TITRE II BIS
RENFORCER L'AUTONOMIE DES ADULTES VULNÉRABLES EN FAVORISANT L'APPLICATION DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

Les dispositions de la proposition de loi relatives aux mesures de protection juridique des majeurs ont été introduites par amendements à l'Assemblée nationale, sans avoir fait l'objet de réflexion d'ensemble et de concertation avec les acteurs concernés. Selon les professionnels entendus, de telles retouches ponctuelles - qualifiées d'« émiettement législatif », de « logique de silos » ou encore de « fausses bonnes idées » - risquent de créer plus de difficultés qu'elles n'en résolvent, faute notamment de coordination avec d'autres mesures existantes.

Cette approche partielle et précipitée ne paraît pas à la hauteur des enjeux de la protection juridique des majeurs qui concerne près d'un million de personnes et appellerait plutôt un projet de loi plus global, avec avis du Conseil d'État et étude d'impact.

Nombre d'ouverture de mesures judiciaires en 2022

Source : Les chiffres clés de la justice, Édition 2023, Service statistique ministériel de la justice

Dans ces conditions, la commission a préféré supprimer ces dispositions sur lesquelles elle bénéficie d'une délégation au fond, à l'exception notable de l'article 5 decies qui concerne la publicité des mandats de protection future et des mesures judiciaires, une disposition importante attendue depuis des années.

Article 5 quater (supprimé)
Désignation anticipée d'un curateur ou tuteur de « remplacement », dont la mission débuterait au décès de la personne désignée en premier lieu

L'article 5 quater vise à compléter l'article 447 du code civil afin de permettre au juge des tutelles de désigner, parmi les proches du majeur protégé, un curateur ou tuteur de « remplacement », dont la mission débuterait automatiquement au décès de la personne désignée en premier lieu.

En prévoyant un tel remplacement sans appréciation du juge au moment où il intervient, et en omettant de prendre en compte d'autres cas d'indisponibilité que le décès, cet article pose divers problèmes d'ordre pratique et juridique.

En cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article.

1. Une volonté louable de simplifier la succession d'un tuteur ou d'un curateur en cas de décès

L'article 5 quater de la proposition de loi, introduit en commission à l'Assemblée nationale par amendement de la rapporteure Annie Vidal19(*), vise à éviter une rupture de prise en charge du majeur sous tutelle ou curatelle en cas de décès de la personne désignée pour assurer sa protection.

Il prévoit de permettre au juge des tutelles, lors de la décision d'ouverture de la mesure ou ultérieurement en fonction de la situation du majeur protégé ou de son entourage, de désigner un curateur ou un tuteur « de remplacement » parmi les autres personnes de l'entourage du majeur protégé20(*).

Au décès de la ou des personnes initialement désignées, la mission du remplaçant débuterait automatiquement, à charge pour lui d'informer de ce décès la personne protégée, le juge des tutelles et les tiers. En attendant cet évènement et afin de faciliter sa prise de fonction, il recevrait pour information les comptes rendus de diligences, l'inventaire des biens et les comptes annuels de gestion et pièces justificatives, au même titre que le juge des tutelles.

2. Une disposition destinée à régler une situation qui ne semble ni courante ni insurmontable

Les professionnels entendus n'ont pas identifié de difficultés particulières s'agissant de la situation à laquelle est censé répondre l'article 5 quater. La disposition proposée est d'ailleurs justifiée par son initiateur, non pas par la récurrence de ces situations, mais par les préoccupations des familles liées au décès du proche de l'adulte vulnérable.

Interrogée sur le nombre de cas rencontrés, la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice n'a pas pu fournir de statistiques. Par ailleurs, cette hypothèse rarement rencontrée peut être parée en nommant un subrogé ou plusieurs personnes ab initio21(*).

La profession notariale constate de son côté que les difficultés rencontrées en la manière ne sont souvent que les conséquences dans certains départements du manque de moyens matériels et humains que l'Etat met à la disposition des acteurs judiciaires de la protection des majeurs.

