CHAPITRE II - LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECHERCHE EN RÉGION

Sans nouvelle répartition de la « matière grise » il n'y aura pas de politique d'aménagement du territoire qui vaille.

Telle pourrait être résumée l'une des constantes de la réflexion sur l'aménagement du territoire, que le Sénat a poursuivie depuis 1992. Tel est également le principe qui a inspiré le volet relatif à la recherche introduit, à l'initiative de la Haute Assemblée, dans la loi du 4 février 1995, d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Force est toutefois de reconnaître que l'objectif ambitieux ainsi fixé à la politique nationale de recherche ne peut être atteint que de manière échelonnée. Il ne saurait en effet être envisagé de porter atteinte à la solidité et à l'efficacité de notre appareil de recherche en effectuant une brutale redistribution territoriale de ses moyens en hommes et en équipements.

Il s'agit simplement de combiner ce qui est souhaitable à moyen terme avec ce qui est raisonnable à court terme.

C'est cette démarche que préconise le Sénat. C'est cette démarche entreprise -d'abord timidement- par l'État il y a plusieurs années qui a rencontré un important écho auprès des collectivités locales. C'est elle qui commence aujourd'hui à enregistrer des résultats apparemment encourageants.

I. LES POLITIQUES ENGAGÉES PAR L'ÉTAT

A. LA LOI D'ORIENTATION POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE

La loi d'orientation pour le territoire comporte quatre articles définissant les contours de la politique de développement de la recherche en région qu'il convient de poursuivre jusqu'en 2005-2015 : les articles 11, 13, 14 et 15.

1. Le schéma de renseignement supérieur et de la recherche

L'article 11 pose le principe de l'établissement d'un schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L'article 13 précise l'une des obligations majeures de ce schéma, à savoir fixer les modalités de réalisation d'un objectif d'installation de 65 % de l'ensemble des chercheurs, enseignants-chercheurs et ingénieurs participant à la recherche publique en dehors de la région d'Île-de-France à l'horizon 2005.

L'article 14, quant à lui, habilite l'État à prendre les mesures incitatives qui lui paraîtraient nécessaires pour amener les laboratoires privés à choisir une localisation conforme aux orientations de schéma national d'aménagement et de développement du territoire.

Parallèlement, l'article 12 développe les principes applicables à l'enseignement supérieur et fixe les modalités de leur mise en oeuvre imposant notamment la création d'universités thématiques dans des villes moyennes.

Les ministères concernés 1 ( * ) ont engagé, au début de cette année, une procédure d'élaboration de schémas régionaux de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont la juxtaposition constituera le schéma national.

Une première phrase d'élaboration et de consultation a été engagée dans chaque région, sous l'égide des préfets de région et des recteurs d'académie. Elle a pris fin le 30 octobre dernier. L'évaluation des propositions, suivie des validations régionales et nationales, permettra de bénéficier en 1996 d'un document général de référence. Celui-ci servira notamment de cadre aux créations d'universités nouvelles.

Le document général devant résulter des travaux en cours servira également, conformément à l'article 13 de la loi, de point d'appui à la politique de développement de la recherche en région. Il a vocation à préciser le schéma national d'aménagement et de développement du territoire. Il est notamment prévu d'y examiner l'implantation des laboratoires des entreprises et leur rôle dans le développement scientifique régional.

2. La modulation du crédit d'impôt-recherche en fonction de la localisation des chercheurs

L'article 15 de la loi d'orientation a modifié le taux forfaitaire de prise en compte des frais de fonctionnement qui sont pris en compte dans l'assiette du crédit d'impôt-recherche, au titre des dépenses de recherche. Ce taux était antérieurement fixé, de manière uniforme pour l'ensemble du territoire, à 75 % des salaires des ingénieurs et techniciens de recherche.

Désormais, ces frais de fonctionnement seront modulés en fonction de la localisation des personnels dont les salaires sont pris en compte :

ï 100% pour les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones d'aménagement du territoire :

ï 65 % pour la région Île-de-France ;

ï 75 % dans les autres cas.

