N° 134

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution,
pour
2024,

TOME XII

SÉCURITÉS

Par M. Henri LEROY,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 16801715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

S'inscrivant dans une trajectoire haussière continue et constante depuis 2017, les crédits de la mission « sécurités » pour 2024 connaissent une croissance de 1,16 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 1,04 milliard d'euros en crédits de paiement (CP), représentant une progression de l'ordre de 5 % de la dotation en crédits de paiement de chacune des forces.

De tels montants sont globalement conformes à la programmation adoptée par le Parlement dans le cadre de la LOPMI du 24 janvier 2023. En effet, l'année 2024 constitue le deuxième exercice de mise en oeuvre de cette programmation, dont l'ambition est conforme aux besoins et aux attentes des forces de l'ordre comme des citoyens en matière de sécurité.

Ce projet de budget n'en appelle pas moins deux réserves.

En premier lieu, soucieux de l'équilibre entre le renforcement des effectifs et l'amélioration de l'équipement et des conditions de travail des forces, le rapporteur alerte une nouvelle fois sur l'effet d'éviction des dépenses de personnel sur les crédits de fonctionnement et d'investissement constaté dans les deux programmes, diminuant ainsi la capacité opérationnelle réelle des policiers et des gendarmes. Une telle dynamique devra, à tout le moins, être stabilisée et plus encore, connaitre un infléchissement notable dès 2025.

En second lieu, il souhaite rappeler que l'exercice 2024 sera particulier pour les forces de sécurité intérieure, compte tenu des importants défis organisationnels et sécuritaires qui devront être relevés, s'agissant notamment de l'organisation et de la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) à Paris et sur 37 autres sites et ce, dans un contexte budgétaire différent de celui anticipé lors l'adoption de la LOPMI, marqué par un renchérissement des dépenses de fonctionnement et de personnel en raison du contexte inflationniste persistant. Ce dernier paraît ainsi susceptible d'obérer d'autant la capacité budgétaire des forces de sécurité intérieure en dépit d'une augmentation des crédits alloués en euros courants.

Enfin, s'il est aujourd'hui difficile d'estimer le coût de sécurisation des JOP, le rapporteur alerte sur les difficultés de pilotage des dépenses de personnels comme de fonctionnement liées à la sécurisation d'un événement de cette ampleur qui sont inéluctablement facteurs de tensions sur les crédits alloués aux deux forces, particulièrement en fin de gestion.

Bien que le ministre de l'intérieur n'ait pas jugé bon de présenter lui-même les crédits qui relèvent de son portefeuille ministériel, la commission des lois, réunie le 22 novembre 2023 a, sur le rapport d'Henri Leroy, émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités », hors programme 161 « Sécurité civile », inscrits au projet de loi de finances pour 2024.

I. UNE HAUSSE MARQUÉE DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE (FSI) EN 2024, GLOBALEMENT CONFORME AUX ORIENTATIONS DE LA LOPMI, DANS UN CONTEXTE SÉCURITAIRE ET BUDGÉTAIRE INÉDITS

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DES DEUX PROGRAMMES GLOBALEMENT CONFORME AUX TRAJECTOIRES INDICATIVES PRÉVUES PAR LA LOPMI

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) du 24 janvier 2023 formalise les ambitions programmatiques et budgétaires fortes pour la sécurité pour les années 2023 à 2027. Elle prévoit notamment une augmentation des crédits alloués à la police et à la gendarmerie nationales qui passeraient de 20,78 milliards d'euros en crédits de paiement en 2022 à 25,29 milliards d'euros en crédits de paiement en 2027, soit une hausse de 4,51 milliards d'euros de crédits annuels (+ 21,7 %). Au total, 15 milliards d'euros supplémentaires seraient budgétés sur cinq ans par rapport aux crédits affectés au ministère de l'intérieur en 20221(*).

Ces crédits doivent permettre de financer les trois priorités stratégiques définies par le rapport annexé au projet de LOPMI : opérer une révolution numérique profonde ; garantir plus de proximité, de transparence et d'exemplarité, notamment en doublant la présence des forces de l'ordre sur le terrain d'ici 2030 ; et mieux prévenir les menaces et les crises futures.

Pour ce faire, sont notamment prévues :

- la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie et de 11 nouvelles unités de forces mobiles ;

- la création de 8 500 postes dans les forces de sécurité intérieure (FSI) ;

- le renforcement des effectifs des réserves opérationnelles des deux forces ;

- et d'importants chantiers numériques et immobiliers.

Dans la continuité de l'année 2023 - première traduction budgétaire de la LOPMI -, l'année 2024 prévoit une augmentation du budget alloué à la mission « Sécurités » et plus particulièrement aux programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale ».

Ainsi, pour l'ensemble de la mission « Sécurités », les crédits demandés pour 2024 s'accroitraient de 408,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 1,7 %) pour atteindre 24,7 milliards d'euros et de 1,01 milliard d'euros en crédits de paiement (+ 4,8 %) pour atteindre 24,1 milliards d'euros.

S'agissant de la police nationale, les crédits alloués au programme 176 augmenteraient de 5,2 % en autorisations d'engagement (AE) et de 4,5 % en crédits de paiements (CP) pour atteindre 13,36 milliards d'euros en AE et 12,93 milliards d'euros en CP - l'augmentation était de 5,8 % en AE et 6,4 % en CP en 2023.

Dans la gendarmerie nationale, les crédits alloués augmenteraient également de 4,8 % en AE et 4,9 % en CP pour atteindre 10,87 milliards d'euros en AE et 10,39 milliards d'euros en CP.

Pour ce qui est de ces programmes, il convient de se référer au rapport annexé à la LOPMI, dont l'article 2 fixe la trajectoire budgétaire par programme sur la période pour apprécier la conformité des crédits proposés à la trajectoire adoptée par le législateur.

Écart entre les prévisions budgétaires annexées à la LOPMI
et les crédits proposés dans le PLF pour 2024

(en AE/CP, hors contribution au CAS « Pensions », en milliers d'euros)

 

LOPMI
prévision 2024

PLF pour 2024

Écart

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

 

Programme 176

T2 hors CAS

7 579

7 579

7 621

7 621

+ 42

+ 42

HT2

1 756

1 629

2 157

1 727

+ 401

+ 98

Total

9 335

9 208

9 778

9 348

+ 443

+ 140

 

Programme 152

T2 hors CAS

4 834

4 834

4 925

4 925

+ 91

+ 91

HT2

1 845

1 528

1 960

1 486

+115

- 42

Total

6 679

6 362

6 885

6 411

+ 206

+ 49

Source : commission des lois du Sénat, à partir des documents budgétaires

Le rapporteur pour avis constate avec satisfaction que la trajectoire est globalement respectée pour la plupart des lignes budgétaires, à l'exception notable des crédits de paiement hors titre 2 de la gendarmerie nationale.

B. UN BUDGET QUI DOIT TOUTEFOIS S'ANALYSER AU REGARD D'UN CONTEXTE SÉCURITAIRE ET BUDGÉTAIRE INÉDIT

Le budget pour 2024 doit s'analyser au regard d'un contexte sécuritaire comme budgétaire inédit, faisant craindre de fortes tensions, particulièrement en fin de gestion, sur celui-ci.

1. Un contexte budgétaire dégradé depuis l'adoption de la LOPMI

La LOPMI a été élaborée avant la survenue du contexte inflationniste, qui n'a pas conduit à revaloriser les budgets décidés pour les missions portées par le ministère de l'intérieur. Cela est susceptible d'obérer d'autant la capacité des FSI en dépit d'une augmentation des crédits alloués, en euros courants.

Plus précisément, les directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale ont fait état lors de leurs auditions par le rapporteur de trois principales difficultés résultant d'un tel contexte budgétaire inflationniste :

- le renchérissement du coût des carburants et des fluides, pouvant atteindre 22 % sur certains postes ;

- le renchérissement du cout des équipements et matériels, en particulier des véhicules légers dont le coût a, pour certains modèles, doublé en deux ans ;

- pour la seule police nationale, le coût imprévu et chiffré a plus de 35 millions d'euros de l'augmentation générale de 5 points d'indice décidée en juin 2023.

Loin d'être neutres, de telles évolutions appellent, aux yeux du rapporteur, à une particulière vigilance tant s'agissant de l'exécution budgétaire en 2023 que pour l'allocation de nouveaux crédits pour les forces de sécurité intérieure pour 2024.

2. Un contexte sécuritaire inédit en raison de l'organisation multi-site des JOP

L'accueil des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) en France en 2024 constitue un défi d'une ampleur inégalée pour les forces de sécurité intérieure et dont la sécurisation se doit d'être irréprochable à tout instant et sur l'ensemble du territoire.

Si le budget pour 2024 prévoit une hausse des moyens tant humains que matériels pour assurer la sécurisation de tels évènements, il n'en demeure pas moins aujourd'hui particulièrement malaisé d'en établir précisément le coût total. De façon analogue à la Cour des comptes2(*), le rapporteur estime ne pas être en mesure d'apprécier pleinement l'adéquation entre les crédits demandés en 2024 et les besoins résultant de la nécessaire sécurisation des JOP 2024.

De surcroit, il souhaite alerter sur le caractère difficilement pilotable de telles dépenses, en particulier, compte tenu de l'impossibilité de prévoir, pour l'heure, le déroulé de certains évènements comme la cérémonie d'ouverture ou l'ampleur des moyens devant être mis à disposition de l'État pour pallier d'éventuelles carences des autres acteurs du continuum de sécurité - l'ensemble des procédures d'allotissement des marchés de sécurité privée n'étant pas terminée - qui font craindre des tensions sur les crédits ainsi alloués pour 2024.

II. DES DÉPENSES DE PERSONNEL EN HAUSSE AFIN DE FINANCER L'AUGMENTATION DES EFFECTIFS ET LES MESURES CATÉGORIELLES

S'inscrivant dans une trajectoire haussière des dépenses de personnel de la police et de la gendarmerie nationales, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une augmentation des crédits de masse salariale (titre 2) de 3,4 % dans la police nationale (pour atteindre 11,205 milliards d'euros) et de 3,4 % dans la gendarmerie nationale (pour atteindre 8,907 milliards d'euros). En cumulant ces deux programmes, la hausse des dépenses de personnel serait de 4,8 %.

Le rapporteur ne peut se féliciter qu'entre 2015 et 2024, les dépenses de personnel (en euros courants) aient augmenté de 29 %, tant pour la gendarmerie que pour la police nationales, comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Évolution des dépenses de personnel de la police et de la gendarmerie nationales
(en AE/CP, contribution au CAS « Pensions » comprise)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Cette augmentation s'explique, d'une part, par la poursuite de la politique de renforcement des effectifs, et, d'autre part, par des mesures catégorielles particulièrement importantes, traductions des protocoles sociaux signés au sein de chaque force lors des négociations syndicales ayant suivi le Beauvau de la sécurité et des mesures interministérielles de revalorisation du point d'indice des fonctionnaires.

A. UN EFFORT CONSÉQUENT SUR LES EFFECTIFS AFIN DE PERMETTRE LE DOUBLEMENT DE LA PRÉSENCE DES FORCES DE SÉCURITÉ SUR LA VOIE PUBLIQUE ET LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS D'INTERVENTION ET DE MAINTIEN DE L'ORDRE EN VUE DES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES

Après la création de 10 000 effectifs sur le précédent quinquennat (plan 10 000) pour renforcer les forces de sécurité intérieure, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé le 6 septembre 2022 la création de 8 500 postes de policiers et gendarmes d'ici à 2027.

De façon analogue à 2023, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit la création nette dans les schémas d'emplois de 2 184 emplois dans les deux forces, soit :

- 1 139 équivalents temps plein travaillé (ETPT) dans la police nationale (+ 939 emplois) ;

- 1 045 ETPT dans la gendarmerie nationale (+ 461 emplois).

Ces augmentations en effectifs permettront un renforcement tant de la formation (par le recrutement de nouveaux formateurs) que du maillage territorial des forces de l'ordre, en particulier dans les zones rurales et péri-urbaines, avec la création sur cinq ans de 239 nouvelles brigades de gendarmerie dont l'implantation a finalement été dévoilée le 2 octobre par le président de la République.

