Avis n° 79 (1995-1996) de M. Jean BESSON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 5 décembre 1995

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N° 79

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

ÉNERGIE

Par M. Jean BESSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, vice-présidents ; Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ ) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.

Sénat : 76 et 77 (annexe n°3) (1995-1996).

Lois de finances

INTRODUCTION

Mesdames,

Messieurs,

Bien que l'Union européenne ne se soit pas vue reconnaître, par les traités, de compétence spécifique dans le domaine énergétique, force est de constater que les pouvoirs publics et les professionnels voient leur attention se focaliser inéluctablement sur les dossiers européens.

Les yeux se tournent chaque année davantage vers Bruxelles, où se négocient, notamment, les modalités de l'instauration du marché communautaire de l'énergie.

Ce point préoccupe tout particulièrement votre Commission des Affaires économiques, qui incite le Gouvernement à veiller à ce que soient garanties l'efficacité et la compétitivité reconnues de notre système électrique et gazier, dans le respect des missions de service public.

Par ailleurs, il faut rappeler que la Haute Assemblée vient d'adopter, à l'unanimité, le 12 octobre dernier, une résolution sur le projet communautaire de modification de la directive n° 93-38 qui concerne les achats des industries de réseau, dans le but de mettre en oeuvre l'accord plurilatéral sur la libéralisation des marchés publics.

Dans ce contexte, les grandes entreprises publiques françaises enregistrent des résultats satisfaisants, mais voient leurs bénéfices ponctionnés au gré des besoins divers de l'État. Si leur participation à l'effort budgétaire général n'est pas anormale en tant que telle, encore faudrait-il cependant en définir les contours et respecter certaines règles du jeu, permettant aux entreprises concernées de ne pas être contraintes à un pilotage à vue de leurs finances.

À cet égard, et s'agissant d'Électricité de France, il faut rappeler que les anciens actionnaires privés de l'entreprise bénéficient, depuis 1946 et ceci pour une durée de cinquante ans, du versement de 1 % du chiffre d'affaires annuel d'EDF, au titre de la compensation liée à la nationalisation.

Or, ce prélèvement cesse en 1996. Votre Commission des Affaires économiques a jugé que l'entreprise pourrait utiliser cette « manne », soit pour réduire son endettement ou les tarifs d'électricité, soit pour développer sa politique à l'international, soit pour soutenir des projets en faveur de l'aménagement du territoire ou de l'insertion sociale dans les quartiers en difficulté.

S'agissant des autres secteurs du domaine énergétique, votre commission est préoccupée par les difficultés que rencontre l'industrie pétrolière. Dans ce contexte, elle se félicite :

- en premier lieu de la décision de l'Assemblée nationale, confirmée par le Sénat, de réduire de 1 franc par litre les taxes sur le gaz de pétrole liquéfié (GPL) carburant ;

- en second lieu, de la décision du Sénat, sur sa proposition et sur celle de la commission des finances, de supprimer l'article 14 ter du projet de loi de finances pour 1996, introduit par l'Assemblée nationale, et qui aurait entraîné une forte hausse des redevances départementales et communales des mines, préjudiciable à la nécessaire relance de l'activité de recherche et de production d'hydrocarbures en France.

CHAPITRE PREMIER - LE CONTEXTE MONDIAL : LE XVIE CONGRÈS DU CONSEIL MONDIAL DE L'ÉNERGIE

Après le Congrès de Madrid en 1992, le Conseil mondial de l'Énergie (CME) a tenu son XVIe Congrès, du 8 au 13 octobre dernier, à Tokyo, sur le thème : « De l'énergie pour tous les hommes - Face à l'avenir, que faire ? »

On peut aujourd'hui tirer les principales conclusions de ses travaux.

I. 2020 : PAS DE PÉNURIE À L'HORIZON, MAIS UNE MENACE SUR L'ENVIRONNEMENT QUI SE CONFIRME

Malgré l'explosion démographique, qui va faire augmenter de plus de 50 % en vingt-cinq ans la consommation en énergie de la planète, la pénurie ne serait pas à craindre et les ressources disponibles devraient permettre de répondre à la demande. En effet, les réserves mondiales sont estimées à 43 ans de consommation pour le pétrole et à 66 ans pour le gaz naturel. En revanche, la croissance simultanée des rejets et des pollutions risque de créer une menace sérieuse, y compris pour l'équilibre climatique du globe.

En effet, en 2020, la population mondiale rejettera dans l'atmosphère plus de deux fois plus de carbone qu'en 1990 (13 milliards de tonnes équivalent-carbone). Personne, à ce jour, n'a d'idée précise sur les mesures à prendre pour maîtriser ce phénomène.

Dans l'immédiat, la voie à suivre est de chercher à améliorer l'intensité énergétique des appareils de production et à permettre aux pays en développement d'accéder aux technologies les moins consommatrices d'énergie et les moins polluantes. Ce sont ces pays, essentiellement en Asie, en effet, qui dans les décennies prochaines, seront les principaux responsables de l'augmentation des rejets.

L'éloignement des zones de production et de consommation pourrait entraîner un renchérissement du coût de l'énergie, qui devrait cependant être partiellement compensé par les progrès technologiques.

Un problème de financement se posera inéluctablement, dans la mesure où les investissements nécessaires sont estimés à 30.000 milliards de dollars d'ici 2020.

II. VERS UNE DIVERSIFICATION DES ÉNERGIES

Par ailleurs, les deux autres voies à suivre consisteront :

- d'une part, à développer la maîtrise de la consommation des énergies fossiles, principales causes de la concentration de gaz de serre dans l'atmosphère ;

- d'autre part, à diversifier les sources d'énergie. À cet égard, les énergies renouvelables suscitent de moins en moins de scepticisme et on considère qu'elles devraient jouer un rôle déterminant, surtout pour des applications localisées et seulement dans une trentaine d'années.

D'ici là, le nucléaire constitue la principale alternative aux énergies fossiles.

En réalité, plus que jamais, toutes les énergies seront nécessaires à l'avenir et chaque pays devra trouver les solutions énergétiques répondant le mieux à sa situation.

III. « DÉRÉGULATION » ET RÉGLEMENTATION DES MARCHÉS

La déréglementation des marchés énergétiques a également fait l'objet d'importants débats à Tokyo.

Les discussions ont fait apparaître que la « dérégulation » conduisait en fait à la mise en place de nouvelles réglementations.

En outre, chacun a reconnu que certains problèmes ne pouvaient être résolus par le seul marché : le financement des infrastructures et la pollution mondiale, notamment.

CHAPITRE II - L'EUROPE DE L'ÉNERGIE

I. LE LIVRE VERT PRÉSENTÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

A. LE CONTENU DU LIVRE VERT

La commission européenne a adopté, le 11 janvier 1995, un Livre vert sur la politique énergétique européenne. Ce document d'orientation et de réflexion a pour mérite de relancer le débat sur le rôle de la Communauté dans le domaine de l'énergie.

Il donnera lieu à une large consultation, la position commune émergente devant faire l'objet d'un futur Livre Blanc, qui pourra être inséré dans la nouvelle version du Traité de l'Union prévue en 1996.

Ce Livre vert fixe trois objectifs à une politique énergétique européenne : la compétitivité, la sécurité d'approvisionnement et la protection de l'environnement. Il définit, par ailleurs, des priorités d'action concernant la prééminence du marché intérieur, les missions d'intérêt économique général, la sécurité d'approvisionnement, la coopération internationale, l'efficacité énergétique, la technologie et le rôle de la Communauté. Les moyens d'action, afin de répondre aux priorités retenues, sont au nombre de sept :

- le marché intérieur doit être harmonisé et standardisé,

- la dimension régionale et la cohésion sociale doivent être prises en compte,

- les réseaux transeuropéens sont à renforcer,

- la place de la politique commerciale doit être assurée,

- la coopération avec les pays tiers devrait être améliorée,

- la protection de l'environnement sera assurée par une action législative et des mesures fiscales,

- la politique de recherche et de développement technologique fera l'objet de nouveaux programmes.

B. L'AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Ce document a fait l'objet d'un avis du Conseil économique et social du 23 mai 1995.

Ses principales constatations sont les suivantes :

- le Livre vert comporte des ambiguïtés importantes du fait qu'il confond les objectifs et les moyens de les mettre en oeuvre ;

- la notion de service public est très peu prise en compte dans le Livre Vert ;

- la dimension du long terme doit être prise en compte dans l'élaboration du Livre Blanc, de façon indépendante des mécanismes de marché ;

- il n'y a pas de raisons déterminantes au renforcement des pouvoirs de la Commission dans ce secteur ;

- il est aussi vain de vouloir privilégier un seul type de source énergétique que de prohiber tel autre type (notamment le nucléaire) ;

- l'introduction d'un chapitre Énergie dans le Traité n'est pas nécessaire.

Le Conseil économique et social affirme nécessaire :

- une clarification des concepts utilisés et du raisonnement qui sous-tend le statut prééminent accordé au marché intérieur de l'énergie ;

- le resserrement des objectifs de politique énergétique à la protection de l'environnement et à la sécurité d'approvisionnement à un prix compétitif celle-ci conditionnant la compétitivité ;

- un recensement des instruments existants ;

- une définition précise des obligations pesant sur les services dits publics, sur la base des deux récents arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes (Corbeau et Almelo) : continuité, égalité d'accès et de traitement, qualité, universalité ;

- le respect du principe de subsidiarité : le futur Livre Blanc doit formuler des propositions, le choix des politiques à mettre en oeuvre restant de la compétence exclusive des États membres, tout comme la définition des missions d'intérêt économique général.

Enfin, pour le Conseil économique et social, la mise en place d'une politique énergétique européenne passe de façon prioritaire par l'encouragement des points de convergence entre les politiques nationales et par une concertation la plus large possible.

C. LA POSITION DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS

La France considère la parution du Livre Vert comme une initiative bienvenue, dans la mesure où le débat sur la politique énergétique européenne s'était limité, jusqu'à présent, à l'organisation du marché électrique.

Un large consensus a vu le jour autour des trois objectifs de politique énergétique identifiés dans le Livre Vert : la sécurité d'approvisionnement, la compétitivité et la protection de l'environnement.

Le Gouvernement ne conteste pas ces trois pôles de réflexion dans la définition d'une politique énergétique mais, à l'instar du Conseil économique et social, déplore leur définition en termes trop généraux, qui occasionne confusions et ambiguïtés.

