LISTE DES ANNEXES

Annexe n° 1 -

Auditions communes à la Commission des lois et à la Commission des Affaires sociales : bulletin du 20 mars 1996

Annexe n° 2

Examen du rapport de M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis

Annexe n° 3

Auditions menées par le rapporteur

Annexe n° 4

Convention de La Haye du 29 mai 1993

Annexe n° 5

Fiche de renseignements proposée à la femme accouchant secrètement dans le département de la Loire

Annexe n° 6

Type de renseignements non identifiants qui pourraient être recueillis lors d'un accouchement secret : exemple extrait du rapport de M. Mattéi intitulé « Enfants d'ici, enfants d'ailleurs »

ANNEXE N° 1 - AUDITIONS COMMUNES À LA COMMISSION DES LOIS ET À LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES : BULLETIN DU 20 MARS 1996

Le mercredi 20 mars 1996, au cours d'une première séance tenue dans la matinée, sous la présidence de MM. Jacques Larché et Jean-Pierre Fourcade, présidents, conjointement avec la commission des affaires sociales, la commission a procédé à des auditions sur la proposition de loi n° 173 (1995-1996) de M. Jean-François Mattéi, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture et relative à l'adoption.

M. Jacques Larché, président, s'est réjoui que les commissions des lois et des affaires sociales procèdent conjointement à des auditions sur l'adoption et a souligné le caractère fructueux de leur collaboration.

La commission a tout d'abord entendu M. Pierre Pascal, président du groupe de réflexion sur l'accès aux origines, président de l'Office des migrations internationales, et Mme Tondi, rapporteur de ce groupe.

M. Pierre Pascal a tout d'abord rappelé que le groupe de réflexion sur l'accès aux origines avait été créé à l'initiative de Mme Simone Veil, alors ministre des affaires sociales, après la remise par M. Jean-François Mattéi, député, de son rapport sur l'adoption. Celui-ci préconisait le recueil systématique d'informations non identifiantes sur l'enfant dont la mère biologique avait choisi l'anonymat au moment de l'accouchement ou de la remise aux fins d'adoption. Il a indiqué que la lettre de mission rédigée par Mme Veil mettait l'accent sur la nécessité de répondre à la souffrance morale des pupilles et anciens pupilles tout en respectant la volonté des parents ayant remis leur enfant en vue d'adoption. Il a précisé que le groupe était composé de vingt-et-une personnalités choisies par le ministre parmi les associations familiales représentatives, les services sociaux départementaux, des magistrats et des professeurs de droit, les administrations centrales concernées, auxquelles s'étaient joints un représentant du médiateur et un représentant de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), avant de signaler que, compte tenu de cette composition, il avait été quasiment impossible de formuler des propositions susceptibles de recueillir l'unanimité, ce qui expliquait que des observations dissidentes aient été annexées au rapport.

M. Pierre Pascal a ensuite souligné que deux principes fondamentaux n'étaient pas remis en cause : d'une part, l'accouchement anonyme, d'autre part, le secret de l'identité demandé lors de la remise de l'enfant. Puis, il a rappelé les grandes lignes du droit positif et l'éparpillement des sources avant d'évoquer la diversité des pratiques suivies par les services départementaux d'aide sociale mise en lumière par les réponses apportées au questionnaire envoyé par le groupe de réflexion par quatre-vingt-onze présidents de conseil général et confirmée par l'enquête réalisée auprès de onze départements.

Évoquant l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale relatif à la situation des pupilles de l'État, il a estimé souhaitable de corriger les inexactitudes, incohérences, contradictions et aberrations qu'il contient. Il a notamment signalé que le texte confondait les cas de recueil d'un enfant trouvé ou orphelin avec la remise de l'enfant par une personne habilitée. Il a par ailleurs estimé indispensable d'exiger que la personne remettant l'enfant apporte la preuve d'une habilitation indiscutable. Enfin, il s'est réjoui que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale limite à la première année de l'enfant la faculté pour ses parents de demander que leur anonymat soit préservé.