Cette disposition nouvelle devant s'appliquer aux dépenses retenues pour le calcul du crédit d'impôt de l'année 1995 -c'est-à-dire aux dépenses qui seront déclarées par les entreprises en 1996-, le Secrétariat d'État à la recherche ne dispose pas encore d'éléments lui permettant de mesurer son impact.

Il estime toutefois que cette disposition nouvelle devrait avoir un effet limité pour les PMI bien intégrées dans leur région, surtout quand celles-ci ont procédé à un recrutement local de leurs salariés. Il considère, en revanche, que la mesure pourrait avoir un impact beaucoup plus sensible sur les entreprises en création. Ces dernières se trouvent en effet significativement incitées à s'installer dans les zones d'aménagement du territoire afin de bénéficier, d'une part, du taux préférentiel pour les dépenses de fonctionnement et, d'autre part, de l'exonération fiscale des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles, que la loi d'orientation a supprimée pour l'Île-de-France.

Rappelons, pour mémoire, que les entreprises nouvelles bénéficiaires du crédit d'impôt recherche représentent 8 % des entreprises d'une année.

À titre d'information, le tableau suivant présent l'évolution de la ventilation géographique des bénéficiaires du crédit d'impôt-recherche entre 1990 et 1993.

BÉNÉFICIAIRES DU CRÉDIT D'IMPÔT-RECHERCHE (1)

(par région) Évolution entre 1990 et 1993

B. LA LOCALISATION EN PROVINCE D'EMPLOIS DE CHERCHEURS

Les comités interministériels d'aménagement du territoire (CIAT) de janvier 1992, juillet 1992, février 1993 et juillet 1993 sont allés dans la direction que la loi d'orientation a décidé de pousser plus avant. Ils ont prévu avant fin 1996 la localisation en province de près de 2.600 emplois offerts par des organismes de recherche.

Cela correspond à l'implantation de 140 équipes de recherche dans 43 villes différentes.

Les organismes de recherche publique se sont employés, depuis 1992, à appliquer ces décisions. Ils ont, pour ce faire, choisi des chefs de projets, conduit des concertations avec les différents partenaires concernés et ont défini les contenus scientifiques et opérationnels des projets (par exemples l'ORSTOM à Orléans pour le projet ORAGE ou l'INRIA avec la création d'une unité à Grenoble). Une opération de localisation d'équipes existantes hors Île-de-France s'est réalisée durant l'été 1993, avec l'installation à Angers de la station nationale d'essais de semences (INRA), antérieurement domiciliée dans les Yvelines ; l'INSERM a ainsi lancé la création d'instituts fédératifs de recherche, tel l'Institut François Magendie à Bordeaux.

À la fin 1994, c'est environ 1.500 emplois qui avaient été pourvus : 40 % par mobilité de personnel et 60 % par redéploiement d'emplois vacants ou affectation d'emplois créés.

Le CNRS, l'INRA, l'INSERM, l'INRETS et l'INRIA ont rempli pour une très large part leur objectif. Pour l'ORSTOM, le CIRAD et le CEMAGREF, les opérations immobilières préalables à la localisation ont été lancées. L'affectation des personnels interviendra après l'achèvement des travaux. On peut estimer que les engagements des CIAT devraient être globalement tenus d'ici la fin de l'année 1996, à l'exception du CEMAGREF pour qui échéance a été fixée au 31 décembre 1997.

Par ailleurs, le CIAT de Troyes a prévu 1.000 transferts d'emplois de recherche supplémentaires d'ici l'an 2.000. Il est prévu que. comme précédemment, les emplois transférés puissent continuer à être soutenus par des primes octroyées au personnel. Ces emplois contribueront à conforter les spécialisations régionales seront inscrites dans les schémas de l'enseignement supérieur et de la recherche en 1996.

Le tableau ci-après détaille, organisme par organisme, le niveau de réalisation des objectifs fixés :

MISE EN OEUVRE DES OPÉRATIONS DE LOCALISATION EN PROVINCE AU 31 DÉCEMBRE 1994

Ce mouvement de transfert des activités de recherche en région devrait se traduire par la constitution de pôles de compétences structurants bien articulés avec l'enseignement supérieur et la recherche universitaire.