En cas de décès de la personne en charge de la protection, la mesure de curatelle ou de tutelle ne prend pas fin. Il convient de saisir le juge des tutelles afin qu'il nomme une nouvelle personne, ce qui peut être assez rapide, surtout lorsque cette succession a été anticipée et que le juge a déjà dans son dossier le nom de la personne pouvant être désignée en remplacement, son accord de principe et qu'il a eu l'occasion de sonder la personne protégée sur ses sentiments à l'égard de celle-ci. Une ordonnance de remplacement est alors obtenue plus rapidement qu'un jugement d'ouverture.

Selon l'Association nationale des juges des contentieux de la protection, les juges des tutelles sont attentifs à nommer un tuteur ou un curateur de remplacement dès que nécessaire et nomment à titre transitoire une association si aucun membre de la famille ne se manifeste.

3. La position de la commission : supprimer la disposition dans l'attente d'une réflexion plus globale

La disposition proposée, en ajoutant un ou plusieurs protecteurs de second rang, augmenterait le nombre d'intervenants autour de la personne protégée, sans toutefois assurer de coordination entre eux dans les hypothèses où il existe un co-curateur, un co-tuteur ou encore un subrogé qui a justement pour mission de provoquer le remplacement du tuteur ou du curateur en cas de cessation de ses fonctions. L'article 5 quater risque donc d'ajouter de la confusion à la répartition actuelle des rôles entre chacun, ce d'autant plus qu'ils seraient destinataires des mêmes informations au titre des articles 463, 503 et 510 du code civil modifiés en conséquence.

Par ailleurs, il ne prend pas en compte toutes les situations dans lesquelles un remplacement pourrait être nécessaire, comme les cas de mise sous protection juridique du tuteur ou curateur, et n'envisage que la possibilité de nommer un proche de la personne comme remplaçant et non un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM).

Elle n'envisage pas non plus les situations dans lesquelles le représentant est un MJPM. Le rapport de la mission interministérielle sur l'évolution de la protection juridique des personnes, remis à la garde des sceaux en 2018, avait pourtant suggéré de donner la possibilité aux MJPM de se substituer un tiers sous leur propre responsabilité civile en cas d'indisponibilité, afin de pallier les difficultés rencontrées par ceux qui exerce à titre individuel et éviter les situations de rupture de prise en charge en cas d'indisponibilité temporaire - par exemple en cas de congés, de maternité ou d'arrêt maladie22(*). Cela a été rappelé en juillet 2023 dans le rapport de la mission interministérielle menée dans le cadre des États généraux des maltraitances.

Selon Anne Caron-Déglise, qui a dirigé les deux rapports précités, l'article 5 quater est également « problématique dans la mesure où il est indispensable que le juge vérifie au moment du changement de protecteur la qualité de la gestion, la pertinence du maintien de la mesure de protection au niveau prononcé et les sentiments de la personne protégée dans le choix de son protecteur ». Ainsi que l'a relevé l'Interfédération de la protection juridique des majeurs, la personne protégée peut avoir un conflit avec la personne désignée en tant que protecteur de remplacement au moment du décès du protecteur ou le protecteur de remplacement peut ne plus être apte à exercer la mesure (éloignement, maladie...).

Il semble donc opportun que le juge soit saisi au moment du décès du protecteur, sachant qu'une mesure de protection peut être prononcée pour une durée de cinq ans ou dix ans23(*), ce qui laisse le temps aux relations personnelles d'évoluer.

Compte tenu de ces éléments et de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-105 de suppression de la rapporteure.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer
l'article 5 quater.

Article 5 quinquies (supprimé)
Ajout d'une finalité d'assistance au mandat de protection future et nécessité d'un certificat médical circonstancié

L'article 5 quinquies vise à faire évoluer le mandat de protection future créé par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui reste peu utilisé.