Au delà de ces orientations consensuelles, la France est en désaccord sur la forme d'organisation du marché énergétique proposée par la Commission. Les autorités françaises considèrent, en effet, que :

- l'affirmation trop poussée de la prééminence du marché intérieur conduit à privilégier le court terme, alors que la prise en compte du long terme est particulièrement fondamentale en matière d'approvisionnement énergétique, surtout dans un contexte européen d'accroissement de la dépendance énergétique externe ;

- si la liberté du marché est un principe de base de la construction européenne, il souffre cependant de quelques exceptions touchant notamment aux missions d'intérêt économique général, dont une première définition des obligations a été fournie par la Cour de Justice, comme on l'a dit précédemment. Or, cette notion a été pratiquement méconnue par le Livre Vert, de même que celle de subsidiarité ;

- l'introduction de la concurrence (en particulier, là où des« monopoles existent ») n'implique pas nécessairement une baisse des prix, notamment dans le secteur des énergies de réseau ;

- il est contradictoire d'affirmer que la libre initiative de la multitude des acteurs conduira spontanément à un équilibre satisfaisant et, dans le même temps, qu'il est nécessaire d'aider le marché afin d'atteindre des équilibres plus satisfaisants.

On peut relever, par ailleurs, une incohérence dans la rédaction du Livre Vert, qui prône un objectif de sécurité d'approvisionnement et qui prévoit, par ailleurs, une augmentation de la dépendance énergétique de l'Union de 50 à 70 % d'ici les années 2020 ; or, les moyens d'action envisagés par la Commission pour limiter cet état prévisible de dépendance paraissent très en retrait des réalités politiques et économiques.

À cet égard, l'extrême prudence de la Commission concernant la contribution du nucléaire aux différents objectifs nuit à l'objectivité du document sur cette énergie. La capacité industrielle de l'Union dans ce secteur mérite d'être maintenue au nom de son indépendance énergétique. Si des considérations politiques ont conduit certains États membres à renoncer à produire de l'énergie nucléaire sur leurs territoires, la France juge nécessaire la reconnaissance de l'état actuel de développement de cette forme d'énergie et demandera à ses partenaires le respect des choix politiques nationaux de chaque État membre.

Votre commission soutient cette démarche. Elle rappelle que le Sénat, au travers notamment des différentes résolutions qu'il a adopté sur des propositions de directives a toujours insisté sur le respect du principe de subsidiarité et de l'objectif de sécurité d'approvisionnement à long terme, ainsi que sur la nécessaire prise en compte des missions d'intérêt économique général.

II. LE MARCHÉ COMMUNAUTAIRE DE L'ÉNERGIE

Rappelons que l'Union européenne ne s'étant pas vu reconnaître, par les traités, de compétence spécifique dans le domaine énergétique, c'est par le biais de l'instauration du marché unique et de la concurrence que la Commission européenne a entrepris une déréglementation du secteur.

Si la France a joué un rôle moteur dans l'adoption d'un certain nombre de directives concernant le transit de l'électricité et du gaz et la transparence des prix, elle s'est en revanche opposée aux projets de la Commission concernant la réalisation du marché intérieur du gaz et de l'électricité.

Le coeur du dispositif envisagé par la Commission est constitué par une clause d'Accès des Tiers au Réseau (ATR), permettant aux gros consommateurs (dans un premier temps) d'acheter leur gaz et leur électricité au fournisseur de leur choix, fut-il implanté à l'étranger.

Cette clause se heurte aux grands acquis de la politique énergétique française que sont la sécurité des approvisionnements, l'obligation de fourniture et la protection du consommateur. Elle pose le redoutable problème de la capacité du système à investir, c'est-à-dire à assurer sa survie. En effet, les entreprises seraient alors privées d'une assurance minimale de débouchés, alors que les investissements énergétiques sont considérables et programmés sur le long terme.

La plupart des États membres s'étant prononcés négativement en la matière, la Commission a décidé de revoir ses propositions, en liaison avec le Parlement européen. Dans ce cadre, la France a proposé un modèle alternatif à l'ATR, modèle dit de « l'acheteur unique », où la concurrence à la production est organisée par la voie d'appel d'offres, le réseau conservant sa mission d'intérêt économique général en assurant seul la commercialisation de l'électricité.

Le Conseil européen des ministres de l'énergie a adopté, le 1er juin 1995, le principe de la coexistence en Europe des deux systèmes, ATR et acheteur unique, sous des réserves qui restent à préciser (concept de consommateur éligible, notamment).

Votre commission souhaite que le Gouvernement veille à ce que ce dispositif garantisse l'efficacité et la compétitivité reconnues du système électrique et gazier français.

À cet égard, il faut rappeler que le rapport de M. Franck Borotra 1 ( * ) , récemment élaboré au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, avant qu'il ne soit nommé ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, a affirmé que « le Gouvernement français doit considérer que l'ouverture à la concurrence offerte par le système de l'acheteur unique constitue une dernière concession faite à la Commission », ceci au nom de la défense des intérêts de la nation.

III. VERS UNE ÉCOTAXE ?

A. LE NOUVEAU PROJET D'ÉCOTAXE

Proposée par la Commission européenne pour lutter contre l'effet de serre à l'échelle des Douze, l'écotaxe serait assise pour partie sur les émissions de carbone et pour partie sur les énergies consommées. Son montant initial, de 3 dollars le baril, serait accru pour parvenir à un niveau de 10 dollars en l'an 2000.

La France s'est prononcée négativement sur ce projet au Conseil de l'Énergie de mai 1992, non pour des raisons de principe, mais en raison de ses modalités :

- elle estime que l'écotaxe devrait être assise exclusivement sur le carbone émis, et non frapper sans discrimination l'ensemble des énergies, y compris le nucléaire et l'hydraulique qui n'émettent pas de gaz carbonique ;

- cette taxe ne doit pas remettre en cause la compétitivité des industries européennes, ce qui serait le cas si elle n'était pas adoptée parallèlement par les autres pays de l'OCDE. Il convient donc d'introduire une clause de conditionnalité.

Le 2 mai 1995, la Commission a présenté une nouvelle proposition de taxe.

Cette dernière fixe les paramètres communs d'une taxe mixte, spécifique et optionnelle pendant une période transitoire de 4 ans (1996-1999). À l'issue de cette période, le Conseil devrait arrêter les mesures nécessaires à l'introduction d'une taxe obligatoire dans l'Union européenne.

La Commission a repris les principaux critères constituant sa proposition initiale de 1992 : taxe spécifique, additionnelle aux taxes existantes dans les États membres. L'élément nouveau de la proposition réside dans la souplesse introduite au cours de la période transitoire. En effet, sur la période 1996-1999, les États membres détermineraient le taux de la taxe qu'ils souhaitent appliquer à chacun des produits. Ils auraient, de ce fait, la possibilité de fixer un taux « zéro » sur les produits de leur choix. En contrepartie, la Commission a supprimé la clause dite de conditionalité.

Toutefois, afin de faciliter l'introduction, en l'an 2000, d'une taxe spécifique harmonisée sur la totalité des produits visés, la Commission invite les États membres à faire converger leurs taux vers des taux indicatifs mentionnés dans la proposition.

B. LA POSITION DE LA FRANCE

La France a fait valoir que cette proposition ne pouvait constituer une base de travail satisfaisante. Elle préconise une réflexion sur la taxation des seules émissions de C02 dans le cadre du relèvement, des accises harmonisées et de l'extension de leur champ d'application, l'exercice devant reposer sur une approche sectorielle, afin de préserver la compétitivité des secteurs soumis à la concurrence internationale.

En effet, les autorités françaises ont toujours défendu l'idée que l'instrument fiscal constitue l'outil le mieux adapté et le plus efficace pour lutter contre l'effet de serre. Comparée à une approche pénalisante pour notre pays qui fixerait des objectifs de réduction des émissions, la taxation des émissions de dioxyde de carbone s'avère être un moyen équitable qui prend en compte les efforts déjà accomplis (le taux d'émissions de C0 2 par habitant de la France figure parmi les plus faibles des pays développés).

Or, les modalités proposées ne répondent pas à ces exigences :


• Sur la taxe spécifique additionnelle
:

La France n'a aucun intérêt à voir progresser l'idée d'une taxe spécifique qui présente de nombreux inconvénients et la pénalise, compte tenu de ses taux nationaux élevés par rapport à ses partenaires. Il lui est, en effet, de plus en plus difficile de procéder à de nouveaux relèvements sans encourir des risques de délocalisation et de distorsion de concurrence.

L'intérêt de la France serait d'obtenir l'augmentation des taux minima harmonisés afin de réduire le plus rapidement possible les écarts existants à l'intérieur de l'Union.


Sur une approche par produit :

La Commission maintient son approche par produit, contrairement à l'approche sectorielle préconisée dans le mémorandum français qui permet d'agir sans délai et de façon programmée sur certains secteurs, les moins exposés à la concurrence internationale (transports et résidentiel-tertiaire), en excluant toute modification de taxation pour les combustibles fossiles à usage essentiellement industriel, afin de garantir la compétitivité des entreprises grosses consommatrices d'énergie.


Sur l'assiette mixte :

Une taxe mixte, assise pour partie sur la valeur énergétique des produits, ne répond pas à l'objectif de lutte contre l'effet de serre et défavorise les pays qui ont développé des énergies non productrices de C02, tel que l'électronucléaire.

Tous ces arguments plaident pour un rejet, par la France, du nouveau projet d'écotaxe proposé par la Commission européenne.

IV. LE PROBLÈME DE LA SÉCURITÉ NUCLÉAIRE À L'EST.

A. UNE PRIORITÉ ABSOLUE

La coopération avec les pays de l'Est constitue un axe majeur de la politique énergétique actuelle et future, dont la priorité absolue concerne la sûreté nucléaire. Celle-ci passe par la formation des hommes, l'entretien, la mise à niveau de certaines centrales, voire la construction de nouvelles centrales, mais aussi par la fermeture de celles qui présentent des risques importants. Il en va de l'avenir du nucléaire dans le monde, qui ne résisterait pas à un nouveau « Tchernobyl ».

La coordination des actions bilatérales entre l'Europe de l'Est et les autres pays est assurée par le G7. Dans le but de compléter ces actions et de financer à hauteur suffisante l'aide aux centrales nucléaires de type ancien (RBMK, VVER 440-230) des pays d'Europe centrale et orientale et de la Communauté d'États indépendants, un fonds structurel multilatéral a également été mis en place à l'instigation de la France et de l'Allemagne.

L'amélioration de la sûreté nucléaire a ainsi bénéficié de 331 millions d'Ecu de crédits communautaires pour les années 1991 à 1993. Et la France a fourni une aide de 600 millions de francs, dont 64 millions en aide bilatérale, sur la même période.

