N° 133

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

TOME IV

Fascicule 4

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

Livre et industries culturelles

Par M. Mikaele KULIMOETOKE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, MM. Yves Bouloux, Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 16801715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Le soutien des pouvoirs publics durant la crise pandémique a permis de préserver nos industries culturelles, voire, pour certaines, de prospérer. L'année 2024 marque une forme de retour à la normalité, encore que des effets liés à l'inflation aient pu entrainer une moindre progression de la consommation des ménages.

De nombreux défis devront cependant être relevés, en particulier l'épineuse question, qui attend d'être traitée depuis quatre ans, d'un financement du Centre national de la musique au niveau des ambitions initiales.

I. LES INDUSTRIES CULTURELLES EN 2022

A. LES INDUSTRIES CULTURELLES EN 2022, ENTRE REPRISE ET ESPOIRS

 

Les industries culturelles regroupent des secteurs très divers : le cinéma, la télévision, la vidéo (vente physique et en ligne), les jeux vidéo, la musique enregistrée et l'édition.

Ils représentent un chiffre d'affaires cumulé de 14,2 milliards d'euros en 2022.

Sources : CNC, SNEP, SNE

 

La comparaison avec l'année 2021 doit être effectuée avec prudence. En effet, le chiffre d'affaires du secteur a subi mécaniquement une perte de 2,3 milliards d'euros avec la fin de la contribution à l'audiovisuel public (CAP).

En neutralisant cet effet, le secteur enregistre une progression de 3,6 %, notamment portée par le renouveau du cinéma1(*) et le maintien à haut niveau du jeu vidéo.

B. UN BUDGET EN PROGRESSION

Le budget des industries culturelles regroupe un vaste ensemble d'actions, qui vont des crédits affectés à la Bibliothèque nationale de France (BnF) au Centre national de la musique (CNM), en passant par le soutien à la filière de l'édition et à la lecture publique.

Les crédits prévus pour les industries culturelles en 2024 s'élèvent à 359,2 millions d'euros en 2024, en progression de 7,6 % par rapport à 2023.

Les deux-tiers de ces crédits sont consacrés à la BnF (voir infra).

Cette progression conséquente répond aux inquiétudes soulevées dans le précédent rapport pour avis de la commission2(*), qui mettait en avant les risques liés à l'inflation pour des secteurs fragilisés par la crise pandémique.

II. UN SECTEUR DE L'ÉDITION CONFORTÉ, MAIS TOUJOURS MARQUÉ PAR LES DISSENSIONS INTERNES

A. UN MARCHÉ EN VOIE DE NORMALISATION

Ø Le chiffre d'affaires des éditeurs a connu une contraction de 5,4 % en 2022, pour s'établir à 2,9 milliards d'euros.

Ø Le nombre d'exemplaires vendus est, quant à lui, passé de 486,1 millions en 2021 à 448,5 millions en 2022, en baisse de 7,7 %.

Ces données en baisse doivent cependant être relativisées. En effet, si l'on compare 2022 à 2019, année « prépandémique », le marché du livre est en croissance de 3,7 %.

B. BIG BANG OU BIG BAND DANS L'ÉDITION ?

Avec plus de 1 000 maisons d'édition de toutes tailles, la France possède un paysage varié qui permet à toutes les sensibilités de s'exprimer. Le marché est cependant dominé par deux groupes qui représentent 55 % du paysage éditorial français :

· d'un côté, Hachette Livre, détenu depuis 1980 par le groupe Lagardère, premier acteur français. Avec 7 479 salariés répartis dans 70 pays dont 2 956 en France, Hachette a réalisé en 2022 un chiffre d'affaires mondial de 2,7 milliards d'euros, dont 824 millions d'euros en France ; et dispose de positions très fortes, comme dans les manuels scolaires ;

· de l'autre, Editis, détenu par Vivendi, deuxième groupe éditorial français avec un chiffre d'affaires de 789 millions d'euros et 2 500 salariés.

Les deux groupes sont également dominants dans le secteur de la diffusion et de la distribution sur le territoire.

C'est dire que le projet de rachat du groupe Hachette par Vivendi a suscité un fort émoi dans le secteur3(*).

Vivendi était déjà entré au capital de Lagardère en avril 2020 à la faveur de la crise rencontrée par le groupe, avant de lancer en 2022 une OPA qui lui a permis de détenir 57,3 % des actions.

Le nouveau groupe aurait cependant été alors en position dominante sur plusieurs marchés de l'édition ainsi que de la diffusion et de la distribution. Une telle domination du marché aurait fait courir de sérieux risques d'atteinte à la concurrence, d'où la nécessité d'obtenir une autorisation ex ante. Compte tenu de la dimension de cette concentration, celle-ci devait être obtenue par Vivendi auprès de la Commission européenne.

Fin juillet 2022, anticipant le risque de rejet d'une grande concentration Hachette-Editis par la Commission européenne, Vivendi a indiqué publiquement que pour acquérir Lagardère, il était disposé à céder Editis. Dans ce contexte, la Commission européenne a autorisé le 9 juin 2023 le projet d'acquisition de Lagardère par Vivendi, sous conditions, avec les cessions d'Editis et du magazine Gala. Vivendi a annoncé avoir conclu un accord avec Daniel Kretinsky pour la cession d'Editis, et a sollicité l'accord de la Commission européenne, qui a donné un avis favorable le 31 octobre.

Une enquête en cours

Le 25 juillet 2023, la Commission européenne a annoncé ouvrir une enquête concernant une éventuelle prise de contrôle anticipée de Lagardère par Vivendi, en violation du droit de la concurrence. Si elle est établie, cette pratique de « gun jumping » peut être sanctionnée par une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d'affaires total de l'entreprise.

Face aux réelles angoisses exprimées par le secteur, le rapporteur estime que le choix de céder Editis, il est vrai sous la pression des autorités de la concurrence, est de nature à apaiser les tensions. Il faudra cependant demeurer attentif aussi bien au sort des salariés des maisons d'édition qu'à la préservation d'une offre éditoriale variée.

C. LES RELATIONS ENTRE AUTEURS ET ÉDITEURS : DES PROGRÈS, MAIS DE LOURDS DÉBATS À VENIR

Le rapport de l'année dernière soulignait la complexité des relations entre auteurs et éditeurs, partenaires indispensables, mais souvent placés dans une situation conflictuelle.

Mené sous l'égide de Pierre Sirinelli et Sarah Dormont en mai 2021, le travail de médiation a rempli sa mission, en rendant possible la signature, plusieurs fois reportée, de l'important accord du 20 décembre 2022 entre auteurs et éditeurs. Il a ainsi permis des avancées très notables sur les questions de la reddition semestrielle des comptes, l'obligation d'information incombant à l'éditeur en cas de sous-cession ou encore la résiliation du contrat de traduction en cas de « disparition » du contrat de cession de l'oeuvre première.

Cependant, la question centrale aux yeux des auteurs demeure celle de la rémunération, qui n'est pas encore traitée directement. L'année 2023 a donc été mise à profit par la ministre de la culture pour accompagner le dialogue entre les parties prenantes sur certains aspects susceptibles de donner lieu à un meilleur encadrement des pratiques. Plusieurs thématiques ont donné lieu à des avancées prometteuses, comme la vente du stock de livres à un soldeur en cas de mévente, la cession des droits de l'éditeur à un tiers ou la progressivité des taux de rémunération des auteurs pour mieux les associer au succès de l'oeuvre.

Sur tous ces sujets, qui progressent encore péniblement, il serait crucial que les organisations professionnelles s'accordent enfin sur la mise en place de la commission de conciliation paritaire prévue par la réforme de 2014, et dont le périmètre pourrait être élargi.

La question du partage de la valeur, centrale pour les auteurs, n'entre pas directement dans le champ des travaux, qui se poursuivent encore jusqu'à la fin de l'année. De fait, le choix des pouvoirs publics apparait plus comme un encadrement du dialogue et une mise en perspective des éléments factuels que de la recherche active d'une solution qu'il appartient aux acteurs de la négociation de déterminer.

Les relations demeurent donc de l'avis général extrêmement tendues. Il pourrait être nécessaire de recourir en 2024 à un vecteur législatif pour intégrer les conclusions de l'accord de décembre 2022. D'autres avancées pourraient être présentées dans ce texte, l'idéal étant bien entendu que toute réforme ait été préalablement approuvée par les auteurs et éditeurs. Cela est loin d'être acquis à ce stade.

Le rapporteur appelle donc d'ici le début de l'année 2024 à une réelle prise de conscience par les auteurs et les éditeurs de la nécessité d'un accord qui ne lèserait en rien les intérêts des parties, mais qui pourrait nécessiter des avancées de part et d'autre.

III. LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE, ENTRE AMBITIONS ET CHARGES INCOMPRESSIBLES

A. UN BUDGET EN HAUSSE ET UN COP SIGNÉ

Les crédits de la BnF, qui représentent les deux tiers du programme « Livre et industries culturelles », s'élèvent en 2024 à 242,6 millions d'euros, en progression de 6,1 %.

Cette hausse répond à la préoccupation exprimée dans le rapport pour avis de l'année précédente, qui s'inquiétait de l'impact pour l'établissement de la hausse des prix de l'énergie.

Depuis 2020, le budget de la BnF aura ainsi progressé de 15,5 %. Cette hausse s'explique par la conjonction de plusieurs facteurs : des dépenses exceptionnelles liées à la réouverture du site de Richelieu, des dépenses d'investissement liées à la mise aux normes règlementaires des équipements lourds sur le site François-Mitterrand, les surcoûts énergétiques (plus de 5 millions d'euros en 2023 malgré une consommation en baisse de 14 %, contre une évaluation l'année dernière de 3,6 millions) et enfin les conséquences des mesures catégorielles pour les fonctionnaires (2,3 millions d'euros en 2022 et 4,6 millions d'euros en 2023). La hausse de 10 % des dépenses de personnels de la BnF entre 2020 et 2023 s'explique d'ailleurs en totalité par ces diverses mesures catégorielles sur lesquelles l'établissement n'a pas de maitrise.

Le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) de la BnF a été définitivement approuvé par son conseil d'administration les 15 mars et 30 juin 2022. Il a été signé par la ministre de la culture et la présidente de la BnF en septembre 2022.

Les orientations de ce COP s'inscrivent dans la continuité du précédent. Elles visent à poursuivre et amplifier les actions déjà engagées autour de trois projets transversaux qui recoupent les principales missions de la BnF :

Ø la réouverture du site Richelieu, après plus de 10 ans de travaux ;

Ø le dépôt légal numérique, conformément à la loi d'origine sénatoriale du 30 décembre 2021 ;

Ø la préparation du futur Pôle de conservation à Amiens (voir infra).

La réouverture complète du site Richelieu, après 10 ans de travaux, s'avère être un grand succès, avec 700 000 visiteurs par an.

En particulier, l'emblématique salle Ovale, ouverte à tous, propose 20 000 ouvrages en libre consultation, dont 9 000 bandes dessinées. Elle accueille 30 000 lecteurs par mois depuis sa réouverture, et contribue ainsi à démocratiser l'accès à la culture.

B. LE GRAND CHANTIER D'AMIENS

La BnF est confrontée à la saturation de ses magasins de collections et de ses sites existants du fait, notamment, de l'augmentation de la production éditoriale française qu'elle collecte au titre de sa mission de dépôt légal. De plus, certains ensembles de collections tendent à se dégrader.

La BnF a donc lancé en 2019 l'élaboration d'un nouveau schéma directeur immobilier visant à construire un nouveau pôle de conservation.

Le lieu a été sélectionné en 2021 et devrait être mis en service à l'horizon 2029. Il comportera des espaces de stockage, des ateliers permettant de réaliser tous les traitements nécessaires à la conservation. Il offrira la possibilité de recevoir, en proportion limitée, des lecteurs et visiteurs dans un site essentiellement technique.

Le coût total du projet a été évalué à 96,2 millions d'euros, qui se répartissent entre les différents partenaires.

 

Le financement repose en grande partie sur l'engagement des collectivités locales, qui avaient été 70 à répondre à l'appel à manifestation d'intérêt en juin 2020. La moitié des 40 millions d'euros que la région Hauts-de-France, le département de la Somme et la ville d'Amiens vont investir provient des fonds européens FEDER. 30 millions d'euros ont d'ores et déjà été ouverts en autorisation d'engagement en 2021, et 4 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus en 2024.

À terme, en plus des espaces de stockage, le site d'Amiens accueillera la plus grande collection de presse francophone du monde, avec le Conservatoire national de la presse.

La question de la conservation de la presse écrite pose en effet des questions cruciales pour le maintien de cette mémoire vivante de notre pays.

Les efforts déployés par la BnF restent en effet à ce jour insuffisants, compte tenu de l'ampleur des besoins. La seule collection dite « de référence » représente environ 15 millions de pages à numériser avant l'ouverture du Conservatoire national de la presse. Au-delà de celle-ci, seuls 3 % environ des collections de presse de la BnF sont aujourd'hui numérisés, alors que les collections les plus à risque en termes de fragilité du support représentent au moins 100 millions de pages supplémentaires.

En 2024, il est prévu d'allouer 4,7 millions d'euros de crédits supplémentaires afin de lancer un plan national de numérisation de la presse ancienne qui concerne l'ensemble des collections conservées sur le territoire. Son objectif est de porter, en cinq ans, de 40 à 60 millions le nombre de pages de presse numérisées par la BnF et par les collectivités territoriales. Le plan permettra non seulement d'achever la numérisation de la collection de référence de 2 800 titres de presse ancienne constituée par la BnF, mais aussi de numériser des ensembles patrimoniaux de première importance conservés en régions. La consultation de ces titres numérisés sera gratuite sur la bibliothèque numérique Gallica de la BnF et sur les portails numériques des partenaires territoriaux.

Le rapporteur salue les efforts de la BnF, dans un contexte marqué par un choc inflationniste particulièrement violent pour l'établissement et des mesures catégorielles qui s'imposent à elle.

IV. DES BIBLIOTHÈQUES PLUS OUVERTES

A. UN DOSSIER QUI REMPLIT LES RAYONNAGES

La commission de la culture du Sénat accorde de longue date une attention toute particulière à la grande politique publique d'accès à la lecture, et au rôle primordial des bibliothèques dans les territoires. Elle a de ce fait contribué directement depuis 2015 à des avancées très significatives.