Cartographie de l'implantation des 239 nouvelles brigades
de gendarmerie nationale

Source : La Nouvelle République, à partir de la cartographie du ministère de l'intérieur

Comme l'a indiqué le major général André Pétillot lors de son audition par le rapporteur, les créations de brigades n'atteindront leur rythme de croisière de 40 à 60 créations par an qu'en 2025 ; auparavant seulement 30 à 35 brigades seront créées en 2023, puis 40 à 45 en 2024.

La création de 239 brigades de gendarmerie :
la stratégie du déploiement majoritaire d'unités mobiles

Selon les informations recueillies par le rapporteur, les 239 nouvelles brigades seront de deux types : 144 unités mobiles et 95 fixes, soit environ 2/3 de forces mobiles contre 1/3 de brigades fixes. Cela révèle le choix gouvernemental de privilégier le déploiement d'unités mobiles à l'implantation fixe de nouvelles brigades bien que ces dernières correspondent pourtant au mode d'organisation traditionnel des forces de gendarmerie.

Plus précisément, les brigades fixes composées de 10 effectifs en moyenne seront des brigades territoriales classiques, qui assureront l'intégralité des missions de la gendarmerie (prévenir, renseigner, intervenir, enquêter) sur une circonscription propre. Des unités équestres et des équipes cynophiles pourront également y être adossées.

Les brigades mobiles seront, quant à elles composées de 6 effectifs en moyenne et ont pour vocation à prolonger l'action de la gendarmerie sur un territoire identifié. Elles seront mises en place dans des secteurs nécessitant une présence accrue, soit en assurant un accueil régulier dans un ou plusieurs tiers-lieux pouvant héberger d'autres services publics (les espaces France Services par exemple), soit en assurant une présence et un accueil temporaire depuis un poste mobile avancé (véhicule adapté) au plus près des usagers.

Source : dossier de presse du ministère de l'intérieur et réponses aux questionnaires budgétaires

Les effectifs supplémentaires se traduiront également par une amélioration des capacités d'intervention et de maintien de l'ordre en vue des jeux Olympiques et Paralympiques.

La LOPMI prévoit ainsi la création de onze nouvelles unités de force mobile (UFM), parmi lesquelles sept escadrons de gendarmerie mobile (EGM) - quatre en 2023 et trois en 2024 - et quatre compagnies de CRS spécialisées dans l'intervention rapide contre les violences, ce qui doit permettre de renforcer les capacités de sécurisation des grands événements.

Selon les informations recueillies par le rapporteur, trois UFM ont été créées en 2023 (à Nantes, Chassieu et Marseille) et une le sera en mars 2024 (à Montauban). De façon analogue, il a été indiqué au rapporteur que deux escadrons, ceux de Villeneuve d'Ascq et Melun, étaient depuis le 12 octobre pleinement opérationnels et que les cinq autres EGM (implantés à Hyères, Lodève, Thionville, Dijon et Joué-les-Tours) seraient mobilisables au maintien de l'ordre d'ici mai 2024, soit juste avant le début du « relais de la flamme » olympique et la tenue des JOP.

En parallèle de ces créations d'effectifs, la présence sur la voie publique serait renforcée par la poursuite de la substitution des personnels à vocation opérationnelle par des personnels civils ou des corps militaires de soutien (objectif de 400 substitutions dans la gendarmerie et de 500 substitutions dans la police en 2024), et une montée en puissance des réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie nationales (dotées respectivement, 8,4 et 28,9 millions d'euros supplémentaires en 2024).

Le rapporteur salue le renforcement inédit du budget alloué aux deux réserves opérationnelles, qui donnerait enfin une traduction concrète aux promesses de montée en puissance de ces réserves : les objectifs annoncés, certes ambitieux, sont toujours de porter la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale à 50 000 réservistes (contre 32 000 réservistes environ actuellement) et la réserve opérationnelle de la police nationale à 30 000 réservistes (6 000 environ actuellement) d'ici 2027.

B. DES MESURES CATÉGORIELLES RÉSULTANT DES DEUX PROTOCOLES DE MARS 2022 ET DE MESURES EXOGÈNES

L'augmentation des dépenses de personnels dans le projet de loi de finances pour 2024 s'explique également tant par le coût lié à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique décidée en juin 20233(*) et à la revalorisation des grilles B et C4(*) que par le financement d'importantes mesures catégorielles.

Les mesures catégorielles résultent principalement du protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale signé le 2 mars 2022 et du protocole social propre à la gendarmerie signé le 9 mars 2022.

Dans la police nationale, le coût de ces mesures catégorielles s'élèverait à 84,70 millions d'euros en 2023 (contre 37,52 millions d'euros en 2022, soit une augmentation de 125,7 % en un an), dont 72,40 millions d'euros au titre du protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale, tandis qu'il serait de 71,80 millions d'euros en 2023 dans la gendarmerie nationale (61,8 millions d'euros de mesures nouvelles, dont 48,6 millions d'euros au titre du protocole social de la gendarmerie), contre 32,64 millions d'euros en 2022, soit une augmentation de 120 %.

Ces dépenses sont attendues par les personnels. Elles permettront une modernisation de la gestion des ressources humaines et une revalorisation de certaines primes - comme la prime OPJ -, ce qui participe à la réponse à certaines problématiques d'ampleur - comme la désaffection de la police judiciaire. La Cour des comptes avait cependant mis en exergue dès 2018 les difficultés soulevées par les mesures catégorielles, qui ont un coût annuel élevé et mal maîtrisé, car difficilement anticipable5(*).

C. UNE NOUVELLE DÉTÉRIORATION DU RATIO ENTRE DÉPENSES DE PERSONNEL ET DÉPENSES HORS TITRE 2 QUI DOIT ÊTRE TEMPORAIRE

Depuis plusieurs exercices, le Sénat dénonce la stratégie poursuivie par le Gouvernement consistant à mettre l'accent sur le renforcement des effectifs au détriment de l'amélioration de l'équipement et des conditions de travail des policiers et des gendarmes. Les années 2021 et 2022 constituaient à cet égard une exception : grâce aux crédits issus du plan de relance, les dépenses de fonctionnement et d'investissement ont bénéficié d'une hausse conséquente et, pour la première fois, la part des dépenses de personnel dans les dépenses totales a diminué grâce au dynamisme des dépenses de fonctionnement et d'investissement.

De façon analogue à 2023, le projet de loi de finances pour 2024 marque une rupture avec ces améliorations puisque la part des dépenses de personnel dans les dépenses totales en autorisations d'engagement devrait augmenter, pour atteindre 86,20 %, en dépit de la hausse concomitante des dépenses d'investissement et de fonctionnement. Bien qu'élevé, ce niveau est inférieur de 3 points à celui de 2020. Il faudrait attendre l'année 2025 pour que cette part diminue à nouveau substantiellement.

Derrière cette tendance générale, apparaît une évolution divergente et préjudiciable de la part des dépenses de personnel entre les deux forces. Ainsi, si leur part est en baisse en AE comme en CP pour la police nationale, cette part connaît une augmentation importante de 1,5 point pour la gendarmerie nationale tant en AE qu'en CP.

Le rapporteur regrette que la part des dépenses de personnel dans les dépenses totales ne suive pas une tendance claire à la baisse. Il constate toutefois que cette préoccupation semble avoir été entendue puisque le ratio devrait diminuer dès l'année prochaine. Une telle évolution est absolument indispensable pour rétablir la capacité opérationnelle des forces et leur rendre des marges de manoeuvre.

Part des dépenses de personnel
dans l'ensemble des dépenses des programmes 176 et 152
(autorisations d'engagement)

Source : commission des lois du Sénat, à partir des documents budgétaires

III. DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D'INVESTISSEMENT EN AUGMENTATION, BIEN QUE DE MANIÈRE DIVERGENTE ENTRE LES DEUX FORCES

A. UNE HAUSSE RÉELLE RELATIVE DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D'INVESTISSEMENT POUR LES DEUX FORCES

Pour les deux forces, les crédits « hors titre 2 » connaissent une hausse de 6,1 % en AE, en augmentation de 235,5 millions d'euros, et en CP, de + 3,9 %, soit + 119,1 millions d'euros, s'établissant ainsi à 4,12 milliards d'euros en AE et 3,21 milliards d'euros en CP. En dépit de cette augmentation faciale des dépenses de fonctionnement et d'investissement des deux forces, le rapporteur émet trois réserves la nuançant significativement.

En premier lieu, en valeur, la hausse des crédits « hors titre 2 » est inférieure de 688 millions d'euros en AE et de 804,4 millions d'euros en CP à celle des dépenses de personnel. Cette dynamique apparaît relativement faible au regard de celle des dépenses de personnel en particulier s'agissant des dépenses de formation, d'équipement et d'investissement nécessaires pour garantir l'opérationnalité de forces pourtant en constante croissance.

En deuxième lieu, une partie de la hausse des crédits « hors titre 2 » résulte en réalité de transferts de crédits. Comme le rappelle Bruno Belin, rapporteur spécial pour la commission des finances, « si l'on neutralisait ces effets de périmètre, les crédits « hors titre 2 » des deux forces apparaîtraient en réalité en baisse de 78,3 millions d'euros en CP »6(*).

En troisième lieu, la hausse des dépenses « hors titre 2 » masque une évolution inverse des crédits de fonctionnement et d'investissement. Les dépenses de fonctionnement sont en hausse de + 8,3 % en CP (soit+ 238,6 millions) et de 8,7 % en AE (soit + 203,6 millions d'euros) tandis que les dépenses d'investissement affichent, quant à elles, des montants stables en CP (+ 0,5 %, soit + 5,1 millions d'euros), et en forte baisse en AE (- 11,7 %, soit - 84,2 millions d'euros).

Le rapporteur considère pourtant qu'un niveau élevé des dépenses de fonctionnement et d'investissement doit être maintenu dans la durée, dans un contexte de hausse des effectifs des forces de sécurité intérieure qui va rendre nécessaires des investissements immobiliers massifs et un effort important en matière d'équipement des forces. Ces types de dépenses ne devront cependant pas obérer la capacité des forces de sécurité intérieure à rester en phase avec l'évolution de la société et des menaces, par des investissements forts notamment dans le numérique. Une augmentation structurelle de la part des dépenses d'investissement et de fonctionnement est donc nécessaire.

B. UNE ÉVOLUTION DIVERGENTE DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D'INVESTISSEMENT ENTRE LA POLICE ET LA GENDARMERIE

Plus précisément, les dépenses de fonctionnement comme d'investissement évoluent de manière opposée entre les deux forces, pourtant confrontées à des difficultés similaires et soumises, dans l'ensemble, à la même surcharge d'activité imputable aux JOP. Si celles-ci augmentent ainsi significativement dans la police nationale, elles diminuent nettement dans la gendarmerie nationale : un tel décrochage ne saurait, aux yeux du rapporteur, n'être que temporaire et devra, dès lors, faire l'objet de mesures de rééquilibrage dès l'année prochaine.

Ainsi, pour la gendarmerie nationale, le titre 3 augmente de 9,6 millions d'euros, sur une enveloppe totale de 1,76 milliard d'euros ce qui ne permet à l'évidence pas de compenser, a minima, l'augmentation de l'inflation, encore moins dans un contexte d'augmentation des effectifs de cette force. De façon analogue, le titre 5 diminue de 80,1 millions d'euros par rapport à 2023, pour s'établir à 180,6 millions d'euros en CP.

Une telle situation n'est pas satisfaisante : la dynamique des dépenses de fonctionnement et d'investissement, même si elle est globalement positive, n'est pas à la hauteur de celle des dépenses de personnel : l'embauche de nouveaux personnels crée en effet des besoins supplémentaires tant en équipements qu'en matière d'immobilier, alors même que les besoins initiaux n'étaient pas entièrement satisfaits. La baisse des budgets affectés à la gendarmerie nationale en termes de fonctionnement et d'investissement est ainsi préoccupante tant elle semble déconnectée des besoins effectifs des gendarmes pour assurer, dans des conditions de travail satisfaisantes, leurs missions. Le projet de loi de finances pour 2024, dans les documents budgétaires l'accompagnant, prévoit cependant un rééquilibrage à moyen terme : les dépenses d'investissement dans la gendarmerie nationale devraient ainsi augmenter fortement à compter de l'année prochaine. Le rapporteur sera particulièrement attentif à ce que cette augmentation soit effective et engage surtout le Gouvernement à poursuivre la dynamique constatée depuis 2020 afin de rétablir puis de maintenir la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure.

