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Avis n° 80 (1995-1996) de M. André DULAIT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 28 novembre 1995

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N°80

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès verbal de la séance du 28 novembre 1995

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1996 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

AFFAIRES ETRANGÈRES

Par M. André DULAIT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon

Voir les numéros :

Assemblée nationale :

Sénat :

Lois de finances.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de budget du ministère des affaires étrangères s'inscrit dans l'effort de maîtrise des dépenses publiques qui caractérise le projet de loi de finances pour 1996.

Avant examen de ces crédits par l'Assemblée nationale, le budget du Quai d'Orsay était de 15,127 milliards de francs, en baisse de 0,26% par rapport à la dotation précédente, soit un quasi maintien des crédits compte tenu de transferts techniques à d'autres départements ministériels. La baisse de 115 millions de francs votée par l'Assemblée nationale fait passer le budget du ministère des affaires étrangères à 15,012 milliards de francs, soit une diminution de 1% par rapport aux crédits de 1995.

Si cette réduction peut paraître bénigne à première vue, elle affecte en réalité les capacités d'intervention du Quai d'Orsay. Les 115 millions de francs supprimés par l'Assemblée nationale correspondent, en effet, approximativement à ce que consacre le ministère des affaires étrangères à l'aide humanitaire et à l'aide d'urgence, ou bien encore à l'assistance à nos compatriotes expatriés.

Certes, les agents du Quai d'Orsay ne sont pas de ceux qui défilent dans les rues pour faire valoir leur point de vue, alors que personne n'ignore combien leurs conditions de travail sont parfois compromises par des crédits traditionnellement calculés au plus juste. Faut-il voir dans cette discrétion la cause de budgets plus que modestes au regard des missions de ce grand ministère ?

En 1996, l'effort de rigueur imposé au Quai d'Orsay comme à d'autres départements ministériels fera passer la part de ce budget en-deçà du seuil symbolique de 1% du budget de l'Etat (0,98%). Ce n'est qu'en intégrant les crédits du ministère de la coopération, désormais ministère délégué intégré dans la "famille" du Quai d'Orsay (deux chefs de mission de coopération ont ainsi été nommé ambassadeurs récemment), que la part des affaires étrangères est supérieure à 1% du budget de l'Etat (1,46%).

De manière plus surprenante encore, le budget des affaires étrangères représente une part mineure des crédits, toutes origines confondues, qui concourent à l'action extérieure de l'Etat 1 ( * ) . En 1995, le Quai d'Orsay concourait pour 19,47% à l'action extérieure, à laquelle étaient consacrés 77,896 milliards de francs. La part du ministère de la coopération était de 9,95%, celle des comptes spéciaux du Trésor, de 21,04%, et celle du budget des charges communes, de 25,46%. En 1996, le total des dépenses affectées à l'action extérieure ne sera plus que de 58,437 milliards de francs (- 25% par rapport à 1995). De ce fait, la part du ministère des affaires étrangères représentera 25,88% de l'ensemble, celle du ministère délégué à la coopération, 12,54%, tandis que la part du budget des charges communes sera de 23,41%. Celle des comptes spéciaux du Trésor (réduits de - 55%) ne représentera plus "que" 12,6% du total.

Dans ce contexte, il convient de se féliciter du projet tendant à présenter dans un document unique l'ensemble des moyens affectés par la France à sa politique étrangère, en espérant que ce document sera disponible assez tôt pour éclairer la discussion de la prochaine loi de finances.

*

* *

Votre rapporteur présentera donc l'outil administratif chargé de mettre en oeuvre la diplomatie française, deux ans après les réformes introduites par M. Alain Juppé, avant de commenter les moyens budgétaires mis à disposition du Département (hors crédits de la Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, traités par notre excellent collègue Guy Penne) pour conduire notre politique étrangère.

Enfin, conformément à la tradition de notre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, votre rapporteur saisira l'occasion du présent rapport pour avis pour aborder un thème d'actualité : les problèmes posés, à la veille de la Conférence intergouvernementale et dans le cadre du débat suscité par l'extension de l'OTAN vers l'Est, par la sécurité des pays d'Europe centrale et orientale.

*

* *

I. LE CADRE DANS LEQUEL S'INSCRIT LA POLITIQUE ETRANGERE FRANÇAISE

Votre rapporteur présentera ci-après un rappel des orientations définies il y a deux ans dans le cadre de la réforme du Quai d'Orsay, avant d'exposer les priorités dans lesquelles s'inscrit aujourd'hui la politique étrangère de la France.

A. UNE ADMINISTRATION RÉNOVÉE : LA RÉFORME DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES - RAPPEL

Deux ans après les « réformes » (mais peut-être s'agit-il plutôt de retouches) présentées aux ambassadeurs réunis à Paris en septembre 1993, il convient de rappeler et d'évaluer les orientations alors définies pour rénover le cadre de l'action extérieure de l'Etat :

- dynamiser le réseau diplomatique et culturel,

- favoriser la mobilisation des personnels en privilégiant un suivi des carrières attentif aux contraintes personnelles des agents,

- adapter l'organigramme du Département aux évolutions internationales, afin de parvenir à une coordination plus satisfaisante des services,

- rationaliser le réseau des services extérieurs de l'Etat. (Cette orientation sera évoquée ci-après, à l'occasion de l'examen des moyens du Département (voir infra, II)).

1. Dynamiser le réseau diplomatique et culturel

Le projet relatif à la dynamisation du réseau diplomatique et culturel s'est apppuyé sur une définition plus précise des missions des ambassadeurs, et sur une association plus systématique des postes au travail du Département.

a) Une définition plus précise des missions des ambassadeurs

. Le rôle des ambassadeurs est désormais orienté vers l'accomplissement d'une mission strictement définie, ce qui se traduit par l'élaboration d'une lettre de mission précisant les objectifs (politiques, économiques, culturels) fixés aux ambassadeurs, objectifs rapportés à l'ensemble des moyens budgétaires et administratifs impartis à chaque poste diplomatique. Dans cet esprit est privilégié le suivi du travail des ambassades, à travers notamment le recours régulier (deux fois par an) à l'appel par ordre à Paris des ambassadeurs, afin de faire le point de la situation dans les pays de résidence et de l'évolution des relations bilatérales. Notons que les crédits (notamment les frais de représentation) des différents postes diplomatiques sont liés à la mise en oeuvre des objectifs prévus par les lettres de mission.

. La mission de représentation confiée aux ambassadeurs est conçue pour favoriser le rayonnement et l'influence de la France dans les pays de résidence, mais aussi pour améliorer l'information de l'opinion française dans le domaine de la politique étrangère. C'est pourquoi les ambassadeurs sont encouragés à profiter de leurs séjours à Paris pour participer à des actions d'information dans les Universités, les chambres de commerce, les régions... Cette dimension nouvelle de l'action des ambassadeurs, dont le bilan paraît satisfaisant, est facilitée, sur le plan pratique, notamment par la création d'un bureau des ambassadeurs de passage, doté d'un secrétariat spécifique. Elle permet, entre autres avantages, de développer des synergies entre la politique étrangère de l'Etat et les actions extérieures des régions françaises.

b) Une association plus systématique des postes au travail du Département

. L'objectif tendant à privilégier la mobilisation du réseau permet de mieux tirer parti des compétences acquises par les diplomates en poste. Cette association plus étroite du réseau diplomatique et culturel permet notamment d'éviter l'envoi sur place de missions venues de Paris quand le poste peut traiter lui-même le dossier, ce qui rejoint en outre le souci d'économie caractéristique de la période actuelle. Cette évolution passe par l'augmentation des contacts avec et entre ambassades. Dans ce contexte, la réunion annuelle des ambassadeurs à Paris, depuis septembre 1993, est l'occasion de tables rondes régionales dont l'intérêt est évident, car elles permettent notamment de réunir à des fins de concertation des ambassadeurs de pays relevant de directions géographiques différentes. (C'est ainsi que la région du Caucase intéresse tant l'Iran, l'Inde et le Pakistan que les pays de la mer Noire, et concerne ainsi trois directions géographiques : Europe continentale, Asie et Afrique du Nord-Moyen-Orient).

. D'autres mesures se sont attachées à refaire des télégrammes diplomatiques un instrument privilégié de communication entre les différents postes et les administrations parisiennes, en remédiant notamment aux problèmes imputables à l'abondance de télégrammes chiffrés. Il s'est agi, pour l'essentiel, de hiérarchiser les télégrammes selon le degré d'urgence des informations qu'ils contiennent, et selon leur destinataire. Une autre mesure a consisté à mettre en place un réseau de téléphones cryptés entre les principaux responsables du Quai d'Orsay et certaines ambassades.

. Enfin, la modernisation du réseau informatique , expérimentée à la Représentation permanente de Bruxelles, et qui sera commentée à l'occasion de l'examen du budget du ministère (voir infra, II A), s'inscrit dans le souci de privilégier les contacts directs entre les postes et leurs interlocuteurs des administrations parisiennes, afin de favoriser l'accès rapide de tous à l'information.

2. Mobiliser les personnels par une meilleure gestion des profils professionnels et personnels

a) Efforts relatifs à la gestion des carrières

. Le but est d'enrichir les ressources humaines du ministère des Affaires étrangères en favorisant l'accueil d'agents d'origines professionnelles diversifiées , dont le niveau ou la spécialité constituent une valeur ajoutée (ministère de la défense, représentants des Corps techniques, de l'Université, membres des Grands corps...), et, par ailleurs, d'offrir aux diplomates un « plan de carrière » adapté à leurs compétences (notamment linguistiques).

. L'amélioration du déroulement des carrières des agents du Département passe par l'affectation d'un nombre croissant de diplomates à des fonctions de responsabilité à la DGRCST (Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques). Dans cet esprit, les fonctions de conseiller ou d'attaché culturel sont exercées aujourd'hui par une quinzaine d'agents diplomatiques. De même, le cumul des fonctions diplomatiques et culturelles est en vigueur dans 24 postes.

. Les efforts consacrés au suivi de la carrière des agents diplomatiques se sont traduits par la mise en place de nouveaux outils de gestion (création de fichiers informatiques, nouvelles fiches descriptives de fonctions et de voeux, en vue de garantir la transparence des affectations).

. Afin, par ailleurs, d'encourager l'ouverture du ministère des Affaires étrangères, est créé un « portefeuille d'emplois » susceptible d'être proposé à des agents diplomatiques en dehors du Quai d'Orsay (DREE, Conseil d'Etat, Trésor...).

. Enfin, la formation des agents aux postes auxquels ils sont affectés est favorisée par des stages préalables à chaque affectation et, notamment, destinés à préparer à leurs fonctions les ambassadeurs récemment nommés. Un stage d'initiation professionnelle d'une durée de quatre semaines est également prévu dès l'entrée au Département. Ce stage permet aux nouveaux agents du Quai d'Orsay d'acquérir les techniques propres au ministère des Affaires étrangères. Il est orienté vers la connaissance des circuits de décision, de l'organigramme, et vers des formations pratiques (initiation au protocole, rédaction des télégrammes, préparation d'une visite officielle...).

Les agents de catégorie A sont en outre suivis pendant leur première année d'activité par un tuteur, susceptible de les conseiller et de les aider à surmonter d'éventuelles difficultés.

b) Prise en compte des contraintes personnelles des agents

Le souci de la Direction des ressources humaines est de prendre en compte de manière systématique les contraintes familiales qui s'imposent aux agents diplomatiques du fait de leur mobilité géographique. C'est ainsi que la gestion prévisionnelle des affectations permet, dans le meilleur des cas, de faire connaître dès la fin du mois de mai leur nouvelle affectation à une proportion significative d'agents (95 % des cadres A, 94 % des cadres B et 99 % des agents C).

De même, le retour à l'administration centrale (à Paris ou à Nantes) est connu, dans la mesure du possible, huit mois avant le terme de la mission à l'étranger. Il est néanmoins parfois nécessaire d'opérer des mutations dans des délais plus courts lorsque les circonstances l'exigent. De manière générale, les délais proposés permettent cependant aux agents de se préparer à leurs nouvelles fonctions, notamment dans le domaine linguistique.

En ce qui concerne les problèmes liés à l'emploi des conjoints , notons que le Département peut satisfaire certaines demandes sous la forme de recrutements locaux (notamment dans le secteur culturel).

Afin de limiter les difficultés dues au suivi de la scolarité des enfants (il n'est pas rare que les établissements français à l'étranger offrent un nombre de places insuffisant au regard des effectifs réels, ou que des difficultés d'inscription se présentent lors du retour à Paris), une action de sensibilisation des rectorats aux problèmes que suscite la mobilité a été entreprise par un inspecteur d'académie honoraire, qui collabore sur ce dossier avec le Département. 87 cas particuliers ont ainsi été traités, en liaison avec les responsables de l'Education nationale et les maires des arrondissements de Paris.

L'objectif du ministère des Affaires étrangères est de permettre aux agents de mieux concilier leurs impératifs professionnels et leurs contraintes familiales, afin de favoriser un meilleur service de l'Etat.

3. Améliorer la coordination entre les services et adapter l'organigramme aux évolutions internationales

La réorganisation des structures du ministère des Affaires étrangères, prévue par le décret n° 93-1210 du 4 novembre 1993, a été motivée par le souci de mettre un terme à des dysfonctionnements causés par une insuffisante coordination des services, de prendre en compte les évolutions européennes en cours, de mieux intégrer la DGRST afin que la politique culturelle et la coopération technique constituent systématiquement le prolongement de la politique étrangère, et de renforcer la capacité de négociation du Quai d'Orsay dans le domaine des affaires européennes et des affaires stratégiques.

. Les fonctions du Secrétaire général du Quai d'Orsay ont été renforcées dans les domaines de l'organisation administrative et de la coordination des services du ministère, par des contacts quotidiens avec l'ensemble des directeurs.

. Deux postes de Secrétaire général adjoint ont été créés, l'un pour les affaires politiques et de sécurité, l'autre pour les affaires européennes et économiques.

Le premier a autorité sur la cellule chargée de la politique étrangère et de sécurité commune, sur la direction des Nations Unies et des organisations internationales, sur la direction des Affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement, sur le service de l'action humanitaire, sur le service des affaires francophones, ainsi que sur la mission de liaison avec les ONG.

Notons que la cellule chargée de la PESC comprend cinq diplomates qui assurent la cohérence des positions françaises exprimées dans les enceintes à quinze, et préparent les réunions des membres de l'Union (réunions informelles des ministres des affaires étrangères, Conseil Affaires générales, Conseil européen, Comité politique). C'est le Secrétaire général adjoint pour les affaires politiques et de sécurité qui représente la France aux réunions du Comité politique. Le chef du service de la PESC a la qualité de correspondant européen.

Le Secrétaire général adjoint pour les affaires européennes et économiques a autorité sur trois directions :

- la direction de la coopération européenne, qui suit les relations bilatérales avec les membres et futurs membres de l'Union . Elle regroupe en une structure unique les différents aspects des questions communautaires et les relations bilatérales avec les pays membres et avec les Etats en cours d'adhésion,

- la direction de l'Europe continentale, qui comprend une sous-direction de l'Europe centrale et orientale et des pays baltes, une sous-direction de la Russie et de la CEI, et une sous-direction de l'Europe occidentale et méridionale non communautaire,

- la direction des affaires économiques et financières est chargée de suivre les relations avec les entreprises ainsi que les questions économiques et financières, notamment multilatérales. Elle comporte une sous-direction des exportations sensibles, une sous-direction des affaires industrielles et des relations avec les entreprises, une sous-direction des questions financières internationales et de l'aide au développement, et une sous-direction de l'environnement.

La Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, réorganisée, a intégré l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ainsi que la MICECO (Mission interministérielle pour la coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale). On se reportera à l'excellent rapport de notre collègue Guy Penne pour le détail de l'action de la DGRCST.

La Direction générale de l'administration, dont l'organigramme est simplifié, comprend une direction des ressources humaines, une direction du budget et des affaires financières, ainsi qu'une direction du chiffre, de l'équipement et des communications.

Les quatre directions géographiques (Asie-Océanie, Affaires africaines et malgaches, Afrique du Nord et du Moyen-Orient, Amérique) continuent à suivre leurs secteurs géographiques sur les plans économique et politique.

Les missions des autres directions du ministère des Affaires étrangères (Direction des Français de l'étranger et des étrangers en France, Direction des affaires juridiques, Direction de la presse, Direction des archives, et Direction du protocole) n'ont pas été affectées par la réforme de l'organigramme.

- Enfin, le Centre d'analyses et de prévisions (CAP) contribue à la préparation des décisions du ministre des Affaires étrangères. Il relie donc directement la réflexion prospective à la conduite de la diplomatie française, et a recours à des experts extérieurs au Quai d'Orsay. Il est habilité, depuis la réforme de 1993, à mobiliser les capacités de réflexion internes au département qui se trouveraient inexploitées (ambassadeurs entre deux postes ou ayant récemment quitté le Département).

C'est donc dans un cadre administratif rénové qu'est mise en oeuvre la politique étrangère de la France.

B. LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE FRANÇAISE : « UN EFFORT CONSTANT DE VOLONTÉ, D'ADAPTATION, D'IMAGINATION » AU SERVICE DU RAYONNEMENT DE LA FRANCE

Les priorités dans lesquelles s'inscrit la politique étrangère française ont été définies par le Chef de l'Etat et par M. le ministre des Affaires étrangères lors de la réunion des ambassadeurs ouverte le 31 août 1995. Aux mutations du monde actuel, la diplomatie française doit opposer des réponses « pragmatiques » et « novatrices ».

1. Un ordre mondial en mutation

A l'équilibre bipolaire de la guerre froide est en train de se substituer un ordre mondial multipolaire. L'apparition de puissances comme la Chine et l'Inde, de même que des regroupements régionaux comme le Mercosur, l'ASEAN ou le Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe, sont susceptibles d'annoncer une redistribution inédite de la puissance économique.

