EXAMEN EN COMMISSION

JEUDI 16 NOVEMBRE 2023

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M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons aujourd'hui l'avis préparé par Yan Chantrel sur les crédits alloués à la jeunesse et à la vie associative au sein du projet de loi de finances pour 2024.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative. - Je salue Jacques-Bernard Magner auquel je succède à ce poste.

Le programme 163 est doté de 901,1 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024. Les crédits connaissent une nouvelle augmentation de 64 millions d'euros, soit plus de 7,5 % par rapport à l'année dernière.

De prime abord, il semble que l'on ne pourrait que s'en féliciter. Néanmoins, une analyse plus précise des crédits conduit à être beaucoup plus nuancé.

En effet, cette hausse de plus de 64 millions des crédits s'explique en grande partie par la création d'une enveloppe de 40 millions d'euros en faveur du dispositif des colos apprenantes, financé depuis sa création en 2020 par un redéploiement de crédits. Je me réjouis grandement de la pérennisation de ce dispositif qui fonctionne : les colos apprenantes permettent chaque année de faire partir plus de 70 000 jeunes en colonies de vacances, avec une double ambition pédagogique et de mixité sociale remarquable.

Je regrette toutefois que la création de cette enveloppe ne s'accompagne pas d'une augmentation des moyens consacrés aux colos apprenantes, déjà financées à hauteur de 40 millions d'euros en 2023.

Car si le secteur des accueils collectifs de mineurs reprend des couleurs après la chute du nombre de départs durant la crise sanitaire, il n'en demeure pas moins essentiel de poursuivre les efforts en la matière pour permettre à davantage d'enfants de partir en colonies de vacances. Dans cette perspective, il est impératif d'inscrire le départ en colonie de vacances dans un parcours citoyen plus large visant l'accès de tous à des accueils de loisirs de qualité, à commencer par la promotion des classes de découverte. Je déplore en effet le désintérêt du Gouvernement pour ces séjours scolaires, qui contribuent pourtant grandement à la construction et à l'émancipation des jeunes enfants. Il est indispensable de mettre en place une politique claire en la matière pour encourager les établissements scolaires à organiser ce type de séjours.

S'agissant des nouveaux crédits octroyés au programme 163, la majorité demeure cette année encore largement absorbée par le déploiement du service national universel (SNU), à hauteur de 20 millions d'euros. Pourtant, la mise en oeuvre du SNU soulève toujours de nombreux questionnements sur lesquels je reviendrai.

En parallèle, deux autres dispositifs voient leurs crédits augmenter pour 2024.

Tout d'abord, le mentorat bénéficie d'un abondement de 5 millions d'euros, soit un budget total de 32 millions d'euros pour 2024. Je salue cette hausse bienvenue en faveur d'un mécanisme efficace, qui a permis d'accompagner plus de 150 000 jeunes en 2022. Le mentorat mériterait toutefois d'être mieux valorisé, notamment à l'école, pour permettre aux jeunes les plus éloignés du dispositif d'en bénéficier dès leurs premières difficultés. Pour cela, j'encourage le Gouvernement à mettre en place au plus vite des « référents mentorat » dans chaque académie, pour promouvoir le dispositif et faire le relais entre les établissements et les associations sur nos territoires. Le mentorat gagnerait également à être mieux articulé avec les autres mécanismes dont la raison d'être reste l'accompagnement des jeunes, comme les cordées de la réussite et le parrainage vers l'emploi, pour gagner en efficacité.

Par ailleurs, les crédits orientés vers la simplification associative augmentent de 5,1 millions d'euros, afin d'étendre à six nouvelles régions l'implantation du réseau Guid'Asso, et développer les plateformes numériques de la vie associative, notamment le site jeveuxaider.fr.

Si je salue le déploiement du réseau Guid'Asso, essentiel pour accompagner les associations au plus près du terrain, je suis beaucoup plus réservé sur le renforcement des crédits en faveur des plateformes.

En effet, le secteur associatif est aujourd'hui doublement sous tension.

