N° 79

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IX

CONSOMMATION ET CONCURRENCE

Par M. Louis MINETTI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, vice-présidents ; Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.

Sénat : 76 et 77 (annexe n°15) (1995-1996).

Lois de finances

Mesdames, Messieurs,

Le remplacement du Gouvernement de M. Édouard Balladur par celui de M. Alain Juppé n'a pas modifié la relative « discrétion ministérielle » du domaine budgétaire qui retient aujourd'hui votre attention. Aujourd'hui comme hier, ni la consommation ni la protection des consommateurs ne sont mentionnées dans le titre d'un ministre ou d'un Secrétaire d'État, alors qu'une tradition inverse apparaissait s'être établie avant 1993.

Cependant, cette apparente continuité entre les deux derniers Gouvernements masque en réalité un changement non négligeable. Antérieurement, c'était le ministre de l'Économie qui exerçait directement les responsabilités en ce domaine. Aujourd'hui, c'est le Secrétaire d'État aux finances qui est chargé - sous l'autorité du ministre de l'économie et des finances - des questions relatives à la consommation, à la concurrence et aux marchés publics.

Votre commission pour avis ne peut d'ailleurs que se féliciter de ce rétablissement, au sein du Gouvernement, d'un interlocuteur privilégié du mouvement consumériste.

Cependant, à titre personnel, votre rapporteur pour avis considère que la principale rupture que le nouveau Gouvernement a opéré avec le passé dans le domaine de la consommation, réside dans la majoration de deux points du taux normal du TVA, décidée au mois de juillet dernier. La dernière augmentation -qui n'était alors que d'un point- date en effet de juin 1982.

D'ailleurs, depuis que la TVA a été généralisée, en 1968, jamais son taux normal n'a connu une telle hausse. D'un point de vue strictement personnel, votre rapporteur juge que, mieux qu'un long discours, un tel acte résume beaucoup des inconvénients que la politique actuellement suivie emporte pour les consommateurs et, tout particulièrement, pour les plus modestes d'entre eux.

S'agissant des dotations réservées à la consommation et à la concurrence dans le projet de loi de finances pour 1996, il convient de relever qu'avec une enveloppe globale d'un peu plus d'un milliard de francs (dépenses ordinaires + crédits de paiement), elles augmentent de quelques 2,64 % par rapport à celles figurant en loi de finances initiale pour 1995.

Au sein de cette enveloppe, les dépenses en personnel de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes croissent de près de 40 millions de francs (+ 5,35 %), pour partie en raison de l'application de la septième tranche du protocole d'accord sur la rénovation de la grille de la fonction publique.

En revanche, avec une diminution en valeur de 6,1 millions de francs, les subventions réservées à l'Institut National de la consommation (INC) et aux associations de consommateurs marque une baisse de près de 7 % (6,73 %).

La subvention propre à l'INC connaît un tassement de l'ordre de 15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 et d'environ 34 % au regard des sommes effectivement versées à l'Institut puisque, en raison de la gravité de sa situation financière, cet organisme a bénéficié d'une attribution complémentaire de 10 millions de francs au titre de la loi de finances rectificative. C'est pourquoi, à titre personnel, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'opportunité de la forte réduction prévue pour l'an prochain au moment où les difficultés que connaît l'Institut suscite, parmi ses personnels, des inquiétudes pour leur emploi.

En outre, toujours à titre personnel, votre rapporteur pour avis estime, que l'action du Gouvernement dans le domaine de la concurrence et de la consommation ne vise, d'une manière générale, qu'à conforter le grand marché communautaire et à promouvoir le libéralisme économique. Aussi, de telles orientations appellent-elles, de sa part, les plus vives réserves car, en raison de leur caractère à son sens excessif, il doute de leur adéquation aux impératifs de la défense des consommateurs.

Cependant, votre commission des affaires économiques considère, quant à elle, que dans un contexte particulièrement difficile, les évolutions budgétaires constatées sont nettement positives. De plus, elle a jugé le bilan des politiques menées dans le domaine de la protection des consommateurs et les orientations arrêtées dans le domaine de la concurrence tout à fait conformes à ses attentes.

CHAPITRE PREMIER - LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

I. LA SITUATION DES PRINCIPALES INSTANCES DU CONSUMÉRISME

A. LES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE CONSOMMATEURS

1. Une action multiforme mais une influence fragmentée

À nombre inchangé depuis 1988, ce sont vingt organisations nationales de consommateurs qui sont agréées selon les règles déterminées par les articles L.421-1 et suivants du code de la consommation.