Par ailleurs, plus en détail, l'évolution divergente des montants alloués aux deux forces sur des postes de dépenses similaires, en particulier s'agissant des dépenses de fonctionnement, semble difficile à justifier.

Un exemple paroxystique de cette différence réside dans l'évolution des dépenses de carburant pour les deux forces. Ainsi, alors qu'une part de l'augmentation des dépenses de fonctionnement pour la police nationale résulte de la hausse des dépenses de carburant, soit 27 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2023, selon le PAP « en raison de l'inflation du prix des matières premières et de l'accroissement de l'activité opérationnelle induite par la sécurisation des jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 7(*)», ce même poste de dépense affiche, pour la gendarmerie nationale, une diminution de 7,7 millions d'euros en valeur, soit - 12% en AE comme en CP.

*

* *

La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités », hors programme « Sécurité civile », inscrits au projet de loi de finances pour 2024.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 22 NOVEMBRE 2023

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur pour avis de la mission « Sécurités », en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Henri Leroy, qui a mené toutes les auditions, ne pouvant pas être parmi nous ce matin pour des raisons de santé, il me revient de vous présenter son rapport.

Avant de débuter l'analyse détaillée de ce budget, je déplore que les auditions sur les missions du ministère de l'intérieur se soient déroulées en présence du seul ministre délégué chargé des outre-mer, Philippe Vigier ; le ministre de l'intérieur ne pouvait être présent car, au même moment, il était entendu à l'Assemblée nationale, et la ministre déléguée aux collectivités territoriales, Mme Dominique Faure, a quant à elle prévenu de son absence au dernier moment. Concernant des budgets aussi importants, cela est pour le moins regrettable.

L'examen des crédits de la mission « Sécurités » pour 2024, soit au total 24,2 milliards d'euros, intervient quelques mois après que la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) a fixé la trajectoire du budget du ministère de l'intérieur et des outre-mer pour les années 2023 à 2027.

L'année 2024 constitue le deuxième exercice de mise en oeuvre de cette loi de programmation. Pour mémoire, celle-ci porte des ambitions programmatiques fortes pour le budget du ministère de l'intérieur. Par rapport aux crédits affectés en 2022, 15 milliards d'euros supplémentaires seront budgétés sur cinq ans.

Ces crédits doivent servir à financer trois priorités, sur lesquelles je ne reviendrai pas en détail car elles ont été largement explicitées lors de la discussion de la Lopmi : il s'agit de la proximité entre les forces de sécurité intérieure et la population, de la lutte contre la délinquance, et de l'amélioration des conditions de vie des policiers et des gendarmes.

S'inscrivant dans une trajectoire haussière continue et constante depuis 2017, les crédits de la mission « Sécurités » pour 2024 augmentent de 1,16 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et d'un peu plus de 1 milliard d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une progression de l'ordre de 5 % de la dotation en CP pour chacune des forces.

Concernant la police nationale, les crédits sont en hausse de 660 millions d'euros en AE et de 560 millions d'euros en CP, soit une augmentation respective de 5,2 % et 4,5 % ; le budget s'établit à près de 13 milliards d'euros. Pour la gendarmerie nationale, les crédits alloués augmentent également de 500 millions d'euros en AE et de 483 millions d'euros en CP, soit une hausse d'environ 5 % ; le budget s'établit à un peu plus de 10 milliards d'euros.

Il nous revient d'analyser la compatibilité de ces crédits avec la programmation budgétaire fixée dans la Lopmi ; le rapporteur pour avis salue le fait que, dans ce PLF pour 2024, la trajectoire de la Lopmi soit respectée. Le niveau des crédits prévus pour chacune des deux forces est même dépassé - de 140 millions d'euros pour la police et de 50 millions d'euros pour la gendarmerie.

Les budgets de la police et de la gendarmerie pourraient donc, à première vue, mériter un satisfecit. Néanmoins, l'analyse plus détaillée de ces budgets fait apparaître deux difficultés : d'une part, on constate un certain déséquilibre entre les deux forces ; d'autre part, ce budget s'inscrit dans un contexte sécuritaire et budgétaire inédit, faisant craindre de fortes tensions en fin de gestion.

En effet, 2024 représente une année particulière pour les forces de sécurité intérieure, avec d'importants défis organisationnels et sécuritaires à relever, notamment en raison de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) à Paris et sur 37 autres sites.

Par ailleurs, le projet de Lopmi a été élaboré avant la survenue du contexte inflationniste ; cela n'a pas entraîné une revalorisation des budgets décidés pour les missions portées par le ministère de l'intérieur. Les deux directions générales, de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ont fait état, lors de leurs auditions, de plusieurs difficultés imputables à l'inflation. Ainsi, le renchérissement du coût des carburants et des équipements ou matériels, et le coût de l'augmentation générale de 5 points d'indice conduisent à relativiser la hausse en euros courants des crédits de la mission.

Il est aujourd'hui difficile, voire impossible, d'estimer précisément le coût de sécurisation des jeux Olympiques. Dès lors, nous ne sommes pas en mesure d'apprécier l'adéquation entre les crédits demandés en 2024 et les besoins résultant de la nécessaire sécurisation de ces jeux.

Il convient également d'être vigilant sur le caractère difficilement pilotable de telles dépenses. Pour l'heure, il est impossible de prévoir le déroulé de certains événements comme la cérémonie d'ouverture, ou encore l'ampleur des moyens devant être mis à disposition de l'État pour pallier d'éventuelles carences des autres acteurs du continuum de sécurité, toutes les procédures d'allotissement des marchés de sécurité privée n'étant pas terminées. Tout cela fait craindre des tensions sur les crédits alloués pour 2024.

Concernant les dépenses de personnels, le PLF pour 2024 prévoit une augmentation des crédits de masse salariale de 3,4 % dans la police nationale et de 6,6 % dans la gendarmerie nationale. En cumulant ces deux programmes, la hausse des dépenses de personnels s'élève à 4,8 %. Cette augmentation s'explique par le renforcement des effectifs, mais aussi et surtout par la mise en oeuvre d'importantes mesures catégorielles.

Le PLF prévoit la création de 1 139 emplois dans la police nationale et de 1 045 emplois dans la gendarmerie nationale. Ces créations permettront un renforcement du maillage territorial, avec la création sur cinq ans de 239 nouvelles brigades de gendarmerie, ainsi qu'une amélioration des capacités d'intervention et de maintien de l'ordre en vue des jeux Olympiques. Sur les onze nouvelles unités de force mobile (UFM) annoncées, une UFM et cinq escadrons de gendarmerie mobile (EGM) doivent encore être créés en 2024, avant le mois de mai pour être pleinement mobilisables pour les jeux Olympiques.

En parallèle, le PLF prévoit d'augmenter les crédits alloués aux réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie. Cette hausse est la traduction concrète de la montée en puissance de ces réserves ; celle-ci s'avérait nécessaire dans l'optique des jeux Olympiques, durant lesquels elles seront amenées à jouer un rôle important.

L'augmentation des dépenses de personnels dans ce PLF s'explique également par le coût lié à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique décidée en juin 2023 et à la revalorisation des grilles B et C, ainsi que par le financement d'importantes mesures catégorielles.

Ces dépenses, attendues par les personnels, permettront une modernisation de la gestion des ressources humaines et une revalorisation de certaines primes. Elles soulèvent toutefois des difficultés liées à un coût annuel élevé et, du fait qu'elles sont difficiles à anticiper, à une mauvaise maîtrise.

Concernant les dépenses, hors titre 2, de fonctionnement et d'investissement, les crédits apparaissent, à première vue, dynamiques en cumulé, s'établissant à 4,1 milliards d'euros en AE et 3,2 milliards d'euros en CP. Néanmoins, cette hausse doit être relativisée par une analyse plus fine de la situation ; elle résulte, pour une large part, de mesures de périmètre, et s'avère anecdotique par rapport à l'augmentation des dépenses de personnels.

Une telle situation n'est pas satisfaisante. L'embauche de nouveaux personnels crée des besoins supplémentaires, tant en équipements qu'en matière d'immobilier, alors même que les besoins initiaux n'étaient pas entièrement satisfaits.

De surcroît, cette augmentation des crédits hors titre 2 est exclusivement portée par celle des dépenses de fonctionnement ; les dépenses d'investissement affichent, quant à elles, des montants stables en CP et en forte baisse en AE - 84,2 millions d'euros, -11,7 % -, ce qui apparaît en décalage avec les besoins effectifs des forces de sécurité intérieure, notamment en matière d'immobilier et de numérique. Si nous souhaitons que nos forces puissent bénéficier de conditions de travail correctes et qu'elles continuent d'être à la hauteur des évolutions numériques de notre temps, il s'agit d'investir dans la durée.

Les dépenses de fonctionnement et d'investissement évoluent de manière opposée pour ces deux forces confrontées à des difficultés similaires et soumises, dans l'ensemble, à la même surcharge d'activité imputable aux jeux Olympiques. Si ces dépenses augmentent significativement dans la police nationale, elles diminuent nettement dans la gendarmerie nationale. Un tel décrochage ne peut être que temporaire et doit faire l'objet de mesures de rééquilibrage dès l'année prochaine ; nous serons vigilants sur ce point.

L'évolution divergente des montants alloués sur des postes de dépenses similaires, en particulier s'agissant des dépenses de fonctionnement, semble difficile à justifier. Un exemple paroxystique de cette différence réside dans l'évolution des dépenses de carburant pour les deux forces. Ainsi, alors qu'une part de l'augmentation des dépenses de fonctionnement pour la police nationale - 27 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2023 - résulte de l'inflation du coût des matières premières, ce même poste de dépense affiche, pour la gendarmerie nationale, une diminution de plus de 7,7 millions d'euros, soit une baisse de 12 % en AE comme en CP.

À l'avenir, il conviendra d'éviter de telles disparités qui peuvent, au-delà des difficultés matérielles qu'elles risquent d'engendrer, altérer le moral des forces, en donnant le sentiment d'une différence de traitement entre elles.

En conclusion, malgré ces réserves, le projet de budget demeure satisfaisant ; les moyens sont en nette hausse et la trajectoire de la Lopmi est respectée. En conséquence, Henri Leroy nous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités », hors programme « Sécurité civile » dont s'occupe Françoise Dumont, qui a présenté son avis la semaine dernière.

M. Jérôme Durain. - En préambule, je souhaite mettre en corrélation les propos de Marie-Pierre de La Gontrie sur l'utilisation de la reconnaissance faciale par les forces de sécurité intérieure avec le traitement qui nous fut réservé, hier, lors de l'audition. Au-delà du sujet de fond, portant sur l'utilisation d'une technique particulièrement intrusive, nous avons le sentiment que la représentation nationale est quelque peu négligée. Pour le Sénat, ce traitement n'est pas acceptable.

Concernant les crédits de la mission « Sécurités », nos principales interrogations portent sur l'application de la Lopmi et l'impact de l'organisation des jeux Olympiques. Nous, sénateurs socialistes, avions fait le choix responsable de voter la Lopmi ; en dépit de nos nombreux désaccords avec le Gouvernement, il nous semblait juste de soutenir une politique budgétaire assumant une hausse des moyens consacrés à la sécurité.

Cette Lopmi impliquait notamment des hausses d'effectifs ; les créations de postes se poursuivront en 2024, avec l'annonce de 2 184 policiers et gendarmes supplémentaires, mais le diable se cache dans les détails. Dans son rapport d'exécution budgétaire du PLF 2022 publié au printemps 2023, la Cour des comptes souligne que les responsables de programmes, souhaitant répondre à l'objectif politique d'un recrutement massif de policiers et de gendarmes, sont en train de dégrader la qualité des recrutements et des formations, d'autant que les viviers de recrutement s'assèchent peu à peu. Les forces de l'ordre entrent, en effet, en concurrence avec d'autres recruteurs, comme les polices municipales, les sapeurs-pompiers, la sécurité privée et les forces armées, dont les effectifs et personnels sont également amenés à croître au cours des prochaines années.

