N° 134

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution,
pour
2024,

TOME XI

RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Par M. Jean-Michel ARNAUD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 16801715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Dans un contexte économique marqué par l'incertitude et la persistance de l'inflation, les crédits ouverts dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 au titre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » connaissent, pour la deuxième année consécutive, une baisse regrettable.

Si cette diminution s'explique principalement par l'extinction de dispositifs exceptionnels, elle s'inscrit dans un environnement qui demeure lourd d'incertitudes pour les collectivités territoriales. Celles-ci doivent en particulier faire face à un recul ininterrompu de leurs marges de décision, tant sur le plan fiscal que financier.

Compte tenu de cette diminution des crédits, qui se conjugue avec une insuffisance globale du soutien de l'État aux collectivités, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

Les articles rattachés à la mission soulèvent plusieurs points de vigilance, soulignés par la commission, qui tiennent notamment au respect du principe de libre emploi des dotations d'investissement ainsi qu'aux modalités de répartition de certaines dotations. La commission a donc adopté six amendements du rapporteur, procédant aux ajustements nécessaires.

I. FACE À UN CONTEXTE MARQUÉ PAR L'INCERTITUDE, LES COLLECTIVITÉS DE NOUVEAU CONFRONTÉES À UNE RÉDUCTION DE LEURS MARGES DE DÉCISION FINANCIÈRES ET FISCALES

A. DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT, LE PLF 2024 ENTÉRINE UNE PERTE DE MARGES DE MANoeUVRE FISCALES POUR LES COLLECTIVITÉS

1. La relation entre l'État et les collectivités : un cadre pluriannuel à repenser, une autonomie financière à respecter

Adopté en nouvelle lecture par le Sénat le 16 octobre 20231(*), le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoyait initialement2(*) un nouveau mécanisme de contractualisation entre l'État et les collectivités3(*), dans la lignée des contrats dits « de Cahors »4(*). Le Sénat avait supprimé, en première lecture5(*), ces dispositions relatives au contrôle de la trajectoire des finances des collectivités territoriales, les jugeant « à la fois illégitimes et superflues »6(*).

Le rapporteur se félicite que le Sénat ait obtenu gain de cause sur ce point, mais ne peut que regretter l'occasion manquée d'instaurer une véritable relation de confiance7(*) entre l'État et les collectivités concernant le système de financement de ces dernières. À cet égard, si les collectivités ne sauraient être exemptées de contribuer au redressement des finances publiques, il convient de souligner qu'elles font déjà preuve de responsabilité et de rigueur dans leur gestion8(*).

2. Un nouvel affaiblissement des marges de manoeuvre fiscales des collectivités

L'article 8 du PLF aménage la suppression progressive, à l'horizon 2027, de la part restante de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Engagée9(*) en 2023, la suppression de la CVAE est compensée par l'attribution d'une fraction de TVA, divisée en deux parts. La première, fixe, correspond à la moyenne du produit de CVAE perçu entre 2020 et 2022 et qui aurait été perçu en 2023. La seconde, liée à la dynamique de la TVA nationale, si elle est positive, est affectée à un fonds national d'attractivité économique des territoires (FNAET). Le rapporteur juge cette réforme regrettable à plusieurs titres.

En premier lieu, le PLF 2024 vient, une nouvelle fois, parachever la suppression d'une ressource fiscale sur laquelle les collectivités territoriales et leurs groupements disposaient d'une marge de manoeuvre. Les récentes réformes de la fiscalité locale ont déjà fortement réduit la part des recettes des collectivités sur lesquelles celles-ci ont un pouvoir d'action, érodant le pouvoir fiscal local et « [affaiblissant] le lien direct entre les collectivités et les ménages et entreprises de leur territoire »10(*). En effet, comme le montre le tableau ci-dessous, depuis 2018, la part des impôts territorialisés dans les recettes de fonctionnement des différentes catégories de collectivité n'a cessé de reculer. Seul le bloc communal conserve une certaine - mais relative - autonomie fiscale, 43,7 % de ses recettes totales provenant de recettes fiscales sur lesquelles les communes et EPCI détiennent un pouvoir d'assiette ou de taux.

Part des impôts territorialisés et, en leur sein, des impôts dont les collectivités fixent l'assiette ou le taux dans leurs recettes de fonctionnement entre 2019 et 2022 (en %)

Source : Cour des comptes.

En deuxième lieu, la détermination des modalités de répartition de la fraction de TVA affectée au FNAET entre les communes et les EPCI à fiscalité propre n'est pas précisée en loi de finances mais renvoyée à un décret11(*). Le Gouvernement a présenté le 26 septembre un projet de décret fixant la clef de répartition12(*) qui s'appliquerait à compter de l'année 2025, mais celui-ci a recueilli l'avis défavorable du Comité des finances locales.

En troisième lieu, le rapporteur s'interroge sur la soutenabilité de la tendance qui consiste, en particulier depuis 2018, à compenser la suppression d'impôts locaux par des affectations de TVA. La TVA a représenté en moyenne 17 % des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales en 202213(*) (soit 36 milliards d'euros de transferts de recettes de l'État) ; cette part devrait encore s'accroître en 2023 du fait de la suppression de la CVAE.

D'une part, la place croissante de produits d'impôts nationaux dans les ressources propres des collectivités tend à « figer » leurs recettes et à rompre le lien entre, d'une part les dynamiques territoriales propres à la collectivité (démographie, attractivité économique, attentes sociales, etc.) et, d'autre part, son niveau de fiscalité.

D'autre part, la soutenabilité budgétaire de long terme d'une telle approche apparaît discutable. En effet, une érosion des recettes tirées de la TVA pourrait peser à la fois sur les ressources des collectivités territoriales et sur le déficit public de l'État. Comme le note la Cour des comptes dans un rapport consacré aux finances publiques locales publié en octobre 2023, « ce constat invite à ne pas réduire davantage le panier d'impôts locaux des collectivités »14(*).

B. LA PREMIÈRE PARTIE DU PLF NE SOUTIENT PAS SUFFISAMMENT LES COLLECTIVITÉS, MALGRÉ UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE ENCORE MARQUÉ PAR L'INCERTITUDE

Après une année 2023 marquée par l'inflation - particulièrement celle des prix de l'énergie - et le ralentissement de l'activité économique15(*), la situation financière de certaines collectivités territoriales appelle à la vigilance. Les évolutions de la conjoncture économique en 2023 et 2024 devraient affecter significativement les recettes et les dépenses de fonctionnement des collectivités, de sorte qu' « après avoir dégagé un excédent de financement de 4,8 Md€ en 2022, [elles] connaîtraient un besoin de financement de 2,6 Md€ en 2023, puis de 2,9 Md€ en 2024 (au sens de la comptabilité nationale) ». Dans ce contexte, le soutien apporté aux collectivités par les dispositions de la première partie du PLF 2024 apparaît insuffisant.

Les effets de l'inflation sur les ressources des collectivités ne sont qu'imparfaitement palliés par l'augmentation annoncée de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Si la hausse de 220 millions d'euros de la DGF ainsi que l'extension du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux aménagements de terrain (pour un montant de 250 millions d'euros) ne peuvent qu'être saluées dans leur principe, elles ne suffisent pas à compenser le niveau prévisionnel d'inflation. Même en tenant compte de l'augmentation de 100 millions d'euros supplémentaires annoncée par la Première ministre le 23 novembre 2023, la hausse totale de DGF proposée représente en réalité une baisse de l'ordre d'1,5 % en volume16(*).

En outre, le rapporteur ne peut que relayer l'inquiétude des collectivités quant au manque d'effectivité du soutien apporté par l'État face à la hausse des prix de l'énergie.

D'une part, le « filet de sécurité » mis en place à partir de la fin de l'année 202217(*) a manifestement manqué sa cible. En application d'un arrêté du 13 octobre 202318(*), 3 435 collectivités19(*) - dont 2 531 communes - devront rembourser20(*) l'avance qu'elles avaient perçue à la fin de l'année 2022 au titre du dispositif, représentant une somme totale de 70 millions d'euros. Alors que le montant moyen de ces reprises d'acompte s'élève à 20 375 euros, le rapporteur tient à souligner le caractère hautement préjudiciable que peut revêtir un tel remboursement pour la situation financière de certaines petites communes. Il convient également de rappeler que ce mécanisme, qui devait initialement couvrir près de 22 000 collectivités, n'a finalement bénéficié qu'à 2 941 d'entre elles. L'État devra tenir son engagement de soutenir les collectivités en veillant à étaler ces remboursements pour les collectivités les plus fragiles.

Versement des dotations au titre du filet de sécurité prévu en LFR 2022

Source : Commission des lois d'après des données de la DGCL

D'autre part, l'extinction pour l'année 2024 de « l'amortisseur électricité » est regardée avec préoccupation par les collectivités. Alors que les prix de l'électricité devraient continuer à décroître en 2024, nombreuses sont les collectivités à avoir conclu des contrats pluriannuels à des coûts très élevés. Certaines collectivités, à l'instar des petites communes situées en zone de montagne et/ou endossant d'importantes charges de « centralité », sont particulièrement exposées au maintien des prix de l'électricité à un niveau élevé. Le rapporteur se montrera vigilant à ce que, comme l'a annoncé le Gouvernement, ces collectivités soient effectivement accompagnées par l'État.

« Il y aura bien un amortisseur électricité prolongé l'année prochaine, notamment pour les collectivités qui sont prisonnières de contrats qu'elles ont signés au plus haut de la crise. »21(*), Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics.

Enfin, le rapporteur ne peut que souscrire à l'abondement de 100 millions d'euros du fonds de sauvegarde des départements voté par la commission des finances du Sénat22(*), afin de soutenir les départements confrontés à une forte dégradation de leur situation financière. En revanche, il juge particulièrement inopportune la décision du Gouvernement de reporter d'un an la suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires23(*) plutôt que d'y renoncer purement et simplement

II. LA MISSION « RCT » : DES CRÉDITS EN BAISSE, DONT LE LIBRE EMPLOI PAR LES COLLECTIVITÉS DOIT ÊTRE PRÉSERVÉ

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 112 DIMINUENT SIGNIFICATIVEMENT EN RAISON DE L'EXTINCTION DE MESURES DE SOUTIEN EXCEPTIONNELLES

Le programme 122 « Concours spécifiques et administration », qui regroupe notamment des crédits destinés à financer le soutien de l'État à des collectivités territoriales confrontées à des situations exceptionnelles, connaît une baisse des crédits de paiement (CP) de l'ordre de 27 %, soit 80 millions d'euros.

Concentrée sur l'action n° 1 (« aide exceptionnelle aux collectivités territoriales »), dont les CP reculent de plus de 60 % (près de 87 millions d'euros), cette diminution s'explique par l'extinction de mesures de soutien exceptionnelles. Sont essentiellement affectés le fonds de reconstruction de la tempête Alex et le fonds calamités publiques, dont les CP sont respectivement réduits de 50 millions et de 30 millions d'euros.

Le rapporteur s'interroge, par ailleurs, sur la hausse conséquente des crédits alloués en AE et en CP, au sein de l'action n° 2, des dépenses d'informatiques. De 1,21 million d'euros en AE en LFI 2022, les crédits consacrés à ces dépenses sont portés à 7,7 millions d'euros par le PLF 2024. Alors que les dépenses informatiques ont été transférées à la direction du numérique du ministère de l'intérieur (DNUM) depuis le 1er janvier 2020, la justification de l'augmentation de ces crédits peine à convaincre.

B. UNE DIMINUTION PARAMÉTRIQUE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 119 INSUFFISAMMENT COMPENSÉE PAR LA HAUSSE DES DOTATIONS EN SOUTIEN AUX COMMUNES

Le montant des crédits ouverts au titre du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et leurs groupements » s'élève à 4,14 milliards d'euros en AE, en légère diminution par rapport aux montants prévus par la LFI 2023.

