaluer le potentiel de développement du réseau dans le pays ou dans certaines zones en particulier et de missions exploratoires auprès de porteurs de projets déjà identifiés. Elles aboutissent à la signature de conventions d'accompagnement à l'homologation entre l'Agence et les porteurs de projets. Depuis la création du SADR en 2019, 133 conventions d'accompagnement ont été signées et 513 prestations ont été réalisées.

Par ailleurs, le rapporteur regrette les difficultés de recrutement des enseignants détachés dans le réseau, en raison des refus de détachement de la part des académies. À la rentrée 2023, 230 postes étaient vacants sur l'ensemble du réseau, un nombre multiplié par 2 depuis l'année dernière. En conséquence, de plus en plus de personnels français sont désormais recrutés sur des contrats locaux.

C. DE GRANDES AMBITIONS POUR L'ACCUEIL D'ÉTUDIANTS EN FRANCE, QUI PEINENT À SE CONCRÉTISER

Entre 2011 et 2021, le nombre d'étudiants étrangers en France s'est accru de 30 %. L'année 2022 a été marquée par la reprise des mobilités étudiantes dans un contexte de relance post-covid (à l'exception de la Chine, pour lequel le vivier d'étudiants reste encore très faible). Elle a notamment été rendue possible par la poursuite de la stratégie interministérielle « Bienvenue en France » qui a fixé, en 2019, l'objectif d'un demi-million d'étudiants étrangers accueillis en France en 2027 - ils n'étaient que 325 000 en 2017 - et de 15 000 bourses d'études octroyées à l'horizon 2027. Pour l'exercice budgétaire 2024, la subvention pour charge de service public de Campus France1(*) s'élève à 87 600 euros, en augmentation de presque 10 %.

La délivrance de visas de long séjour pour études a enregistré une forte diminution en 2020 du fait de la crise sanitaire. L'année 2021 marque un rebond des mobilités, avec une augmentation de 30 % du nombre de visas délivrés entre 2020 et 2021. En 2022, la reprise des mobilités se confirme et le nombre de visas pour études délivrés surpasse son niveau d'avant crise sanitaire, avec plus de 108 000 visas délivrés.

Nombre de visas de long séjour pour études délivrés depuis 2019

 

Dans le PLF 2024, le poste « bourses de mobilité étudiants étrangers en France » connait une augmentation des crédits (+ 6 M€) pour atteindre 70,1 M€. La hausse de cette enveloppe permettra notamment de financer un plus grand volume de bourses, qui s'adresseront en priorité à des profils qualifiés sur des secteurs en tension.

Dans les universités, les étudiants africains (dont Maghreb) constituent toujours le plus grand contingent (54 %) avant les ressortissants d'Asie-Océanie (19 %) puis les Européens (15 % issus de l'UE) et enfin les étudiants américains. Cette répartition est relativement similaire à celle des années précédentes, à l'exception d'une diminution du nombre d'étudiants asiatiques du fait de la crise sanitaire.

Répartition des étudiants étrangers par provenance géographique

 

Les échanges d'expertise et les échanges scientifiques verront leur enveloppe abondée de 2 M€ supplémentaires, pour atteindre 15,7 M€.

II. UN TIMIDE RÉARMEMENT DU RÉSEAU CULTUREL EXTÉRIEUR

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) évoque l'enclenchement d'un « réarmement » bienvenu du réseau culturel français ; l'augmentation des crédits doit permettre d'investir dans des moyens informatiques et immobiliers, d'engager la convergence des cadres salariaux et de mieux protéger les agents de droits locaux à travers le développement des accessoires de salaire, incluant des éléments de protection sociale.

A. L'INSTITUT FRANÇAIS DE PARIS

La subvention pour charges de service public de l'opérateur du ministère de l'Europe et des affaires étrangères en matière de coopération et promotion culturelle reste, pour 2024, stable par rapport à la LFI 2023 (28 M€). Mais le rapporteur se doit de rappeler que cette subvention a chuté de près de 10 % entre 2019 et 2023 (elle était de 30 M€ en 2019). Il déplore que depuis cinq ans, le conseil d'administration de l'Institut français vote un budget déficitaire : le budget 2024 prévoit ainsi un déficit de 1,5 M€.

En 2023, le niveau des ressources propres a poursuivi sa hausse pour atteindre presque 11 M€. La part de subventionnement des tutelles (ministère de l'Europe et des affaires étrangères et ministère de la culture) représentera 84 % en 2024, contre 73 % en 2023 et 78 % en 2022.

Le plafond d'emploi de l'Institut français a, quant à lui, été relevé à 153 équivalents temps plein, soit 10 ETPT supplémentaires, par transfert ces ETPT depuis le plafond sous-consommé de l'AEFE.

Le déménagement des bureaux de l'Institut français dans le 11e arrondissement de Paris, repoussé d'avril 2023 à début 2024, vise à réaliser une économie de loyers de 9 M€ sur la durée du bail de 9 ans. Le coût de fonctionnement du nouveau bâtiment sera en outre 50 % moins cher que celui de l'ancien.

Par ailleurs, le nouveau contrat d'objectif et de performance 2023-2025 est en cours de finalisation. Ses objectifs seront :

· de soutenir et animer l'action du réseau de coopération et d'action culturelle français à l'étranger ;

· d'accompagner les créateurs et les industries culturelles et créatives (ICC) ;

· de renforcer le dialogue entre les cultures, les langues et les sociétés ;

· de renforcer le pilotage interne de l'Institut français de Paris, point qui attire la particulière vigilance du rapporteur.

Dans le cadre des JOP 2024, l'Institut français appuie des initiatives culturelles et linguistiques en lien avec le sport à travers tout le réseau.

Le virage de l'Institut français vers les industries culturelles et créatives depuis 2019

Depuis 2019, l'Institut français prend aussi en compte l'industrie culturelle (Entertainment, jeux vidéo, design) et pas seulement l'Art avec un grand A, élargissant ainsi son champ d'action. Reconnaissance de l'aspect économique et business de la culture, en élargissant l'action culturelle extérieure de la France, en identifiant des pays prioritaires et en s'ouvrant à l'entrepreneuriat.