À titre d'exemple, la même Cour des comptes, dans une note de novembre 2021, relevait déjà que le taux d'admission au concours de gardien de la paix était passé de 2 % en 2014 à 18 % en 2020, tandis que les formations de gardiens de la paix et d'officiers avaient été raccourcies.

Concernant la formation, le PLF soulève des interrogations sur la réalité des moyens alloués. Un des objectifs de la Lopmi est d'augmenter de 50 % le temps de formation continue des policiers. Les indicateurs présentés dans les documents budgétaires font plutôt état d'une légère dégradation de l'effort de formation ; de 2021 à 2022, en effet, le nombre d'heures de formation continue individuelle ou collective par actif est en diminution, de 31,2 à 30,9 heures.

Pour inverser cette tendance et atteindre les objectifs fixés par la Lopmi, des moyens supplémentaires doivent être mobilisés. Or, les dépenses de formation du programme dédié à la police nationale sont en forte baisse, de 43,2 millions d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2023 à 29,7 millions d'euros dans le PLF 2024, soit une baisse de 31,5 %.

Par ailleurs, les documents budgétaires évoquent en plusieurs occasions un accroissement du nombre de formateurs sans que l'on en trouve la traduction concrète, notamment au niveau budgétaire.

Interpellé sur ce sujet lors de son audition par la commission des lois de l'Assemblée nationale, Gérald Darmanin a contesté ces chiffres, affirmant que les crédits liés à la formation des personnels ne baissaient pas : soit le document budgétaire est rempli de coquilles, soit il faudra le relire ensemble...

Selon Gérald Darmanin, en effet, ces crédits seraient passés de 23 millions d'euros en 2022 à 29 millions d'euros en 2023 ; et ils s'élèveraient, toujours selon le ministre, à 29,7 millions d'euros l'année prochaine, avec 4 500 équivalents temps plein (ETP) et 72 ETP recrutés et créés. Si le chiffre pour 2024 est bien exact, les documents budgétaires pour 2023 mentionnent non pas 29 millions d'euros, comme l'indique le ministre, mais 43,3 millions d'euros, ce qui signifierait une baisse des crédits alloués à la formation.

Quant aux 72 ETP, le fait que le ministre évoque des « ETP recrutés et créés » laisse entendre qu'il s'agit de postes déjà créés et non de postes supplémentaires pour l'année prochaine ; d'ailleurs, les documents budgétaires pour 2024 n'évoquent pas ces 72 ETP.

Sur ces deux points, des éclaircissements du ministre seraient bienvenus.

Enfin, il semble difficile de ne pas évoquer les jeux Olympiques et leur impact financier. Des syndicats de policiers se montrent très pressants envers le ministère, certains évoquant même un ultimatum. Ce sujet demande un peu de visibilité et aura un impact sur les négociations en cours concernant la loi de finances.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Dans cet excellent rapport d'Henri Leroy, tout est dans le « mais ». La trajectoire de la Lopmi est effectivement respectée. Nous avions voté cette loi car elle prévoyait 25 % de moyens supplémentaires sur cinq ans ; à l'époque, j'avais expliqué que, généralement avec ce type de projection, tout se dégradait lors des trois dernières années. Nous voyons bien, au travers du rapport d'Henri Leroy, que les indices d'une dégradation pour l'année prochaine sont là.

L'article 1er de la Lopmi détaillait tous les objectifs à atteindre en cinq ans. Concernant les effectifs, les résultats correspondent bien aux objectifs pour les brigades de gendarmerie ; mais l'on a décidé de privilégier les gendarmeries par rapport aux policiers.

Un autre problème, déjà soulevé à l'époque, concerne l'immobilier. Pour information, l'immobilier global de la gendarmerie en France s'élève à 1,1 million de mètres carrés ; pour une moitié, il s'agit de casernes et de cantonnements, et pour l'autre moitié, de grands ensembles de bureaux ou de bâtiments à construire. Sur ce dernier point, la direction générale de la gendarmerie nationale avait tendance, jusqu'à aujourd'hui, à privilégier des partenariats public-privé (PPP), sur lesquels, au vu des dérapages financiers constatés, il serait légitime de s'interroger.

Les maires souhaitant accueillir des cantonnements de gendarmerie doivent beaucoup investir. Or, pour construire une gendarmerie avec tous les logements ad hoc, sachant tout le fatras de règles à respecter, il faut au moins sept ans. Les difficultés apparaissent quand les gendarmes doivent se loger à proximité de leur lieu d'exercice. Aussi faudrait-il créer une foncière et se rapprocher d'un organisme comme Action Logement, dont c'est le métier.

Sur le sujet des jeux Olympiques, une mission est en cours. Nous n'avons aucune visibilité sur la capacité de notre pays à faire face aux enjeux de sécurité, notamment avec une cérémonie d'ouverture décentralisée qui divise les forces de police, ce qui est une folie. Au Sénat, nous avons voté une proposition de loi sur la reconnaissance faciale, qui pose le principe de l'interdiction de l'utilisation de ce type de technologie sauf événement exceptionnel et sous certaines garanties importantes. La proposition de loi n'ayant pas été examinée par l'Assemblée nationale, nous ne pourrons donc pas utiliser cette technologie sous les réserves que je viens d'indiquer.

Le procureur de la section antiterroriste a indiqué que, sur les 260 personnes sortant de prison après une condamnation pour apologie du terrorisme, au moins 25 % d'entre elles risquent de récidiver. On peut donc estimer qu'une soixantaine de personnes susceptibles de commettre des attentats pendant la période des jeux Olympiques ne seront plus surveillées par l'autorité administrative. Il y a donc un risque avéré d'attentat, d'une ampleur au moins équivalente à celui du Bataclan, pendant les jeux Olympiques. Pour faire face à cela, le ministre de l'intérieur a besoin de concentrer des moyens qui, fatalement, ne seront pas utilisés pour d'autres postes.

Concernant la sécurité civile, la promesse du Président de la République, faite en 2022, d'acheter des Canadair ne sera pas tenue. En effet, la société De Havilland ne pourra livrer ces Canadair qu'après 2027, et les premières livraisons ne concerneront pas la France, mais l'Indonésie et d'autres pays de l'Union européenne (UE).

Nous sommes aujourd'hui confrontés à une série de bombes à retardement. Et tout cela n'apparaît pas dans l'augmentation des crédits de la Lopmi. Cela nécessite que nous usions de notre rôle de contrôle pour investiguer sur la manière dont sont réalisés, chaque année, les objectifs fixés par la Lopmi.

M. François Bonhomme. - Je m'interroge également sur notre capacité à mobiliser les moyens de sécurité nécessaires pour l'organisation des jeux Olympiques. Le rapporteur a fait état de ses doutes sur le bon déroulement de la cérémonie d'ouverture, avec notamment le sujet de la sécurité privée et les questions d'allotissement des marchés publics.

L'association des métiers de la sécurité civile a alerté sur les difficultés de recrutement. Quand on connaît les délais nécessaires pour la formation et l'instruction des dossiers, pour les enquêtes permettant, le moment venu, d'obtenir les agréments du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), on ne peut qu'éprouver des doutes. Les besoins évalués s'élèvent à 17 000 postes par jour durant la période des jeux Olympiques. La ministre des sports a indiqué, lors d'une audition au Sénat en octobre dernier, qu'elle étudiait la question d'un recours à l'armée.

N'avons-nous pas intérêt, monsieur le président, à solliciter une audition du ministre de l'intérieur dans des délais assez rapides pour obtenir des éléments de réponse sur tous ces sujets ?

Mme Laurence Harribey. - Une des orientations de la Lopmi prévoyait de déployer 1 500 cyberpatrouilleurs ; on ne retrouve rien de cet engagement dans le budget pour 2024. On sait qu'il existe un problème de formation. Les auditions menées par notre rapporteur nous apportent-elles des réponses sur ce sujet ?

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur pour avis. - Madame Harribey, il n'y a pas d'augmentation de crédits sur le sujet ; il s'agit d'un point de vigilance.

Le principal point d'inquiétude concerne l'organisation des jeux Olympiques et notre capacité à répondre aux enjeux de sécurité qui sont immenses. La mission confiée la semaine dernière à Marie-Pierre de La Gontrie et Agnès Canayer a démarré ses travaux ; il s'agit de dresser, de manière urgente et précise, un état des lieux de la situation.

Il est évident que le ministre de l'intérieur reviendra devant la commission afin d'aborder tous ces sujets de manière opérationnelle, au-delà des déclarations de principe. Dans le contexte actuel, quand on envisage d'accueillir 1 million de personnes durant la cérémonie d'ouverture, cela nécessite de donner des précisions au Parlement.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités ».

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. PHILIPPE VIGIER, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ET DES OUTRE-MER,
CHARGÉ DES OUTRE-MER

M. François-Noël Buffet, président. - Monsieur le ministre délégué, vous allez porter seul la charge de présenter l'ensemble des budgets liés au ministère de l'intérieur. Je tenais à vous faire part de notre regret, qui ne vous vise pas personnellement, que le ministre de l'intérieur ne soit pas parmi nous aujourd'hui. Nous comprenons qu'il n'ait pas pu être présent, mais son absence nous interpelle, compte tenu de l'importance des budgets concernés et de la nature de certaines questions qui seront sans doute posées. Nous respectons néanmoins la mission qui est la vôtre.

Des questions importantes vous seront certainement posées concernant votre portefeuille, l'outre-mer ; pour le reste, vous ferez votre présentation au nom du Gouvernement.

J'indique que l'audition est retransmise sur le site internet du Sénat.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur chargé des outre-mer. - Je tiens tout d'abord à excuser l'absence de Gérald Darmanin, qui résulte d'une bonne raison : il est actuellement entendu à l'Assemblée nationale au sujet d'un texte sur lequel le Sénat a beaucoup travaillé, le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. En tant que ministre délégué à l'outre-mer, je suis rattaché au ministère de l'intérieur : c'est la raison pour laquelle il m'a demandé de le représenter devant vous. Connaissant votre exigence, je serai attentif à vous apporter tous les éléments de réponse souhaités.

Les missions « Immigration, asile et intégration » et « Administration générale et territoriale de l'État » sont très importantes, car jamais l'État et nos compatriotes n'ont eu autant besoin de sécurité. Il faut donc déployer les moyens nécessaires pour répondre à ce besoin. Bien entendu, il y a, d'un côté, les moyens budgétaires et, de l'autre, celles et ceux qui mettent en oeuvre quotidiennement cette action de protection des populations : ils ont pour mission essentielle, dans des conditions extrêmement difficiles, de faire régner l'ordre public.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) du 24 janvier 2023 prévoyait 15 milliards d'euros supplémentaires sur cinq ans pour mieux protéger les Français, avec une exigence : faire en sorte que ce ne soit pas uniquement de l'affichage de crédits. L'ancien parlementaire que je suis sait que seule l'exécution compte. Malgré la revalorisation du point d'indice et l'inflation, cette somme sera bien dédiée à la protection de la population.

Nous avons quatre priorités : renforcer la présence des forces de sécurité intérieure (FSI) sur la voie publique, ce que l'on peut constater au quotidien ; lutter contre le terrorisme, qui est un combat de longue haleine qu'il nous faudra malheureusement poursuivre de longues années encore ; conforter l'administration territoriale ; et assurer le grand rendez-vous des Jeux Olympiques et Paralympiques, pour lequel la mobilisation intergouvernementale est totale.

Pour répondre aux multiples menaces, un effort de sécurité intérieure est mené partout sur le territoire. Ainsi, sur la voie publique, la présence de forces de sécurité a été doublée, notamment par la fin des gardes statiques, qui ont fait l'objet d'un long débat. Celles-ci n'étaient pas suffisamment efficaces, et ces personnels actifs ont donc été remplacés par des personnels administratifs, sur la demande réitérée des deux chambres. Gérald Darmanin a pris au sérieux cette demande. En 2023, 2 850 FSI ont été déployées, soit un total de 7 400 FSI supplémentaires en cinq ans. Je n'ai pas oublié qu'entre 2007 et 2012, le nombre de FSI a été réduit de 8 950. L'effort que déploie actuellement le Gouvernement est donc essentiel.