L'Union européenne est confrontée au défi de la Conférence intergouvernementale de 1996 et de son élargissement aux pays de l'Est, déjà associés au Sommet européen du 27 juin 1995 à Cannes. Les trois objectifs majeurs assignés à l'Union pour les années à venir (« une Europe plus efficace, une Europe plus démocratique, une Europe plus forte dans le monde », ainsi que l'exprimait M. le Président de la République le 31 août) investissent le couple franco-allemand de responsabilités immenses.

« Faire de l'Europe une zone de paix et de prospérité » implique la fin de l'affrontement en ex-Yougoslavie, sur la base des principes communs à tous les pays européens membres du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Le rétablissement de la paix en Europe est, en effet, la condition de l'instauration d'une défense commune européenne. L'une des orientations souhaitables est la construction d'une architecture européenne et transatlantique tenant compte à la fois de la nouvelle donne est-européenne et de l'émergence d'une politique de sécurité aux dimensions de l'Union. Cette architecture pourra s'appuyer sur l'UEO, l'Eurocorps, et sur une une Alliance atlantique réformée, vraisemblablement élargie vers l'Est, et confortée par une « relation de véritable partenariat » avec la Russie.

Les solidarités entre l'Europe et le monde méditerranéen et africain doivent être encouragées. Tel est l'objet de la Conférence européenne de Barcelone, qui doit conduire à l'instauration de relations privilégiées entre l'Europe et les pays méditerranéens. Dans cette perspective, le développement du Maghreb constitue une priorité pour l'Union.

La réforme de l'aide au développement doit notamment permettre une meilleure articulation entre actions bilatérales et multilatérales, et assurer une prise en compte plus systématique des incidences humaines et sociales de programmes de réforme économique. Soulignons, à cet égard, le retour du ministère de la Coopération dans la famille du ministère des Affaires étrangères dont il constitue désormais un ministère délégué. Cette mesure, dont votre rapporteur se félicite, est susceptible de permettre l'émergence d'une politique d'aide au développement globale.

2. Des réponses pragmatiques adaptées aux bouleversements en cours

Dans le contexte de ce monde multipolaire en émergence, la France doit être plus présente dans les régions du monde qui tireront la croissance mondiale au cours des prochaines décennies et, plus particulièrement, en Amérique latine et en Asie (celle-ci a été très opportunément qualifiée par le ministre des Affaires étrangères de « nouvelle frontière de la diplomatie française »).

Au sein de l'ensemble européen, la France doit faire partager à ses partenaires ses objectifs (développement du pilier européen de l'Alliance atlantique, renforcement des solidarités avec l'Afrique et le Maghreb, construction d'un partenariat stable avec la Russie). Dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune , dont la France soutient le caractère intergouvernemental, la France souhaite l'institution d'un Haut représentant chargé de représenter l'Union à l'extérieur et de mettre en oeuvre les mandats définis par le Conseil européen. Une telle création permettrait à l'Union européenne d'avoir « un visage et une voix ».

Enfin, la France doit se faire, ainsi que le soulignait M. le ministre des Affaires étrangères le 31 août 1995, l' « artisan chaleureux » de l'élargissement à l'Est .

Afin d'accroître le rayonnement français dans le monde , plusieurs pistes ont été indiquées par le Chef de l'Etat aux ambassadeurs réunis le 31 août 1995 :

- « Défendre sans relâche » les intérêts économiques français , en épaulant les Français expatriés qui sont les « artisans irremplaçables de notre influence dans le monde », et en jouant un rôle dans la « compétition commerciale internationale qui fait rage » à l'heure où la France est « engagée dans la bataille pour l'emploi ».

- Se livrer à un « effort permanent de communication », en « démultipliant la voix de la France » à l'étranger, sur les écrans de télévisions, à la radio, dans les colonnes de journaux.

- Présenter des « propositions d'actions novatrices » attestant le dynamisme et la modernité de la France.

En conclusion, la mission impartie à la diplomatie française n'est pas de « gérer au mieux le souvenir de la grandeur passée » de notre pays, mais « de faire prévaloir, par une effort d'imagination et de volonté, des solutions aux problèmes de notre temps conformes aux valeurs qui nous inspirent : liberté, paix et solidarité. »

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Votre rapporteur évaluera donc ci-après les moyens susceptibles de contribuer à la mise en oeuvre des priorités ainsi définies : un budget inscrit dans l'effort global d'économie qu'implique la gravité de la situation actuelle, un personnel de grande qualité mais dont les effectifs diminuent sous la contrainte budgétaire, une carte diplomatique qui n'a pu s'adapter aux évolutions géopolitiques récentes qu'au prix de lourds sacrifices.

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II. LA CONTRACTION DES MOYENS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Qu'il s'agisse des crédits du Département, qui s'inscrivent dans la politique de rigueur actuellement imposée par une situation économique difficile, ou des effectifs des agents diplomatiques, caractérisés par d'importants efforts de productivité, ou bien encore du réseau diplomatique et consulaire, confronté à des crédits calculés au plus juste, force est de constater que les moyens impartis au Quai d'Orsay sont modestes au regard de ses missions. Votre rapporteur rappellera, pour mémoire, que le budget du ministère des Affaires étrangères (15,126 milliards de francs, 15 012 après examen des crédits par l'Assemblée nationale) représente à peine plus du double de celui du ministère délégué à la coopération (7,3 milliards), alors que ce dernier ne concerne que la coopération (et non les relations diplomatiques) avec une zone géographique limitée à certains pays d'Afrique subsaharienne et des petites Antilles.

Les crédits du Quai d'Orsay ont quant à eux un champ d'application mondial. Ils financent le deuxième réseau diplomatique du monde ainsi qu'une politique culturelle et de coopération technique ambitieuse . Cette remarque ne vise pas à remettre en cause l'effort accompli en faveur de nos partenaires africains, mais à souligner le défi que constituent, pour le ministère des Affaires étrangères, les restrictions budgétaires actuelles .

A. UN BUDGET DE RIGUEUR

Ainsi que l'a souligné M. le ministre des Affaires étrangères lors de la réunion des ambassadeurs, le 31 août 1995, « on ne peut pas imaginer une autre politique budgétaire, s'agissant des moyens de l'Etat, qu'une politique restrictive ».

La dotation du Quai d'Orsay prévue par le projet de loi de finances pour 1996 passait de 15 167 à 15 127 millions de francs, soit une baisse de 0,26 %. Si l'on tient compte de transferts techniques au secrétariat d'Etat à l'action humanitaire et au ministère de la Défense 2 ( * ) , cette réduction était limitée à - 0,11 %, soit un quasi-maintien des crédits, dont votre rapporteur aurait pu se féliciter si l'Assemblée nationale n'avait pas réduit ces crédits, déjà calculés au plus juste, à hauteur de 115 millions de francs .

On pourrait, certes, considérer que ces réductions de crédits ne concernent qu'une proportion mineure de la dotation (0,7%). Mais une lecture plus approfondie du "bleu" montre qu'avec 115 millions de francs, le ministère des Affaires étrangères met en oeuvre des actions loin d'être négligeables , puisque ces crédits équivalent à peu de choses près aux moyens consacrés par le ministère des affaires étrangères à l'aide humanitaire et à l'aide d'urgence, ou à l'assistance aux Français de l'étranger. C'est donc sur un budget raboté, voire étranglé, qui se limite désormais à 15 012 millions de francs, soit une baisse de 1% par rapport à la dotation précédente, que devra se prononcer le Sénat.

Après une présentation générale du budget des Affaires étrangères, votre rapporteur abordera ci-après successivement les moyens de fonctionnement, les crédits consacrés aux investissements immobiliers, les crédits d'intervention ainsi que les moyens destinés à la protection des Français de l'étranger.

1. Vue d'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères

Point n'est besoin d'insister sur l'intérêt que présente une lecture approfondie du projet de budget du ministère des Affaires étrangères. A travers les crédits gérés par ce département apparaissent, en effet, tous les aspects du rayonnement de la France à l'étranger , à travers les moyens consacrés aux échanges culturels et artistiques, aux alliances françaises, aux établissements culturels, à l'organisation de conférences internationales, et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Le budget des Affaires étrangères traduit également la participation de notre pays aux grandes actions internationales, que retracent les contributions françaises aux organisations internationales et, tout particulièrement, à l'ONU. Les crédits consacrés à l'aide humanitaire montrent la part prise par notre pays aux opérations de solidarité internationale qui se multiplient dans un monde caractérisé par une insécurité croissante. C'est également sur le budget des Affaires étrangères que sont imputées les dépenses d'assistance à nos compatriotes expatriés, qui assurent la présence française à l'étranger. La dotation du Quai d'Orsay reflète également la vie quotidienne, pas toujours très aisée, dans nos postes diplomatiques et consulaires , et traduit les difficultés des conditions de travail de l'ensemble des agents diplomatiques en période de rigueur.

De manière plus pittoresque, notons l'inscription d'un chapitre, doté de 391 000 F et destiné au « droit de dépaissance sur les deux versants de la frontière des Pyrénées ». Il s'agit d'une rente versée chaque année par la France à l'Espagne depuis le premier Traité des limites de 1856, en contrepartie de la jouissance exclusive et perpétuelle des pâturages du pays de Quint Nord, situé en territoire espagnol, par les habitants de la vallée française de Baïgorry.

Pour en revenir au budget du Quai d'Orsay, votre rapporteur évoquera son poids dans le budget de l'Etat, avant de commenter la part des différents types de dépenses dans l'ensemble de la dotation.

a) Baisse de la part du ministère des Affaires étrangères dans le budget de l'Etat

La part du Quai d'Orsay dans le budget de l'Etat passera de 1,03 % en 1995 à 0,98 % en 1996. Tombant en-deçà du seuil symbolique de 1 %, la part du ministère des Affaires étrangères retrouve son niveau de 1987, comme le montrent le tableau et le graphique ci-après. Ce n'est qu'en intégrant les crédits du ministère délégué à la coopération que la part des affaires étrangères est supérieure à 1 % (1,46 %) du budget de l'Etat.

b) La baisse de la part de la DGRCST dans le budget du ministère

Les crédits de la Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques diminuent de 1,64 % par rapport à la précédente dotation qui avait permis une augmentation de 4 % du budget de la DGRCST. Ces crédits passent de 5 357 à 5 268 millions de francs.

Parallèlement, la part de la DGRCST dans le budget du ministère des Affaires étrangères passe de 35,32 % à 34,83 % (le minimum avait été atteint en 1986 : 33,75 %), comme le montre le tableau ci-après 3 ( * ) :

La diminution actuellement constatée succède à l'effort substantiel accompli en 1990-1993 (+ 27 %) dans les secteurs suivants :

- coopération avec l'Est,

- coopération dans le cadre de l'aide publique au développement,

- action en faveur de l'audiovisuel extérieur,

- enseignement français à l'étranger (Agence pour l'enseignement français à l'étranger et Office universitaire et culturel français en Algérie).

La baisse des crédits de la Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques apparaît clairement si l'on compare cette enveloppe à celle du budget de la Coopération. Alors que le budget de la DGRCST était sensiblement égal à celui du ministère de la Coopération en 1970, il n'en représente plus aujourd'hui que les deux tiers. Ce décalage est d'autant plus frappant que la vocation de la DGRCST est mondiale, alors que celle de la rue Monsieur est limitée aux pays dits "du champ".

c) La modeste augmentation du titre III (Moyens des services)

Les crédits destinés aux moyens des services augmentent dans des proportions néanmoins modestes (+ 1,9 % dans le projet de loi de finances, + 1,3% après examen des crédits par l'Assemblée nationale). Les dépenses liées aux rémunérations représentent l'essentiel du titre III (49,58 %), avec le matériel et le fonctionnement des services (20,05 %), ainsi que les subventions versées par le Quai d'Orsay à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger 4 ( * ) et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides 5 ( * ) (21,69 %).

Alors que le Ministre des affaires étrangères estimait prioritaire le maintien des moyens de fonctionnement du deuxième réseau diplomatique et consularie du monde, la réduction de crédit adoptée par l'Assemblée natinale affecte, à hauteur de 28,6 millions de francs, les moyens consacrés au fonctionnement des services et au matériel, qui pourtant avaient déjà atteint un étiage.

Le tableau suivant expose l'évolution des différents postes du titre III depuis le précédent budget, ainsi que leur part dans l'ensemble de la dotation du ministère.

Intitulés

Dotation 1995 (en millions de F)

Dotation 1996 (en millions de F)

Evolution 1996/1995

Part dans les crédits du ministère en 1996

Part dans l'ensemble du titre III en 1996

Rémunérationsd'activité

3 507,15

3 586,53

+ 2,26 %

23,7 %

49,58 %

Pensions et charges sociales du personnel en retraite

542,65

566,28

+ 4,35 %

3,74 %

7,82 %

Matériel et fonctionnement des services

1 446,62

1 451,038

-16,6*

-------------

1 434,438 *

+ 0,3 %

(-0,8%)*

9,59 %

20,05 %

Subvention de fonctionnement (AEFE,OUCFA et OFPRA)

1 541,79

1 569,13

- 12,00

----------

1 557,13*

+ 1,77 %

(+ 1%)

10,37 %

21,69 %

Dépenses diverses (Haut Conseil de la Francophonie, indemnités des députés européens français...)

59,98

60,69

+ 1,18 %

0,4 %

0,83 %

TOTAL

7 098,2

7 233,69

-(7205,09)*

+ 1,9 %

(+ 1,5 %)*

47,81 %

100 %

* après amendement adopté par l'Assemblée nationale.

d) La diminution du titre IV (Interventions publiques)

Le titre IV regroupe les contributions françaises aux organisations internationales, l'action culturelle et l'aide au développement, l'assistance aux Français de l'étranger, la coopération militaire (hors pays du champ, la coopération militaire avec les pays du champ étant du ressort du ministère délégué à la coopération), les interventions internationales telles que l'aide humanitaire d'urgence, ainsi que les interventions dites politiques et administratives parmi lesquelles la redevance annuelle pour droit de dépaissance précédemment évoquée par votre rapporteur.

Intitulés

Dotation 1995

(en millions de francs)

Dotation 1996

(en millions de francs)

Evolution

1996-1995

Part dans le titre IV en 1996

Part dans les crédits du ministère en 1996

Interventions politiques et administratives

46,88

35,91

- 23,4 %

0,47 %

0,23 %

Action internationale (action culturelle, contributions aux organisations internationales, coopération militaire, interventions de politique internationale)

7 606,37

(dont action culturelle : 3 331,63)

7 382,34

- 85,5

---------- 7 296,84*

(dont

action culturelle : 3 154,15

- 10

-----------

3 144,19*)

- 2,94 %

- 4 %*

(- 5,3 %)

(- 5,6 %)*

97,7 %

(41,75 %)

48,8 %

(20,85 %)

Action sociale. Assistance et solidarité avec les Français de l'étranger

130,00

130,00

-

1,66 %

1,72 %

TOTAL

7 788,24

7 553,24

(7 462,74)*

- 3 %

(- 4,1%)*

100 %

49,9 %

* après amendement adopté par l'Assemblée nationale

Le titre IV baissait de 3 % dans le projet de loi de finances, et passait de 7 788,24 millions de francs en 1995 à 7 553, 24. Après examen des crédits par l'Assemblée nationale, la réduction est de - 4% par rapport à la dotation de 1995, et le titre IV représente 7 467,74 millions de francs. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale porte, en effet, sur 85,5 millions de francs. Les dépenses relatives à l'action internationale représentent, bien évidemment, l'essentiel (97,7 %) du titre IV. Notons la part très importante de l'action culturelle extérieure 6 ( * ) dans l'ensemble du titre IV (41, 75 %).

e) L'augmentation des dépenses en capital (titres V et VI)

L'augmentation des dépenses en capital (crédits immobiliers et subventions d'investissement), dont les crédits de paiement croissent de 21,5 % par rapport à 1995, traduit notamment les aménagements du réseau diplomatique et consulaire rendus nécessaires par les évolutions géopolitiques est-européennes. En dépit de cette augmentation apparemment substantielle, les montants concernés par ces dépenses restent modestes, si l'on considère la densité très remarquable du réseau diplomatique et consulaire français. On remarque, en revanche, la stabilité des autorisations de programme sur le titre V, qui passent de 249,9 à 250 millions de francs, tandis que les autorisations de programme sur le titre VI s'élèvent de 27,5 à 55 millions de francs.

S'agissant des crédits de paiement, (voir le tableau ci-joint), le titre V passe de 249,9 à 280 millions de francs, soit une hausse de 12%. Le titre VI, qui augmentait de 100% en crédits de paiement avant intervention de l'Assemblée nationale, croît de 93,7% du fait de la réduction de 900 000 francs imputée sur le chapitre 68-80. Au total, les dépenses en capital (titres V et VI) augmentent de 20,9% en crédits de paiement.

Intitulés

Dotation 1995

(crédits de paiement)

(en millions de francs)

Dotation 1996

(crédits de paiement)

(en millions de francs)

Evolution

1996-1995

Part dans le budget du ministère en 1996

Titre V. Investissements (immeubles diplomatiques et consulaires)

249,9

280

+ 12 %

1,85 %

Titre VI. Subventions d'investissement

30,5

60

- 0,9

59,1*

+ 100 %

0,39 %

TOTAL

280,4

340

(339,1)*

+ 21,5 %

(+ 20,9%)*

2,24 %

* après amendements adoptés par l'Assemblée nationale.