À l'instar de ce qui a été suggéré en 2022 par le groupe de travail sur la justice de protection dans le cadre des États généraux de la justice ou par le Conseil supérieur du notariat, il s'agirait de permettre un mandat de protection future aux fins d'assistance, aux côtés de celles de représentation. La nature du mandat serait ainsi susceptible d'évoluer en fonction du degré d'altération des facultés personnelles du mandant ou de son bénéficiaire. La disposition proposée tend également à subordonner la mise à exécution du mandat de protection future à la production d'un certificat médical circonstancié, et non plus d'un certificat médical simple.

En cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article.

1. Le mandat de protection future, un dispositif contractuel pour anticiper la perte d'autonomie

Créé par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs24(*), le mandat de protection future permet à toute personne majeure de désigner à l'avance une ou plusieurs personnes pour la représenter le jour où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts « en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté »25(*).

Ce mandat vise à organiser contractuellement la protection de la personne et de ses biens en cas de perte d'autonomie, sans s'en remettre au juge des tutelles. Il est mis en exécution lorsque le mandataire produit au greffe du tribunal judiciaire le mandat et un certificat médical émanant d'un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République attestant de l'état du mandant26(*). Une fois « activé », le mandataire est en mesure de représenter le mandant dans les conditions fixées par le contrat, sans toutefois que ce dernier perde sa capacité juridique à agir directement.

Selon la forme adoptée, acte notarié ou sous seing privé27(*), le champ d'application du mandat de protection future est plus ou moins étendu s'agissant des actes de disposition des biens.

2. Le mandat de protection future, un dispositif qui doit évoluer pour se développer

Cet outil qui correspond pourtant à l'aspiration des Français de pouvoir mieux anticiper les conséquences d'une perte d'autonomie, s'est très peu développé : selon l'enquête menée par le Conseil supérieur du notariat, environ 15 000 mandats de protection future sont signés par an devant notaire, le nombre des mandats activés - toutes formes comprises - étant d'environ 1 500 selon les chiffres diffusés par le ministère de la justice28(*).

a) Un constat unanime sur la nécessité d'assouplir le régime du mandat de protection future et d'en assurer la publicité

Le développement du mandat de protection future passe sans doute par une évolution de son dispositif qui ne prend pas en compte la période qui précède celle où la personne a besoin d'être représentée d'une manière continue.

Divers travaux menés ces dernières années ont ainsi appelé à une évolution du mandat de protection future vers l'assistance, dont le groupe de travail interministériel et interprofessionnel dirigé par Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation29(*), le groupe de travail sur la justice de protection dans le cadre des États généraux de la justice, ou encore le groupe de travail agissant sous l'égide de l'Institut d'Études juridiques du Conseil supérieur du notariat...

De même, la nécessité d'en assurer la publicité au moyen d'un registre est connue depuis sa création en 2007 : l'objet même du mandat de protection future impose en effet que le juge des tutelles puisse en avoir connaissance lorsqu'il est saisi d'une demande d'ouverture de protection juridique pour donner priorité au mandat sur le prononcé d'une mesure judiciaire. Tel n'est pourtant pas le cas faute de registre, malgré sa consécration dans le code civil en 201530(*).

b) Des nombreuses idées pour apporter d'autres ajustements au dispositif

Les avocats, par la voix du Conseil national des barreaux, préconisent d'aligner le mandat de protection future formalisé par un acte contresigné par avocat sur celui qui résulte d'un acte notarié et ainsi pouvoir intégrer les actes de disposition qui sont pour l'instant réservés aux actes notariés. Ils souhaitent également rendre opposable aux tiers le mandat de protection future après sa mise en oeuvre, à l'instar de la publicité en marge de l'état civil qui existe pour les autres mesures de protection, afin d'obliger les tiers à respecter le mandat et ses obligations et ainsi garantir un meilleur respect des droits des majeurs protégés. En découlerait le même régime de la régularité des actes applicables aux mesures de protection judiciaire.