À cela s'ajoutent onze créations d'unités - sept pour la gendarmerie nationale et quatre pour la police nationale, soit 1 640 personnes supplémentaires, ainsi que le financement de 1 266 équivalents temps plein (ETP) pendant les deux premières années.

Ce renforcement de notre présence passe aussi par un affermissement de notre ancrage territorial. Ainsi, 239 brigades seront ainsi créées sur cinq ans, en concertation avec les élus. Le maillage n'oublie pas l'outre-mer - je le dis à l'attention de la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer -, qui en accueillera 22. Ces brigades, fixes et mobiles, sont rapidement déployées ; les premières ont ainsi été lancées dès 2023 et l'année 2024 marquera une grande accélération. Les Français demandent à « voir du bleu », des uniformes, à bénéficier de cette protection quotidienne.

Par ces deux dimensions, nous répondons à leurs attentes.

Merci, monsieur le président, d'avoir évoqué l'outre-mer. Les efforts de sécurité y sont une exigence absolue. Depuis la prise de fonction du ministre de l'intérieur, l'outre-mer a fait l'objet d'un déploiement considérable de 1 400 policiers et gendarmes supplémentaires. Actuellement, 21 escadrons de gendarmes mobiles, soit 20 % des effectifs nationaux, sont déployés sur l'ensemble des territoires ultramarins. L'effort est donc considérable. En Guyane, l'opération Harpie mobilise de nombreux fonctionnaires.

La mission « Outre-mer » bénéficie de 180 millions d'euros supplémentaires, soit une hausse de 7 % des crédits - 4,4 % après prise en compte de l'inflation. Après l'engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale, ce sont 90 millions d'euros supplémentaires qui seront déployés, ce qui permettra de franchir le seuil des 3 milliards d'euros d'intervention pour les outre-mer. Tous périmètres ministériels confondus, ce sont près de 23 milliards d'euros qui sont alloués aux outre-mer. Les outre-mer sont passés de 2 à 3 milliards d'euros en cinq ans ; rares sont les périmètres ministériels à avoir connu une telle augmentation. Voilà qui illustre la volonté du ministère de l'intérieur et des outre-mer de faire cet effort particulier.

Évoquons la politique du logement en outre-mer : la ligne budgétaire unique (LBU) atteindra 292 millions d'euros. Je serai très honnête, car la remarque m'a été adressée à l'Assemblée nationale : cette somme marque un retour au niveau de 2013. L'année 2023 a été marquée par des sous-consommations, mais 50 millions d'euros supplémentaires sont prévus l'année prochaine. Hors quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), 20 millions d'euros supplémentaires seront ainsi alloués à la construction de logements sociaux. Les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) passeront de 30 % à 50 %. Les aides porteront non seulement sur les logements neufs, mais aussi sur les logements anciens faisant l'objet d'une défiscalisation. Les sommes allouées aux contrats de convergence et de transformation augmenteront sur la période 2024-2027 de 400 millions d'euros, passant de 2,4 milliards à 2,8 milliards d'euros, tous ministères confondus. Notre effort est donc multiple.

Nous avions signé neuf contrats de redressement outre-mer (Corom) en 2021-2022 et douze en 2022-2023 : nous continuerons dans cette voie, car il existe toujours des attentes. Ce concept de coresponsabilisation est efficace.

L'année 2024 marquera aussi une augmentation sensible de l'aide à la continuité territoriale, qui passera de 70 millions à 93 millions d'euros. Les jeunes primo-étudiants, qu'ils soient boursiers ou non, pourront rentrer chez eux dès les prochaines vacances de Noël grâce à la prise en charge de leur billet d'avion. Par ailleurs, nous avons élargi les publics bénéficiaires de cette aide aux domaines culturel et sportif, aux demandeurs d'emploi et personnes en reconversion professionnelle.

Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) va également voir ses crédits augmenter. J'imagine que le Sénat déposera un certain nombre d'amendements pour renforcer le soutien aux communes, et le Gouvernement les acceptera bien volontiers. Le FEI, doté de 110 millions d'euros, a prouvé sa pertinence. Des amendements ont été acceptés à l'Assemblée nationale, et je serai favorable à ce que nous allions plus loin. Le soutien technique apporté aux communes passera, quant à lui, de 10 à 20 millions d'euros.

Revenons-en aux questions de sécurité et aux investissements annoncés. Plus de 4 800 véhicules légers ont été acquis pour la police et la gendarmerie en 2023 ; ils seront 3 600 en 2024, pour un coût total de 130 millions d'euros. Le plan « caméra-piéton » permettra d'installer 35 000 caméras d'ici à la fin de l'année 2024.

À la suite des annonces du Président de la République consécutives aux importants feux de forêt de l'année 2022, un amendement portant sur le renforcement des moyens dédiés à la sécurité civile a été déposé et adopté à l'Assemblée nationale le 30 octobre 2023. Pas moins de 140 millions d'euros seront inscrits au budget du programme 161, qui permettront l'installation d'une quatrième unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) à Libourne, la création de 163 ETP, l'allocation de 39 millions d'euros aux pactes capacitaires, de 32 millions d'euros pour les Canadair et de 23 millions d'euros pour la location de moyens aériens. Vous le constatez, en matière de sécurité civile, l'année 2024 marquera une forte inflexion. Il est nécessaire que nous soyons au rendez-vous, car des incendies se produisent fréquemment malgré les moyens de détection et d'anticipation. Nous devons être à la hauteur de ces enjeux.

Notre flotte d'hélicoptères sera renouvelée et complétée pour atteindre 40 appareils, en cours d'acquisition, pour un coût d'un peu moins de 500 millions d'euros. Nous avons pris conscience de la nécessité de renforcer notre flotte, notamment dans la lutte contre les incendies.

Pour mieux répondre à la cybercriminalité, 1 500 « cyberpatrouilleurs » ont été recrutés, soit une hausse de 50 %. En parallèle, le numéro numérique d'urgence « 17 cyber » a été mis en place. Des investissements d'ampleur sont prévus pour moderniser les services numériques accessibles aux citoyens. Après les succès de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos) et du traitement harmonisé des enquêtes et signalements pour les e-escroqueries (Thésée), le portail dit « Ma Sécurité » permettra d'assurer « le dernier kilomètre d'application de la loi », car on s'aperçoit malheureusement qu'une loi n'est efficace que si elle atteint la personne concernée.

On a connu des années où les moyens d'intervention et de présence territoriale de l'État étaient malheureusement en baisse. Nous avons commencé à mettre fin à cette spirale. Avec la Lopmi, sont dégagées plusieurs priorités : le renforcement de nos capacités numériques et cyber, avec le réseau Radio du futur (RRF) adossé à l'Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (Acmoss) ; le réarmement de l'État territorial grâce à la création de 350 emplois, dont 110 en 2024, pour continuer à soutenir les missions préfectorales les plus en tension, notamment celle de la gestion des titres de séjour des étrangers, la gestion de crise et l'accueil des usagers. Les actions de prévention de la délinquance et de la radicalisation, comme la vidéoprotection, seront également augmentées : 25 millions d'euros en 2024, contre 22 millions d'euros en 2023, soit un effort substantiel de plus de 10 %.

Huit millions d'euros seront alloués en 2024 à la création de sous-préfectures. Il fut un temps où l'on fermait les gendarmeries, les sous-préfectures ; on les rouvre aujourd'hui. Il y a quelques jours à peine, j'étais ravi d'assister en Guyane à la réouverture d'une sous-préfecture et à la prise de fonction d'une jeune sous-préfète ! Cette réouverture, sur un territoire aussi grand que le Portugal, est un signal fort envoyé par l'État. Certaines sous-préfectures seront par ailleurs labellisées maisons France Services. Ces dernières, dont le maillage géographique s'est considérablement renforcé depuis quelques années, sont très appréciées par nos concitoyens et rappellent la présence de l'État au plus près de chacun d'entre eux, notamment dans les territoires ruraux.

La Coupe du monde de rugby s'est très bien déroulée. Des opérations ont été conduites à la demande du ministre de l'intérieur : 4 800 opérations « zéro délinquance » ; 781 interpellations, 475 gardes à vue, des saisies de drones. En effet, les drones marquent l'émergence de nouveaux dangers, en ce qu'ils peuvent nuire aux dispositifs de sécurité. Les jeux Olympiques constituent un enjeu considérable de par leur durée de cinq semaines, le nombre de sites concernés, qui sont une trentaine, l'arrivée de 10 000 athlètes représentant 206 nations. Nous aurons sur nous les projecteurs du monde entier, c'est pourquoi nous devons faire de cette merveilleuse fête du sport un outil d'attractivité et de développement économique, mais le faire dans des conditions de sécurité absolues. Pour cette raison, pas moins de 35 000 personnels des forces de sécurité intérieures (FSI) seront déployées tout au long de l'évènement, pour un budget de 200 millions d'euros.

La mission « Immigration, asile, intégration » disposera en 2024 d'un budget en hausse de plus de 7 %, soit 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce montant représente 10 % de l'ensemble des crédits du ministère de l'intérieur sur le périmètre de la Lopmi. Cette augmentation inclut les crédits découlant de cette dernière pour la période 2022-2027, soit 109 millions d'euros, y compris ceux du plan « CRA 3000 » (centres de rétention administrative). Il marque notre volonté de maîtriser les flux migratoires, de lutter contre l'immigration irrégulière, de garantir l'exercice du droit d'asile et de renforcer l'intégration des étrangers en situation régulière - les primo-arrivants. Ce débat s'inscrit pleinement dans le cadre de la Lopmi, avec une programmation budgétaire inédite : en cinq ans, les crédits affectés à cette mission, c'est-à-dire à la politique migratoire, auront progressé de façon inégalée.

Naturellement, pour être équilibrée, une politique migratoire doit être plus efficace, mais aussi plus humaine. Vous le savez parfaitement, puisque le texte du Gouvernement, et en particulier l'article 3, a sensiblement été modifié par le Sénat.

Enfin, évoquons le budget des collectivités territoriales, alors même que se tient actuellement à Paris le salon des maires. La dotation globale de fonctionnement (DGF) connaîtra une augmentation de 220 millions d'euros, soit un peu plus de 500 millions d'euros d'augmentation sur les deux dernières années. Je rappelle qu'entre 2012 et 2017, les dotations aux collectivités territoriales ont connu une baisse de 13,5 milliards d'euros. Il faut toujours effectuer ces comparaisons, qui permettent de mettre en évidence une volonté politique. La dotation de solidarité rurale (DSR) progresse, quant à elle, de 100 millions d'euros, la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 90 millions d'euros et les dotations d'intercommunalité de 30 millions d'euros.

J'ai été maire pendant seize ans, je sais donc qu'il fut un temps où l'on attendait plusieurs mois la délivrance des titres sécurisés. Aujourd'hui, cette attente est comprise entre quinze et dix-huit jours. Cette volonté est difficile à mettre en oeuvre, car elle suppose d'avoir des moyens humains formés, des dispositifs qui fonctionnent, des créneaux horaires d'ouverture suffisamment larges. On a progressé, et il nous faut maintenir ce niveau de progression. C'est pour cette raison que 100 millions d'euros seront alloués aux titres sécurisés en 2024.

Ma collègue Dominique Faure est très attachée à la question des agressions contre les élus. Vous avez devant vous un ministre qui a été menacé de mort trois fois, je peux donc en parler légitimement. Un fonds de 5,5 millions d'euros est en cours d'ouverture et le plan national de prévention et de lutte contre la violence aux élus du 7 juillet 2023 permettra, enfin, de contrer avec efficacité les menaces toujours plus nombreuses que reçoivent les maires, lesquels sont pourtant les piliers de la République, en première ligne.

Je rappelle enfin que le budget des collectivités s'élève à 11,7 milliards d'euros, dont 7,1 milliards de TVA. Le soutien à l'investissement représente, quant à lui, 4,6 milliards d'euros, et comprend notamment le fonds vert, qui est désormais doté de 2,5 milliards d'euros. Voilà qui illustre un verdissement du budget. D'ailleurs, une partie des dotations habituelles, entre 20 % et 30 % selon les dotations, sera fléchée en direction de la transition écologique. Ainsi, au-delà des mots, nous serons dans la réalisation, dans la concrétisation de la transformation progressive de l'économie afin qu'elle réponde aux enjeux de la transition écologique.