2. Le maintien des moyens matériels de fonctionnement

Les moyens matériels de fonctionnement sont regroupés dans la 4e partie du titre III. Ils concernent essentiellement les frais de réception et de déplacement, les dépenses d'informatique et de télématique, ainsi que les postes et télécommunications. L'ensemble de ces crédits passait, avant intervention de l'Assemblée nationale, de 1 446,62 à 1 451,03 millions de francs, soit une hausse modeste de 0,3 %. Compte tenu des réductions de crédits adoptées par l'Assemblée nationale, ces crédits, amputés de 28,6 millions de francs, baissent de 0,8% par rapport à la dotation de 1995. L'effet change relatif à l'ensemble de la 4e partie s'élève à 11,19 millions de francs.

a) Crédits destinés au matériel et au fonctionnement courant

Le chapitre 34-98 représente plus de la moitié des moyens de fonctionnement. Cette dotation baissait de 2 % par rapport au précédent projet de loi de finances, et passait de 832,98 à 815,1 millions de francs. Cette diminution traduisait en fait un maintien des crédits en francs constants , compte tenu, d'une part, d'un effet change négatif équivalent à 9 millions de francs, et, d'autre part, de l'incidence de la globalisation du suivi de ces crédits par les chefs de poste. Notons que cette formule, inaugurée à Bucarest et Dakar en 1992, est désormais étendue à l'ensemble du réseau depuis le 1er janvier 1995. Elle permet aux chefs de poste de gérer de manière autonome leurs crédits de fonctionnement courant (cette formule ne concerne pas toutes les dépenses : les locations et achats de véhicules sont exclus de la globalisation).

Si le montant des crédits inscrits au chapitre 34-98 est supposé permettre un fonctionnement normal des postes diplomatiques et consulaires, il convient de souligner l' extrême vulnérabilité de cette dotation à toute mesure de régulation budgétaire . C'est pourquoi votre rapporteur est inquiet de la baisse de 8,3 millions sur ce chapitre prévue par l'Assemblée nationale . Les crédits inscrits au chapitre 34-98 passent en effet, après examen par la chambre basse, de 815,1 à 806,8 millions de francs, soit une baisse par rapport à la dotation précédente, de - 3,14 %. Il convient d'espérer que cet amendement n'affectera pas un réseau diplomatique déjà contracté à plusieurs reprises ces dernières années. Ces économies porteront sur l'article 52, qui concerne la location de logements et de bureaux à l'étranger, et induiront des restrictions de prise à bail de logements et de bureaux à l'étranger. Selon les informations transmises à votre rapporteur, cette évolution devrait être compensée par les efforts parallèlement entrepris en matière de construction et d'acquisition sur le titre V.

b) Poursuite de l'effort en matière d'équipement informatique

1996 est la dernière année du schéma directeur d'informatisation actuellement mis en oeuvre. Ce schéma vise à achever les grandes opérations informatiques telles que le Réseau mondial visas, dont la mise en place est liée aux accords de Schengen, et telles que l'informatique consulaire (état civil des Français de l'étranger). Une autre orientation est de moderniser l'outil de travail des diplomates en développant la bureautique ainsi que le téléphone et les technologies associées. Enfin, le schéma directeur comprend le très ambitieux Système de communication unifié , fondé sur la mise en place d'un réseau satellite destiné à permettre l'informatisation des communications. C'est à la Représentation permanente de Bruxelles qu'a été testé le SCI. Celui-ci favorise les liaisons informatiques entre la Représentation permanente, le SGCI, le ministère de l'Economie et des Finances, et les autres administrations concernées par la construction européenne. Les orientations à venir concernent la mise à niveau de l'équipement bureautique du site du boulevard Saint-Germain, où la DGRCSTest désormais installée.

Les crédits du chapitre 34-05 (dépenses d'informatique et de télématique), qui passaient, avant examen des crédits par l'Assemblée nationale, de 149,7 à 160,39 millions de francs, soit une hausse de 7,1 %, tiennent compte de ces divers besoins et permettent de poursuivre les efforts entrepris. De nettes insuffisances se manifestent, en dépit de ce relatif effort, dans l'équipement informatique du service central de l'état civil de Nantes, où 5 postes de micro-informatique sont disponibles alors que les missions du service exigeraient un doublement de ces moyens. Mentionnons que les services de l'état-civil de Nantes équivalent à la première mairie de France pour la délivrance de documents d'état-civil, et que le nombrer des demandes adressées aux services de Nantes s'élève actuellement à environ 5 000 par jour ... Cet aspect de l'équipement informatique du ministère des Affaires étrangères, certes moins spectaculaire que le très technologique système de communication unifié, n'en induit pas moins des défaillances très regrettables dans le domaine de la délivrance d'actes d'état civil pour les citoyens français nés à l'étranger, auxquels sont imposés des délais malaisément tolérables. Dans cette perspective, la réduction de 2,2 millions de francs proposée par l'Assemblée nationale contribuera à diminuer encore des moyens déjà tendus .

Dans cette perspective, la réduction de 2,2 millions de francs proposée par l'Assemblée nationale contribuera à accroître des moyens déjà tendus, même si cette économie devrait porter sur les dépenses de maintenance, et devrait être compensée par des efforts de gestion qui pourraient ne pas se traduire par des diminutions sensibles de moyens.

c) Les frais de déplacement et de réception

. Les crédits inscrits au chapitre 34-03 (frais de réception et de voyage exceptionnels : visites de chefs d'Etat étrangers, déplacements à l'étranger du chef de l'Etat et du Premier ministre, organisation de conférences internationales) augmentent de 10 millions de francs, et passent de 113 à 123 millions de francs. Cette hausse tient compte des observations formulées par la Cour des Comptes, dont le rapport a souligné la sous-évaluation systématique du chapitre 34-03, rendant nécessaires des transferts de crédits prélevés sur le budget des charges communes et des abondements en cours d'exercice, ce qui avait paru d'autant plus étonnant que ces voyages et rencontres internationales sont souvent prévus à l'avance. Notons que ces crédits sont épargnés par l'effort d'économies auquel s'est livrée l'Assemblée nationale.

Les crédits du chapitre 34-03 ont été très élevés en 1989 du fait des cérémonies du bicentenaire de la Révolution. Si la dotation a suffi en 1993 à couvrir les frais relatifs aux réceptions internationales et aux voyages exceptionnels, les dépenses ont été augmentées en 1994 avec le sommet franco-africain de Biarritz, et en 1995 quand la France assurait la présidence de l'Union européenne. Le chapitre 34-03 devrait, en 1996, revenir à un certain équilibre.

. Le chapitre 34-04 (frais de réceptions courantes et de déplacements ministériels ) passait, avant examen du budget par l'Assemblée nationale, de 38,13 à 36,09 millions de francs, soit une baisse de 5,3 %.

Rappelons que les frais de déplacement du ministre des Affaires étrangères et des ministres délégués étaient imputés, jusqu'en 1992, sur le chapitre 34-90 qui concerne les frais de déplacement des personnels, ce qui n'était pas toujours favorable à ceux-ci. Relevons également que les frais de déplacement du ministre ont été sensiblement réduits par M. Alain Juppé, et que de ce fait la baisse des crédits du chapitre 34-04 devrait suffire aux besoins. L'Assemblée nationale propose une nouvelle baisse de 0,7 millions de francs, qui devrait concerner l'article 20 relatif aux déplacements ministériels, dont l'enveloppe pourrait néanmoins suffire aux besoins.

. Les frais de mission temporaire inscrits au chapitre 34-90 recouvrent des dépenses très diversifiées. Il s'agit, pour l'essentiel, des déplacements des agents diplomatiques et de leur famille, pour changement de résidence (pour rejoindre leur affectation ou à l'issue de leur mission), ou au terme de leur temps de séjour (celui-ci est plus ou moins long selon le pays : il est actuellement de cinq mois au plus pour l'Algérie -de fait moins-). Le chapitre 34-90 couvre également les frais de mission temporaire, les frais induits par l'appel sur ordre des ambassadeurs, les frais de courrier et la valise diplomatique, ainsi que les dépenses imputables au renforcement de la sécurité en Algérie (12,5 millions en 1995). A cet égard, notons que les effectifs complémentaires de gendarmes mis à dispositions de notre ambassade à Alger sont relevés tous les trois mois, et que le chapitre 34-90 couvre les frais de mission et de déplacement de ces personnels.

Le chapitre 34-90 accusait, avant intervention de l'Assemblée nationale, une diminution de 1,17 %, soit 269,6 millions de francs au lieu de 274,36 en 1995. Cette baisse succédait à la diminution de 2,79 % constatée entre 1994 et 1995.

Le chapitre 34-90 demeurait toutefois stable en francs constants compte tenu, d'une part, de l'effet-change négatif, et, d'autre part, de prélèvements sur le chapitre 34-90 au profit du chapitre 34-98 (matériel et fonctionnement courant). Ces prélèvements tendent à permettre aux postes, dans le contexte de la globalisation du fonctionnement courant, de couvrir les frais de déplacements régionaux, de poste à poste.

Un nouvel effort de 5,4 millions de francs est proposé par l'Assemblée nationale. Cette réduction devrait porter sur les articles 20 (missions à l'étranger), 60 (services diplomatiques, consulaires et culturels) et 80 (établissements culturels, de recherche et bureaux de coopération linguistique et éducative). S'agissant des dépenses relatives aux missions à l'étranger des agents du Quai d'Orsay, une nouvelle politique de négociation des frais de transports pourrait compenser les économies dues à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale. Les crédits inscrits au chapitre 34-90 passent donc à 264,2 millions de francs (- 3,7 % par rapport à la dotation 1995). Notons que l'Assemblée nationale a demandé un effort plus important aux agents diplomatiques qu'aux ministres ... Il est vrai que les crédits inscrits au chapitre 34-90 sont plus importants que ceux du chapitre 34-04.

d) L'augmentation des crédits affectés aux postes et télécommunications

La hausse de 22 % observée sur le chapitre 34-93 (postes, télécommunications et remboursements à diverses administrations), qui passe de 38,44 à 46,84 millions de francs, s'inscrit dans la volonté d'assurer une parfaite transparence en ce qui concerne diverses charges inéluctables. Cette augmentation ne permet toutefois qu'une stabilisation partielle de la dette du ministère des Affaires étrangères à l'égard de France Télécom.

3. L'évolution nuancée des crédits d'investissement immobilier

Précisons tout d'abord que le ministère des Affaires étrangères gère un parc immobilier de 2 200 immeubles, soit 1,8 million de km², ce qui implique des moyens importants.

. L'augmentation de 12% des crédits consacrés à l'acquisition, à la construction, à la restauration et à l'aménagement des immeubles diplomatiques, consulaires et culturels (soit 280 millions de francs) ne saurait être considérée comme un progrès substantiel, car elle succède à la baisse sensible inscrite dans le précédent projet de loi de finances. Les crédits immobiliers étaient alors revenus, en effet, à leur niveau de 1988, et accusaient une baisse de 23 % par rapport au budget pour 1994. Certes, cette diminution succédait à la hausse sensible des crédits immobiliers due à l'extension du réseau à nos nouveaux partenaires issus de l'effondrement de l'Union soviétique.

En réalité, la totalité des crédits susceptibles d'être affectés à des opérations immobilières s'élèverait, en 1995, à quelque 415 millions de francs, compte tenu des recettes attendues sur fonds de concours (42 millions de francs), des contributions d'autres administrations (15 millions de francs), et des 113 millions de francs inscrits en loi de finances rectificative.

. Sur les 415 millions de francs disponibles en 1995, 280 environ ont été consacrés à des suites d'opération : c'est dire l'importance des chantiers en cours, auxquels sont affectés 67,47 % de l'enveloppe totale.

Parmi ces suites d'opération, mentionnons le financement des derniers chantiers en Europe de l'Est et en Asie centrale, soit 52,8 millions de francs (Bratislava : 6,9 millions de francs ; Erevan : 9,9 millions de francs ; Tachkent : 22 millions de francs ; Minsk : 3,8 millions de francs ; Ljubljana : 6,8 millions de francs). Citons également l'ambitieuse réorganisation des implantations parisiennes du ministère sur trois sites (Quai d'Orsay, boulevard Saint-Germain et rue La Pérouse), pour un coût de 32,2 millions de francs. A l'édification du nouveau bâtiment des archives à Nantes ont, par ailleurs, été consacrés 23,9 millions de francs.

Enfin, en 1995 a été acquitté le solde du prix de l'immeuble destiné à la représentation permanente à Bruxelles, solde qui s'élève à 87 millions de francs, le paiement ayant été échelonné sur trois ans.

. Peu de crédits restaient donc disponibles pour des opérations nouvelles . Dans les services diplomatiques et consulaires, celles-ci ont concerné des travaux de sécurisation lourde dans des pays les plus exposés (Lagos, Alger, Tananarive, Karachi ...). On ne relève que deux opérations nouvelles d'importance en 1995 : la construction d'une chancellerie à Kampala et d'une résidence à Djibouti.

. Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères conduit actuellement un effort de rationalisation de la politique patrimoniale et immobilière du ministère des Affaires étrangères, fondée notamment sur une programmation systématique et pluriannuelle des travaux . C'est ainsi qu'un schéma patrimonial et immobilier a été mis en place en 1995. Cette initiative devrait être complétée en 1996 par un Livre blanc sur la maintenance immobilière.

. Les perspectives pour 1996 sont notamment la construction d'une nouvelle ambassade à Téhéran et à Singapour, la construction d'une nouvelle résidence à Moroni (Comores), la remise aux normes des bâtiments diplomatiques à Brasilia, et l'aménagement des nouveaux locaux du consulat de Barcelone. D'autres projets, beaucoup plus substantiels, exigeront des crédits complémentaires : construction d'une nouvelle ambassade et reconstruction de la résidence à Beyrouth, reconstruction de l'ambassade de Kigali, achat des derniers étages de l'immeuble Louvain où est déjà installée notre représentation permanente auprès de l'Union européenne, achat de la chancellerie et de la résidence de La Havane, actuellement en location, construction de la future ambassade de France à Berlin. A cet égard, l'acquisition du terrain devrait être réalisable sans que cela se traduise par des dépenses nouvelles, en recourant pour partie au reliquat du compte spécial du Trésor consacré au financement des opérations d'occupation en Allemagne, désormais sans objet, et pour partie à des échanges de parcelles avec le Bundestag. En revanche, le coût de la construction du bâtiment (qui accueillera l'ambassade, la section consulaire, et le poste d'expansion économique) est estimé à ce jour à 200 millions de francs environ.

4. L'action internationale du ministère des Affaires étrangères

Les crédits consacrés à l'action internationale du ministère des Affaires étrangères sont répartis, si l'on fait abstraction du chapitre 42-10 (action culturelle) qui fait l'objet d'un examen spécifique par notre excellent collègue Guy Penne, entre les chapitres 42-31 (contributions obligatoires aux dépenses internationales), 42-32 (contributions volontaires aux dépenses internationales), 42-29 (coopération de défense) et 42-37 (interventions de politique internationale). Votre rapporteur souligne la modicité de ces crédits au regard de l'importance des missions qu'ils financent : le ministère des Affaires étrangères conduit de graves missions avec de petits moyens.

a) Baisse des contributions aux organisations internationales (chapitres 42-31 et 42-32)

La participation de la France aux budgets des quelque 150 organisations internationales dont elle est membre (contributions obligatoires et volontaires confondues) baisse de 0,5 % par rapport au précédent projet de loi de finances. Elle s'élevait, avant intervention de l'Assemblée nationale, à 3 990,69 millions de francs au lieu de 4 012,39 en 1995. Cette diminution légère succèdait à la hausse de 3,6 % observée il y a un an. Il n'en demeure pas moins que l'ensemble de ces contributions représente une part substantielle du budget des Affaires étrangères : 26 %.

Cette évolution recouvre une légère hausse des contributions obligatoires (+ 1,74 %), compensée par la baisse des contributions volontaires (-14,7 % avant examen des crédits par l'Assemblée nationale, - 26,6% du fait de l'amendement réduisant de 65 millions les contributions bénévoles françaises).

(1) Les contributions obligatoires (chapitre 42-31)

Dues par la France au titre de son appartenance à des organisations internationales, les contributions obligatoires progressent régulièrement : 3 272,9 millions de francs en 1994, 3 460,4 en 1995, 3 520,62 prévus pour 1996. Cette progression est induite, de manière arithmétique, par les quote-parts françaises à ces organismes. A elles seules, les contributions obligatoires représentent 23,28 % du budget des Affaires étrangères .

. Pour l'essentiel, le chapitre 42-31 concerne les contributions obligatoires au système de l'ONU , qui s'élèvent à 1 718,5 millions de francs et représentent 48,8 % des contributions obligatoires . Si l'on intègre les contributions versées par la France à des organisations onusiennes sur une base volontaire (soit 463,5 millions de francs avant intervention de l'Assemblée nationale), le total s'élève à 2 182,16 millions de francs, soit 14,42 % du budget du ministère des Affaires étrangères (les contributions obligatoires à l'ONU représentent 11,36 % des crédits du Département).Ce calcul ne tient pas compte toutefois de la baisse de 65 millions de francs des contributions volontaires prévue par les députés.

Relevons que la quote-part française est passée de 6 % à 6,32 % au 1er janvier 1995 : la France, de cinquième contributeur, est ainsi devenue quatrième contributeur au budget de l'ONU . La France est membre de toutes les organisations spécialisées de l'ONU (UNESCO, OMS, AIEA), auxquelles elle acquitte une quote-part comparable à celle qu'elle verse au budget ordinaire de l'ONU. Un maximum de 7,99 % est atteint par la quote-part française à l'Union internationale des télécommunications.

. Parmi les organisations internationales auxquelles la France a versé des contributions obligatoires en 1995, citons :

- le Conseil de l'Europe : 170,4 millions de francs

- l'OCDE : 97,5 millions de francs

- l'OTAN : 177,22 millions de francs

- le COCOM (Comité de coordination des échanges est-ouest) : 1,09 million de francs

- Interpol : 7,13 millions de francs

- la CSCE (Conférence sur la coopération et la sécurité en Europe, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe depuis le 1er janvier 1995) : 20,4 millions de francs.