M. Pierre Pascal a ensuite évoqué l'instruction générale de l'état civil qui prévoit l'établissement d'un acte de naissance provisoire pour les enfants remis aux fins d'adoption par des parents ayant réclamé la préservation de leur anonymat. Il a estimé que la modification complète du lieu et de la date de naissance était d'autant plus préjudiciable que les intéressés l'ignoraient. Il a considéré que dans nombre de cas, la pratique administrative était allée très au-delà du code civil lorsque le secret n'avait pas été réclamé par les parents, et qu'elle conduisait notamment à priver les fratries de la connaissance même de leur existence. Il a rappelé que le rapport remis en 1983 par le Conseil supérieur de l'adoption évoquait déjà cette difficulté mais que la Chancellerie s'était contentée de renvoyer au dernier alinéa de l'article 58 du code civil qui prévoit l'annulation de l'acte provisoire de naissance à la requête du procureur de la République ou des parties intéressées.

M. Pierre Pascal a estimé que la proposition faite par M. Mattéi de réduire à un an le délai pendant lequel les parents peuvent demander le secret de leur identité devait être retenue et surtout complétée par une modification de l'article 58-1 du code civil garantissant à l'enfant remis dans ces conditions que son acte d'état civil était conforme à la réalité.

S'agissant du recueil d'éléments non identifiants, il a fait observer que la proposition de loi ne mentionnait que la mère alors que le père pouvait également remettre l'enfant et fournir le cas échéant de telles informations. Il a également souligné qu'elle était en retrait par rapport à la réalité des pratiques actuelles des services sociaux qui, dans nombre de cas, procèdent au recueil d'informations beaucoup plus nombreuses que celles envisagées par le rapport de M. Mattéi. Enfin, il a suggéré que la loi autorise également le recueil de documents éventuellement identifiants comme des lettres ou des photos.

M. Pierre Pascal a ensuite constaté que l'égalité des droits n'était pas respectée entre les enfants selon qu'ils étaient remis à l'aide sociale à l'enfance ou aux oeuvres pour l'adoption. Il a estimé que le passage par le service public se révélait en définitive plus contraignant et plus pénalisant pour les pupilles.

Il a par ailleurs relevé que le secret de l'identité des parents ne pouvait être demandé en cas de déchéance de l'autorité parentale ou d'abandon judiciaire alors que ce secret répondrait parfois à l'intérêt de l'enfant.

De manière générale, M. Pierre Pascal a considéré que le point d'équilibre se trouvait dans une juste conciliation des droits des parents et des enfants, inscrite dans l'évolution internationale qui conduit à reconnaître de plus en plus de droits propres aux enfants.

En conclusion, il a insisté sur cinq propositions fondamentales :

- 1'établissement d'un véritable état civil pour les enfants remis par des parents ayant souhaité conserver l'anonymat,

- le recueil systématique des éléments non identifiants au moment de l'accouchement ou de la remise de l'enfant,

- le recueil d'informations identifiantes dès lors que les parents le souhaitaient,

- l'information des parents sur la faculté de revenir sur leur décision d'anonymat,

- la mise en place d'une structure de médiation permettant de rapprocher, le cas échéant, les parents d'origine et les enfants dès lors que ce souhait serait formulé de part et d'autre.

Il a estimé que cette dernière évolution devait être encouragée sauf à accepter le développement d'enquêtes privées incontrôlées, susceptibles de constituer à terme un marché des origines.

Mme Laurie Tondi a évoqué les enseignements tirés des questionnaires adressés à l'ensemble des présidents de conseil général et fait valoir notamment que de nombreux départements n'appliquaient d'ores et déjà l'anonymat qu'aux enfants âgés de moins d'un an et considéraient que celui-ci ne portait que sur l'identité des parents et non sur la totalité de l'état civil de l'enfant. Elle a par ailleurs relevé que de nombreux services d'aide sociale à l'enfance encourageaient les parents à communiquer des informations non identifiantes dont le contenu allait parfois très au-delà de ce qui était envisagé par le professeur Mattéi. Elle a signalé que certains services faisaient état du recueil de lettres, de photos, d'objets, voire même, ce qui était choquant, d'informations relatives à la conduite, à la moralité ou à l'intelligence de la mère. Elle a par ailleurs précisé que plus de 26.000 demandes d'information avaient été présentées au cours des cinq dernières années, soit par des pupilles ou anciens pupilles soit par leurs descendants, et que les réponses apportées par les services étaient très variables, certains d'entre eux ayant même pris l'initiative d'organiser des rapprochements entre les pupilles ou anciens pupilles et leurs parents d'origine.