Ils sont répartis entre, d'une part, le soutien à l'investissement des collectivités territoriales (2,18 milliards d'euros en AE) et, d'autre part, des compensations financières des charges transférées aux collectivités territoriales ou leurs groupements via le versement de concours de dotation générale de décentralisation (DGD), pour un montant de 1,96 milliard d'euros en AE comme en CP.

1. Une baisse paramétrique des crédits ouverts sur le programme 119

Les crédits alloués au programme 119 en CP connaissent une diminution de 3,15 % en valeur (soit 132 millions d'euros), qui s'explique largement par des facteurs paramétriques liés à l'extinction progressive de dispositifs de soutien exceptionnels aux collectivités.

D'une part, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) exceptionnelle n'étant plus abondée en AE depuis la LFI 2023, les CP restant à décaisser décroissent progressivement. Entre 2023 et 2024, ils passent de 215 à 110 millions (soit une baisse de 45 %).

D'autre part, la DGD des régions prévue à l'action n° 5 diminue (de 7,6 %) du fait de la non-reconduction, au sein du programme, de la dotation de compensation de la baisse des frais de gestion de la CVAE. Créée par la LFI pour 2023 afin de compenser la perte de recettes des frais de gestion de la CVAE liée à la suppression de cet impôt, le montant de cette dotation était fixé à 91,3 millions d'euros en AE comme en CP24(*).

2. Une baisse contenue par la hausse des dotations de soutien aux communes

La diminution des crédits liée à l'extinction des dispositifs exceptionnels est partiellement compensée par une augmentation de plus de 5 % (soit 106 millions d'euros) des crédits en AE ouverts au titre de l'action n° 1, qui regroupe les dotations de soutien aux projets des communes et groupements de communes.

Cette hausse est essentiellement liée à l'augmentation de l'enveloppe prévue pour deux dotations :

- La dotation forfaitaire relative à la délivrance de titres sécurisés (DTS) est portée à 100 millions d'euros en AE comme en CP, ce qui correspond à un abondement de 47,6 millions d'euros ;

- La dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales (dotation « aménités rurales ») pour laquelle 100 millions d'euros sont également ouverts en AE comme en CP, soit une augmentation de 58,4 millions d'euros).

3. Une stabilité en valeur des crédits, synonyme d'érosion du soutien de l'État dans une période inflationniste

La relative stabilité des crédits ouverts au titre des dotations de soutien à l'investissement des collectivités se traduit, dans un contexte d'inflation persistante, par une diminution du soutien de l'État en volume. Comme le montre le tableau ci-dessous, les crédits ouverts en CP au titre des principaux dispositifs de soutien à l'investissement de la mission (actions n° 1, 3 et 9 du programme 119) diminuent, en volume, de 3,9 % pour 2024.

Évolution en valeur et en volume des dotations de soutien à l'investissement25(*)

Source : Commission des lois, à partir des documents budgétaires.

Alors que la situation financière de certaines collectivités pourrait se dégrader en 2024 face à la forte hausse de leurs dépenses26(*), le rapporteur s'interroge sur ce fléchissement du soutien de l'État qui pourrait peser, à terme, sur la capacité d'investissement des collectivités.

C. LE « VERDISSEMENT » DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT NE DOIT PAS S'EFFECTUER AU MÉPRIS DE LEUR LIBRE EMPLOI PAR LES COLLECTIVITÉS

Le PLF 2024 s'inscrit dans un mouvement de « verdissement » des dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales. La loi de finances initiale (LFI) pour 2023 prévoyait, outre la faculté pour les préfets de moduler le taux de subvention des projets financés par la DETR et la DSIL en considération du caractère écologique des projets27(*), que 25 % des crédits ouverts au titre de la DSIL devaient servir à financer des projets concourant à la transition écologique. En 2024, ce taux est rehaussé à 30 % pour la DSIL et les crédits de la DSID et de la DETR devront également participer au verdissement des dépenses publiques à hauteur, respectivement, de 25 % et 20 %.

Si la nécessité du financement des projets environnementaux par les collectivités apparaît incontestable, le rapporteur juge le « fléchage » des dotations problématique à plusieurs égards.

D'une part, en restreignant la liberté d'emploi de ces crédits par les collectivités, cette orientation par l'État des dotations vers des priorités environnementales risque de se muer en outil de « recentralisation ». Couplé avec le développement de la « contractualisation », le fléchage des dotations amoindrit les marges de décision des collectivités. Le rapporteur considère qu'il convient de faire confiance à l'intelligence locale : une part substantielle des projets des collectivités territoriales financés via les dotations d'investissement concourent d'ores-et-déjà à la transition écologique.

D'autre part, le « fléchage » des dotations vers des projets écologiques ne doit pas se faire au détriment d'autres investissements. En effet, certains investissements des collectivités ne peuvent, en application des nomenclatures28(*) utilisées par les services de l'État, être considérés comme « verts » mais demeurent pourtant indispensables. C'est notamment le cas de certaines communes touristiques et des communes de montagne, pour lesquelles la conciliation entre intérêts économiques du territoire et investissements en faveur de la transition écologique peut s'avérer complexe.

Enfin, les collectivités expriment régulièrement un besoin de lisibilité et de stabilité des règles juridiques et financières qui leur sont applicables. L'instabilité des critères d'éligibilité aux financements via les dotations contraint parfois les collectivités à reporter des projets qui, pourtant nécessaires, n'intégreraient pas la catégorie des « projets verts ». Ce risque est d'autant plus prégnant que des divergences locales ne manqueront pas d'apparaître dans l'appréciation des critères permettant d'évaluer la contribution d'un projet à la transition écologique. Les opérations favorables à l'environnement constituent déjà, de surcroît, des critères d'éligibilité à la DSIL et la DETR29(*).

Compte tenu de ces éléments et afin d'améliorer la lisibilité et le rôle des élus dans la procédure d'attribution des dotations, la commission a adopté trois amendements visant :

- à revenir sur la faculté, ouverte aux préfets par la LFI 2023, de moduler le taux de subvention d'un projet en fonction de son caractère écologique ;

- à renforcer l'information des membres de la « commission DETR », en prévoyant que soit communiquée à cette commission avant la fin du premier trimestre de chaque année la liste de l'ensemble des demandes éligibles, et non plus seulement les seules opérations subventionnées comme c'est le cas actuellement ;

- à améliorer l'association des présidents de conseil départemental aux décisions d'attribution prises en matière de DSID par le préfet de région, en prévoyant une saisine pour avis non contraignant de ces derniers, qui devront se prononcer dans un délai de quinze jours.

III. LES ARTICLES RATTACHÉS : DES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES MAIS PERFECTIBLES

A. UN RENFORCEMENT PERFECTIBLE DU SOUTIEN DE L'ÉTAT À L'ACTION DES COMMUNES

Destinée à accompagner les communes face à l'augmentation continue des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité, la dotation pour les titres sécurisés (DTS) est portée à 100 millions d'euros (soit un doublement de son montant par rapport à la LFI 2023)30(*). Adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement à l'article 5831(*) a inclus, dans les opérations ouvrant droit au versement de la DTS, les « certifications d'identité » numériques.

La commission a toutefois adopté un amendement tendant à maintenir l'architecture actuelle de la DTS, qui inclut une part forfaitaire, afin de garantir aux communes une visibilité sur l'évolution du soutien qui leur sera apporté.

Par ailleurs, la dotation « Natura 2000 » est réformée et renommée « dotation aux communes pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales » par l'article 57.

La réforme de la dotation « aménités rurales »

Jusqu'en 2023, étaient éligibles32(*) à cette dotation les communes de moins de 10 000 habitants répondant à un critère de richesse33(*) et dont tout ou partie du territoire était compris dans un parc national, un parc naturel régional, un parc naturel marin ou dont au moins 50 % de la superficie était recouverte par un site Natura 2000. Les montants des différentes fractions étaient répartis entre les communes éligibles au prorata de leur population et/ou du taux de recouvrement du site sur le territoire de la commune, le montant attribué au titre de la dotation ne pouvant être inférieur à 3 000 euros34(*).

L'article 57 du PLF 2024, portant réforme de la dotation, dispose que sont éligibles les communes rurales au sens de l'Insee « dont une partie significative du territoire comprend une aire protégée ou jouxte une aire marine protégée ». La répartition des montants s'effectuerait en fonction de leur population et de la superficie de leur territoire couverte par l'aire protégée. La définition des conditions d'éligibilité, des modalités de calcul des attributions et de prise en compte des aires protégées sont renvoyées au pouvoir réglementaire.

Tout en portant les crédits ouverts au titre de la dotation à 100 millions d'euros, le PLF en réforme les modalités de répartition, avec l'objectif affiché d'élargir le périmètre des communes éligibles. Toutefois, le dispositif proposé apparaît particulièrement imprécis et ne semble pas offrir de garanties suffisantes aux communes actuellement éligibles. Ainsi, certaines d'entre elles risquent d'être pénalisées et de perdre le bénéfice de la dotation ou de percevoir un montant inférieur.

Afin de garantir aux communes éligibles au nouveau dispositif qu'elles ne percevront pas un montant plus faible en application des nouvelles modalités de calcul, la commission a adopté un amendement tendant à instaurer une garantie de non-baisse de leur dotation pour les communes qui étaient éligibles en 2023.

B. L'ATTRIBUTION DES DOTATIONS : DES AJUSTEMENTS À OPÉRER, UNE RÉFORME GLOBALE À ÉLABORER

S'agissant des communes nouvelles, plusieurs dispositions bienvenues tendent à stabiliser le montant de leurs dotations. Outre l'extension du mécanisme de la garantie de non-baisse de la DSU aux communes nouvelles35(*), l'article 25 ter crée un nouveau PSR, d'un montant de huit millions d'euros, destiné à financer une dotation en faveur des communes nouvelles en remplacement du « pacte de stabilité ». Celle-ci est composée de deux parts : une part « garantie », qui vise à protéger les communes nouvelles contre une baisse de leur DGF, et une part « amorçage » pour les accompagner au démarrage.

En outre, la commission ne peut que saluer la réforme de la part « protection fonctionnelle » de la DPEL figurant à l'article 59 et qui consiste à étendre aux communes de moins de 10 000 habitants le dispositif de compensation par l'État des coûts de la couverture assurantielle pour la protection fonctionnelle que doivent obligatoirement souscrire l'ensemble des communes36(*). Issue d'une recommandation formulée par le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation37(*), cette mesure figure à l'article 4 de la proposition de loi sénatoriale renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires adoptée par le Sénat le 10 octobre 2023. Si la hausse supplémentaire de la DPEL de 15 millions d'euros annoncée par le Gouvernement doit être saluée dans son principe, elle ne saurait se substituer à une réflexion d'ampleur sur la revalorisation des indemnités des élus locaux qui doit être à la hauteur de leur engagement citoyen.

L'article 56 procède à un ajustement des modalités de répartition des dotations de péréquation que sont la DSR38(*) et la DNP39(*) qui devrait, opportunément, contribuer à lisser dans le temps les pertes de DGF pour les petites communes. À l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté un amendement complémentaire qui vise à revaloriser le critère de voirie pour les communes de montagne bénéficiaires de la fraction « péréquation » de la DSR. Cet amendement, qui avait été adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur spécial Joël Giraud40(*), tend à tripler la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal prise en compte pour l'attribution d'une part de la dotation - alors qu'elle est seulement doublée actuellement.

Enfin, le rapporteur appelle de ses voeux une refonte plus globale de la DGF, qui devra être profondément réformée dans le sens d'une meilleure lisibilité et d'une suppression des effets de seuil.

*

* *

Réunie le 29 novembre 2023, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 29 NOVEMBRE 2023

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis. - L'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'inscrit cette année dans un contexte particulièrement incertain pour les collectivités. La persistance de l'inflation, l'inefficacité du « filet de sécurité » ou encore les perspectives financières contrastées auxquelles nous devons faire face sont autant de facteurs d'inquiétude pour les élus locaux.