Remis en avril 2015 à la ministre de la culture de l'époque, le rapport de la sénatrice Sylvie Robert, membre de la commission, sur l'adaptation et l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques de France4(*) a marqué une étape essentielle dans la redéfinition de cette grande politique publique. En particulier, il mettait en avant la nécessité, largement partagée, d'une adaptation des horaires d'ouverture des bibliothèques afin de les rendre compatibles avec les emplois du temps des actifs, soit le soir et le week-end. L'article 168 de la loi de finances pour 2016 a repris cette idée, en étendant le bénéfice du concours particulier « bibliothèque » de la dotation générale de décentralisation (DGD) aux projets d'extension et d'évolution des horaires d'ouverture.

Dans la continuité de ce mouvement, Erik Orsenna et Noël Corbin ont remis en février 2018 un rapport « Voyage au pays des bibliothèques5(*) ». Les sénatrices Colette Mélot et Sylvie Robert ont par la suite rendu public en juillet 2020 un rapport au nom de la commission de la culture consacré à L'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques : une politique d'inclusion culturelle, sociale et territoriale à conforter6(*). Enfin, Sylvie Robert a déposé une proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique, devenue loi du 21 décembre 20217(*) après son adoption à l'unanimité par les deux chambres.

En avril 2018, le Gouvernement a présenté un ambitieux « plan bibliothèques », qui reprend les propositions des rapports de Sylvie Robert et Erik Orsenna.

Le nombre de projets soutenus a connu une progression fulgurante, passant de 19 en 2016 à 589 en 2022, et 649 prévus en 2023, soit au-delà de la cible de 500 projets.

Depuis 2018, le soutien budgétaire de l'État repose sur la DGD, abondée de 8 millions d'euros. Ils ont été complétés par 15 millions d'euros en 2021 et 2022 dans le cadre du plan de relance. S'y ajoutent des moyens positionnés dans le programme « Transmission des savoirs » de la mission « Culture », qui visent à faire évoluer les missions des bibliothèques.

Entre 2016 et 2024, 79,4 millions d'euros auront été dépensés via la DGD, soit bien au-delà des 56 millions d'euros qui résulteraient de la simple consommation de l'abondement de 8 millions d'euros depuis 2018. Cela s'explique par le soutien exceptionnel durant la crise pandémique, mais, comme le rapport du Sénat de 2020 le soulignait, entraine également un risque d'éviction pour les autres projets d'investissement.

Montants consacrés aux extensions d'horaires depuis 2016

(en millions d'euros)

 

B. QUELLE SORTIE DU DISPOSITIF POUR LES COLLECTIVITÉS ?

Les collectivités entrées dans le dispositif d'extension des horaires d'ouverture en 2016 et en 2017 sont arrivées au terme de la durée maximale de cinq ans de soutien par l'État. Le rapport précité du Sénat de juillet 2020 a pointé la nécessité de trouver une solution pour continuer à accompagner, de manière transitoire, ces collectivités, tout en rejetant toute modification de la durée d'accompagnement de la DGD « bibliothèques », qui doit conserver son caractère de dispositif d'amorçage sur cinq ans maximum. Le rapport préconise ainsi la mise en place d'une période de transition, combinant « l'instauration, le plus rapidement possible, mais de manière pédagogique et concertée avec les collectivités, d'une dégressivité du taux d'accompagnement de l'État pour les années de soutien restantes » et « la recherche de relais de financement » impliquant les territoires (communes, intercommunalités, départements).

Le Gouvernement a repris ces recommandations. En conséquence, le ministère de la Culture a veillé à l'application de la dégressivité de l'aide DGD à compter de la 4ème année de financement, de façon à ce que l'intervention de l'État puisse se situer, la 5ème année, à 40 % du coût du projet.

Depuis le début de l'année 2021, un relais transitoire peut être assuré, au terme des cinq années, par la signature d'un Contrat territoire lecture, sur une durée maximale de trois ans, en prévoyant un soutien dégressif de l'État afin que la collectivité puisse se préparer à assumer seule le coût de cette politique.

On peut cependant s'inquiéter de l'augmentation des coûts de l'énergie en 2022-2023, qui fait peser une forte contrainte sur les budgets de fonctionnement des collectivités. Il existe donc un risque que certaines collectivités ne puissent conserver des horaires d'ouverture étendus, au-delà de la période de cinq ans pendant laquelle elles ont été aidées.

Le rapporteur souhaite se placer dans la continuité des travaux de la commission de la culture, qui ont permis de réelles avancées sur la question de l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques.

V. L'HEURE DES CHOIX POUR LE CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE

A. UN CENTRE FRAGILISÉ APRÈS LA CRISE PANDÉMIQUE

Évoqué dès 2011, le Centre national de la musique (CNM) a finalement été créé par la loi du 30 octobre 2019. Il regroupe en son sein plusieurs leviers d'action alors assurés par différents acteurs publics et privés. Sa création a mis fin à la forme d'injustice dont souffrait le secteur de la musique qui, à la différence du cinéma avec le CNC ou du livre avec le CNL, ne disposait jusqu'à présent pas d'un organisme dédié où faire converger les débats de la musique enregistrée et du spectacle.

Les rapports pour avis des années précédentes ont accompagné et analysé le lancement du Centre, dans l'euphorie après 9 ans d'attente, au front avec son action durant la pandémie, dorénavant dans le doute avec le retour à une réalité marquée par des divergences importantes entre ses composantes sur son financement comme ses objectifs.

Dès sa création, le CNM a cherché à dépasser les antagonismes entre musique enregistrée et spectacle vivant, antagonisme pourtant prévisible compte tenu de ses leviers de financement, qui reposent sur :

Ø le produit de la taxe sur le spectacle vivant, dont environ 14 millions d'euros doivent revenir au CNM une fois déduite la faculté des établissements à en récupérer 65 % ;

Ø une contribution volontaire des organismes de gestion collective (OGC) du secteur, estimée à 6 millions d'euros ;

Ø enfin, un soutien public qui a augmenté en trois phases pour s'établir en PLF 2024 à 28,3 millions d'euros, soit 0,5 million d'euros de plus qu'en 2023 afin de tenir compte de l'inflation.

En dehors du soutien public, sur lequel l'engagement de l'État a été tenu, les autres sources de financement n'ont pas tenu leur promesse, en raison de la crise pandémique pour la taxe, suite aux conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 septembre 2020 « Recorded Artists », qui a privé les Organismes de gestion collective (OGC) de 25 millions d'euros par an. Ils estiment donc se trouver dans l'incapacité de financer le CNM et n'ont rien versé en 2020 et 2021, et « seulement » 1,5 million d'euros par la suite.

La crise pandémique a mis pendant trois ans le sujet en sourdine. Le CNM a pu dépenser grâce aux crédits d'urgence 579 millions d'euros entre 2020 et 2023. Son action durant la période a été unanimement saluée et lui a permis de démontrer son utilité et sa légitimité.

L'année 2023 n'a pas encore été celle des choix décisifs, avec des reliquats de l'ordre de 40 millions d'euros qui ont permis de porter les soutiens à 65 millions d'euros.

À partir de 2024, le CNM rentre donc dans une période charnière.

B. 2024, ANNÉE DÉCISIVE

La question du financement pérenne du CNM, en dépit des alarmes exprimées dès 2019 par la commission de la culture, n'est pas encore traitée, et ne l'est toujours pas dans le projet de loi de finances initiale. La commission de la culture avait organisé le 19 octobre 2022 une table ronde sur ce sujet avec l'ensemble des parties prenantes8(*). La situation et les positions des uns et des autres n'ont depuis malheureusement guère évolué.

Le budget du CNM n'est en conséquence toujours pas arrêté pour l'année 2024, faute de perspectives claires sur son financement. En effet, d'une part, le niveau de ses ressources tel qu'initialement prévu s'avère impossible à atteindre, d'autre part, le budget jugé nécessaire pour avoir une action réellement significative sur le secteur est plus important qu'escompté.

En l'état actuel, ses ressources seraient composées d'environ 9 millions d'euros de taxe sur le spectacle vivant (TSV), cette dernière étant en baisse cette année en raison de l'annulation de nombreux spectacles et festivals à l'occasion des Jeux olympiques, 28,3 millions d'euros de crédits budgétaires et 3 millions d'euros des OGC, soit un budget global de 43 millions d'euros.

Les frais de structure, actions de formation et coûts récurrents représentent 19 millions d'euros, il resterait donc environ 25 millions pour le soutien au secteur, soit une chute de 40 millions d'euros.

Face au risque existentiel que la fin des crédits d'urgence fait peser sur le CNM, le gouvernement a chargé à l'automne dernier l'ancien rapporteur pour avis Julien Bargeton d'une mission sur le futur du CNM. Le rapport publié le 20 avril 2023 dresse un état des lieux complet du secteur de la musique, du rôle essentiel que doit y assumer le CNM, et de l'impasse dans laquelle se trouve actuellement son financement.

Schématiquement, deux solutions ont émergé au fil du temps, relayées par le Président de la République dans un communiqué du 21 juin 20239(*) : ou bien des contributions dites « volontaires », en particulier des plateformes, dans des montants suffisamment significatifs, - ou, à défaut, la taxe sur le streaming telle qu'avancée par le rapport de Julien Bargeton. Telle est la position défendue le 25 octobre dernier par la ministre de la culture lors de son audition devant la commission10(*).

À la date de présentation du présent rapport, aucune information communiquée au rapporteur ne semble indiquer une avancée substantielle sur ce sujet.

Dans ce contexte, le rapporteur estime qu'il est grand temps d'assurer la cohérence de l'action publique, en mettant enfin les moyens du CNM au niveau des grandes ambitions affichées lors de sa création.

La solution envisagée serait donc l'instauration d'une taxe sur l'écoute en ligne, dite taxe « streaming », qui frapperait la consommation par abonnement ou serait financée par la publicité.

Cette taxe suscite cependant de fortes oppositions de la part du secteur de la musique enregistrée. Pour autant, il convient de replacer cette taxation dans le cadre global du marché de la musique.

Sans retrouver le niveau du pic de 2002, le chiffre d'affaires de la musique enregistrée s'est établi à 920 millions d'euros en 2022, dont 680 millions pour le numérique (streaming payant, vidéo financée par la publicité), devenu la première ressource du secteur. En 2023, le secteur de la musique enregistrée devrait connaitre sa 7ème année consécutive de hausse, avec une progression de 10 % au premier semestre. Il s'agit donc d'un secteur en croissance, et rien ne permet de penser que le faible niveau de taxation envisagé par le dispositif entraverait la dynamique du secteur. Bien au contraire, en confortant la création française via le soutien aux artistes, la taxe agirait comme un mécanisme vertueux, sur le modèle éprouvé depuis plus de 70 ans avec le Centre national du cinéma.

Par ailleurs, l'instauration de cette taxe permettrait un rééquilibrage des contributions entre les secteurs de la musique enregistrée et du « live ». Actuellement, seul ce dernier participe directement au financement du CNM, via une fraction de 35 % de la TSV, fraction qu'il serait probablement pertinent d'augmenter, ce qui sera plus acceptable pour le secteur si la musique enregistrée est également mise à contribution.

Dès lors, le rapporteur soutient pleinement les initiatives législatives qui pourraient être prises à l'occasion de la discussion de la première partie de la loi de finances pour instaurer la taxe « streaming ».

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 15 novembre 2023, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles », au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2024.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 15 NOVEMBRE 2023

___________

M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis des crédits relatifs aux livre et industries culturelles. - Monsieur le Président, mes chers collègues, c'est un moment d'émotion particulier pour moi de présenter devant vous pour la première fois le programme « Livre et Industries culturelles » dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024.

Le monde des industries culturelles est vaste. Le programme que nous examinons ce jour rassemble un grand nombre de secteurs qui n'ont comme rapport entre eux que de participer à notre souveraineté culturelle, à travers des activités d'intérêt général, comme les bibliothèques, ou économiques, comme l'édition ou les jeux vidéo. De fait, l'examen de ce programme est pour notre commission l'occasion d'éclairer chaque année les enjeux et les défis de ces secteurs, ce que je vais maintenant m'employer à faire.

Pour commencer, où en sont les industries culturelles à la sortie d'une crise pandémique qui les a considérablement menacées ?

Prises dans leur ensemble, dans lequel j'inclus la télévision, le cinéma, la musique, l'édition et la vidéo sous toutes ses formes, elles représentent un chiffre d'affaires global de 14,2 milliards d'euros en 2022. Si on neutralise l'impact de la fin de la contribution à l'audiovisuel public, le secteur a donc progressé de 3,6 % depuis 2021, ce qui est satisfaisant, mais avec des fortunes diverses.

Comme l'indiquait notre collègue Jérémy Bacchi la semaine dernière, le cinéma est le grand gagnant, avec une progression spectaculaire de 62 %. Il faut dire que l'année 2021 avait été particulièrement difficile. La musique enregistrée progresse de 6,4 %, et le jeu vidéo, première industrie culturelle, connait une hausse plus sage que les années précédentes de 3,3 %. Il demeure le solide leader de ces industries, où la France brille d'ailleurs particulièrement.

Dans l'ensemble donc, les industries culturelles ont bien surmonté la crise pandémique, très aidées il est vrai par un fort soutien public que notre commission a au reste largement salué les années précédentes.

Le soutien budgétaire demeure d'ailleurs à haut niveau, avec des crédits de 359 millions d'euros, en progression de 7,6 %, ce qui n'est pas mince !

Je dois dire un mot du marché de l'édition, dont le chiffre d'affaires se contracte de 5,4 % en 2022, mais par rapport à une année 2021 exceptionnelle comme vous le savez. Par rapport à 2019, le marché du livre progresse de 3,7 %, ce qui est donc rassurant. Je note cependant pour cette année deux points d'attention :

- d'une part, des relations toujours assez dégradées entre auteurs et éditeurs, en dépit de la signature d'un accord le 20 décembre 2022. Des discussions, encadrées par le gouvernement, sont encore en cours, mais elles s'avèrent difficiles. Pire encore, le dialogue sur la question centrale du partage de la valeur entre auteurs et éditeurs demeure marqué par une forte défiance de part et d'autre. En un mot, il nous faudra continuer à suivre ce sujet sensible pour notre création et les équilibres économiques du secteur.

