N° 296

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 janvier 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (procédure accélérée) et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (procédure accélérée),

Par M. Patrick CHAIZE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, président ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; M. Jean-Pierre Bansard, Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Mme Evelyne Corbière Naminzo, MM. Pierre Cuypers, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Stéphane Fouassin, Mmes Amel Gacquerre, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Mme Sophie Primas, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Sénat :

229 et 230 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Mardi 30 janvier 2024, la commission des affaires économiques a adopté les conclusions de son rapporteur, Patrick Chaize, sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et le projet de loi modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Ces deux textes proposent trois réformes techniques destinées à accompagner la relance de la filière française du nucléaire, actée par la loi « Nouveau Nucléaire » du 22 juin 2023. La première est la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au sein d'une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). La deuxième est la simplification des règles de la commande publique applicables aux projets de production, de recherche ou de stockage nucléaires, portés par le groupe EDF, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). La dernière est le repositionnement du Haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA), désormais chargé du Conseil de politique nucléaire (CNP), qui est transféré du CEA vers le Premier ministre.

La commission a examiné au fond les articles du projet de loi sur la simplification des règles de la commande publique et le repositionnement du HCEA. Elle s'est saisie pour avis de tous les autres articles portant sur la création de l'ASNR.

Lors de l'examen de la loi « Nouveau Nucléaire », le Gouvernement avait déposé à l'Assemblée nationale deux amendements procédant à la fusion de l'ASN et de l'IRSN. En commission mixte paritaire (CMP), la commission s'était opposée à la fusion pour lui préférer une saisine sur ce sujet de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). En rejetant les amendements présentés à la hâte par le Gouvernement, après le vote massif du Sénat sur ce texte, la commission des affaires économiques s'était opposée à une réforme mal anticipée et mal évaluée. En saisissant l'Opecst, elle avait remis les parlementaires au coeur des enjeux.

La commission constate que le nouveau projet de réforme est plus abouti : il est le fruit des travaux préalables de l'Opecst, d'une dizaine de consultations formelles et d'un an de concertation sociale. Il arrive à un moment crucial pour la filière française du nucléaire, à l'heure où le Gouvernement entend proposer de nouvelles régulation et programmation énergétiques, dans les textes relatifs à la « Souveraineté énergétique » et à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Ces textes doivent constituer les déclinaisons concrètes du discours de Belfort, du 10 janvier 2022, au cours duquel le Président de la République a annoncé la construction de 6 EPR2 et d'1 SMR et l'étude de 8 autres EPR2.

Dans le cadre de ses travaux, le rapporteur a entendu une quarantaine de personnalités, à l'occasion d'une vingtaine auditions, recueillant le point de vue de l'ensemble des parties prenantes : les représentants de l'administration et du personnel de l'ASN et de l'IRSN, le Haut-commissaire, les acteurs économiques et scientifiques, les associations environnementales, les organismes consultatifs, ou encore les parlementaires.

Au terme de ses travaux, le rapporteur a proposé à la commission 37 amendements pour améliorer le texte, selon 4 axes : consolider la gouvernance de la filière nucléaire, simplifier les règles de la commande publique, faire suite aux travaux de la commission dans la loi « Nouveau Nucléaire » et conforter l'organisation de la nouvelle autorité de sûreté.

I. DES TEXTES ESSENTIELLEMENT TECHNIQUES, MAIS UTILES À LA RELANCE DE LA FILIÈRE FRANÇAISE DU NUCLÉAIRE

Les projets de loi ordinaire et organique, présentés par le Gouvernement, proposent des réformes essentiellement techniques, mais toutefois utiles à la relance de la filière française du nucléaire, pour laquelle la commission est très engagée.

A. DES PROJETS DE LOI ESSENTIELLEMENT TECHNIQUES

Le projet de loi ordinaire se compose de 18 articles.

Son titre Ier procède essentiellement à la création de l'ASNR.

À cette fin, son article 1er donne à cette autorité compétence en matière d'expertise, de recherche et de formation dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que d'organisation de la participation du public et d'information du Parlement ; de plus, il élargit la sûreté nucléaire à la protection de la santé humaine et de l'environnement.

L'article 2 renvoie au règlement intérieur de l'autorité le soin : d'une part, de distinguer le processus d'expertise et d'instruction, conduit par les services, de celui d'élaboration des avis et des décisions, délibérés par le collège ; d'autre part, de définir les modalités de publication des résultats des activités d'expertise et d'instruction ; et enfin, de préciser les règles de déontologie applicables en matière d'expertise et de recherche notamment.