Certes, l'impact direct de ces localisations d'activités est faible sur l'économie locale. Site par site, le nombre d'emplois transférés reste généralement modeste. Compte tenu des spécialisations requises, il n'implique pas nécessairement une argumentation des offres d'emplois pour des personnels locaux. Mais les implantations induisent un surplus d'activités économiques par la seule présence du centre de recherche (fournisseurs...), et de ses personnels (commerce...). Surtout, il en résulte en effet d'entraînement sur le tissu industriel local, grâce notamment aux transferts de technologie qui peuvent être opérés vers les entreprises.

Enfin, le développement de la recherche d'un site donné permet, au même titre que l'enseignement supérieur ou la culture, de générer une activité intellectuelle supérieure qui ne peut être que bénéfique à l'attrait général qu'exerce une ville sur les individus et sur les entreprises.

C. LA RÉGIONALISATION DES DOTATIONS

L'orientation ainsi donnée aux actions de l'État se reflète dans l'évolution de la répartition par région des dotations du ministère.

De 1991 à 1994, le montant des crédits ventilés dans la région prépondérante (L'Île-de-France) a diminué alors que le total des crédits augmentait.

Dans le même temps, dans toutes les autres régions -à l'exception de trois comptant parmi les mieux dotées- on note une augmentation des crédits distribués par le ministère de la recherche dans une proportion souvent supérieure au pourcentage d'augmentation de l'enveloppe globale du ministère.

D. LE VOLET « RECHERCHE » DES CONTRATS DE PLAN ÉTAT/RÉGIONS

La part de l'État dans les volets « recherche et transfert de technologie » des contrats de plan signés en 1994 atteint sensiblement 2,65 milliards de francs. Elle était de 2,02 milliards de francs pour la période précédente (1989-1993). On constate donc une croissance de 30 % en francs courants, largement supérieure à la hausse moyenne des engagements mis par l'État dans le cadre des contrats de plan.

Les collectivités territoriales se sont également engagées de manière très volontariste avec un total qui se situe à hauteur de 2,85 milliards de francs.

Avec une participation financière globale de 2,30 milliards de francs, le ministère chargé de la recherche et des organismes de recherche qui lui sont directement rattachés ont apporté à ces contrats la contribution la plus importante.

Sur le volet « recherche proprement dite » de ces contrats plan, les engagements respectifs de l'État et des collectivités territoriales sont très équilibrés. Ils s'élèvent à 1,76 milliards de francs pour l'État et à 1,78 milliards de francs pour les collectivités.

Sur le volet « transfert de technologie » apparaît une différence plus importante entre les contributions respectives des partenaires aux contrats. La part cumulée des collectivités sera en effet supérieure à celle de l'État : 1,07 milliards de francs pour les premières et 870 millions de francs pour le second. Il faut toutefois souligner qu'une proportion appréciable des opérations qui entrent dans le cadre de ce volet bénéficiera d'un concours européen.

Signalons aussi que les organismes publics de recherche rattachés au ministère chargé de la recherche ont pris une part très importante dans ces contrats auxquels ils consacreront près d'un milliard de francs. À titre de comparaison, la participation financière des organismes de recherche, s'élevait à 640 millions de francs seulement lors du plan précédent.

Ce sont les moyens prévus pour la recherche universitaire qui connaissent la croissance relative la plus forte, passant de 254 millions de francs dans la période 1989-1993 à 450 millions pour le nouveau plan. Ceci correspond à un accroissement de 80 %.

Enfin, ces contrats de plan comprennent un volet culture scientifique et technique qui s'élève à 61,2 millions de francs.

L'ensemble de ces crédits sera distribué au cours des cinq années du contrat. Les versements déjà effectués pour les années 1994 et 1995 correspondent à 42 % des engagements totaux. Cela traduit un taux d'exécution convenable.

* 1 À savoir : le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'insertion professionnelle, et le ministère de I aménagement du territoire, de l'équipement et des transports.

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