D'une part, il est fragilisé par le contexte inflationniste qui entrave le fonctionnement des associations, qu'il s'agisse de la hausse des charges, des effets sur les ressources humaines, ou de l'impact sur leurs ressources financières ; 38 % des associations ont dû adapter voire annuler leurs activités à cause de l'inflation en 2022.

D'autre part, le secteur est aussi confronté à une recomposition profonde des pratiques bénévoles, de par l'engagement croissant des moins de 35 ans et le repli continu des plus de 65 ans, et le développement d'un bénévolat plus ponctuel et irrégulier.

Je m'interroge donc sur la pertinence du renforcement des crédits en faveur des plateformes de mise en relation entre associations et bénévoles qui incitent à un engagement plus éphémère. Il me semblerait plus pertinent au contraire de renforcer au plus vite le soutien aux associations sur le terrain pour remobiliser les bénévoles les plus âgés et encourager davantage les formes d'engagements qui s'inscrivent dans la durée.

À ce titre, je serai particulièrement vigilant à ce que le Gouvernement, qui a annoncé qu'il déposerait un amendement au projet de loi de finances pour faire progresser la quote-part des comptes inactifs attribués au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) de 20 % à 40 %, tienne son engagement. Il est urgent de soutenir et accompagner davantage les associations en renforçant les dispositifs d'aide à leur disposition, pour les aider à pérenniser leurs actions sur le terrain. J'attire également votre attention sur la nécessité de revaloriser au plus vite le montant des postes Fonjep (fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire), qui n'ont connu aucune augmentation depuis leur mise en place en 2011. La subvention annuelle octroyée pourrait être portée à 10 000 euros, comme cela a été fait pour les postes Fonjep relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la période 2024-2026.

J'aimerais maintenant revenir au service national universel. Cette nouvelle augmentation des moyens octroyés au dispositif pose question, alors même que l'objectif de 64 000 jeunes en 2023 a été revu à la baisse avec seulement 40 000 participants au séjour de cohésion au cours de l'année écoulée.

Plus encore, l'ensemble des crédits octroyés pour 2023 n'a cette année encore pas été consommé, une partie des crédits ayant été réemployée pour déployer les dispositifs colos apprenantes et « 1 jeune, 1 mentor ».

Dans ces conditions, un nouvel abondement en faveur du SNU pour permettre l'accueil de 80 000 jeunes en 2024 me paraît totalement injustifié, alors même que d'autres dispositifs qui ont fait leurs preuves, comme le service civique, voient leurs crédits stagner pour l'année prochaine.

Je m'interroge d'autant plus sur cette nouvelle montée en puissance du service national universel que les contours mêmes du dispositif ne sont toujours pas clairs. Alors que les séjours de cohésion étaient jusqu'à présent organisés pendant les vacances scolaires, le Gouvernement a annoncé un changement de pratique considérable pour l'édition 2024 avec la mise en place de séjours sur le temps scolaire. Or, outre le fait que ce changement de paradigme induira indéniablement une diminution du temps consacré aux enseignements fondamentaux, une telle perspective risque aussi de multiplier les difficultés déjà rencontrées, notamment en matière d'encadrement et d'hébergement.

Après quatre années de déploiement du dispositif, je suis particulièrement inquiet de constater que les modalités précises de montée en charge à court terme ne cessent d'évoluer sans qu'une feuille de route pluriannuelle ait été définie en amont.

Pour terminer, je souhaiterais vous faire part de mes doutes quant à l'éventuelle généralisation du dispositif à court terme, annoncée par le Gouvernement - le ministre Gabriel Attal a dit qu'il y était favorable lors de son audition.

Premier constat : le coût par jeune d'un séjour ne cesse d'augmenter. Alors qu'il s'élevait à 2 274 euros par jeune en 2022, il est estimé à environ 2 500 euros par jeune en 2023.