L'article 3 confère à l'autorité la mission de dispenser des formations ou de gérer des données contre rémunération, de donner un appui technique au Gouvernement dans ses domaines de compétence, de même qu'un statut d'établissement public de recherche, ses agents étant assujettis à des règles de confidentialité dans leur mission d'expertise.

L'article 4 prévoit que l'autorité présente à l'Opecst et, pour avis, au Haut comité pour la transparence de l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) les sujets sur lesquels elle organise une association du public et les résultats de ses programmes de recherche.

L'article 6 permet à l'autorité de recruter des agents sous différents statuts (fonctionnaires, contractuels de droit public et salariés de droit privé), et institue une représentation sociale (comité social d'administration et délégués syndicaux).

L'article 9 organise un concours réservé, permettant aux agents contractuels de droit public et aux salariés de droit privé de l'autorité d'accéder aux corps de fonctionnaires.

L'article 5 transfère les biens, droits et obligations de l'IRSN vers l'ASNR ou le CEA, à titre gratuit et sans indemnisation, tandis que l'article 7 transfère les contrats de travail de l'IRSN vers l'ASNR, hors ceux destinés au CEA (fourniture et exploitation de dosimètres) ou mis à disposition par ce dernier auprès du ministère de la défense (expertise nucléaire de défense).

L'article 11 réserve un budget pour l'ASN (15 M€) et l'IRSN (0,7 M€) pour 2024 et prévoit une évaluation des moyens nécessaires à la fusion par le Gouvernement, avant le 1er juillet 2024, et par l'ASNR, pour les cinq années suivant la promulgation de la loi.

Les articles 8, 10 et 15 consistent en des dispositions de transition, et les articles 13 et 14 en des dispositions de coordination.

Le titre II du projet de loi procède à une simplification des règles de la commande publique applicables aux projets nucléaires.

Son article 16 permet aux entités adjudicatrices (le groupe EDF) et aux pouvoirs adjudicateurs (le CEA et l'Andra) de déroger au principe d'allotissement des marchés publics pour certains projets nucléaires :

· la réalisation des réacteurs électronucléaires (EPR2 et SMR) prévue par la loi « Nouveau Nucléaire » ;

· les installations nucléaires de base (INB) et les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) destinées à assurer des activités de recherche ;

· les INB et les ICPE destinées à assurer la gestion des déchets radioactifs ou de combustibles usés ;

· les travaux souterrains relatifs au laboratoire souterrain de l'Andra, ainsi que les opérations de réhabilitation du site après arrêt définitif ;

· les opérations de démantèlement d'une INB abritant des matières nucléaires soumises à autorisation ou à déclaration au titre du code de la défense, dont celles secrètes ;

· les opérations de réhabilitation du site après arrêt définitif d'une ICPE abritant des matières nucléaires soumises à autorisation ou à déclaration au titre du code de la défense.

L'article 17 autorise les mêmes entités adjudicatrices et pouvoirs adjudicateurs à déroger à la durée maximale de 8 ans pour les premières, et 4 ans pour les seconds, pour la conclusion d'accords-cadres.

L'article 18 permet aux marchés publics relatifs à une ou plusieurs INB abritant des matières nucléaires, soumises à autorisation au titre du code de la défense, de déroger à l'application des règles de la commande publique pour :

· la conception, la construction, le fonctionnement ou le démantèlement des bâtiments destinés à recevoir des matières nucléaires, y compris leurs fondations et structures, c'est-à-dire pour « l'îlot nucléaire » des centrales nucléaires ;

· la conception, la qualification, la fabrication, la modification, la maintenance ou le retrait des structures, des équipements, des systèmes, des matériels, des composants ou des logiciels contribuant à la protection contre les actes de malveillance ou à la sûreté nucléaire.

Quant à l'article 12, il abroge la base légale du HCEA, afin de permettre son repositionnement du CEA vers le Premier ministre.

B. UNE RÉFORME DE LA SÛRETÉ ET DE LA RADIOPROTECTION DÉBATTUE

Le rapporteur déplore que le Gouvernement ne précise pas les objectifs de la création de l'ASNR, ce qui ne permet pas au Parlement d'apprécier pleinement son opportunité.

Dans l'étude d'impact, il reconnaît lui-même que « le système actuel a donné satisfaction au cours de la précédente décennie ».

