B. L'ÉVALUATION DE CERTAINS COÛTS

1. Les coûts des personnels d'active.

S'agissant des personnels, la programmation nécessite de conjuguer simultanément le mouvement de décroissance des cadres (officiers et sous-officiers) et d'accroissement des engagés.

La réussite de ce double mouvement résulte de facteurs quantitatifs (intentions et décisions de départ, intentions et décisions d'engagement) et de facteurs très divers et qui ne sont pas tous quantifiables.

Le facteur le plus aisément quantifiable est le facteur financier.

Il porte d'abord sur les incitations au départ et les simulations à l'engagement : la dotation globale de 9,1 milliards de francs sera-t-elle suffisante ? A-t-on porté une attention suffisante au personnel sous contrat (près de 50 % des effectifs militaires) dont la situation deviendra particulièrement précaire ?

La professionnalisation entraînera, en outre, des dépenses supplémentaires sur le Titre V pour l'amélioration des infrastructures (casernement, logement) destinées non plus à des appelés mais à des professionnels.

L'exemple de l'armée britannique, souvent invoqué pour justifier le passage à la professionnalisation, incite à aller au-delà du simple rappel de 30.000 hommes mis en ligne par les Britanniques lors de la guerre du Golfe. Car la professionnalisation britannique entraîne de fortes dépenses de « soutien des personnels » : logement du personnel et aide a 1'éducation des enfants notamment. La « professionnalisation » tend, en effet, à faire du maniement des armes un métier qui cherchera sa comparaison dans les autres métiers, ceux du secteur civil et dans les conditions de vie de celui-ci.

Notons, en outre, que dans l'hypothèse d'un service militaire volontaire, l'option retenue porte sur 27.000 volontaires pour les armées et 16.000 pour la Gendarmerie. Ce chiffre correspond au nombre actuel de volontaires pour un service long dans les armées. Cette assimilation est fragile : on ne peut comparer un volontariat qui vient se greffer sur une obligation et ne fait qu'allonger sa durée et un volontariat spontané. Pour la Gendarmerie le nombre de volontaires dépasse sensiblement celui des gendarmes auxiliaires actuels (12.000).

Si les volontaires ainsi attendus étaient moins nombreux et pour préserver l'équilibre des forces des professionnels supplémentaires devront être recrutés. D'où un coût supplémentaire.

2. Le coût d'une réserve efficace

Le rôle des réserves deviendra indispensable. Elles devront apporter un complément nécessaire à la réduction des effectifs des forces opérationnelles. Leur mission serait non seulement de participer conjointement avec la Gendarmerie, à la défense opérationnelle du territoire, mais aussi d'apporter un renfort quantitatif et qualitatif aux opérations extérieures.

Un plan « Réserve 2015 » a donc été établi prévoyant une première réserve de 100.000 hommes sélectionnés pour leur compétence et leur disponibilité et une deuxième réserve regroupant le reste des réservistes.

Cet objectif de 100.000 réservistes de premier rang sera-t-il toutefois suffisant, notamment pour parer à toute menace pesant sur la sécurité intérieure (terrorisme, drogue, grande criminalité etc...).

Quel sera le coût des garanties (à l'égard des employeurs) et des incitations (à l'égard des intéressés) indispensables ? Et comment seront recrutés désormais ces réservistes ? Le seul volontariat sera-t-il suffisant ? Ces réservistes sont-ils, en outre, destinés à la sécurité intérieure ou à être mobilisés pour une menace extérieure ?

3. Le coût des équipements

a) l'amélioration de la productivité

L'objectif fixé à la Délégation générale pour l'armement : réduire de 30 % les coûts de réalisation des programmes d'armement est très ambitieux. L'objectif d'un gain de productivité de 2 % par an, fixé par la précédente programmation n'a pas été atteint, on peut le rappeler. La diminution des quantités commandées, l'étalement des commandes qui perdure, sont-ils vraiment propices à ces gains de productivité ?

Le Comité des prix de revient des fabrications d'armement a pu, du reste, dans son dernier rapport annuel souligner les freins à la productivité que constituaient de telles pratiques.