Face à ces inquiétudes, et malgré certains signaux positifs, le soutien financier apporté par l'État à nos collectivités n'est pas à la hauteur. À cet égard, la mission dont il m'appartient de vous présenter les crédits ne fait pas exception.

Avant d'évoquer en détail l'analyse des crédits, permettez-moi de dire un mot du contexte dans lequel s'inscrit l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 du point de vue des finances locales.

Nous pouvons tout d'abord nous féliciter de l'abandon par le Gouvernement du mécanisme de contractualisation coercitif - dans la lignée des contrats de Cahors - dans lequel il entendait enfermer les collectivités territoriales à l'occasion du vote du projet de loi de programmation des finances publiques. Si le Sénat a obtenu gain de cause sur ce point, je ne peux m'empêcher d'y voir une occasion manquée de redéfinir les contours d'une véritable relation de confiance entre l'État et les collectivités territoriales. En lieu et place, nous mesurons la défiance qui irrigue trop souvent les relations financières entre l'État et les collectivités, et dont les élus locaux se font souvent le relais.

En outre, le PLF pour 2024 marque un nouveau recul des marges de décision des collectivités territoriales, à deux titres.

Sur le plan fiscal, d'abord, puisque le PLF entérine, avec la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la disparition - une de plus ! - d'une ressource fiscale sur laquelle les collectivités territoriales disposaient d'une marge de manoeuvre. En plus d'éroder la démocratie locale, l'affaiblissement continu du pouvoir fiscal local donne lieu à une compensation financière insatisfaisante. Peut-on indéfiniment réduire l'autonomie fiscale des collectivités et remplacer les recettes des impôts supprimés par des affectations de TVA, par ailleurs largement disputées entre différents niveaux de collectivités ?

Sur le plan financier, ensuite, le soutien apporté par l'État aux collectivités ne pallie qu'imparfaitement les effets de l'inflation. C'est particulièrement le cas du filet de sécurité, qui a manifestement manqué sa cible puisque 3 245 collectivités doivent rembourser les avances qui leur avaient été accordées, ce qui représente plus de 80 % des bénéficiaires desdites avances ! Je rappelle que les annonces initiales faisaient état de 20 000 collectivités potentiellement bénéficiaires de ce filet de sécurité : seules quelques centaines d'entre elles en bénéficieront finalement.

Parallèlement, la hausse de 320 millions d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) annoncée la semaine dernière par la Première ministre, si elle est bienvenue, ne suffira toujours pas à compenser l'inflation, et représente encore une diminution en volume de l'ordre de 1,5 %. Je précise que je ne prends pas en compte dans ce calcul d'autres critères, notamment ceux qui sont portés par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, qui, avec le « panier du maire » évalue à plus de 7 % la hausse des prix enregistrée par les communes sur leurs dépenses.

Dans ce contexte, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » connaissent une baisse regrettable de 4,5 % en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 180 millions d'euros à l'échelle de la mission, répartie sur deux programmes.

Le premier, le programme 122, qui regroupe des crédits destinés à financer le soutien de l'État à des collectivités territoriales confrontées à des situations exceptionnelles, connaît une baisse significative des CP de l'ordre de 27 %, soit 80 millions d'euros. Cette diminution s'explique essentiellement par des facteurs paramétriques, à savoir l'extinction de dispositifs exceptionnels liés, notamment, à la crise du covid.

Le second, à savoir le programme 119, concentre des dotations de soutien à l'investissement et des compensations financières des charges et connaît, quant à lui, une baisse de l'ordre de 3 % en CP, soit plus de 100 millions d'euros. Cette baisse est le résultat de deux facteurs aux effets contradictoires.

Elle résulte, d'une part, d'une réduction paramétrique des crédits, liée à la fin de l'abondement de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) exceptionnelle et à la diminution de la dotation générale de décentralisation (DGD) des régions, pour un montant cumulé de plus de 200 millions d'euros.

D'autre part, cette tendance est partiellement compensée par une hausse des dotations particulières de soutien aux communes de 105 millions d'euros, répartie entre la dotation pour les titres sécurisés (DTS) et la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales, qui sont toutes deux portées à 100 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE) comme en CP.

Les crédits ouverts pour le soutien à l'investissement aux collectivités territoriales ne connaissent qu'une légère baisse en euros courants. Néanmoins, celle-ci représente une érosion des crédits de paiement de près de 4 % en volume par rapport à 2023, après la prise en compte du niveau estimé d'inflation pour 2024.

Au-delà de la question du montant des crédits, j'attire également votre attention sur la contrainte croissante exercée par l'État sur le versement des dotations de soutien à l'investissement, qui laisse de moins en moins de place aux élus locaux. Entre le développement de la logique contractuelle et la fixation de priorités thématiques par le Gouvernement, le fléchage des dotations s'apparente à une « recentralisation des crédits », au mépris de la confiance qui devrait être accordée à l'intelligence locale et à la capacité des élus à effectuer les bons choix.

Le PLF 2024 s'inscrit dans ce mouvement puisqu'il porte à 30 % pour la DSIL, à 25 % pour la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et à 20 % pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) la part des crédits qui devront servir à financer des projets concourant à la transition écologique. Si l'objectif de verdissement des investissements ne soulève pas de difficultés dans son principe, les marges de décision des collectivités et la lisibilité des modalités d'attribution des dotations doivent être préservées.

J'en viens maintenant aux articles rattachés, dont l'examen offre l'opportunité d'apporter des ajustements tendant à renforcer les garanties financières accordées à certaines communes ainsi que la lisibilité des dotations d'investissement pour les élus.

En premier lieu, s'agissant des enjeux de libre emploi et de lisibilité des modalités d'attribution des dotations d'investissement que je viens d'évoquer, je vous proposerai d'adopter trois amendements reprenant une position régulièrement défendue par notre commission.

Le premier prévoit que les décisions d'attribution de la DSID soient prises par le préfet de région après avis des présidents de conseil départemental, rendu dans un délai de quinze jours ; le deuxième vise à renforcer l'information des membres de la « commission DETR » en prévoyant que lui soit communiquée, avant la fin du premier trimestre de chaque année, la liste de l'ensemble des demandes éligibles et recevables - et non les seules opérations à subventionner, comme c'est actuellement le cas ; le troisième a pour objet de revenir sur la faculté, ouverte aux préfets par la loi de finances pour 2023, de moduler le taux de subvention d'un projet en fonction de son caractère écologique.

En deuxième lieu, les articles 57 et 58 réforment respectivement les règles d'attribution de la dotation relative aux « aménités rurales » et de la DTS. Si la hausse des crédits alloués à ces dispositifs ne peut qu'être saluée, les garanties accordées aux communes actuellement éligibles à ces dotations ne sont pas suffisantes.

S'agissant particulièrement de la dotation « aménités rurales », l'article 57 modifie les conditions d'éligibilité et les modalités de sa répartition en des termes d'une grande imprécision. L'objectif affiché de la réforme étant d'élargir le périmètre des communes éligibles, je vous proposerai un amendement visant à garantir, a minima, aux communes qui sont aujourd'hui éligibles qu'elles ne percevront pas, au titre du nouveau dispositif, un montant inférieur à celui dont elles ont bénéficié en 2023.

L'article 58, quant à lui, réforme les modalités de répartition de la DTS en supprimant sa part forfaitaire, actuellement versée aux communes en fonction du nombre de stations d'enregistrement des demandes de titres. Afin de garantir aux communes une visibilité sur l'évolution du soutien qui leur sera apporté et de ne pas laisser toute latitude au pouvoir réglementaire, je vous proposerai un amendement tendant à maintenir une référence législative à cette part forfaitaire.

En troisième lieu, je me félicite que le Gouvernement se rallie à la position de notre commission en ce qui concerne la part « protection fonctionnelle » de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL).

En effet, l'article 59 étend aux communes de moins de 10 000 habitants le dispositif de compensation par l'État des coûts de la couverture assurantielle pour la protection fonctionnelle que doivent obligatoirement souscrire l'ensemble des communes de France. Ce faisant, elle reprend une mesure figurant dans la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, adoptée par le Sénat à l'unanimité le 10 octobre 2023.

En quatrième lieu, l'article 56 procède à des ajustements en matière d'éligibilité aux dotations de péréquation que sont la dotation nationale de péréquation (DNP) et la dotation de solidarité rurale (DSR), afin de lisser les effets de seuils que peuvent subir les petites communes éligibles à certaines fractions de ces dotations. En complément de ces mesures, je vous proposerai d'adopter un amendement visant à revaloriser le critère de voirie pour les communes de montagne bénéficiaires de la fraction « péréquation » de la DSR, en triplant la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal prise en compte pour l'attribution d'une fraction de la dotation - alors qu'elle est seulement doublée actuellement. Je précise que cet amendement a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, mais qu'il n'a pas été conservé après le recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Je profite de cette occasion pour rappeler qu'une réforme profonde de la DGF est plus que jamais nécessaire. Chacun d'entre nous a conscience du degré d'illisibilité, d'incompréhension et, parfois, d'iniquité qu'a atteint ce système. Il nous appartiendra donc, collectivement, de mener une réflexion globale sur l'évolution de cette dotation.

J'évoque pour finir deux dispositifs introduits par le Gouvernement à l'Assemblée nationale qui, s'ils ne sont pas formellement rattachés à la mission, concernent de très près les finances locales.

Il s'agit, d'une part, de l'obligation pour les collectivités de plus de 3 500 habitants, de mettre en place un « budget vert » sous la forme d'une annexe budgétaire retraçant l'impact de leurs investissements sur la transition écologique. Le seuil retenu me semble inadapté, tout particulièrement pour la ruralité : si rien ne s'oppose à ce que les collectivités volontaires puissent élaborer un « budget vert », l'obligation ne devrait s'imposer, dans un premier temps, qu'aux grandes collectivités. Je déposerai un amendement en ce sens.

D'autre part, le Gouvernement s'est enfin saisi de la problématique des baisses de dotation subies par les communes nouvelles. J'ai eu l'occasion d'échanger sur ce point avec Françoise Gatel, dont je salue l'engagement en vue d'obtenir un dispositif abouti et pérenne pour ces communes.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, en dépit des aspects positifs que j'ai mentionnés par souci d'honnêteté intellectuelle et des améliorations que nous pourrons apporter via les amendements que je vous soumets, je vous proposerai d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Article 56

L'amendement LOIS.1 est adopté.

Article 57

L'amendement LOIS.2 est adopté.

Article 58

L'amendement LOIS.3 est adopté.

Après l'article 58

Les amendements LOIS.4, LOIS.5 et LOIS.6 sont adoptés. 

M. Pierre-Alain Roiron. - Je remercie le rapporteur pour la pertinence de son propos et de son analyse, que nous partageons largement.

Cette année encore, l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'inscrit dans un climat complexe et angoissant pour de nombreux élus. Cette mission, dont les crédits représentent seulement 8 % des concours financiers de l'État aux collectivités et 4 % du total des transferts financiers, est à replacer dans un contexte plus large.

Dans un contexte économique marqué par l'inflation, les incertitudes financières pour l'année prochaine ont un impact significatif sur les plans d'investissements des collectivités territoriales, les élus locaux attendant un PLF pour 2024 à la hauteur de leurs inquiétudes. Je tiens à souligner notre attachement à l'autonomie financière et fiscale, principe fondamental des lois de la République et de la décentralisation dont nous sommes les héritiers.

Nous rejoignons l'analyse de la Cour des comptes selon laquelle la fiscalité des collectivités locales est mise à mal par une croissance de 1 %, dans un contexte inflationniste. La même juridiction annonce un besoin de financement des collectivités de 2,6 milliards d'euros pour 2023, chiffre qui devrait atteindre 2,9 milliards d'euros l'année suivante, soit un constat peu optimiste, contrairement à ce qu'a annoncé le Gouvernement.