Pour être agréée, une association nationale doit justifier d'une année d'existence, d'une activité effective et publique dans le domaine de la consommation, ainsi que de 10.000 adhérents. L'agrément permet, notamment, d'exercer les droits reconnus à la partie civile dans les affaires où un préjudice direct ou indirect est porté à l'intérêt collectif des consommateurs.

Le rôle traditionnel des associations agréées consiste à informer les consommateurs sur les prix ainsi que sur la qualité des produits et des services et à les aider à régler leurs litiges avec les professionnels. Elles confortent cette action dans les relations courantes de consommation par un partenariat polyvalent avec les pouvoirs publics.

Ce partenariat se manifeste en matière de sécurité domestique : elles sont régulièrement associées aux campagnes de prévention des accidents domestiques. Il se traduit également dans la prévention et le traitement des situations de surendettement, puisqu'elles mènent des actions d'information sur le crédit et que, sur le fondement de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, elles sont membres des commissions de traitement du surendettement.

Par ailleurs, les associations de consommateurs sont engagées depuis de nombreuses années dans des actions de normalisation et de promotion de la qualité, notamment dans le domaine agro-alimentaire. Elles ont, à ce titre, participé à la création et au suivi de la marque NF-Environnement de l'Eco-Label européen.

Enfin, sur le fondement de la loi n° 94-442 du 3 juin 1994 relative à la certification des produits industriels et des services, les représentants des consommateurs sont désormais systématiquement associés à l'accréditation des organismes certificateurs et à la certification des produits et des services.

Il n'en demeure pas moins que, malgré cette présence multiforme dans de nombreux champs de la vie sociale, un certain malaise semble émaner du mouvement consumériste depuis plusieurs années. L'étude-bilan sur le consumérisme en France, publié l'an dernier par l'Association FO Consommateurs, en est une illustration.

Ainsi, après avoir souligné la complexité croissante des relations contractuelles, les pratiques de plus en plus insidieuses des professionnels, l'élargissement des choix offerts aux consommateurs et les difficultés accrues posées par les litiges, cette étude conclue qu'une mise à plat des actions à entreprendre s'impose.

Et, il est vrai que, pour nombre d'observateurs avertis, le mouvement consumériste apparaît davantage comme une « diaspora » quelque peu marginalisée que comme une organisation unie et très influente.

Certes, son unité se réalise parfois autour de thèmes mobilisateurs comme se fut, par exemple, le cas lors du lancement par la SNCF de « Socrate », son nouveau logiciel de réservation, mais elle revêt, le plus souvent, un caractère conjoncturel.

Structurellement, le mouvement reste fragmenté. De ce point de vue, il est révélateur que la réforme des modalités du soutien financier apporté aux organisations représentatives qui avait été envisagée, au début des années 1990, suite aux propositions de M. Dominique Brault, n'ait pas vu le jour. Pourtant, toutes les associations concernées avaient donné leur accord de principe à l'institution d'un fond centralisant et distribuant l'ensemble des subventions qui leur sont versées par l'État. Mais, le projet n'a pas abouti, faute d'accord sur les modalités de contrôle de la redistribution.

Aussi, votre Commission apprécierait-elle de savoir si le Gouvernement envisage une nouvelle initiative en ce domaine.

2. Des subventions en décroissance constante depuis cinq ans

Après avoir presque doublé -en francs constants- de 1988 à 1991, les aides aux organisations de consommateurs (chapitre 44-81) ont connu, de 1992 à 1995, une érosion d'autant plus forte que, pour les trois derniers exercices, les lois de finances rectificatives ont systématiquement réduit, dans des proportions sensibles, les crédits votés par le Parlement. Le projet de budget pour 1996 persévère dans cette voie puisque, par rapport aux crédits votés pour 1995, il affiche une diminution de 3,21 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS ATTRIBUÉS AUX ORGANISATIONS DE CONSOMMATEURS PAR LES LOIS DE FINANCES

À la lecture du tableau ci-dessus, votre rapporteur pour avis ne peut -à titre personnel- que déplorer cette baisse constante qui n'est guère de nature à permettre aux associations agréées d'accomplir les nouvelles missions que le législateur leur a confiées. Comment pourront-elles, par exemple, avec des dotations publiques en diminution et un nombre globalement stable d'adhérents rémunérer les experts qu'elles auront à recruter pour participer utilement aux nouvelles procédures de certification instituées par la loi de juin 1994 ? La question se doit d'être posée.

B. L'INSTITUT NATIONAL DE LA CONSOMMATION (INC)

1. Une évolution contrastée des ressources publiques

a) L'origine des recettes

La priorité croissante conférée aux fonctions commerciales de l'Institut et les difficultés financières que connaît cet établissement public depuis 1993 se reflètent dans révolution de ses recettes. Alors que jusqu'en 1986 elles provenaient, pour près de moitié, de dotations publiques (51 % en 1983), ces dernières ont représenté moins du quart du total en 1992 pour « remonter » à plus de 40 % pour l'année qui s'achève.