Dans l'hypothèse d'une généralisation à court terme, les estimations oscillent entre un coût annuel de 1,5 milliard à 3 milliards d'euros pour accueillir les 800 000 jeunes de chaque classe d'âge, auquel il faudra ajouter les éventuels investissements en matière de transports et d'infrastructures.

En effet, l'hébergement influence grandement le coût des séjours par jeune. Or, la montée en charge du dispositif nécessitera la disponibilité de nombreux locaux sur l'ensemble du territoire. Il apparaît cependant aujourd'hui difficile de bénéficier à court terme de suffisamment de locaux adaptés à l'organisation des séjours pour absorber un flux aussi important de jeunes.

Au vu de ces éléments, je m'interroge fortement sur le rapport coût-bénéfice du dispositif et sur la soutenabilité du service national universel dans les années à venir, au regard des ambitions affichées par le Gouvernement et des réalités de terrain.

Par ailleurs, une autre inquiétude porte sur la question de l'encadrement des séjours.

Deux autres constats préoccupants doivent être relevés.

Le nombre très élevé d'encadrants engagés via le contrat d'engagement éducatif - 92 % en 2023 contre 90 % en 2022 - est particulièrement inquiétant en raison du caractère précaire de ce type de contrats, inadaptés aux modalités d'organisation des séjours de cohésion.

La formation des encadrants est encore insuffisante, malgré les efforts faits en la matière : les personnels encadrants bénéficient d'une formation préalable de cinq à huit jours selon qu'il s'agit du premier ou du second séjour. Or une formation trop expresse peut fortement altérer la qualité des séjours.

Depuis l'organisation des premiers séjours de cohésion, le SNU fait également face à des difficultés de recrutement, qui font écho à la crise que traverse depuis plusieurs années le secteur de l'animation.

Plus de 72 % des structures et associations du secteur de l'animation ont déclaré avoir eu des difficultés de recrutement en 2023, alors que le métier d'animateur souffre d'un vrai manque d'attractivité. La montée en charge du dispositif ne pourra être assurée sans que de véritables réponses soient apportées pour répondre à la crise du secteur de l'animation.

Je conclurais donc en rappelant que les crédits du programme 163 sont en augmentation pour 2023. Néanmoins, je suis particulièrement sceptique sur la répartition des nouveaux crédits attribués, cette année encore très majoritairement absorbés par le SNU au détriment des nombreux autres dispositifs du programme, qui ont fait leurs preuves.

C'est la raison pour laquelle je propose de donner un avis défavorable au programme 163.

M. Max Brisson. - Je m'exprime au nom de mon collègue Cédric Vial, qui dans notre groupe suit les dossiers concernant la jeunesse et la vie associative.

Encore une fois les crédits proposés au PLF2024 pour le programme 163 sont décevants. Ce programme relève du trompe-l'oeil, comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport, et dénote une absence de politique globale de la jeunesse.

Sur les crédits en eux-mêmes, nous approuvons le très fort réquisitoire développé par notre rapporteur Yan Chantrel concernant la mise en oeuvre du SNU. Une enveloppe de 160 millions d'euros y est consacrée, en hausse de 20 millions d'euros, alors que nos interrogations à son sujet ne sont toujours pas levées.

La généralisation du SNU qui nous avait été promise en 2023 n'a finalement pas eu lieu. Nous regrettons des informations contradictoires et une situation qui reste obscure. Par ailleurs, l'objectif annoncé s'apparente à la planification du Gosplan - l'année dernière, seuls 40 000 jeunes se sont inscrits, alors que l'objectif était de 64 000 !

Le SNU est censé favoriser l'engagement. Or les retours des enquêtes réalisées auprès des jeunes sont édifiants : si 70 % des inscrits se disent satisfaits des activités physiques et sportives, seuls 13 % le sont par la thématique de la découverte de la citoyenneté et des institutions qui leur a été proposée - un hiatus qui marque le fiasco du dispositif.