- d'autre part, comme cela n'a pas pu vous échapper, le « big bang » en cours dans l'édition, avec le rachat de Hachette, premier éditeur français, par Vivendi, et le vente d'Editis, deuxième éditeur, au groupe de Daniel Kretinsky, que la Commission européenne a finalement autorisé le 31 octobre. Notons dans ce mouvement que les autorités de la concurrence ont permis d'éviter une surconcentration de l'édition, comme cela avait été évoqué en 2022 par la commission d'enquête sur la concentration des médias.

Je vais maintenant vous présenter les deux évolutions les plus significatives du programme.

D'une part, les bibliothèques, avec pour commencer son navire amiral, la Bibliothèque nationale de France.

À elle seule, la BnF absorbe les deux tiers des crédits du programme, avec 242,6 millions d'euros, en progression de 6,1 %.

L'année dernière, la commission avait été sensibilisée à la très difficile question de l'explosion des coûts, notamment de l'énergie.

Je rappelle que la BnF consomme autant d'électricité qu'une ville de 20 000 habitants, il suffit de passer devant le verre qui tapisse l'édifice François-Mitterrand pour le mesurer.

En 2023, les surcoûts liés à l'énergie devraient s'élever à plus de 5 millions d'euros. Les charges supplémentaires sur lesquels l'institution n'a pas de prise, comme les mesures catégorielles pour les fonctionnaires, représentent pour leur part 4,6 millions d'euros. Dès lors, la progression de 14 millions d'euros des crédits est déjà en grande partie absorbée par ces charges incompressibles.

Cela n'empêche cependant pas l'établissement de se projeter dans le futur, après la réouverture du « Quadrilatère Richelieu » qui rencontre un franc succès avec 700 000 visiteurs - je devrais dire « lecteurs » par an.

Le prochain défi de la BnF est le grand chantier d'Amiens. La BnF a lancé en 2019 un appel à manifestation d'intérêt pour l'accueil de son futur pôle de conservation. 70 collectivités avaient candidaté, c'est finalement le site picard qui a été retenu. Les travaux sont prévus pour une ouverture en 2029, avec un budget de 96,2 millions d'euros, répartis entre les collectivités, l'État et la BnF. À terme, le site accueillera la plus grande collection de presse francophone du monde avec le conservatoire national de la presse.

Situation budgétaire toujours tendue donc, mais la BnF manifeste en tout cas une gestion sérieuse qui n'interdit pas les ambitions.

Cependant, les bibliothèques ne se limitent pas à Paris, comme les élus locaux que nous sommes le savons bien.

Sous l'impulsion pionnière de Sylvie Robert, avec son rapport de 2015, une vaste politique d'aide à l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques est en effet portée depuis 2016. Elle bénéficie d'une part dédiée dans la dotation générale de décentralisation. Entre 2016 et 2024, près de 80 millions d'euros auront été consacrés à cette question. 589 établissements ont pu en profiter pour étendre leurs horaires, pour une ouverture supplémentaire moyenne de 9h30 par semaine, au-delà de la cible initialement fixée.

L'heure est maintenant venue, comme le soulignait précocement le rapport de Sylvie Robert et Colette Mélot en 2020, de gérer la fin du dispositif de soutien, conçu comme un « amorçage » de cinq ans, pour les collectivités engagées dès l'origine.

Depuis le début 2021, un relais partiel peut être trouvé pour les collectivités avec la signature d'un contrat « territoire lecture » qui prend le relais pour une durée de 3 ans, afin que la collectivité se prépare à assumer seule le coût de cette politique.

Il nous faudra certainement dans les années qui viennent établir un bilan du caractère pérenne de ces ouvertures unanimement saluées et appréciées par nos concitoyens.

J'en viens finalement au sujet le plus épineux, même s'il ne dépend pas directement des crédits, du programme, je veux bien entendu parler du financement du Centre national de la musique.

Nous avons longuement interrogé la ministre sur ce sujet lors de son audition du 25 octobre. Je vais juste rappeler quelques faits pour bien positionner notre débat.

Lors de sa création par la loi du 30 octobre 2019, la question du financement pérenne du CNM avait été renvoyée à plus tard, comme l'avait souligné le rapporteur Jean-Raymond Hugonet. Les ressources affectées ne permettaient en effet pas d'atteindre dès l'origine les objectifs fixés par les travaux préparatoires.

La question n'est donc pas nouvelle, mais son traitement a été reporté sine die avec la pandémie. Le CNM, durant cette crise, a en effet eu à gérer plus de 500 millions d'euros, et y a gagné par son efficacité une forte légitimité, alors même qu'il était en voie de constitution.

Cet afflux massif d'argent public a permis au Centre de fonctionner dans de bonnes conditions jusqu'en 2023, année durant laquelle il aura pu affecter 65 millions d'euros d'aides sélectives à la musique. Seulement, sur cette somme, 40 millions sont issus non pas de ses ressources, mais de reliquats des crédits d'urgence. Ils sont désormais épuisés.

Notre commission a été très active, en organisant une table ronde en octobre 2022 sur le financement du CNM. Le gouvernement a pour sa part confié une mission à l'ancien rapporteur Julien Bargeton, qui a remis ses conclusions en avril dernier. Enfin, la ministre s'est exprimée sur ce sujet le 25 octobre dernier.

On peut, je crois synthétiser ces travaux et débats en quatre constats :

- premier constat, il manque bien au Centre pour exercer une action réellement significative sur la durée, une somme comprise entre 25 et 40 millions d'euros, et ce d'autant plus que les ressources initialement prévues sont moindres qu'escompté ;

- deuxième constat, la stratégie du gouvernement ne semble pour l'heure pas fonctionner, de l'aveu même de la ministre. Les plateformes ont en effet été sollicitées pour des contributions « volontaires », mais leur montant, estimé à 5 millions d'euros, est encore loin du compte ;

- troisième constat, la solution qui semble émerger, et qui va dans le sens du rapport de Julien Bargeton comme du Président de la République le 21 juin dernier consiste à mettre en place la fameuse « taxe streaming », qui frapperait l'écoute de musique en ligne financée par abonnement ou par la publicité. Aucune autre piste ne semble correspondre, le spectacle vivant étant déjà contributeur au Centre avec la taxe sur le spectacle vivant (TSV) ;

- quatrième constat, l'idée de cette taxe suscite depuis l'origine, et de manière finalement assez prévisible, une opposition résolue de ses contributeurs pressentis, comme l'avait montré la table ronde de la commission et les échanges que nous avons pu avoir par ailleurs. Je rappelle cependant que la musique en streaming est un secteur dynamique, qui progresse de 10 % par an pour un chiffre d'affaires de 680 millions d'euros en 2022.

Pour résumer, et face à l'échec des négociations sur les contributions volontaires, je crois qu'il nous faut maintenant, en responsabilité, être fidèle aux ambitions initiales nées de la création du Centre, et je soutiens donc pleinement les initiatives législatives qui pourront être prises lors de l'examen de la première partie pour créer enfin une taxe streaming.

Sous le bénéfice de ces observations, je propose de donner un avis favorable à l'adoption de crédits du programme « Livre et industries culturelles » pour 2024.

M. Laurent Lafon, président. - Je tiens à signaler que je travaille en lien avec le rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson sur le dépôt d'un amendement commun sur le sujet de la taxe streaming. Je vous proposerai de le cosigner.

Mme Else Joseph. - Le Centre national de la musique a effectivement besoin de se renforcer, tout comme le secteur qui a été profondément transformé avec la digitalisation. Sa création est récente et comme je l'avais rappelé, il a besoin de nouvelles recettes, car il est actuellement, en ce qui concerne ses perspectives, dans ce que je qualifierais de « brouillard complet ». Il nous faut donc travailler sur l'hypothèse d'une nouvelle taxation, car le coût final ne doit pas retomber sur le contribuable, mais plutôt sur les grandes plateformes internationales.

Je partage les points soulevés par le rapporteur sur la Bibliothèque nationale de France dont l'équilibre est fragile en raison notamment de la flambée du coût de l'énergie. La BnF est, je le rappelle, le premier centre culturel en France. Pourriez-vous nous éclairer sur les moyens mis en oeuvre pour la numérisation de la presse ?

Enfin, je souligne l'importance de développer une véritable politique culturelle du livre dans les territoires, politique qui doit s'articuler notamment avec le Pass'culture.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je souscris pleinement aux inquiétudes relatives au CNM. Il nous faut enfin mettre un terme au flou qui entoure son financement. La commission l'avait d'ailleurs souligné dès la création du Centre et il nous appartient de trouver une solution. Le CNM a démontré durant la crise son efficacité et mérite de disposer de financements pérennes qui lui permettront d'assurer pour l'avenir ses missions. J'insiste cependant sur la nécessité d'une bonne articulation de son action avec les autres politiques publiques déployées en faveur de la musique. Je pense notamment aux vraies difficultés rencontrées par les festivals, un sujet sur lequel nous devrions nous pencher. Je suis enfin satisfaite que le rapport Bargeton ait été entendu pour ne pas élargir la taxe sur le spectacle vivant aux spectacles financés par les collectivités locales.

Mme Sylvie Robert. - Les industries culturelles ont énormément souffert pendant la crise et demeurent encore très fragiles. Avec Sonia de La Provôté, nous avions bien souligné cet aspect qui doit attirer notre vigilance. J'insiste tout particulièrement sur l'importance pour les industries culturelles du contexte général qui peut inciter les spectateurs à ne pas se rendre dans les salles. Cela est d'autant plus vrai que les crédits des plans de relance, qui ont encore été utilisés en 2023, ne sont pas reconduits et ne permettront pas de limiter l'impact de la hausse des coûts de l'énergie. L'organisation des Jeux olympiques ne se fera pas sentir uniquement pour les festivals, mais entraine d'ores et déjà une hausse du coût des prestataires qui se cumule avec des cachets d'artiste en forte progression ces derniers temps. Je suis pleinement en accord avec Catherine Morin-Desailly sur le financement du Centre national de la musique. Si notre initiative de création de la taxe était suivie par le Sénat, il faudra cependant qu'elle soit retenue par le Gouvernement dans le cadre de l'utilisation de l'article 49-3 de la Constitution. Nos efforts ne doivent pas nous conduire à négliger l'évaluation périodique que nous devrons mener sur l'action du CNM.

En ce qui concerne le livre et la lecture, je me félicite des moyens dégagés pour le transport des livres en outre-mer ainsi que pour aider à l'organisation de festivals du livre en zones rurales. Je concluerai avec la BnF dont le rapporteur a souligné la fragilité mais qui conserve des ambitions qui me paraissent nécessaires.

M. Jérémy Bacchi. - Je souscris pleinement aux propos tenus par le rapporteur et Catherine Morin-Desailly sur le financement du CNM et nous nous associerons à cette démarche. Une remarque sur la presse : la concentration des médias ne doit pas aller de pair avec une concentration des aides. Ces dernières devraient plutôt promouvoir les diversités, par exemple, dans la presse quotidienne régionale.

Mme Laure Darcos. - En ce qui concerne la taxe streaming, je souhaite que le dispositif ne pénalise pas les acteurs les plus modestes ou encore la plateforme française Deezer. Le vote par notre Assemblée d'une taxe streaming est un moyen de faire pression sur les plateformes afin qu'elles accroissent leur engagement en termes de contributions volontaires. Il faudra choisir entre les deux options d'ici la fin de l'année.

Sur la question du livre j'attire l'attention sur la complexité des relations entre les auteurs et les éditeurs et j'invite à ce sujet à la plus grande prudence quant à la tentation de légiférer trop rapidement.

Mme Monique de Marco. - J'alerte sur la situation des scènes de musique actuelles pour lesquelles les coûts vont exploser. Il nous faudra rester vigilants sur le secteur de l'édition et je souhaite que la commission s'intéresse à ce sujet.

L'instauration d'une taxe streaming s'insère dans un jeu politique avec un vote du Sénat qui sera suivi d'un nouvel examen par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement sera in fine libre de sa décision.

Mme Béatrice Gosselin. - Je tiens à attirer l'attention sur la fragilité de l'industrie du livre. J'approuve les initiatives visant à rapprocher les publics du livre notamment dans les territoires avec plusieurs dispositifs ambitieux comme « jeune en librairie » qui offre la possibilité, sous le contrôle des enseignants, de visiter une librairie et d'acquérir un ouvrage. 65 000 élèves de 1 780 établissements ont ainsi pu en bénéficier.

Sur la question du CNM, il faut bien évidemment s'intéresser à son futur et à la nature de ses financements. Enfin, pour rejoindre les préoccupations exprimées sur les festivals avec des coûts qui augmentent fortement, les organisateurs doivent de plus ne pas être entravés dans leurs démarches et trouver dans l'administration un partenaire fiable et à l'écoute.

M. Pierre-Antoine Levi. - Le rôle des politiques publiques en faveur du soutien à la lecture est plus crucial que jamais et je salue l'engagement fort de l'État, notamment via le Centre national du livre qui déploie chaque année 20 millions d'euros de crédits. Comme l'a souligné Laure Darcos, et je pense bien sûr également à Sylvie Robert, la question des relations entre les auteurs et les éditeurs est centrale. Sur la BnF je souligne que son nouveau contrat d'objectifs et de performance comporte des objectifs très ambitieux qui sont de nature à garantir l'accès des générations futures à nos richesses culturelles.

M. Laurent Lafon, président. - Je crois essentiel de parvenir à une expression partagée du Sénat sur le sujet de la taxe streaming. Cette question est évoquée de longue date dans notre commission, je pense notamment aux travaux de Jean-Raymond Hugonet et Catherine Morin-Desailly ainsi qu'au rapport de Julien Bargeton. Le principe de la taxe a été adopté en commission à l'Assemblée nationale mais n'a pas été retenu dans le 49-3, probablement en raison de l'opposition du ministère de l'économie. Le dépôt de notre amendement commun avec la commission des finances donnera l'occasion au Gouvernement de s'exprimer publiquement sur le sujet.

M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis. - Juste un mot pour indiquer que 4,7 millions d'euros sont prévus pour la numérisation des collections de presse de la BnF. Je tiens à remercier mon groupe ainsi que la commission pour la confiance qu'ils m'ont accordée.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au Livre et aux industries culturelles au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2024.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Aucune audition n'a pu être menée dans le cadre de la préparation de cet avis.