. Mentionnons également, à titre d'exemple, les versements effectués par la France en 1995 au titre de sa participation à divers accords internationaux :

- l'accord de Lisbonne sur la coopération pour la protection contre la pollution de l'Atlantique du Nord-Est :113 509 F,

- l'accord de Bonn sur la coopération en matière de lutte contre la pollution de la mer du Nord par les hydrocarbures : 117 619 F,

- l'accord franco-italo-monégasque relatif à la protection des eaux du Littoral méditerranéen : 208 845 F,

- la convention sur les changements climatiques (Sommet de la Terre de Rio) : 1,96 million de francs,

- la convention sur la diversité biologique (Sommet de la Terre de Rio) : 2,35 millions de francs,

- la convention de Nairobi pour la protection du milieu marin en Afrique orientale : 413 400 F.

. La contribution française au financement des opérations de maintien de la paix est retracée dans le tableau ci-joint.

Ces contributions sont acquittées indépendamment de la participation française aux opérations de maintien de la paix, qui fait l'objet de remboursements ultérieurs 7 ( * ) . Elles sont assises sur une quote-part de 7,61 % en 1994, et de 7,87 % en 1995, supérieure à la quote-part de 6,3 % à l'ONU, afin de tenir compte des responsabilités imparties à la France du fait de son siège de membre permanent du Conseil de sécurité.

Le total des contributions françaises aux opérations de maintien de la paix était de 1 083,9 millions de francs au 21 août 1995 (soit, depuis 1991, un total cumulé de 3 943,5 millions de francs). En 1995, le surcoût, pour le budget de la défense, des opérations extérieures conduites sous responsabilité de l'ONU s'élevait, au 1er septembre 1995, à 1 776 millions de francs, soit un effort supérieur aux contributions obligatoires et qui s'ajoute à celles-ci, ce qui représente un total provisoire de 2 859,9 millions de francs en 1995 (vraisemblablement supérieur en année pleine).

Pour en revenir aux contributions françaises aux opérations de maintien de la paix en 1995, le tableau ci-après montre l'importance de la FORPRONU (66 % des contributions). L'opération ONUSOM en Somalie représente 11,4 % des contributions, et la MINUHA (Haïti), 6 % du total.

(2) Les contributions volontaires (chapitre 42-32)

Les contributions volontaires (ou bénévoles) diminuent de 14,84 % .avant intervention de l'Assemblée nationale. Elles passent de 551,99 à 470,06 millions de francs. Le fait que l'augmentation des contributions obligatoires, assise sur les quote-parts françaises, soit inéluctable, c'est sur les contributions bénévoles que porte inéluctablement tout effort d'économie . Nos collègues députés ne s'y sont pas trompés, puisqu'ils ont prévu de réduire de 65 millions de francs les crédits inscrits au chapitre 42-32. Ceux-ci passsent donc à 405,06 millions de francs, soit une réduction de 26,6% par rapport à la dotation de 1995. La France occupe un rang modeste (entre le 8e et le 13e) parmi les contributeurs aux organisations internationales concernées par ces contributions bénévoles.

La part des contributions bénévoles aux organismes internationaux relevant de l'ONU reste considérable en dépit de la baisse de l'effort : 98,71 % des contributions volontaires en 1995 (soit 544,91 millions de francs), 98,6 % (soit 463,58 millions de francs) dans le projet de loi de finances pour 1996 .

Les contributions bénévoles françaises sont, pour l'essentiel, consacrées à l'aide au développement, à la santé et à l'aide humanitaire.

- L' aide au développement représentait 58,7 % des contributions bénévoles de 1994. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) est le principal bénéficiaire des contributions bénévoles, avec près de 50 % de ces crédits. La France est le 8e contributeur du PNUD et du PNUE (Programme des Nations Unies pour l'environnement), et le 4e contributeur de l'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel).

- Le soutien français à l' OMS (Organisation mondiale de la Santé), qui représentait 15,7 millions de francs en 1994, traduit la participation française à la lutte internationale contre le SIDA.

- L' aide humanitaire représente environ le quart des contributions volontaires versées à des organisations du système onusien.

En 1994, les premiers bénéficiaires des contributions bénévoles françaises ont été :

- le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) 8 ( * ) , dont la France, avec 50,5 millions de francs, est le 7e donateur,

- l'UNICEF : 55,42 millions de francs,

- le Comité international de la Croix rouge (CICR) : 1,25 million de francs,

- le Programme alimentaire mondial (PAM) : 22,45 millions de francs.

Le département des Affaires humanitaires du ministère des Affaires étrangères coordonne les interventions d'urgence des différents organismes de l'ONU (UNICEF, HCR, PAM, FAO ...). En 1995, les principales actions conduites sur la base d'une collaboration entre la France et l'ONU ont concerné l'Afrique (région des Grands lacs, Soudan, Angola, Somalie), l'ex-Yougoslavie, l'Irak, le Caucase, l'Afghanistan et la Tchétchénie. L'ex-Yougoslavie a constitué, en 1995, une priorité de l'aide humanitaire française, à travers les efforts accomplis dans le domaine de la sécurité des approvisionnements (participation au pont aérien jusqu'à la fermeture de l'aéroport de Sarajevo en avril 1995).

La réduction des contributions bénévoles françaises, qui correspond à une tendance observée aujourd'hui chez tous les donateurs importants (Allemagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne) devra donc se traduire par des choix, inéluctables dans le contexte économique actuel. Or quelles priorités déterminer entre le PNUD, le PNUE, la lutte internationale contre le Sida, et l'aide humanitaire internationale ?

(3) Les difficultés financières des organisations internationales

- L'ampleur de la crise financière de l' ONU se mesure au montant des impayés au 31 juillet 1995 : 2,6 milliards de dollars (865 millions au titre du budget ordinaire, 1 739 au titre des opérations de maintien de la paix).Le déficit total de l'ONU équivaut approximativement à 15-18 mois de fonctionnement : dans cette situation, toute entreprise aurait déjà déposé son bilan ...

Cette situation s'explique pour l'essentiel, comme chacun sait, par la carence des Etats-Unis qui, premier contributeur au budget des Nations Unies, sont aussi le principal débiteur de l'ONU, avec une dette de 1,2 milliard de dollars. Ces impayés sont liés, pour l'essentiel, aux opérations de maintien de la paix, dont le financement suscite d'importantes réticences au Congrès.

Notons que 75 pays, sur les 185 membres de l'ONU, n'avaient pas acquitté leur contribution au budget ordinaire (hors maintien de la paix) au cours du premier semestre 1995. Au 31 juillet 1995, ces défaillances étaient imputables :

- pour 45,1 % aux États-Unis,

- pour 20 % à la Russie,

- pour 8,3 % à l'Ukraine.

- Les institutions spécialisées se heurtent à de graves difficultés de trésorerie, dues à l'ampleur des arriérés : 117 millions de dollars pour l'UNESCO en 1994, 80 pour l'OMS, 39 pour l'ONUDI, 30 pour l'OIT. Une cinquantaine de membres de l'OMS sont menacés d'y perdre leur droit de vote. Les États-Unis ont annoncé qu'ils n'acquitteraient pas leur contribution pour 1996 à l'ONUDI.

- Les propositions formulées par la France pour encourager le recouvrement des arriérés visent la révision des barèmes de contributions, et l'application stricte des sanctions prévues par la Charte (inéligibilité, perte du droit de vote, versement d'intérêts de retard, limitation des contrats commerciaux avec des entreprises des pays défaillants et limitation du recrutement de leurs ressortissants, remboursement prioritaire aux Etats participant aux opérations de maintien de la paix à jour de leurs contributions). Est-il néanmoins très réaliste d'envisager d'infliger ces sanctions aux Etats-Unis ?

b) La baisse des crédits affectés aux « interventions de politique internationale »

Les moyens consacrés au Fonds d'urgence humanitaire constituent l'essentiel (73,55 % dans le présent projet de loi de finances) du chapitre 42-37, par ailleurs très hétérogène.

Le chapitre 42-37 (interventions de politique internationale) subissait, avant intervention de l'Assemblée nationale, une diminution de 14 % par rapport au précédent projet de loi de finances, et passait de 171,74 à 147,5 millions de francs. Cette évolution s'explique par une mesure d'économie de 11 millions de francs, liée à l'effort actuel de réduction des dépenses publiques, par un transfert de 2,5 millions de francs aux services généraux du Premier ministre, destiné au secrétariat d'Etat à l'action humanitaire, et par la non-reconduction de quelque 10 millions de francs qui avaient été obtenus en 1995 par divers amendements parlementaires. Ce sont les « subventions à divers organismes » qui diminuent le plus fortement (-42%).

La réduction de 9 millions de francs adoptée par l'Assemblée nationale réduit le chapitre 42-37 à 138,5 millions de francs, soit une baisse de - 19,35% par rapport aux crédits de 1995. Notons que les crédits supprimés par l'Assemblée nationale équivalent aux augmentations obtenues l'an dernier sur ce chapitre par voie d'amendement parlementaire.

(1) Le Fonds d'urgence humanitaire (article 50)

Le Fonds d'urgence humanitaire finance les opérations d'aide d'urgence conduites par le Gouvernement français. L'affectation de ces moyens est proposée au ministre des Affaires étrangères par le secrétaire d'Etat à l'aide humanitaire d'urgence (décret du 12 juin 1995). Les cinq premières régions bénéficiaires des moyens dégagés par le Fonds d'urgence humanitaire sont la Bosnie-Herzégovine et la Croatie (6 millions de francs), l'Irak (3,6 millions de francs), le Soudan (3,3 millions de francs), la bande de Gaza et la Cisjordanie (2,6 millions de francs), la Biélorussie, la Russie et l'Ukraine (2,3 millions de francs). Remarquons, à titre d'illustration, que les crédits prévus par la loi de finances pour 1996 pour le Fonds d'urgence humanitaire (108,5 millions de francs), dont le champ d'intervention couvre par définition le monde entier, sont inférieurs à ceux que le ministère délégué à la Coopération envisage de consacrer en 1996 au transport de la seule aide alimentaire destinée à l'Afrique subsaharienne (125 millions de francs).

Les crédits du Fonds d'urgence humanitaire permettent de financer trois types d'intervention :

- Les opérations d'urgence , désormais, hélas, classiques, recouvrent l'envoi de médicaments, de matériel médical, de vêtements, de nourriture, de matériel d'hébergement... Les intervenants sont le service de l'action humanitaire du Quai d'Orsay, ainsi que la cellule d'urgence avec, le cas échéant, le relais d'associations sur le terrain.

- Les subventions aux Organisations non gouvernementales visent à financer, entre autres exemples, la rénovation d'écoles, la réhabilitation d'hôpitaux, voire des programmes d'aide alimentaire et médicale dans des camps de réfugiés.

- Le programme Globus des « volontaires du service national humanitaire », créé à l'initiative de M. Bernard Kouchner, permet d'envoyer dans des régions d'intervention humanitaire des appelés (au nombre de 90 environ, au début de 1995) qui effectuent leur service national au titre de la coopération (et qui servent donc pendant 16 mois), pour y participer à des programmes, entre autres exemples, d'aide à l'enfance. A la différence du service de la coopération « classique », le programme Globus concerne des projets relatifs à des situations d'urgence , et accepte des candidats ne disposant pas nécessairement d'une formation universitaire , mais ayant des qualifications techniques.

C'est sur le Fonds d'urgence humanitaire que porte l'économie de 9 millions de francs réalisée sur le chapitre 42-37. Les crédits du Fonds d'urgence humanitaire passent donc de 122 millions de francs en 1995 à 99,5 millions de francs en 1996, après amendement de l'Assemblée nationale, soit une baisse de - 18,4% par rapport à la dotation précédente. Notons cependant que ces crédits peuvent, en cas d'urgence majeure, être abondés en cours d'exercice sur le budget des charges communes. Espérons qu'une telle augmentation ne sera pas nécessaire en 1996.

En marge du Fonds d'intervention humanitaire, l' aide d'urgence à des pays étrangers (article 30), qui existait avant le Fonds d'urgence humanitaire, visait, jusqu'à la création de celui-ci, à aider les pays touchés par une catastrophe naturelle ou par toutes difficultés justifiant une aide médicale d'urgence. 4,7 millions de francs sont encore inscrits sur cette ligne dans le projet de loi de finances pour 1996. Ces crédits financent désormais des opérations telles que l'envoi d'observateurs électoraux, ce qui a été le cas récemment en Afrique du Sud, au Mozambique et à Haïti.

(2) Autres dépenses financées sur le chapitre « interventions de politique internationale »

Les autres dépenses financées sur le chapitre 42-37 ne répondent pas toutes à une nécessité aussi imparable que les opérations d'urgence financées sur le Fonds d'urgence humanitaire. Il s'agit des

- « aides et secours » (article 10) : subsides alloués chaque mois à des personnalités étrangères auxquelles la France souhaite ainsi manifester son soutien (3 millions de francs en 1995 et 1996).

- " subventions à divers organismes " (article 20) : ces crédits passent de 25,34 à 14,59 millions de francs, soit une baisse de 42 %. Le chapitre 42-37 regroupe quelque 34% des subventions allouées par le ministère des affaires étrangères, la plus grande part (60%) étant imputée sur le chapitre 42-10 (action culturelle et aide au développement).

Sur les crédits du chapitre 42-37 sont financées des subventions notamment aux organismes suivants, susceptibles de recevoir par ailleurs des dotations imputées sur d'autres chapitres :

- Action internationale contre la faim,

- Croix-rouge française,

- Médecins du Monde,

- Handicap international,

- Mouvement européen,

- Maison de l'Amérique latine,

- Fondation Robert Schuman,

- Association française du Conseil des communes et régions

d'Europe,

- Fédération mondiale des cités unies et villes jumelées,

- Secours catholique.

Ces diverses subventions, par ailleurs relativement peu élevées (entre 0,5 et 2,5 millions de francs), ne seront peut-être pas reconduites en l'état en 1996, du fait de la diminution des crédits inscrits au chapitre 42-37dans le cadre du projet de loi de finances.

- Interventions du ministre délégué aux affaires européennes (article 40). D'un montant inchangé depuis le dernier projet de loi de finances (16,73 millions de francs), les crédits inscrits à l'article 40 financent des études (pour l'essentiel des sondages d'opinion) commandées par le cabinet du ministre délégué aux affaires européennes, la réalisation d'actions de sensibilisation telles que des "fiches thématiques sur l'Europe" , ainsi que des subventions à des "associations à vocation européenne ou menant une action ponctuelle dont l'objectif s'inscrit dans le champ d'intervention du ministre délégué aux affaires européennes".

Sans mettre en cause l'opportunité de ces commandes d'études, subventions et "fiches thématiques", votre rapporteur s'étonne que de telles dépenses, dont l'utilité ne saurait être comparée à celle que permet d'engager le Fonds humanitaire d'urgence, figurent dans le même chapitre et semblent ainsi mises sur le même plan ... Il est regrettable que l'Assemblée nationale n'ait pas fait porter sur ce chapitre l'effort imputé sur le chapitre 42-37.

c) La coopération militaire (chapitre 42-29)

Les crédits inscrits au chapitre 42-29 financent les deux volets de la coopération de défense : d'une part, les "actions de coopération avec l'étranger" (article 10) et, d'autre part, la formation des stagiaires étrangers en France (article 20).

- Les moyens alloués à la coopération militaire diminuent très sensiblement depuis 1988, qu'il s'agisse des crédits budgétaires ou des effectifs de coopérants , ainsi que le montre le tableau ci-après :

Année

1988

1993

1994

1995

1996

Crédits (en millions de francs)

156

108

101,7

90,6

90

- 1,5

------------

88,5*

Effectifs de coopérants français

283

153

140

112

*après amendements adoptés par l'Assemblée nationale.

Entre 1988 et 1996, les crédits ont diminué de 42,3% (- 43,2% si l'on tient compte de la réduction de 1,5 million de francs adoptée par l'Assemblée nationale. Quant aux effectifs de coopérants français, ils ont été réduits de 60,4 % entre 1988 et 1995. En 1996, ces effectifs perdront encore 4 postes, puisque c'est sur cet aspect de la coopération militaire que porte l'économie votée par l'Assemblée nationale.

La faiblesse de ces moyens apparaît clairement si on les compare à ceux que l'on consacre à la coopération militaire avec les seuls pays du champ , que conduit le ministère délégué à la coopération : 776 millions de francs en 1996 pour l'Afrique subsaharienne, 90 millions de francs pour le reste du monde. L'Assemblée nationale, supprimant 1,5 million de francs sur le chapitre 42-29, limite encore ces crédits à 88,5 millions de francs, soit une baisse de - 2,3% par rapport à la dotation de 1995.

Dans la perspective du rapprochement entre le ministère des Affaires étrangères et du ministère délégué à la Coopération, il conviendra donc de procéder à un examen d'ensemble des politiques de coopération militaire.

En 1995, on compte environ 600 coopérants français dans les pays du champ, 112 dans le reste du monde , répartis ainsi que l'indique le tableau suivant :

Coopération militaire (ministère des Affaires étrangères)

Etat global des effectifs pour 1995

ARABIE SAOUDITE

8

dont 3 postes pris en charge par le ministère de la défense

EMIRATS

0

Transfert des postes de coopérants vers des sociétés

JORDANIE

4

LIBAN

1

MALAWI

1

QATAR

8

dont 4 postes transférés aux sociétés

MAROC

72

10 postes supprimés et 5 postes pris en charge par le ministère de la défense

TUNISIE

16

LETTONIE

1

SLOVAQUIE

1

REPUBLIQUE TCHEQUE

1

POLOGNE

1

ROUMANIE

1

TOTAL

112

Ces effectifs montrent notamment la sous-représentation des pays de l'Est, ce qui peut paraître regrettable eu égard à l'ampleur des changements en cours dans ces pays dans le domaine de la défense, et à l'assistance susceptible d'être apportée par la France pour accompagner ces mutations. De même, la faiblesse de ces effectifs, quelle que soit la zone géographique considérée, ne semble pas de nature à encourager les exportations de matériels d'armement, alors même que le développement des ventes à l'étranger est vital pour l'avenir des industries françaises d'armement.