En ce qui concerne le service civique, l'enveloppe reste stable, avec un objectif de 150 000 volontaires, identique à celui de 2023. Selon l'Agence du service civique, il est préférable de stabiliser le dispositif plutôt que d'essayer de le développer - tout est dit ! Aussi, nous nous interrogeons sur la pérennité de ce dispositif concurrencé par le déploiement, pour l'instant laborieux, du SNU.

Je terminerai en évoquant les crédits concernant les associations. Nous nous réjouissons bien évidemment de la hausse de 10 % des crédits qui leur sont dédiés. Toutefois, nous regrettons que la dotation du FDVA n'évolue pas ; nous savons à quel point il est essentiel pour les petites associations locales de nos territoires. Autrefois alimenté par la réserve parlementaire, ce qui permettait un dialogue entre les élus et les responsables d'associations, le financement des projets de ces dernières a été en quelque sorte recentralisé et repris en main par l'administration.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains émettra un avis défavorable sur les crédits du programme 163, et suivra l'avis du rapporteur.

Mme Annick Billon. - À l'écoute du rapport de M. Chantrel, il semblerait que nous soyons face à une boîte à outils dont nous ne maîtrisons pas les tenants et les aboutissants. Elle est certes composée de très bonnes idées - je pense aux classes découvertes, au mentorat ou encore aux cordées de la réussite -, mais mis en place sans réelle logique, avec un contenu encore flou et méconnu, ces dispositifs n'atteignent pas leur cible. C'est le cas du mentorat et des classes découvertes, qui dans bien des territoires sont censés bénéficier de l'appui des collectivités locales. A-t-on une estimation de la participation des collectivités ?

J'observe un réel manque de soutien pérenne au monde associatif dans ce budget - même s'il est en légère hausse de 7,5 %. Or, pour être nous-mêmes au contact des associations dans les territoires, nous savons à quel point il est important de proposer des actions nombreuses et adaptées aux publics concernés. L'effort doit être soutenu, ce qui n'est pas le cas dans ce PLF 2024.

Sur le SNU, des budgets significatifs lui sont encore et toujours consacrés, alors que les crédits n'ont pas été entièrement consommés.

Après avoir assisté à une après-midi dédiée aux activités d'un SNU au collège Rosa Parks de La Roche-sur-Yon, mon sentiment est partagé. J'ai été à la fois enthousiasmée par l'allégresse qui émanait de tous ces jeunes venus d'horizons différents et déstabilisée par l'incohérence des activités entre elles. Une formation sur la gestion d'un budget leur a été présentée par une association liée à la Banque de France, suivie d'un cours de sensibilisation aux violences sexuelles et sexistes mené par l'association Colosse aux pieds d'argile, dont les animateurs ont dû faire face à la prise de conscience difficile de la part de certains jeunes qu'ils étaient victimes d'agressions sexuelles. Les intervenants sont-ils suffisamment formés à ces situations ? Cet espace d'écoute est-il vraiment adapté ?

Par ailleurs, il n'est pas admissible que le SNU ait un contenu à géométrie variable en fonction des territoires et des intervenants. Tant que le contenu et les intervenants du SNU ne sont pas mieux cadrés, on ne peut généraliser un tel dispositif. J'ai été surprise de la réponse de Gabriel Attal sur les cours d'éducation à la sexualité lors de son audition la semaine dernière.

C'est pourquoi le groupe Union Centriste suivra l'avis défavorable de M. le rapporteur.

Mme Laure Darcos. - Le Gouvernement ne porte pas assez attention au fait qu'il faille redonner à cette jeunesse qui va mal les moyens de vivre ensemble. Nous faisons face en Essonne à des rixes extrêmement violentes entre jeunes. Le département et les communes déploient des moyens pour leur apprendre à vivre ensemble, mais la violence est malheureusement partout, et pas seulement dans des villes comme Grigny ou Corbeil.