Elle a donc conclu à la nécessité d'une clarification et d'un encadrement des pratiques actuelles.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a rappelé que l'instruction générale tendait à garantir effectivement le respect de l'anonymat souhaité par les parents, lequel exigeait dans certains cas une modification du lieu ou de la date de naissance afin de prévenir une identification indirecte. Il a par ailleurs indiqué qu'il lui paraissait difficile d'accepter le dépôt de lettres ou de photos, et de prétendre respecter simultanément l'anonymat souhaité par les parents. En conclusion, il a souhaité savoir comment M. Pascal conciliait son souci de favoriser le plus possible l'information de l'enfant désireux de connaître ses origines et le maintien de l'anonymat aujourd'hui garanti par la loi, soit lors de l'accouchement, soit lors de la remise de l'enfant aux services sociaux.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, a souhaité connaître la forme juridique que pourrait prendre l'instance de médiation et son rôle. Il a craint que l'ouverture d'un accès illimité aux origines fragilise l'adoption plénière.

M. Claude Huriet a évoqué l'hypothèse de la création d'un conservatoire du secret.

M. Georges Mazars a estimé qu'il était important d'entendre les souhaits des pupilles et de ne pas simplement songer à préserver à tout prix le secret imposé unilatéralement par les parents d'origine.

Mme Michelle Demessine a considéré que l'examen de la proposition de loi donnait aux parlementaires l'occasion de mieux comprendre les souffrances des pupilles de l'État. Elle s'est par ailleurs déclarée choquée que des parents puissent remettre des enfants âgés de cinq ou six ans et demander la préservation de leur anonymat. Enfin, elle a estimé que le secret de l'accouchement devait pouvoir être protégé à la demande de la mère.

M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, a estimé que la rédaction de l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale devait être revue si la clarification du régime juridique de la remise de l'enfant l'exigeait. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'opportunité de communiquer des renseignements non identifiants au risque de créer un sentiment de frustration pour les adoptés et de faire éclater la famille adoptive.

M. Jacques Larché, président, a estimé qu'il convenait de trouver un équilibre prenant en compte l'ensemble des préoccupations des familles d'origine, des familles adoptives et des enfants adoptés, sans compromettre la nouvelle stabilité à laquelle l'enfant serait parvenu dans sa famille adoptive.

M. Pierre Pascal a estimé qu'une proposition de loi relative à l'adoption n'était pas le meilleur cadre pour aborder dans leur ensemble les problèmes soulevés par les origines des pupilles de l'État. Il a notamment rappelé que de très nombreux pupilles n'étant pas adoptés, la question de leurs origines revêtait pour eux une importance toute particulière. Il a par ailleurs confirmé que les ouvertures proposées par le rapport du groupe de réflexion n'avaient pas pour objet de permettre aux enfants abandonnés d'engager des actions en recherche de maternité et de paternité.

Il a enfin précisé que l'instance de médiation était destinée à favoriser un rapprochement entre les parents d'origine et l'enfant dès lors qu'un souhait d'échange d'informations ou de rencontre était formulé de part et d'autre. Il a considéré que cette structure devait être administrative et non juridictionnelle, et que son rôle consisterait essentiellement à vérifier que les parents d'origine et l'enfant souhaitaient effectivement échanger des informations identifiantes, voire même se rencontrer.

**La commission a ensuite entendu M. Gérard Cornu, professeur émérite à l'Université de Paris - II Panthéon-Assas.

Le Doyen Cornu a rappelé que l'adoption était une institution au même titre que le mariage mais qu'elle faisait en outre l'objet d'un double contrôle, administratif et juridictionnel. Il a constaté que la proposition de loi restait fidèle à ces principes mais que les modifications qu'elle apportait pouvaient susciter certaines réserves. Il a ainsi considéré que l'abaissement à vingt-huit ans de l'âge minimum pour adopter et la réduction du délai de rétractation à six semaines pouvaient constituer un gain de temps mais risquaient de nuire dans certains cas aux intérêts de l'enfant et, en raison d'un décompte malaisé, de compliquer la situation des mères en détresse. Il a jugé préférable de fixer un délai exprimé en mois et non en semaines. Il a en outre considéré qu'il n'était probablement pas souhaitable d'encourager l'adoption d'enfants par des célibataires et suggéré que pour eux l'âge minimum pour adopter soit maintenu à trente ans.