B. UN BILAN MITIGÉ

Le bilan de cette politique est mitigé.

Parmi les aspects positifs, on peut citer les réels progrès accomplis dans la sûreté des centrales nucléaires, le renforcement des autorités de sûreté et la mise en place de régimes législatifs et réglementaires en matière de responsabilité civile nucléaire dans les pays de la zone.

Mais aucun progrès n'a été accompli dans la fermeture effective des réacteurs les plus anciens, même si des engagements en ce sens ont été pris par la Bulgarie, la Lituanie et l'Ukraine.

Trois facteurs peuvent expliquer ce bilan :

- tout d'abord, face aux difficultés économiques rencontrées par ces pays, l'absence de véritables contre-pouvoirs n'a pas permis d'élever la sûreté nucléaire au rang de priorité ;

- ensuite, la Russie a fait preuve d'une ferme détermination politique dans la défense de son industrie nucléaire et a probablement joué de son influence auprès des autres pays de l'Est pour entraver la mise en oeuvre de cette politique ;

- enfin, les pays occidentaux n'ont pas toujours présenté la cohésion nécessaire et les aides annoncées sont rapidement apparues au pays de l'Est insuffisantes pour compenser les pertes financières entraînées par la fermeture de tranches nucléaires.

Ces éléments devront être pris en compte pour la poursuite de l'action internationale.

C. L'EXEMPLE DE KOZLODUY

La centrale de Kozloduy, en Bulgarie, comprend six réacteurs à eau sous pression de conception soviétique, dont quatre de conception ancienne.

Après que l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) ait tiré la sonnette d'alarme sur l'état de cette centrale, différents financements se sont mis en place, pour un budget total de 37,8 millions d'Ecu (de 1992 à 1995) pour le programme européen et de 24 millions d'Ecu pour le Fonds d'assistance multilatérale pour la sûreté nucléaire, géré par la BERD.

EDF a participé au programme d'amélioration de la centrale et a organisé sa coopération sous la forme d'un jumelage entre Kozloduy et la centrale de Bugey.

Si de nombreuses améliorations ont pu être apportées à la centrale, les experts occidentaux n'ont pas pu réaliser les tests nécessaires sur le réacteur n° 1 et celui-ci ne peut fonctionner dans des conditions de sûreté satisfaisante.

Rappelons qu'en dépit des mises en garde de nombreux experts internationaux, dont les experts d'EDF et de l'Institut français de protection et de sécurité nucléaire (IPSN), les autorités bulgares ont décidé de faire redémarrer ce réacteur en octobre dernier.

Un accident grave lié à une rupture de la cuve du réacteur n'étant pas à exclure, les autorités européennes et internationales ont demandé, en vain, à la Bulgarie de procéder à son arrêt.

L'Union européenne, notamment à l'initiative de la France, a même proposé, le 24 octobre dernier, de mettre en place des solutions alternatives, afin de permettre à la Bulgarie de compenser la perte de 5 % de son électricité que fournit le réacteur controversé. Les autorités bulgares ont, pour l'instant, repoussé cette proposition et renoncé à arrêter le réacteur.

Votre commission ne peut que s'alarmer devant une telle situation. Elle demande au Gouvernement de continuer à tout mettre en oeuvre pour inciter les autorités bulgares à prendre une décision qui relève bien entendu de leur souveraineté, mais qui concerne l'ensemble des citoyens européens.

CHAPITRE III - LE BILAN ÉNERGÉTIQUE FRANÇAIS

I. STABILITÉ DE LA PRODUCTION NATIONALE D'ÉNERGIE

ï En 1994, la production nationale d'énergie primaire est restée pratiquement stable à 113,7 Mtep 1 ( * ) . Elle se répartit en charbon (55,4 Mtep, soit 4,7 %), pétrole (3,4 Mtep, soit 3,0 %), gaz (2,9 Mtep, soit 2,6 %), énergies renouvelables (4,2 Mtep, soit 3,7 %) et surtout électricité primaire : hydraulique (18,0 Mtep, soit 15,8 %) et nucléaire (79,8 Mtep, soit 70,2 %).

ï L'offre d'électricité hydraulique a atteint un niveau record en 1994. Par ailleurs, le taux de disponibilité du parc électronucléaire s'est encore amélioré (81,2 % en moyenne, contre 80,7 % en 1993 et 71,3 % en 1992).

ï Il faut souligner que, pour la deuxième année consécutive, plus de la moitié de l'énergie consommée en France a été produite nationalement.

II. LÉGÈRE HAUSSE DE LA CONSOMMATION


• La consommation totale d'énergie primaire a augmenté de + 0,8 % en 1994, pour s'établir à 227,14 Mtep (après correction climatique). Elle adonc moins augmenté que la croissance économique.

On peut cependant regretter, depuis 1990, un relâchement des efforts de maîtrise de l'énergie, lié à des prix de l'énergie historiquement bas.


• Cette consommation d'énergie primaire se répartit de la façon suivante :

-pétrole 41,2%

- électricité 37,8 %

- gaz 13,0%

- charbon 6,2 %

- énergies renouvelables 1,8 %


• 84 % de la consommation d'énergie est à usage énergétique, dont :

- résidentiel-tertiaire 45,20 %

- industrie 27,76 %

- transports 25,30 %

- 10,6 % sont consommés par le secteur de l'énergie lui-même et 5,4 % sont à usage non énergétique.

III. NOUVELLE AMÉLIORATION DE LA FACTURE ET DU TAUX D'INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE


La facture énergétique - solde entre les importations et les exportations de produits énergétiques- s'est élevée à 65,6 milliards de francs en 1994, en baisse de 4,8 % par rapport à 1993. Depuis 1984, année où la facture énergétique avait atteint un maximum historique, la facture énergétique a été divisée par 3,9 en volume. Cela est dû à plusieurs facteurs :

- la forte diminution des importations, liée à la douceur du climat ;

- une baisse des prix exprimés en dollars ;

- la modération du coût moyen du dollar (5,50 F).

Les importations de produits énergétiques représentent 7,9 % des importations totales de 1994, contre 9,1 % en 1993.


• Le taux d'indépendance énergétique
s'est encore amélioré, passant de 50,6 % en 1993, à 51,6 % en 1994, meilleur résultat de ces 25 dernières années. Il s'explique par un moindre recours aux énergies fossiles, du fait des bonnes performances de l'outil de production électrique et de l'excellente situation de l'hydraulicité.

On peut se féliciter de la forte amélioration de ce taux constatée depuis le début des années 80, qui résulte essentiellement de la montée en charge du programme électronucléaire.

CHAPITRE IV - LES PRINCIPALES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DE LA France

I. MAINTENIR LA PLACE DE LA FRANCE DANS L'INDUSTRIE NUCLÉAIRE MONDIALE

A. ASSURER L'AVENIR DE L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE

La stabilisation tant de la demande intérieure que des exportations, l'amélioration de la disponibilité du parc nucléaire, le développement de la production autonome d'électricité -en particulier de la cogénération- et la durée de vie des centrales chimiques classiques, expliquent qu'aucune commande de tranche nucléaire n'apparaisse nécessaire d'ici l'an 2000, deux tranches au maximum pouvant être éventuellement engagées sur la période 2000-2010.

C'est dans ce contexte que l'industrie nucléaire française doit assurer le maintien de ses compétences et de sa place primordiale dans l'industrie mondiale.

C'est pourquoi ses activités s'orientent désormais essentiellement selon trois axes : l'amélioration de l'achèvement du cycle du combustible, la préparation des réacteurs du futur et le développement à l'international.

1. Améliorer l'achèvement du cycle du combustible et préparer l'avenir

Pour le cinquantenaire du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), un contrat d'objectifs a été signé entre l'État et le CEA, le 1er mars 1995. Celui-ci permet au CEA de concentrer ses efforts sur les grands enjeux actuels de la recherche pour l'industrie nucléaire. Il s'agit, notamment :

- d'assurer le recyclage du plutonium ;

- d'étudier les procédés d'enrichissement de l'uranium par laser ;

- de trouver les solutions au problème des déchets radioactifs à vie longue.

Ceci recouvre d'une part, la réduction du volume et de la toxicité potentielle à moyen et long terme des déchets ; d'autre part, les études visant à la mise en place d'un stockage en profondeur de ces déchets.

Il faut rappeler que ces recherches sont menées par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), en coopération étroite avec le CEA et le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), pour un budget évalué à 650 millions de francs en 1995.

La Commission nationale d'évaluation, chargée de préparer le rapport annuel sur ces recherches -prévu par la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur les déchets à haute activité et à vie longue- a adressé son premier rapport au Gouvernement en juin 1995. Le Parlement devrait en saisir son Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Un autre enjeu essentiel réside dans la préparation des nouvelles générations de réacteurs.

Rappelons que, depuis plusieurs années, la France travaille, en coopération avec l'Allemagne, sur le réacteur de nouvelle génération : European Pressurized Water Reactor (EPR), qui relève de la technologie des réacteurs à eau légère. Ses objectifs visent à la fois l'amélioration de la sûreté et une utilisation possible du plutonium.

Enfin, en février 1994, le Gouvernement a décidé que Superphénix ne serait plus exploité comme une centrale nucléaire, mais serait dorénavant consacré à la recherche et à la démonstration.

Les recherches doivent porter, notamment, sur la combustion massive du plutonium et sur l'incinération des déchets radioactifs à vie longue.

Superphénix a connu une succession d'arrêts puis de redémarrages, à la suite de divers incidents. En fonctionnement depuis le 26 septembre dernier, il a dû être arrêté le 23 octobre à la suite de la détection d'une fuite sur le circuit eau-vapeur.

Afin d'évaluer la capacité du réacteur à fonctionner de manière opérationnelle pour mener à bien les recherches prévues, une commission a été mise en place en octobre 1995, sous la présidence de M. Castaing, membre de l'Académie des Sciences. Elle remettra son premier rapport à la fin du premier semestre 1996.

2. Inciter les opérateurs à développer une politique internationale

Le contexte nucléaire de la France, marqué par une surcapacité et par la nécessité de maintenir et de valoriser les savoir-faire, prône en faveur du développement des exportations, d'une part ; de l'internationalisation, d'autre part.


• C'est ainsi que les exportations d'électricité sont passées de 8 % à 14 % de la production, entre 1987 et 1994. Leur développement s'avère désormais plus difficile cependant, dans la mesure où les contrats passés avec l'Italie, l'Espagne et le Portugal ne pourront être honorés que si les lignes d'interconnexions internationales en projet sont construites. Or, on sait que cette construction se heurte pour l'instant à l'opposition des habitants concernés.