Pour la première fois, par l'intermédiaire du programme « ICC-immersion », l'Institut travaille en mixant ses compétences culturelles et artistiques avec des compétences de soutien à l'entreprise. Ce programme, financé dans le cadre de France 2030 et non dans le cadre du programme 172, vise à soutenir des entreprises cherchant à mieux appréhender un marché à l'internationale. Quatre états pilotes ont été choisis : le Royaume-Uni, le Canada, la Corée du Sud et Israël. Les trois phases d'accompagnement sont la préparation à l'immersion en distanciel, une phase d'immersion avec d'autres entreprises sur place puis un accompagnement individuel.

B. INSTITUTS FRANÇAIS ET ALLIANCES FRANÇAISES : DEUX RÉSEAUX COMPLÉMENTAIRES DONT LA SYNERGIE DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE

Les dotations aux établissements à autonomie financière (EAF2(*)) augmentent de 8,2 M€ par rapport à 2023.

Alors que les recettes des Instituts français ont augmenté de 5 % en 2022, leur taux d'autofinancement a légèrement décru entre 2021 et 2022, passant de 76 à 72 %. Cette diminution s'explique par la forte progression des charges (+ 11 %), qu'il s'agisse des dépenses de fonctionnement ou des salaires. Les Instituts font en effet face à une forte reprise de l'inflation mondiale qui affecte le prix des fournitures et entraîne des revendications de la part des agents sous contrat de droit local, qui ne bénéficient pas de mesures coût-vie quasi automatiques accordées dans le réseau diplomatique. Le ministère a donc engagé une revalorisation des rémunérations des agents de droit local dès 2022. L'enveloppe de 3 M€ prévue par la loi de finances pour 2022 et reconduite en 2023, qui a permis d'apporter un concours financier à une vingtaine d'Instituts français, s'avère insuffisante et devrait donc être portée à 4,5 M€ en 2024.

Le rapporteur alerte sur les grandes difficultés que connaissent plusieurs Instituts. Au 31 décembre 2022, six d'entre eux avaient un fonds de roulement inférieur ou égal à la norme prudentielle de 60 jours (Chypre, Koweït, Japon, Jordanie, Jérusalem et l'Institut français de recherche en Allemagne). Ils n'étaient que trois fin 2021.

Neuf instituts culturels intégrés franco-allemands sont en train d'être mis en place en application du Traité d'Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019. Après l'ouverture des ICFA de Palerme (2021), Ramallah (2022) et Atlanta (2022), la première pierre du nouvel institut culturel franco-allemand d'Erbil (Irak - Kurdistan) au sein de la citadelle classée à l'Unesco a été posée en janvier dernier. D'autres projets sont en cours notamment à Cordoba (Argentine) et Rio de Janeiro. À Bichkek (Kirghizstan), le projet franco-allemand a été abandonné au profit de la création d'un institut français, du fait de difficultés liées à la législation locale. Le projet à Minsk est également en suspens du fait de l'état dégradé des relations bilatérales entre la France et la Biélorussie.

Les alliances françaises3(*) sont destinées à relayer l'action linguistique et culturelle, notamment dans les pays dépourvus d'Instituts français, comme le Brésil depuis 2020 mais aussi l'Irlande, l'Australie, le Venezuela. On dénombre 829 alliances françaises dans 135 pays, dont un peu moins de la moitié sont conventionnées ou simplement subventionnées en partie par le MEAE. 32 nouvelles alliances ont vu le jour dans le monde depuis 2018.

Le soutien financier du MEAE au réseau des alliances est globalement stable depuis 2021. Ainsi, 7,1 M€ leur ont été attribués en 2023. Pour 2024, les alliances françaises bénéficient d'une hausse de leur subvention à hauteur de 1,5 M€ ainsi répartie :

- 800 000 € afin de constituer un fonds d'aide au réseau des alliances françaises ;

- 520 000 € pour poursuivre le plan de sécurisation des alliances françaises ;

- 180 000 € pour financer la coordination des alliances et appuyer les nouvelles alliances.

Les ressources propres des alliances françaises approchent 200 millions d'euros, avec un taux d'autofinancement de près de 95 %. Le rapporteur s'inquiète néanmoins de la fragilité de la situation financière d'un grand nombre d'alliances.

La Fondation des Alliances françaises4(*) (FAF) a, quant à elle, célébré son 140ème anniversaire lors du congrès mondial organisé à Paris en juillet dernier, qui a réuni 800 représentants d'alliance et a permis d'identifier des défis pour les Alliances :

- la transformation numérique : la numérisation des activités pédagogiques et culturelles se poursuit au sein des Alliances. Les cours en ligne soulèvent de nouvelles questions, et notamment celle de la concurrence entre les Alliances elles-mêmes ;

- le modèle économique des Alliances : la transition numérique interroge la place de l'immobilier dans le modèle de l'Alliance française ainsi que les potentiels de mutualisation à une plus grande échelle. Des expériences de construction d'une offre à l'échelle d'un réseau national sont à l'étude dans certains grands réseaux ;

- la mise en cohérence des actions et des stratégies, la mutualisation des moyens, des compétences et des projets : la Fondation s'efforce d'encourager les dynamiques locales et met à disposition une plateforme numérique collaborative qui permet aux Alliances de travailler autour de projets en réseau, à l'échelle d'un pays ou d'une région ;

- la gouvernance des Alliances et du réseau : après la production collaborative d'une nouvelle charte (2021-2022), le travail se poursuit sur le cadre statutaire des Alliances et la dynamique associative nécessaire à leur bonne santé ;

- l'investissement des questions sociétales : les Alliances s'engagent de plus en plus sur les questions de transition écologique, d'inclusion, de diversité. La Fondation accompagne ces réflexions à travers des groupes de travail et a mis en place plusieurs initiatives ;

- des projets fédérateurs : le premier film documentaire sur l'Alliance française, sorti en juillet 2023 (TV5Monde), permet de renforcer la visibilité de la marque et des Alliances. D'autres projets fédérateurs sont en cours de préparation, notamment un projet artistique participatif proposé par l'Alliance française de New York et le photographe JR : « Visages de la Francophonie » qui associera de nombreuses Alliances et la FAF en 2024.