Quant à la formation des stagiaires militaires étrangers par le ministère des Affaires étrangères, elle concerne 716 bénéficiaires.

Ceux-ci se répartissent ainsi selon leur origine géographique :

- Europe (y compris PECO) 234

- Afrique non francophone 9 ( * ) 6

- Asie-Océanie 54

- Amérique (du Nord et du Sud) 36

- Afrique du Nord - Moyen-Orient 386

TOTAL 716

Là encore, les 716 places proposées doivent être comparées aux effectifs de stagiaires formés au titre de la coopération franco-africaine, soit 1 300 environ en 1994. Malgré la réduction du nombre de stages offerts par le ministère délégué à la coopération (par rapport au maximum de 2 200 places atteint en 1987), l'Afrique francophone demeure nettement surreprésentée par rapport au reste du monde.

Les restrictions budgétaires actuelles conduisent, de manière générale, à ajuster la coopération militaire à ces moyens réduits. Les aménagements en cours ont induit une limitation des effectifs présents au Maroc (82 coopérants en 1994, 72 en 1995), et à accélérer la marocanisation de certains postes militaires. Une autre orientation consiste à transférer le coût de certains postes vers des sociétés (Airco, Cofras aux Emirats arabes unis et au Qatar), et à limiter les effectifs présents en Arabie saoudite, qui passeraient de 8 à 4.

L'objectif, à terme, devra être de revoir les finalités de la coopération bilatérale en matière de défense, afin de mener une coopération de substitution à une coopération par projets , orientée vers des interventions ponctuelles, consacrées à une technologie militaire donnée, et fondées sur des stages de formation et des missions d'experts. Par ailleurs, une orientation prioritaire de la coopération militaire est de favoriser la diffusion du français en milieu militaire étranger. C'est ainsi que 50 lecteurs de français, appelés du contingent, sont implantés dans les pays de l'Est et certains pays du Golfe. Le ministère des Affaires étrangères rembourse au ministère de la Défense le surcoût lié à l'affectation à l'étranger (soit 500 000 F au total).

Notons, par ailleurs, le lien entre le nombre de places offertes et la présence linguistique française dans les pays partenaires. C'est ainsi que 19 stagiaires roumains et 12 stagiaires bulgares ont été formés en 1995 (6 Slovaques, 5 Hongrois, 4 Lituaniens, 1 Ukrainien) : cette différence d'effectifs confirme la priorité attachée aux pays de l'Est où le français bénéficie d'une présence satisfaisante. De même, le Maghreb totalise 262 places de stages.

Il est donc regrettable que, faute de moyens, la France ne soit pas en mesure de privilégier un aspect de sa politique extérieure dont on peut attendre des retombées ultérieures substantielles , notamment dans le domaine des exportations d'armement. Au moment où l'avenir des industries françaises d'armement est subordonné à la conquête de marchés extérieurs, on peut déplorer que la coopération de défense ne soit pas pourvue de moyens plus substantiels, surtout au moment où les plus hautes autorités de l'Etat investissent notre diplomatie de responsabilités nouvelles en matière d'exportation et de présence économique française à l'étranger.

5. Le maintien de l'assistance aux Français de l'étranger et aux réfugiés étrangers en France

130 millions de francs sont consacrés, dans le présent projet de loi de finances, à l'assistance aux Français de l'étranger : cet effort relatif, stable par rapport au précédent budget, est donc maintenu en dépit des difficultés budgétaires actuelles, ce dont votre rapporteur ne peut que se féliciter, même si, dans des circonstances économiques plus favorables, ces dépenses auraient mérité un effort plus important.

Rapportés aux moyens destinés aux Français résidant en France, l'insuffisance des crédits consacrés à l'assistance aux Français de l'étranger ressort cruellement : le budget d'aide sociale du département des Deux-Sèvres (330 millions de francs en 1995) équivaut approximativement au triple des crédits d'assistance aux Français de l'étranger (environ 115 million de francs sur les 130 inscrits au chapitre 46-91 et 46-94, dont tous les articles ne concernent pas l'assistance à proprement parler des Français expatriés). Encore la population des Deux-Sèvres (360 000 habitants) ne saurait-elle être comparée aux effectifs des Français résidant à l'étranger (on comptait environ 920 000 Français immatriculés au 31 décembre 1993, auxquels s'ajoutent approximativement 790 000 non-immatriculés, soit une population d'un million et demi de Français résidant actuellement à l'étranger).

Sur les chapitres 46-91 et 46-94 sont imputées des dépenses très diverses : rapatriements et évacuations sanitaires, aide aux Français handicapés résidant à l'étranger, aide aux Français de passage en difficulté, entretien des cimetières français de l'étranger, fonctionnement du Conseil supérieur des Français de l'étranger 10 ( * ) , assistance aux réfugiés étrangers, assistance aux Français souhaitant adopter un enfant étranger ... 11 ( * )

a) Les rapatriements des Français résidant à l'étranger (chapitre 46-91)

Le ministère des Affaires étrangères finance différents types de rapatriement.

- Les rapatriements pour indigence sont réservés à ceux de nos compatriotes qui se trouvent dans la situation la plus précaire, et qui peuvent de ce fait bénéficier en France d'une situation meilleure qu'à l'étranger.

- les rapatriements pour formation professionnelle s'adressent aux jeunes Français dépourvus de qualification, sans perspective d'emploi à l'étranger, et dont il faut envisager la réinsertion professionnelle et sociale en France.

- Les rapatriements sanitaires (ou évacuations médicales) concernent les Français expatriés dont les ressources, l'état de santé ou l'inadaptation des structures médicales locales ne permettent pas le traitement sur place. Entre le 1er juin 1994 et le 31 mai 1995, le nombre de rapatriements et évacuations sanitaires de Français résidant à l'étranger (compte non tenu de l'aide accordée aux Français de passage en difficulté) s'est élevé à 802. Le tableau ci-joint montre la part dominante de l'Algérie (62,96% du total).

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996 sur le chapitre 46-91 sont inchangés par rapport à la précédente dotation : 4,989 millions de francs.

ZONES GÉOGRAPHIQUES

INDIGENTS

SANITAIRES

SAMU

(1)

BOURSIERS

FORMATION PROF.

TOTAL

AFRIQUE DU NORD

- dont Algérie

AFRIQUE FRANCOPHONE

AFRIQUE NON FRANCOPHONE

AMERIQUES

ASIE-OCEANIE

EUROPE

PROCHE ET MOYEN-ORIENT

TOTAL

510

497

100

5

14

5

18

7

659

9

7

32

-

9

4

1

1

56

-

-

1

-

-

-

-

1

2

-

-

13

-

-

15

-

-

28

2

1

54

-

-

1

-

-

57

521

505

200

5

23

25

19

9

802

(1) interventions de médecins du SAMU.

b) Assistance à l'étranger

Les crédits d'assistance à l'étranger (chapitre 46-94 - article 11) augmentent modestement de 0,7%. Ils représentent néanmoins le poste le plus important du chapitre 46-94 (99,28 millions de francs, soit 79,3% du chapitre 46-94). Ces crédits regroupent diverses interventions.

- Allocations aux nécessiteux et aux personnes âgées : les allocations de solidarité, versées sans condition de resources, correspondent au minimum vieillesse servi en France. Leur montant est très variable selon les pays (500 F par mois en Inde, 3 100 F à Los Angeles). Il est réexaminé chaque année par la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, qui se réunit au ministère des Affaires étrangères. Ces allocations sont versées en monnaie locale.

D'autres allocations sont servies de manière temporaire à des Français expatriés confrontés à des difficultés financières ponctuelles. Ces crédits représentaient en 1995 74,34 millions de francs. On compte 3 201 allocataires de solidarité et 1 967 allocations à durée déterminée.

Par ailleurs, des subventions (6 millions de francs en 1995) sont allouées à des sociétés de bienfaisance et d'entraide, à des maisons de retraite et des centres hospitaliers qui, dans un grand nombre de pays, participent à cet effort de solidarité avec les Français de l'étranger en difficulté.

- Aide aux handicapés : des allocations sont versées aux Français de l'étranger présentant un taux d'incapacité de 80% au moins pour les adultes, de 50% pour les enfants et adolescents âgés de moins de vingt ans. Cette allocation adultes handicapés est alignée sur celle de l'allocation de solidarité.

On comptait en 1994 1 096 handicapés ainsi secourus, pour un montant de 21,9 millions de francs en 1995.

- Aide aux Français de passage en difficulté : des secours permettent de venir en aide aux Français qui se trouvent dans une situation difficile au cours d'un déplacement à l'étranger, du fait d'accidents, de pertes ou de vols. Les postes consulaires peuvent consentir des avances remboursables, des secours occasionnels, voire procéder au rapatriement en cas d'urgence médicale.

En 1994, le nombre de bénéficiaires de ces aides s'est élevé à 2 900 personnes environ. Le montant des avances non remboursées s'est élevé à 275 000 F.

c) Subventions aux organismes d'entraide et au Comité d'entraide aux Français expatriés

D'un montant de 3,181 millions de francs, stable par rapport au précédent budget, ces subventions sont versées à des organismes tels que le Comité d'entraide aux Français rapatriés (1,615 millions de francs en 1995), à des associations représentatives des Français de l'étranger telle que l'Union des Français de l'étranger.

d) Le Fonds de secours pour les Français à l'étranger

Destiné aux Français victimes d'événements politiques à l'étranger, ce fonds est doté d'un montant modeste (462 000 F). Il ne saurait assurer une indemnisation complète des dommages subis, notamment dans leurs biens, par les Français du fait d'événements politiques à l'étranger. Sa vocation est d'assurer une aide ponctuelle lors du retour en France des victimes.

e) Sécurité des Français de l'étranger

2,050 millions de francs, soit une dotation stable par rapport à 1995, sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996 afin de poursuivre l'équipement des postes diplomatiques et consulaires en moyens de liaison radio avec la communauté française, dans les pays à risques. Ce dispositif a été complété par la mise en place de stocks de sécurité (médicaments, eau, rations de survie ...) dans les pays les plus sensibles. 132 de nos représentations à l'étranger sont dotées d'un réseau de communication de sécurité.

*

* *

Telles sont donc les principales orientations d'un budget dont on ne saurait prétendre qu'il est surdimensionné au regard des missions du ministère des Affaires étrangères. Votre rapporteur abordera ci-après les effectifs du Département, effectifs dont la réduction, conduite dans le cadre de l'effort global d'économie actuellement entrepris, pourrait remettre en cause la capacité du ministère à remplir certaines de ses fonctions.

*

* *

B. UNE RÉDUCTION DES EFFECTIFS PARFOIS PROBLÉMATIQUE

En 1995, le ministère des Affaires étrangères compte 8 914 emplois budgétaires, qui se partagent entre 6 310 titulaires et 2 604 contractuels.

La majorité (54,4%) est affectée aux services diplomatiques, consulaires et culturels. L'administration centrale représente 34,4% des effectifs. Les établissements culturels emploient 11,2% des agents du ministère.

De 1985 à 1995, les effectifs budgétaires du ministère des Affaires étrangères sont passés de 12 075 à 8 914, soit une baisse de 26%, alors que pendant cette période d'importants bouleversements géopolitiques ont conduit à créer des postes diplomatiques dans les nouveaux pays indépendants. Ces restrictions affectent différemment l'administration centrale et les services diplomatiques, consulaires et culturels, et se traduisent par un déséquilibre très net aux dépens des catégories A et B assurant l'encadrement.

1. Une évolution contrastée des effectifs

.La politique des effectifs conduite par le Département n'induit pas de créations nettes d'emplois , mais est liée aux transformations dues aux mesures Durafour, et aux mesures de titularisation de contractuels de catégorie B. Dans le même temp, le recours à des prélèvements sur les emplois des services diplomatiques, consulaires et culturels a permis d'affecter des personnels à l'administration centrale considérée comme déficitaire. Les effectifs budgétaires de l'administration centrale sont ainsi passés, de 2 758 en 1985 à 3 067 en 1995.

Les services diplomatiques, consulaires et culturels ont connu par le passé des évolutions favorables (+ 148 emplois en 1986, + 424 en 1989, + 445 en 1991), qu'il convient de relativiser toutefois car ces augmentations sont liées à la mise en place de processus de titularisation des agents C et D , en contrepartie de la suppression d'emplois de contractuels , ou du rattachement d'emplois de titulaires et contractuels des services culturels aux emplois diplomatiques.

En 1994 et 1995, dans le cadre du Schéma pluriannuel d'adaptation du réseau diplomatique , ont été supprimés 154, puis 119 emplois. En deux ans auront été restitués 294 emplois de contractuels de catégorie C, compensés par la possibilité de recruter du personnel local (voir ci-après, 3). En 1996 est prévue la suppression nette de 84 emplois au total.

De manière générale, ces restrictions d'emploi, qui portent essentiellement sur les postes consulaires, posent un problème important dans le domaine de la gestion des actes d'état civil des Français expatriés. Le remplacement de fonctionnaires titulaires par des contractuels locaux, non formés aux réalités juridiques et administratives françaises, paraît affecter la délivrance des actes d'état civil et des actes notariaux. Cette mission essentielle ne semble plus aujourd'hui satisfaite dans les meilleures conditions.

2. Un déficit aigu des catégories d'encadrement (A et B)

Selon les informations transmises à votre rapporteur, le ministère des Affaires étrangères allemand dispose, à effectifs comparables et avec un nombre de représentations diplomatiques et consulaires inférieur au nôtre, de 250 agents de catégorie A de plus que le Quai d'Orsay.

Les causes de ce déficit sont différentes selon que l'on considère les agents de la catégorie A ou ceux de la catégorie B.

- Le déficit concernant la catégorie A est dû à une insuffisance d'emplois budgétaires ainsi qu'à des difficultés de recrutement . L'insuffisance des emplois budgétaires est de manière très apparente illustrée par le sous-encadrement de nos postes diplomatiques à l'étranger. C'est ainsi qu'une cinquantaine de représentations ne disposeraient que d'un agent A en plus de l'ambassadeur.

Le précédent budget, dans une très modeste mesure, a commencé à tirer les conséquences de ce déficit en créant 5 emplois de secrétaires des Affaires étrangères et 5 emplois de secrétaires-adjoints. Cet effort doit impérativement être poursuivi.

Une autre difficulté tient aux modalités de recrutement . On relève, d'une part, que le nombre d'emplois offerts par le Quai à la sortie de l'ENA se limite à 8 par an en moyenne et, d'autre part, que le taux de sélection des concours de secrétaire-adjoint des Affaires étrangères (cadre général et cadre Orient) demeure faible, même si l'on tient compte de l'augmentation récente du nombre de candidats. Au total, 47 agents de catégorie A ont été recrutés en 1995 (7 anciens élèves de l'ENA, 12 secrétaires des Affaires étrangères Orient, 23 secrétaires adjoints du cadre général et du cadre d'Orient, et 5 attachés d'administration centrale), ce qui reste insuffisant au regard du déficit en personnel de catégorie A. L'une des parades à ces difficultés de recrutement consiste à encourager le détachement au ministère des Affaires étrangères d'agents de l'extérieur (61 administrateurs civils et magistrats sont actuellement détachés dans le corps des conseillers et secrétaires). Ne conviendrait-il pas, au contraire, de favoriser le recrutement de diplomates ?

- Le déficit relatif à la catégorie B tient essentiellement à un manque d'emplois budgétaires . Le nombre de postes ouverts aux concours a pourtant été substantiellement augmenté : 16 secrétaires administratifs d'administration centrale et secrétaires de chancellerie ont été recrutés en 1994, 35 en 1995 (24 secrétaires de chancellerie, 8 secrétaires administratifs d'administration centrale et 3 secrétaires administratifs programmeurs).

- De manière générale, le déficit structurel en encadrement est estimé modestement, selon les informations transmises à votre rapporteur, à 30 emplois de catégorie A et 15 emplois de catégorie B, ce qui situe la barre beaucoup moins haut qu'au ministère allemand des Affaires étrangères.

Dans cette perspective, la création de 13 emplois d'encadrement avait été prévue par le budget pour 1995 (5 emplois de secrétaire des Affaires étrangères, 5 de secrétaire-adjoint des Affaires étrangères, et 3 de secrétaire de chancellerie). Cette tendance se poursuivra de manière très relative en 1996 avec la création de 2 postes de secrétaire des Affaires étrangères, de 2 emplois de secrétaire adjoint des Affaires étrangères et d'un poste de secrétaire de chancellerie (soit trois emplois de catégorie A ou B dans les services diplomatiques, et 2 emplois de catégorie A en administration centrale). Il est donc très important que soit poursuivi ce rééquilibrage, encore très insuffisant, au cours des années à venir, pour que soit améliorée la situation du ministère des Affaires étrangères en matière d'encadrement.

3. Le schéma d'adaptation du réseau diplomatique

La démarche ambitieuse mise en oeuvre dans le cadre du schéma pluriannuel d'adaptation du réseau vise, pour l'essentiel, à réaliser des gains de productivité en limitant le nombre d'emplois d'exécution parmi les personnels expatriés. Deux modalités sont retenues à cet effet : d'une part, des suppressions nettes d'emplois , d'autre part, un recours élargi à des personnels français de recrutement local, dont le coût est de trois fois inférieur à celui des expatriés. A cet égard, 140 Français recrutés locaux ont pu être engagés en 1994-1995. Pour l'essentiel, ces recrutements concerneraient les pays de l'OCDE, où les intéressés bénéficient de conditions proches de celles dont ils bénéficieraient en France. Cette politique est appelée à se poursuivre, du fait des contraintes budgétaires qui pèsent sur le Département.

Une part des économies réalisées grâce à ces mesures de productivité, affectée au Département, peut être consacrée à des travaux de modernisation, voire à des créations d'emplois dans des secteurs prioritaires du ministère.