• Par ailleurs, EDF s'est lancée depuis cinq ans dans une politique ambitieuse d'investissements directs à l'étranger, avec l'objectif de prendre des participations dans des installations existantes à hauteur de 3 à 4 milliards de francs par an, afin d'être opérateur dans les pays concernés.

C'est ainsi qu'EDF a initié des partenariats en Europe, mais aussi en Argentine, au Maroc, au Liban, en Afrique du Sud ou en Inde.

L'entreprise publique développe également des opérations de conseil et de services dans cinq domaines d'action : l'ingénierie, l'assistance à l'exploitation, l'amélioration de la sûreté nucléaire, la gestion déléguée et l'aide à la réhabilitation de systèmes électriques endommagés.

L'opération la plus marquante a concerné la Chine, avec la centrale nucléaire de Daya Bay.

L'industrie électronucléaire vient de remporter un nouveau succès en Chine avec la signature, le 25 octobre dernier, du contrat pour la construction de la centrale de Ling Ao.

La part du contrat revenant à la France est d'environ 10 milliards de francs, dont 6,6 milliards de francs pour Framatome, 2,9 milliards de francs pour GEC Alsthom (dont 900 millions pour la partie française) et près de 500 millions de francs pour EDF.


La politique d'internationalisation d'EDF a cependant dépassé le cadre fixé dans le contrat de plan 1992-1996 et nécessite sans doute une certaine « remise à plat ».

C'est dans ce contexte que le Gouvernement vient de confier à M. Edmond Alphandery, une mission visant à « permettre de définir une stratégie de développement international pour chaque énergie, dans le cadre de l'évolution des marchés extérieurs et de nos capacités d'exportation énergétique et de savoir-faire industriel ».

À cet égard, la stratégie d'EDF à l'international sera probablement redéfinie à l'occasion de la négociation du nouveau contrat de plan dont la signature a été avancée au début de l'année 1996.

B. LES DOTATIONS BUDGÉTAIRES

1. Le CEA

Le contrat d'objectifs prévoit que les ressources publiques concourant au financement des activités civiles du CEA seront stables en francs constants sur la durée du contrat. Pour conjuguer cette évolution et la mise en oeuvre de ses objectifs, qui nécessitent une reprise de ses investissements, le CEA devra mobiliser, au delà de la subvention budgétaire, les recettes externes provenant de ses partenariats, ainsi que des ressources propres provenant de la valorisation de ses actifs.

Dans ce contexte, les crédits inscrits au total dans le projet de loi de finances pour 1996 au profit du CEA augmentent de 6,6 % par rapport au budget voté de 1995.

Cette forte progression s'explique par :

- l'augmentation de 1 % de la subvention de fonctionnement du CEA (à 3,63 milliards de francs, dont 894,2 millions de francs destinés à l'Institut de protection et de sûreté nucléaire) ;

- surtout, la rebudgétisation partielle de ses crédits d'investissements civils. Ainsi, 200 millions de francs sont inscrits, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, au titre d'une nouvelle dotation de dépenses en capital.

2. Les autres dotations

D'importantes économies sont en revanche proposées dans le domaine des matières premières.


• En effet, la dotation à la Caisse française des matières premières est supprimée, ceci concrétisant la dernière étape de la réforme du stockage des matières minérales stratégiques.

En contrepartie, les crédits d'études de l'Observatoire des matières premières progressent de 14,5 % (à 1,7 million de francs), cet organisme étant dorénavant chargé de la surveillance et de la sécurité des approvisionnements.


• Par ailleurs, la dotation inscrite dans le projet de loi de finances initial pour 1996 en faveur du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui s'élève à 352,2 millions de francs, est également en diminution, de - 6,6 % par rapport aux crédits votés pour 1995 et de - 3,4 %par rapport aux crédits régulés pour 1995. Cette baisse provient, notamment, de la réduction de 30 millions de francs des crédits destinés à la prospection et au développement miniers et de la suppression de 6 millions de francs destinés à l'inventaire, celui-ci étant achevé, notamment en Guyane.

L'Assemblée nationale a procédé à une nouvelle réduction de 11 millions de francs de la subvention allouée au BRGM, soit une diminution de 3,1 % par rapport aux crédits inscrits dans le projet de loi de finances initial.

II. ATTÉNUER LA DÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE

Outre le programme électronucléaire, la recherche d'une plus grande indépendance énergétique recouvre deux axes : la politique de maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables.

A. LA POLITIQUE DE MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE À VINGT ANS

1. Un bref bilan

« En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées ». Ce slogan, lancé en 1975, appartient désormais à la mémoire collective des Français.

Dès la première crise du pétrole, la France a mis en place une véritable politique de maîtrise de l'énergie, avec un arsenal de mesures réglementaires, fiscales, un soutien à la recherche, à l'investissement, des actions de sensibilisation...

Le résultat a été probant puisque la France a ainsi amélioré son efficacité énergétique de plus de 15 % entre 1975 et 1985, soit quelque 30 millions de tonnes-équivalent-pétrole d'économies d'énergie.

Cependant, depuis 1986, sous l'effet de la persistance de prix bas et de l'abondance du pétrole sur le marché mondial, la volonté politique s'est émoussée et cette nouvelle conjoncture a découragé toute velléité de relancer la politique d'économies d'énergie.

C'est pourquoi, depuis 1990, la consommation d'énergie s'est remise à augmenter à un rythme supérieur à celui du PIB. Ce dérapage provient de l'industrie et surtout des transports, où l'efficacité énergétique est revenue à son niveau de 1974.

2. Vers un nouveau départ ?


• À l'occasion du salon de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui s'est tenu au début du mois d'octobre dernier, sur le thème des vingt ans de maîtrise de l'énergie en France, le ministre de l'industrie a souhaité donner un nouveau départ à cette politique.

Trois réflexions récentes y incitent :

- le programme national de lutte contre l'effet de serre, adopté en février 1995 à la suite du sommet de Rio de 1992 ;

- les premières conclusions de l'instance d'évaluation de la politique de maîtrise de l'énergie ;

- les conclusions du débat national sur l'énergie et l'environnement organisé et animé, en 1994, par M. Souviron.


• Il est vrai que l'énergie la moins polluante est celle qu'on ne consomme pas ! Face à ce constat simple, le Gouvernement a décidé -au cours du Conseil des ministres du 29 mars 1995- d'engager de nouvelles mesures visant à promouvoir une utilisation plus rationnelle de l'énergie :

- s'agissant du secteur résidentiel et du tertiaire :


• il s'agit, en premier lieu, de renforcer la réglementation thermique de l'habitat neuf et du secteur tertiaire neuf, avec une diminution de 5 à 10 %des consommations d'énergies pour le premier, de 25 % pour le second, avec une première phase au 1er janvier 1997 ;


• en second lieu, l'affichage des consommations d'énergie des logements neufs sera rendu obligatoire au 1er janvier 1996 ;


• s'agissant des bâtiments de l'État, une étude énergétique préalable devrait être menée pour les constructions neuves et un audit énergétique devrait être conduit tous les cinq ans pour les bâtiments existants ;

- s'agissant du secteur de l'industrie : il a été décidé de moderniser l'ensemble de la réglementation applicable aux installations consommant de l'énergie thermique, ceci avant la fin de l'année 1996 ;

- s'agissant du secteur des transports : il a été décidé de favoriser le développement du transport combiné (avec une enveloppe de 300 millions de francs pour le Conseil des transports combinés mis en place), d'inciter au remplacement des véhicules de conception ancienne (prime) et de promouvoir les véhicules alternatifs, comme on le verra ultérieurement ;

- enfin, s'agissant des mesures fiscales contenues dans le projet de loi de finances pour 1996 : il faut rappeler que les aides fiscales accordées, d'une part, aux ménages sous forme de déduction d'impôts sur le revenu et, d'autre part, aux entreprises par le moyen d'un régime d'amortissement exceptionnel pour certains investissements d'économie d'énergie arrivent à échéance fin 1995.

Le projet de loi de finances pour 1996 propose une reconduction de ces aides pour une nouvelle période de cinq ans.

Cependant, un aménagement du dispositif en faveur des ménages est prévu dans le sens d'une plus grande sélectivité des travaux et équipements éligibles et de l'intervention obligatoire d'un professionnel, afin d'améliorer l'efficacité du dispositif et de favoriser l'emploi.

B. LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

Les énergies renouvelables contribuent déjà pour 15 % au bilan énergétique national et pour 9 % si on exclut la grande hydroélectricité. Mais elle doit être davantage encouragée.

1. Les mesures à l'étude

S'inspirant du rapport Souviron, diverses mesures sont actuellement à l'étude :

- une meilleure connaissance des perspectives de créations d'emplois liés aux énergies renouvelables, qui fera l'objet du prochain rapport du Commissariat général au Plan sur l'énergie ;

- l'amélioration des conditions d'achat par EDF de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables : le ministère a constitué un groupe de travail, ouvert aux représentants des différentes filières d'énergie renouvelables, qui soumettra ses propositions au Gouvernement d'ici la fin de l'année 1995 ;

- une meilleure utilisation du potentiel hydroélectrique français : un décret visant à rendre plus efficace et à accélérer la procédure d'instruction des demandes d'autorisation est en préparation ;

- le développement de l'énergie solaire : un programme visant la mise en place de 20.000 chauffe-eau solaires dans les zones insulaires (DOM et Corse) est en préparation, avec l'ADEME et EDF.

En outre, deux volets méritent un développement particulier : les biocarburants et les véhicules alternatifs à l'électricité ou au gaz. Ils contribuent à la diversité des approvisionnements, nécessaire dans la mesure où le secteur des transports routiers dépend pour plus de 98 % des produits pétroliers.

2. Les biocarburants


• La France a pris, ces dernières années, des dispositions fiscales destinées au développement des biocarburants obtenus à partir de matières premières agricoles produites sur des terres mises en jachère.

Au 1er juillet 1995, le dispositif donne un avantage fiscal hors TVA de 213,79 francs par hectolitre à l'ester, lorsqu'il est incorporé au gazole ou au fioul domestique, et un avantage fiscal hors TVA de 329,50 francs par hectolitre à l'éthanol, lorsqu'il est incorporé au supercarburant plombé ou au supercarburant sans plomb.