Enfin, nous n'oublions pas les plus fragiles et souhaitons renforcer l'attractivité de tous les territoires. Une simplification des zonages au sein de France Ruralités Revitalisation (FRR) sera amorcée. Cette demande revenait souvent dans certains territoires, notamment celui dont je suis élu. Nous accentuerons également la déconcentration, qui permet de faire preuve d'une meilleure adaptation et d'être au plus proche de celles et ceux qui sont tous les jours en action. Les territoires nécessitant un accompagnement renforcé seront également pris en compte.

Je sais que Dominique Faure se fera un plaisir, au vu de son attachement pour les collectivités territoriales, de venir répondre à vos questions, vous qui êtes les représentants des élus dans les territoires.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis. - Merci, monsieur le ministre, pour vos explications.

Je souhaite vous soumettre deux séries de questions. La première concerne la sécurité à Mayotte, et la seconde porte sur les crédits outre-mer, sur lesquels la commission des lois a émis un avis favorable ce matin.

En ce qui concerne la sécurité, vous avez évoqué l'augmentation des escadrons de gendarmerie mobile, qui est réelle. J'en profite pour souligner le début de succès et l'espoir suscité à Mayotte par l'opération Wuambushu. La crise de l'eau a marqué une reprise des violences. Celles-ci sont perpétrées par des bandes de jeunes qui se donnent rendez-vous sur les réseaux sociaux pour commettre des saccages dans des villages et brûler des voitures et des habitations. Pour les Mahorais, cette situation est dure à vivre.

Vous êtes venu plusieurs fois à Mayotte pour constater les conditions de vie difficiles et douloureuses de la population. Ce qui peine les habitants de ces villages, c'est que la réponse à ces méfaits repose sur l'utilisation de gaz lacrymogène de manière indiscriminée. Or des personnes vulnérables ou âgées ainsi que des enfants vivent dans ces villages. Je n'avais pas prévu d'évoquer ce sujet aujourd'hui, mais je rebondis à votre propos sur l'augmentation des effectifs des forces de l'ordre. Cette dernière est louable, mais n'est-il pas nécessaire de changer la doctrine d'intervention ? L'utilisation du gaz lacrymogène ne peut pas être une réponse satisfaisante à cette recrudescence des violences. Chaque fois qu'un évènement de ce type se produit, et pas plus tard qu'avant-hier, les habitants appellent leurs élus le soir même pour se plaindre de l'utilisation de gaz lacrymogène, alors même que les voyous sont déjà partis au moment où le gaz est utilisé.

En ce qui concerne la mission « outre-mer », la hausse des crédits permettra de financer le renforcement de la lutte contre les habitats indignes, l'insertion professionnelle et la continuité territoriale.

Cependant, certaines interrogations demeurent.

En ce qui concerne d'abord la lutte contre l'habitat indigne, j'ai été alerté sur des problèmes de sous-consommation des crédits finançant la ligne budgétaire unique (LBU) : 150 000 logements seraient encore insalubres en outre-mer. Quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de garantir le décaissement de la totalité des crédits dédiés à la résorption de l'habitat insalubre et l'accélération des livraisons de logements neufs ?

Par ailleurs, votre collègue, Christophe Béchu, s'était engagé l'an passé à prendre des mesures pour remédier au manque d'adaptation de certaines mesures aux spécificités des territoires ultramarins, et notamment du filet de sécurité visant à protéger les collectivités de la hausse des prix de l'énergie. Or, un an plus tard, force est de constater que les mesures annoncées n'ont pas été prises, puisque seules dix-neuf collectivités ultramarines ont bénéficié de ce dispositif depuis sa mise en place, pour un montant de 14 millions d'euros. Quelles dispositions prendre pour remédier à cette situation et enfin adapter les dispositifs nationaux aux spécificités des outre-mer ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis. - Monsieur le ministre, permettez-moi de commencer par déplorer l'absence du ministre de l'intérieur et des outre-mer et de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Je sais que le Gouvernement est une équipe et que vous êtes donc capable de les représenter. J'estime cependant que, pour une audition qui vise à préparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, et notamment les missions relatives à la sécurité, l'immigration, l'asile, les collectivités territoriales, l'administration générale et territoriale de l'État, les outre-mer, plusieurs voix auraient été pertinentes ou, du moins, nous auraient permis de rentrer dans les détails de ces questions.

En effet, le premier travail au sein d'une commission n'est pas simplement de faire du déclaratif, mais d'avancer ensemble. Je regrette donc ces absences. Sans doute la date n'est-elle pas idéale, mais il n'est pas nouveau que cette audition corresponde au mardi du Congrès des maires, et nous faisons en sorte d'y assister malgré tout.

Concernant la mission « Administration générale et territoriale de l'État », je souhaite tout d'abord saluer le renforcement des moyens humains que ce PLF entend dédier à l'administration territoriale de l'État (AGTE), après une décennie de coupes budgétaires draconiennes, ou d'augmentations en trompe-l'oeil. Vous avez rappelé les 232 postes créés, dont 110 pour renforcer les missions préfectorales en tension, qui sont nombreuses.

Cependant, il m'est malheureusement impossible de considérer que ce schéma d'emplois offre une réponse satisfaisante à la crise profonde que traverse l'État de proximité, lequel a vu ses effectifs fondre de 14 % entre 2010 et 2021. Le PLF pour 2024 ne prévoit en effet qu'une augmentation de 0,41 % des effectifs de l'administration territoriale de l'État, évolution dont nous ne pouvons pas nous satisfaire au regard du bilan de la décennie passée, d'une part, et des défis que l'État territorial doit relever, notamment à l'approche des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, d'autre part.

Parmi ces défis, le maintien d'une très forte demande de titres sécurisés fait craindre l'aggravation des dysfonctionnements constatés dans l'exercice de cette mission, bien que la situation ne soit plus aujourd'hui aussi dramatique qu'elle l'était en 2022. De manière un peu plus précise que vous ne l'avez fait dans votre propos introductif, pouvez-vous nous expliquer comment vous entendez réduire au maximum les délais de délivrance ? Ne craignez-vous pas une nouvelle mise sous tension de la chaîne de production du fait du déploiement de l'identité numérique régalienne qui nécessitera, pour en bénéficier, de disposer de la nouvelle version de la carte nationale d'identité ?

À ce sujet, il conviendrait également de dresser un premier bilan de l'expérimentation de la certification des comptes de l'identité numérique par les mairies, qui ne concerne aujourd'hui qu'une poignée de communes volontaires. Comment entendez-vous pouvoir la déployer ? La détention d'un compte certifié étant l'une des conditions pour pouvoir établir une procuration de manière totalement dématérialisée, êtes-vous en mesure d'évaluer le nombre d'électeurs qui pourront bénéficier de cette modalité de vote en vue des élections européennes de juin 2024 ?

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis. - Monsieur le ministre, je souhaite aborder avec vous la question de la sécurité civile.

La commission des lois a examiné mercredi dernier les crédits du programme 161, relatif aux moyens nationaux de la sécurité civile. Nous avons émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme et avons salué l'effort budgétaire significatif qui a été effectué ces deux dernières années.

Vous vous en doutez, cependant, cet avis favorable n'est pas pour autant un chèque en blanc. De nombreuses interrogations demeurent sur plusieurs sujets. Nous avons ainsi adopté deux amendements de crédits. Ils concernent, d'une part, l'acquisition des deux hélicoptères lourds promis par le Président de la République lors de son discours du 28 octobre 2022 et, d'autre part, la consommation intégrale des autorisations d'engagement destinées aux pactes capacitaires que nous avons votées dans la précédente loi de finances et dont le calendrier est pour le moins opaque. Nous en débattrons la semaine prochaine. 

Je souhaite vous interroger sur deux sujets très précis.

En premier lieu, j'aimerais que vous explicitiez la position du ministère de l'intérieur quant au dimensionnement du plan de renouvellement et d'extension de la flotte de Canadair qui nous a été annoncé l'année dernière. Vos services m'ont confirmé explicitement que le calendrier initial annoncé par le Président de la République, à savoir le renouvellement intégral de nos douze Canadair et l'achat de quatre Canadair supplémentaires d'ici la fin du quinquennat était irréalisable compte tenu des difficultés de mise en place d'une chaîne de production. Ils m'ont alors indiqué que, dans un scénario « optimiste », les quatre appareils permettant d'étendre la flotte à seize appareils pourraient être livrés en 2027 pour le premier et, pour le dernier, au cours de la première moitié de la décennie 2030. Ils sont en revanche restés très évasifs quant à la passation d'une commande, même tardive, des douze appareils permettant de renouveler notre flotte actuelle.

Vous comprendrez donc aisément ma vive préoccupation face à cette apparente inertie, alors que les délais de livraison se chiffrent presque en décennie. Ma question est donc la suivante : le plan de renouvellement
- je parle bien du plan de renouvellement, et non pas du plan d'extension de la flotte - est-il toujours d'actualité ? Pouvez-vous vous engager à sa mise en oeuvre effective ?

Ma seconde question porte sur la méthode de construction du budget opérée par le ministère de l'intérieur. À deux reprises l'année dernière, le Gouvernement a déposé des amendements de crédits sur le programme 161, l'augmentant très significativement, de l'ordre de 40 %. De nouveau, cette année, un amendement gouvernemental représentant un tiers des autorisations d'engagement du programme, et qui ne précisait pas la ventilation détaillée des crédits, a été adopté en octobre à l'Assemblée nationale, afin de financer des mesures pourtant annoncées par le Président de la République en octobre 2022, c'est-à-dire il y a plus d'un an.

Une telle méthode de construction du budget, pour des mesures connues de longue date, est à mes yeux insatisfaisante au regard de l'impératif de sincérité budgétaire et du respect du débat parlementaire, d'autant que les sommes débloquées ne font l'objet d'aucune évaluation dans le projet annuel de performances qui est annexé au PLF.

Pouvez-vous donc vous engager à éviter autant que possible de recourir à ce procédé lors des prochaines années ?

Mme Nathalie Delattre. - Je souhaite poser deux questions en ma qualité de de rapporteure pour avis sur la mission budgétaire « direction de l'action du gouvernement », ainsi que deux questions au sujet de mon département de la Gironde.

J'aimerais vous entendre, monsieur le ministre délégué, sur la coordination des actions de cybersécurité du ministère de l'intérieur avec les services du Premier ministre, dont font notamment partie l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum). En 2024, celui-ci bénéficiera de dix transferts d'emplois en provenance de votre ministère. Si le service peut détecter des ingérences, il n'est pas chargé de la réponse répressive, et plus généralement des mesures de contre-influence ou de contre-ingérence. Le ministère de l'intérieur a par ailleurs affirmé que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) demeure seule compétente pour attribuer les manipulations à des puissances étrangères. Ainsi, quels réseaux de coopération ont été mis en place afin d'articuler les actions de ces différents services ?

Il convient de souligner que les collectivités territoriales sont la cible de 23 % des attaques de rançongiciels. Un plan national de financement est-il envisagé pour répondre à la vulnérabilité de leurs systèmes d'information ? Le cas échéant, cette stratégie nationale d'envergure serait-elle portée par l''Anssi ou les services du ministère de l'intérieur. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous a parlé d'une enveloppe estimée à plusieurs centaines de millions d'euros. Quant aux moyens humains, Cécile Augueraud, cheffe de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), a souligné, dans un article paru dans la presse, que les enquêteurs les mieux formés en cybersécurité tendent à se diriger vers le secteur privé en raison d'une rémunération jusqu'à trois fois plus élevée. Ainsi, quelles sont les réflexions en cours pour recruter et fidéliser des experts dans le domaine ? Avez-vous envisagé des actions communes de formation et de recrutement avec l'Anssi, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ou d'autres administrations concernées ?

Vous avez cité l'UIISC de Libourne. Pouvez-vous nous confirmer les crédits 2024 pour engager les travaux ?