La profession de notaire, représentée par le Conseil supérieur du notariat, propose de laisser la possibilité au mandant de décider s'il veut que le mandataire soit soumis à un contrôle de sa gestion et lui laisser le choix de décider si son mandataire peut ou non vendre sa résidence principale ou sa résidence secondaire sans avoir à obtenir une ordonnance du juge. La mesure renforcerait, selon les notaires, l'autonomie de la volonté du mandant et serait particulièrement utile pour certaines personnes dont le patrimoine est constitué uniquement d'une résidence principale et de comptes dans un même établissement bancaire.

3. La position de la commission : supprimer la disposition dans l'attente d'une réflexion plus globale

Si le principe d'une évolution du mandat de protection future vers une mission d'assistance semble faire consensus, tel n'est pas le cas de sa mise en oeuvre qui mériterait une réflexion plus large et une meilleure concertation. L'article 5 quinquies propose de calquer le contrat sur les régimes de curatelle et de tutelle sans laisser la place à plus de liberté contractuelle, ce qui semble minorer l'intérêt du recours à un instrument contractuel. Anne Caron-Déglise, dans son rapport précité, préconise un système « à la belge » qui permettrait dès la conclusion du mandat et avant la survenance de l'altération des facultés du mandant, un fonctionnement comme un mandat ordinaire, puis, dans un second temps, après la survenance des altérations, comme un mandat de protection, s'il est maintenu par le juge.

Par ailleurs, la disposition proposée suscite également, au regard des auditions menées, diverses interrogations d'ordre juridique comme par exemple le rattachement de l'acte au droit commun du mandat qui suppose une représentation.

Compte tenu de ces éléments et de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-106 de suppression de la rapporteure.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer l'article 5 quinquies.

Article 5 sexies (supprimé)
Élargissement du cercle des personnes à qui peut être confiée
une habilitation familiale

L'article 5 sexies tend à modifier le dispositif d'habilitation familiale, créé par l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, en élargissant la liste des personnes pouvant être habilitées et en prévoyant la possibilité pour le juge des tutelles de nommer une personne habilitée de « remplacement » en cas de décès de la personne désignée en premier lieu.

L'élargissement du cercle des proches pouvant être désignée personne habilitée aux « parents et alliés » a suscité de très nombreuses réserves de la part des professionnels entendus par la rapporteure en raison de l'absence de contrôle par le juge des tutelles de l'exécution des mesures d'habilitation familiale.

Par ailleurs, le mécanisme de remplacement automatique de la personne habilitée présente les mêmes difficultés que celles relevées pour le remplacement automatique du tuteur ou du curateur prévu à l'article 5 quater.

En cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article 5 sexies.

L'habilitation familiale a été créée par l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille par analogie avec le mécanisme existant au bénéfice du conjoint, en application des articles 217 et 219 du code civil. Cette habilitation permet à certains proches d'assister, de représenter ou de passer certains actes au nom d'un majeur hors d'état de manifester sa volonté, sans qu'il soit besoin de prononcer une mesure de protection judiciaire.

Cette habilitation est accordée en l'absence de conflit au sein de la famille et repose sur un principe de confiance, ce qui a conduit le législateur à n'imposer aucune obligation de reddition de comptes et aucune autorisation du juge des tutelles sur les actes de disposition, sauf ceux qui sont à titre gratuit.

Lors de la discussion de la loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance31(*), la question du cercle des proches auxquels réserver l'habilitation familiale s'était déjà posée. Le Gouvernement, à la demande de la rapporteure à l'Assemblée nationale, avait remplacé les termes « membres proches de la famille » par une énumération précise des parents, enfants, frères et soeurs ainsi que le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin.

L'article 5 sexies propose d'en revenir à cette conception large et de se référer aux « parents et alliés ».

Comme l'a relevé Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation, cette proposition est problématique compte tenu des conditions de fonctionnement de l'habilitation familiale : une fois cette mesure prononcée, le juge clôture le dossier et n'assure donc aucun contrôle de l'exercice de la mesure. Un cercle familial trop large augmente, selon elle, le risque de mauvaise gestion ou d'absence de gestion. Il est donc pertinent que, si de vrais liens existent, le juge désigne des membres plus éloignés de la famille au titre de la tutelle ou de la curatelle.