Évoquant ensuite le changement de dénomination de l'adoption simple qui deviendrait l'adoption « complétive », il a estimé que le nominalisme législatif n'était pas ici fondé à s'appliquer dès lors que la proposition de loi ne comportait aucune modification fondamentale de cette forme d'adoption. Il a par ailleurs considéré que le qualificatif de « complétif » ne correspondait pas à la réalité de cette forme d'adoption dans la mesure où l'adoption simple ne vient pas compléter une filiation qui sans cela serait incomplète mais au contraire s'ajoute à la filiation existante.

Enfin, il a fait observer que cette appellation pouvait être perçue comme péjorative par les intéressés et qu'elle ne saurait de ce fait valoriser l'adoption simple. Il a rappelé que celle-ci était pourtant la forme la plus ancienne et la plus universelle d'adoption, qu'elle constituait un véritable arrangement de famille à caractère quasi-contractuel que l'on pourrait d'ailleurs imaginer passer devant notaire. Il a suggéré de parler éventuellement d'adoption « jointe » ou d'adoption « d'alliance ».

Abordant ensuite l'adoption plénière des enfants du conjoint, il a incité le législateur à ne pas sacrifier à un effet de mode de la famille dite recomposée. Il a estimé que celle-ci mériterait sans doute un jour une consécration juridique, peut-être sous la forme d'un parrainage permettant au nouveau conjoint d'exercer certaines des prérogatives de l'autorité parentale, mais qu'il convenait de ne pas faire prévaloir la satisfaction des parents sur l'intérêt supérieur de l'enfant. Il a rappelé, que ces dispositions ayant fait l'objet d'une modification récente, toute ouverture devait être envisagée avec prudence. Il a notamment évoqué le cas de la déchéance de l'un des parents et considéré que l'adoption plénière en pareil cas pouvait être regardée comme une aggravation de la sanction.

M. Jacques Larché, président, a fait observer qu'il était important de maintenir un lien avec la famille d'origine, notamment avec les grands-parents. Il a par ailleurs déploré que le droit français, notamment en matière de successions, malmène les droits du conjoint survivant alors que l'allongement de la durée de la vie exigerait de les prendre en meilleur compte qu'autrefois. Il a souhaité que l'adoption ne vienne pas aggraver cette situation.

Le professeur Cornu a suggéré une réforme du régime fiscal des libéralités entre beaux-parents et beaux-enfants plutôt qu'une ouverture excessive des cas d'adoption plénière par le nouveau conjoint. Il a fait observer que les familles recomposées étaient aussi fragiles que les autres et qu'il était donc préférable de favoriser l'adoption simple par le conjoint plutôt que l'adoption plénière.

Évoquant ensuite la subordination éventuelle du prononcé de l'adoption par le juge à l'existence d'un agrément administratif préalable, il a considéré que le fait pour le juge d'être lié par le défaut d'agrément méconnaissait le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.

S'agissant de l'adoption internationale, le professeur Cornu a constaté que la jurisprudence apparaissait fixée dans le sens de la norme de conflit proposée par le texte adopté par l'Assemblée nationale autour de la garantie du consentement éclairé du représentant légal de l'enfant. Rappelant que la loi avait l'usufruit de la jurisprudence, il s'est interrogé sur l'opportunité d'une consécration législative de celle-ci. Observant que l'approche unilatérale préconisée par M. Mattéi avait le mérite, sous réserve d'être complétée pour introduire le consentement éclairé lorsque la loi de l'enfant ne connaît pas l'adoption, de bien régler les difficultés posées par certaines adoptions internationales.

M. Patrice Gélard a souligné que l'adoption de l'enfant du conjoint répondait à une très forte demande, tant de la part du nouveau conjoint que de celle des enfants que celui-ci a élevés. Il a par ailleurs suggéré que les dispositions fiscales régissant les donations entre beaux-parents et beaux-enfants soient revues. S'agissant de l'agrément administratif pour adopter, il a fait observer qu'en droit public il n'était pas rare que la décision du juge administratif soit subordonnée à l'existence d'une décision administrative préalable. Enfin, il a considéré qu'en matière d'adoption internationale, il était nécessaire de clarifier la situation et de consacrer dans le code civil une norme de conflit de lois.