En 1995 ont été supprimés 110 postes, dans le cadre du schéma d'adaptation du réseau, sans compter les 30 emplois supprimés dans les services culturels. En 1996, les suppressions concerneront 55 emplois de catégorie C et 25 emplois de chargés de mission culturelle.

Motivé par la nécessité de tirer le meilleur parti des ressources disponibles en période de contrainte budgétaire aiguë, le schéma d'adaptation des réseaux n'en aggrave pas moins le problème d'effectifs constaté dans de nombreuses sections consulaires, où l'accomplissement de tâches quotidiennes, comme le soulignait précédemment votre rapporteur, est parfois à la merci d'un congé-maladie. Qui a, par ailleurs, observé les navrantes files d'attentes devant nos consulats sait que les effectifs disponibles ne permettent pas de faire face dans des conditions honorables au travail lié à la délivrance de visas. Dans le même ordre d'idée, nos compatriotes expatriés sont confrontés à de graves difficultés dans leurs démarches relatives à la délivrance d'actes d'état civil ou d'actes notariaux.

Cette situation ne peut probablement que nuire à l'image de la France à l'étranger. Si votre rapporteur comprend les motivations qui ont justifié la mise en oeuvre du schéma d'adaptation, il importe de ne pas perdre de vue que les efforts de productivité ainsi réalisés induisent des tensions certaines dans la vie quotidienne des postes.

C. LE REDÉPLOIEMENT DE LA CARTE DIPLOMATIQUE ET CONSULAIRE

La densité du réseau diplomatique français (la deuxième après le réseau américain) fait partie des priorités de notre action extérieure, et s'inscrit notamment dans le souci d'offrir aux Français expatriés un réseau consulaire de proximité. Mais des aménagements substantiels de la carte diplomatique et consulaire française ont été rendus nécessaires, non seulement par les contraintes budgétaires qui pèsent sur le ministère des affaires étrangères, mais aussi par l'émergence de nouveaux pays indépendants, à la suite de l'effondrement du communisme.

1. L'extension du réseau à l'Est

Les bouleversements géopolitiques à l'est de l'Europe ont abouti à une augmentation importante du nombre de nos partenaires ayant récemment accédé à l'indépendance : 15 Etats ont ainsi succédé à l'URSS, 5 à la Yougoslavie et 2 à la Tchécoslovaquie. Pour la France, l'enjeu était donc de passer, dans ces régions, de 3 postes diplomatiques à 22. Au total, 15 postes diplomatiques ont été créés à l'Est. Cet effort a été compensé par la fermeture d'autres postes, et s'est donc traduit, dans certaines régions (essentiellement en Europe occidentale), par une réduction du maillage consulaire français qui affecte la vie quotidienne des Français de l'étranger.

L'ouverture des ambassades de France dans les trois Etats baltes , dès 1991, a été compensée notamment par la fermeture de six consulats (Liverpool, Rotterdam, Innsbrück, Constantine, Fianarantsoa, Lubumbashi). Le tableau ci-après illustre l'évolution, depuis 1983, des créations, suppressions et transformations des postes.

Puis l'ouverture des ambassades de France dans certaines anciennes républiques soviétiques (Alma-Ata, Bakou, Erevan, Minsk, Tachkent), et yougoslave (Ljubljana) ainsi que du consulat général de Bratislava , décision prévue pour 1992, a été étalée sur deux ans et compensée, elle aussi, par des mesures de redéploiement (parmi celles-ci, citons la fermeture des consulats de Fribourg, de Baden-Baden, de N'Djamena, de Bouaké, d'Aden). En raison de l'importance de la participation du ministère des Affaires étrangères à l'effort de régulation budgétaire conduit en 1993, la plupart des postes ainsi créés ont connu -certains connaissent encore- des conditions d'installation précaires : logement à l'hôtel, matériel et effectifs calculés au plus juste. Soulignons donc les conditions de vie et de travail difficiles infligées aux agents du ministère des Affaires étrangères dans ces nouveaux postes.

Depuis 1994 se développe la pratique des "chefs de poste en mission", motivée par des soucis d'économie budgétaire. Cette formule, inaugurée à Skopje, Sarajevo et Tbilissi, assure la représentation diplomatique de la France à moindres frais, car elle permet d'éviter une implantation locale trop coûteuse. Les trois "ambassades minimales" mises en place dans ces pays s'appuient sur des effectifs limités, l'ambassadeur n'étant assisté que d'un ou deux collaborateurs. Ce mode d'organisation a été étendu au Turkménistan et, tout récemment, à la Moldova. Mais cette formule ne saurait être considérée comme satisfaisante, et doit demeurer un remède palliatif aux difficultés actuelles.

2. La contraction du réseau consulaire

L'implantation de nouvelles ambassades à l'Est a été compensée, ainsi que votre rapporteur l'a souligné, par prélèvements successifs sur le réseau consulaire français . Celui-ci est passé de 257 postes en 1981 à 234 aujourd'hui. Les fermetures ont essentiellement concerné l'Europe occidentale : Palerme (1983), Belfast, Gênes (1984), Lausanne (1985), Liverpool, Rotterdam, Innsbrück (1991), Baden-Baden, Fribourg (1992). L'Afrique est également touchée : Lagos (1987), Constantine (1991), Bouaké (1994).

Or il convient de ne pas oublier que la densité du réseau consulaire bénéficie en tout premier lieu à nos compatriotes expatriés , auxquels sont ainsi offerts des services administratifs de proximité . Certes, les postes consulaires ont été supprimés pour la plupart dans des pays limitrophes où les Français paraissent intégrés, voire où les communautés françaises établies sont réduites. Poursuivre cette politique de redéploiement revient néanmoins à remettre en cause l'un des objectifs traditionnels de notre politique extérieure, qui vise la protection des Français de l'étranger au moyen d'un réseau consulaire dense. Il paraît probable, tant que des arbitrages décisifs ne sont pas rendus, que le projet relatif à l'ouverture de nouvelles ambassades à Chisinau (Moldavie), Douchambé (Tadjikistan), Bishkek, Oulan Bator 12 ( * ) (Mongolie) et Asmara 13 ( * ) ne sera pas appelé à une mise en oeuvre prochaine.

III. QUELLE SÉCURITÉ POUR LES PAYS D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE ?

Conformément à la tradition de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, votre rapporteur, après l'examen du budget du Département, consacre un développement à un thème d'actualité.

Les problèmes posés par la sécurité des pays d'Europe centrale et orientale (PECO) ont paru devoir être soulevés par votre rapporteur, pour diverses raisons qui font de cette question un enjeu majeur de la politique étrangère de notre pays : le débat en cours sur l'élargissement à l'Est de l'OTAN, la situation en ex-Yougoslavie, la réflexion sur la politique étrangère et de sécurité commune dans le cadre de la préparation de la Conférence intergouvernementale, et la réforme de la CSCE (Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe), devenue organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Votre rapporteur ne prétend pas apporter de réponses définitive à un problème qui occupe les spécialistes de nombreux pays, et dont le Sénat s'est déjà saisi 14 ( * ) , mais entend rappeler, sans prétendre à l'originalité, les questions posées par les ambitions européennes d'anciens satellites de l'URSS, ainsi que les pistes actuellement tracées en vue de répondre au besoin de sécurité des PECO.

A. LES AMBITIONS EUROPÉENNES DES PAYS D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE : RÊVE ET RÉALITÉ

Tout naturellement, la chute du communisme en Europe centrale et orientale a tourné les anciens satellites de l'URSS vers la Communauté européenne. Celle-ci symbolisait le retour à un occident dont ces pays s'estimaient naturellement membres après la parenthèse de la domination soviétique. Force est de constater toutefois que le réalisme opposé aux ambitions européennes des anciens satellites de l'URSS n'a pas répondu aux attentes de ceux-ci.

1. Le "besoin d'Europe" des candidats est-européens

Les motivations des anciens satellites de l'URSS, exprimées dès 1989-1990, se fondent sur plusieurs considérations : culturelles, politiques, économiques et stratégiques.

a) L'appartenance à une culture et à une civilisation communes

La chute du rideau de fer est, pour les satellites européens de l'URSS, l'occasion de mettre un terme à leur statut d' « occident kidnappé » 15 ( * ) , pour reprendre l'excellente formule de l'écrivain Milan Kundera.

« Pour la première fois depuis plus d'un demi-siècle, ces pays ont le sentiment de pouvoir réconcilier leur géographie et leur histoire, leur culture et leur appartenance politique » 16 ( * ) . Pour le Premier ministre hongrois J. Antall, la référence aux valeurs de la chrétienté occidentale joue un rôle dans ce sentiment d'appartenance à une civilisation commune. Vaclav Havel, dissident devenu chef de l'Etat tchécoslovaque, puis Président de la République tchèque, se réfère à l'attachement aux valeurs de l'humanisme européen.

b) De puissantes motivations politiques

L'enjeu de l'ancrage des PECO da ns la Communauté européenne est de rendre irréversible l'avènement de la démocratie dans l' « autre Europe », de même que la CEE a contribué à l'ancrage de la démocratie en Europe du Sud (Portugal, Espagne, Grèce). A cet égard, le Conseil de l'Europe favorise l'apprentissage de l'Etat de droit dans l'Europe ex-communiste, mais l'appartenance au Conseil de l'Europe n'est perçue par les impétrants est-européens que comme un banc d'essai à l'intégration dans l'Union européenne, dont aucune organisation internationale ne saurait de leur point de vue être le substitut .

c) Le poids des arguments économiques

Les motivations économiques jouent un rôle essentiel dans le "besoin d'Europe" des PECO. Au lendemain de la chute du mur de Berlin, les transformations à accomplir sur ce terrain sont immenses. Plusieurs décennies de domination soviétique ont étouffé le secteur privé et l'initiative individuelle, ont perpétré des dommages écologiques souvent irréversibles, ont orienté toutes les activités productives selon les standards de la Division internationale socialiste du travail, et ont appliqué à l'économie les principes de l'idéologie communiste (cf. le poids surdimensionné et caractéristique des industries lourdes par rapport aux industries de biens de consommation).

Les PECO se tournent donc naturellement vers l'Europe communautaire, qui constitue un gage de développement économique et de prospérité, et qui représente un modèle libéral dont ils souhaitent se rapprocher au plus vite.

d) Le besoin de sécurité

La crainte suscitée par l'émergence d'une « zone grise » entre l'Est et l'Ouest, d'un vide géopolitique au centre de l'Europe, entre pour beaucoup dans le désir des PECO de rejoindre l'Europe communautaire, considérée comme une « assurance contre les menaces de déstabilisation qui se manifestent à la périphérie de l'ex-URSS et dans les Balkans » 17 ( * ) .

En effet, la disparition, avec la chute du Pacte de Varsovie, des anciennes structures de sécurité collective est-européennes, jointe à la violence de conflits interethniques dans les anciennes républiques soviétiques (Moldavie, Géorgie, Azerbaïdjan, Tadjikistan...) et en ex-Yougoslavie rendent plus pressant le besoin de sécurité des PECO. Ceux-ci frappent non seulement à la porte de l'Europe communautaire, mais aussi à celle de l'OTAN, garant de la présence américaine en Europe, et à celle de l'UEO, seule organisation européenne compétente en matière de défense.

2. Des réponses réalistes et jugées décevantes

L'effondrement du communisme a coïncidé, pour les Douze, à l'élaboration du traité de Maastricht et à la préparation de l'Union européenne. Les ambitions exprimées par les PECO se sont donc heurtées au dilemme approfondissement-élargissement, et le traité de Maastricht a été perçu à l'est comme une forme d'exclusion par une « forteresse Europe » en voie de consolidation.

a) Les obstacles à l'adhésion des PECO

Les arguments opposés à l'intégration immédiate des PECO dans l'Europe communautaire tiennent, d'une part, à la difficulté de les faire participer aux politiques communes en raison de leurs problèmes agricoles, à la très faible compétitivité internationale de leurs entreprises, à leur niveau de vie et de salaire, très inférieur à celui de l'Union européenne et, d'autre part, au souci de ne pas exposer les industries est-européennes à la concurrence d'entreprises occidentales beaucoup plus compétitives. Par ailleurs, l'élargissement est conçu comme une étape postérieure à l'approfondissement des institutions communautaires, préalable indispensable afin d'éviter de paralyser le fonctionnement institutionnel de la Communauté.

Le coût des adhésions se mesure au décalage entre le revenu par habitant des pays de l'Est et des membres de l'Union. Ce décalage est estimé à 40-45 % de la moyenne communautaire pour les pays du groupe de Visegrad, et à 30 % environ de la moyenne communautaire pour la Bulgarie et la Grèce. Les impétrants est-européens se situent donc nettement en-deçà de la Grèce (52 % de la moyenne communautaire) et du Portugal (57 %) 18 ( * ) au moment de l'adhésion de ces deux pays.

La dépense au titre des fonds sructurels serait donc, si les PECO bénéficient des mêmes aides structurelles que les membres de l'Union actuellement les plus pauvres, de 13 milliards d'Ecus environ pour les membres du groupe de Visegrad, de 19 milliards d'Ecus si l'on considère l'ensemble des candidats est-européens. L'élargissement du champ d'action des fonds structurels représenterait donc une charge financière extrêmement lourde pour les finances communautaires (1) .

La même constatation vaut pour la Politique agricole commune, dont l'extension pourrait induire une charge supplémentaire de 17 milliards d'Ecus pour le seul groupe de Visegrad, 23 milliards pour l'ensemble des candidats est-européens.

b) Un rapprochement prudent

En dépit de la pertinence de toutes ces réserves, il était néanmoins impossible d'opposer un refus définitif à la demande d'adhésion des PECO , ne serait-ce que parce que le creusement d'un clivage entre une Europe riche et une Europe pauvre aurait pu exposer l'Europe occidentale à des flux migratoires difficilement maîtrisables.

Les réponses de l'Europe communautaire ont toutefois été prudentes. Il s'est agi, dans un premier temps, d'apporter un soutien financier aux réformes économiques entreprises, à des rythmes différents, par les pays de l'Est (restructuration industrielle, transition vers l'économie de marché, et privatisation) au moyen d'une aide financière attribuée dans le cadre du programme PHARE (Pologne-Hongrie-Aide à la reconstruction économique) élaboré en 1990. 4,28 milliards d'Ecus ont ainsi été attribués aux 11 pays bénéficiaires (Slovénie, Albanie, Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchèque, Roumanie, Bulgarie, Lituanie, Estonie, Lettonie). L'aide devrait être portée à 6,7 milliards d'Ecus pendant la période 1995-1999.

La deuxième étape a consisté à signer des accords d'association avec les candidats est-européens. Les premiers accords ont été passés en décembre 1991 entre Bruxelles et la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. En 1993 ont été conclus les accords avec la Roumanie et la Bulgarie. En 1994, le traité d'association avec la Tchécoslovaquie a été adapté à la partition du pays entre République tchèque et Slovaquie. En juin 1995 ont été signés les trois accords d'association avec les pays baltes. L'accord d'association entre la Slovénie et l'Union a été paraphé en juin 1995.

Ces accords prévoient notamment l'instauration d'un dialogue politique bilatéral, le libre-échange des produits industriels (sauf certains produits « sensibles »), le traitement préférentiel pour les échanges de produits agricoles, l'introduction dans les PECO des règles de concurrence prévues par le traité de Rome, le rapprochement entre les législations locales et les réglementations communautaires pour les activités concernées par les accords.

Une troisième étape a consisté à adresser aux pays associés une invitation formelle d'adhésion . Tel a été l'objet des Conseils européens de Copenhague, en juin 1993 (à cette occasion ont été mises en place des relations structurées entre Bruxelles et les pays associés), de Corfou, en juin 1994, et de Essen, en décembre 1994. L'adhésion a néanmoins été subordonnée, lors du Conseil de décembre 1994, à la capacité des pays associés à remplir « les conditions économiques et politiques requises » des membres de l'Union.

c) La déception des PECO

Le caractère dilatoire des solutions apportées par Bruxelles aux aspirations des PECO explique la déception éprouvée par ceux-ci.

Relevons tout d'abord le décalage entre les ambitions européennes des PECO et les accords d'association. Ceux-ci, en effet, « n'engagent en aucune façon les Douze, puis les Quinze à définir un programme d'adhésion comportant un échéancier et des délais précis » 19 ( * ) .

Par ailleurs, le Conseil européen de Essen, selon Alain Juppé, « ne cherche nullement à anticiper les négociations d'élargissement, ni à poser de nouvelles conditions à l'adhésion, mais à servir de guide aux pays d'Europe centrale et orientale pour qu'ils fixent leurs priorités ». La date de l'élargissement est donc, là encore, éludée.

D'autre part, notons que le conseil de décembre 1994 définit un degré d'exigence très élevé à l'égard des PECO, qui doivent être en mesure d'assumer les obligations des membres de l'Union, tout en posant une autre condition à leur intégration, « tout-à fait indépendante de leur degré d'aptitude économique et politique : celle de la sauvegarde des capacités d'action et de fonctionnement des institutions européennes dans le cas d'un futur élargissement » 20 ( * ) . Le but, pour Bruxelles, est donc d'assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l'élan de l'intégration européenne , et après avoir aménagé les institutions communautaires . La capacité des Quinze à réformer les institutions de l'Union, lors de la Conférence intergouvernementale de 1996, semble conditionner autant l'intégration des PECO que le succès de leurs réformes politiques, économiques et sociales.

. L'optimisme un temps suscité à l'Est par les accords d'association a donc été assez vite tempéré. « L'Europe de l'Ouest a mis un écriteau sur sa porte : ne pas déranger », note le Premier ministre tchèque, Vaclav Klaus.

De manière générale, le hiatus entre le modèle d'Union européenne issu du traité de Maastricht et le caractère culturel, voire émotionnel ou même romantique des ambitions européennes des PECO est très frappant. Ainsi pour Vaclav Havel, que l'on ne saurait accuser de manquer de convictions européennes, « le traité de Maastricht est une oeuvre remarquable sans conteste, (mais qui donne) l'impression d'une parfaite machine moderne, particulièrement sophistiquée, qui ferait la joie de tout admirateur d'inventions techniques, mais à laquelle il manque, malgré tout, quelque chose d'humain » 21 ( * ) .