Contrairement à votre avis, monsieur le rapporteur, je suis pour rendre le SNU obligatoire. Pour avoir suivi toutes les promotions de mon département chaque année depuis sa création, j'ai constaté que les volontaires qui s'y inscrivent sont pour la plupart des enfants de médecins, de pompiers ou encore de policiers, déjà sensibilisés à la notion d'engagement. Excepté une fois, où j'ai assisté avec émotion à l'expérience de jeunes qui se sont inscrits au SNU par erreur. Malgré des premiers jours difficiles, ces quinze jours de service furent pour eux miraculeux. Je les ai vus découvrir la levée des couleurs et pleurer en chantant La Marseillaise. Tant que l'on ne rendra pas obligatoire le SNU, nous raterons la cible que nous voulons toucher.

Se pose ensuite le problème du budget du SNU. Je ne vois pas l'intérêt d'accueillir en Essonne des personnes du Nord ou de la Meurthe-et-Moselle ! Cela engendre des frais de transport inutiles. Délocaliser les jeunes d'un département à l'autre et non d'une région à l'autre pourrait nous permettre de faire des économies.

Notre groupe s'abstiendra sur l'adoption de ce rapport, manière pour nous d'enjoindre le Gouvernement à aller plus loin sur ces questions.

M. Adel Ziane. - Comme M. Brisson, j'estime qu'il s'agit d'un budget en « trompe-l'oeil ». On constate une augmentation optique des crédits, mais aucune stratégie ne s'en dégage.

Les dépenses d'intervention avaient chuté pendant les trois exercices précédents, entraînant des conséquences lourdes sur le tissu associatif, que nous avons tous pu constater en tant qu'élus. De nombreuses associations se sont plaintes auprès des mairies de ne pas réussir à boucler leur budget, en raison d'une chute d'adhésions depuis le covid, mais aussi d'une fragilisation profonde des dispositifs.

Une hausse de 42 millions d'euros est destinée pour moitié au SNU. La hausse de 9,8 % des crédits destinés au développement de la vie associative vient après une érosion de plus de 10 % - on se remet donc à peine à niveau, et sans prendre en compte l'inflation.

On notera également une baisse de 7 millions d'euros des subventions versées au Fonjep, alors qu'il s'agit d'un sujet extrêmement important. Sans être dans l'opposition entre SNU et service civique, c'est un point qu'il faut souligner.

Les crédits destinés au service civique sont en stagnation après une hausse de 20 millions d'euros en 2023, qui suivait deux exercices de stagnation.

L'action relative au développement de la vie associative, avec une multitude de sous-actions visant à soutenir le bénévolat, stagne elle aussi. Que ce soit dans les zones urbaines, périurbaines ou rurales, il faut permettre aux associations de constituer une réponse dans le contexte actuel de crise, de renforcer les solidarités, là où les services publics se désengagent.

Le FDVA sera tout juste reconduit en 2024 à hauteur des montants de 2021, grâce à une dotation supplémentaire. Seuls 25 % des demandes sont satisfaites et il n'a permis de former que 2 % des personnels associatifs.

Toujours dans cette idée de budget en « trompe-l'oeil », la hausse du soutien aux associations agréées jeunesse et éducation populaire en 2022 pour financer près de 5 000 postes était fictive. On retrouve cette même problématique pour le Fonjep : le plan de relance du programme 364 prévoyait jusqu'en 2022 14,4 millions d'euros pour financer 2 000 postes, qui ne le sont plus depuis.

Avec près de 54 millions d'euros, le budget alloué au soutien aux projets associatifs est en baisse. Le reste de l'enveloppe, dédié aux subventions accordées par les préfets aux associations dans le cadre des politiques partenariales locales, est pour sa part en stagnation.

Une enveloppe de 40 millions d'euros est destinée aux colos apprenantes. Ce dispositif a fait ses preuves au moment de la crise covid, notamment dans un territoire urbain comme le mien, où il a permis à de nombreux jeunes de partir en vacances dans un cadre d'apprentissage stimulant.

Les classes découvertes gagneraient également à être développées : or aucune ligne de crédit n'y est consacrée dans ce PLF 2024.