ANNEXE

Audition de Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture

MARDI 24 OCTOBRE 2023

___________

M. Max Brisson, président. - Mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser notre président Laurent Lafon, retenu à l'extérieur du Sénat.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire d'automne.

Nous nous réjouissons de vous retrouver, madame la ministre, pour évoquer ce « budget de transformation et d'inspiration » - ainsi que vous l'avez présenté devant la presse - et débattre avec vous de l'actualité culturelle.

Nous aimons profiter de ce rendez-vous pour vous rappeler que vous nous trouverez toujours à vos côtés, dans ces temps troublés, pour faire progresser les sujets nous tenant à coeur. Vous pouvez aussi compter sur nous pour vous alerter sur certaines problématiques, par le biais, en particulier, de nos nombreux travaux de contrôle.

Revenons-en aux multiples défis qu'il vous appartient de relever dans les mois à venir.

Dans le domaine de la culture, nous nous félicitons que vous ayez choisi de faire du soutien aux artistes et à l'emploi un axe fort de votre politique pour 2024, dans un contexte marqué par les difficultés de recrutement observées dans l'ensemble du secteur culturel depuis la pandémie.

En matière de patrimoine, nous nous réjouissons que vous fassiez de la transition écologique une priorité absolue.

En juin dernier, nous avons adopté le rapport de Sabine Drexler préconisant plusieurs mesures permettant de concilier les impératifs de rénovation énergétique et ceux de protection du patrimoine. Comment avez-vous reçu ce rapport ? Dans quelle mesure vous êtes-vous emparée de certaines de ses recommandations ?

S'agissant du patrimoine religieux, nous nous réjouissons évidemment des annonces du Président de la République : elles se situent dans le droit fil des conclusions du rapport établi par nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon ! Mais, vous vous en doutez, nous aimerions en savoir plus sur la manière dont les choses vont s'organiser, que ce soit pour la campagne de protection qui devrait être lancée ou pour une meilleure compréhension des mécanismes de fonctionnement de la collecte nationale et la pérennité de cette opération.

En matière de musées, après une année marquée par l'adoption du cadre législatif pour la restitution des biens spoliés et l'examen de la proposition de loi pour la restitution des restes humains dont nous sommes à l'initiative, derrière Catherine Morin-Desailly, nous constatons que vous prêtez une attention particulière aux questions de provenance. Néanmoins, comment expliquer la stagnation, cette année encore, des crédits destinés à l'enrichissement de nos collections ?

J'en viens maintenant aux industries culturelles, fortement marquées par la pandémie.

Le cinéma, tout d'abord, que l'on donnait pour mort, a retrouvé des couleurs, comme l'avait d'ailleurs prédit l'année dernière notre rapporteur Jérémy Bacchi. Avec Sonia de La Provôté et Céline Boulay-Espéronnier, il a conduit une ambitieuse mission d'information sur le secteur. Leurs conclusions ont été adoptées à l'unanimité en mai dernier et nos collègues ont souhaité poursuivre ce travail en déposant, le 27 septembre dernier, une proposition de loi que nous entendons bien inscrire à l'ordre du jour des travaux du Sénat.

Si le cinéma a repris des couleurs, tel n'est pas, hélas, le cas de la presse, avec un modèle économique fragile et des incertitudes sur sa place dans un monde où les fausses informations circulent plus vite que les vraies nouvelles et où l'opinion surpasse la raison.

Le Gouvernement a lancé début octobre les États généraux de l'information, lointains héritiers des États généraux de la presse écrite de 2008, dont nous suivrons les développements avec attention. En l'absence de Michel Laugier, notre collègue Pierre-Antoine Levi vous interrogera sur les problématiques du secteur.

Enfin, les industries culturelles, vaste ensemble où sont regroupés à la fois la Bibliothèque nationale de France (BNF), le jeu vidéo, la musique et l'édition, bénéficient d'un effort important de la part des pouvoirs publics, avec des crédits en hausse de 7,6 % en 2024.

Reste cependant à traiter la question du financement du Centre national de la musique (CNM). En dépit des avancées et des espoirs suscités par les propos du Président de la République le 21 juin dernier, le montant du budget du centre pour 2024 demeure en suspens. On peut déplorer que cette question, identifiée depuis plusieurs années, ne soit toujours pas réglée. En l'absence de notre rapporteur Mikaele Kulimoetoke, c'est notre collègue Martin Lévrier qui vous interrogera sur le sujet.

J'en viens enfin à l'audiovisuel public, dont le budget représente 4 milliards d'euros. Je n'évoquerai pas ici la question de la gouvernance, sujet qui, vous le savez, nous tient particulièrement à coeur. Je m'en tiendrai à celles du mode de financement et de la redéfinition des missions et moyens. Sur tous ces sujets, les solutions provisoires semblent prolongées... Nous avons un peu l'impression de faire du surplace !

Le financement par une fraction de la TVA est reconduit par l'article 31 du projet de loi de finances (PLF). Le Gouvernement a-t-il arrêté un mode de financement pérenne pour la suite ? Une révision de la loi organique relative aux lois de finances est-elle envisagée ? Ces questions vous seront certainement posées par notre rapporteur Cédric Vial.

Nous sommes par ailleurs dans l'attente des nouveaux contrats d'objectifs et de moyens (COM) pour faire suite aux avenants. Le projet de loi de finances comporte, en la matière, une nouveauté : il prévoit de possibles remboursements, dans l'hypothèse où les sociétés ne rempliraient pas leurs objectifs. Une enveloppe additionnelle de 200 millions d'euros sur trois ans est ainsi conditionnée à la mise en oeuvre des projets de modernisation et de transformation des sociétés. Ce choix inédit interpelle, et vous aurez sans doute à coeur de nous préciser l'objectif de cette disposition.

Madame la ministre, je vous laisse maintenant la parole. Chacun de nos rapporteurs vous interrogera ensuite sur les sujets relevant de sa compétence, puis chaque commissaire pourra bien évidemment vous poser ses questions à l'occasion de cette audition, diffusée en direct sur le site internet du Sénat.

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture. - Merci pour cette introduction tonique, monsieur le président ; la joie dans votre voix fait du bien dans la période actuelle.

Permettez-moi tout d'abord de féliciter les sénateurs et sénatrices élus ou réélus. Nous avons très bien travaillé ensemble au cours des derniers mois, je me réjouis de retrouver votre commission et je ne doute pas que nous maintiendrons, dans les mois à venir, la même fluidité dans nos échanges.

Je vous avais présenté pour 2023 un budget en forte hausse : + 7 %. Le budget pour 2024 est tout aussi ambitieux : avec une nouvelle hausse de 6 %, les crédits budgétaires atteignent environ 4,4 milliards d'euros. S'ajoutent à ce montant une somme avoisinant 4 milliards d'euros pour l'audiovisuel public, 804 millions d'euros de taxes et ressources affectées pour le financement du cinéma, de la musique et du théâtre privé, environ 25 millions d'euros du loto du patrimoine, pérennisé pour cinq années supplémentaires, et 1,7 milliard d'euros de mesures fiscales pour la culture, soit un total de 11 milliards d'euros.

Au titre des crédits budgétaires dédiés à la culture au sein des autres ministères, on pourrait ajouter encore 5,3 milliards d'euros, pour atteindre 16 milliards d'euros... et c'est sans compter les crédits du plan d'investissement France 2030.

Notre politique se déploie, et je tiens à saluer leur engagement, grâce au travail de plus de 29 000 agents en administration centrale, en administration déconcentrée, dans les services à compétence nationale et chez nos opérateurs. Le ministère forme 37 000 étudiants dans près de 100 établissements d'enseignement supérieur culturel.

J'ai effectivement qualifié ce budget de « budget de transformation et d'inspiration », car, au-delà de la lutte contre l'inflation, l'objectif est d'accompagner des mutations en profondeur des secteurs de la culture, notamment travailler à la transition écologique, accélérer le chantier « Mieux produire, mieux diffuser », embrasser les nouvelles technologies, renouveler les publics, anticiper la relève des métiers et redynamiser les territoires. En outre, l'année 2024, année olympique, est exceptionnelle à plus d'un titre. Elle verra en particulier l'aboutissement de plusieurs projets importants, tels ceux de la Cité internationale de la langue française, du Grand Palais, qui rouvrira après un immense chantier, et de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ces grands projets ne doivent pas éclipser tout le travail de dentelle que nous réalisons au quotidien au coeur des territoires pour tisser des liens nouveaux entre artistes et habitants.

Le premier domaine que j'aborderai est celui de l'audiovisuel public, pour lequel je m'étais engagée à donner une visibilité à cinq ans, et non trois.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le président, la nouveauté tient dans le fait que nous cumulons une dotation de base pour les entreprises et une enveloppe complémentaire dédiée aux projets de transformation et aux coopérations renforcées, autour de quelques priorités : l'information, la proximité, la place de la culture et de la création, la jeunesse, l'éducation aux médias et un renforcement du déploiement de la stratégie numérique.

Le budget tient donc compte, non seulement de l'inflation et des effets fiscaux dus au changement du mode de financement, mais aussi de nouvelles mesures représentant près de 70 millions d'euros dès l'exercice 2024. Ces enveloppes sont par ailleurs définies sur trois années, avec ce système de conditionnement à la réalisation effective des coopérations et la mise en oeuvre des priorités définies. Cela nous permet de fixer un cap ambitieux de transformation de l'audiovisuel public à l'échéance de 2028.

Je voudrais également insister sur l'enjeu de la transition écologique, ayant mis l'accent, pour le budget 2024, sur les travaux et le soutien à l'innovation en la matière. Dans le cadre du plan d'investissement France 2030, nous déploierons 25 millions d'euros au titre du programme Alternatives vertes. Par ailleurs, nous avons obtenu 40 millions d'euros sur le fonds vert interministériel pour des travaux d'amélioration de la performance énergétique de certains bâtiments appartenant à l'État ou aux collectivités territoriales.

En dehors de l'audiovisuel, ce budget compte 241 millions d'euros de crédits en plus, destinés au renforcement des moyens des structures de la création et à l'accompagnement de leur mutation, au soutien des artistes, à la relève des métiers, aux écoles d'enseignement supérieur, au patrimoine, à la lecture et à l'accès à la culture. Nous renforçons également le soutien au pluralisme de la presse et des radios. Enfin, le ministère se voit accorder des budgets supplémentaires pour ses moyens immobiliers et informatiques.

Par ailleurs, nous avons obtenu 125 nouveaux équivalents temps plein (ETP) pour accompagner un projet comme celui de Villers-Cotterêts, mais aussi nos écoles, le Centre national de la musique ou encore la sécurisation de la chaîne d'acquisition et de recherche de provenance de nos musées, etc. Nous disposons donc de moyens humains renforcés.

S'agissant des écoles de l'enseignement supérieur, elles bénéficieront cette année d'investissements structurants. Nous poursuivrons les travaux de rénovation, par exemple à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, mais aurons aussi des moyens supplémentaires à consacrer aux dotations d'investissement courant. Nous apporterons un soutien très renforcé aux écoles nationales supérieures d'architecture, dont les moyens seront rehaussés de 4,8 millions d'euros. Enfin, après un effort supérieur à 2 millions d'euros en 2023, nous allons accroître notre soutien aux écoles supérieures d'art territoriales en matière d'investissement, avec une hausse de 3 millions d'euros.

Je tiens en outre à insister sur l'attention que nous portons à la question du patrimoine, avec, encore une fois, une intensification du programme d'investissements. Ainsi, la progression sera de 55 millions d'euros pour les crédits destinés aux restaurations de sites patrimoniaux majeurs sur le territoire, avec la poursuite de la reconversion de l'abbaye-prison de Clairvaux, le projet du château de Gaillon, le plan concernant les cathédrales, etc. Nous renforçons aussi les moyens consacrés aux restaurations de patrimoine local, via, notamment, le Fonds incitatif et partenarial pour le patrimoine, qui, pour près de 80 % des chantiers soutenus, intervient dans des communes de moins de 2 000 habitants.

Le Président de la République a par ailleurs annoncé de nouveaux efforts en faveur du patrimoine religieux des communes de moins de 10 000 habitants - 20 000 habitants en outre-mer. Une collecte va être lancée avec la Fondation du patrimoine, pour laquelle une déduction fiscale équivalente à celle qui a prévalu pour la cathédrale Notre-Dame de Paris sera accordée. Nous engageons également une campagne de protection en vue, notamment, d'un éventuel classement de certains édifices cultuels des XIXe et XXe siècles.

Bien que ne pouvant détailler l'ensemble de mes priorités, je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer la lecture - une de mes obsessions. Nous continuons à renforcer notre stratégie en matière de lecture dans les territoires, avec une hausse des crédits de près de 5 millions d'euros en 2024. Il s'agit d'amplifier l'ensemble de nos actions - dispositif Premières pages, le Quart d'heure de lecture, action du Centre national du livre, Goncourt des détenus, etc. - afin que l'on puisse lire partout où c'est possible. Par ailleurs, nous continuons de soutenir nos grands opérateurs dans le domaine de la lecture, à savoir les bibliothèques nationales, la Bibliothèque publique d'information (BPI) et la BNF, d'autant que les récentes violences urbaines ont ciblé une cinquantaine de bibliothèques. Il s'agira donc, pour nous, d'accompagner les reconstructions, mais aussi de travailler à l'extension des horaires d'ouverture ou l'animation de ces lieux.

La culture est traversée de secousses. Elle connaît la crise de l'énergie, le dérèglement climatique, les désordres géopolitiques, les menaces sur la liberté de création, le désengagement de certaines collectivités, les violences urbaines, les bouleversements induits par l'intelligence artificielle et, bien sûr, les risques terroristes qui nous mobilisent tous aujourd'hui. Mais, j'en reste persuadée, c'est elle qui nous rassemble, qui nous offre des émotions uniques et des imaginaires communs, qui nous aide à élargir la vie et à affirmer, encore et encore, notre attachement aux valeurs de la République.

Je termine, comme à mon habitude, avec un poème. Il s'agit, ici, d'un texte écrit par Abdellatif Laâbi, poète marocain, après les attentats de 2015.