Si nous saluons l'augmentation de la DGF, nous souhaiterions qu'elle soit indexée sur l'inflation : cela permettrait de renforcer la capacité d'autofinancement des collectivités locales, condition essentielle d'une décentralisation effective. Cette indexation donnerait aux collectivités une meilleure visibilité et leur permettrait de programmer leurs investissements comme il se doit. Quoi qu'il en soit, le PLF pour 2024 ne répond pas à cette question de la visibilité.

Par ailleurs, force est de constater, comme vous l'avez indiqué, que le filet de sécurité mis en place par le Gouvernement dans le domaine de l'électricité n'a répondu que très partiellement à la situation d'urgence. À l'été 2022, il avait en effet été indiqué que 22 000 communes seraient concernées, avant que les critères précisés en octobre 2022 ne réduisent leur nombre à 7 000. Finalement, ce sont moins de 2 500 communes qui en bénéficieront.

Une vive inquiétude s'est exprimée lors du congrès de l'AMF la semaine dernière s'agissant des conditions de remboursement des avances perçues au titre de ce filet de sécurité, et nous attendons toujours des précisions à ce sujet.

Par ailleurs, je note à regret que les montants de la DETR et de la DSIL ne connaissent pas la hausse attendue, alors que les besoins sont de plus en plus considérables. Nous souhaiterions d'ailleurs que la DETR soit prioritairement ciblée sur les territoires ruraux, et que la DSIL soit attribuée après avis d'une commission départementale.

Il semblerait également pertinent que la DETR soit moins fléchée, car le système actuel entraîne une restriction de la liberté d'action des conseils municipaux. Nous regrettons ainsi que leur liberté en matière d'investissements ne soit pas préservée.

Concernant le fonds vert, nous saluons la reconduction de cet outil de soutien à la transition écologique, mais nous attirons l'attention du Gouvernement sur le manque de pédagogie fournie auprès des élus locaux, ainsi que sur les grandes disparités existant entre les territoires sur ce sujet, ce qui freine l'utilisation de ce dispositif.

Pour toutes ces raisons, nous avons un avis réservé sur cette mission.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. PHILIPPE VIGIER, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ET DES OUTRE-MER,
CHARGÉ DES OUTRE-MER

M. François-Noël Buffet, président. - Monsieur le ministre délégué, vous allez porter seul la charge de présenter l'ensemble des budgets liés au ministère de l'intérieur. Je tenais à vous faire part de notre regret, qui ne vous vise pas personnellement, que le ministre de l'intérieur ne soit pas parmi nous aujourd'hui. Nous comprenons qu'il n'ait pas pu être présent, mais son absence nous interpelle, compte tenu de l'importance des budgets concernés et de la nature de certaines questions qui seront sans doute posées. Nous respectons néanmoins la mission qui est la vôtre.

Des questions importantes vous seront certainement posées concernant votre portefeuille, l'outre-mer ; pour le reste, vous ferez votre présentation au nom du Gouvernement.

J'indique que l'audition est retransmise sur le site internet du Sénat.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur chargé des outre-mer. - Je tiens tout d'abord à excuser l'absence de Gérald Darmanin, qui résulte d'une bonne raison : il est actuellement entendu à l'Assemblée nationale au sujet d'un texte sur lequel le Sénat a beaucoup travaillé, le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. En tant que ministre délégué à l'outre-mer, je suis rattaché au ministère de l'intérieur : c'est la raison pour laquelle il m'a demandé de le représenter devant vous. Connaissant votre exigence, je serai attentif à vous apporter tous les éléments de réponse souhaités.

Les missions « Immigration, asile et intégration » et « Administration générale et territoriale de l'État » sont très importantes, car jamais l'État et nos compatriotes n'ont eu autant besoin de sécurité. Il faut donc déployer les moyens nécessaires pour répondre à ce besoin. Bien entendu, il y a, d'un côté, les moyens budgétaires et, de l'autre, celles et ceux qui mettent en oeuvre quotidiennement cette action de protection des populations : ils ont pour mission essentielle, dans des conditions extrêmement difficiles, de faire régner l'ordre public.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) du 24 janvier 2023 prévoyait 15 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans pour mieux protéger les Français, avec une exigence : faire en sorte que ce ne soit pas uniquement de l'affichage de crédits. L'ancien parlementaire que je suis sait que seule l'exécution compte. Malgré la revalorisation du point d'indice et l'inflation, cette somme sera bien dédiée à la protection de la population.

Nous avons quatre priorités : renforcer la présence des forces de sécurité intérieure (FSI) sur la voie publique, ce que l'on peut constater au quotidien ; lutter contre le terrorisme, qui est un combat de longue haleine qu'il nous faudra malheureusement poursuivre de longues années encore ; conforter l'administration territoriale ; et assurer le grand rendez-vous des Jeux Olympiques et Paralympiques, pour lequel la mobilisation intergouvernementale est totale.

Pour répondre aux multiples menaces, un effort de sécurité intérieure est mené partout sur le territoire. Ainsi, sur la voie publique, la présence de forces de sécurité a été doublée, notamment par la fin des gardes statiques, qui ont fait l'objet d'un long débat. Celles-ci n'étaient pas suffisamment efficaces, et ces personnels actifs ont donc été remplacés par des personnels administratifs, sur la demande réitérée des deux chambres. Gérald Darmanin a pris au sérieux cette demande. En 2023, 2 850 FSI ont été déployées, soit un total de 7 400 FSI supplémentaires en cinq ans. Je n'ai pas oublié qu'entre 2007 et 2012, le nombre de FSI a été réduit de 8 950. L'effort que déploie actuellement le Gouvernement est donc essentiel.

À cela s'ajoutent onze créations d'unités - sept pour la gendarmerie nationale et quatre pour la police nationale, soit 1 640 personnes supplémentaires, ainsi que le financement de 1 266 équivalents temps plein (ETP) pendant les deux premières années.

Ce renforcement de notre présence passe aussi par un affermissement de notre ancrage territorial. Ainsi, 239 brigades seront ainsi créées sur cinq ans, en concertation avec les élus. Le maillage n'oublie pas l'outre-mer - je le dis à l'attention de la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer -, qui en accueillera 22. Ces brigades, fixes et mobiles, sont rapidement déployées ; les premières ont ainsi été lancées dès 2023 et l'année 2024 marquera une grande accélération. Les Français demandent à « voir du bleu », des uniformes, à bénéficier de cette protection quotidienne.

Par ces deux dimensions, nous répondons à leurs attentes.

Merci, monsieur le président, d'avoir évoqué l'outre-mer. Les efforts de sécurité y sont une exigence absolue. Depuis la prise de fonction du ministre de l'intérieur, l'outre-mer a fait l'objet d'un déploiement considérable de 1 400 policiers et gendarmes supplémentaires. Actuellement, 21 escadrons de gendarmes mobiles, soit 20 % des effectifs nationaux, sont déployés sur l'ensemble des territoires ultramarins. L'effort est donc considérable. En Guyane, l'opération Harpie mobilise de nombreux fonctionnaires.

La mission « Outre-mer » bénéficie de 180 millions d'euros supplémentaires, soit une hausse de 7 % des crédits - 4,4 % après prise en compte de l'inflation. Après l'engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale, ce sont 90 millions d'euros supplémentaires qui seront déployés, ce qui permettra de franchir le seuil des 3 milliards d'euros d'intervention pour les outre-mer. Tous périmètres ministériels confondus, ce sont près de 23 milliards d'euros qui sont alloués aux outre-mer. Les outre-mer sont passés de 2 à 3 milliards d'euros en cinq ans ; rares sont les périmètres ministériels à avoir connu une telle augmentation. Voilà qui illustre la volonté du ministère de l'intérieur et des outre-mer de faire cet effort particulier.

Évoquons la politique du logement en outre-mer : la ligne budgétaire unique (LBU) atteindra 292 millions d'euros. Je serai très honnête, car la remarque m'a été adressée à l'Assemblée nationale : cette somme marque un retour au niveau de 2013. L'année 2023 a été marquée par des sous-consommations, mais 50 millions d'euros supplémentaires sont prévus l'année prochaine. Hors quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), 20 millions d'euros supplémentaires seront ainsi alloués à la construction de logements sociaux. Les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) passeront de 30 % à 50 %. Les aides porteront non seulement sur les logements neufs, mais aussi sur les logements anciens faisant l'objet d'une défiscalisation. Les sommes allouées aux contrats de convergence et de transformation augmenteront sur la période 2024-2027 de 400 millions d'euros, passant de 2,4 milliards à 2,8 milliards d'euros, tous ministères confondus. Notre effort est donc multiple.

Nous avions signé neuf contrats de redressement outre-mer (Corom) en 2021-2022 et douze en 2022-2023 : nous continuerons dans cette voie, car il existe toujours des attentes. Ce concept de coresponsabilisation est efficace.

L'année 2024 marquera aussi une augmentation sensible de l'aide à la continuité territoriale, qui passera de 70 millions à 93 millions d'euros. Les jeunes primo-étudiants, qu'ils soient boursiers ou non, pourront rentrer chez eux dès les prochaines vacances de Noël grâce à la prise en charge de leur billet d'avion. Par ailleurs, nous avons élargi les publics bénéficiaires de cette aide aux domaines culturel et sportif, aux demandeurs d'emploi et personnes en reconversion professionnelle.

Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) va également voir ses crédits augmenter. J'imagine que le Sénat déposera un certain nombre d'amendements pour renforcer le soutien aux communes, et le Gouvernement les acceptera bien volontiers. Le FEI, doté de 110 millions d'euros, a prouvé sa pertinence. Des amendements ont été acceptés à l'Assemblée nationale, et je serai favorable à ce que nous allions plus loin. Le soutien technique apporté aux communes passera, quant à lui, de 10 à 20 millions d'euros.

Revenons-en aux questions de sécurité et aux investissements annoncés. Plus de 4 800 véhicules légers ont été acquis pour la police et la gendarmerie en 2023 ; ils seront 3 600 en 2024, pour un coût total de 130 millions d'euros. Le plan « caméra-piéton » permettra d'installer 35 000 caméras d'ici à la fin de l'année 2024.

À la suite des annonces du Président de la République consécutives aux importants feux de forêt de l'année 2022, un amendement portant sur le renforcement des moyens dédiés à la sécurité civile a été déposé et adopté à l'Assemblée nationale le 30 octobre 2023. Pas moins de 140 millions d'euros seront inscrits au budget du programme 161, qui permettront l'installation d'une quatrième unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) à Libourne, la création de 163 ETP, l'allocation de 39 millions d'euros aux pactes capacitaires, de 32 millions d'euros pour les Canadair et de 23 millions d'euros pour la location de moyens aériens. Vous le constatez, en matière de sécurité civile, l'année 2024 marquera une forte inflexion. Il est nécessaire que nous soyons au rendez-vous, car des incendies se produisent fréquemment malgré les moyens de détection et d'anticipation. Nous devons être à la hauteur de ces enjeux.

Notre flotte d'hélicoptères sera renouvelée et complétée pour atteindre 40 appareils, en cours d'acquisition, pour un coût d'un peu moins de 500 millions d'euros. Nous avons pris conscience de la nécessité de renforcer notre flotte, notamment dans la lutte contre les incendies.

Pour mieux répondre à la cybercriminalité, 1 500 « cyberpatrouilleurs » ont été recrutés, soit une hausse de 50 %. En parallèle, le numéro numérique d'urgence « 17 cyber » a été mis en place. Des investissements d'ampleur sont prévus pour moderniser les services numériques accessibles aux citoyens. Après les succès de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos) et du traitement harmonisé des enquêtes et signalements pour les e-escroqueries (Thésée), le portail dit « Ma Sécurité » permettra d'assurer « le dernier kilomètre d'application de la loi », car on s'aperçoit malheureusement qu'une loi n'est efficace que si elle atteint la personne concernée.