Pour autant, il souligne que l'existence d'un établissement d'expertise distinct de l'autorité de sûreté conduit à un double niveau de pilotage, peu efficace et efficient, induisant une dispersion des services, des informations et des compétences. Il en résulte des processus d'instruction des dossiers complexes et illisibles, pour les exploitants comme les collectivités.

C'est pourquoi il indique que « l'objectif premier de cet article, et des articles suivants, est [...] de fluidifier les processus d'instruction » ; il précise également que son but est d'intégrer les activités dans une même autorité, à l'exception des activités commerciales et de défense, de répondre à l'exigence d'indépendance, en conférant un statut d'autorité administrative indépendante (AAI), et de mobiliser les personnels, autour d'un nouveau cadre.

À l'issue de ses auditions, le rapporteur constate que la réforme est accueillie de manière positive par les acteurs économiques (Groupement des industriels de la filière du nucléaire - Gifen, CEA), mais critique par des acteurs environnementaux ou liés à la transparence (HCTISN, Association nationale des comités et commissions locales d'information - Anccli) ainsi que par les représentants des personnels (ASN, IRSN).

Le rapporteur approuve une réforme qui entend fluidifier les procédures d'autorisation au moment même où la France relance son programme nucléaire.

Le rapporteur constate cependant que la création de l'ASNR pose plusieurs défis :

· le premier tient à la nécessité de garantir la continuité de l'instruction des dossiers pour les exploitants nucléaires, qu'il s'agisse des grands donneurs d'ordre comme des start-up porteuses de projets innovants ;

· le deuxième porte sur l'exigence de maintenir un niveau inchangé de sûreté et de sécurité nucléaires, de même que d'information et de transparence, de manière à ce que la nouvelle autorité soit adaptée aux attentes des acteurs ;

· le dernier a trait au besoin de maintenir un niveau élevé de compétences, en évitant des départs de personnel ou des pertes d'expertise, la relance de la filière française du nucléaire nécessitant une augmentation des personnels en charge de l'instruction comme du contrôle.

Parce qu'elle est indispensable à la relance de la filière française du nucléaire, le rapporteur souscrit à la réforme, sur le principe, tout en proposant des ajustements.

C. UNE RÉFORME DES MARCHÉS ET DE LA GOUVERNANCE ATTENDUE

Le rapporteur observe que la simplification des règles de la commande publique est de nature à accélérer la relance de la filière française du nucléaire.

Les acteurs économiques sont désireux de bénéficier d'un cadre sécurisé afin de mener à bien leurs projets de production ou de recherche. La dérogation au principe d'allotissement est de nature à limiter le risque d'interface et, in fine, les délais et les coûts directs. L'allongement de la durée maximale des accords-cadres est susceptible de favoriser la continuité des activités et la standardisation des procédures, réduisant ainsi les délais et les coûts induits. Enfin, la dérogation aux règles de la commande publique pour les « îlots nucléaires » et les équipements liés à la lutte contre les actes de malveillance et à la sûreté nucléaire n'a pas pour objet de réduire ces délais et ces coûts, mais de limiter le risque d'ingérence, en protégeant les intérêts fondamentaux de la Nation.

Preuve de l'importance de ces dispositions, le groupe EDF a rappelé au rapporteur que le coût d'un mois de retard pour un réacteur est de 10 M€ en phase d'étude, 50 à 60 € en phase de travaux, et 25 M€ en phase d'essais. De son côté, le CEA a précisé que le projet de réacteur expérimental Jules Horowitz (RJH) est sensible à une rupture de continuité et de connaissance de 15 mois, tous les 4 ans. Enfin, l'Andra, quant à elle, a précisé que le projet Cigéo l'oblige à gérer 200 lots et 6 à 7 maîtrises d'oeuvre.

Le rapporteur constate que la réforme doit nécessairement s'articuler aux principes de liberté et d'égalité d'accès à la commande publique, ainsi qu'aux directives du 24 juin 2014 sur les marchés publics. Pour autant, il relève que les dispositions n'ont pas soulevé de difficultés d'ordre conventionnel ou constitutionnel pour le Conseil d'État, et que le droit de l'Union européenne autorise une latitude ou des dérogations.

Quant au repositionnement du HCEA, le rapporteur observe qu'il est bien accueilli par les acteurs économiques précités et l'Opecst. L'enjeu est de doter le HCEA d'une vision panoramique en le plaçant auprès du Premier ministre, plutôt que du CEA.