Répartition géographique des alliances françaises

La recherche de synergies entre les instituts français et les alliances françaises est une constante de l'action publique de ces deux réseaux, démarche que le rapporteur encourage. Ainsi, en 2023, 8 projets ont bénéficié à la fois à un institut français et à un réseau d'alliances françaises local pour un total de 175 000 €. En Tunisie, l'antenne de l'EAF (IF) à Bizerte a été fermée mais une alliance française a été ouverte. À Jaipur (Inde), l'annexe de l'Institut français s'est transformée en alliance française en juillet 2022.

Enfin, le rapprochement des alliances françaises et de l'Institut français de Paris s'est traduit par un rapprochement fonctionnel effectué au service des deux réseaux, afin de favoriser les synergies et la mutualisation des ressources. La convention tripartite signée en 2019 entre le MEAE, la FAF et l'Institut français de Paris a été renouvelée en juillet 2023. Les formations bénéficient à la fois aux agents des instituts et des alliances.

III. DES RÉSEAUX EN PREMIÈRE LIGNE FACE AUX CRISES GÉOPOLITIQUES

Les réseaux de diplomatie culturelle et d'enseignement français à l'étranger s'adaptent continuellement au contexte géopolitique de leur territoire d'implantation. Le rapporteur a souhaité évoquer la situation des réseaux dans deux zones de conflit mondial : l'Ukraine et le Proche-Orient.

A. EN UKRAINE : UN DISPOSITIF RÉSILIENT QUI S'EST ADAPTÉ AUX DEMANDES UKRAINIENNES

Avant-guerre, le dispositif en Ukraine reposait sur l'Institut français d'Ukraine, huit alliances françaises (dont 2 fermées depuis l'invasion russe du Donbass en 2014) et trois établissements d'enseignement français homologués. Ce dispositif s'appuyait sur 15 agents sous plafond d'emploi ministériel. L'IF employait par ailleurs 19 agents de droit local.

Aujourd'hui, le SCAC ne se compose plus que d'un conseiller de coopération et d'action culturelle et d'un attaché humanitaire. La situation de guerre a imposé de redéfinir les missions du dispositif d'action culturelle : les missions assurées impliquent un soutien à la société civile via l'aide humanitaire aux Ukrainiens et la formation en France d'enquêteurs, policiers et procureurs ukrainiens. Un soutien à la mobilité étudiante est également apporté.

L'Institut français d'Ukraine a dans un premier temps su préserver un certain nombre de ses missions initiales (enseignement de la langue française, certifications linguistiques, médiathèques, promotion des études en France) ; il a ensuite adapté un certain nombre de ses activités en fonction du contexte de guerre qui a fait apparaitre de nouvelles demandes des partenaires ukrainiens. C'est le cas de la formation continue des professeurs de français qui se fait désormais en France et en Pologne. L'établissement a initié de nouvelles coopérations comme la formation des magistrats ukrainiens à l'école nationale de la magistrature ou la formation de conservateurs et restaurateurs en France afin de protéger les oeuvres des musées ukrainiens.

Actuellement, les six alliances françaises d'Ukraine continuent leurs activités d'enseignement en distanciel et fonctionnent en mode dégradé. Les locaux des alliances françaises sont tous intacts à ce jour, à l'exception de ceux de l'emprise de Lviv pour laquelle des aménagements sont nécessaires à la suite de leur occupation durant cinq mois par l'ambassade. Il n'est pas prévu à ce jour de recruter à nouveau des directeurs d'alliances françaises expatriés à Dnipro, Lviv et Kharkiv, comme c'était le cas précédemment.

Le dispositif d'enseignement français en Ukraine comprenait trois établissements qui scolarisaient 765 élèves à la rentrée 2021, dont 114 Français. Depuis l'offensive russe de février 2022, l'école française privée d'Odessa a fermé ses portes. Les deux autres établissements, l'école française internationale de Kiev et le lycée Anne de Kiev, sont demeurés fonctionnels, en présentiel ou en distanciel lorsque les contraintes sécuritaires et énergétiques l'imposaient. Le lycée Anne de Kiev a rouvert ses portes avec 62 élèves à la rentrée 2022, un effectif qui a été doublé à la rentrée dernière. L'école française internationale de Kiev scolarise 110 élèves, contre 154 à la rentrée 2021.

B. AU PROCHE-ORIENT, DES ÉTABLISSEMENTS AFFECTÉS PAR LA GUERRE

Le 3 novembre dernier, l'Institut français de Gaza a été touché par une frappe israélienne ; le personnel ne se trouvait pas dans le bâtiment, il avait déjà été évacué vers le sud de la bande de Gaza. Neuf agents de droit local et leur famille ont quitté Gaza par le poste frontière de Rafah et sont actuellement en France en attente de régularisation de leur situation. L'institut franco-allemand de Ramallah reste fermé en coordination avec la représentation diplomatique allemande. À Jérusalem-Est (antenne de Chateaubriand) et Ouest, les structures ont rouvert. L'Alliance française de Bethléem poursuit ses activités en mode dégradé, la moitié des cours étant annulé ; des professeurs locaux ont été recrutés à la suite du départ des volontaires internationaux.

Le dispositif en Israël compte un SCAC, l'Institut français d'Israël à Tel Aviv avec deux antennes à Haïfa et Nazareth, et un institut français de recherche à Jérusalem. Tout le dispositif est resté ouvert à l'exception de l'antenne de Nazareth, du fait de la sécurisation défaillante des locaux. Les cours de langue ont repris le 22 octobre en modalité hybride (présentiel et distanciel). L'activité reste perturbée et soumise aux restrictions locales de limitation des regroupements de personnes.

Les six établissements d'enseignement français dans la zone (quatre en Israël, un à Jérusalem et un à Ramallah) se sont conformés aux recommandations des autorités éducatives locales concernant les modalités d'enseignement (distanciel et présentiel). Le contexte sécuritaire a engendré un départ important d'élèves à l'étranger, jusqu'à un tiers des effectifs pour certains établissements. Un soutien d'écoute et psychologique a été proposé à toutes les familles ainsi qu'aux personnels.

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 29 novembre 2023, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'Action culturelle extérieure de l'État dans le projet de loi de finances pour 2024.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 29 NOVEMBRE 2023

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M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons d'abord ce matin l'avis budgétaire préparé par Claude Kern sur les crédits relatifs à l'action culturelle extérieure de l'État.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l'action extérieure de l'État. - Les crédits du programme 185 finançant la diplomatie culturelle et d'influence s'élèvent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 à 805,9 millions d'euros, soit une hausse de 8,3 % et de 62 millions d'euros par rapport à l'année passée. Les dépenses de fonctionnement et d'intervention sont portées à 721 millions d'euros, en hausse de 7,5 %.