M. Luc Dejoie, rapporteur, s'est réjoui des observations formulées par le professeur Cornu en faveur de la promotion de l'adoption simple, d'une réduction mesurée du délai de rétractation et d'une ouverture prudente des cas d'adoption plénière des enfants du conjoint. Il a par ailleurs estimé qu'il n'était pas possible de soumettre l'appréciation du juge à l'existence de l'agrément. Enfin, s'agissant de l'adoption internationale, il a constaté que les dernières évolutions de la jurisprudence étaient très récentes et qu'il convenait sans doute de les éprouver avant d'envisager leur codification.

**La commission a ensuite entendu M. Jean Benet, président de la Fédération des associations d'entraide de pupilles et anciens pupilles de l'État.

M. Jean Benet a tout d'abord indiqué que la fédération qu'il présidait était favorable à la proposition de loi. Il a ensuite rappelé que l'adoption consistait en une rencontre entre des parents d'origine, un enfant et des parents adoptifs, et que l'arrivée d'un enfant dans une famille d'adoption n'était pas l'équivalent d'une naissance mais l'entrée dans une nouvelle histoire. Évoquant la faculté d'accouchement secret, il a souhaité que l'appellation « sous X » soit proscrite eu égard à son caractère humiliant pour les enfants nés dans de telles conditions. Il a par ailleurs confirmé que la Fédération souhaitait le maintien de cette procédure.

Abordant ensuite le texte de la proposition de loi, il a tout d'abord fait observer que les modifications des critères d'âge et de durée du mariage auraient peu de conséquences dans la mesure où elles ne s'appliquaient qu'au moment de la présentation de la requête en adoption mais n'étaient pas exigées pour l'obtention de l'agrément. Il a toutefois suggéré que la durée actuelle de cinq années de mariage soit conservée afin de garantir à l'enfant un foyer durable. S'agissant du délai de rétractation, il a fait observer que les pratiques montraient un étalement des rétractations sur l'ensemble du délai actuel de trois mois et qu'il était difficile de considérer que les décisions prises dans les derniers jours n'étaient pas le fruit d'une réflexion nécessaire. Il a toutefois estimé que la réduction à six semaines pouvait être envisagée et qu'il conviendrait de réduire également de moitié le délai de recherche du père.

M. Jean Benet a fait observer que l'article 207 du code civil permettant à l'enfant de ne pas exécuter ses obligations alimentaires à l'égard de ses ascendants, n'était pas applicable aux enfants ayant fait l'objet d'une adoption simple alors qu'il était souhaitable que ceux-ci puissent demander au juge d'être déchargés de ces obligations lorsque leurs parents d'origine, voire leurs parents adoptifs, ont manqué à leurs obligations à leur égard.

Il a par ailleurs souhaité que la mère ayant choisi d'accoucher dans le secret puisse choisir les prénoms de l'enfant et qu'un changement ne soit admis que dans l'intérêt de celui-ci et pour de justes motifs.

Il a également recommandé que l'acte de naissance de l'enfant remis avec demande de secret de l'état civil des parents soit simplement modifié pour y supprimer les noms et prénoms des parents au lieu d'être remplacé, comme c 'est le cas actuellement, par un faux acte de naissance provisoire.

Il a par ailleurs regretté que le mandat des membres du conseil de famille puisse être renouvelé sans limite.

Il a également appelé de ses voeux une reformulation de l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale afin de favoriser l'uniformisation des pratiques des services sociaux. Il a en outre souligné certaines des incohérences du code de la sécurité sociale qui se réfère à l'arrivée de l'enfant au foyer pour ouvrir le droit à certaines prestations sociales en cas d'adoption alors que, dans la plupart des cas, l'enfant est déjà dans le foyer au moment où l'adoption est prononcée.