L'Anccli, tout comme certaines associations environnementales, ont toutefois souligné que la disposition législative proposée entérine une réforme réglementaire déjà actée.

D. UNE IMPLICATION FORTE DE LA COMMISSION EN FAVEUR DE LA PRODUCTION ET DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRES

Le rapporteur rappelle que la commission des affaires économiques est très impliquée en matière d'énergie nucléaire.

Dans la loi « Énergie-Climat » de 2019, elle a décalé de 10 ans, de 2025 à 2035, l'objectif de réduction de 50 % de cette énergie. Dans la loi « ASAP » de 2020, elle a maintenu et consolidé la commission en charge du contrôle des charges de démantèlement des INB, en lui permettant de consulter l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Dans la loi « Climat-Résilience » de 2021, elle a conditionné toute fermeture de réacteurs à la prise en compte de son impact sur la sûreté nucléaire, la sécurité d'approvisionnement et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans la loi « Nouveau Nucléaire », elle a supprimé les 3 verrous posés à la relance du nucléaire, issus de la loi « Transition énergétique » de 2015 : l'objectif de réduction de 50 %, le plafond de 62,3 gigawatts (GW) et la trajectoire de fermeture de 14 réacteurs figurant dans la PPE. Elle a aussi conforté la sûreté nucléaire en prévoyant la prise en compte de la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté, et de la cyberrésilience dans la protection contre les actes de malveillance. Ce faisant, la commission s'est positionnée avant et, bien souvent, contre le Gouvernement.

Le rapporteur rappelle que la commission a rejeté le premier projet de réforme de l'ASNR.

Dans le cadre de l'examen de la loi « Nouveau Nucléaire », son rapporteur a expurgé le texte de toute référence à la fusion pour lui préférer un rapport sur l'évolution des besoins humains et financiers de l'ASN, de l'IRSN et du CEA (article 19), et la faculté pour l'ASN de recruter différentes catégories de personnels (article 24). De plus, sa présidente a saisi l'Opecst d'un rapport sur les conséquences de la fusion sur les plans scientifiques et technologiques, ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection.

Au-delà de son activité législative, la commission a fait adopter une résolution sur la relance de l'énergie nucléaire en février 2021, et une autre sur l'intégration de cette énergie à la taxonomie verte européenne en décembre de la même année.

Plus récemment, la mission d'information transpartisane sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone a proposé d'acter la construction d'au moins 14 EPR2 et 4 GW de SMR, pour maintenir un mix majoritairement nucléaire à l'horizon 2050, afin de réaliser concrètement le scénario le plus nucléarisé, « N03 », de RTE.

Les chiffres-clés du projet de loi « Sûreté nucléaire »

   

Un coût d'un mois
de retard pour
un réacteur de

Une fonction
de HCEA existant depuis

 
 
 
 

personnalités auditionnées au cours de 20 auditions

annoncées, dans le discours de Belfort
du 10 janvier 2022, et 8 autres EPR2 à l'étude

selon les phases, pour le groupe EDF

 

II. LA POSITION DE LA COMMISSION : DES TEXTES DEVANT MIEUX INTÉGRER LES BESOINS DES ACTEURS ÉCONOMIQUES

En déposant 37 amendements, dont 9 déposés à l'identique avec le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (CATDD), le rapporteur a entendu compléter les projets de loi ordinaire et organique proposés par le Gouvernement.

A. CONSOLIDER LA GOUVERNANCE DE LA RELANCE DU NUCLÉAIRE

Le rapporteur a jugé indispensable de renforcer la gouvernance de la relance du nucléaire, et notamment sa dimension parlementaire, en préférant une réécriture de la base légale du HCEA, plutôt que son abrogation.

D'une part, le rapporteur a renforcé les attributions du Haut-commissaire. Il a prévu que le HCEA conseille le Gouvernement, en matière scientifique et technique, dans le domaine de l'énergie nucléaire. À cette fin, ce dernier doit pouvoir saisir le comité de l'énergie atomique et le conseil scientifique du CEA et préparer, par délégation, le CPN. En outre, il doit pouvoir être saisi par l'administrateur général du CEA d'une demande de conseil scientifique et technique, et par le Gouvernement ou le Parlement d'un avis sur un texte ou une question. Sa saisine pour avis doit être automatique sur la loi quinquennale sur l'énergie et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), et facultative sur la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et le plan national intégré énergie-climat (PNIEC). Le Parlement doit être destinataire de ces avis obligatoires, tout comme d'un rapport annuel sur l'état des activités nucléaires civiles, notamment de production et de recherche, devant mesurer le degré d'atteinte des objectifs programmatiques fixés par le Gouvernement.