Comme vous le savez, le Président de la République a annoncé en 2018 vouloir doubler les effectifs des élèves du réseau de l'enseignement français à l'étranger (EFE) pour atteindre 700 000 élèves en 2030. Personnellement, je suis très circonspect, depuis plusieurs années, sur la faisabilité de cet objectif et, malheureusement, l'évolution des effectifs du réseau me donne pour le moment raison. Mme Claudia Scherer-Efosse, directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), admet elle-même que cet objectif est « extrêmement ambitieux ». Par rapport à la rentrée 2022, le nombre d'enfants scolarisés dans le réseau à la rentrée 2023 n'a progressé que de 1 %. Cette faible hausse est d'ailleurs portée principalement par les élèves de nationalité tierce, c'est-à-dire des élèves qui n'ont ni la nationalité française ni la nationalité du pays d'implantation de l'établissement. Actuellement, deux tiers des élèves de l'enseignement français à l'étranger n'ont pas la nationalité française ; ils devraient être plus de 80 % à l'horizon 2030.

Le « Cap 2030 » de doublement des effectifs dans le réseau a pourtant été réaffirmé le 3 juillet 2023 lors des conclusions des consultations sur l'EFE. On peut d'ailleurs s'interroger sur les conséquences du décalage entre les objectifs fixés au plus haut sommet de l'État et la réalité du terrain. Si la subvention de l'AEFE augmente bien de 8 millions d'euros dans le budget pour 2024, cette hausse servira uniquement à financer la moitié des coûts engendrés par la refonte du statut des personnels détachés.

En effet, à la suite d'un récent contentieux, l'État est désormais tenu de financer le déménagement et les frais de transport des fonctionnaires détachés à l'étranger et de leurs ayants droit. La somme de ces mesures correspond à 30 millions d'euros sur deux années. Pour l'exercice 2024, les surcoûts liés à la revalorisation du point d'indice et à l'inflation sont quant à eux internalisés et financés sur les fonds propres de l'AEFE.

Je regrette les difficultés de recrutement des enseignants détachés dans le réseau en raison des refus de détachement de la part des académies. C'est la conséquence directe de notre difficulté actuelle à recruter des enseignants sur le territoire national. Il faut avoir à l'esprit qu'à la rentrée 2023, 230 postes étaient vacants sur l'ensemble du réseau, un nombre multiplié par deux depuis l'année dernière. En conséquence, de plus en plus de personnels français sont désormais recrutés sur des contrats locaux, ce qui constitue une aberration.

J'en viens à un autre opérateur de l'État en matière de diplomatie d'influence : Campus France. Sa subvention pour charge de service public s'élève pour 2024 à 87 600 euros, en augmentation de presque 10 %.

Entre 2011 et 2021, le nombre d'étudiants étrangers en France s'est accru de 30 %. L'année 2022 a été marquée par la reprise des mobilités étudiantes dans un contexte de relance post-covid - à l'exception de la Chine, pour lequel le vivier d'étudiants reste encore très faible. En 2022, le nombre total de visas pour études délivrés surpasse même son niveau d'avant la crise sanitaire, avec plus de 108 000 visas délivrés. La stratégie interministérielle Bienvenue en France a fixé, en 2019, l'objectif d'un demi-million d'étudiants étrangers accueillis en France en 2027, contre 325 000 en 2017, et de 15 000 bourses d'études octroyées à l'horizon 2027. Dans le PLF 2024, le poste « bourses de mobilité étudiants étrangers en France » connaît également une augmentation des crédits de 6 millions, pour atteindre 70,1 millions d'euros. La hausse de cette enveloppe permettra notamment de financer un plus grand volume de bourses, qui s'adresseront en priorité à des profils qualifiés sur des secteurs en tension.

Lors de son audition et dans les divers documents budgétaires, le ministère des affaires étrangères nous promet un « réarmement » du réseau culturel extérieur, composé des Services de coopération et d'action culturelle (SCAC), des Instituts français et des Alliances françaises. Si les crédits budgétaires augmentent effectivement, nul ne peut penser que dix équivalents temps plein (ETP) supplémentaires suffiront à réarmer le réseau culturel de la France. Si les dotations destinées aux Instituts français augmentent de 8,2 millions d'euros par rapport à l'an passé, la subvention pour charges de service public de l'Institut français demeure strictement stable.

Je tiens à alerter sur les grandes difficultés que connaissent plusieurs Instituts français. Au 31 décembre 2022, six d'entre eux avaient un fonds de roulement inférieur ou égal à la norme prudentielle de 60 jours : Chypre, Koweït, Japon, Jordanie, Jérusalem et l'Institut français de recherche en Allemagne. Pour rappel, ils n'étaient que trois fin 2021.

Du côté des alliances françaises, le soutien financier du ministère des affaires étrangères est globalement stable depuis deux ans. Pour 2024, la subvention qui leur est octroyée augmente néanmoins de 1,5 million d'euros. Les ressources propres des Alliances françaises approchent 200 millions d'euros, et leur taux d'autofinancement est de près de 95 %.

Les réseaux de diplomatie culturelle et d'enseignement français à l'étranger s'adaptent continuellement au contexte géopolitique de leur territoire d'implantation. C'est particulièrement vrai en temps de guerre. J'ai donc souhaité évoquer la situation particulière des réseaux dans deux zones de conflit mondial : l'Ukraine et le Proche-Orient.

Avant-guerre, le dispositif en Ukraine reposait sur l'Institut français d'Ukraine ; huit Alliances françaises, dont deux fermées depuis l'invasion russe du Donbass en 2014, et trois établissements d'enseignement français homologués. Ce dispositif s'appuyait sur 15 agents sous plafond d'emploi ministériel. L'Institut français d'Ukraine employait par ailleurs 19 agents de droit local. Aujourd'hui, le service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade ne se compose plus que d'un conseiller de coopération et d'action culturelle et d'un attaché humanitaire. La situation de guerre a imposé de redéfinir les missions du dispositif d'action culturelle, qui incluent désormais un soutien à la société civile via l'aide humanitaire et la formation en France d'enquêteurs, policiers et procureurs ukrainiens. Un soutien à la mobilité étudiante est également apporté.