Par ailleurs, vous avez évoqué le sujet des jeux Olympiques. Je souhaite parler de leurs dommages collatéraux sur nos territoires, en particulier concernant la surveillance par les CRS maîtres-nageurs sauveteurs (MNS) de nos plages. Il est impensable que nous n'ayons pas de renfort pendant la période estivale. Nous avons encore été confrontés à des décès dus aux baïnes dans l'Atlantique. Gérald Darmanin s'était engagé à réunir les maires en septembre dernier, mais d'autres priorités ont émergé. Pouvez-vous m'assurer que cette réunion se tiendra, afin de rassurer les maires sur cette question ?

M. François-Noël Buffet, président. - Ma question portera sur l'outre-mer, et en particulier sur l'aide à l'ingénierie locale. Vous avez dit, monsieur le ministre, que celle-ci serait augmentée de 10 à 20 millions d'euros. Cette hausse est louable, mais quelle sera la méthode adoptée pour garantir un déploiement effectif ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. - Monsieur Mohamed Soilihi, je vous remercie d'avoir souligné notre entière mobilisation dans le cent unième département français, qui est actuellement confronté à une crise hydrique sans précédent, caractérisée par 54 heures de tour d'eau, ce qui signifie que pendant 54 heures continues, les Mahorais et Mahoraises sont privés d'eau. L'eau est ensuite remise pendant 18 heures.

Depuis le 2 septembre, date de mon premier déplacement sur place, nous produisons 7 500 mètres cubes supplémentaires d'eau par jour, les besoins étant de 43 000 mètres cubes par jour. Le manque d'eau est lié au réchauffement climatique, qui vide les deux grandes réserves de Mayotte. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, le 2 septembre, de distribuer des bouteilles d'eau aux 51 000 personnes les plus fragiles. Depuis hier, cette action est élargie à l'ensemble de la population.

Nous avons également déployé une campagne de forage inédite. Je rappelle que 6 millions d'euros avaient été provisionnés par l'État entre 2017 et 2022 mais qu'aucun forage n'a été conduit. Or, depuis le 2 septembre 2023, un forage est lancé. Par ailleurs, un appel d'offres pour une usine de désalinisation est en cours d'analyse. Nous devrions retrouver une situation normale, si la pluviométrie est à la hauteur, en février ou mars 2024. L'autonomie de la production d'eau sera, quant à elle, effective au plus tôt en mars 2025. La situation vous est décrite sans concessions, mais le Gouvernement finance tout. Au 31 décembre prochain, Mayotte aura bénéficié de la part de l'État de près de 97 millions d'euros en lieu et place des collectivités.

Bien entendu, cet investissement est visible, notamment sur le plan de la sécurité. Ainsi, la rentrée des classes s'est bien déroulée, notamment car une protection totale a été assurée. Telle était la volonté du ministre de l'intérieur, du ministre de l'éducation nationale et de moi-même, pour que nos enfants soient protégés lorsqu'ils se rendent à l'école, et ce d'autant qu'ils ne s'y rendent qu'une matinée sur deux en raison de problèmes d'infrastructures.

À l'hôpital de Mamoudzou, les forces de sécurité permettent au personnel soignant d'assurer sa mission. Certains évènements violents se sont produits et des cars transportant du personnel soignant ont par exemple été caillassés, conduisant les professionnels concernés à invoquer leur droit de retrait. Il me semblait naturel de rencontrer des délégations de ces salariés, ce que j'ai fait à plusieurs reprises. Le retour à la normale est progressif et nous mènerons l'opération Wuambushu lancée par Gérald Darmanin à son terme. Plus de 680 bidonvilles ont d'ores et déjà été rasés, mais c'est une oeuvre de longue haleine. Cette montée de l'insécurité sur place a motivé le déploiement de cinq escadrons de gendarmes mobiles, sur les 22 engagés à l'échelle du pays. Bien entendu, d'autres FSI ont aussi été déployées, soit un peu plus de 1 200 personnels.

J'ai bien pris en compte votre remarque, monsieur Mohamed Soilihi, concernant les gaz lacrymogènes. Je discuterai donc de la question de la doctrine d'intervention avec le ministre de l'intérieur et attirerai son attention sur vos propos. Puisque vous faites référence aux évènements graves qui se sont produits, je tiens à rappeler qu'une gendarme a été gravement blessée il y a quelques jours. Il ne faut pas laisser les forces de l'ordre se faire encercler, caillasser et tirer dessus impunément. Nous déployons donc les moyens nécessaires avec mesure, mais il est des moments où des solutions de désencerclement sont nécessaires, d'où le recours aux gaz que vous évoquiez.

Nous mettons donc les moyens humains nécessaires, mais nous comprenons bien qu'à la crise de l'eau s'agrègent d'autres crises. Je serai d'ailleurs à Mayotte la semaine prochaine pour avancer avec les élus, que je remercie de nous accompagner au quotidien, parce que leur tâche est difficile.

Monsieur le sénateur, vous m'avez également interrogé sur les questions liées au logement. Je rappelais dans mon propos introductif que, concernant les crédits de la LBU, nous étions revenus au niveau de 2013 et avions constaté des sous-consommations. Ces dernières s'expliquent par un déficit d'ingénierie, ce qui me permet de répondre en même temps à votre question, monsieur le président. Les causes des sous-consommations sont multiples : manque d'ingénierie, désordre foncier, manque d'opérateurs, même si l'opérateur public présent à Mayotte marche plutôt bien.

Des décisions ont été prises au-delà de l'augmentation budgétaire évoquée précédemment. La norme de régions ultrapériphériques (RUP) sera prochainement mise en place et remplacera la norme CE. Ce sera un élément de compétitivité très important. Par ailleurs, en Guyane, les opérations d'intérêt national (OIN) permettront de renforcer notre présence et l'extension du champ du fonds régional d'aménagement foncier et urbain (Frafu), indispensable pour l'aménagement urbain, nous fera gagner en efficacité.

On progresse, même si la crise du logement est aussi bien hexagonale qu'ultramarine. Un sénateur et un député vont se voir confier par le gouvernement une mission sur la question du logement dans les territoires ultramarins, car il est nécessaire que nous soyons capables d'appréhender la situation du logement dans ces territoires. Il est inconcevable de procéder à une refonte de ces niches fiscales sans en mesurer l'incidence. Il faut nous doter des outils les plus adaptés à la situation particulière que nous vivons.

Vous m'avez également interrogé sur le filet de sécurité pour les communes. Celui-ci a été mis en place en 2022 à hauteur de 14 millions d'euros, pour 19 communes bénéficiaires. Il est vrai que les communes bénéficiaires du dispositif Corom n'étaient pas éligibles, car le Sénat avait voté contre l'amendement déposé sur ce point. Je sais donc que quatre communes ont fait des avances et obtenu des acomptes. Nous analyserons comment trouver des solutions pour mieux les aider. Les Corom vont évoluer en 2024 : leur enveloppe budgétaire augmentera, car il s'agit d'un acte de coresponsabilité entre le Gouvernement, qui aide les communes en difficulté financière, et les communes, qui acceptent ce schéma. L'aide sera progressive sur trois ans, durée du Corom, et d'un montant intéressant de 2,1 millions d'euros.

Enfin, un travail sera accompli sur les normes. Un ancien sénateur, Éric Doligé, avait beaucoup travaillé sur cette question et rédigé un excellent rapport qui, malheureusement et comme nombre de rapports, est resté sans effet. On ne peut pas traiter les territoires ultramarins comme les territoires hexagonaux, et la Première ministre a pris des engagements en ce sens. Je rappelle d'ailleurs un élément nouveau : chaque loi donnera désormais lieu à une déclinaison ultramarine. C'est la raison pour laquelle un délai d'application a été accordé aux territoires ultramarins pour l'application du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Sans cette tolérance, la situation est intenable pour ces territoires, qui sont isolés, privés des outils de production, dans une situation de forte dépendance économique, soumis à des importations toujours plus grandes et confrontés à des pénuries de matériaux. Nous essayons donc d'apporter des solutions au plus près des réalités du terrain.

Madame Cukierman, j'ai analysé la baisse des effectifs en prenant en compte que les acronymes et le périmètre des programmes de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », ont parfois changé entre 2007 et 2012, puis entre 2012 et 2017. L'État était dépouillé quotidiennement. C'est pourquoi nous sommes actuellement en train de remettre des moyens. Entre 2012 et 2017, environ 2 500 ETP ont été supprimés dans les préfectures. Je parle des préfectures, mais regardez ce que sont devenues les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ! Dans ma région, la plupart des services techniques sont rattachés à la DREAL Normandie, car nous manquons de moyens. C'est pourquoi nous sommes en train de renverser la tendance. Bien entendu, refaire le chemin inverse prendra un peu de temps. Nous dédions des moyens pour mettre fin à cette baisse des effectifs, et peut-être faudrait-il en dédier plus. Avec les 350 ETP programmés, nous allons avancer.

Nous sommes passés de plus de soixante jours à quinze jours pour obtenir un titre sécurisé. L'objectif fixé par la Première ministre était de vingt jours. Je sais que ce seuil n'est pas encore atteint dans certains endroits, mais sachez que nous allons suivre cette question attentivement. Cet objectif requiert d'ailleurs un engagement des communes. Quelques difficultés ont été rencontrées, notamment dans ma région, pour les mobiliser. Il faut donner du temps, former, trouver des locaux, adapter les horaires pour apporter le meilleur service public, et c'est la raison pour laquelle nous mobilisons 100 millions d'euros en 2024.

Vous évoquiez aussi le bilan de la certification des comptes pour les collectivités territoriales. Je crois que des progrès considérables ont été faits sur la qualité des comptes. Le bilan fait par le Gouvernement en 2023 l'a montré. Nous souhaiterions généraliser ces progrès, ce qui ne pourra être fait à marche forcée. Nous visons l'atteinte de cet objectif en 2026, ce qui laisse le temps aux collectivités territoriales de faire en sorte que leurs comptes soient certifiés, gage de transparence vis-à-vis des concitoyens. Le délai de 2026 permet de laisser le temps aux collectivités de s'adapter aux changements de nomenclatures, que je sais complexes pour avoir été confronté à la question en tant qu'élu local. Cette volonté politique de porter la certification des comptes est la nôtre et nous irons jusqu'au bout.

Madame Dumont, vous avez pu comprendre dans mon propos liminaire que j'ai été marqué dans ma vie d'élu local par des drames liés à des incendies. Votre question sur les Canadair était très précise, je vais donc vous répondre par des chiffres tout aussi précis. Vos chiffres sont exacts : deux Canadair supplémentaires en 2027-2028 et douze nouveaux Canadair après 2030. Que fait-on avant cela ? J'ai souligné le fait que des moyens étaient consacrés à la location de matériel. Nous allons ainsi louer chaque année dix hélicoptères bombardiers d'eau au cours de cette période intermédiaire. Entre les dates de commande et de livraison, le temps est incompressible. Oui, le renouvellement est lancé, mais nous sommes confrontés à un problème majeur : nous n'avons pratiquement plus de fabricants. Nous n'avons pas de consortium portant cette question, mais je puis vous assurer de l'engagement ferme du ministre en la matière.

Vous avez raison au sujet de l'amendement gouvernemental et j'ai bien entendu votre préconisation qui est de faire en sorte que les amendements ne soient pas déposés tardivement. Oui, les crédits pour Libourne sont inscrits pour 2024. La ventilation des 140 millions d'euros annoncés est la suivante : 45 millions d'euros pour la quatrième UIISC, 39 millions d'euros pour le pacte capacitaire et 32 millions d'euros pour les Canadair.

Madame Delattre, en matière de cybersécurité, la coopération entre services relève bien de Matignon. La formation de professionnels compétents sera accélérée. D'ailleurs, le ministre chargé de la transition numérique a mis en lumière des points de coordination pour une montée en puissance et en effectifs, car cette compétition est aussi liée à l'intelligence artificielle. La question de la cybersécurité est incontournable et doit être confortée ; les moyens sont sur la table pour ce faire. Il est toujours possible d'aller plus vite, mais 2024 permettra de franchir une étape importante.