Il est clair qu'il était résolument inadéquat d'opposer la politique agricole commune, le fragile équilibre des politiques et des finances communautaires et les « sacrifices » que devraient consentir les peuples d'Europe occidentale pour intégrer ceux qui venaient de se libérer seuls du joug communiste après avoir subi pendant des décennies la dictature importée de Moscou. De même paraît aujourd'hui peu opportune la conviction exprimée par le chef de l'Etat français lors des Assises de la Confédération européenne, en juin 1991, selon laquelle il faudrait « des dizaines et des dizaines d'années » à ces pays avant d'être en mesure d'espérer rejoindre l'Europe communautaire. « Idéal de prospérité et de sécurité, celle-ci prenait des allures d'un cercle de privilégiés, construisant un nouveau mur -celui de la richesse- et attentifs à leurs seuls problèmes internes de croissance et d'approfondissement » 22 ( * ) .

3. Où il est permis de rêver à une autre Europe

Le décalage entre l'événement historique colossal que constituaient la chute du mur de Berlin et l'effondrement du communisme à l'Est, et le manque d'imagination, voire la frilosité dont a fait preuve l'Europe communautaire à l'égard de ses voisins de l'Est, est donc patent. Votre rapporteur ne peut s'empêcher de trouver ce hiatus consternant, tout en comprenant que, pour des partisans convaincus de l'édification communautaire, accueillir les cousins est-européens au moment où la Communauté marchait vers l'Union représentait la quadrature du cercle. Il est probable que la prudence de la politique adoptée par les Douze (puis les Quinze) à l'égard de l'élargissement à l'Est constituait, et constitue encore, la seule solution viable . Il est néanmoins permis de rêver au tournant qu'aurait pu prendre l'Europe si les PECO avaient trouvé chez leurs voisins occidentaux une attitude plus conciliante, plus imaginative, plus créatrice.

N'oublions pas que, si la menace soviétique commençait, comme on le disait pendant la guerre froide, « à une étape du tour de France », c'est désormais « à une étape du tour de France » que se trouvent les PECO : la proximité géographique ne doit pas être éludée par le souvenir des décennies où ces pays, qui sont nos voisins, évoluaient dans un monde totalement étranger. La proximité culturelle ne doit pas non plus être oubliée : les affinités avec les peuples de l'Est que nous a léguées l'Histoire sont immenses.

C'est pourquoi on peut regretter qu'une occasion historique ait été manquée quand l'Europe communautaire a éludé la création de formules inédites d'adhésion, telle que celle d'un statut d'adhésion partielle à l'Union européenne 1. . Ce scénario aurait permis de tenir compte des difficultés économiques propres aux PECO, tout en tirant les conséquences de la nécessité de conforter ces jeunes démocraties, et, de ce fait, de stabiliser le continent européen.

Une telle évolution aurait, certes, requis un bouleversement complet de la philosophie communautaire, en rendant inéluctable l'inversion entre le politique et l'économique. Désormais le politique serait devenu le substrat de la construction communautaire, dont l'économique aurait été l'aboutissement. Les PECO, membres politiques de l'Union européenne, auraient participé à toutes les instances communautaires, sauf à celles liées au fonctionnement du marché : « Les anciens pays communistes auraient, de la sorte, trouvé l'ancrage démocratique qu'ils réclament à cor et à cri à l'Occident, et que nous devons offrir à des Européens qui ont mis à bas la forteresse communiste au nom de nos valeurs. L'adhésion économique, devenue seconde, aurait eu lieu plus tard et de façon empirique » 23 ( * ) . Une telle Communauté n'aurait pas été totalement en contradiction avec la réalité du fonctionnement de l'Union européenne : les exemptions accordées à Maastricht aux Britanniques puis aux Danois ont déjà validé l'idée d'une Union à plusieurs vitesses. Pourquoi donc avoir rejeté, au nom de critères économiques inadaptés aux réalités, des demandes d'adhésion politiquement incontestable ?

Aujourd'hui, les perspectives d'adhésion des pays de l'Est les plus avancés se rapprochent. Cette adhésion se fera selon des modalités classiques, et non selon l'architecture originale évoquée par Alain Minc. Votre rapporteur se félicite que M. de Charette, ministre des Affaires étrangères, se soit prononcé clairement, le 29 octobre dernier, pour l'entrée des pays d'Europe centrale et orientale dans l'Union , tout en persistant cependant à poser comme condition que la Conférence intergouvernementale de 1996 ait aménagé les modalités de décision au sein d'une Union de 27 membres. Mais il est permis de rêver qu'en 1990 une autre formule, plus généreuse, ait été imaginée. Une telle révolution des concepts communautaires aurait pu se produire si « la France et l'Allemagne n'avaient pas été prisonnières de l'a priori selon lequel il fallait renforcer l'Europe à douze avant de l'étendre à l'Est », si « le Royaume-Uni n'avait pas été accaparé par l'obsession d'obtenir un traitement spécifique », et si « les pays les moins riches de l'Union n'avaient pas vu dans l'élargissement une menace pour leur droit de tirage sur les subsides communautaires » 1 .

*

* *

Quelle est donc, dans ce contexte de très relative ouverture de l'Europe communautaire aux PECO, la place dévolue à ceux-ci dans l'architecture européenne de sécurité ? Là encore, force est de constater que, d'une part, les solutions proposées par l'Occident n'ont pas répondu aux attentes des anciens satellites de l'URSS, et que, d'autre part, il n'existe pas dans ce domaine de solution pleinement satisfaisante et accessible à court terme.

B. LES SOLUTIONS NÉCESSAIREMENT INCOMPLÈTES APPORTÉES AU BESOIN DE SÉCURITÉ DES PECO

Le vide stratégique créé au centre de l'Europe par la disparition du Pacte de Varsovie, les inquiétudes suscitées, à tort ou à raison, par les relations perçues comme néo-impérialistes instaurées par la Russie avec les anciennes républiques soviétiques de « l'étranger proche », et le risque lié au problème des minorités, omniprésent en Europe centrale et orientale, inspirent aux pays d'Europe centrale et orientale un besoin à la fois de sécurité collective , permettant le maintien de la paix dans les zones de crise, et de défense collective , apportant une garantie de sécurité en cas d'agression. Aucune des solutions mises en oeuvre à ce jour ne semblent en mesure de satisfaire l'intégralité de ces deux besoins.

1. Les avantages présentés par l'OTAN pour les PECO

C'est d'abord vers l'Alliance atlantique que les pays d'Europe centrale et orientale se sont tournés pour obtenir les garanties de sécurité dont ils se trouvaient privés après la chute du Pacte de Varsovie. L'OTAN demeure, en effet, l' « organisation commune de défense la plus opérationnelle sur le théâtre européen, disposant de l'essentiel des moyens d'intervention nécessaires » 24 ( * ) , et présentant le grand mérite, pour les anciens satellites de l'URSS, d'arrimer les Etats-Unis au continent européen.

Les arguments exposés, dans le cadre de l'Assemblée de l'Atlantique Nord, par Petre Roman, sont à cet égard très éclairants 25 ( * ) : « Le principal succès de l'OTAN au cours de la Guerre froide n'a pas été remporté par les armes, mais par l'imposition de la paix, qui a ainsi permis de sauvegarder les valeurs de la civilisation démocratique occidentale. C'est essentiellement pour cette raison que nous sommes tellement désireux de nous intégrer à l'OTAN, que nous considérons comme une garantie majeure et efficace pour notre développement démocratique futur (...) (L'Alliance) a été conçue pour (...) défendre ses membres contre eux-mêmes. (...) Par ailleurs, nous nous basons sur la solution trouvée, de façon identique, au conflit franco-allemand pour invoquer des arguments déjà bien connus en faveur de notre intégration à l'OTAN. (...) L'existence de l'OTAN et des autres organisations occidentales qui sont liées entre elles nous conforte dans les efforts que nous menons pour apporter notre contribution à la stabilité et à la sécurité régionales générales de l'Europe ».

Pour la plupart, ces arguments pourraient tout aussi bien être invoqués à l'appui d'une demande d'adhésion à l'Union européenne : l'OTAN est ainsi perçue comme une garantie contre les conflits locaux entre PECO, de même que l'appartenance de l'Allemagne et de la France à la Communauté économique et à l'Alliance atlantique ont chassé les vieux démons de l'antagonisme entre les deux adversaires.

2. La complexité des formules proposées

Les formules proposées aux PECO sont aussi complexes que partielles, même si leur bilan ne saurait être considéré comme négatif : association à l'OTAN et à l'UEO, et Pacte de stabilité en Europe conclu sous l'égide de l'Union européenne et de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).

a) La préparation de l'adhésion à l'OTAN

Après la création du Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA ou COCONA), première réponse de l'OTAN aux attentes des PECO, le Partenariat pour la paix (PPP), lancé en janvier 1994 au Sommet de l'Alliance atlantique de Bruxelles, était destiné à donner aux pays d'Europe centrale et orientale un « gage de la détermination de l'Occident à prendre en considération leurs intérêts de sécurité » 26 ( * ) . A ce jour, 26 pays ont signé le document-cadre proposé par les alliés -dont tous ne sont pas des PECO (Roumanie, Lituanie, Pologne, Estonie, Hongrie, Ukraine, Slovaquie, Lettonie, Bulgarie, Albanie, République tchèque, Moldavie, Géorgie, Slovénie, Azerbaïdjan, Suède, Finlande, Turkménistan, Kazakhstan, Kirghizistan, Russie, Ouzbékistan, Arménie, Biélorussie, Autriche et Malte). Au 30 mai 1995, 12 pays avaient fait adopter leur programme individuel de partenariat, base concrète de leur coopération avec l'OTAN (Pologne, Suède, Roumanie, Finlande, Hongrie, Slovaquie, République tchèque, Bulgarie, Lituanie, Albanie, Lettonie et Estonie). Ces programmes permettent l'organisation d'exercices militaires de terrain ou d'état-major, et visent parfois la participation de l'OTAN à la réorganisation des forces militaires des PECO. Dès l'automne 1994, trois exercices avaient été conduits (en Pologne, en mer du Nord et aux Pays-Bas). Le Partenariat pour la Paix permet donc un « rapprochement individualisé et pragmatique de ses participants » 1 avec l'Alliance.

Le PPP est considéré par les pays d'Europe centrale et orientale comme le préalable à leur intégration dans l'OTAN, mais cette formule ne saurait être à leurs yeux un substitut durable . En effet, le Partenariat pour la Paix n'est assorti d'aucune véritable garantie de sécurité. Il ne pouvait donc que « laisser sur leur faim des pays désireux (d'adhérer à l'OTAN) le plus rapidement possible » 27 ( * ) .

b) La formule d'association à l'Union de l'Europe occidentale

L'Union de l'Europe occidentale (UEO) a amorcé un retour sur la scène politico-militaire européenne avec la crise du Golfe et la négociation du traité de Maastricht. Jusqu'alors effacée et marginalisée par rapport à l'OTAN, l'UEO est définie dans le traité d'Union comme « partie intégrante du développement de l'Union », comme « composante de l'Union européenne et comme moyen de renforcer le pilier européen de l'Alliance atlantique ». L'UEO est donc liée à la fois à l'OTAN et à l'Union européenne.

En vertu de la décision du Conseil de l'UEO de Kirchberg, en mai 1994, les PECO sont devenus associés partenaires de l'Union de l'Europe occidentale. Ce statut prévoit la perspective d'adhésion pleine et entière à l'Union de l'Europe occidentale, et permet aux PECO d'assister aux réunions hebdomadaires de l'organisation, de participer à des manoeuvres et à des opérations communes (missions humanitaires, opérations de maintien de l'ordre ou de rétablissement de la paix), et d'envoyer des officiers de liaison auprès de la cellule de planification de l'UEO. Notons néanmoins que les PECO ne disposent d'aucun droit de veto au sein de l'UEO, tout en étant en mesure, de par leur statut, de participer à l'élaboration de la future architecture de sécurité et de défense commune.

c) Le Pacte de stabilité en Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)

Le processus qui a débuté en décembre 1993, lors de la Conférence sur la stabilité en Europe, mérite un développement particulier, car il se situe entre l'Union européenne, dont il constitue une action commune mise en oeuvre au titre de la PESC (politique extérieure et de sécurité commune), et l'OSCE qui est chargée de son suivi.

. Rappelons que l'OSCE est l'héritière, depuis décembre 1994, de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). Celle-ci avait été lancée par l'Acte final d'Helsinki en 1975, et avait connu en 1990 un tournant significatif avec la Charte de Paris pour une nouvelle Europe, qui prévoyait notamment de poursuivre des négociations sur les mesures de confiance et de sécurité, affirmait les principes d'état de droit, de respect des identités ethniques, religieuses, culturelles et linguistiques des minorités nationales, et appelait à des relations amicales entre les Etats participants (48 Etats européens, Etats-Unis, Canada). Sur le plan institutionnel, l'OSCE s'appuie sur un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui a lieu tous les deux ans, un Conseil des ministres des affaires étrangères qui se réunit une fois par an, un Comité des hauts fonctionnaires (deux fois par an), un Secrétariat établi à Prague, un Bureau des élections libres à Varsovie, un Centre de prévention des conflits à Vienne, et un « Conseil permanent » qui se réunit désormais toutes les semaines à Vienne au niveau des ambassadeurs.

L'OSCE joue, depuis le Sommet de Budapest de décembre 1994, un rôle accru dans le domaine de la prévention des conflits et de la gestion des crises .

A cet égard, notons la participation de l'OSCE aux négociations s'efforçant d'apporter une solution aux contentieux russo-letton et russo-estonien, aux conflits de Transdniestrie (Moldavie), du Haut-Karabakh (Arménie-Azerbaïdjan), d'Ossetie du Sud (Géorgie), du Tadjikistan, et aux difficultés liées à la définition du statut de la Crimée (Ukraine). Dans le cadre du conflit en ex-Yougoslavie, des missions de longue durée avaient été mises en place en Macédoine, au Kosovo et en Voïvodine pour jouer un rôle de médiation et éviter une extension de conflit. En Tchétchénie, une mission de l'OSCE (6 membres dont un diplomate français), a notamment pour rôle de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, de favoriser le retour des réfugiés, et d'encourager la poursuite des négociations.

La multiplication des missions de l'OSCE traduit le rôle croissant de cette organisation paneuropéenne dans le domaine de la diplomatie préventive et de la stabilité en Europe, mais aussi dans celui de la gestion directe des crises en Europe. Dans le même esprit, l'ouverture d'une réflexion, au sein de l'OSCE, sur « le modèle de sécurité global pour le XXIe siècle » annonce la participation de l'OSCE à la future architecture européenne de sécurité.

. Exercice de diplomatie préventive, la Conférence sur la stabilité en Europe visait à aider les futurs membres de l'Union à établir des relations de confiance au niveau régional, en concluant des accords de bon voisinage, et en favorisant le dialogue politique et la coopération dans l'ensemble de la région.

Cette conférence a abouti, en mars 1995, à l'adoption d'un Pacte de stabilité composé :

- d'une liste d'accords de bon voisinage, arrangements et déclarations politiques (une centaine d'accords ont ainsi été passés entre les PECO et Bruxelles, entre les pays associés eux-mêmes, et entre ceux-ci et leurs voisins. Cette liste pourra être complétée notamment par les accords attendus entre la Roumanie et la Hongrie, et entre la Russie et l'Estonie ;

- d'une déclaration politique de tous les Etats membres de l'OSCE, par laquelle les signataires déclarent leur intention de recourir, le cas échéant, aux instruments et aux procédures de l'OSCE.

Le bilan de cette action commune est positif. Les relations de la Hongrie et de ses voisins se sont ainsi notablement améliorées. Les relations entre les pays baltes et la Russie ont également progressé.

. En confiant à l'OSCE le suivi du Pacte de stabilité en Europe, la Conférence a confirmé la participation croissante de l'OSCE à la stabilité en Europe.

3. L'absence de solution véritablement convaincante dans l'immédiat

En dépit des progrès accomplis par l'OSCE dans le domaine de la stabilité en Europe, force est de constater que c'est dans le cadre de l'OTAN, voire de l'UEO, que peut être assurée la sécurité des pays d'europe centrale et orientale.

Or aucune de ces organisations ne constitue encore, à ce jour, une solution intégralement adaptée au besoin de sécurité de ceux-ci.

En effet, l'élargissement de l'OTAN pose la question de l'opposition de la Russie, et du souci des Occidentaux de ménager l'héritière de l'URSS. Par ailleurs, l'OTAN et l'UEO ne semblent pas en mesure, en l'état actuel de leur organisation, de fournir aux pays de l'Est une véritable garantie de sécurité.

a) L'opposition de la Russie à l'élargissement de l'OTAN

Vu de Washington, l'élargissement de l'OTAN présente l'avantage de renforcer la légitimité de l'Alliance, à une période où l'effondrement du Pacte de Varsovie a pu susciter quelques interrogations sur l'opportunité de maintenir une organisation née de la guerre froide.

Vu de Moscou, l'élargissement de l'OTAN est perçu comme une résurgence de l'Europe des blocs, alors que c'est d'un système de sécurité paneuropéen que l'Europe a besoin.