D'autre part, le rapporteur a consolidé les modalités de fonctionnement du Haut-commissaire. Tout d'abord, il a pris acte du repositionnement du HCEA, du CEA vers le Premier ministre, qui doit lui conférer une vision panoramique de la filière de l'énergie nucléaire. Plus encore, il a soumis le HCEA à la production d'une déclaration d'intérêts, dans un souci de transparence. Il a aussi limité son mandat à 4 ans, renouvelables une fois, dans un souci de renouvellement. Enfin, il a prévu que sa désignation par décret du Président de la République soit soumise à l'avis préalable du Parlement, en application de l'article 13 de la Constitution, comme l'est actuellement l'administrateur général du CEA.

Au total, le rapporteur a voulu faire du HCEA, 79 ans après sa création par le Général de Gaulle, la vigie du nucléaire, en consolidant son positionnement panoramique et ses attributions scientifiques et techniques, et le conseiller du Parlement, en conférant à ce dernier une compétence de saisine comme de désignation.

B. SIMPLIFIER LES RÈGLES DE LA COMMANDE PUBLIQUE

Le rapporteur a estimé essentiel de simplifier les règles de la commande publique applicables aux projets nucléaires, afin de les sécuriser et d'accélérer leur application.

En premier lieu, les dispositifs proposés doivent être mieux calibrés pour répondre aux besoins des acteurs de la filière.

· La possibilité de déroger au principe d'allotissement doit être étendue à d'autres types de marchés : d'une part, à ceux « relatifs » aux projets nucléaires, plutôt qu'à ceux « nécessaires » ; d'autre part, à ceux « mixtes », au-delà de ceux centrés sur les seuls travaux, fournitures ou services.

Certains projets nucléaires omis doivent aussi être prévus : tout d'abord, les projets liés à la relance de l'énergie nucléaire doivent comprendre les installations de stockage ; plus encore, les projets liés à la recherche doivent intégrer les activités nécessaires ; enfin, les projets liés à la recherche et au stockage doivent viser les INB appropriées.

Enfin, la notion de « réalisation » doit être précisée, sur le même modèle que la loi « Nouveau Nucléaire », afin de couvrir les différentes étapes des projets nucléaires : les constructions, les aménagements, les équipements, les installations et les travaux liés à leur création, leur mise en service ou leur extension, ainsi que les installations ou les aménagements directement nécessaires à leur préparation.

· La possibilité de déroger à la durée maximale des accords-cadres appelle aussi à être consolidée. Tout d'abord, les marchés « relatifs » aux projets nucléaires et les marchés « mixtes » de travaux, fournitures ou services doivent être inclus.

De plus, les « entités adjudicatrices » et les « pouvoirs adjudicateurs » doivent être tous deux visés, à l'instar de la rédaction prévue à l'article 16.

Enfin, l'exigence de justification, issue des directives « marchés » du 26 février 2014, peut être mentionnée de manière plus explicite, dans un souci de conformité avec le droit de l'Union européenne.

· Quant à la possibilité de déroger aux règles de la commande publique, elle doit être étendue : d'une part, les bâtiments hébergeant les matériels de sauvegarde doivent être mentionnés aux côtés des « îlots nucléaires », afin de reprendre la définition des bâtiments présentant de forts enjeux de sûreté nucléaire, issue de la loi précitée ; d'autre part, les équipements concourant indirectement à la protection contre les actes de malveillance et à la sûreté nucléaire doivent aussi être visés, dans un souci d'exhaustivité.

En contrepartie de cette dérogation, pour prévenir un risque de dérive des délais et des coûts, il est utile que les entités adjudicatrices et les pouvoirs adjudicateurs notifient le recours à cette dérogation à l'État, et que le Gouvernement en rende compte au Parlement dans un rapport annuel, sous réserve des secrets protégés par la loi.

En second lieu, des dispositifs complémentaires, envisagés dans l'avant-projet de loi, nécessitent d'être réintroduits, dans une rédaction consolidée.

· Un critère précis de crédibilité des offres est utile pour sélectionner les offres selon leur faisabilité et leur maturité technologique, mais aussi selon l'adéquation des délais, des moyens et des méthodes, sans préjudice des critères du prix et du coût, nécessaires au regard du droit de l'Union européenne.