Selon, l'Interfédération de la protection juridique des majeurs, à l'heure où le Gouvernement souhaitait lutter contre la maltraitance, étendre l'habilitation familiale qui comporte des risques importants de maltraitance financière, était contradictoire. Les travaux menés dans le cadre des États généraux des maltraitances ont mis à jour de fréquentes confusions des comptes entre ceux des adultes protégés et ceux des habilités familiaux. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont confrontés à des difficultés de même nature lorsqu'ils sont appelés à intervenir à la suite d'un habilité familial.

Le Conseil supérieur du notariat a estimé qu'une extension du cercle des personnes éligibles ne pouvait aller au-delà des neveux et nièces ou des oncles et tantes. Il a relevé, par ailleurs, diverses difficultés liées à l'imprécision des termes employés et au fait que ces personnes désignées deviendraient aptes à saisir le juge des tutelles32(*) et devraient être consultées par lui avant le prononcé de la mesure pour s'assurer de leur adhésion ou, à défaut, de l'absence d'opposition33(*).

En tout état de cause, il semble indispensable de procéder à une évaluation du dispositif avant d'en modifier le régime.

S'agissant de la possibilité pour le juge des tutelles de nommer une personne habilitée de « remplacement », la commission a exprimé les mêmes réserves que celles exprimées à l'article 5 quater34(*).

Compte tenu de ces éléments et de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-107 de suppression de la rapporteure.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer l'article 5 sexies.

Article 5 octies (supprimé)
Instauration d'une passerelle entre les habilitations judiciaires
entre époux et les mesures de protection juridique

L'article 5 octies vise à instaurer une passerelle entre les habilitations judiciaires entre époux et les mesures de protection et à en assurer l'applicabilité outre-mer.

Il prévoit également l'application à Wallis-et-Futuna de la section du code civil consacrée au mandat de protection future.

Selon les professionnels, entendus, la disposition proposée paraît redondante avec d'autres articles du code civil, tandis que le mandat de protection future est déjà applicable à Wallis-et-Futuna.

Dans ces conditions, en cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article.

L'habilitation judiciaire permet à un époux, dès lors que son conjoint est hors d'état de manifester sa volonté, de se faire habiliter par le juge des tutelles à le représenter, d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixées par le juge35(*). Un époux peut également être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire36(*).

L'article 5 octies de la proposition de loi vise à instaurer une « passerelle » entre ces procédures et les mesures de protection juridique, afin de prévoir que le juge des tutelles saisi d'une mesure de protection juridique puisse, au nom du principe de subsidiarité, prononcer une habilitation judiciaire ou une autorisation.

Cette retouche ponctuelle du code civil, ajoutée en séance par les députés, semble redondante avec les articles 428 et 494-2 du code civil qui renvoient d'ores et déjà aux dispositions prévoyant l'habilitation judiciaire ou une autorisation.

Quant à l'application à Wallis-et-Futuna des dispositions concernant le mandat de protection future, elle est déjà effective en application de l'ordonnance n° 2012-1222 du 2 novembre 2012 portant extension et adaptation à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie des dispositions du droit civil et du droit de l'action sociale relatives à la protection juridique des majeurs.

Compte tenu de ces éléments et de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-108 de suppression de la rapporteure.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer l'article 5 octies.

Article 5 nonies (supprimé)
Modification du régime de responsabilité dans le cadre de l'habilitation familiale et du mandat de protection future

L'article 5 nonies prévoit d'aligner le régime de responsabilité dans le cadre de l'habilitation familiale et du mandat de protection future sur celui prévu pour les mesures de protection judiciaire.

En cohérence avec la position d'ensemble qu'elle a arrêtée sur les dispositions relatives aux mesures de protection juridique des majeurs, la commission propose de supprimer cet article.

L'article 5 nonies de la proposition de loi vise à compléter le régime de responsabilité applicable aux personnes en charge d'une mesure de protection et à les regrouper dans un seul article du code civil.