La question, selon la Russie, est donc de savoir dans quelle mesure, en reportant à une date ultérieure et indéterminée l'adhésion des PECO à l'OTAN, les membres de l'Alliance entendent donner à la Russie une sorte de droit de veto sur la sécurité européenne, et dans quelle mesure le "partenariat spécial" entre la Russie et l'OTAN (qui devrait être également proposé à l'Ukraine) peut atténuer l'inquiétude de Moscou. Une autre piste à envisager pour apaiser les réticences russes réside probablement dans le renforcement de l'OSCE. En effet, l'OSCE est la seule organisation de sécurité dont la Russie a accepté l'assistance en Tchétchénie. Sa participation croissante à la gestion des crises en Europe, et sa contribution à la réflexion actuelle sur l'avenir de la sécurité européenne, font probablement de l'OSCE un moyen de mieux intégrer la Russie dans l'architecture européenne de sécurité, et de conjurer le syndrome d'isolement suscité en Russie par les perspectives d'élargissement de l'OTAN.

b) Questions posées par l'avenir de l'OTAN et de l'UEO

On peut s'interroger sur la garantie que constituerait, pour les PECO, dans la perspective de l'élargissement de l'OTAN, l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord. Celui-ci prévoit, en effet qu'une attaque armée contre une Partie au traité est "considérée comme une attaque dirigée contre les autres Parties", et qu'en conséquence, chaque Partie prendra aussitôt "telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité" dans la région couverte par le traité.

On remarque donc que le traité de l'Atlantique Nord s'appuie sur l'hypothèse d'une attaque armée pour motiver l'engagement des autres Parties, alors même que la situation en Europe rend prioritaire la gestion de crises qui n'induisent pas nécessairement une attaque armée contre une Partie au traité. Par ailleurs, notons que l'article 5 s'abstient de définir de véritables obligations collectives : chaque Partie reste libre de son choix (intervention ou abstention, recours à la force armée ou non). L'enjeu est donc l'évolution de l'OTAN vers un système de sécurité collective adapté au risque de crise périphérique en Europe. Une première étape a constitué à faire admettre le principe d'une utilisation des moyens de l'OTAN par l'UEO, lors du sommet de l'OTAN de janvier 1994 (par la création de groupes de forces interarmées multinationales ou GFIM, qui visent à permettre une plus grande souplesse dans le fonctionnement de l'organisation militaire intégrée, pour répondre à de nouvelles missions de gestion des crises). Ce tournant, motivé par les enseignements du conflit en ex-Yougoslavie, se heurte néanmoins à une difficulté importante : l'OTAN pourrait ainsi n'offrir qu'un "cadre de sécurité conditionnelle et non plus automatique" 28 ( * ) , en fonction des objectifs américains dont la sécurité européenne serait alors dépendante.

La garantie de sécurité que l' UEO est susceptible d'offrir aux pays d'Europe centrale et orientale suscite également quelques interrogations. L'article V du traité de 1954 prévoit en effet, qu'en cas d' "agression armée" contre l'une des Parties, "les autres lui porteront (...) aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, militaires et autres". Plus contraignant pour les Parties, certes, que la clause correspondante du traité de l'Atlantique Nord, l'article V du traité de Bruxelles n'en est pas moins, lui aussi, inadapté à l'hypothèse de crises périphériques, aujourd'hui plus pressante que celle d'"attaques armées".

Un frémissement se manifeste néanmoins actuellement sur la voie du renforcement opérationnel de l'UEO, et de la participation de celle-ci à la gestion des crises : désignation par les Etats membres de forces susceptibles d'être placées sous l'autorité de l'UEO (il s'agit de l'Eurocorps et des projets d'Eurofor, à vocation terrestre, et d'Euromarfor, à vocation maritime, entérinés en mai 1995), et création de Groupes de forces interarmées multinationales (voir supra). Le conflit en ex-Yougoslavie n'en constitue pas moins une illustration très décevante de la difficulté à mettre en place des opérations communes dans le cadre de l'UEO, limitées de facto à la surveillance de l'embargo contre la Serbie-Montenegro. Les interventions décisives en Bosnie sont des opérations de l'OTAN (surveillance aérienne et protection de la FORPRONU) et des initiatives nationales ou bilatérales (cf la force de réaction rapide franco-britannique).

La sécurité des pays d'Europe centrale et orientale semble donc irréductiblement liée, ainsi que le confirme l'expérience de l'amitié franco-allemande dans le cadre de la CEE, puis de l'Union, à leur appartenance à l'Union européenne . L'étroitesse des liens -commerciaux, juridiques, politiques- suscités par l'appartenance à l'Union semble, en effet, le meilleur garant non seulement contre l'instabilité de cette zone, mais aussi contre une éventuelle agression extérieure. On imagine mal, en effet, un membre de l'Union faisant l'objet d'une attaque armée qui ne serait pas protégé par les autres membres, au motif qu'il n'appartient pas à l'OTAN ou qu'il n'est qu'associé à l'UEO ...

C'est donc bien dans l' élargissement de l'Union , repoussée au moment de l'effondrement du mur de Berlin à un terme indéfini, mais qui paraît aujourd'hui pouvoir être envisagé vers le début du siècle prochain, que résident les solutions au besoin de sécurité des PECO.

CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR

Votre rapporteur regrette vivement que le ministère des affaires étrangères soit soumis à l'effort de rigueur budgétaire actuellement entrepris précisément au moment où notre outil diplomatique est confronté à tant de défis . Notre politique est, en effet, à la veille de choix décisifs . A l'heure où il est clair que la diplomatie française sera économique ou ne sera pas, et que notre effort doit être redéployé vers des régions où la présence de la France est trop modeste -pays d'Europe centrale et orientale, Amérique Latine, Asie, Asie centrale-, il importe d'intégrer, dans toute réflexion sur notre politique étrangère, une vision à moyen et long termes . Dans cette perspective, il faut considérer le budget du Quai d'Orsay comme un investissement pour l'avenir. Les crédits actuels du ministère des affaires étrangères préparent, en effet, le rayonnement et la présence de la France dans le monde à l'échéance d'une à deux décennies. En sacrifiant ces crédits, comme c'est le cas depuis de nombreuses années, on compromet un capital certes encore riche, mais nous savons que ces choses-là sont rapidement réversibles.

C'est pourquoi, conscient que le ministère des affaires étrangères n'est pas un ministère « nanti », votre rapporteur s'était abstenu de toute réflexion sur la possibilité de réaliser des économies supplémentaires sur des crédits déjà passablement étriqués. Eu égard aux réductions votées par l'Assemblée nationale, c'est avec quelques réticences que votre rapporteur vous propose, malgré tout, d'adopter le budget du ministère des affaires étrangères.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport pour avis au cours de sa réunion du 22 novembre 1995.

A l'issue des exposés de MM. André Dulait et Guy Penne (sur le budget des relations culturelles extérieures), un débat s'est instauré sur le budget du ministère des affaires étrangères.

M. Jacques Habert a déploré la baisse continue, au fil des ans, des crédits d'action culturelle. Se félicitant toutefois de la préservation de la dotation de l'AEFE, il a regretté que la création de celle-ci ait abouti à solliciter les établissements eux-mêmes et donc les parents d'élèves, affectés par la hausse des droits d'écolage. Il a souhaité qu'il soit procédé à des aménagements réglementaires afin de faciliter les recrutements d'enseignants détachés administratifs. M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a fait observer que le ministère des affaires étrangères ne disposait guère de moyens de pression pour faire en sorte que ses crédits soient préservés. Il a reconnu, avec M. Jacques Habert, que l'aménagement du décret de 1990 sur les enseignants, prenait du retard. Il a enfin estimé opportun qu'un débat de fond ait lieu sur la finalité de la politique de l'enseignement français à l'étranger et sur ses moyens.

Mme Monique Ben Guiga, constatant que le maintien des structures de notre action culturelle extérieure s'accompagnait d'une forte réduction de leurs moyens, s'est interrogée sur ce que la commission pouvait faire pour tenter d'enrayer cette évolution. Elle a d'autre part rappelé que le ministère des affaires étrangères ne concourait qu'à hauteur de 20 % de l'ensemble des crédits consacrés par la France à son action extérieure. Elle a enfin déploré l'incapacité dans laquelle se trouvait le ministère des affaires étrangères, faute de moyens, de répondre à la demande de documents d'état civil, qui concernait 5 à 6 millions de nos compatriotes.

M. Xavier de Villepin, président, a estimé que le premier souci de la commission devait être d'obtenir une présentation claire et exhaustive de l'ensemble des crédits qui concourent à l'action extérieure de la France, afin d'en permettre une remise en ordre.

M. Charles Pasqua a rappelé qu'il revenait évidemment au ministre des affaires étrangères de conduire notre politique extérieure, alors que les moyens lui faisaient cruellement défaut. Il a estimé inacceptable l'insuffisance des moyens nécessaires à la délivrance de documents administratifs. Puis, évoquant notre enseignement à l'étranger, M. Charles Pasqua a fait observer que le développement économique de la France était en partie conditionné à notre capacité à conquérir des marchés extérieurs. Or de nombreux Français hésitent à s'expatrier, en particulier à cause des inquiétudes qu'ils éprouvent quant à l'éducation de leurs enfants. Il importait donc, a-t-il conclu, que les Français expatriés ne soient pas traités différemment des autres, sur le plan de l'enseignement.

M. Guy Penne, rapporteur pour avis, a signalé que des moyens supplémentaires étaient nécessaires, notamment au Liban où la Mission laïque française cherche à construire de nouvelles écoles dans le sud du pays. Il a également souligné les difficultés que rencontraient nos compatriotes désireux de s'expatrier.

Après que M. Guy Penne eut indiqué à M. Philippe de Gaulle les effectifs d'enfants scolarisés dans notre réseau d'enseignement à l'étranger -environ 200.000-, M. Jean Clouet a fait observer que la législation actuelle ne permettait pas aux maires de connaître la proportion d'élèves étrangers présents dans les écoles de leurs communes. Il a également souhaité connaître l'état récapitulatif des crédits de l'action de l'Etat à l'étranger. M. Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est pour sa part interrogé sur les concours financiers des collectivités locales dans ce domaine.

M. Xavier de Villepin, président, a indiqué aux commissaires que des documents existaient déjà, faisant d'une part l'inventaire des crédits concourant à l'aide au développement consentie par la France et présentant, d'autre part, les crédits de toute nature destinés à l'action extérieure. Il a rappelé l'annonce faite par le Gouvernement d'élaborer, à partir de 1996, un véritable budget de l'action extérieure de la France. Il a fait observer que les crédits d'investissement pour l'enseignement français à l'étranger ne permettaient pas de satisfaire la demande. Evoquant la nécessité soulignée par M. André Dulait de faire des choix dans notre action diplomatique compte tenu du contexte financier, M. Xavier de Villepin, président, a indiqué que ceux-ci seraient difficiles, certaines régions ayant un intérêt essentiel pour notre pays, notamment le Maghreb et l'Afrique.

La commission a alors adopté l'ensemble des crédits du ministère des affaires étrangères inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996 , Mme Monique Ben Guiga, au nom du groupe socialiste, et Mme Danielle Bidard-Reydet, au nom du groupe communiste , indépendant et citoyen , votant contre.

ANNEXE

Etat récapitulatif des crédits de toute nature

concourant à l'action extérieure de la France

(1995-1996)

1995

1996

Crédits 1995

(en millions de francs)

Part dans l'ensemble des crédits d'action extérieure en 1995

Crédits 1996 *

(en millions de francs)

Part dans l'ensemble des crédits d'action extérieure en 1996

1) Budget général

- dépenses civiles

. affaires étrangères

. coopération

. charges communes

. éducation nationale

. autres **

TOTAL dépenses civiles

- défense (services à l'étranger

Total budget général

15 168,88

7 754,17

22 953,4

3 833,06

10 387,21

60 096,72

1 095,44

61 192,16

19,47 %

9,95 %

29,46 %

4,92 %

13,33 %

77,14 %

1,4 %

78,55 %

15 126,94

7 332,73

13 681,54

3 899,57

10 700,66

49 629,67

1 111,77

50 741,44

25,88 %

12,54 %

23,41 %

6,67 %

18,31 %

84,92 %

0,19 %

86,83 %

2) Budget annexe de l'aviation civile

312,8

0,4 %

332,65

0,56 %

3) Comptes spéciaux du trésor ***

16 392,6

21,04 %

7 363,10

12,6 %

TOTAL GÉNÉRAL

77 896,94

-

58 437,19

-

* Crédits avant amendements de l'Assemblée nationale.

** Aménagement du territoire, agriculture, anciens combattants, culture, jeunesse et sport, tourisme, travail, santé, ...

*** Soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie des programmes audiovisuels, prêt du Trésor à des Etats étrangers et à la Caisse française de développement, prêts du Trésor pour la consolidation des dettes envers la France, exécution des accords internationaux relatifs à des produits de base, emploi de la taxe parafiscale affectée au financement des organismes du service public de radiodiffusion sonore et de la télévision.

* 1 Voir en annexe le tableau récapitulatif, pour 1995 et 1996, de l'ensemble des crédits contribuant à l'action extérieure de l'Etat.

* 2 Le transfert au Secrétariat d'Etat à l'action humanitaire représente 2,5 millions de francs, prélevés sur le chapitre 42-37 (Fonds d'urgence humanitaire). Le transfert au ministère de la Défense s'élève à quelque 22 millions de francs, et compense la prise en charge, par les crédits de la défense, de 28 emplois d'attachés de Défense en Afrique francophone et à Madagascar jusqu'à présent imputés sur le budget des Affaires étrangères.

* 3 Voir l'analyse détaillée présentée chaque année par M. Guy Penne.

* 4 Voir l'excellent rapport de M. Guy Penne sur les moyens consacrés aux relations culturelles extérieures.

* 5 La subvention accordée à l'OFPRA en 1995 s'élevait à 109,61 millions de francs avant régulation. Les recettes propres de l'établissement s'élevant à 1,69 million de francs, les crédits de l'Office représentent 111,3 millions de francs. L'essentiel est consacré à la masse salariale, soit 68,08 millions de francs en 1995. L'OFPRA emploie en effet 288 agents, dont 25 contractuels.

* 6 cf le rapport précité de M. Guy Penne.

* 7 Sur la base de 988 dollars par homme et par mois pour les soldes , auxquels s'ajoutent 75 dollars, par homme et par mois pour les indemnités d'habillement et d'équipement , et 291 dollars par homme et par mois pour les indemnités de « spécialistes » . Notons que ces taux n'ont pas été revus depuis 1990. Les biens consommables, frais de transport et équipements sont remboursés sur la base de justificatifs produits par les Etats. Les locations ou ventes de matériels à l'ONU obéissent à des modalités spécifiques, s'appuyant sur des règles d'amortissement particulières. Les Nations Unies remboursent également les indemnités pour maladie, invalidité et décès.

Les remboursements concernent d'abord les dépenses de fonctionnement, puis les obligations dues au titre des troupes, et enfin la mise à disposition de matériels. Les délais sont donc très variables. L'amélioration du suivi administratif, par l'ONU, des dépenses engagées par les Etats a permis aux délais de remboursement de passer, dans le meilleur des cas, de 10 mois il y a un an à environ 6 mois.

* 8 Sur ces 50,5 millions de francs, 24 ont été consacrés à des actions précises. 6,5 millions de francs ont été affectés à l'ex-Yougoslavie, 3 millions de francs au rapatriement des réfugiés rwandais au Zaïre, 1 million de francs au rapatriement des réfugiés rwandais au Burundi, 2 millions de francs aux réfugiés afghans, 1 million de francs aux réfugiés azerbaïdjanais, 1 million de francs à la Tchétchénie, 1 million à la Géorgie. Une réserve de 8 millions de francs ne sera débloquée par le HCR que sur consignes du Quai d'Orsay.

* 9 Les pays dits "du champ" sont pris en charge par la mission militaire de coopération du ministère délégué à la coopération.

* 10 Les crédits destinés au Conseil supérieur des Français de l'étranger passent de 9,7 à 9,9 millions de francs (+ 2%). Ils contribuent au financement des déplacements et indemnités des délégués, de la réunion annuelle et des éventuelles réunions de commissions, ainsi que la publication de documents.

* 11 L'un des services de la Direction des Français de l'étranger attribue un soutien administratif aux Français souhaitant adopter un enfant étranger, sur le fondement de la convention de La Haye sur l'adoption internationale. Ce service constitue l'interface entre les ministères français compétents (affaires sociales, justice ...) et les organismes internationaux.

* 12 L'ambassadeur de France à Moscou est accrédité dans ces quatre anciennes républiques soviétiques.

* 13 Depuis juin 1995, Asmara relève de notre ambassade à Djibouti.

* 14 Votre rapporteur souhaite rendre hommage au travail accompli par M. Jacques Golliet (rapport n° 567, 1993-1994, L'élargissement à l'Est de l'Union européenne : quelles perspectives ? ) et par MM. de Villepin, Bourges, Guéna, d'Aillières, Caldaguès, Chambriard, de Cossé-Brissac, Crucis, Guyomard et Maurice-Bokanowski (rapport n° 257, 1994-1995, La rénovation de l'Alliance atlantique et le développement de l'UEO ) .

* 15 Milan Kundera, Un occident kidnappé, la tragédie de l'Europe centrale (Le Débat, novembre 1983).

* 16 Jacques Rupnik, Françoise de La Serre, Christian Lequesne, L'Union européenne : ouverture à l'Est ? PUF 1994.

* 17 Jacques Rupnik, Françoise de La Serre et Christian Lequesne, op. cit.

* 18 J. Golliet, op. cit.

* 19 Rapport Ramsès 1996.

* 20 Rapport Ramsès 1996.

* 21 Cité par J. Rupnick, F. de la Serre, C. Lequesne, op cit.

* 22 Pierre Lellouche, L' Europe et sa sécurité . Assemblée nationale, n° 1294, mai 1994.

* 23 Alain Minc, Le nouveau Moyen-Age, 1993.

* 24 P. Lellouche, op. cit.

* 25 Petre Roman, rapporteur associé, « Comprendre et assurer une sécurité mutuelle : un défi pour nous tous », Groupe de travail sur les organisations transatlantiques et européennes, AAN, 1995.

* 26 Rapport Ramsès 1996

* 27 Rapport Ramsès 1996.

* 28 P. Lellouche, op. cit.

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