« J'atteste qu'il n'y a d'Être humain

« que Celui dont le coeur tremble d'amour

« pour tous ses frères en humanité

« Celui qui désire ardemment

« plus pour eux que pour lui-même

« liberté, paix, dignité

« Celui qui considère que la vie

« est encore plus sacrée

« que ses croyances et ses divinités

« J'atteste qu'il n'y a d'être humain

« que Celui qui combat sans relâche

« la Haine en lui et autour de lui

« Celui qui, dès qu'il ouvre les yeux le matin,

« se pose la question : que vais-je faire aujourd'hui

« pour ne pas perdre ma qualité et ma fierté

« d'être homme ? »

Sans culture, pas d'humanité, pas de civilisation !

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis des crédits des patrimoines. - Merci pour votre présentation très complète et ce très beau poème.

Je souhaite vous interroger sur les suites données au rapport d'information sur le patrimoine et la transition écologique que j'ai remis en juin dernier. Je me félicite que certaines de mes propositions, notamment concernant la formation des diagnostiqueurs aux spécificités du bâti ancien, aient été reprises. Mais je suis très déçue par le fait que rien n'a été fait, pour l'instant, pour permettre l'adaptation du diagnostic de performance énergétique (DPE), pourtant très attendue par les associations de préservation du patrimoine.

Mon rapport aborde également la question du soutien financier et fiscal. Il faudrait pouvoir réorienter ou conditionner les aides pour mieux accompagner les rénovations respectueuses du bâti ancien, lesquelles font souvent appel à des savoir-faire et techniques particulières plus coûteuses.

Seriez-vous par ailleurs favorable, comme je l'ai proposé, à une réforme des dispositifs Denormandie et Malraux, mais aussi à l'extension du label de la Fondation du patrimoine aux travaux de rénovation énergétique à l'intérieur des bâtis dans le cas où des travaux extérieurs porteraient atteinte aux caractéristiques architecturales ou patrimoniales ?

Que comptez-vous faire pour mieux accompagner les collectivités territoriales dans l'identification de leur bâti ancien ? Les crédits inscrits pour la réalisation d'études ne devraient-ils pas être abondés en ce sens ?

Enfin, la revalorisation accordée à l'archéologie préventive dans le projet de loi de finances de l'an dernier était bienvenue. Mais le compte n'y est toujours pas ! La compensation des frais engagés par les services d'archéologie préventive des collectivités territoriales n'est pas assurée malgré la revalorisation de la valeur par mètre carré intervenue en 2022, alors même que le produit de la taxe d'archéologie préventive, perçue depuis 2016 au profit du budget général de l'État, est en forte croissance et permet à l'État de réaliser un excédent. Que comptez-vous faire pour rééquilibrer ces financements ?

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des crédits relatifs à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. - Nous ne pouvons que nous inquiéter de la situation financière critique de nombreuses écoles d'art territoriales, en dépit d'une nouvelle hausse budgétaire dans ce domaine. Le rapport de Pierre Oudart a été officiellement remis voilà quinze jours. À quoi l'État est-il prêt à s'engager pour l'avenir de ces écoles ?

Par ailleurs, la présence des services publics culturels dans les territoires les plus sensibles m'apparaît comme un enjeu primordial. Au-delà des appels à projets que vous avez lancés dans le cadre de l'Été culturel, que compte faire l'État pour développer ces services publics et accompagner les projets des acteurs associatifs et culturels oeuvrant en ce sens ? Quels projets, par exemple, sont soutenus par le Fonds d'innovation territoriale récemment créé ? Comment celui-ci s'articule-t-il avec les politiques territoriales déjà engagées ?

Sur cette même thématique, nos collègues de la commission des finances ont relevé une utilisation moins intensive du pass Culture par les jeunes ruraux, en particulier les jeunes âgés de 15 à 17 ans du fait de problèmes spécifiques de mobilité. Quelles consignes ont été données face à ce constat ?

Enfin, je souligne l'amélioration que constitue le volet collectif du pass Culture. Il faudra néanmoins veiller à la question de l'égalité d'accès entre les différents établissements et à l'articulation faite avec ce qui existait précédemment dans le champ de l'éducation artistique et culturelle. Cette nouvelle offre doit être lisible, à la fois pour les acteurs culturels, le corps enseignant et les collectivités territoriales. Quelles garanties peuvent être apportées dans ce domaine ?

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel public. - Je vous remercie également, madame la ministre, pour le choix du poème, qui résonne avec les discussions que nous aurons, notamment demain en commission, sur l'écriture dite inclusive...

J'ai trois questions à vous soumettre concernant le financement de l'audiovisuel public.

Premièrement, alors qu'il a fallu procéder par avenant l'an dernier, nous attendons les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens. Dans le cadre du projet de loi de finances, vous vous projetez sur les cinq prochaines années, mais nous n'avons toujours rien vu de ces contrats. Nous allons donc adopter des moyens sans objectifs ni convention. Pouvez-vous nous donner plus d'éléments sur le sujet ?

Deuxièmement, où en êtes-vous dans la réflexion sur le financement de l'audiovisuel public, suite à la suppression de la redevance ? La compensation provisoire par le biais d'une fraction de la TVA ne peut être pérennisée sans passer par le législateur. Quand pensez-vous pouvoir présenter une solution devant le Parlement ?

Troisièmement, vous attendiez des économies du rapprochement entre France Bleu et France 3. Qu'en est-il ? Enfin, vous souhaitez renforcer la chaîne de télévision France Info. Comment envisagez-vous le développement concomitant des deux chaînes d'information France info et France 24 dans un environnement très concurrentiel ?

M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma. - À mon tour, madame la ministre, de vous remercier pour votre présentation liminaire et le poème, fort à propos, que vous nous avez lu.

Avec Sonia de La Provôté et Céline Boulay-Espéronnier, nous avons rendu public un rapport d'information sur le cinéma au printemps dernier, suivi par le dépôt d'une proposition de loi appelant à l'instauration d'une nouvelle obligation pour les distributeurs en matière d'engagements de diffusion. Quel devrait être le champ de cette obligation ? Êtes-vous prête à faire évoluer la classification Art et Essai ?

À l'initiative de notre collègue Catherine Conconne, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer. Ce texte n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale. Pouvez-vous nous donner des éléments de calendrier ?

Enfin, pouvez-vous faire un point sur les négociations autour de la chronologie des médias ?

M. Pierre-Antoine Levi. - Je m'exprime ici au nom de Michel Laugier, notre rapporteur, que je vous prie de bien vouloir excuser. Le soutien à une presse garante de la qualité du débat démocratique constitue un axe fort des travaux de notre commission. Mais les sujets d'inquiétude sont nombreux dans un monde où l'opinion surpasse la raison. Il est donc primordial que notre assemblée se tienne aux côtés d'une presse dont le modèle économique est aujourd'hui bien fragile.

Les aides à la presse sont régulièrement critiquées pour leur opacité et leur complexité. Elles sont concentrées sur la presse papier. Comptez-vous lancer un chantier de réforme ?

Qu'attendez-vous des États généraux de l'information, lancés au début du mois d'octobre ? Quels problèmes avez-vous déjà identifiés ?

En théorie, l'année 2024 sera la dernière année du soutien exceptionnel apporté par l'État à France Messagerie, soutien ponctionné, rappelons-le, sur les crédits destinés à la modernisation de la presse. Comment voyez-vous l'année 2025 ? Ne serait-il pas temps de « renverser la table » pour parvenir à une solution à une seule messagerie, ou bien spécialisant France Messagerie à la seule presse quotidienne régionale ?

M. Martin Lévrier. - Je m'exprime ici au nom de Mikaele Kulimoetoke, notre rapporteur, que je vous prie de bien vouloir excuser. Merci, madame la ministre, pour vos propos liminaires et pour le poème que vous avez choisi.

À la suite du rapport de Julien Bargeton relatif à la stratégie de financement de la filière musicale en France, l'idée d'une taxe sur le streaming pour le financement du CNM s'est imposée dans le débat public. Où en sont vos réflexions sur ce sujet ? Un arbitrage a-t-il été rendu sur cette question ?

Les relations entre les auteurs et les éditeurs sont marquées depuis plusieurs années par une grande méfiance. Les négociations ne semblent pas aboutir. Où en êtes-vous ? Des dispositions de nature législative pourraient-elles s'avérer nécessaires ?

Pourriez-vous faire un point sur les résultats concrets du « plan Bibliothèques », les moyens mis en oeuvre et les perspectives pour les années à venir ?

Pourriez-vous dresser un bilan des mesures spécifiques mises en oeuvre pour soutenir les artistes et les professionnels de la culture pendant la crise sanitaire ?

Les musées et les institutions culturelles ont été confrontés à des défis importants en matière de conservation et de numérisation du patrimoine culturel. Quels investissements ont-ils été réalisés dans ces domaines et quels sont les projets en cours pour préserver et promouvoir notre patrimoine culturel ?

Enfin, comment le ministère encourage-t-il la création artistique innovante et comment favorise-t-il l'émergence de nouveaux talents, en particulier dans le contexte de la révolution numérique ?

Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Madame Drexler, nous rejoignons la grande majorité des constats et des propositions de votre rapport sur le patrimoine et la transition écologique. Ces deux ambitions, transition énergétique et conservation du patrimoine bâti, peuvent être conciliées. Nous avons les ressources, les atouts, et les métiers pour le faire. Ce travail nécessite une grande concertation au niveau local, à l'image de celle qui avait été menée pour le développement de l'énergie photovoltaïque, en lien avec le ministère de la transition écologique, et qui avait abouti à la rédaction d'une circulaire commune et à la définition d'un cadre précis. Le même type de travail a été engagé pour l'élaboration d'un guide à destination des diagnostiqueurs. Une actualisation des textes réglementaires - référentiel de compétences, cycle de formation, etc. - est également en cours. Nous y travaillons avec le ministère de la transition écologique.

Nous soutenons votre initiative pour élargir l'attribution du label de la Fondation du patrimoine aux travaux intérieurs, ce qui ouvrirait la voie à des déductions fiscales ou au versement de subventions pour des travaux de rénovation thermique du bâti ancien. Les évolutions fiscales que vous mentionnez sont également importantes. La liste des travaux éligibles aux aides à la rénovation énergétique pourrait en outre évoluer, pour prendre en compte les travaux respectueux du patrimoine. Nous explorons cette piste, en lien avec Bercy. Soyez assurés de notre détermination sur ces questions, y compris au niveau européen.

Un effort particulier avait bien été fait l'an dernier en direction de l'archéologie préventive. Une soixantaine de collectivités sont habilitées par le ministère de la culture et le ministère de l'enseignement supérieur pour réaliser des diagnostics archéologiques. Pour le budget 2024, nous avons accordé la priorité au financement urgent de revalorisations salariales au sein de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Nous restons néanmoins ouverts sur cette question. Nous devons parvenir à objectiver davantage les besoins pour mieux les défendre dans les prochaines discussions budgétaires. Si vous pouvez nous y aider, ce sera très utile.

Une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l'inspection générale des finances (IGF) est en cours concernant les dispositifs Malraux et Denormandie, dont la conclusion est attendue pour la fin de l'année.

Les écoles territoriales d'art constituent un chantier prioritaire. Toutefois, n'oublions pas que ces écoles ont été créées par les collectivités et ont fonctionné longtemps en régie municipale avant de devenir des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) en 2011 ou 2012. Nous nous efforçons d'accompagner celles d'entre elles qui sont le plus en difficulté. Nous discutons des principales conclusions du rapport Oudart avec les directeurs et présidents de ces établissements. Nous continuerons à nous montrer attentifs, au cas par cas. Aucune mesure générale n'est prévue, chaque école ayant son histoire particulière, ses spécificités, et sa relation avec les collectivités. L'effort supplémentaire que nous avions engagé en 2023 a été maintenu pour 2024. Des aides à l'investissement peuvent aussi intervenir, afin de réduire les coûts de fonctionnement. Nous restons donc mobilisés sur le sujet.

Le bilan du fonds d'innovation territoriale, lancé en 2023, sera établi en début d'année prochaine. Pour qu'un projet soit financé, il doit être porté par au moins une collectivité locale. Les projets soutenus sont choisis avec les élus locaux, et non sur la seule décision des directions régionales des affaires culturelles (Drac). La priorité est accordée aux zones rurales isolées et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, et les projets soutenus doivent être innovants, l'idée étant de toucher des publics que l'on ne parvient pas à atteindre d'habitude.

La question de l'utilisation du pass Culture en zone rurale est effectivement importante. Plusieurs expérimentations sont en cours, notamment dans la région Grand Est, pour améliorer les parcours des jeunes, particulièrement sur le plan des transports. Des consignes ont été données à la société pass Culture pour travailler davantage en ce sens.

L'objectif de la part collective du pass Culture, de 25 euros par élève et par an, est d'amplifier l'éducation artistique au collège et au lycée. Si, en raison de son déploiement, des collectivités décident de retirer des budgets prévus initialement dans ce domaine, ou si cela vient pénaliser des actions existantes, il y a lieu de s'inquiéter. Je veux bien que vous nous communiquiez des exemples, pour que nous puissions y travailler au cas par cas.

Les problèmes techniques qui ont pu se présenter pour l'articulation entre l'application dédiée à la généralisation de l'éducation artistique et culturelle (Adage) du ministère de l'éducation nationale, et le pass Culture, sont désormais résolus. Un regard de l'éducation nationale reste toutefois nécessaire sur les projets proposés, et les artistes amenés à intervenir en milieu scolaire. Cependant, si des compagnies habituées à intervenir dans certains établissements s'en trouvent subitement rejetées, cela pose problème. J'étudierai ce point plus précisément.

À la faveur du prolongement d'un an des contrats d'objectifs et de moyens de l'audiovisuel public, nous avons pu redéfinir les objectifs, les principales missions de service public et les priorités de ce dernier. Parmi celles-ci, nous avons identifié celles qui nécessitaient une plus grande coopération entre les entreprises de l'audiovisuel public, à commencer par la fiabilité de l'information et l'investissement dans la lutte contre les fausses informations. En matière de stratégie digitale, nous avons constaté qu'il existait dans d'autres pays européens plusieurs plateformes numériques pour l'audio et la vidéo, ce qui n'empêche pas l'interopérabilité. Plusieurs sujets ont donc été étudiés.

Nous proposons une trajectoire pour cinq ans. Il revient évidemment au Parlement d'adopter le budget et de valider ces conventions. Ces discussions auront lieu. Le calendrier des contrats d'objectifs et de moyens sera précisé prochainement.