La responsabilité du mandataire de protection future et de la personne habilitée dans le cadre d'une habilitation familiale ne serait plus fixée par renvoi à l'article 1992 du code civil relative au régime général du mandat, qui prévoit que « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion », mais inscrite à l'article 421 du même code.

Compte tenu de la position de principe de la commission quant à la méthode employée, elle a adopté l'amendement COM-109 de suppression de la rapporteure

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, de supprimer l'article 5 nonies.

Article 5 decies
Création d'un registre général des mesures de protection
au 31 décembre 2026

L'article 5 decies a pour objet de créer un registre général de toutes les mesures de protection, regroupant les mesures ordonnées par le juge des tutelles et les mandats de protection future.

Ce faisant, il procèderait à l'abrogation de l'article 477-1 du code civil créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, qui prévoit la publicité des mandats de protection future par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret en Conseil d'État. Il rendrait ainsi sans objet la décision d'injonction sous astreinte rendue par le Conseil d'Etat le 27 septembre 2023 qui vise à contraindre le Premier ministre à publier au cours du premier semestre 2024 ce décret l'application qui est attendu depuis plus de 8 ans.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a conservé cet article 5 decies compte tenu des enjeux du partage des informations relatives aux mesures de protection juridiques, tout en maintenant le registre spécial des mandats de protection future pour conserver le bénéfice de la décision du Conseil d'Etat. La commission a également souhaité avancer à 2025 la création du registre général des mesures de protection future.

La commission propose d'adopter cet article ainsi modifié

L'article 5 decies de la proposition de loi vise à créer, au plus tard le 31 décembre 2026, un registre général de toutes les mesures de protection, regroupant les mesures ordonnées par le juge (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale) et les mandats de protection future. Ce faisant, il procèderait également à l'abrogation de la disposition prévoyant le registre spécial des mandats de protection future qui n'a toujours pas vu le jour faute de décret d'application.

1. Premier constat : le registre spécial des mandats de protection future n'est toujours pas réalisé huit ans après sa création

Les mandats de protection future ne sont pas soumis à publication au répertoire civil général parce qu'ils ne résultent pas d'une décision judiciaire.

L'article 477-1 du code civil créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, a prévu un registre spécial destiné à permettre au juge des juges des tutelles de s'informer de l'éventuelle existence d'un mandat de protection future avant de décider d'une mesure de protection

Huit ans après, ce registre n'existe toujours pas faute de décret d'application. Le retard pris par l'exécutif a été justifié par la volonté de créer un registre élargi à l'ensemble des mandats de protection juridique des majeurs et des directives anticipées, qui devait rendre inutile le décret en cause, mais nécessitait de modifier l'article 477-1 du code civil. Ce registre de volontés anticipées aurait ensuite lui-même été empêché par diverses difficultés d'ordre organisationnel, financier et juridique.

Le 27 septembre 2023, le Conseil d'État a enjoint la Première ministre de prendre ce décret en Conseil d'État dans un délai de six mois et a prononcé à l'encontre de l'État une astreinte de 200 euros par jour de retard37(*).

Ce manque de publicité freine considérablement le recours au mandat de protection juridique. Par ailleurs, il empêche le magistrat de mettre en oeuvre le principe de subsidiarité édicté par l'article 428 du code civil. La direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice a reconnu cette impossibilité de garantir la mise en oeuvre d'un mandat de protection future, faute de pouvoir établir son existence avec certitude, ce qui pourrait être considéré comme contraire aux engagements internationaux de la France, et notamment à l'article 3 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, signée à New York le 30 mars 2007.

2. Second constat : un registre général des mesures de protection juridique est indispensable

Il n'existe pas de publicité centralisée des mesures de protection juridique qui permettent ne serait-ce qu'aux juges des tutelles de prendre connaissance des mesures de protection judiciaire prononcées en dehors du ressort de leur tribunal.

En l'état du droit positif, les mesures de curatelle, de tutelle et d'habilitation familiale générale sont inscrites au répertoire civil et sont publiées par mention en marge de l'état civil. Les mesures de sauvegarde de justice font l'objet d'une inscription sur un répertoire tenu par chaque procureur de la République. Quant aux mandats de protection future, faute de publication du décret d'application évoqué précédemment, leur publicité n'est toujours pas effective près de quinze ans après leur création.