C'est un fait, le SNU n'atteint pas ses objectifs. Mais quelle population souhaitons-nous toucher ? Seuls 40 000 jeunes sur les 64 000 visés ont effectué ce séjour de cohésion en 2023. Parmi eux, 5 % sont issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ce qui pose la question de la mixité sociale. À terme, si l'on devait respecter nos objectifs, soit l'accueil de 800 000 jeunes, il faudrait dégager 1,5 milliard à 3 milliards d'euros, pour un dispositif qui par ailleurs n'a pas encore fait ses preuves.

À l'inverse, les crédits alloués au service civique ne connaissent aucune évolution en 2024, alors que le dispositif est efficace et offre davantage d'hétérogénéité sociale que le SNU, avec 13 % de jeunes issus des QPV.

Enfin, sur le mentorat, le Gouvernement gagnerait en effet à mettre en place des « référents mentorat » au sein des rectorats afin de resserrer les liens entre l'éducation nationale et le dispositif « 1 jeune, 1 mentor ».

À l'aune de ces éléments, qui révèlent un manque de vision stratégique de la part du Gouvernement, nous voterons contre ce budget.

M. Bernard Fialaire. - Pour ma part, je me réjouis de l'augmentation de 7,5 % de ce budget. Tout n'est pas parfait, certes, mais pour que ces dispositifs progressent il vaut mieux leur en donner les moyens.

Contrairement à certains, je n'ai pas de nostalgie particulière pour la réserve parlementaire. Pour avoir été maire pendant vingt-cinq ans, j'ai été témoin du comportement pas toujours exemplaire de certains parlementaires.

Comme mes collègues, j'essaie d'assister aux sessions de SNU sur mon territoire et je suis plutôt enthousiasmé par le dispositif. On m'avait mis en garde sur l'absence de mixité sociale, mais nous avons par exemple accueilli des jeunes issus des quartiers nord de Marseille.

Je partage l'avis de Laure Darcos sur la nécessité de réduire les temps de trajets. Il peut arriver qu'un moniteur raccompagne un stagiaire pour des raisons de santé, ce qui pose des problèmes logistiques. Que ces enfants découvrent d'autres territoires est enrichissant, mais ils ne sont pas obligés d'aller à l'autre bout de la France.

Le ministre Gabriel Attal souhaite développer le SNU, mais si l'éducation nationale informait davantage les élèves de l'existence de ce service, nous aurions sans doute moins de difficultés à recruter.

Les classes découvertes et les colos apprenantes sont essentielles à l'apprentissage de la vie en collectivité. J'ai moi-même beaucoup appris dans ma jeunesse par le biais de ces séjours.

Aussi, pour toutes ces raisons je voterai ce budget.

M. Pierre Ouzoulias. - Vous connaissez la prudence et la réserve du groupe CRCE - Kanaky auquel j'appartiens... Et vous imaginez certainement que je ne veux pas joindre ma voix à cet hallali !

Tout de même, nous reconnaissons ici, pour reprendre la novlangue du moment, la nécessité de « stabiliser » l'abandon du SNU. Chaque année apparaît une nouvelle expérimentation, dont on nous dit qu'elle nous fera enfin atteindre le régime de croisière d'un SNU obligatoire et généralisé. Mais, invariablement, il en ressort le sentiment d'un bricolage géant, qui coûte beaucoup d'argent et dont la cohérence nous échappe. Il me semble que les colonies de vacances auxquelles nous participions dans notre jeunesse offraient plus de cohérence pédagogique que les dispositifs qu'on monte à présent de manière complètement artificielle.

M. Pierre Ouzoulias. - Je note à mon tour le manque de cohérence interministérielle. Les différents ministères parties prenantes portent la politique de la jeunesse de façon différenciée, sans vision d'ensemble. Chacun y va de sa propre initiative, par exemple avec le pass Culture.

Le SNU intervient comme un élément décoratif de la geste présidentielle, par lequel le Président de la République, en père de la Nation, s'adresse aux jeunes en leur expliquant ce qu'il leur faudrait faire. Ce n'est pas la bonne solution.