Je suis favorable par ailleurs à la pérennisation, au-delà des années 2024 et 2025, du fléchage d'une fraction de la TVA vers l'audiovisuel public, ce qui impliquera une modification ciblée de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Il n'y a pas encore d'arbitrage interministériel sur le sujet. Les discussions se poursuivent.

Concernant la réforme de la gouvernance, il m'était apparu qu'il était possible de parvenir plus rapidement aux objectifs souhaités, sans passer par la création d'une holding. Grâce au fléchage d'une enveloppe complémentaire dédiée aux chantiers prioritaires, aux transformations et aux coopérations, nous disposons de trois ans, à partir de 2024, pour accélérer les réformes. J'espère que cette nouvelle méthode portera ses fruits.

Les coopérations entre France 3 et France Bleu ne généreront pas d'économies dans l'immédiat. Leur but premier est de regrouper les forces du réseau de proximité de l'audiovisuel public pour porter un programme ambitieux autour de la vie locale, pour faire vivre une information locale forte et diversifiée et pour renforcer la connaissance de la vie culturelle et des services locaux. Différents rapprochements sont nécessaires pour parvenir à ce résultat, sur lesquels les présidentes de Radio France et de France Télévisions ont eu l'occasion de s'exprimer. Nous leur faisons confiance pour avancer sur cette question, des budgets complémentaires étant réservés à ce chantier.

La question des coopérations entre France Info et France 24 est plus complexe, car ces deux chaînes ne s'adressent pas aux mêmes publics. Des complémentarités existent néanmoins, et des coopérations ont déjà lieu ; nous verrons sur quels segments il sera possible de les renforcer. Pour l'instant, notre objectif est de consolider l'information en général, et France Info en particulier, et d'oeuvrer au rapprochement entre France 3 et France Bleu.

Le rapport de Bruno Lasserre sur le cinéma ouvre des perspectives utiles pour clarifier les engagements de programmation ainsi que le classement Art et Essai , ou encore assouplir les politiques tarifaires. Toutes ces dispositions nécessitent une transposition législative. La proposition de loi mentionnée par M. Bacchi est donc bienvenue, et nous la soutiendrons.

La chronologie des médias reste un sujet de débat complexe. Des avancées ont eu lieu sur la question de l'étanchéité des fenêtres. Les discussions se poursuivent.

Les États généraux de l'information viennent de s'ouvrir, sous l'égide d'un comité de pilotage indépendant, que vous pourrez rencontrer autant que vous le souhaiterez. Plusieurs groupes de travail ont été formés, autour de sujets très vastes. J'attends de cet événement qu'il suscite, au-delà des experts, une mobilisation des citoyens et des jeunes pour créer un débat autour du droit à l'information et de la fiabilité de l'information. Il ne sera donc pas seulement question du modèle économique et de l'avenir de la presse. En effet, l'accès à l'information, dans notre société, passe aussi par le numérique ou par des relais de décryptage comme HugoDécrypte. Nous devons prendre en compte toutes ces modalités. Nous avons aussi tout un chantier d'éducation aux médias à renforcer pour lutter contre la désinformation. J'attends également des propositions à ce sujet. Certaines pourront mener à des évolutions législatives, concernant la lutte contre les ingérences étrangères, par exemple, ou les aides à la presse.

Je m'étais engagée à ouvrir ce dernier chantier. L'enjeu est de garantir le pluralisme de la presse. On ne peut néanmoins être ignorer la presse en ligne. Cela fera partie des travaux à mener.

L'aide de 9 millions d'euros versée à France Messagerie est en réalité une aide destinée aux éditeurs de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale (IPG) visant à alléger le coût des barèmes tarifés par la messagerie des quotidiens. Elle fait partie de l'aide à la distribution globale de 27 millions d'euros qui leur est versée. Sans cette aide, les éditeurs feraient face à des barèmes dont ils ne pourraient s'acquitter, sauf en augmentant fortement le prix de leurs titres. Ponctionnée à l'origine sur le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), cette aide a été reconduite par les lois de finances successives. Pour autant, il n'en a pas résulté un manque de financement de la modernisation, grâce à l'intervention des crédits du plan de relance entre 2020 et 2022.

Une mission a été confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et à l'Inspection générale des finances (IGF) pour réfléchir, au-delà de la situation économique de France Messagerie, à l'avenir de la distribution de la presse au numéro en France : financement, aide à la distribution, péréquation, gouvernance, etc. Ce chantier est considérable. Nous attendons leurs recommandations avant de nous prononcer.

J'en viens au CNM. La concertation que j'ai lancée avec tous les segments de la filière, à la demande du Président de la République à la suite de ses annonces fortes du 21 juin, a pris trois mois. À l'issue de ces échanges, trois hypothèses se sont dégagées. La première consisterait à instaurer une contribution obligatoire des plateformes de streaming, gratuites comme payantes, établie sur la base d'un taux modulé et de seuils variables - de 0,5 % à 1,75 % - selon leurs chiffres d'affaires réalisés en France. Cette contribution obligatoire permettrait de générer, la première année, entre 18 et 20 millions d'euros pour financer le Centre national de la musique, et une somme plus importante les années suivantes. Dans la deuxième hypothèse, nous étendrions la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) pour en faire bénéficier le CNM. Cependant, cela reviendrait à taxer la publicité, alors que certaines plateformes comme Amazon et Apple ne fonctionnent pas avec un modèle publicitaire. À ce stade, cette proposition a peu convaincu nos interlocuteurs. Enfin, la troisième hypothèse serait celle d'une contribution volontaire des plateformes. Certaines ont d'ailleurs proposé d'elles-mêmes d'abonder le budget du CNM, soit oralement, soit par écrit. Nous nous donnons du temps pour poursuivre cette négociation. Nous pourrons également étudier les amendements qui seront présentés au cours de l'examen du PLF pour voir si la solution de la contribution obligatoire n'est pas la meilleure.

Le bilan de l'extension des horaires des bibliothèques est encourageant. Ce changement doit néanmoins être conforté, a fortiori au vu des difficultés que rencontrent certaines collectivités. Cette extension s'élève à 8 h 30 en moyenne, dans plus de 500 collectivités. Toutefois, le risque de recul est réel, du fait de l'importance des factures dont les petites communes ont à s'acquitter. La vigilance est de mise sur ce point. À titre d'exemple, la médiathèque de Rillieux-la-Pape est passée de 25 heures à 38 heures d'ouverture. Une telle extension est déterminante, notamment pour toucher les jeunes, d'autant que les bibliothèques sont de véritables lieux de vie, qui comportent des espaces de jeux vidéo, de musique, et proposent de nombreuses activités et animations. Notre rôle est de les soutenir.

L'encouragement de la création artistique passe par notre soutien aux écoles et à l'enseignement supérieur, et à la nouvelle génération d'artistes, d'architectes et de musiciens qui dessineront le monde de demain. Par ailleurs, le programme Mondes nouveaux, d'une manière inédite, s'est appuyé sur les désirs des artistes et leurs propositions de projets pour mettre des moyens, des équipes de production, des opérateurs comme le Centre des monuments nationaux (CMN) ou des partenaires comme le Conservatoire du littoral à leur service. Au total, 260 projets ont été soutenus dans toute la France, impliquant souvent des artistes peu connus, et dans tous les champs artistiques, non les seuls arts plastiques : compositeurs, danseurs, écrivains, vidéastes, etc. Le programme Mondes nouveaux continuera en 2024.

Le plan Mieux produire, mieux diffuser est en outre essentiel. Seule ne compte pas la création, il faut aussi oeuvrer pour sa diffusion vers le public. Un budget « levier » de 9 millions d'euros est donc prévu dans le budget 2024, pour favoriser les coopérations et les coproductions ainsi que l'organisation de tournées raisonnées.

M. Yan Chantrel. - Quand l'extension du pass Culture aux jeunes Français établis hors de France, décidée en conseil des ministres en février dernier, sera-t-elle effective ? Cette extension concernera-t-elle réellement tous ces jeunes ? Flécher le pass Culture à cette occasion vers notre réseau - Instituts français, Alliances françaises, théâtres, librairies, etc. - pourrait être un moyen de le faire vivre et rayonner.

La décision du Gouvernement de suspendre la délivrance des visas pour la France aux ressortissants nigériens, maliens et burkinabés a de profondes répercussions sur nos relations avec ces pays. Des artistes ne sont plus en mesure d'exercer leurs métiers. Des échanges culturels sont suspendus. Ce genre de mesure ne favorise pas non plus le rayonnement de la francophonie, alors que nous accueillerons le sommet de la francophonie en octobre prochain. Par de telles décisions, vous renforcez les putschistes, car vous privez des personnes qui participent au rayonnement culturel de notre pays de la possibilité de s'y rendre. Ce problème n'est pas réglé, les témoignages sont nombreux. La meilleure chose à faire serait de revenir sur cette décision.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Le rôle de notre audiovisuel extérieur est essentiel, dans un monde où les crises et les conflits se multiplient. Que prévoyez-vous dans le cadre du PLF pour France Médias Monde ?

Qu'est devenue la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce), taxe affectée censée compenser la suppression de la publicité après 20 heures et qui est finalement tombée dans l'escarcelle de Bercy ?

Le secteur du spectacle vivant a beaucoup souffert de la crise énergétique. Les aides exceptionnelles débloquées l'année dernière ont d'ailleurs été appréciées. Le plan « Mieux produire, mieux diffuser » tend cependant à revenir à un volume financier dédié à la production similaire à celui de 2019, à volume d'emplois équivalent. Cet objectif nous semble inatteignable compte tenu de l'augmentation constante des charges salariales, du taux de l'inflation et de la crise énergétique. Par ailleurs, comment renforcer la place de la musique dans les établissements publics du spectacle vivant ?

Je vous remercie, madame la ministre, de ne pas avoir suivi la proposition de M. Bargeton de taxer ces structures, financées à 80 % par les collectivités territoriales, pour financer le CNM.

Il existe enfin des inégalités entre les écoles territoriales d'art, comme entre les écoles d'architecture. Les collectivités territoriales voyant leurs ressources fiscales se réduire, ne pourrait-on réfléchir à une dotation globale de fonctionnement spécifique pour les collectivités qui portent un établissement de ce type ?

M. Max Brisson, président. - Je m'associe à cette dernière question.

Mme Sylvie Robert. - Entre une contribution obligatoire des plateformes de streaming au financement du CNM et une contribution volontaire, il y a une décision politique importante à prendre. La première hypothèse représenterait 20 millions d'euros, contre 5 millions d'euros pour la seconde, soit un manque à gagner de 15 millions d'euros. Or les recettes du CNM diminueront en 2024 du fait de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui entraînera l'arrêt de certains grands concerts, au Stade de France par exemple. Les pertes potentielles sont estimées à 8 millions d'euros. Il y a là une bataille à mener, c'est une question de justice fiscale. J'espère que, face à la puissance des plateformes, le Gouvernement choisira la contribution obligatoire.

Les États généraux de l'information ont été percutés par une double actualité : ce qui est arrivé à la journaliste d'investigation Ariane Lavrilleux, et la position prise par la France dans le cadre du règlement européen sur la liberté des médias. Le Gouvernement a poussé pour introduire une exception sur l'interdiction de l'utilisation de logiciels espions à l'encontre de journalistes, au nom de la sauvegarde de la sécurité nationale. Il y a là un besoin de cohérence. On ne peut tenir un discours protecteur des médias à l'échelle nationale, dans le cadre des États généraux de l'information, et oeuvrer en sens inverse au niveau européen. Madame la ministre, le Gouvernement entend-il revenir sur sa position d'ici l'adoption finale du texte pour protéger le secret des sources ?

Mme Monique de Marco. - Dans le prolongement de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), vous avez présenté cette année un budget comportant une fraction de TVA destinée à garantir son financement, fraction qui est certes en augmentation. Je vous rappelle néanmoins la décision rendue par le Conseil constitutionnel à ce sujet, à la suite de la loi de finances rectificative de 2022. En outre, deux députés membres de la majorité ont mis en avant le risque de non-conformité avec le traité franco-allemand qui a permis la création d'Arte. Plus globalement, quel est le cap fixé pour le financement de l'audiovisuel public après 2024 ? Vous pourrez consulter la proposition de loi organique que j'ai déposée avec plusieurs de mes collègues pour garantir l'indépendance de l'audiovisuel public français, et nous pourrons en débattre.

Par ailleurs, vous avez annoncé la tenue d'une Olympiade culturelle dotée d'un budget de 4 millions d'euros en 2024, avec pour objectif de poursuivre le dialogue entre le sport et la culture engagé depuis 2022. Or nous vous alertons, depuis janvier 2023, quant aux impacts des jeux Olympiques (JO) sur l'ensemble du tissu culturel français, notamment sur le spectacle vivant, qui dépend fortement de la vie festivalière. Certains projets culturels semblent menacés en 2024, par la mobilisation des forces de l'ordre comme des moyens humains et matériels de l'événementiel. Quels moyens avez-vous budgétisés pour compenser ces pertes ?

Mme Agnès Evren. - Je souhaite revenir sur le financement du CNM dans la mesure où une série d'amendements ont été déposés en vue d'instaurer une taxe sur le streaming. Une telle taxe alourdirait d'abord la fiscalité pesant sur des services qui font d'ores et déjà l'objet d'un taux de TVA de 20 %. Elle pénaliserait, ensuite, les leaders de l'abonnement, c'est-à-dire des acteurs européens dont les marges sont inexistantes. Enfin, son instauration reviendrait à passer sous silence les répercussions sur les acteurs les plus fragiles, sur les ayants droit et sur les consommateurs.

Vous avez confirmé explorer la piste d'une contribution volontaire des plateformes et des ayants droit. Cette solution présenterait le double avantage d'être opérationnelle dès 2024 et de maîtriser la répercussion des efforts consentis sur chaque maillon de la chaîne de valeur. Quel calendrier envisagez-vous afin de parvenir à un accord sur cette contribution volontaire ?

Mme Sonia de La Provôté. - J'appuie les propositions de mes collègues concernant la nécessité d'un schéma de financement complet et pérenne du CNM. 

Je suis d'ailleurs plutôt favorable à une taxe proposée par des amendements déposés à l'Assemblée nationale, mais qui n'ont pas été retenus à la suite du recours à l'article 49-3 de la Constitution. Le combat continue, et menons-le ensemble ! Le CNM a fait preuve de son utilité, il s'avère être un outil essentiel pour la filière. La question de son financement, et donc de cette taxe, reste donc d'actualité.