Toutes les personnes entendues se sont accordées sur la nécessité d'un registre dématérialisé recensant l'ensemble des mesures de protection juridique. Ce registre général serait nécessaire pour assurer le respect du principe de subsidiarité et appliquer les dispositions protectrices du code de procédure pénale adoptées à la suite de censure du Conseil constitutionnel, qui imposent dans certains cas d'aviser le curateur ou le tuteur du mis en cause. Il est aussi indispensable en vue du futur règlement européen38(*) qui prévoit un partage de ces informations pour régler les situations transfrontalières.

Il permettrait également de régler les risques de litispendance : lorsqu'il est saisi d'une demande d'ouverture d'une mesure de protection, le juge des tutelles ne dispose actuellement d'aucun moyen pour vérifier, en temps réel, qu'une mesure de protection n'a pas déjà été ouverte dans un autre tribunal.

3. La position de la commission : maintenir le registre spécial tout en créant un registre général

Compte tenu de l'enjeu de ces mesures de publicité et de centralisation de l'information, la commission a souhaité conserver l'article 5 decies. Par l'adoption de l'amendement COM-110 de la rapporteure, elle en a modifié la rédaction afin :

- de maintenir le registre spécial prévu pour les mandats de protection future pour maintenir la validité de l'injonction sous astreinte prononcée par le Conseil d'État qui incite fortement le Gouvernement à publier le décret d'application au cours du premier semestre 2024.

Dans un second temps, il sera toujours possible de faire évoluer ce registre vers un registre des mesures anticipées, un temps envisagé par le Gouvernement, recensant tous les dispositifs d'anticipation volontaire (mandats de protection future, personne de confiance, directives anticipées d'organisation de vie et non pas exclusivement de fin de vie, et, en matière patrimoniale, la fiducie) ;

- de créer un registre dématérialisé centralisant les informations de toutes les mesures de protection juridique en cours d'exécution ; le but de ce registre serait d'assurer le partage d'informations entre professionnels et non l'opposabilité aux tiers ; il semble parfois exister une certaine confusion entre ces deux notions ;

- tout en prévoyant une date d'entrée en vigueur plus rapprochée en 2025.

La commission demande à la commission des affaires sociales, compétente au fond, d'adopter l'article 5 decies ainsi modifié.


* 19 Amendement n° AS723.

* 20 L'article 449 fait référence à « un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables ».

* 21 Contribution de Me Diego Pollet, avocat et co-responsable de la sous-commission Majeurs vulnérables du barreau de Paris.

* 22 Cet ajout a été proposé par amendement COM-93 de Solanges Nadille et des membres du groupe RDPI.

* 23 Voir l'article 441 du code civil.

* 24 Articles 477 et suivants du code civil.

* 25 Le mandat de protection future peut également être contracté par des parents pour leur enfant mineur ou leur enfant majeur dont ils assument la charge matérielle et affective.

* 26 Ou de la personne bénéficiaire dans l'hypothèse où le mandat est établi par des parents au bénéfice de leur enfant.

* 27 Il existe même un formulaire Cerfa : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R17967.

* 28 Références Statistiques Justice 2022.

* 29 « L'évolution de la protection juridique des personnes : reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables », rapport de la mission interministérielle menée par Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation, septembre 2018.

* 30 Article 477-1 du code civil, créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

* 31 Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

* 32 Article 494-3 du code civil.

* 33 Article 494-4 du même code.

* 34 Voir le commentaire de l'article 5 quater.

* 35 Article 219 du code civil.

* 36 Article 217 du même code.

* 37 Conseil d'État, 2ème et 7ème chambres réunies, décision du 27 septembre 2023 (n° 471646).

* 38 Proposition de règlement relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des mesures et la coopération en matière de protection des adultes COM/2023/280 final du 31 mai 2023.

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