En ma qualité de ministre chargé des outre-mer, je m'occupe des régiments du service militaire adapté (RSMA). Dans le cadre de la formation de huit mois suivie par ces jeunes, je proposerai la possibilité de valider le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa), ainsi que le brevet d'état d'éducateur sportif aux activités de la natation (Beesan) ou le brevet national de secourisme (BNS). Il faut profiter de ces formations complémentaires, notamment dans les territoires. Je serai très heureux que les jeunes des RSMA puissent avoir un diplôme d'animateur ou passer le permis de conduire. Le taux de réussite, au sein des RSMA, est de 87 % pour le permis de conduire ! Ce panel de formation sera un début de passeport pour la vie. En dépit des primes mises en place avec les collectivités, le déficit de personnes formées demeure considérable. Dans ma région, nous avons essayé de former 50 personnes au Beesan, en finançant l'intégralité de la formation, mais il est difficile de trouver des volontaires. Le Gouvernement doit donner une impulsion et les collectivités territoriales doivent davantages'engager sur ce sujet.

Pour vous répondre, monsieur le président, je ne tiens pas à être responsable d'un ministère où l'on met trois fois plus de temps qu'ailleurs pour lancer un projet ; je n'en veux à personne, je connais les difficultés en matière de soutien technique et d'ingénierie.

Dans le cadre du comité interministériel des outre-mer (Ciom), 72 mesures ont été annoncées, avec une enveloppe de 10 millions d'euros ; un premier bilan de ces mesures sera dressé dans les prochains jours.

Comment procédons-nous ? Nous passons par l'Agence française de développement (AFD), les recensements s'effectuent dans les territoires et, en fonction des besoins des communes, nous décidons d'intervenir. Nous allons nous orienter vers quelque chose de plus formel, à la main des préfets. Je souhaite que des équipes se projettent sur des durées de 6, 12 ou 18 mois. Nous allons également nous appuyer sur les structures ayant les compétences requises pour aider les élus des territoires ultramarins
- l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la direction générale des collectivités locales (DGCL), l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), etc. -, afin d'intervenir dans les meilleurs délais.

Une forme de découragement s'installe lorsque les délais sont trop longs. Dans certaines communes des territoires ultramarins, des projets attendent depuis dix ans de voir le jour. Pour remédier à cela, nous allons déployer des moyens considérables. D'ici à la fin du mois de janvier 2024, nous serons en mesure d'obtenir la projection demandée. Ensuite, je réunirai tous les préfets afin de voir comment assurer un déploiement efficace, et je rendrai également compte au Sénat.

Je souhaite présenter des solutions adaptées, en concertation avec le ministre de l'intérieur et Dominique Faure, afin d'accompagner la transition énergétique et l'évolution des constructions dans les meilleurs délais. Les situations sont, le plus souvent, très complexes. Se pose d'abord le problème du foncier ; en Guyane par exemple, en dépit de la loi Letchimy, nous sommes encore loin du compte concernant les disponibilités foncières. Un autre problème concerne les matériaux ; sur ce sujet, l'adoption d'une norme spécifique RUP devrait être un atout. Notre volonté est bien de consommer les crédits.

Concernant les fonds européens, alors que nous étions les derniers de la classe, nous avons effectué une remontée notable. Le taux de consommation de ces fonds dans les territoires ultramarins a beaucoup progressé. Je suis à l'écoute des préconisations du Parlement pour améliorer l'accompagnement de nos territoires ultramarins.

Vous m'avez interpellé sur la violence à l'égard des élus. Je vous renvoie au plan national du 7 juillet dernier. Nous avons également étendu le dispositif de protection juridique aux élus des communes de moins de 10 000 habitants. Enfin, des opérations de proximité sont conduites par la gendarmerie nationale, de manière à ce qu'aucune violence ne reste impunie. Récemment, j'ai animé une association des maires dans un département de ma région et, sur la demande de Gérald Darmanin, je leur ai demandé de relayer ce message de fermeté. Les consignes données aux gendarmeries et aux commissariats sont très claires, nous ne laisserons rien passer ; toucher à un élu, c'est toucher à la République.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis. - Monsieur le ministre, ma question portait sur la certification des comptes de l'identité numérique dans quelques communes volontaires, et non sur la certification des comptes budgétaires des collectivités territoriales ; nous interpellerons les services pour obtenir des données plus précises.

Je souhaite revenir sur vos propos concernant les normes et le fonds vert. Depuis plusieurs années, nous déplorons une inflation des normes tout en cherchant à sécuriser l'initiative publique dans les territoires par la multiplication de règles et de procédures. Car, au-delà de la question des menaces et des agressions, les élus sont étouffés par la multiplication des normes, une camisole qui empêche toute action.

Concernant le fonds vert, lorsque nous avions auditionné Christophe Béchu il y a près d'un an, le déploiement du dispositif devait être d'une grande simplicité ; je note les efforts budgétaires pour cette année mais, si l'on s'en tient à la formalisation des dossiers, on ne peut pas parler de simplicité. Un même dossier peut être présenté pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), mais il en faut un différent pour le fonds vert...

On peut également s'interroger sur les demandes d'expertise de gains énergétiques concernant les bâtiments des années 1980 ; or, nous savons aujourd'hui que ces bâtiments sont des passoires énergétiques : les travaux qui seront faits amélioreront forcément la performance énergétique. Sans doute pouvons-nous simplifier les choses sur ce sujet.

Les préfets et sous-préfets ayant fait un service après-vente un peu trop alléchant, un certain nombre de communes ayant monté des dossiers ont eu des déconvenues en apprenant cet été qu'elles n'étaient pas éligibles. Le fonds vert peut aider au développement de nos territoires ; encore faut-il qu'il ne devienne pas une usine à gaz, loin de la réactivité et de la simplicité attendues.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. - Lorsqu'on a été élu local, on a forcément été confronté au sujet des normes. La volonté de la Première ministre de ne pas traiter les territoires ultramarins comme ceux de l'Hexagone apporte un élément de réponse. Une mission sur ce sujet vient d'être confiée à Éric Woerth ; son expertise à la fois d'ancien président de la commission des finances, d'ancien ministre du budget et d'élu local le qualifie pour faire un rapport sans complaisance, susceptible d'éclairer le Gouvernement et de favoriser la compréhension de ces normes.

Concernant le fonds vert, je n'étais pas encore ministre lorsque j'ai fait le tour des communes, en tant que député, pour expliquer le fonctionnement du dispositif. Vous m'accorderez que beaucoup de souplesse a été donnée. En dépit des 2 milliards d'euros engagés - 2,5 milliards d'euros l'année prochaine -, certains ont pu arriver un peu trop tard, mais cela se passe souvent ainsi pour les appels à projets. Un élu local doit toujours avoir trois projets dans ses tiroirs... En outre, des instructions seront données afin établir une meilleure articulation entre tous ces outils : fonds vert, DETR et DSIL.

Dominique Faure est très attachée à la simplification administrative. Inutile d'écrire dix pages ; une note de présentation et un budget consolidé doivent suffire. Il y va de la crédibilité de l'action publique. À un moment, sans doute que trop d'appels à manifestation d'intérêt (AMI) ont nui à l'efficacité locale ; le Gouvernement a décidé de simplifier les choses.

Au sujet de la certification des comptes, il est bon que l'on parvienne, sur la base du volontariat, à cette qualité. C'est aussi une question de confiance vis-à-vis de nos concitoyens, toujours plus demandeurs. Avec les moyens numériques à leur disposition, nos concitoyens ont la possibilité de tout consulter. Le fait de rendre des comptes est un gage de démocratie, et je tiens beaucoup à cette démocratie.

M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le statut des élus locaux, Dominique Faure avait annoncé un texte : à quelle date sera-t-il déposé, sachant que nous avons voté une proposition de loi portant sur la protection des maires au mois d'octobre 2023 ? Si nous avons bien compris, le texte du Sénat sera examiné à l'Assemblée nationale en janvier prochain...

M. Philippe Vigier, ministre délégué. - Les travaux de la Convention nationale de la démocratie locale (CNDL) se sont tenus le 7 novembre dernier, et le texte devrait arriver lors du premier semestre 2024.

Le Parlement est libre de l'organisation de ses travaux, et il arrive parfois, comme aujourd'hui, que les auditions du Sénat et de l'Assemblée nationale soient concomitantes...

M. François-Noël Buffet, président. - Pour être tout à fait transparent, je vous indique que le ministre de l'intérieur nous avait récemment informés de son indisponibilité, en raison de son audition à l'Assemblée nationale.

Je vous remercie, monsieur le ministre.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction général de la gendarmerie nationale (DGGN)

M. le Général de corps d'armée André Pétillot, major général de la gendarmerie nationale, adjoint au directeur général de la gendarmerie nationale

M. le Général de division François Agostini, adjoint au directeur des soutiens et des finances

M. le Lieutenant-colonel Ronan Lelong, adjoint au chef du bureau de la synthèse budgétaire

Direction générale de la police nationale (DGPN)

M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale

M. Stanislas Cazelles, directeur des ressources humaines, des finances et des soutiens

M. Pierre-Ange Savelli, conseiller budgétaire

Conseil supérieur de la fonction militaire de la gendarmerie nationale (CFMG)

M. le général Emmanuel Valot, secrétaire général du conseil de la fonction militaire

Colonel Jean Carrel, affecté à l'inspection générale de la gendarmerie nationale, membre à temps plein du CFMG

Lieutenant-Colonel Ludovic Lainé, affecté au sein de l'état major de la région Occitanie, dominante ressources humaines

Major Patrick Boussemaëre, chef de groupe au peloton motorisé de Boulogne sur Mer

Major Laurent Cappelaere, conseiller concertation 3ème niveau au cabinet communication de la garde républicaine de Paris

Major Vincent Charneau, conseiller concertation 3ème niveau au cabinet communication de la région Pays de la Loire

Major Rachel Chervier, monitrice pilote et instructrice telepilote de drone au sein du commandement des forces aériennes de la gendarmerie

Major Christophe Le Jeune, conseiller concertation 3ème niveau au cabinet communication de la région Ile-de-France

Major Érick Verfaillie, affecté au cabinet communication de la région Midi-Pyrénées à Toulouse

Adjudant-chef Frédéric Le Louette, conseiller concertation 3ème niveau au cabinet communication de la région Bretagne à Rennes

Adjudant-chef Aline Rouy, affectée à la sous-direction de l'immobilier et du logement

Maréchal des logis-chef Christophe Duprat, conseiller concertation de 1er niveau à la brigade de proximité de Beaufort-Orbagna

Table ronde des syndicats professionnels

Alternative police-CFDT

M. Denis Jacob, secrétaire général

Fédération Syndicale du Ministère de l'Intérieur - Force Ouvrière (FSMI-FO)- Unité SGP Police FO

M. Franck Fievez, secrétaire national Unité SGP Police FO

UNSA Police

Mme Ingrid Lecoq, secrétaire nationale pole province

M. Adrien Legrand, secrétaire national pole Paris

M. Jean Paul Nascimento, secrétaire national pole CRS


* 1 Le budget présenté regroupe en fait l'ensemble du périmètre budgétaire ministériel actuel, hors charges et pensions, à l'exception du programme « Vie politique », soit : la mission « Sécurités » (programmes « Sécurité civile », « Police nationale », « Gendarmerie nationale », et « Sécurité et éducation) ; au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », les programmes « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » et « Administration territoriale de l'État » ; la mission « Immigration, asile et intégration » (programmes « Intégration et accès à la nationalité française » et « Immigration et asile » ) ; au sein du compte d'affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routier », les programmes « Structures et dispositifs de la sécurité routière » et « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » ; et les taxes affectées à l'Agence nationale des titres sécurisés.

* 2 Pour plus de précisions voir le développement intitulé « un coût de la sécurité des Jeux à établir », p. 70 du rapport au Parlement de la Cour des comptes relatif à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, du 11 janvier 2023.

* 3 Le coût est estimé en 2024 à 65,5 millions d'euros pour la police nationale et 65,9 millions d'euros pour la gendarmerie nationale, hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

* 4 Le coût est estimé en 2024 à 11 millions d'euros pour la police nationale.

* 5 Cour des comptes, référé au Premier ministre du 13 mars 2018 sur les rémunérations et le temps de travail dans la police et la gendarmerie nationales.

* 6 Note de présentation de la mission « Sécurités » sur le PLF 2024 de Bruno Belin, au nom de la commission des finances du Sénat, p. 38.

* 7 Projet annuel de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2024, pour la mission « Sécurités », p. 73.

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