On a connu des années où les moyens d'intervention et de présence territoriale de l'État étaient malheureusement en baisse. Nous avons commencé à mettre fin à cette spirale. Avec la Lopmi, sont dégagées plusieurs priorités : le renforcement de nos capacités numériques et cyber, avec le réseau Radio du futur (RRF) adossé à l'Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (Acmoss) ; le réarmement de l'État territorial grâce à la création de 350 emplois, dont 110 en 2024, pour continuer à soutenir les missions préfectorales les plus en tension, notamment celle de la gestion des titres de séjour des étrangers, la gestion de crise et l'accueil des usagers. Les actions de prévention de la délinquance et de la radicalisation, comme la vidéoprotection, seront également augmentées : 25 millions d'euros en 2024, contre 22 millions d'euros en 2023, soit un effort substantiel de plus de 10 %.

Huit millions d'euros seront alloués en 2024 à la création de sous-préfectures. Il fut un temps où l'on fermait les gendarmeries, les sous-préfectures ; on les rouvre aujourd'hui. Il y a quelques jours à peine, j'étais ravi d'assister en Guyane à la réouverture d'une sous-préfecture et à la prise de fonction d'une jeune sous-préfète ! Cette réouverture, sur un territoire aussi grand que le Portugal, est un signal fort envoyé par l'État. Certaines sous-préfectures seront par ailleurs labellisées maisons France Services. Ces dernières, dont le maillage géographique s'est considérablement renforcé depuis quelques années, sont très appréciées par nos concitoyens et rappellent la présence de l'État au plus près de chacun d'entre eux, notamment dans les territoires ruraux.

La Coupe du monde de rugby s'est très bien déroulée. Des opérations ont été conduites à la demande du ministre de l'intérieur : 4 800 opérations « zéro délinquance » ; 781 interpellations, 475 gardes à vue, des saisies de drones. En effet, les drones marquent l'émergence de nouveaux dangers, en ce qu'ils peuvent nuire aux dispositifs de sécurité. Les jeux Olympiques constituent un enjeu considérable de par leur durée de cinq semaines, le nombre de sites concernés, qui sont une trentaine, l'arrivée de 10 000 athlètes représentant 206 nations. Nous aurons sur nous les projecteurs du monde entier, c'est pourquoi nous devons faire de cette merveilleuse fête du sport un outil d'attractivité et de développement économique, mais le faire dans des conditions de sécurité absolues. Pour cette raison, pas moins de 35 000 personnels des forces de sécurité intérieures (FSI) seront déployées tout au long de l'évènement, pour un budget de 200 millions d'euros.

La mission « Immigration, asile, intégration » disposera en 2024 d'un budget en hausse de plus de 7 %, soit 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce montant représente 10 % de l'ensemble des crédits du ministère de l'intérieur sur le périmètre de la Lopmi. Cette augmentation inclut les crédits découlant de cette dernière pour la période 2022-2027, soit 109 millions d'euros, y compris ceux du plan « CRA 3000 » (centres de rétention administrative). Il marque notre volonté de maîtriser les flux migratoires, de lutter contre l'immigration irrégulière, de garantir l'exercice du droit d'asile et de renforcer l'intégration des étrangers en situation régulière - les primo-arrivants. Ce débat s'inscrit pleinement dans le cadre de la Lopmi, avec une programmation budgétaire inédite : en cinq ans, les crédits affectés à cette mission, c'est-à-dire à la politique migratoire, auront progressé de façon inégalée.

Naturellement, pour être équilibrée, une politique migratoire doit être plus efficace, mais aussi plus humaine. Vous le savez parfaitement, puisque le texte du Gouvernement, et en particulier l'article 3, a sensiblement été modifié par le Sénat.

Enfin, évoquons le budget des collectivités territoriales, alors même que se tient actuellement à Paris le salon des maires. La dotation globale de fonctionnement (DGF) connaîtra une augmentation de 220 millions d'euros, soit un peu plus de 500 millions d'euros d'augmentation sur les deux dernières années. Je rappelle qu'entre 2012 et 2017, les dotations aux collectivités territoriales ont connu une baisse de 13,5 milliards d'euros. Il faut toujours effectuer ces comparaisons, qui permettent de mettre en évidence une volonté politique. La dotation de solidarité rurale (DSR) progresse, quant à elle, de 100 millions d'euros, la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 90 millions d'euros et les dotations d'intercommunalité de 30 millions d'euros.

J'ai été maire pendant seize ans, je sais donc qu'il fut un temps où l'on attendait plusieurs mois la délivrance des titres sécurisés. Aujourd'hui, cette attente est comprise entre quinze et dix-huit jours. Cette volonté est difficile à mettre en oeuvre, car elle suppose d'avoir des moyens humains formés, des dispositifs qui fonctionnent, des créneaux horaires d'ouverture suffisamment larges. On a progressé, et il nous faut maintenir ce niveau de progression. C'est pour cette raison que 100 millions d'euros seront alloués aux titres sécurisés en 2024.

Ma collègue Dominique Faure est très attachée à la question des agressions contre les élus. Vous avez devant vous un ministre qui a été menacé de mort trois fois, je peux donc en parler légitimement. Un fonds de 5,5 millions d'euros est en cours d'ouverture et le plan national de prévention et de lutte contre la violence aux élus du 7 juillet 2023 permettra, enfin, de contrer avec efficacité les menaces toujours plus nombreuses que reçoivent les maires, lesquels sont pourtant les piliers de la République, en première ligne.

Je rappelle enfin que le budget des collectivités s'élève à 11,7 milliards d'euros, dont 7,1 milliards de TVA. Le soutien à l'investissement représente, quant à lui, 4,6 milliards d'euros, et comprend notamment le fonds vert, qui est désormais doté de 2,5 milliards d'euros. Voilà qui illustre un verdissement du budget. D'ailleurs, une partie des dotations habituelles, entre 20 % et 30 % selon les dotations, sera fléchée en direction de la transition écologique. Ainsi, au-delà des mots, nous serons dans la réalisation, dans la concrétisation de la transformation progressive de l'économie afin qu'elle réponde aux enjeux de la transition écologique.

Enfin, nous n'oublions pas les plus fragiles et souhaitons renforcer l'attractivité de tous les territoires. Une simplification des zonages au sein de France Ruralités Revitalisation (FRR) sera amorcée. Cette demande revenait souvent dans certains territoires, notamment celui dont je suis élu. Nous accentuerons également la déconcentration, qui permet de faire preuve d'une meilleure adaptation et d'être au plus proche de celles et ceux qui sont tous les jours en action. Les territoires nécessitant un accompagnement renforcé seront également pris en compte.

Je sais que Dominique Faure se fera un plaisir, au vu de son attachement pour les collectivités territoriales, de venir répondre à vos questions, vous qui êtes les représentants des élus dans les territoires.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis. - Merci, monsieur le ministre, pour vos explications.

Je souhaite vous soumettre deux séries de questions. La première concerne la sécurité à Mayotte, et la seconde porte sur les crédits outre-mer, sur lesquels la commission des lois a émis un avis favorable ce matin.

En ce qui concerne la sécurité, vous avez évoqué l'augmentation des escadrons de gendarmerie mobile, qui est réelle. J'en profite pour souligner le début de succès et l'espoir suscité à Mayotte par l'opération Wuambushu. La crise de l'eau a marqué une reprise des violences. Celles-ci sont perpétrées par des bandes de jeunes qui se donnent rendez-vous sur les réseaux sociaux pour commettre des saccages dans des villages et brûler des voitures et des habitations. Pour les Mahorais, cette situation est dure à vivre.

Vous êtes venu plusieurs fois à Mayotte pour constater les conditions de vie difficiles et douloureuses de la population. Ce qui peine les habitants de ces villages, c'est que la réponse à ces méfaits repose sur l'utilisation de gaz lacrymogène de manière indiscriminée. Or des personnes vulnérables ou âgées ainsi que des enfants vivent dans ces villages. Je n'avais pas prévu d'évoquer ce sujet aujourd'hui, mais je rebondis à votre propos sur l'augmentation des effectifs des forces de l'ordre. Cette dernière est louable, mais n'est-il pas nécessaire de changer la doctrine d'intervention ? L'utilisation du gaz lacrymogène ne peut pas être une réponse satisfaisante à cette recrudescence des violences. Chaque fois qu'un évènement de ce type se produit, et pas plus tard qu'avant-hier, les habitants appellent leurs élus le soir même pour se plaindre de l'utilisation de gaz lacrymogène, alors même que les voyous sont déjà partis au moment où le gaz est utilisé.

En ce qui concerne la mission « outre-mer », la hausse des crédits permettra de financer le renforcement de la lutte contre les habitats indignes, l'insertion professionnelle et la continuité territoriale.

Cependant, certaines interrogations demeurent.

En ce qui concerne d'abord la lutte contre l'habitat indigne, j'ai été alerté sur des problèmes de sous-consommation des crédits finançant la ligne budgétaire unique (LBU) : 150 000 logements seraient encore insalubres en outre-mer. Quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de garantir le décaissement de la totalité des crédits dédiés à la résorption de l'habitat insalubre et l'accélération des livraisons de logements neufs ?

Par ailleurs, votre collègue, Christophe Béchu, s'était engagé l'an passé à prendre des mesures pour remédier au manque d'adaptation de certaines mesures aux spécificités des territoires ultramarins, et notamment du filet de sécurité visant à protéger les collectivités de la hausse des prix de l'énergie. Or, un an plus tard, force est de constater que les mesures annoncées n'ont pas été prises, puisque seules dix-neuf collectivités ultramarines ont bénéficié de ce dispositif depuis sa mise en place, pour un montant de 14 millions d'euros. Quelles dispositions prendre pour remédier à cette situation et enfin adapter les dispositifs nationaux aux spécificités des outre-mer ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis. - Monsieur le ministre, permettez-moi de commencer par déplorer l'absence du ministre de l'intérieur et des outre-mer et de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Je sais que le Gouvernement est une équipe et que vous êtes donc capable de les représenter. J'estime cependant que, pour une audition qui vise à préparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, et notamment les missions relatives à la sécurité, l'immigration, l'asile, les collectivités territoriales, l'administration générale et territoriale de l'État, les outre-mer, plusieurs voix auraient été pertinentes ou, du moins, nous auraient permis de rentrer dans les détails de ces questions.

En effet, le premier travail au sein d'une commission n'est pas simplement de faire du déclaratif, mais d'avancer ensemble. Je regrette donc ces absences. Sans doute la date n'est-elle pas idéale, mais il n'est pas nouveau que cette audition corresponde au mardi du Congrès des maires, et nous faisons en sorte d'y assister malgré tout.

Concernant la mission « Administration générale et territoriale de l'État », je souhaite tout d'abord saluer le renforcement des moyens humains que ce PLF entend dédier à l'administration territoriale de l'État (AGTE), après une décennie de coupes budgétaires draconiennes, ou d'augmentations en trompe-l'oeil. Vous avez rappelé les 232 postes créés, dont 110 pour renforcer les missions préfectorales en tension, qui sont nombreuses.

Cependant, il m'est malheureusement impossible de considérer que ce schéma d'emplois offre une réponse satisfaisante à la crise profonde que traverse l'État de proximité, lequel a vu ses effectifs fondre de 14 % entre 2010 et 2021. Le PLF pour 2024 ne prévoit en effet qu'une augmentation de 0,41 % des effectifs de l'administration territoriale de l'État, évolution dont nous ne pouvons pas nous satisfaire au regard du bilan de la décennie passée, d'une part, et des défis que l'État territorial doit relever, notamment à l'approche des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, d'autre part.