Certes diverses mesures sont-elles envisagées pour cette amélioration de la productivité, progressive sur la durée de la programmation :

- de nouvelles modalités contractuelles


• la mise en concurrence lorsqu'elle est possible ;


• la forfaitisation systématique des contrats (contrats notifiés à prix initial définitif), et le plafonnement contractuel des hausses économiques admissibles, qui incitent les industriels à améliorer leur productivité interne et la productivité de leurs achats pour accroître leurs marges ;


• le recours chaque fois que possible aux commandes groupées et commandes pluriannuelles, qui permet de donner à l'industrie une vision fiable de son carnet de commandes à moyen terme, donc de mieux s'organiser, d'améliorer sa productivité et finalement de réduire ses coûts et ses prix ;


• l'appui apporté aux négociateurs de marchés par les enquêteurs de coût.

- des méthodes rénovées de conduite des programmes


• l'analyse de la valeur ;


• la limitation des modifications au strict nécessaire ;


• l'utilisation dans la mesure du possible de composants civils et de normes et standards civils internationaux.

- les restructurations industrielles, qui permettent de réduire les frais hors production et d'améliorer la compétitivité de l'industrie d'armement.

Par ailleurs, la réforme du système de contrôle des prix des marches négociés sans mise en concurrence, qui sera effective dès le 1er janvier 1997, remplacera le système actuel, lourd, et non incitatif à l'amélioration de a productivité, par un contrôle a posteriori basé sur l'exploitation directe de la comptabilité analytique de l'entreprise. Cette méthode, qui introduit une plus grande transparence dans les relations entre l'État et les entreprises, incitera ces dernières à faire des gains de productivité sur les contrats passes avec l'État, lui permettant ainsi d'améliorer leur compétitivité.

Enfin, en amont de la phase de production, mais conditionnant les coûts de celle-ci, diverses techniques et méthodologies sont mises en oeuvre :


• l'analyse fonctionnelle permettant de définir le juste besoin ;


• les simulations de coût ;


• l'ingénierie simultanée ;

le soutien logistique intégré.

b) La recherche de nouveaux marchés

Le rétrécissement du budget d'équipement pousse à cette recherche, de nature à en corriger les effets et à réduire les coûts.

Le projet de programmation note, à juste titre, que les l'exportation sont liées à la compétitivité des produits qui ne pourra qu'être améliorée par l'amélioration de la productivité, la constitution de pôles électronique et aéronautique, la réalisation de programmes à l'échelle européenne.

Mais à l'effort des industriels doit également correspondre un effort soutenu de l'État. Les États-Unis qui entendent établir leur suprématie au détriment de l'industrie européenne de défense dont ils déclarent ouvertement vouloir la disparition, pratiquent un soutien très ferme à leur propre industrie.

Ainsi le budget fédéral américain continue à financer la recherche et le développement. L'évolution du Titre V français et de son équivalent aux États-Unis est, à cet égard, significatif.

En MEcus courants

1990

1991

1992

1993

1994

1995

États-Unis

Total

100.832

94.739

90.055

90.521

79.950

72.448

dont Recherche et Développement

28.663

29.132

30.352

33.218

29.177

28.799

Soit en % du total

28,43

30,75

33,70

36,70

36,49

39,75

France

Total (Lois de finances initiale)*

14.859

14.865

14.991

14.689

15.647

15.631

dont Recherche et Développement

4.440

4.288

4.293

4.341

4.071

4.117

Soit en % du total

29,88

28,84

28,64

29,56

26,02

26,34

Le dollar, de surcroît, est utilisé comme une arme commerciale et permet aux États-Unis, selon la variation de son cours, de développer l'exportation d'entreprises fortifiées par de profondes restructurations.

Divers dispositifs viennent, en outre, aux États-Unis apporter un soutien à l'exportation (allègements des mesures de contrôle et d'autorisations à l'exportation, procédures FMS - Foreign Military Sales -, exonérations de redevances dues pour l'exportation de certains équipements militaires à fort contenu technologique, dispositifs de pré-financement des risques, ouverture de centres d'assistance et d'information à l'exportation dans différents pays etc...).

Enfin l'implication directe des plus hauts responsables diplomatiques et politiques dans la conclusion des contrats les plus importants vient encore fortifier la position exportatrice des industriels américains.

Sans doute, une nouvelle réflexion a-t-elle été engagée, dans notre pays, sur cette situation, notamment à la suite de la remise du rapport demandé à M. Bruno Durieux. De nouvelles dispositions sont attendues, une meilleure coordination entre industriels et services de l'État devrait être assurée, et cela sans tarder.

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