L'Institut français d'Ukraine a dans un premier temps su préserver un certain nombre de ses missions initiales : enseignement de la langue française, certifications linguistiques, médiathèques, promotion des études en France. Il a ensuite adapté un certain nombre de ses activités en fonction du contexte de guerre qui a fait apparaître de nouvelles demandes des partenaires ukrainiens. C'est le cas de la formation continue des professeurs de français, qui a désormais lieu en France et en Pologne. L'établissement a lancé de nouvelles coopérations, comme la formation des magistrats ukrainiens à l'école nationale de la magistrature ou la formation de conservateurs et restaurateurs en France afin de protéger les oeuvres des musées ukrainiens. Actuellement, les six Alliances françaises d'Ukraine continuent leurs activités d'enseignement en distanciel et fonctionnent en mode dégradé. Leurs locaux sont tous intacts à ce jour, à l'exception de ceux de l'emprise de Lviv, pour laquelle des aménagements sont nécessaires à la suite de leur occupation durant cinq mois par l'ambassade. Il n'est pas prévu à ce jour de recruter de nouveau des directeurs d'Alliances françaises expatriés à Dnipro, Lviv et Kharkiv.

Le dispositif d'enseignement français en Ukraine comprenait trois établissements qui scolarisaient 765 élèves à la rentrée 2021, dont 114 Français. Depuis l'offensive russe de février 2022, l'école française privée d'Odessa a fermé ses portes. Les deux autres établissements, l'école française internationale de Kiev et le lycée Anne de Kiev, sont demeurés fonctionnels, en présentiel ou en distanciel, lorsque les contraintes sécuritaires et énergétiques l'imposaient. Le lycée Anne de Kiev a rouvert ses portes avec 62 élèves à la rentrée 2022, un effectif qui a d'ailleurs doublé à la rentrée dernière. L'école française internationale de Kiev scolarise 110 élèves, contre 154 avant-guerre.

D'autre part, dans le conflit de haute intensité qui a éclaté plus récemment au Proche-Orient, les infrastructures culturelles françaises sont également au premier plan. Comme vous le savez, le 3 novembre dernier, l'Institut français de Gaza a été touché par une frappe israélienne. Le personnel, heureusement, ne se trouvait pas dans le bâtiment ; il avait déjà été évacué vers le sud de la bande de Gaza. Neuf agents de droit local qui y travaillaient et leur famille ont quitté Gaza par le poste-frontière de Rafah et sont actuellement en France en attente de régularisation de leur situation. L'institut franco-allemand de Ramallah reste fermé, en coordination avec la représentation diplomatique allemande. Notre poste diplomatique travaille à faciliter une réouverture limitée en journée, uniquement pour les cours de langue. À Jérusalem-Est et Ouest, les structures ont rouvert. L'Alliance française de Bethléem poursuit ses activités en mode dégradé, la moitié des cours étant annulés. Des professeurs locaux ont par ailleurs été recrutés à la suite du départ des volontaires internationaux.

Le dispositif en Israël compte un SCAC, l'Institut français d'Israël à Tel-Aviv, avec deux antennes à Haïfa et Nazareth, et un Institut français de recherche à Jérusalem. Tout le dispositif est resté ouvert, à l'exception de l'antenne de Nazareth, du fait de la sécurisation défaillante des locaux. Les cours de langue ont repris le 22 octobre en modalité hybride, c'est-à-dire en présentiel et distanciel. L'activité reste perturbée et soumise aux restrictions locales de limitation des regroupements de personnes. Les six établissements d'enseignement français dans la zone, quatre en Israël, un à Jérusalem et un à Ramallah, se sont conformés aux recommandations des autorités éducatives locales concernant les modalités d'enseignement, en distanciel et présentiel. Le contexte sécuritaire a engendré un départ important d'élèves à l'étranger : jusqu'à un tiers des effectifs pour certains établissements. Un soutien d'écoute et psychologique a été proposé à toutes les familles, ainsi qu'aux personnels.

Voilà, mes chers collègues, les éléments de constat et d'appréciation que je souhaitais porter à votre connaissance. Compte tenu du renforcement des crédits dédiés à la diplomatie d'influence et tout en continuant d'affirmer que l'objectif de doublement ne me paraît pas réalisable en l'état actuel, je propose à la commission d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 185 du PLF pour 2024.

M. Yan Chantrel. - Merci, monsieur le rapporteur, pour votre excellent rapport.

Ce programme spécifique me semble présenter deux versants : un versant lumineux et un versant sombre.

Le premier est marqué par une réelle augmentation du budget, principalement en lien avec notre réseau culturel, les instituts français, les alliances françaises... Ces dernières, vous l'avez souligné, s'autofinancent à hauteur de 95 % grâce aux cours qu'elles dispensent. L'État joue donc un rôle réduit dans leur financement.

Le versant sombre concerne, quant à lui, le budget lié à l'AEFE. Le Gouvernement a fixé l'objectif d'un doublement du nombre d'élèves dans le réseau. Celui-ci a été fixé après une baisse draconienne du budget, lors de l'arrivée au pouvoir du Président Macron, d'un peu plus de 30 millions d'euros. Cette dernière a été compensée quelques années plus tard, mais a nettement porté préjudice à l'AEFE, qui en subit encore les contrecoups. La problématique qui est la nôtre consiste à trouver comment atteindre cet objectif de doublement des effectifs, sans profiter d'un doublement des moyens de l'agence. Autrement dit, comme M. le rapporteur l'a bien souligné, moins de compatriotes vont profiter de ces enseignements.

Nous assistons par ailleurs à une privatisation accélérée du réseau : la part d'établissements conventionnés et d'établissements en gestion directe (EGD) est en baisse, à l'inverse de celle des partenariats privés. Bien souvent, malheureusement, ces derniers ont pour seul objectif de produire des profits. Nos compatriotes les plus démunis - et c'est à porter au crédit de notre pays - profitent de bourses, qui rendent possible une certaine mixité sociale. Notre groupe y est très attaché, ainsi que la commission de la culture dans son ensemble.