S'agissant de l'accès des pupilles à leurs origines, M. Jean Benet a indiqué qu'il aurait préféré une plus grande liberté mais que la société continuant de juger sévèrement les parents qui remettent leur enfant aux fins d'adoption, il convenait de ne pas interdire les demandes de secret et d'anonymat dans l'intérêt tant des mères que des enfants. Il a toutefois estimé souhaitable de favoriser le plus possible l'expression des libertés de chacun afin de permettre aux parents et aux enfants, s'ils le souhaitaient concomitamment, d'échanger le plus grand nombre possible d'informations, voire même de se rencontrer. À cet égard, il a estimé que la proposition de loi ne constituait pas un progrès mais bien plutôt un recul, les services sociaux ayant développé depuis longtemps des pratiques de recueil d'informations non identifiantes assorti éventuellement de photos, de lettres ou d'objets.

Il a considéré que le secret ne devait pas nécessairement être opposé à l'enfant dès lors qu'il n'était pas avéré que tel était le souhait de sa mère. En conséquence, il a suggéré que les parents soient fortement incités à fournir un grand nombre d'informations non identifiantes, voire même identifiantes pour le cas où ils décideraient de revenir sur leur anonymat. Il a par ailleurs recommandé que les mères reçoivent systématiquement une copie du procès verbal de remise afin de conserver une trace matérielle de l'existence de l'enfant remis aux fins d'adoption. Il a en outre appelé de ses voeux la création d'une instance nationale de médiation répondant au souhait formulé en 1983 par le Conseil supérieur de l'adoption et aux conclusions du rapport publié par le Conseil d'État en 1990. Il a précisé que cette structure administrative légère serait en relation étroite avec les services d'aide sociale à l'enfance pour lesquels elle constituerait une instance de recours. Enfin, il a indiqué que, contrairement à certains propos tenus à l'Assemblée nationale, l'enquête effectuée par la Fédération montrait que plus de 70 % des pupilles et anciens pupilles souhaitaient accéder à leurs origines.

M. Jacques Larché, président, a souligné l'importance des responsabilités incombant au législateur dans de telles matières et la nécessité d'une réflexion mesurée. Il a estimé que des priorités devaient être clairement dégagées et que l'adoption consistait à donner non seulement une famille à un enfant mais également un enfant à une famille.

Mme Nicole Borvo s'est interrogée sur l'articulation entre la création d'une instance nationale d'accès aux origines et le maintien de la faculté de demander le secret de l'accouchement.

M. Alain Vasselle a craint qu'un accès trop large aux origines mette en difficulté la famille adoptive dont l'équilibre ne devait être perturbé à aucun prix dans l'intérêt même de l'enfant.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis, a estimé que la généralisation de l'accès aux origines conduirait à doter l'enfant de deux familles au lieu d'une alors même que l'adoption plénière supprimait le lien de filiation d'origine.

M. Alain Gournac a considéré qu'il était important de ne pas mettre en difficulté la famille adoptive, raison pour laquelle le statut de l'enfant devait rester incontestable. Il a estimé qu'une généralisation de l'accès aux origines risquait de déstructurer tant la famille d'accueil que l'enfant adopté.

M. Jean Benet a fait valoir que l'intérêt de l'enfant était primordial et que la connaissance qu'il pourrait avoir de ses origines faciliterait son intégration dans sa famille d'accueil. Il a estimé qu'il n'était pas possible de laisser sans réponse un enfant adopté devenu majeur.

M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales, a considéré qu'il n'était pas cohérent de poser le principe de l'accouchement secret et d'établir ensuite des règles propres à le remettre en cause. Il a estimé qu'un compromis devait être trouvé entre la réponse à apporter à la souffrance de l'enfant abandonné et la préservation de la stabilité de la famille adoptive. Il a craint qu'un développement excessif de l'accès aux origines conduise à décourager les personnes susceptibles d'adopter des pupilles et n'aboutisse à maintenir ces enfants dans des structures d'État jusqu'à leur majorité.

**La commission a enfin entendu Mme Danielle Housset, présidente de la Fédération des associations départementales des foyers adoptifs « Enfance et familles d'adoption ».