Parmi ces défis, le maintien d'une très forte demande de titres sécurisés fait craindre l'aggravation des dysfonctionnements constatés dans l'exercice de cette mission, bien que la situation ne soit plus aujourd'hui aussi dramatique qu'elle l'était en 2022. De manière un peu plus précise que vous ne l'avez fait dans votre propos introductif, pouvez-vous nous expliquer comment vous entendez réduire au maximum les délais de délivrance ? Ne craignez-vous pas une nouvelle mise sous tension de la chaîne de production du fait du déploiement de l'identité numérique régalienne qui nécessitera, pour en bénéficier, de disposer de la nouvelle version de la carte nationale d'identité ?

À ce sujet, il conviendrait également de dresser un premier bilan de l'expérimentation de la certification des comptes de l'identité numérique par les mairies, qui ne concerne aujourd'hui qu'une poignée de communes volontaires. Comment entendez-vous pouvoir la déployer ? La détention d'un compte certifié étant l'une des conditions pour pouvoir établir une procuration de manière totalement dématérialisée, êtes-vous en mesure d'évaluer le nombre d'électeurs qui pourront bénéficier de cette modalité de vote en vue des élections européennes de juin 2024 ?

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Monsieur le ministre, je souhaite aborder avec vous la question de la sécurité civile.

La commission des lois a examiné mercredi dernier les crédits du programme 161, relatif aux moyens nationaux de la sécurité civile. Nous avons émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme et avons salué l'effort budgétaire significatif qui a été effectué ces deux dernières années.

Vous vous en doutez, cependant, cet avis favorable n'est pas pour autant un chèque en blanc. De nombreuses interrogations demeurent sur plusieurs sujets. Nous avons ainsi adopté deux amendements de crédits. Ils concernent, d'une part, l'acquisition des deux hélicoptères lourds promis par le Président de la République lors de son discours du 28 octobre 2022 et, d'autre part, la consommation intégrale des autorisations d'engagement destinées aux pactes capacitaires que nous avons votées dans la précédente loi de finances et dont le calendrier est pour le moins opaque. Nous en débattrons la semaine prochaine. 

Je souhaite vous interroger sur deux sujets très précis.

En premier lieu, j'aimerais que vous explicitiez la position du ministère de l'intérieur quant au dimensionnement du plan de renouvellement et d'extension de la flotte de Canadair qui nous a été annoncé l'année dernière. Vos services m'ont confirmé explicitement que le calendrier initial annoncé par le Président de la République, à savoir le renouvellement intégral de nos douze Canadair et l'achat de quatre Canadair supplémentaires d'ici la fin du quinquennat était irréalisable compte tenu des difficultés de mise en place d'une chaîne de production. Ils m'ont alors indiqué que, dans un scénario « optimiste », les quatre appareils permettant d'étendre la flotte à seize appareils pourraient être livrés en 2027 pour le premier et, pour le dernier, au cours de la première moitié de la décennie 2030. Ils sont en revanche restés très évasifs quant à la passation d'une commande, même tardive, des douze appareils permettant de renouveler notre flotte actuelle.

Vous comprendrez donc aisément ma vive préoccupation face à cette apparente inertie, alors que les délais de livraison se chiffrent presque en décennie. Ma question est donc la suivante : le plan de renouvellement
- je parle bien du plan de renouvellement, et non pas du plan d'extension de la flotte - est-il toujours d'actualité ? Pouvez-vous vous engager à sa mise en oeuvre effective ?

Ma seconde question porte sur la méthode de construction du budget opérée par le ministère de l'intérieur. À deux reprises l'année dernière, le Gouvernement a déposé des amendements de crédits sur le programme 161, l'augmentant très significativement, de l'ordre de 40 %. De nouveau, cette année, un amendement gouvernemental représentant un tiers des autorisations d'engagement du programme, et qui ne précisait pas la ventilation détaillée des crédits, a été adopté en octobre à l'Assemblée nationale, afin de financer des mesures pourtant annoncées par le Président de la République en octobre 2022, c'est-à-dire il y a plus d'un an.

Une telle méthode de construction du budget, pour des mesures connues de longue date, est à mes yeux insatisfaisante au regard de l'impératif de sincérité budgétaire et du respect du débat parlementaire, d'autant que les sommes débloquées ne font l'objet d'aucune évaluation dans le projet annuel de performances qui est annexé au PLF.

Pouvez-vous donc vous engager à éviter autant que possible de recourir à ce procédé lors des prochaines années ?

Mme Nathalie Delattre. - Je souhaite poser deux questions en ma qualité de de rapporteure pour avis sur la mission budgétaire « direction de l'action du gouvernement », ainsi que deux questions au sujet de mon département de la Gironde.

J'aimerais vous entendre, monsieur le ministre délégué, sur la coordination des actions de cybersécurité du ministère de l'intérieur avec les services du Premier ministre, dont font notamment partie l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum). En 2024, celui-ci bénéficiera de dix transferts d'emplois en provenance de votre ministère. Si le service peut détecter des ingérences, il n'est pas chargé de la réponse répressive, et plus généralement des mesures de contre-influence ou de contre-ingérence. Le ministère de l'intérieur a par ailleurs affirmé que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) demeure seule compétente pour attribuer les manipulations à des puissances étrangères. Ainsi, quels réseaux de coopération ont été mis en place afin d'articuler les actions de ces différents services ?

Il convient de souligner que les collectivités territoriales sont la cible de 23 % des attaques de rançongiciels. Un plan national de financement est-il envisagé pour répondre à la vulnérabilité de leurs systèmes d'information ? Le cas échéant, cette stratégie nationale d'envergure serait-elle portée par l''Anssi ou les services du ministère de l'intérieur. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous a parlé d'une enveloppe estimée à plusieurs centaines de millions d'euros. Quant aux moyens humains, Cécile Augueraud, cheffe de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), a souligné, dans un article paru dans la presse, que les enquêteurs les mieux formés en cybersécurité tendent à se diriger vers le secteur privé en raison d'une rémunération jusqu'à trois fois plus élevée. Ainsi, quelles sont les réflexions en cours pour recruter et fidéliser des experts dans le domaine ? Avez-vous envisagé des actions communes de formation et de recrutement avec l'Anssi, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ou d'autres administrations concernées ?

Vous avez cité l'UIISC de Libourne. Pouvez-vous nous confirmer les crédits 2024 pour engager les travaux ?

Par ailleurs, vous avez évoqué le sujet des jeux Olympiques. Je souhaite parler de leurs dommages collatéraux sur nos territoires, en particulier concernant la surveillance par les CRS maîtres-nageurs sauveteurs (MNS) de nos plages. Il est impensable que nous n'ayons pas de renfort pendant la période estivale. Nous avons encore été confrontés à des décès dus aux baïnes dans l'Atlantique. Gérald Darmanin s'était engagé à réunir les maires en septembre dernier, mais d'autres priorités ont émergé. Pouvez-vous m'assurer que cette réunion se tiendra, afin de rassurer les maires sur cette question ?

M. François-Noël Buffet, président. - Ma question portera sur l'outre-mer, et en particulier sur l'aide à l'ingénierie locale. Vous avez dit, monsieur le ministre, que celle-ci serait augmentée de 10 à 20 millions d'euros. Cette hausse est louable, mais quelle sera la méthode adoptée pour garantir un déploiement effectif ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. - Monsieur Mohamed Soilihi, je vous remercie d'avoir souligné notre entière mobilisation dans le cent unième département français, qui est actuellement confronté à une crise hydrique sans précédent, caractérisée par 54 heures de tour d'eau, ce qui signifie que pendant 54 heures continues, les Mahorais et Mahoraises sont privés d'eau. L'eau est ensuite remise pendant 18 heures.

Depuis le 2 septembre, date de mon premier déplacement sur place, nous produisons 7 500 mètres cubes supplémentaires d'eau par jour, les besoins étant de 43 000 mètres cubes par jour. Le manque d'eau est lié au réchauffement climatique, qui vide les deux grandes réserves de Mayotte. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, le 2 septembre, de distribuer des bouteilles d'eau aux 51 000 personnes les plus fragiles. Depuis hier, cette action est élargie à l'ensemble de la population.

Nous avons également déployé une campagne de forage inédite. Je rappelle que 6 millions d'euros avaient été provisionnés par l'État entre 2017 et 2022 mais qu'aucun forage n'a été conduit. Or, depuis le 2 septembre 2023, un forage est lancé. Par ailleurs, un appel d'offres pour une usine de désalinisation est en cours d'analyse. Nous devrions retrouver une situation normale, si la pluviométrie est à la hauteur, en février ou mars 2024. L'autonomie de la production d'eau sera, quant à elle, effective au plus tôt en mars 2025. La situation vous est décrite sans concessions, mais le Gouvernement finance tout. Au 31 décembre prochain, Mayotte aura bénéficié de la part de l'État de près de 97 millions d'euros en lieu et place des collectivités.

Bien entendu, cet investissement est visible, notamment sur le plan de la sécurité. Ainsi, la rentrée des classes s'est bien déroulée, notamment car une protection totale a été assurée. Telle était la volonté du ministre de l'intérieur, du ministre de l'éducation nationale et de moi-même, pour que nos enfants soient protégés lorsqu'ils se rendent à l'école, et ce d'autant qu'ils ne s'y rendent qu'une matinée sur deux en raison de problèmes d'infrastructures.

À l'hôpital de Mamoudzou, les forces de sécurité permettent au personnel soignant d'assurer sa mission. Certains évènements violents se sont produits et des cars transportant du personnel soignant ont par exemple été caillassés, conduisant les professionnels concernés à invoquer leur droit de retrait. Il me semblait naturel de rencontrer des délégations de ces salariés, ce que j'ai fait à plusieurs reprises. Le retour à la normale est progressif et nous mènerons l'opération Wuambushu lancée par Gérald Darmanin à son terme. Plus de 680 bidonvilles ont d'ores et déjà été rasés, mais c'est une oeuvre de longue haleine. Cette montée de l'insécurité sur place a motivé le déploiement de cinq escadrons de gendarmes mobiles, sur les 22 engagés à l'échelle du pays. Bien entendu, d'autres FSI ont aussi été déployées, soit un peu plus de 1 200 personnels.

J'ai bien pris en compte votre remarque, monsieur Mohamed Soilihi, concernant les gaz lacrymogènes. Je discuterai donc de la question de la doctrine d'intervention avec le ministre de l'intérieur et attirerai son attention sur vos propos. Puisque vous faites référence aux évènements graves qui se sont produits, je tiens à rappeler qu'une gendarme a été gravement blessée il y a quelques jours. Il ne faut pas laisser les forces de l'ordre se faire encercler, caillasser et tirer dessus impunément. Nous déployons donc les moyens nécessaires avec mesure, mais il est des moments où des solutions de désencerclement sont nécessaires, d'où le recours aux gaz que vous évoquiez.

Nous mettons donc les moyens humains nécessaires, mais nous comprenons bien qu'à la crise de l'eau s'agrègent d'autres crises. Je serai d'ailleurs à Mayotte la semaine prochaine pour avancer avec les élus, que je remercie de nous accompagner au quotidien, parce que leur tâche est difficile.

Monsieur le sénateur, vous m'avez également interrogé sur les questions liées au logement. Je rappelais dans mon propos introductif que, concernant les crédits de la LBU, nous étions revenus au niveau de 2013 et avions constaté des sous-consommations. Ces dernières s'expliquent par un déficit d'ingénierie, ce qui me permet de répondre en même temps à votre question, monsieur le président. Les causes des sous-consommations sont multiples : manque d'ingénierie, désordre foncier, manque d'opérateurs, même si l'opérateur public présent à Mayotte marche plutôt bien.

Des décisions ont été prises au-delà de l'augmentation budgétaire évoquée précédemment. La norme de régions ultrapériphériques (RUP) sera prochainement mise en place et remplacera la norme CE. Ce sera un élément de compétitivité très important. Par ailleurs, en Guyane, les opérations d'intérêt national (OIN) permettront de renforcer notre présence et l'extension du champ du fonds régional d'aménagement foncier et urbain (Frafu), indispensable pour l'aménagement urbain, nous fera gagner en efficacité.