Je souhaite évoquer la crise sans précédent que subissent les scènes de musiques actuelles (Smac) en raison de l'inflation ainsi que de la hausse des cachets des artistes et des coûts de production. Ainsi un grand nombre de ces salles se trouvent-elles dans une situation déficitaire : certains syndicats indiquent que 20 % à 30 % de leurs adhérents sont dans ce cas. Un effort a certes été fourni en leur faveur, mais ces salles doivent arbitrer entre de grosses productions et leur rôle essentiel en matière de soutien à la création.

Envisagez-vous apporter une aide à destination des Smac ? Dans ces moments difficiles, il est nécessaire de conforter leur mission de soutien aux productions fragiles et aux artistes émergents.

Concernant le pass Culture, nous avons déjà interrogé le ministre de l'éducation nationale, qui s'est réjoui de mener avec vous ce chantier. Si le montant alloué au pass est en hausse, la feuille de route de cet outil - au service d'une politique culturelle - manque de lisibilité, notamment sur l'éducation artistique et culturelle (EAC).

L'éditorialisation est certes intéressante, mais la médiation l'est encore davantage. D'une part, on ne comprend pas comment les jeunes utilisent le pass Culture hors milieu scolaire, et, d'autre part, cet outil ne crée pas de diversité dans l'offre culturelle, alors qu'il aurait pu l'accompagner.

Par ailleurs, quid du renforcement des unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap) ? Celles-ci sont indispensables pour l'accompagnement des petites communes, en complémentarité avec l'accompagnement du petit patrimoine.

Enfin, votre position a-t-elle évolué quant à l'assistance à maîtrise d'ouvrage auprès des architectes des Bâtiments de France, un besoin exprimé par les collectivités et par les maires ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Je salue l'augmentation des crédits alloués aux études et travaux des sites patrimoniaux remarquables (SPR), qui traduit un soutien à ce dispositif créé en 2016 et qui bénéficie à quelque 900 communes. Toutefois, ces dernières ont besoin d'être accompagnées par les personnels des Udap, en nombre insuffisant. Pourtant, l'importance des SPR est reconnue dans le cadre des politiques de revitalisation des centres historiques et de réhabilitation des logements, y compris dans les programmes Action coeur de ville et Petites villes de demain. Il faudrait donc renforcer les effectifs des Udap, les besoins étant estimés entre 100 et 150 agents supplémentaires.

Le DPE n'est toujours pas adapté au bâti ancien. Les associations de sauvegarde du patrimoine que nous avons auditionnées ont indiqué que les fenêtres du XVIIIe siècle ont disparu, que les portes de la même époque sont en voie d'extinction et que les boiseries et lambris sont également menacés. Le Gouvernement doit revoir sa copie sur ce point.

Le fonds incitatif et partenarial connaît lui une hausse. Vous avez dit qu'il bénéficie à de nombreuses communes de moins de 2 000 habitants propriétaires de monuments historiques et dont les ressources sont faibles, mais il s'avère qu'il peut aussi bénéficier à des propriétaires privés de monuments historiques situés dans ces communes. Le soutien qui leur est apporté représenterait ainsi 18 % de la dotation du fonds.

Je ne remets aucunement en cause les besoins de soutien de ces propriétaires privés, mais je m'interroge sur les modalités et critères d'éligibilité à ce fonds, car la taille et les ressources de la commune d'implantation ne semblent pas être un critère pertinent pour évaluer les moyens financiers dont dispose un propriétaire privé. Par ailleurs, vos services ont-ils établi un bilan complet du FIP depuis sa création ?

Enfin, le plan en faveur des petites églises en péril, même s'il ne relève pas directement du budget du ministère de la culture pour 2024, devra être financé pour compenser les crédits d'impôt prévus à hauteur de 75 % pour les donateurs. Pouvez-vous préciser les modalités de ce financement et leurs impacts éventuels sur certaines lignes budgétaires du patrimoine ?

Mme Anne Ventalon. - Je souhaite revenir sur les annonces du Président de la République en faveur du patrimoine religieux et salue à cet égard le lancement de la collecte nationale via la Fondation du patrimoine, ainsi que la défiscalisation qui en découle.

Je m'interroge sur les mesures interministérielles annoncées dans ce domaine. Plus particulièrement, comment la valorisation des initiatives d'usages compatibles avec l'activité cultuelle au sein de ces lieux de culte se traduira-t-elle ?

M. Adel Ziane. - Je commencerai par un satisfecit concernant la hausse importante du budget alloué aux musées. Cependant, vous l'avez évoqué vous-même, il s'agit d'un budget de transformation, dont une part importante est liée à la rénovation du Centre Georges-Pompidou. La crise sanitaire et économique ainsi que la baisse de fréquentation liée au covid-19 ont malmené le modèle économique des musées. Le ministère de la culture avait alors été au rendez-vous avec le plan de relance, mais la question de son soutien se pose à nouveau alors que l'inflation sévit et que la fréquentation n'a pas retrouvé son niveau de 2019, malgré des chiffres encourageants en 2022. La billetterie étant essentielle pour les musées, cette question est déterminante dans le cadre du travail de prospective lié au budget de transformation : quelles sont les projections du ministère sur ces budgets de fonctionnement, une fois cette part allouée au centre Pompidou soustraite ?

Une autre question a trait aux établissements régionaux, alors que les dépenses d'intervention se stabilisent. Il me semble fondamental de garantir un accompagnement des musées par le ministère dans le cadre des contrats de plan État-Région (CPER), dans un contexte de diminution des capacités budgétaires des villes, des intercommunalités, des départements et des régions, comme le montre le rapport de la Cour des comptes publié ce jour. Quel soutien à ces territoires, désireux de développer leurs musées, mais confrontés à de sérieuses difficultés financières pouvez-vous proposez ?

En outre, je veux souligner la faiblesse du budget alloué à l'acquisition et à l'enrichissement des collections, qui restera en deçà du seuil de 10 millions d'euros. Compte tenu de l'état du marché de l'art et du montant faramineux des oeuvres anciennes, je souhaite savoir comment le ministère se positionne par rapport à cet enjeu.

Concernant la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts qui s'apprête à ouvrir ses portes, quel est le budget de fonctionnement attendu, ainsi que la programmation ? Il faudra faire vivre dignement ce site, dont le coût s'élève à 200 millions d'euros.

M. Jacques Grosperrin. - Nous pouvons tout d'abord nous réjouir de l'augmentation du budget du ministère de la culture à hauteur de 6 %, qui lui permet de retrouver une ambition à la hauteur de la place occupée par la culture dans la société française.

Quelque 15 000 communes, dont 55 % comptent moins de 2 000 habitants, comptent un monument historique sur leur sol. Les SPR revêtent une importance sociale, économique et culturelle dont chacun est conscient, aussi la revalorisation de 20 millions d'euros du FIP constitue-t-elle un signal fort.

Toutefois, à l'instar des édifices religieux, de nombreux édifices appartiennent aux collectivités, qui font peser de nombreux frais sur les mairies.

Vous avez évoqué un budget de transformation et d'inspiration : quelles conséquences en tirez-vous quant à la méthode à employer afin que les différents acteurs - ministères, autorités déconcentrées, élus locaux - travaillent de concert pour la maîtrise d'ouvrage, tant sur le plan financier que sur celui de la rénovation du patrimoine bâti, sachant que l'enveloppe risque d'être insuffisante ?

Mme Mathilde Ollivier. - Pour ce qui est du financement du CNM, l'option la plus ambitieuse, celle de la mise en place de la taxe sur le streaming, aurait dû être portée par les groupes de la majorité à l'Assemblée nationale, mais elle n'a finalement pas été retenue par le Gouvernement dans le PLF après l'utilisation de l'article 49-3 de la Constitution.

Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui ont conduit à écarter cette solution alors que vous avez reconnu que l'option relative aux plateformes vidéo n'est pas véritablement satisfaisante, que l'importance du soutien au CMN n'est plus à démontrer et que l'option de la contribution volontaire sera largement insuffisante ?

Je souscris par ailleurs à l'interrogation de M. Chantrel quant à l'élargissement du pass Culture aux jeunes Français de l'étranger : où en est-il ?

Je partage enfin les inquiétudes exprimées par Mme de Marco au sujet des festivals et concerts dans la perspective des jeux Olympiques. D'habitude hébergés dans les stades et ayant d'importants besoins en termes de sécurité, ces événements sont exposés à des risques de baisse de revenus et à des difficultés d'organisation. Quel soutien prévoyez-vous pour ceux-ci ?

Mme Colombe Brossel. - Le budget alloué à l'EAC enregistre une hausse de 1,5 %, nettement en deçà de l'inflation. Il paraît malaisé d'atteindre les objectifs fixés avec un budget qui sera de fait en régression, alors que nous sommes persuadés que l'EAC constitue l'un des leviers pour créer du commun dans les périodes troublées que nous vivons. Il est impératif d'y consacrer le budget nécessaire.

Pour ce qui concerne le pass Culture, je rappelle d'abord qu'il ne s'agit pas d'une politique publique, mais au mieux d'un outil qui doit se déployer en cohérence avec les autres politiques mises en place.

Quels enseignements tirez-vous du rapport à charge, dirais-je, publié par la Cour des comptes à propos de la mise en oeuvre du pass Culture ? Nous voyons s'exprimer une volonté de renforcer les activités collectives, notamment pour les élèves de cinquième et de sixième, mais, là aussi, cet élargissement pose question compte tenu de la faible progression du budget correspondant.

Enfin, la mise en place de l'application Adage crée une dynamique délétère qui prive des compagnies de théâtre et de spectacle vivant d'interventions qu'elles effectuaient auparavant auprès des élèves, ce qui fragilise le tissu culturel. Ce constat est d'ailleurs partagé par l'ensemble des sénateurs.

M. Jean-Gérard Paumier. - Je tiens à vous alerter, madame la ministre, sur la situation de nombreuses églises qui ne sont ni inscrites ni classées, notamment en milieu rural, et qui nécessitent des travaux urgents et/ou de sécurité. Très attachées à ce patrimoine, les communes éprouvent des difficultés à financer leur entretien. Les Drac, qui peinent déjà à tenir leurs engagements financiers pour les églises classées ou inscrites, ne peuvent pas intervenir. Aussi, je sollicite une intervention de votre part auprès des préfets et des départements. L'échelon départemental semble en effet être le niveau adéquat pour prendre en charge ces travaux. Lorsque j'étais président du département d'Indre-et-Loire, qui possède un patrimoine important, nous avions ainsi, en lien avec le préfet, alloué 200 000 euros à ces travaux urgents, financés à 30 % au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et à 30 % par le département.

La DETR avait produit un effet de levier intéressant en permettant à de petites communes de financer ces travaux urgents, indispensables pour prévenir une dégradation des édifices et des coûts qui s'alourdissent par la suite si la rénovation n'est pas réalisée à temps.

M. Aymeric Durox. - Alors que notre pays s'apprête à accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques, je m'interroge sur l'héritage lié à cet événement. Depuis 2006, il existe un réseau des musées olympiques qui fédère 32 établissements à travers le monde et dont la France ne fait pas partie. Elle compte pourtant des musées dédiés au sport, dont le musée national du sport à Nice et des musées des fédérations, celui du basket par exemple. S'y ajoutent des espaces mémoriaux olympiques installés dans les villes hautes olympiques, à Albertville et Grenoble.

Paris, qui aura accueilli trois fois les JO d'été avec les éditions de 1900, 1924 et bientôt 2024, et vu naître une grande partie du système sportif international, reste dépourvue d'un lieu de valorisation de cet héritage unique.

En 2021, Stéphane Fiévet, alors président de la commission « Histoire » du comité d'organisation des JO de Paris 2024, avait initié un projet de musée olympique dans la gare de Saint-Denis Pleyel, mais l'État comme les collectivités n'ont pas soutenu l'initiative. Le projet n'a pas survécu à la démission de Stéphane Fiévet.

Madame la ministre, la France doit, dans la perspective de sa candidature aux JO d'hiver de 2030, combler son retard et créer un musée olympique qui serait tout à la fois un outil de culture, un lieu de mémoire et une attraction touristique. Un tel espace muséal honorerait la France, berceau de la rénovation de l'olympisme, et repositionnerait notre pays au sein du réseau de la culture olympique.

Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Dans le cadre de l'Olympiade culturelle, nous engagerons 4 millions d'euros en 2024 - qui viennent s'ajouter aux 3 millions d'euros déjà alloués en 2023 - pour monter des projets culturels et sportifs sur l'ensemble du territoire. Cette mobilisation inédite des forces vives de la culture et du sport permettra de constituer un héritage important, qui s'appuie déjà sur des spectacles organisés dans des piscines et des gymnases à l'occasion des Journées du patrimoine.

Ces collaborations se poursuivront sur la durée, l'Olympiade culturelle ne se déroulant pas sur quelques mois, mais sur deux ans et demi. La France dispose déjà d'un tissu culturel extrêmement riche et d'un très beau musée à Nice, je ne suis donc pas persuadée qu'il faille créer d'autres établissements.

En revanche, je suis favorable à un resserrement des liens entre la culture et le sport : l'Olympiade culturelle a permis cette collaboration et l'appuiera encore plus dans les prochains mois. Je pense que cette collaboration de long terme entre les deux champs de la culture et du sport, qui partagent de nombreuses valeurs et ambitions, sera un héritage puissant.

Concernant le pass Culture, le rapport de la Cour des comptes n'est pas tant à charge : il revient certes sur les balbutiements de l'outil lors de son lancement par Mme Nyssen, mais souligne sa pertinence en tant que moyen d'accès à la culture, en levant notamment les barrières pour les jeunes. Ces dernières ne sont pas uniquement financières puisqu'il peut s'agir de la connaissance de la librairie du coin ou de l'envie de s'y rendre, sans oublier les dispositifs déployés en termes de médiation, de parcours et de découverte des métiers. Le pass Culture n'est pas à mes yeux un simple outil de consommation de livres ou de places, mais un vecteur d'engagement des jeunes, afin qu'ils deviennent acteurs de notre vie culturelle, en étant, par exemple, reporters dans des festivals.