Mécaniquement, en doublant les effectifs sans ajouter le moindre centime de budget pour l'AEFE ou les bourses, la part de boursiers va baisser. Or ces bourses participent au rayonnement de notre pays, au message que nous envoyons en direction d'une école inclusive, ouverte, quel que soit le niveau social. Malheureusement, nous sommes en train de perdre cette spécificité de notre modèle éducatif. Nos écoles vont être de plus en plus réservées aux personnes privilégiées, et pas toujours ressortissantes françaises. Certes, il est indispensable pour notre rayonnement que notre modèle inclue des élèves qui ne soient pas des ressortissants français. Néanmoins, sa beauté réside dans sa mixité, dans le mélange des deux types d'élèves à parts égales.

C'est la raison pour laquelle mon groupe ne peut être en faveur de ces crédits, qui nous apparaissent comme la reconnaissance que l'objectif fixé est inatteignable et imposent une pression supplémentaire sur le réseau. Même nos consuls et nos ambassadeurs ont pour objectif, par leur lettre de mission, d'ouvrir des écoles ; c'est à partir du nombre d'écoles ouvertes qu'on jugera de leur action. Cela n'est pas possible.

Mon groupe plaide plutôt pour un renforcement du service public, par une dotation suffisante, et surtout pour la fin de cette course effrénée qui met en danger la spécificité de notre réseau éducatif à l'étranger. C'est la raison pour laquelle nous ne suivrons pas l'avis du rapporteur et voterons contre ces crédits.

Mme Else Joseph. - Monsieur le rapporteur, merci pour ces informations précises et argumentées, qui nous permettent de dresser un bilan trois ans après la crise sanitaire.

Nous avons vu que l'action extérieure touche à de nombreux domaines et mobilise différents moyens. Moi aussi, je salue la hausse des crédits. Dans ce contexte international compliqué et instable, l'action extérieure de l'État doit symboliser notre ambition en faveur d'une diplomatie d'influence, pour mettre en avant l'image d'une France innovante, attractive, riche en talents, au travers de ses réseaux diplomatiques, consulaires et culturels. Il est vrai que cette volonté se traduit par des efforts de contribution volontaire dans les organismes internationaux, mais nous sommes loin de l'objectif fixé de doubler le nombre d'enfants dans le réseau EFE. On se demande donc comment la promotion de l'éducation francophone a été définie. L'ambition va bien au-delà de l'enseignement du français et comprend aussi un enseignement en France.

Je me pose également des questions sur la modernisation de notre administration consulaire, de notre diplomatie d'influence. L'enseignement francophone est en baisse, la langue française est de moins en moins attractive et son usage recule ; logiquement, notre influence s'étiole donc. Ce constat explique notre faible attractivité universitaire auprès des talents et élites étrangers. Qu'envisage-t-on pour renforcer cet enseignement ?

Je m'interroge par ailleurs sur la situation des projets d'établissements dans certaines zones du globe. Je pense notamment au projet annoncé à Taïwan il y a plusieurs années, et qui avait produit de grandes attentes. Où en est-il aujourd'hui ?

Enfin, comment pouvons-nous mieux utiliser notre réseau culturel pour promouvoir notre langue ? J'en profite pour faire le lien avec le rapport portant sur l'expertise patrimoniale internationale française, porté par Catherine Morin-Desailly et moi-même. Lors de nos travaux, nous avions constaté que la France jouit encore d'une bonne image, mais souffre d'un manque de coordination, de structuration et, peut-être, d'envie pour la faire progresser. Notre expertise est patrimoniale, mais pas uniquement ; elle est reconnue et appréciée à l'étranger. Néanmoins, nous nous heurtons désormais à la vive concurrence d'autres pays. Nous pouvons avoir l'impression que le soft power, aux yeux de certains, n'a aucune importante. J'estime pourtant que c'est notre influence qui se joue dans ce domaine. Nous devons donc trouver comment utiliser notre réseau diplomatique et culturel, lequel est dense, dans un domaine qui soulève de nombreux défis.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie aussi d'avoir fait le point sur la situation de nos réseaux dans les zones de conflits que sont l'Ukraine et le Proche-Orient. Je suis d'accord avec l'ensemble de vos remarques, et c'est pourquoi notre groupe donnera un avis favorable à l'adoption de ces crédits consacrés à l'action extérieure de l'État.

M. Pierre Ouzoulias. - Merci, monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre rapport et pour les nouvelles que vous nous avez données des fronts. Je pense qu'il est important de se souvenir que sur tous ces fronts, que ce soit en Ukraine ou au Proche-Orient, des ressortissants français se battent et mettent parfois leur vie en péril pour essayer de maintenir ce que nous représentons auprès de ces pays. Il me semblait nécessaire de leur rendre cet hommage.

L'excellent rapport de Catherine Morin-Desailly et d'Else Joseph nous a donné le sentiment qu'il existe un besoin de France qui n'est aujourd'hui pas satisfait. J'ai pu le constater en Arménie et en Albanie, deux pays qui me tiennent à coeur. La demande de francophonie n'y est pas satisfaite ; au contraire même, puisque la francophonie est en recul dans ces pays. Parce qu'il n'y a plus de mobilité possible pour les enseignants entre la France et l'étranger, le recrutement local est marqué par une baisse générale du niveau pédagogique. Celle-ci est reconnue et dénoncée par les enseignants eux-mêmes. En Arménie, par exemple, recruter de bons francophones localement est devenu très difficile, car les bons francophones arméniens se trouvent en France. Le constat est triste, mais vrai.

J'aimerais attirer votre attention sur un sujet préoccupant, qui est la baisse des doctorants étrangers dans l'enseignement supérieur français. Parmi les dix grandes nations qui accueillent le plus de doctorants, la France est la seule avec l'Australie à voir son nombre de doctorants étrangers baisser régulièrement, de 3 % environ par an. Aujourd'hui, la part de doctorants étrangers est de 35 %, contre 40 % jusqu'à présent. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a très justement affirmé que ce recul compromet la compétitivité de la recherche nationale, car 80 % des doctorants étrangers restent en France. Autrement dit, lorsque nous arrivons à les attirer pour leur doctorat, nous parvenons à les retenir dans notre système de recherche.