On progresse, même si la crise du logement est aussi bien hexagonale qu'ultramarine. Un sénateur et un député vont se voir confier par le gouvernement une mission sur la question du logement dans les territoires ultramarins, car il est nécessaire que nous soyons capables d'appréhender la situation du logement dans ces territoires. Il est inconcevable de procéder à une refonte de ces niches fiscales sans en mesurer l'incidence. Il faut nous doter des outils les plus adaptés à la situation particulière que nous vivons.

Vous m'avez également interrogé sur le filet de sécurité pour les communes. Celui-ci a été mis en place en 2022 à hauteur de 14 millions d'euros, pour 19 communes bénéficiaires. Il est vrai que les communes bénéficiaires du dispositif Corom n'étaient pas éligibles, car le Sénat avait voté contre l'amendement déposé sur ce point. Je sais donc que quatre communes ont fait des avances et obtenu des acomptes. Nous analyserons comment trouver des solutions pour mieux les aider. Les Corom vont évoluer en 2024 : leur enveloppe budgétaire augmentera, car il s'agit d'un acte de coresponsabilité entre le Gouvernement, qui aide les communes en difficulté financière, et les communes, qui acceptent ce schéma. L'aide sera progressive sur trois ans, durée du Corom, et d'un montant intéressant de 2,1 millions d'euros.

Enfin, un travail sera accompli sur les normes. Un ancien sénateur, Éric Doligé, avait beaucoup travaillé sur cette question et rédigé un excellent rapport qui, malheureusement et comme nombre de rapports, est resté sans effet. On ne peut pas traiter les territoires ultramarins comme les territoires hexagonaux, et la Première ministre a pris des engagements en ce sens. Je rappelle d'ailleurs un élément nouveau : chaque loi donnera désormais lieu à une déclinaison ultramarine. C'est la raison pour laquelle un délai d'application a été accordé aux territoires ultramarins pour l'application du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Sans cette tolérance, la situation est intenable pour ces territoires, qui sont isolés, privés des outils de production, dans une situation de forte dépendance économique, soumis à des importations toujours plus grandes et confrontés à des pénuries de matériaux. Nous essayons donc d'apporter des solutions au plus près des réalités du terrain.

Madame Cukierman, j'ai analysé la baisse des effectifs en prenant en compte que les acronymes et le périmètre des programmes de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », ont parfois changé entre 2007 et 2012, puis entre 2012 et 2017. L'État était dépouillé quotidiennement. C'est pourquoi nous sommes actuellement en train de remettre des moyens. Entre 2012 et 2017, environ 2 500 ETP ont été supprimés dans les préfectures. Je parle des préfectures, mais regardez ce que sont devenues les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ! Dans ma région, la plupart des services techniques sont rattachés à la DREAL Normandie, car nous manquons de moyens. C'est pourquoi nous sommes en train de renverser la tendance. Bien entendu, refaire le chemin inverse prendra un peu de temps. Nous dédions des moyens pour mettre fin à cette baisse des effectifs, et peut-être faudrait-il en dédier plus. Avec les 350 ETP programmés, nous allons avancer.

Nous sommes passés de plus de soixante jours à quinze jours pour obtenir un titre sécurisé. L'objectif fixé par la Première ministre était de vingt jours. Je sais que ce seuil n'est pas encore atteint dans certains endroits, mais sachez que nous allons suivre cette question attentivement. Cet objectif requiert d'ailleurs un engagement des communes. Quelques difficultés ont été rencontrées, notamment dans ma région, pour les mobiliser. Il faut donner du temps, former, trouver des locaux, adapter les horaires pour apporter le meilleur service public, et c'est la raison pour laquelle nous mobilisons 100 millions d'euros en 2024.

Vous évoquiez aussi le bilan de la certification des comptes pour les collectivités territoriales. Je crois que des progrès considérables ont été faits sur la qualité des comptes. Le bilan fait par le Gouvernement en 2023 l'a montré. Nous souhaiterions généraliser ces progrès, ce qui ne pourra être fait à marche forcée. Nous visons l'atteinte de cet objectif en 2026, ce qui laisse le temps aux collectivités territoriales de faire en sorte que leurs comptes soient certifiés, gage de transparence vis-à-vis des concitoyens. Le délai de 2026 permet de laisser le temps aux collectivités de s'adapter aux changements de nomenclatures, que je sais complexes pour avoir été confronté à la question en tant qu'élu local. Cette volonté politique de porter la certification des comptes est la nôtre et nous irons jusqu'au bout.

Madame Dumont, vous avez pu comprendre dans mon propos liminaire que j'ai été marqué dans ma vie d'élu local par des drames liés à des incendies. Votre question sur les Canadair était très précise, je vais donc vous répondre par des chiffres tout aussi précis. Vos chiffres sont exacts : deux Canadair supplémentaires en 2027-2028 et douze nouveaux Canadair après 2030. Que fait-on avant cela ? J'ai souligné le fait que des moyens étaient consacrés à la location de matériel. Nous allons ainsi louer chaque année dix hélicoptères bombardiers d'eau au cours de cette période intermédiaire. Entre les dates de commande et de livraison, le temps est incompressible. Oui, le renouvellement est lancé, mais nous sommes confrontés à un problème majeur : nous n'avons pratiquement plus de fabricants. Nous n'avons pas de consortium portant cette question, mais je puis vous assurer de l'engagement ferme du ministre en la matière.

Vous avez raison au sujet de l'amendement gouvernemental et j'ai bien entendu votre préconisation qui est de faire en sorte que les amendements ne soient pas déposés tardivement. Oui, les crédits pour Libourne sont inscrits pour 2024. La ventilation des 140 millions d'euros annoncés est la suivante : 45 millions d'euros pour la quatrième UIISC, 39 millions d'euros pour le pacte capacitaire et 32 millions d'euros pour les Canadair.

Madame Delattre, en matière de cybersécurité, la coopération entre services relève bien de Matignon. La formation de professionnels compétents sera accélérée. D'ailleurs, le ministre chargé de la transition numérique a mis en lumière des points de coordination pour une montée en puissance et en effectifs, car cette compétition est aussi liée à l'intelligence artificielle. La question de la cybersécurité est incontournable et doit être confortée ; les moyens sont sur la table pour ce faire. Il est toujours possible d'aller plus vite, mais 2024 permettra de franchir une étape importante.

En ma qualité de ministre chargé des outre-mer, je m'occupe des régiments du service militaire adapté (RSMA). Dans le cadre de la formation de huit mois suivie par ces jeunes, je proposerai la possibilité de valider le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa), ainsi que le brevet d'état d'éducateur sportif aux activités de la natation (Beesan) ou le brevet national de secourisme (BNS). Il faut profiter de ces formations complémentaires, notamment dans les territoires. Je serai très heureux que les jeunes des RSMA puissent avoir un diplôme d'animateur ou passer le permis de conduire. Le taux de réussite, au sein des RSMA, est de 87 % pour le permis de conduire ! Ce panel de formation sera un début de passeport pour la vie. En dépit des primes mises en place avec les collectivités, le déficit de personnes formées demeure considérable. Dans ma région, nous avons essayé de former 50 personnes au Beesan, en finançant l'intégralité de la formation, mais il est difficile de trouver des volontaires. Le Gouvernement doit donner une impulsion et les collectivités territoriales doivent davantages'engager sur ce sujet.

Pour vous répondre, monsieur le président, je ne tiens pas à être responsable d'un ministère où l'on met trois fois plus de temps qu'ailleurs pour lancer un projet ; je n'en veux à personne, je connais les difficultés en matière de soutien technique et d'ingénierie.

Dans le cadre du comité interministériel des outre-mer (Ciom), 72 mesures ont été annoncées, avec une enveloppe de 10 millions d'euros ; un premier bilan de ces mesures sera dressé dans les prochains jours.

Comment procédons-nous ? Nous passons par l'Agence française de développement (AFD), les recensements s'effectuent dans les territoires et, en fonction des besoins des communes, nous décidons d'intervenir. Nous allons nous orienter vers quelque chose de plus formel, à la main des préfets. Je souhaite que des équipes se projettent sur des durées de 6, 12 ou 18 mois. Nous allons également nous appuyer sur les structures ayant les compétences requises pour aider les élus des territoires ultramarins
- l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la direction générale des collectivités locales (DGCL), l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), etc. -, afin d'intervenir dans les meilleurs délais.

Une forme de découragement s'installe lorsque les délais sont trop longs. Dans certaines communes des territoires ultramarins, des projets attendent depuis dix ans de voir le jour. Pour remédier à cela, nous allons déployer des moyens considérables. D'ici à la fin du mois de janvier 2024, nous serons en mesure d'obtenir la projection demandée. Ensuite, je réunirai tous les préfets afin de voir comment assurer un déploiement efficace, et je rendrai également compte au Sénat.

Je souhaite présenter des solutions adaptées, en concertation avec le ministre de l'intérieur et Dominique Faure, afin d'accompagner la transition énergétique et l'évolution des constructions dans les meilleurs délais. Les situations sont, le plus souvent, très complexes. Se pose d'abord le problème du foncier ; en Guyane par exemple, en dépit de la loi Letchimy, nous sommes encore loin du compte concernant les disponibilités foncières. Un autre problème concerne les matériaux ; sur ce sujet, l'adoption d'une norme spécifique RUP devrait être un atout. Notre volonté est bien de consommer les crédits.

Concernant les fonds européens, alors que nous étions les derniers de la classe, nous avons effectué une remontée notable. Le taux de consommation de ces fonds dans les territoires ultramarins a beaucoup progressé. Je suis à l'écoute des préconisations du Parlement pour améliorer l'accompagnement de nos territoires ultramarins.

Vous m'avez interpellé sur la violence à l'égard des élus. Je vous renvoie au plan national du 7 juillet dernier. Nous avons également étendu le dispositif de protection juridique aux élus des communes de moins de 10 000 habitants. Enfin, des opérations de proximité sont conduites par la gendarmerie nationale, de manière à ce qu'aucune violence ne reste impunie. Récemment, j'ai animé une association des maires dans un département de ma région et, sur la demande de Gérald Darmanin, je leur ai demandé de relayer ce message de fermeté. Les consignes données aux gendarmeries et aux commissariats sont très claires, nous ne laisserons rien passer ; toucher à un élu, c'est toucher à la République.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis. - Monsieur le ministre, ma question portait sur la certification des comptes de l'identité numérique dans quelques communes volontaires, et non sur la certification des comptes budgétaires des collectivités territoriales ; nous interpellerons les services pour obtenir des données plus précises.

Je souhaite revenir sur vos propos concernant les normes et le fonds vert. Depuis plusieurs années, nous déplorons une inflation des normes tout en cherchant à sécuriser l'initiative publique dans les territoires par la multiplication de règles et de procédures. Car, au-delà de la question des menaces et des agressions, les élus sont étouffés par la multiplication des normes, une camisole qui empêche toute action.

Concernant le fonds vert, lorsque nous avions auditionné Christophe Béchu il y a près d'un an, le déploiement du dispositif devait être d'une grande simplicité ; je note les efforts budgétaires pour cette année mais, si l'on s'en tient à la formalisation des dossiers, on ne peut pas parler de simplicité. Un même dossier peut être présenté pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), mais il en faut un différent pour le fonds vert...

On peut également s'interroger sur les demandes d'expertise de gains énergétiques concernant les bâtiments des années 1980 ; or, nous savons aujourd'hui que ces bâtiments sont des passoires énergétiques : les travaux qui seront faits amélioreront forcément la performance énergétique. Sans doute pouvons-nous simplifier les choses sur ce sujet.