* En 1994, les consommations d'ester et d'éthanol se sont élevées respectivement à 728.000 et 485.000 hectolitres, pour un coût fiscal de 153 et 160 millions de francs.


• La Commission européenne
a présenté, le 5 mars 1992, une proposition de directive sur les taux d'accises sur les produits pétroliers.

Cependant, en raison de divergence entre États membres, l'avenir de ce projet de directive est incertain.

Compte tenu de cette situation, la Commission considère maintenant que la base juridique européenne à l'origine des dispositions fiscales françaises en faveur des biocarburants n'est plus suffisante. Elle estime que ces dispositions constituent une aide directe à certains biocarburants et une aide indirecte à certains produits agricoles couverts par des organisations communes de marché. La Commission a donc adressé une mise en demeure à la France en juin 1995.

La France a présenté ses commentaires sur l'interprétation de la Commission, notamment en justifiant la dimension expérimentale du dispositif français.

En parallèle, la France a déposé en juin 1995 une demande de dérogation pour pérenniser son système fiscal relatif aux biocarburants et sortir du cadre expérimental.


• Dans ce contexte, la politique du Gouvernement en la matière est fondée sur le rapport Levy de 1992, qui conclut que la promotion des biocarburants n'a de justification immédiate que d'ordre agricole et que, à moyen terme, l'amélioration de leur compétitivité passe avant tout par une diminution de leur coût de production.

Le Gouvernement entend donc donner la priorité à l'effort de recherche via l'AGRICE (Groupement d'intérêt scientifique : « Agriculture pour la Chimie et l'Energie »), créé à l'initiative des ministres de l'Industrie, de l'Agriculture et de la Recherche, le 6 mai 1994.

Doté d'un budget de 40 millions de francs publics, complété par 25 millions venant d'organismes privés, ce groupement est géré par l'ADEME.

Il est chargé de coordonner les programmes de recherche sur la valorisation énergétique et les utilisations de produits agricoles en substitution à des hydrocarbures, dans une triple perspective de protection de l'environnement, de réduction des coûts de production et d'amélioration des rendements énergétiques.

L'objectif serait d'atteindre, en 2005, 5 % de part de marché pour les biocarburants, ce qui représenterait près d'un million d'hectares, soit les 2/3 de la superficie mise en jachère.

Votre commission souhaite que les efforts de recherche et de production soient poursuivis.

3. Les véhicules alternatifs

Il s'agit des véhicules électriques et des véhicules au gaz naturel ou au gaz de pétrole liquéfié (GPL), qui présentent des avantages certains en termes de protection de l'environnement.


Le véhicule électrique était encore jusqu'à ces derniers mois au stade du développement. Cependant, depuis juillet 1995, les grands constructeurs (PSA, Renault) commercialisent des modèles classiques (205, Clio) à motorisation électrique.

Mais le véhicule électrique souffre de handicaps (faible autonomie, temps de ravitaillement long et, surtout, coût excessif tant à l'achat qu'en fonctionnement). Dès lors, les véhicules électriques ne pourront se développer sans un soutien budgétaire massif et de longue durée des pouvoirs publics.

C'est la raison pour laquelle un décret du 9 mai 1995 a institué une aide à l'acquisition de véhicules électriques d'un montant de 5.000 francs. EDF accorde, en outre, une aide complémentaire de 10.000 francs. Ces aides associées aux efforts des constructeurs, permettent d'offrir des véhicules électriques au même prix que le modèle thermique équivalent.


Les véhicules à gaz naturel ou à gaz de pétrole liquéfié ne nécessitent qu'une adaptation technologique facile, bien maîtrisée et bon marché, des véhicules traditionnels à essence. Mais ils souffrent d'un handicap lié aux difficultés de stockage du carburant et leur développement se heurte à la modestie des réseaux de distribution du carburant et d'infrastructure de maintenance. La baisse de 1 franc par litre de GPL décidée par l'Assemblée nationale devrait permettre un redémarrage de ce secteur. Votre commission soutient cette disposition.


• On conclura, avec la mission ministérielle conduite par M. Claude Birraux en avril 1995, que le développement de ces véhicules alternatifs suppose une politique ambitieuse, claire, alliant subventions et mesures fiscales, et mise en oeuvre dans la durée.

À cet égard, les récentes mesures vont dans la bonne direction.

C. LES CRÉDITS MODESTES ACCORDÉS À L'ADEME

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est le bras séculier de l'État dans ces domaines.

Compte tenu de la baisse de moitié, depuis 1990, des moyens d'intervention de l'ADEME en faveur de la maîtrise de l'énergie, le Gouvernement a décidé de rénover les relations entre l'État et l'Agence.

À cet effet, un contrat d'objectifs a été signé le 5 mai 1995 pour la période 1995-1998. Il en est attendu une plus grande efficacité de l'action de l'ADEME et un recentrage de ses interventions sur les domaines jugés prioritaires.

Pour 1996, les crédits de fonctionnement de l'ADEME s'élèveraient à 96 millions de francs (+ 0,6 %) . Ses crédits d'intervention dans le domaine énergétique augmenteraient de + 2,2 % en autorisations de programme (à 150 millions de francs), mais devraient connaître une baisse importante en crédits de paiement : - 23,4 % (à 120 millions).

Cette évolution peut paraître inquiétante au moment où le Gouvernement affiche son ambition de renouer avec la politique d'économies d'énergie et de développer les énergies renouvelables.

Dans ce contexte, est née l'idée de créer une taxe parafiscale sur les énergies destinée à donner à l'ADEME les moyens de ses missions.

Mais il est vrai qu'un tel projet paraît inopportun dans le contexte budgétaire actuel.

III. CONFORTER LA COMPÉTITIVITÉ DES GRANDS OPÉRATEURS FRANÇAIS

A. L'ÉLECTRICITÉ

1. La levée de l'obligation d'achat d'électricité par EDF

Rappelons que la loi de nationalisation de l'électricité et du gaz du 8 avril 1946 laisse la possibilité d'un développement de moyens de production d'électricité par des producteurs indépendants, lorsque la puissance de l'outil de production est inférieure à 8 mégawatts.

Dans ce cadre, le décret du 20 mai 1955 impose à EDF l'obligation de passer des contrats d'achat pour l'électricité produite par ces producteurs, à un tarif d'achat calculé à partir du tarif de vente de l'électricité.

1993 et 1994 ont vu un développement significatif de petits groupes diesel de pointe, pour vendre à EDF de l'électricité produite pendant les 22 jours de pointe du tarif, évaluée par EDF à 300 mégawatts pour le seul hiver 1993/1994.

Or, le parc centralisé étant en suréquipement, le développement de la production autonome est aujourd'hui superflu et induit d'importants surcoûts.

L'achat du courant produit par l'ensemble des installations existantes et des projets déjà autorisés représente, en effet, pour l'établissement un coût de 500 millions de francs.

Ce décret de 1955 prévoit la possibilité de lever l'obligation pour EDF de passer des contrats d'achat, en cas de surcapacité du parc.

Par un décret du 20 décembre 1994, le Gouvernement a donc pris la décision de suspendre provisoirement cette obligation, pour une durée de trois ans, à trois exceptions près, concernant la production d'électricité à partir de la cogénération, des énergies renouvelables et des déchets.

Le Gouvernement souhaite, en effet, encourager ces sources d'énergie.

Il faut rappeler, d'une part, que cette obligation subsiste pour l'électricité produite par les usines existant avant 1946 ; d'autre part, que la limitation de puissance des installations dont les propriétaires souhaitent vendre du courant à EDF est maintenue à 8 mégawatts (à l'exception des usines d'incinération d'ordures ménagères, non limitées en puissance).

Cette mesure a pour double avantage d'endiguer la multiplication non contrôlée et coûteuse des centrales privées, sans décourager des modes de production porteurs d'avenir.

2. Les résultats d'EDF en 1994

a) 1994 : une année satisfaisante

La quasi stagnation du chiffre d'affaires d'EDF en 1994 (183,3 milliards de francs, contre 183,6 milliards en 1993) résulte en large partie de la clémence du climat, compensée par l'amorce de reprise économique.

Elle a permis de préserver un résultat de près de 3,2 milliards de francs, proche de celui enregistré en 1993. Après rémunération de l'État, ce bénéfice net s'élève à 1.938 millions de francs.

Dans ce contexte, l'entreprise publique a pu faire progresser d'environ 7% par rapport à 1993 et poursuivre son désendettement (- 18,4 milliards de francs).

b) Un bilan positif de la deuxième année d'exécution du contrat de plan

ï Sans être exhaustif, on soulignera que, s'agissant des objectifs financiers, l'effort de désendettement est plus fort que prévu (7 milliards de francs de plus que les prévisions sur deux ans). Le niveau moyen des tarifs a enregistré une baisse de 1,25 % en termes réels, conforme aux objectifs du contrat de plan.

ï Des résultats satisfaisants ont été enregistrés dans le domaine de l'exploitation et de la disponibilité du parc nucléaire, ainsi qu'en matière de réseaux de distribution et de qualité (diminution des temps moyens de coupure, du nombre de clients mal alimentés (-21%), contrat « Émeraude »....).


• EDF poursuit ses engagements en matière d'environnement et concernant ses activités à l'international.

À cet égard, les exportations d'électricité ont dégagé un solde net en progression de 7 % (à 15,2 milliards de francs).

3. 1995 : une année marquée par les importants prélèvements financiers opérés par l'État


• Outre le versement à l'État d'un taux d'intérêt de 5 % sur les dotations en capital et d'un dividende, diverses décisions prises en 1994 et 1995 ont accru le poids des prélèvements sur EDF et, dans une moindre mesure, sur GDF :

- création d'une nouvelle taxe hydraulique pour financer un fonds d'investissement des transports terrestres (1 milliard de francs en 1995),

- participation d'EDF à une société destinée à financer la réalisation du canal Rhin-Rhône ;

- majoration des dividendes d'EDF (et de GDF) pour compenser des exonérations de charges publiques sur la Poste et le CNES ;

- majoration de TVA compensée par une baisse correspondante des tarifs hors taxes (2 milliards de francs en 1995) ;

- mobilisation d'EDF pour financer des aménagements hydrauliques d'intérêt énergétique accessoire.

Un récent rapport de la direction du gaz, de l'électricité et du charbon (DIGEC) du ministère de l'Industrie dénonce les effets négatifs de l'accroissement de ces prélèvements, qui sont parfois sans lien avec les missions de l'entreprise : impact négatif sur les investissements, ainsi que sur l'objectif de désendettement, la clarté des rapports de tutelle avec un État à la fois « prédateur » et garant de la rigueur financière et la motivation de l'entreprise.