Le sujet est donc celui d'une perte de l'influence française qui peut, à terme, s'avérer dramatique et poser problème pour la compétitivité de notre recherche. Cette problématique n'est pas abordée dans les plans lancés par Campus France, mais j'estime qu'il faut s'y intéresser. La précédente ministre, Frédérique Vidal, souhaitait lancer un plan concernant la Chine. Aujourd'hui, en raison des nombreux problèmes d'ingérence étrangère, l'Inde est privilégiée. Reste que, pour ces deux pays, la destination principale n'est plus la France. Il existe donc une forte concurrence internationale, pour laquelle je trouve que nous sommes de moins en moins bien armés.

Pour toutes ces raisons, nous aurons du mal à voter ce rapport, car il contient des zones d'ombre récurrentes qui, depuis une dizaine d'années, ne sont pas traitées.

M. Bernard Fialaire. - Je souhaite remercier le rapporteur pour son éclairage très intéressant sur les zones de conflits. Je salue cette ambition que nous avons pour la France, même si beaucoup de réserves peuvent être émises quant aux résultats attendus.

Je souhaite un éclaircissement sur un point précis concernant les publics tiers, c'est-à-dire ni ressortissants français ni nationaux du pays d'implantation de l'établissement concerné. J'imagine qu'il s'agit des enfants d'expatriés d'autres pays. Le fait qu'ils puissent étudier dans des lycées français, qu'ils puissent apprendre le français, sera-t-il bénéfique pour le nombre de futurs doctorants étrangers en France ? Faut-il s'en réjouir ? S'agit-il d'un simple constat ou d'une véritable stratégie ?

Mon groupe soutiendra l'effort fait en votant ces crédits.

Mme Laure Darcos. - J'imagine que M. le rapporteur a eu à l'esprit notre voyage qui nous avait permis, il y a quelques années, de constater que c'était les attachés d'ambassade qui emmenaient eux-mêmes les enfants palestiniens dans l'enclave de Bethléem pour s'assurer qu'ils passent tous les points de contrôle et puissent continuer à bénéficier de l'école. Depuis le 7 octobre dernier, bien entendu, je ne cesse de penser à eux et à leurs petits camarades israéliens.

Je vous remercie d'avoir évoqué l'urgence d'essayer de conforter notre réseau français d'enseignement à l'étranger. Je souhaitais revenir en particulier sur les Instituts français et sur le travail qui pourrait être mené avec les Alliances françaises. Vous le savez, ces dernières ont traversé de nombreuses crises ; nous avions d'ailleurs mené des auditions à ce sujet, il y a quelques années, avec Pierre Vimont. Pourriez-vous nous faire un point sur cette question ? Avez-vous aussi la sensation que l'Institut français n'est plus qu'une super direction du Quai d'Orsay, et plus simplement une instance permettant d'avoir une double tutelle entre la culture et les affaires étrangères, pour que la culture soit indépendante du travail mené au Quai d'Orsay et dans les ambassades ?

Nous constatons un manque de rayonnement du soft power français, mais nous allons soutenir ce rapport.

Mme Mathilde Ollivier. - Je souhaite revenir sur le sujet de l'AEFE, notamment sur cette chimère du doublement des effectifs de l'enseignement français à l'étranger. M. Chantrel a déjà longuement évoqué le statut des enfants et des bourses, dont les niveaux actuels sont largement insuffisants. Cette question ne relève pas de ce programme, mais a aussi un impact sur le rayonnement de la France et la possibilité pour les enfants français de rejoindre notre réseau scolaire à l'étranger.

J'axerai donc mon intervention sur le statut des enseignants dans les écoles et lycées français à l'étranger. Favoriser le développement des écoles privées conduit à recruter des enseignants qui relèvent du droit local, et non pas des enseignants détachés, ce qui remet en cause la qualité de l'enseignement français à l'étranger. Cette tendance favorise aussi le moins-disant social pour ces enseignants qui, selon leur pays d'implantation, peuvent être remerciés du jour au lendemain. Se pose également la question de leur formation dans les écoles, et cette baisse de niveau de l'enseignement fragilise l'image de l'enseignement français à l'étranger dans sa globalité et dans tout le réseau.

La manière dont est envisagé le développement de l'AEFE est aujourd'hui insatisfaisante. Notre objectif sera de revenir sur cette idée de doublement et de soutenir plus fortement nos EGD à l'étranger, plutôt que de nous lancer dans cette fuite en avant de la privatisation de l'EFE.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué Campus France, et notamment l'objectif d'atteindre 500 000 étudiants étrangers en 2027. Ce dernier me paraît marquer un fort paradoxe avec ce qui a été voté dans le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, c'est-à-dire un durcissement de l'accueil des étudiants étrangers et des conditions pour qu'ils puissent venir en France. On dit vouloir attirer les étudiants et les doctorants, mais la réalité de nos politiques migratoires consiste plutôt à limiter notre capacité à les accueillir.

Je souhaite également attirer votre attention sur les formations répertoriées sur Campus France. Le Sénat a organisé il y a peu une audition portant sur les universités et écoles privées, au cours de laquelle il nous a été signalé que certaines formations répertoriées seraient des arnaques. Ainsi, des étudiants étrangers s'inscrivent dans des universités en passant par Campus France et ont déjà payé les frais d'inscription lorsque leur visa leur est refusé. Les sommes, parfois importantes, ne leur sont jamais remboursées. Ces élèves se sont donc endettés de plusieurs milliers d'euros et se retrouvent dans des situations très compliquées pour poursuivre leurs études.

Enfin, j'estime qu'il nous faudrait bien plus de moyens pour soutenir notre réseau d'Instituts français et le rayonnement de la France dans le monde. Nous prenons aujourd'hui conscience de la nécessité de changer la manière dont est menée la politique d'influence française dans le monde. Les événements au Sahel, cet été, en témoignent. Nous devons sans doute réorienter une partie de notre diplomatie vers le rayonnement culturel de notre pays, qui se heurte à notre politique de visas, notamment pour les artistes et les élites intellectuelles. Les Instituts français jouent un rôle important dans la structuration de ces liens culturels et intellectuels avec de nombreux pays du monde. Nous devons donc leur apporter un soutien renforcé, et ce d'autant plus que ces Instituts français recherchent désormais des financements privés, ce qui remet en cause leur indépendance.

Nous serons donc défavorables à l'adoption de ces crédits.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Le groupe Union Centriste soutiendra l'avis du rapporteur. Je voudrais réaffirmer la grande actualité des questions de diplomatie d'influence et de l'action extérieure de l'État. Il est important de disposer d'une politique forte et des crédits correspondants.