Mme Danielle Housset a estimé que la proposition de loi prenait en compte l'intérêt de l'enfant et tirait les conséquences de la meilleure connaissance du développement de l'enfant et du renforcement de son autonomie juridique. Elle a toutefois considéré que seule l'expérience quotidienne pouvait véritablement éclairer la compréhension du sujet. Enfin, elle a souligné que l'adoption ne devait pas être la rencontre de deux souffrances mais la rencontre d'une souffrance, celle de l'enfant abandonné, avec une sérénité, celle de la famille adoptive.

Évoquant ensuite le rôle de l'agrément, elle a fait valoir l'importance de la recherche des meilleurs parents possible pour chaque enfant et insisté sur l'état d'esprit des candidats à l'adoption qui devaient avoir fait le deuil de leur stérilité, être prêts à accepter l'histoire de l'enfant, enfin, ne pas rechercher dans l'adoption la solution de tous leurs problèmes.

Mme Danielle Housset a estimé que si les enfants devaient pouvoir être accueillis par des parents jeunes, l'institution d'un écart d'âge maximum entre l'adoptant et l'adopté risquait d'avoir certains effets pervers, notamment en obligeant à des adoptions trop rapprochées au sein d'une même famille et en rendant plus difficile encore l'accueil des enfants dits « à particularités ».

Elle a par ailleurs considéré qu'il serait utile de créer un office national rassemblant les informations relatives aux parents candidats à l'adoption et aux enfants adoptables afin de favoriser les rapprochements hors du seul cadre départemental. Elle a toutefois précisé que cet organisme n'avait pas vocation à réunir ultérieurement les parents d'origine et les enfants adoptés.

Elle s'est réjouie que l'agrément acquière une portée nationale ; elle a toutefois souhaité qu'un seul agrément soit délivré pour adopter, en France comme à l'étranger. Elle a par ailleurs recommandé que l'agrément fasse l'objet d'un suivi annuel afin que les parents confirment l'existence de leur projet d'adoption et indiquent les modifications qu'ils souhaitaient y apporter. Enfin, elle a considéré que le prononcé de l'adoption devait être subordonné à l'agrément administratif, faute de quoi il n'y aurait pas de contrôle effectif de la qualité des parents. Elle a suggéré qu'une meilleure articulation puisse être trouvée entre la procédure administrative et la procédure judiciaire grâce au transfert au juge judiciaire du contentieux des décisions d'agrément.

Mme Danielle Housset a approuvé les dispositions proposées par M. Mattéi pour interdire aux parents d'un enfant de moins de deux ans qu'ils remettent aux fins d'adoption, de choisir les parents adoptifs. Elle a indiqué que d'autres techniques permettaient de répondre à certaines situations particulières, notamment la tutelle transformable en adoption après deux ans en Polynésie française ou encore la tutelle testamentaire lorsque les parents savaient qu'ils étaient atteints d'une maladie mortelle.

Elle a par ailleurs approuvé la substitution de la privation de l'autorité parentale à la déchéance de celle-ci. Elle a en outre suggéré que les enfants étrangers admis en qualité de pupilles bénéficient automatiquement de la nationalité française ; elle a indiqué que cette solution était particulièrement nécessaire lorsque l'enfant n'était pas ultérieurement adopté.

Elle a également estimé qu'un enfant remis une deuxième fois aux fins d'adoption ne devrait pas pouvoir faire l'objet d'une seconde rétractation.

S'agissant de l'adoption internationale, elle a considéré que les termes du rapport de M. Mattéi traduisaient très exactement son sentiment et qu'il n'était pas admissible de refuser de prononcer l'adoption d'enfants dont la loi nationale ignorait cette faculté alors même que les autorités du pays de naissance consentaient à la sortie de ces enfants de leur territoire aux fins d'adoption. Elle a indiqué que la première rédaction retenue par la proposition de loi était plus claire que le texte adopté par l'Assemblée nationale dans la mesure où il mettait l'accent sur la vérification du consentement éclairé des parents aux effets de l'adoption prononcée en France.

Mme Danielle Housset a souhaité que la France ratifie sans attendre la convention de La Haye afin de garantir une meilleure sécurité des adoptions internationales. Elle a par ailleurs suggéré que les sanctions applicables aux intermédiaires soient aggravées.

Évoquant l'adoption simple, elle a estimé que la substitution du qualificatif « complétive » était heureuse dans la mesure où elle valorisait cette forme d'adoption. Elle a suggéré que l'obligation alimentaire des enfants ayant fait l'objet d'une telle adoption soit alignée sur le droit commun.