On peut, il est vrai, souligner que l'intervention de l'État sur l'entreprise est la contrepartie du caractère public de celle-ci et de sa nécessaire contribution aux préoccupations de service public, d'intérêt général et d'ordre social.

La DIGEC recommande cependant, afin d'éviter de tels effets pervers, d'instaurer :

- une meilleure coordination des interventions de l'État vis-à-vis de l'entreprise ;

- une gestion encore plus rigoureuse des contrats de plan, de façon à faire bénéficier davantage le consommateur des marges financières non imputables à la bonne gestion de l'entreprise.

Votre commission estime que les opérateurs publics doivent surtout bénéficier d'une stabilité des règles du jeu.


• Dans ce contexte, EDF devrait dégager un bénéfice net de 1 milliard de francs, les prélèvements de l'État devant atteindre 3 milliards de francs.

Avant prélèvements et avec une comptabilité établie sur les mêmes bases que l'année précédente, la dette de l'entreprise devrait être ramenée à 145 milliards de francs fin 1995, grâce notamment au bon niveau des exportations, mais aussi à un tassement des investissements.

Cependant, la Haute Assemblée vient de voter une augmentation de 600 millions de francs du produit des participations de l'État dans les entreprises non financières, dont la majeure partie serait imputée à EDF, ceci sans compter le prélèvement supplémentaire prévu par la prochaine loi de finances rectificative.

4. Les règles concernant la diversification des activités des entreprises publiques sont précisées

EDF et GDF ont développé, au cours de ces dernières années, une stratégie d'intervention dans un certain nombre de secteurs ouverts à la concurrence : l'ingénierie, le traitement des déchets, la cartographie, l'éclairage public, les réseaux câblés, la télésurveillance pour EDF, le secteur thermique et climatique pour GDF.

Ces secteurs, dont les marchés concernent essentiellement des PME-PMI, représentent un enjeu significatif : 200.000 emplois pour un chiffre d'affaires global de 200 milliards de francs. La pénétration d'EDF et de GDF sur ces marchés, qui s'étage entre 1 % (l'ingénierie), 5 % et exceptionnellement 26 % (valorisation énergétique des déchets ménagers), a provoqué de vives protestations des professionnels concernés.

Celles-ci ont suscité des réflexions et une concertation, qui ont débouché sur des décisions que l'on peut juger équilibrées.

Il faut rappeler que cet important dossier avait donné lieu à :

- un rapport de l'inspection générale de l'industrie et du commerce, en février 1994 (rapport Guillet) ;

- un avis du Conseil de la concurrence, du 10 mai 1994, précisant les principes à respecter -notamment la transparence- par les entreprises publiques, pour que la diversification de leurs activités n'altère pas le jeu normal de la concurrence ;

- un avis du Conseil d'État, du 7 juillet 1994, sur la conformité des activités en cause avec le principe de spécialité.

En vertu de ce principe, un établissement public en situation de monopole, ne peut intervenir dans des activités extérieures à la mission pour laquelle il a été créé qu'à une double condition :


d'abord, que ces activités annexes soient le complément normal de sa mission principale ;


• ensuite, que ces activités soient à la fois d'intérêt général et directement utiles à l'établissement. C'est le cas si ces activités favorisent, par exemple, l'adaptation à l'évolution technique, le savoir-faire du personnel, la recherche, la valorisation des compétences et de tous les moyens mis au service de l'activité principale.

Par conséquent, le respect du principe de transparence impose « une séparation étanche entre les activités liées au monopole et celles relatives à la diversification », à travers la création de holding spécialisées, autonomes, garantissant une transparence totale des comptes et des activités.

Les filiales doivent intervenir dans des conditions comparables à celles des autres entreprises du secteur.

Dans leur action commerciale, ces filiales ne peuvent ni utiliser l'image de l'entreprise publique, ni s'appuyer sur les agences d'EDF-GDF Services ou sur les informations qu'elles détiennent.

Les contrats avec la maison mère ne doivent comporter aucun avantage particulier. Enfin, dans ces opérations en partenariat, il faut privilégier la complémentarité avec les PME locales en France et avec les entreprises françaises du secteur dans les actions à l'étranger.

Ces principes ont été affirmés dans un document ministériel d'avril 1995. En outre, le Gouvernement a mis en place, en février dernier, un Observatoire de la diversification qui comprend huit représentants des professions concernées, deux représentants des entreprises publiques concernées et quatre représentants de l'administration. Cet observatoire a pour mission d'examiner les conditions d'intervention d'EDF, de GDF et de leurs filiales sur les marchés concurrentiels et de s'assurer du respect, par ces entreprises, de leurs engagements. Ceux-ci ont vocation à être intégrés aux prochains contrats de plan d'EDF et contrat d'objectifs de GDF.

Certaines activités sont autorisées :

- le traitement des déchets (incinération avec récupération d'énergie), à l'exclusion cependant de la collecte et de la mise en décharge ;

- l'éclairage public ;

- l'ingénierie ayant un rapport avec l'activité principale d'EDF ;

- le génie thermique et climatique exercé par GDF.

D'autres secteurs d'activités se voient limités ou interdits :

- la cartographie ne peut se développer que pour les besoins propres d'EDF ;

- la télésurveillance et la domotique sont exclues.

Enfin, l'activité de vidéocommunication, c'est-à-dire l'exploitation des réseaux câblés, se poursuit mais devra faire l'objet d'un accord séparé avant la fin de l'année 1995.

Votre commission se félicite que des règles claires aient été ainsi établies. C'est en fixant des règles du jeu incontestables au regard du droit de la concurrence que l'on est le mieux à même de défendre le service public, notamment auprès des instances communautaires.

B. LE GAZ

1. L'approvisionnement en gaz

Les importations françaises de gaz, qui couvrent 90 % environ des ressources françaises, ont progressé de 2,7% en 1994, pour atteindre 26,6 millions de tonnes-équivalent-pétrole.

Les achats de gaz en provenance de Russie et des Pays-Bas sont restés stables ; ils représentent respectivement 36 % et 14 % des approvisionnements. En revanche, les importations de gaz algérien sont en recul de 11,6 % par rapport à l'année passée (soit 26 % du total), en raison des travaux engagés dans ce pays sur les unités de liquéfaction. La poursuite des travaux, en 1995, devrait aboutir à un nouveau recul cette année.

En contrepartie, les achats de gaz norvégien ont progressé de 22 %, en raison de la montée en régime du contrat Troll (1986), dont les premières livraisons ont débuté en 1993.

En outre, en début d'année 1995, GDF a conclu deux nouveaux contrats importants qui permettront de recevoir directement du gaz de Norvège, sans passer par les pays de transit.

La France poursuit donc sa politique de recherche de diversification et de sécurité dans ses approvisionnements de gaz. Ceci amène GDF à négocier des contrats d'approvisionnement de long terme (20 ans), avec des producteurs de plus en plus lointains.

2. Les résultats de GDF

a) 1994 : une année relativement bonne

En 1994, GDF a accru ses ventes de 2,3 % en année climatique moyenne. L'entreprise affiche des résultats satisfaisants, en dépit d'un climat économique morose et d'une baisse de son chiffre d'affaires de - 4 % (à 47 milliards de francs). Celle-ci a, en effet, été partiellement compensée par la diminution des prix d'achat du gaz naturel (sous l'effet de la baisse conjuguée des prix pétroliers et du cours du dollar) et par l'absence de dotations aux amortissements et provisions exceptionnels.

Cependant, cette situation a réduit la capacité d'autofinancement de GDF, qui a poursuivi son désendettement de - 2,6 milliards de francs, mais à un moindre niveau qu'en 1993. Sa dette d'emprunt est ainsi passée à 10,6 milliards de francs.

Le résultat net s'est élevé à 1.354 millions de francs, après la rémunération complémentaire de 971 millions de francs versée à l'État et un impôt sur les sociétés de 303 millions de francs. Il faut rappeler que GDF connaît un résultat bénéficiaire depuis 1991.

b) Les perspectives pour 1995

En 1995, le bénéfice prévisionnel est évalué à 3 milliards de francs, avant rémunération de l'État, et le désendettement pourrait s'élever à 2,8 milliards de francs.

3. La première année d'application du contrat d'objectifs

1994 marque la première année d'application du second contrat d'objectifs entre l'État et GDF, signé en mai 1994, et qui couvre la période 1994-1996.

Ce contrat traduit cinq grand enjeux assurer les approvisionnements de la France aux meilleures conditions de sécurité et de coût, affirmer la position de l'entreprise en France par l'excellence dans les métiers de base, poursuivre le développement dans le secteur de l'énergie et des services, concilier performance collective et performance individuelle et dégager les moyens financiers de son expansion.


• S'agissant de l'objectif de désendettement, le contrat d'objectif prévoit que le taux d'endettement 1 ( * ) doit être réduit de 263 % en 1993 à moins de 100 % en 1996. En passant à 192 % en 1994, il s'est donc notablement amélioré, même si ce désendettement est inférieur à l'objectif du contrat et à la performance de 1993.


L'objectif de productivité prévoit une baisse annuelle du coût du kilowatt/heure d'au moins 3 %, hors achats de gaz et en francs constants, sur la base d'une progression des ventes de 3 %.

Ce coût a fortement diminué en 1994 (de 4,2 % en francs constants), alors même que la croissance des ventes était inférieure à celle des années précédentes.


S'agissant des variations tarifaires, le contrat d'objectifs prévoit que les tarifs refléteront l'évolution des coûts d'approvisionnement et des gains de productivité, la moitié de ces gains annuels étant rétrocédée aux consommateurs par les ajustements tarifaires.

Conformément à ce principe, les tarifs domestiques ont été abaissés de 2 % au 1er mai 1994. Cette formule imposait également une baisse de 2 % au 1er novembre, qui a été différée au 1er janvier 1995, afin de la faire coïncider avec la hausse du taux de TVA sur les abonnements de gaz.


• L'État a été rémunéré conformément à l'objectif de rémunération de l'actionnaire : le taux d'intérêt sur les dotations en capital est de 5 %, complété éventuellement par un dividende, en fonction des résultats et notamment du désendettement.


• Enfin, l'objectif d'investissement prévoit que les investissements seront programmés à un rythme conforme à leur stabilisation en francs constants par rapport au niveau du programme en 1990.

Les investissements réalisés en 1994 ont été légèrement inférieurs aux enveloppes autorisées. Ils se sont élevés à 5,7 milliards de francs, dont 5 milliards d'investissements techniques et 0,7 milliard de participations financières, réalisées à l'international pour l'essentiel.