· Un recours simple à la possibilité d'avenants est également intéressant pour modifier un marché sans remise en concurrence, sous réserve du respect de la nature globale du marché, mais aussi de l'impossibilité économique ou technologique de changer de titulaire, nécessaire au regard du droit de l'Union européenne.

Ainsi étendues dans leur champ et diversifiées dans leur contenu, les mesures de simplification des règles de la commande publique applicables aux projets nucléaires doivent devenir le pivot de la relance de la filière française du nucléaire : aussi le rapporteur les a-t-il codifiées dans un volet spécifique du code de la commande publique, pour en garantir la pérennité et la lisibilité.

C. FAIRE SUITE AUX TRAVAUX DE LA LOI « NOUVEAU NUCLÉAIRE »

Le rapporteur a entendu faire suite aux travaux de la commission issus de la loi « Nouveau Nucléaire ».

Premièrement, il a souhaité appliquer les préconisations du rapport de l'Opecst.

Tout d'abord, il a proposé de conforter la séparation entre les processus d'expertise et de contrôle en visant l'ensemble des décisions, qu'elles soient ou non déléguées, ainsi que celles soumises à participation du public.

Plus encore, il a entendu renforcer la publication des rapports d'expertise et des décisions, en prévoyant une publication concomitante lorsqu'ils portent sur un même objet, et permettre aux autorités de saisine de fixer les conditions de publication de leur avis.

Pour garantir un haut niveau d'exigences dans le règlement intérieur, le rapporteur a proposé que celui-ci soit présenté à l'Opecst, qui peut émettre des observations, en lien avec les commissions permanentes compétentes.

Enfin, il a proposé que la dénomination de la nouvelle autorité soit « Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection » (AISNR).

Deuxièmement, le rapporteur a repris certaines dispositions de la loi « Nouveau Nucléaire » n'ayant pu prospérer, comme le renforcement de l'application d'une règle de parité au sein du collège de l'autorité et de la reddition des comptes de la commission des sanctions sur son activité.

D. ADAPTER L'ORGANISATION DE LA FUTURE AUTORITÉ DE SÛRETÉ

Le rapporteur a proposé plusieurs ajustements de l'ASNR afin de renforcer la pertinence et l'efficacité de son organisation et de son fonctionnement.

Tout d'abord, il a souhaité répondre aux besoins des opérateurs économiques. Pour ce faire, il a proposé de rétablir la compétence de l'autorité sur l'importation et l'exportation des matières nucléaires et d'introduire, parmi ses missions, la prise en compte des procédures applicables aux projets de production et de recherche nucléaires innovants. Il a aussi veillé à protéger le secret des affaires dans le cadre de la nouvelle mission d'expertise de l'autorité. Enfin, il a proposé de consolider les règles de déontologie prévues par l'autorité dans ses missions d'expertise, de recherche et de formation, avec l'institution de règles minimales et d'une commission de déontologie.

Plus encore, le rapporteur a entendu consolider l'accompagnement social des personnels. À ce titre, il a proposé que les comités sociaux de l'ASN et de l'IRSN puissent, aux côtés du président de la nouvelle autorité, demander la réunion d'un comité commun à titre transitoire. De même, il a veillé au maintien des effets juridiques des engagements unilatéraux, aux côtés des conventions et des accords. Enfin, il a proposé la mise en place d'un préfigurateur, afin de faciliter la transition vers la nouvelle autorité.

Autre point, le rapporteur a souhaité renforcer les missions régaliennes de l'autorité. Ainsi, il a proposé la prohibition du recours aux personnels étrangers pour exercer des fonctions inséparables de l'exercice de la souveraineté ou comportant une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique ; fait notable, il a prévu que les inspecteurs de sûreté nucléaire soient des agents publics et que ceux exerçant les missions de police judiciaire soient des fonctionnaires.

Enfin, au-delà de la fusion de l'ASN et de l'IRSN, le rapporteur a accordé une attention spécifique aux activités du CEA. C'est pourquoi il a consolidé les conditions de transfert des biens, des droits et des obligations du CEA vers l'IRSN, en prévoyant la faculté de recourir à une convention. C'est aussi la raison pour laquelle il a prévu que l'évaluation des besoins financiers et humains de l'ASN et de l'IRSN s'étende à ceux du CEA.

Les apports essentiels de la commission

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