S'agissant de l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, elle a recommandé que le texte actuel soit assoupli afin de permettre, dans l'intérêt de l'enfant, une adoption en cas de déchéance ou d'abandon comme en cas de décès.

Pour ce qui concerne l'accès aux origines, Mme Danielle Housset a tout d'abord précisé que son association exprimait le point de vue des familles, c'est-à-dire aussi bien des enfants adoptés que des parents adoptifs. Elle a approuvé le principe du choix des prénoms par la mère en cas d'accouchement secret, le recueil d'informations non identifiantes, la limitation à un an de l'âge en deçà duquel les parents qui remettent leur enfant aux fins d'adoption ont la faculté de demander l'anonymat. Elle a par ailleurs estimé choquant que l'instruction générale relative à l'état civil favorise l'établissement d'actes de naissance inexacts.

De manière générale, elle a souhaité que l'enfant adopté puisse connaître son histoire et recevoir des réponses aux questions qu'il se pose, lorsqu'il prend conscience de l'abandon dont il a été victime. À cet égard, elle a estimé que les parents adoptifs étaient les mieux à même d'apaiser ses inquiétudes en lui donnant au moment opportun des informations sur ses origines. Elle a considéré en conséquence indispensable que les services sociaux conservent des informations non nominatives sur les enfants qui leur sont confiés, et que les conditions d'accès au dossier de l'enfant soient clairement établies.

Elle a par ailleurs fait valoir que les parents devaient avoir toute latitude pour changer ou conserver les prénoms de l'enfant. Enfin, elle a souhaité que le contrôle exercé sur les enfants placés ne soit pas poursuivi une fois l'adoption prononcée, que celle-ci résulte d'un jugement français ou d'un jugement étranger. Elle a toutefois considéré que la faculté prévue par l'Assemblée nationale de demander aux services sociaux un suivi en cas de difficulté constituait une solution équilibrée susceptible de répondre aux besoins de certains parents.

Évoquant le volet social de la proposition de loi, Mme Danielle Housset a souhaité qu'en cas d'adoption, et quel que soit l'âge de l'enfant, les droits à congés soient les mêmes qu'en cas de naissance. Elle a également estimé que le versement des prestations sociales devait s'effectuer en considérant que l'adoption était assimilable à une naissance. Enfin, elle a craint qu'une discrimination ne soit introduite entre l'adoption nationale et l'adoption internationale, dans la mesure où celle-ci serait facilitée par l'octroi de prêts.

En réponse à M. Jacques Larché, président, qui l'interrogeait sur les démarches engagées par les familles adoptives pour connaître l'histoire de leur enfant, Mme Danielle Housset a évoqué plusieurs exemples montrant la diversité des comportements des services sociaux et la nécessité pour les parents de disposer d'informations suffisantes pour pouvoir apaiser les inquiétudes de leur enfant.

M. André Jourdain s'est inquiété des effets déstabilisants qu'un accès trop ouvert aux origines pourrait avoir sur les familles adoptives. Il a par ailleurs évoqué les risques de conflit entre les parents adoptifs et l'enfant qui souhaitait connaître son passé.

Mme Danielle Housset a estimé indispensable de faire comprendre aux familles engageant une démarche d'adoption que l'enfant avait un passé qu'elles ne pourraient effacer. Elle a souligné le rôle des associations à cet égard. Elle a par ailleurs précisé que l'enfant adopté n'avait pas deux familles mais un premier épisode qu'il devait à la fois accepter et dépasser, puis une famille. Enfin, elle a estimé que les informations ne sauraient avoir un caractère identifiant sauf si, une fois devenu adulte, l'enfant souhaitait connaître ses parents d'origine et sous réserve que ceux-ci aient accepté la levée du secret.

M. Bernard Seillier a insisté sur la nécessité de préparer les familles adoptives à la spécificité de leur situation. Il a par ailleurs souhaité qu'une différenciation nette soit introduite entre informations et identification, l'enfant ayant besoin, pour dépasser ses difficultés, de connaître les raisons de son abandon mais pas de pouvoir identifier ni rencontrer ses parents d'origine.

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