4. L'extension de la distribution de gaz aux communes non desservies

La desserte en gaz naturel est généralement considérée par les collectivités locales comme un élément favorable à leur développement économique. Cependant, cette énergie est substituable dans tous ses usages et n'est donc pas soumise à obligation de desserte. Contrairement à l'électricité, elle n'a donc pas vocation à desservir tout le territoire national et, en particulier, les zones où les coûts d'investissement, très importants en infrastructures de transport, ne sont pas compatibles avec des conditions de rentabilité acceptables.

Gaz de France dessert actuellement environ 5.700 communes, soit 9 millions de clients individuels ou collectifs. Au total, près des deux tiers de la population française sont situés dans une zone desservie au gaz. En outre, 20 % de communes supplémentaires peuvent envisager une desserte en gaz. Conformément au contrat d'objectifs 1994/1996, environ 650 communes nouvelles seraient raccordées, représentant une population d'un peu plus d'un million d'habitants.

L'article L.374-2 du code des communes, tel qu'il résulte de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, permet aux services locaux de distribution de gaz, en cours d'exploitation au 1er juillet 1991, de poursuivre de plein droit leur activité dans les limites territoriales que celle-ci couvrait à cette date. Cet article légalise donc les créations et extensions de régies réalisées illégalement depuis l'entrée en vigueur de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz et maintient le monopole de distribution de Gaz de France pour les nouvelles dessertes potentielles.

Par ailleurs, conformément aux engagements pris devant le Sénat, le 3 juillet 1991, le Gouvernement avait constitué un groupe de travail pour examiner les conditions de l'extension de la desserte en gaz naturel à des communes actuellement non desservies.

Les travaux du groupe de travail se sont concrétisés par une circulaire interministérielle du 17 février 1993.

Suite au vote de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, qui prévoit notamment la création du fonds national pour l'aménagement du territoire (FNADT), le ministre de ('Industrie a pris, le 5 mai 1995, une circulaire provisoire relative à la desserte en gaz de communes actuellement non desservies, à laquelle doit se substituer, après réexamen d'ensemble, un nouveau texte avant la fin de l'année 1995.

Cette circulaire prévoit :

- l'examen de l'opportunité de la desserte en gaz au regard du potentiel de développement, de la proximité du réseau de transport, du tissu économique local et des conséquences sur l'approvisionnement énergétique local. Le préfet mène, à cet effet, une phase de concertation et communique un schéma directeur aux différentes parties intéressées ;

- l'obligation du respect d'un critère de rentabilité économique prévisionnelle (rapport des bénéfices attendus sur les investissements prévisibles) qui doit être globalement supérieur à 0,3 dans la zone considérée et, en tout état de cause, jamais inférieur à zéro pour l'une quelconque des communes.

En cas de nécessité locale, des contributions peuvent être envisagées pour porter ce critère au niveau minimal requis.

Le total des subventions publiques (locales ou nationales) ne doit en aucun cas excéder 50 % du coût de l'opération.

En outre, le Gouvernement a engagé une réflexion sur le cas des communes se situant à proximité de communes desservies par des sociétés économie mixtes, régies ou services municipaux, assurant la distribution de gaz ou d'électricité.

C. LE PÉTROLE

1. Le secteur pétrolier en 1994

a) L'approvisionnement de la France en pétrole

Le marché pétrolier mondial est actuellement caractérisé par la faiblesse des cours du brut, une situation de surproduction malgré une forte demande mondiale et la prédominance des NON-OPEP par rapport à l'OPEP.

Dans ce contexte, les approvisionnements pétroliers de la France, en 1994 ont augmenté en volume (+ 2,1 millions de tonnes) du fait du niveau relativement élevé de l'activité économique mais, ils ont, en revanche, encore baissé en valeur (- 2,8 milliards de francs), en raison de la baisse conjointe du dollar (- 2 %) et du prix du baril (- 1,2 $).

La part de la production nationale reste stable, à 3,5 % de notre approvisionnement. Les importations en provenance d'Iran ont chuté, tandis que la part du Royaume-Uni a doublé depuis 1992 (à 10,3 %) et que la part de la Norvège a augmenté fortement durant la même période (à 13,1 %).

b) La politique pétrolière de la France

La politique du Gouvernement dans le domaine pétrolier poursuit quatre objectifs :

- garantir l'indépendance et la sécurité des approvisionnements. Ceci passe par la diversification de ces derniers et par le développement de la production nationale, qui doit donc être encouragée ;

- poursuivre l'effort de compétitivité en matière de raffinage, de qualité des produits et de distribution ;

- stimuler l'effort national de recherche. L'Institut français du pétrole, établissement professionnel créé en 1944, et le Fonds de soutien aux hydrocarbures contribuent à cet effort ;

- préserver l'environnement.

À cet égard, rappelons que le Gouvernement avait réduit la fiscalité sur les carburants sans plomb de 35 centimes hors TVA par litre à partir du 1er juillet 1989. Cette détaxe permet aux automobilistes de ne pas payer les essences sans plomb -dont les coûts de fabrication sont plus élevés- plus cher que les carburants plombés. On peut regretter que cette détaxe ait été ramenée à 26,28 centimes par litre en janvier 1995.

Enfin, les pouvoirs publics ont procédé à la réorganisation des stocks stratégiques de pétrole, avec la loi portant réforme du régime pétrolier, promulguée le 31 décembre 1992.

Le niveau des stocks ayant dépassé le seuil fixé pour le respect de nos engagements internationaux, le Gouvernement a récemment décidé d'abaisser le niveau de l'obligation nationale à 26 % des mises à la consommation, par arrêté, publié au Journal officiel du 16 juillet 1995.

c) Les mauvais résultats de l'industrie pétrolière


Les résultats financiers de l'industrie pétrolière pour 1994 sont mauvais pour l'ensemble de ces activités. En raffinage-distribution, les sept sociétés pétrolières les plus importantes ont perdu en France 239 millions de francs 1 ( * ) , alors qu'en 1993, elles avaient pu dégager un résultat positif de 2,2 milliards de francs. On peut citer deux raisons à cela : les marges de l'affinage se sont effondrées en 1994, retrouvant les très bas niveaux de 1992, et les marges de distribution sont restées les plus basses d'Europe, ce qui a entraîné la poursuite de la diminution du nombre de stations-service, (passé de 19.462 en 1993 à 19.013 en 1994). Néanmoins, en 1994, les sociétés ont investi 7,2 milliards de francs.


Les résultats financiers du premier semestre 1995 de l'industrie pétrolière sont également négatifs pour l'ensemble de ses activités. En raffinage-distribution, les sept sociétés pétrolières ont perdu en France 1,017 milliard de francs 2 ( * ) . Ramenée à la tonne de produit vendu, la perte s'élève à 21 francs. Les raisons en sont les mêmes que l'année précédente : outre les basses marges de distribution, les marges de raffinage se sont encore effondrées par rapport à 1994, se situant en moyenne à 57 francs par tonne, alors que l'équilibre économique se situerait au minimum à 100 francs par tonne.

2. Les difficultés rencontrées par l'industrie pétrolière

Confrontée à une situation économique et financière difficile dans l'exploration-production, le raffinage et la distribution, l'industrie pétrolière française a élaboré dans un Livre Blanc à l'attention des pouvoirs publics. Ce dernier recense l'ensemble des difficultés rencontrées par le secteur et propose des remèdes dans le but d'éviter la délocalisation des activités, d'encourager l'investissement et de sauvegarder l'emploi sur le territoire national.

a) Le domaine de l'exploration-production

L'industrie pétrolière souligne la nécessité de poursuivre l'adaptation de la fiscalité de l'exploration-production pour relancer l'activité de recherche de pétrole en France. Elle propose notamment de :

- supprimer le prélèvement sur la production de pétrole brut pour les nouveaux gisements et les nouveaux puits sur des gisements reconnus ;

- aménager le régime de la provision pour reconstitution de gisements (PRG) ;

- modifier le dispositif des redevances départementales et communales des mines (RDCM), en supprimant leur indexation pour les gisements mis en production avant 1992.

À cet égard, on ne peut que regretter un amendement adopté par l'Assemblée nationale dans le projet de loi de finances pour 1996, qui conduit à un fort alourdissement de ces redevances. La Commission des Affaires économiques et la commission des finances ont déposé des amendements qui ont aboutit à la suppression de cet article par le Sénat.

b) La situation préoccupante du raffinage


• Comparé aux autres pays européens, le raffinage français est handicapé par une structure de marché particulière avec, en premier lieu, la part grandissante du gazole, liée à l'évolution de la fiscalité sur les carburants.

- La France est le pays où la différence de prix à la pompe entre le supercarburant sans plomb et le gazole est la plus élevée (1,80 F/litre). Par ailleurs, la part de gazole atteint 55 % de la consommation de carburant et la « diésélisation » du parc de voitures particulières progresse (50 % des nouvelles immatriculations).

À l'horizon de dix ans, cette évolution conduirait, si elle devait se poursuivre, à une baisse de plus d'un tiers de la consommation d'essence et au doublement de la consommation de gazole des véhicules particuliers. Or, cette situation est en inadéquation avec la capacité des raffineries. Ce déséquilibre entre l'offre et la demande entraîne des excédents d'essence -rappelons que les investissements pour les supercarburants sans plomb se sont élevés à 4,9 milliards de francs pour la période 1991-1994-, et un déficit de gazole et de fioul domestique. Il faut donc importer une partie importante de ces produits, alors même que l'industrie française -et européenne d'ailleurs- du raffinage est excédentaire.

Sur les vingt dernières années, la capacité de raffinage en France a été réduite de moitié, avec notamment la fermeture de onze raffineries, alors que la consommation pétrolière ne chutait que de 30 %. D'exportatrice de produits finis, l'industrie du raffinage est devenue importatrice nette à hauteur de 9 millions de tonnes par an.

- En second lieu, il faut souligner le déclin constant de la demande en fioul lourd. Celle-ci est exceptionnellement basse, compte tenu du programme nucléaire qui a supprimé le débouché des centrales électriques (le marché du fioul lourd a été divisé par sept en vingt ans) et de la « discrimination » 1 ( * ) , notamment fiscale, entre fioul et gaz naturel, dénoncée par les professionnels du secteur.