Je ne poursuis pas davantage le réquisitoire ; nous suivrons sans réserve l'avis du rapporteur et ne voterons pas ces crédits.

Mme Mathilde Ollivier. - Je rejoins ce qui a été dit sur le manque de stratégie pluriannuelle au soutien à la vie associative. Les associations ont vécu une crise majeure avec le covid-19 et ne s'en remettent que tout juste. Elles ont véritablement besoin qu'on les soutienne, ce qui ne transparaît pas dans le budget de 2024.

Un paradoxe me marque, celui qui résulte du soutien à un programme de type SNU, défini par le haut, de manière uniforme, quand la plupart des signaux qui concernent sa mise en place s'avèrent négatifs et révèlent que le dispositif n'intéresse pas les jeunes et ne répond pas à leurs demandes. Dans l'administration, ne pas consommer l'intégralité d'un budget au cours d'un exercice conduit généralement à ce qu'il soit réduit l'année suivante. En 2023, le budget consacré au SNU n'a pas été complètement utilisé, en dépit d'efforts notables de communication de la part de l'éducation nationale ; on l'augmente pourtant en 2024.

Au contraire, nous notons le succès d'autres dispositifs qui s'adressent également aux jeunes. C'est le cas du service civique, qui, lui, n'obtient pas de sommes supplémentaires.

Je souligne que, chez les Français de l'étranger, nous n'avons depuis plusieurs années plus accès à la Journée défense et citoyenneté (JDC). La justification qui nous est donnée fait état de l'absence de moyens pécuniaires pour les organiser. Or nous parlons là de jeunes souvent binationaux pour qui la JDC représentait parfois la seule interaction avec les institutions françaises. Les moyens manqueraient donc pour l'organisation de la JDC, mais on trouve plusieurs milliards d'euros pour le SNU...

Mobiliser des élèves pendant toute une semaine, auprès de formateurs eux-mêmes formés en quelques jours seulement et qu'on peine apparemment à recruter, mettre autant de moyens sur un programme d'abord symbolique, alors que nous constatons des difficultés sociales importantes, avec des élèves parfois sans professeur pendant plusieurs semaines, est-ce une priorité ?

Les jeunes n'en continuent pas moins de s'engager sous différentes formes. Je doute cependant que la contrainte les y encourage. Donner la priorité aux actions qui correspondent véritablement à leurs aspirations - par exemple des actions du monde associatif ou le service civique - y contribuerait bien mieux.

Nous appuyons donc le rapporteur dans son avis et voterons contre ce budget.

M. Jean-Gérard Paumier. - J'attire votre attention sur la position variable des caisses d'allocations familiales (CAF) dans leur attribution d'aides directes aux familles au titre du dispositif Vacaf. Dans l'Indre-et-Loire, ce dispositif représentait 60 000 euros, mais a pris fin. Le conseil départemental apporte une compensation afin de ne pas priver les enfants de familles modestes des départs en colonies de vacances auxquels le dispositif leur donnait accès. Or d'autres CAF continuent de verser cette aide directe. Il y a là une différenciation territoriale qui m'interpelle. L'attention de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) pourrait être attirée sur ce point.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis. - Nous manquons assurément d'informations précises sur les classes découvertes, leur nombre et leur déploiement. Nous mènerons une action pour en obtenir davantage.

Une étude attentive des statistiques relatives au SNU montre que les enfants qui y participent ont, pour beaucoup d'entre eux, des parents qui occupent, ou ont occupé, ce qu'on appelle un emploi dans les corps en uniforme ; c'est-à-dire des enfants qui sont déjà sensibilisés aux objectifs que le dispositif promeut. Seuls 5 % des participants viennent des QPV. Ce dispositif vise peut-être à côté de sa cible...

M. Laurent Lafon, président. - Nous sommes arrivés au terme de cette présentation des crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative au sein du PLF pour 2024.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Jeunesse et vie associative » au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2024.

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