Comme Mme Darcos, j'ai été sensible au point qui a été fait sur la situation en Israël et en Palestine. Notre commission s'était rendue dans l'un et l'autre de ces États, car M. le Président Larcher nous avait invités à visiter les deux lors de nos déplacements dans la région. Merci d'avoir évoqué ces établissements que nous avons eu l'occasion de visiter et de nous faire un point sur leur situation dans ce contexte très compliqué et douloureux.

Je ne peux m'empêcher d'associer à la réflexion collective que nous menons présentement celle portée par M. Vial il y a quelques jours, lors de sa présentation des crédits relatifs aux avances à l'audiovisuel public. En effet, la diplomatie d'influence passe aussi par France Médias Monde, Arte, et TV5 Monde. Ils forment un tout lorsqu'il s'agit de promouvoir et défendre la francophonie, l'information et la culture.

Je me réjouis que les crédits soient en hausse ; il était temps ! Il est toujours bon de savoir pourquoi une situation est telle qu'elle est. C'est pourquoi je souhaite rappeler à nos collègues que le quinquennat de François Hollande a marqué une descente aux enfers des crédits accordés aux Instituts français. Ces derniers ont enregistré des baisses comprises entre 37 % et 47 % ! À l'époque, notre commission avait d'ailleurs émis un avis défavorable aux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM). Le président de l'Institut français était alors Bruno Foucher. Notre décision ne signifiait pas que nous remettions en cause les missions de l'Institut français, mais que nous ne comprenions pas comment, avec les moyens alloués, il parviendrait à atteindre les objectifs fixés.

En 2017, lors du changement de gouvernement, les crédits se sont stabilisés. Reste que cette stabilisation n'est pas une solution. Il est donc important, aujourd'hui, de décider d'une forme de rattrapage pour que l'Institut français puisse mener les missions si importantes qui sont les siennes, en lien avec les Alliances françaises. À ce sujet, monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous faire un point d'étape sur la coordination au niveau national, qui était aussi portée par Jean-Yves Le Drian ? Je tenais à rappeler l'origine de la présente situation. Il est important de s'en souvenir pour qu'ici, au sein de cette commission, nous puissions nous battre comme nous l'avions fait à l'époque en dénonçant cette baisse draconienne.

Je souhaite aussi me joindre aux propos de Mme Joseph. Il est en effet important d'améliorer la coordination entre les ministères de la culture et des affaires étrangères sur les questions d'action extérieure de l'État et de diplomatie d'influence. J'y ajoute cependant une remarque : le conseil stratégique de l'Institut français, sous la double tutelle des ministres de la culture et des affaires étrangères, ne se réunit jamais. Il se réunit tous les trois ans seulement, pour parler des CPOM. Voilà un sujet qui mériterait d'être mis sur la table ! Il faudrait demander à ce qu'il se réunisse plus régulièrement, pour s'adapter aux situations et permettre une action de fond beaucoup plus efficace.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis. - Avant 2017, j'étais déjà rapporteur pour avis. Je puis donc confirmer que notre commission émettait toujours des avis défavorables au sujet de ces crédits, qui étaient en forte baisse et sont désormais stables. Cette année, enfin, ils sont de nouveau en hausse. Je puis vous affirmer que tous les intervenants que nous avons auditionnés, qu'ils représentent l'Institut français, les Alliances françaises ou l'AEFE, se sont dits satisfaits des crédits actuels qui leur sont alloués. Tous ont dit qu'ils aimeraient naturellement recevoir plus encore, mais ils se réjouissent de l'effort qui est fait.

Je suis personnellement sceptique concernant l'objectif de doublement des effectifs de l'enseignement français à l'étranger. La directrice de l'AEFE a mis en place une feuille de route en quatre axes, que je ne détaillerai pas ici, pour s'approcher de cet objectif.

Nous avons tous des critiques à émettre au sujet de la politique diplomatique et culturelle à l'étranger. Nous pourrions faire bien mieux. Il est vrai que cette attente de France est perceptible à l'étranger, que ce soit en Afrique, en Asie, ou même en Europe.

Le coeur de notre problème de recrutement est simple : nous manquons d'enseignants en France. Il est donc difficile de leur permettre de partir. Malgré tout, un tiers des enseignants sont aujourd'hui formés dans les seize instituts régionaux de formation (IRF). L'objectif est désormais de sensibiliser les enseignants français qui partent, afin qu'ils participent aussi à ces formations dans les IRF.

Le nombre de doctorants étrangers enregistre en effet une baisse de 8 %. Nous savons que des efforts restent à faire au niveau de Campus France.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 14 novembre 2023

Institut français : MM. Érol OK, directeur général, et Thomas HANNEBIQUE, secrétaire général.

Lundi 20 novembre 2023

- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères : M. Matthieu PEYRAUD, directeur de la diplomatie d'influence.

- Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) : Mmes Claudia SCHERER-EFFOSSE, directrice, et Vanessa LÉGLISE, conseillère relations institutionnelles et référente égalité.

- Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (FAPEE) : M. Hugo CATHERINE, président, Mme Isabelle TARDÉ, déléguée générale.


* 1 Campus France est l'opérateur unique assurant la promotion des formations supérieures françaises à l'étranger et de fournir des prestations aux boursiers du Gouvernement français. Il valorise et promeut le système d'enseignement supérieur à l'étranger, organise l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers, en appui aux établissements d'enseignement et gère les bourses et les stages des étudiants et chercheurs étrangers accueillis en France.

* 2 Les EAF sont constitués par les instituts français à l'étranger, les unités mixtes des instituts français de recherche à l'étranger et 3 EAF spéciaux.

* 3 L'une des toutes premières missions de ce réseau associatif international demeure l'enseignement de la langue française. Les alliances assurent en outre le développement des relations entre collectivités territoriales françaises et locales dans le cadre de la coopération décentralisée.

* 4 La Fondation des Alliances françaises est seule habilitée à autoriser la création d'une alliance française, mais ne dispose pas d'autres liens juridiques avec ces associations de droit local. Son activité principale consiste à assurer la défense et la promotion de la marque Alliance française et à veiller à ce que les Alliances agissent conformément aux critères du label. Sa subvention pour 2024 est stable, d'environ 1 million d'euros.

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