Pour remédier à cette situation, l'industrie pétrolière propose, notamment :

- la mise en oeuvre d'une politique de long terme clairement définie, concernant les écarts de fiscalité entre les différents carburants, avec retour à une incitation fiscale raisonnable en faveur du supercarburant sans plomb, avec la réduction de la TIPP sur le gaz de pétrole liquéfié (GPL) carburant et en visant à une harmonisation européenne pour l'ensemble des produits. Elle propose, dans ce cadre, d'envisager un système de restitution partielle de la TIPP sur le gazole au profit des transporteurs routiers ;

- la « suppression des distorsions de concurrence » (1) avec, en particulier, l'harmonisation progressive de la TIPP sur le fioul domestique et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) dans le secteur domestique et un arrêt des actions tendant à promouvoir les énergies concurrentes du fioul ;

- pour les usages industriels, le respect d'une neutralité fiscale entre toutes les énergies -fioul, gaz naturel, charbon et électricité-, avec notamment la taxation au même niveau du gaz naturel et du fioul lourd.

- Enfin, les professionnels estiment que, par rapport à la moyenne des pays européens, le raffinage français supporte des surcoûts de près de un milliard de francs, liés aux coûts salariaux (en raison des charges sociales), aux taxes (essentiellement taxe professionnelle), aux frais portuaires globaux et à l'obligation de pavillon.


Un pas dans leur direction vient d'être franchi, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1996, avec la décision de l'Assemblée nationale, qui vient d'être confirmée par le Sénat, de diminuer de 1 franc par litre les taxes sur le GPL carburant, pour le ramener à 2,50 francs, ce qui permettra à la France de rejoindre la moyenne européenne.

Votre commission se félicite de cette disposition, dont le coût est évalué à environ 40 millions de francs pour le budget de l'État. Rappelons qu'après un démarrage prometteur au début des années 1980, ce carburant avait presque disparu de France, victime d'une fiscalité dissuasive et de fortes contraintes techniques. À l'heure actuelle, 700 stations-services alimentent 20.000 véhicules. C'est peu. Il faut espérer que ce signal fiscal permettra un développement de la consommation de GPL carburant. Ce dernier présente, en effet, des atouts en termes d'environnement et d'indépendance énergétique, puisqu'il est constitué à 50 % de butane, produit excédentaire, et à 50 % de propane, dont les 3/4 proviennent de raffineries françaises.

c) Le problème de la distribution des carburants


Le raffinage ne peut s'appuyer sur la distribution pour compenser ses difficultés, car le marché français est le moins rentable d'Europe.

La marge de transport-distribution et le prix de vente hors taxes sont parmi les plus faibles d'Europe : 38 c/l pour le supercarburant plombé en janvier 1995, contre 65 c/1 en Allemagne, 54 c/1 au Royaume-Uni, 68 c/1 en Italie, 79 c/1 en Belgique et aux Pays-Bas. Les tendances sont comparables pour les supercarburants sans plomb et le gazole. L'existence de surcapacités et une concurrence intensive maintiennent les marges à un niveau très bas, inférieur aux frais fixes selon les professionnels.

Ceci est largement lié au poids exceptionnel de la grande distribution, qui occupe 45 % du marché des carburants, avec seulement 20 % des points de vente, en particulier grâce à la pratique de produit d'appel permanents.

Ce type de magasins peut, en effet, contrairement aux stations-services classiques, compenser une vente à prix coûtant par des marges bénéficiaires sur d'autres produits.

Cette situation explique la fermeture depuis vingt ans de 30.000 stations-services avec la perte concomitante de 70.000 emplois et des conséquences parfois dramatiques pour l'aménagement du territoire.


Face à ce constat, l'industrie pétrolière propose notamment de :

- « supprimer les distorsions de concurrence ». Rappelons, à cet égard, que le Gouvernement envisage de réformer le titre IV de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la concurrence et à la liberté des prix. Les problèmes posés par la distribution des carburants devra être examiné à cette occasion ;

- tenir compte de l'impact sur l'emploi des développements et créations de points de vente de carburants par les grandes surfaces. Il s'agirait :


• d'actualiser le calcul des surfaces à prendre en considération pour les décisions en matière d'urbanisme commercial, lorsque le projet comporte une aire de distribution des carburants ;


• de demander des études d'impact spécifiques avant toute création ou extension de station-service en grande surface ;

- harmoniser au niveau européen les accises et la TVA pour éviter les détournements de trafic dans les zones frontalières.

Un rapport conjoint de MM. Boisson (CGM) et Lépine (IGF) vient d'être remis au Gouvernement sur les problèmes de la distribution en France.

Il dégage, notamment, des pistes possibles en vue d'une amélioration des marges de distribution (ventes de produits annexes, frais de cartes bancaires réduits, remboursement de la TIPP sur les impayés, etc.) et aborde leurs conséquences sur le raffinage : 10 c/litre sur la distribution correspondraient à une marge supplémentaire de 60 francs par tonne brut traité.

Des solutions doivent être apportées aux problèmes de l'industrie du raffinage, si l'on veut que celle-ci puisse financer les investissements nécessaires pour s'adapter à l'évolution des produits et aux nouvelles normes environnementales.

Ainsi, alors que la teneur en soufre du gazole doit passer de 0,5 % à 0,2 % au 1er octobre 1996, les raffineurs français devraient investir 3 à 4 milliards de francs. Or, ils n'envisagent pas de dépasser la somme de 2 milliards de francs. Par ailleurs, la France n'a pas de conversion profonde permettant de transformer le fioul lourd excédentaire : il en faudrait à terme deux pour un coût unitaire d'environ 5 milliards de francs. Ce manque de flexibilité est pénalisant.

D. LE CHARBON

1. Les résultats des Charbonnages de France


• Avec une baisse de 5 % de leur chiffre d'affaires, les Charbonnages de France (CDF) ont connu une perte d'exploitation de 1,8 milliard de francs en 1994, ce qui traduit une dégradation de 25 % (compte tenu de la dotation aux amortissements exceptionnelle en 1993).

L'endettement s'est stabilisé à 23,5 milliards de francs, ce qui permet une amélioration du résultat financier, cependant encore fortement négatif.

Le résultat final, après subvention de l'État s'établit à - 650 millions de francs, contre - 2,97 milliards en 1993, grâce notamment à un moindre coût net des mesures de restructuration.


• En 1995, la forte diminution de la subvention d'exploitation de l'État aux CDF explique largement un résultat final, après subvention, qui devrait -comme en 1993- être proche de - 2,9 milliards de francs.

2. Les conséquences du Pacte Charbonnier

Les pertes de trésorerie de l'entreprise représentent, chaque année, près de 40 % de son chiffre d'affaires. La mise en oeuvre d'une politique de restructuration depuis 1986, accompagnée d'une stratégie de reconversion des mineurs, de diversification des régions minières et d'un considérable effort de solidarité nationale, a permis l'arrêt de l'exploitation dans le Nord-Pas-de-Calais sans écueil social.

Cette politique s'est cependant essoufflée sous l'effet des incertitudes que la crise faisait naître sur les créations d'emplois dans les bassins miniers et elle n'a pas permis un redressement durable de l'exploitation.

Dans ce contexte, de nouvelles orientations de la politique charbonnière ont été proposées, le 13 juillet 1994, par le Gouvernement à la direction et aux organisations syndicales des Charbonnages de France.

Ces orientations ont fait l'objet du Pacte Charbonnier, qui a été signé le 20 octobre 1994 .

Celui-ci repose sur quatre points indissociables :

- la garantie de l'emploi pour les 16.000 agents de CDF et des houillères de bassin, y compris au-delà de la fin de l'extraction charbonnière dans leurs unités ;

- la fin de l'extraction charbonnière française en 2005 et l'absence d'embauche d'ici cette date ;

- l'organisation de la mobilité interne au sein de chaque houillère de bassin pour fermer prioritairement les sites les plus déficitaires ;

- le confortement du pôle d'activité électrique sous le contrôle majoritaire du groupe CDF. EDF entrant au capital comme partenaire minoritaire, et le personnel concerné pouvant conserver le statut de mineur.

L'avenir industriel du groupe CDF et la possibilité donnée aux mineurs de poursuivre leur activité en son sein jusqu'à bénéficier d'une mesure d'âge sont ainsi les deux volets complémentaires du pacte charbonnier.

C'est ainsi que CDF va notamment consolider et développer son activité de production d'électricité, qui représente déjà plus de la moitié de son chiffre d'affaires, et poursuivre la vente à l'étranger de son savoir-faire en matière d'ingénierie minière et de technique de combustion.

Les cinq centrales thermiques du groupe ont été récemment réunies au sein d'une nouvelle entité : la société nationale d'électricité et de thermique (SNET), à laquelle EDF doit participer à hauteur de 20 % pour une participation évaluée à 1 milliard de francs.

Rappelons que le groupe Charbonnages est le deuxième producteur national d'électricité et qu'il est, d'ores et déjà, lié à EDF par un contrat qui couvre la période 1994-1998.

3. Les dotations budgétaires


• Rappelons qu'en 1995, la subvention à Charbonnages de France a subi une évolution notable à un double point de vue, de nomenclature et de montant :

- de nomenclature, la loi de finances pour 1995 ayant fusionné les chapitres 45-12 et 45-15 en une seule imputation : le chapitre 45-12, dénommé « subvention à Charbonnages de France » ;

- de montant, la subvention ayant été fixée à 4.490 millions de francs, en baisse de 2 milliards de francs par rapport à 1994, l'État donnant l'autorisation à Charbonnages de France d'emprunter pour couvrir ses besoins de trésorerie.

ï Pour 1996, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996 au chapitre 45-12 s'élèvent à 4.550 millions de francs, en hausse de 60 millions par rapport à 1995.

ï Au cours de leur examen par l'Assemblée nationale, les crédits alloués à la politique minière, bien que constants, ont été légèrement reventilés. En effet, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements du Gouvernement tendant à diminuer de 10 millions de francs la subvention à Charbonnages de France et à augmenter de 10 millions les crédits reconversion des zones minières.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 9 novembre 1995, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis du budget de l'énergie pour 1996.

À l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis et sur sa proposition, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits en faveur de l'énergie dans le projet de loi de finances pour 1996 et a adopté un amendement de suppression de l'article 14 ter (nouveau) du projet de loi de finances pour 1996.

* 1 Rapport d'information n° 2260 : « Faut-il défendre le service public ? » - Assemblée nationale.

* 1 Mtep : millions de tonnes-équivalent pétrole.

* 1 Taux d'endettement : dette d'emprunts/capitaux propres.

* 1 Il s'agit du résultat courant économique après impôts.

* 2 Il s'agit du résultat courant économique avant impôts.

* 1 Selon les termes du Livre Blanc.

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