J'ajoute que 700 actions ont été mises en oeuvre dans le cadre du plan en faveur des métiers d'art, afin que les jeunes les découvrent. Le pass Culture évolue, en se nourrissant des propositions des jeunes eux-mêmes. Nous avons créé un réseau d'ambassadeurs fort de 400 jeunes sur l'ensemble du territoire : ces derniers relaient les actions menées dans le cadre du pass culture, inspirent l'équipe dédiée et contribuent à développer ce dispositif.

Je connais l'engagement de Mme Brossel sur l'enjeu de permettre à chaque jeune d'avoir accès à une expérience d'EAC au cours de sa scolarité. D'ailleurs, malgré les ralentissements entraînés par la crise sanitaire, l'objectif « 100 % EAC à l'école » a été atteint à hauteur de 80 %.

Je précise, en outre, que l'effort de l'État ne se résume pas aux budgets du ministère de la culture dédiés à l'EAC et au pass Culture. Il faut en effet y ajouter les 50 millions d'euros consacrés au pass Culture par le ministère de l'éducation, mais aussi le budget des opérateurs et des structures labellisées par le ministère de la culture, qui mènent des actions tournées vers l'EAC.

Par exemple, le dispositif Démos créé par la Philharmonie de Paris figure au budget de cet établissement et n'apparaît pas dans le budget EAC du ministère. Il en va de même pour l'opération annuelle « C'est mon patrimoine ! », qui permet d'emmener des jeunes notamment issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à la découverte du patrimoine, ou encore du Musée Mobile (Mumo) du Centre Pompidou, qui fait escale en priorité dans les QPV et les petits villages.

Pour ce qui concerne l'élargissement du pass Culture aux Français de l'étranger, nous travaillons d'arrache-pied à tenir cet engagement, en lien avec le ministère des affaires étrangères. Il est toutefois complexe de mettre en oeuvre cette application dans plusieurs dizaines de pays. Nous nous appuierons sur notre réseau culturel en mobilisant les Instituts français et les Alliances, ainsi que les consulats qui connaissent nos compatriotes vivant dans une situation sociale difficile. Nous tâcherons de mettre au point des propositions impliquant ce réseau, tout comme les librairies francophones, qui jouent un rôle essentiel à l'étranger et que nous soutenons d'ailleurs via le CNL. Nous envisageons dans un premier temps de débloquer le pass Culture dans l'Hexagone lorsque les Français de l'étranger s'y rendent. Plusieurs hypothèses sont envisagées : il pourrait s'agir d'un bon à retirer dans un Institut français ou un consulat, nous continuons à consulter l'ensemble des acteurs afin d'identifier la meilleure solution.

S'agissant des visas, je m'inscris en faux contre l'affirmation selon laquelle nous aurions suspendu les coopérations. Nous avons été confrontés en août dernier à une situation d'incapacité à travailler avec les pays africains en proie à des troubles, pour des raisons matérielles, mais aussi en raison d'attaques qui ont ciblé les équipes françaises, entraînant une restriction, voire une fermeture de nos services délivrant des visas.

Si vous connaissez des artistes qui seraient encore bloqués en raison d'un problème de visa, n'hésitez pas à m'en faire part directement afin que nous en discutions. Nous avons pu, avec le Quai d'Orsay, trouver des solutions, en délivrant, par exemple, des visas à des basketteuses maliennes qui devaient participer à l'Olympiade culturelle.

Les projets de coopération sont rendus difficiles dans un pays tel que le Niger, dans lequel notre ambassade a fermé. La coopération doit fonctionner dans les deux sens : il est évidemment hors de question de dire que les artistes nigériens ne sont plus les bienvenus en France, terre d'accueil, d'échange et d'ouverture ; mais les artistes français devraient pouvoir se rendre au Niger si une véritable coopération, qui se construit à deux, était de mise. Or, à ce stade, ce n'est pas envisageable au vu des dangers que pourraient encourir des associations culturelles et des artistes qui se rendraient dans des pays dans lesquels la France est directement menacée. L'Institut français de Ouagadougou a été incendié, souvenons-nous-en ! La situation géopolitique est désormais très difficile au Burkina Faso et au Mali, pays avec lesquels nous avons - plus encore qu'avec le Niger - toujours mené des actions de coopération.

Je citerai un dernier exemple pour démontrer que nous continuons à délivrer des visas : nous avons organisé, du 6 au 8 octobre, un grand forum des industries culturelles et créatives africaines à la Gaîté lyrique, au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et au Centre Pompidou, auquel près de 300 artistes venus d'une trentaine de pays ont participé. Cet événement a été l'occasion de porter l'ambition de cette coopération renforcée avec l'Afrique, au coeur de notre politique depuis le discours prononcé par le Président de la République à Ouagadougou. Une ambition que l'on retrouvera d'ailleurs à la Cité internationale de la langue française, qui accueillera en résidence des artistes venant de l'ensemble du monde francophone.

Je le répète, je vous assure qu'il n'existe aucune instruction de suspension ou de refus de visas, mais nous rencontrons simplement des difficultés logistiques face à une situation sécuritaire particulièrement dégradée dans ces pays.

Dans ce contexte, l'audiovisuel extérieur revêt, Madame Morin-Desailly, une importance absolue. Dans certains pays africains, la milice Wagner et la Russie organisent, financent et mènent une véritable guerre informationnelle. C'est pourquoi nous proposons une hausse de 40 millions d'euros sur cinq ans des crédits alloués à France Médias Monde. Nous devons mieux nous armer face aux campagnes de désinformation et porter la voix de la France, tout en respectant bien sûr l'indépendance des journalistes. Nous continuerons également d'innover en matière numérique, de décliner la stratégie régionalisée et de promouvoir la francophonie dans un monde multilingue.

Je veux vous rassurer sur un point : si la Toce a bien été réinjectée dans le budget général de l'État, l'audiovisuel extérieur bénéficie toujours d'un canal de financement, grâce à la fraction de TVA et au compte de concours financier pour l'audiovisuel public. En tout état de cause, son budget n'est pas en baisse.

En ce qui concerne le spectacle vivant, les structures les plus fragilisées pourront bénéficier de nouvelles aides anti-inflation, 75 millions d'euros étant consacrés, au sein du budget général du ministère de la culture, à la lutte contre l'inflation.

Au-delà, nous souhaitons amorcer une transformation structurelle grâce au plan « Mieux produire et mieux diffuser ». Notre but est, non pas de soutenir moins d'artistes, mais de réduire le rythme des créations. Il s'agit de mieux produire, avec des coproducteurs engagés, et de favoriser des diffusions plus longues. En d'autres termes, nous voulons étaler le même nombre de productions dans la durée, afin de toucher un public plus large et de rationaliser les tournées d'un point de vue écologique.

Nous sommes bien conscients des inégalités qui frappent les écoles d'art et d'architecture. Nous devons concentrer nos efforts sur les écoles les plus fragiles, sans pour autant abandonner les plus dynamiques. Nous avons prévu un phasage en trois ans pour résoudre ces difficultés.

Le calendrier du ministère sera naturellement marqué par celui du Sénat. Pour ma part, j'ai noté la date du 15 novembre ; nous verrons alors si la contribution volontaire atteint des niveaux satisfaisants par rapport à l'objectif qui a été fixé. Le débat reste ouvert à ce stade.

Sylvie Robert a raison : l'année 2024 sera particulière, en raison notamment de la mise à disposition de salles pour les jeux Olympiques. Cela réduira mécaniquement le produit de la taxe billetterie.

En matière de patrimoine, les préfets ont, à l'évidence, un rôle à jouer. J'ai pu le constater dans la Somme, où des crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ont été mobilisés à hauteur de 4 millions d'euros en une année seulement pour soutenir près de 100 opérations de restauration d'églises. Avec Gérald Darmanin, nous avons décidé de mobiliser les préfets sur ces crédits, qui peuvent être fléchés également vers des restaurations d'églises non protégées. Naturellement, les églises inscrites ou classées pourront bénéficier des subventions du ministère. Par ailleurs, la collecte nationale de la Fondation du patrimoine est lancée et je vous rappelle que le Loto du patrimoine permet également de soutenir la restauration d'édifices cultuels non protégés.

Je voudrais vous remercier de votre plaidoyer en faveur des Udap, dont le rôle est en effet essentiel. Afin de pourvoir en urgence les postes vacants, nous avons programmé de nouveaux concours. Il est aussi possible, pour épauler nos architectes des Bâtiments de France, de recourir à des architectes contractuels. Parallèlement, nous travaillons au renforcement de l'expertise technique des Udap, au redéploiement d'emplois administratifs vers des emplois scientifiques et techniques ou encore à l'amélioration de la dématérialisation des procédures.

Vous m'avez interrogé sur le FIP. Les propriétaires privés peuvent en bénéficier, mais par propriétaire privé, il ne faut pas entendre nécessairement châtelain richissime ! Le château de Vaux-le-Vicomte, par exemple, a pu bénéficier du FIP. Les critères de sélection sont notamment l'apport du conseil régional - à hauteur de 15 % minimum -, l'intérêt patrimonial du chantier ou encore l'ouverture au public. Il s'agit de s'assurer que le site est bien porteur d'un projet d'attractivité et de développement du territoire.

J'en viens au très beau sujet des usages compatibles. Restaurer les églises au coeur du village ne vise pas seulement à faire tenir les pierres debout, il s'agit aussi de les faire vivre. L'activité cultuelle peut donc être complétée par une activité mixte, lorsque ces activités sont compatibles et qu'elles recueillent l'accord du diocèse. Dans le cadre de sa collecte, la Fondation du patrimoine sera particulièrement attentive à ce critère de sélection. Elle a d'ailleurs lancé un prix, le prix Sésame, qui récompense les initiatives d'usage mixte. Bibliothèque, épicerie solidaire, activités de découverte de métiers d'arts ou encore restauration de vitraux sont autant d'usages nouveaux qui peuvent rendre ces lieux de culte de nouveau attractifs et revitaliser les édifices comme les territoires.

Je précise que 10 % des sommes issues de la collecte seront fléchées vers l'ingénierie, notamment en faveur des plus petites communes, qui connaissent souvent des difficultés pour assurer la maîtrise d'ouvrage.

La Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts a été citée. Je vous invite à la visiter dès son ouverture, prévue le 30 octobre. Vous pourrez y apprécier la qualité de la restauration effectuée, en quatre ans, par le Centre des monuments nationaux. Ce chantier colossal - alors conseillère culture à l'Élysée, j'ai pu voir les lieux, à la fin de 2019, dans un état de délabrement total consécutif à des dizaines d'années d'abandon - a pu être accéléré grâce aux crédits du plan de relance. Nous avons même pu prendre en charge le clos et le couvert d'une partie du château que nous n'avions pas l'intention de restaurer initialement. Cela facilitera l'arrivée de partenaires privés, et notamment l'ouverture d'un hôtel et d'un restaurant à proximité du château.

Le système de péréquation entre les monuments, propre au CMN, permettra de sécuriser financièrement le développement de la Cité internationale de la langue française. Le projet a également bénéficié de l'aide d'autres partenaires, parmi lesquels l'Organisation de la francophonie ou le Québec, dont je salue l'engagement à hauteur de 2 millions d'euros. D'une manière générale, les équipes de Villers-Cotterêts pourront s'appuyer sur les fonctions support et sur la magnifique expertise des agents du CMN.

Enfin, Mme Sylvie Robert a soulevé les questions de la liberté de la presse et de la sécurité des sources. En la matière, nous devons concilier deux exigences constitutionnelles : la préservation de la sécurité nationale d'une part - certains dossiers sont classés secret-défense - et la liberté de la presse, garantie par la loi de 1881, d'autre part.

À cet égard, nous restons particulièrement vigilants. En tant que ministre de la culture, je ne peux que saluer l'engagement des journalistes, parfois au péril de leur vie, pour nous apporter les informations les plus fiables et les plus objectives possible. Les États généraux de l'information permettront de débattre de ces sujets.

M. Adel Ziane. - Qu'en est-il des crédits d'acquisition ?

Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Je vous confirme qu'ils sont stables. Heureusement, nous bénéficions de l'aide de mécènes généreux. Favoriser le mécénat - au travers du dispositif « Trésor national » par exemple - est une autre manière, pour l'État, d'apporter son soutien. Nous avons pu ainsi empêcher le départ à l'étranger du magnifique Caillebotte, La Partie de bateau, actuellement exposé en itinérance au Musée des Beaux-Arts de Lyon.

Les crédits d'acquisition sont un enjeu important, mais nous avons dû faire des arbitrages et avons privilégié notamment les revalorisations salariales, la lutte contre l'inflation ou encore les travaux pour améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments.

Mme Monique de Marco. - Je voudrais revenir sur le traité franco-allemand et sur la situation d'Arte.

Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Vous trouverez à la fin du dossier de presse du ministère le détail, année par année, de la trajectoire financière de l'audiovisuel public, y compris de la chaîne Arte.

J'étais à Hambourg récemment et, avec mon homologue allemande, nous avons réaffirmé nos engagements en faveur d'Arte et de la plateforme européenne multilingue que cette chaîne entend développer.

M. Max Brisson, président. - Je vous remercie, madame la ministre, de vos réponses.


* 1 Voir le rapport pour avis de Jérémy Bacchi : https://www.senat.fr/fileadmin/Commissions/Culture_Education_Communication/2023-2024/EssentielPLF2024_Cinema.pdf

* 2 https://www.senat.fr/rap/a22-120-44/a22-120-44.html

* 3 La commission d'enquête sur la concentration dans les médias y a consacré une table ronde le 16 février 2022 qui expose l'ensemble des inquiétudes des différentes parties prenantes : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220214/ce_medias.html#toc4

* 4  https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Livre-et-lecture/Actualites/Remise-du-rapport-de-Sylvie-Robert-sur-l-adaptation-et-l-extension-des-horaires-d-ouverture-des-bibliotheques-publiques-de-France

* 5  https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Voyage-au-pays-des-bibliotheques.-Lire-aujourd-hui-lire-demain

* 6 https://www.senat.fr/rap/r19-581/r19-581.html

* 7 https://www.senat.fr/salle-de-presse/202105/bibliotheques-et-developpement-de-la-lecture-publique.html

* 8  https://videos.senat.fr/video.3039626_634f951450b4a.table-ronde-sur-la-situation-du-centre-national-de-la-musique-

* 9 https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/06/21/la-france-grande-nation-musicale

* 10 https://videos.senat.fr/video.4096442_6537e7524a4e7

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