Les préfets et sous-préfets ayant fait un service après-vente un peu trop alléchant, un certain nombre de communes ayant monté des dossiers ont eu des déconvenues en apprenant cet été qu'elles n'étaient pas éligibles. Le fonds vert peut aider au développement de nos territoires ; encore faut-il qu'il ne devienne pas une usine à gaz, loin de la réactivité et de la simplicité attendues.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. - Lorsqu'on a été élu local, on a forcément été confronté au sujet des normes. La volonté de la Première ministre de ne pas traiter les territoires ultramarins comme ceux de l'Hexagone apporte un élément de réponse. Une mission sur ce sujet vient d'être confiée à Éric Woerth ; son expertise à la fois d'ancien président de la commission des finances, d'ancien ministre du budget et d'élu local le qualifie pour faire un rapport sans complaisance, susceptible d'éclairer le Gouvernement et de favoriser la compréhension de ces normes.

Concernant le fonds vert, je n'étais pas encore ministre lorsque j'ai fait le tour des communes, en tant que député, pour expliquer le fonctionnement du dispositif. Vous m'accorderez que beaucoup de souplesse a été donnée. En dépit des 2 milliards d'euros engagés - 2,5 milliards d'euros l'année prochaine -, certains ont pu arriver un peu trop tard, mais cela se passe souvent ainsi pour les appels à projets. Un élu local doit toujours avoir trois projets dans ses tiroirs... En outre, des instructions seront données afin établir une meilleure articulation entre tous ces outils : fonds vert, DETR et DSIL.

Dominique Faure est très attachée à la simplification administrative. Inutile d'écrire dix pages ; une note de présentation et un budget consolidé doivent suffire. Il y va de la crédibilité de l'action publique. À un moment, sans doute que trop d'appels à manifestation d'intérêt (AMI) ont nui à l'efficacité locale ; le Gouvernement a décidé de simplifier les choses.

Au sujet de la certification des comptes, il est bon que l'on parvienne, sur la base du volontariat, à cette qualité. C'est aussi une question de confiance vis-à-vis de nos concitoyens, toujours plus demandeurs. Avec les moyens numériques à leur disposition, nos concitoyens ont la possibilité de tout consulter. Le fait de rendre des comptes est un gage de démocratie, et je tiens beaucoup à cette démocratie.

M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le statut des élus locaux, Dominique Faure avait annoncé un texte : à quelle date sera-t-il déposé, sachant que nous avons voté une proposition de loi portant sur la protection des maires au mois d'octobre 2023 ? Si nous avons bien compris, le texte du Sénat sera examiné à l'Assemblée nationale en janvier prochain...

M. Philippe Vigier, ministre délégué. - Les travaux de la Convention nationale de la démocratie locale (CNDL) se sont tenus le 7 novembre dernier, et le texte devrait arriver lors du premier semestre 2024.

Le Parlement est libre de l'organisation de ses travaux, et il arrive parfois, comme aujourd'hui, que les auditions du Sénat et de l'Assemblée nationale soient concomitantes...

M. François-Noël Buffet, président. - Pour être tout à fait transparent, je vous indique que le ministre de l'intérieur nous avait récemment informés de son indisponibilité, en raison de son audition à l'Assemblée nationale.

Je vous remercie, monsieur le ministre.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance - Direction du budget

M. Thibaut Roulon, chef du bureau des collectivités locales

M. Clément Boisnaud, sous-directeur de la 5ème sous-direction (SD5)

Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales - Direction générale des collectivités locales (DGCL)

Mme Cécile Raquin, directrice générale

M. Thomas Fauconnier, sous-directeur des finances locales et de l'action économique

Association des maires ruraux de France (AMRF)

M. Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés, vice-président

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

M. Antoine Homé, co-président de la commission finances

Mme Nathalie Brodin, responsable du département Finances et fiscalité locales

Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Mme Marie-Cécile Georges, responsable département Intercommunalité et organisation territoriale

Villes de France

M. Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, président délégué

Association France urbaine

M. Franck Claeys, délégué adjoint

M. Bastien Taloc, conseiller fonction publique territoriale et institutions

Intercommunalités de France

Mme Claire Delpech, responsable du pôle finances locales

Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

Assemblée des départements de France (ADF)

M. Nicolas Fricoteaux, président du conseil départemental de l'Aisne

Mme Marylène Jouvien, chargée des relations avec le Parlement

Mme Carine Riou, conseillère finances

Association nationale des élus de la montagne (ANEM)

Mme Marie-Annick Fournier, déléguée générale

Mme Raphaëlle Pouradier-Duteil, conseillère technique

Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM)

M. Claude Jay, maire des Belleville/Les Menuires/Val Thorens, président de la Commission Finances locales

M. Joël Retailleau, directeur général

Comité des finances locales

M. André Laignel, maire d'Issoudun, président, premier vice-président délégué de l'AMF

M. Alexandre Huot, conseiller département Intercommunalité et organisation territoriale

M. Benjamin Pasquier, conseiller, directeur de cabinet de M. Laignel


* 1 Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a été définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 15 novembre 2023.

* 2 Article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, déposé à l'Assemblée nationale le 26 septembre 2022.

* 3 Il s'agissait d'un dispositif de surveillance de l'évolution des dépenses locales par catégories de collectivités territoriales, assorti d'un volet correctif permettant de sanctionner les collectivités ne respectant pas l'objectif en les excluant de l'octroi des dotations de l'État.

* 4 Prévus à l'article 29 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Leur application avait été suspendue lors de la crise liée à l'épidémie de covid-19.

* 5 La commission des finances a adopté le 27 octobre 2022 les amendements identiques de suppression de Rémi Féraud, de Vanina Paoli-Gagin, de Daniel Breuiller, de Pascal Savoldelli ainsi que du rapporteur Jean-François Husson. En séance, l'amendement n° 73 du Gouvernement tendant à rétablir l'article n'a pas été adopté.

* 6  Rapport n° 23 (2023-2024) de M. Jean-François Husson, déposé le 11 octobre 2023.

* 7 Depuis plusieurs années déjà, le Sénat plaide pour le passage « de la contractualisation subie à la contractualisation partagée ». Voir notamment la proposition n° 4 du rapport « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales » du groupe de travail présidé Gérard Larcher (Philippe Bas et Jean-Marie Bockel, rapporteurs), publié en juillet 2020.

* 8 À la fin de l'année 2022, la dette des administrations publiques locales ne représente que 8,7 % de la dette publique totale.

* 9 Par l'article 55 de la loi de finances pour 2023. La suppression de la CVAE est achevée pour les collectivités territoriales dès 2023, et le sera pour les entreprises en 2027.

* 10  Cour des comptes, Les finances publiques locales 2023 - Fascicule 2, octobre 2023.

* 11 Par l'article 55 de la loi n°2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 12 La répartition s'établirait au prorata pour le tiers, des valeurs locatives des immobilisations imposables à la cotisation foncière des entreprises établies au 1er janvier de l'année qui précède celle de la répartition et, pour les deux tiers, des effectifs salariés employés l'année qui précède celle de la répartition par les établissements. Compte tenu de la suppression progressive de la CVAE jusqu'en 2027, les données relatives aux effectifs salariés proviendront de la déclaration sociale nominative (DSN).

* 13 Cour des comptes, op cit., p. 27.

* 14 Ibid., p. 13.

* 15 En 2023, d'après les estimations du Gouvernement, le taux d'inflation devrait s'élever à 4,9 % et le taux de croissance à 1 % (Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2024).

* 16 Pour un niveau d'inflation de 2,7 %, conformément à la prévision du Gouvernement figurant dans le RESF.

* 17 Article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 18 Arrêté du 13 octobre 2023 portant attribution de la dotation mentionnée au I de l'article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 19 Cela représente 82 % des bénéficiaires de l'acompte.

* 20 Le mécanisme ouvrait la possibilité pour les collectivités qui anticipaient une diminution de leur épargne brute de plus de 25 % pour 2022 de bénéficier du versement d'un acompte sur la dotation à laquelle elles avaient droit au titre du « filet de sécurité ».

* 21 Annonce du ministre lors du débat sur les finances publiques au Sénat le 21 novembre 2023.

* 22 Amendement n° I-228 (FINC.72) du rapporteur général Jean-François Husson, déposé au nom de la commission des finances.

* 23 L'article 54 du PLF 2024 prévoyait initialement la suppression de ce fonds. Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit désormais que le fonds se sera supprimé au 1er septembre 2025. Ce fonds a bénéficié à 1 462 communes sur l'année scolaire 2021-2022, pour un montant de 41 millions d'euros.

* 24 Le projet annuel de performance (PAP) indique que le montant de cette dotation est « intégré dans un vecteur financier unique pour le financement de la formation professionnelle des régions, via une attribution fixe du produit de l'accise sur les énergies revenant à l'État ».

* 25 Source : commission des lois, à partir des données du PLF pour 2024. Les calculs pour l'évolution en volume sont réalisés à partir d'une prévision d'inflation de 2,7 % pour 2024, conformément aux prévisions du Gouvernement fournies par le rapport économique, social et financier (RESF).

* 26 Selon une étude conjointe de la Banque postale et de l'AMF parue le 21 novembre 2023, en prenant en compte « un panier du maire », la hausse des prix enregistrée par les communes sur leurs dépenses est de 7,7 % sur un an au 1er semestre 2023 (4 derniers trimestres sur les 4 précédents).

* 27 Article 198 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 28 L'annexe n° 3 de l'instruction IOMB2236543J du 8 février 2023 relative à la composition et aux règles d'emploi des dotations et fonds de soutien à l'investissement en faveur des territoires en 2023 contient un « guide méthodologique de cotation des subventions attribuées au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dans le cadre du budget vert ».

* 29 Les articles L. 2334-42 et L. 2334-36 du code général des collectivités territoriales fixent, respectivement pour la DSIL et la DETR, des critères d'éligibilité qui comprennent une dimension environnementale, à l'image de la rénovation thermique des bâtiments.

* 30 Ces mesures s'ajoutent à la majoration exceptionnelle de la DTS prévue par le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2023, adopté par le Sénat le 20 novembre 2023, qui la porte à 100 M€ pour 2023.

* 31 Amendement n°II-3291, déposé par le Gouvernement.

* 32 En 2023, 6 388 communes y étaient éligibles.

* 33 Celles dont le potentiel financier par habitant inférieur au double du potentiel financier par habitant moyen des communes de la même strate démographique

* 34 Si bien que la dotation médiane s'élevait en 2023 à 3 000 €, la majorité des communes (3 535) percevant l'attribution minimale de 3 000 €. La dotation moyenne était de 6 512 €.

* 35 L'article 56 du PLF étend aux communes nouvelles la garantie de non-baisse de la DSU, dès lors qu'au moins l'une des communes fusionnées était éligible à la DSU l'année précédant la fusion. 

* 36 Cette obligation résulte de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 37  Rapport du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, « Libre administration, simplification, libertés locales : 15 propositions pour rendre aux élus locaux leur "pouvoir d'agir" », 6 juillet 2023.

* 38 Les critères d'éligibilité à la « fraction cible » de la DSR relatifs au revenu par habitant sont modifiés de sorte que les fortes variations (en fonction des départs et installations) auxquelles peuvent être soumises les petites communes ne les privent pas immédiatement de cette ressource. Le revenu par habitant pris en compte pour le calcul sera désormais celui constaté en moyenne sur les trois derniers exercices, ce qui devrait réduire d'environ 15 % le nombre de communes entrant ou sortant chaque année de l'éligibilité à la fraction cible de la DSR

* 39 Est introduite une garantie de sortie pour les communes qui perdent l'éligibilité à la part « majoration » de la DNP, ce qui devrait lisser dans le temps les baisses de DGF pour les communes concernées

* 40 Amendement n°II-CF3222, adopté par les commissions des finances de l'Assemblée nationale mais non retenu par le Gouvernement dans le texte considéré comme adopté en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

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