L'absence d'amélioration des comptes de l'Institut et le creusement de ses déficits ont, en effet, conduit à l'inscription de 10 millions de francs de subventions complémentaires en sa faveur dans la loi de finances rectificative pour 1995.

Le tableau suivant souligne le caractère heurté de cette évolution :

DÉCOMPOSITION DES RECETTES DE L'INC SELON LEUR ORIGINE

b) Les dotations budgétaires

À la fois cause et conséquence du mouvement souligné précédemment, le montant des subventions versées par l'État à l'INC connaît des évolutions en « dents de scie », que le tableau ci-après met en évidence :

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS VERSÉES À L'INC

Au vu de l'augmentation de la subvention décidée au cours de l'année 1995, on peut se demander si le montant prévu pour 1996 -qui traduit une diminution par 1/3 de la dotation actuelle -est adapté à la réalité de la situation de l'Institut.

2. Une situation difficile

Votre Commission des Affaires économiques avait souligné dans son avis de l'an dernier la gravité des déficits supportés par l'Institut en 1993 (- 18,7 millions de francs) et 1994 (- 38 millions de francs).

Le creusement des déficits tient à trois facteurs principaux :

La diminution très marquée des ventes de « 50 millions de consommateurs », la revue de l'Institut ;

L'augmentation du coût des essais comparatifs : le coût de ces essais est passé de 9,7 millions de francs en 1987 à 22,7 millions de francs en 1988, puis à 32,6 millions de L'INC.

La baisse en valeur absolue de la subvention de l'État qu'à titre personnel votre rapporteur avait regretté lors de la présentation de ses deux précédents avis. Il redoutait que l'évaluation à la hausse des recettes propres, qui justifiait cette amputation de la subvention, soit trop optimiste. Cela s'est malheureusement révélé exact.

En 1995, pour faire face à la dégradation de la situation, un plan de redressement a été adopté par le conseil d'administration de l'Institut le 10 octobre 1994. Inspiré des conclusions d'un audit réalisé, ce plan adopté fixe deux priorités ; d'une part, renforcer l'aide technique aux associations (information, documentation, formation) ; d'autre part, redresser la situation de l'activité « presse ».

Pour ce faire, plusieurs mesures ont été retenues :

- une restructuration de l'établissement a été entreprise : les effectifs sont en cours de réduction pour passer de 130 à 90 agents, grâce, en particulier, à la réintégration des fonctionnaires détachés dans leur corps d'origine ;

- le lancement d'une nouvelle formule du magazine « 50 millions de consommateurs » ;

- une adaptation des statuts afin de mieux définir le rôle des différents partenaires : conseil d'administration, directeur, tutelle. Ce travail d'adaptation pourrait entraîner la prise d'un nouveau décret relatif à l'INC.

Le plan ainsi mis en place a pour objet le retour à l'équilibre dans un délai de deux ans.

Un versement complémentaire exceptionnel d'un montant de 10 millions de francs a été inscrit dans la loi de finances rectificative de 1995 pour permettre à l'Institut de faire face aux difficultés de cette année charnière, où les déficits passés continuent à peser tandis que toutes les mesures d'économie n'ont pas encore pleinement produit leurs effets.

Le montant global de la subvention devrait, compte tenu de ce versement complémentaire, s'élever à 43,5 millions de francs pour 1995 et les autres recettes de l'établissement pourraient de leur côté atteindre 54,8 millions de francs (dont 52,2 millions de francs de recettes commerciales). Le déficit de l'établissement pour l'année en cours pourrait donc s'établir à 15 millions de francs.

Votre rapporteur pour avis souhaiterait, en conséquence, savoir si la subvention budgétée pour l'INC sur 1996 suffira à assurer un apurement de la situation, condition indispensable d'un redressement durable de l'Institut.

II. L'ÉVOLUTION DU DROIT APPLICABLE

A. LA MISE EN OEUVRE DE LA LÉGISLATION NATIONALE

1. La mise en oeuvre de la loi relative au surendettement des particuliers et des familles

a) Le bilan d'application au 31 décembre 1994

Les cinq ans d'application du dispositif de traitement du surendettement, institué par la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, permettent désormais de bien cerner l'ampleur du phénomène social ainsi appréhendé.

En données cumulées au 31 décembre 1994, les commissions de surendettement ont reçu près de 365.000 dossiers, émanant dans la plupart des cas directement des débiteurs, les ouvertures de conciliation demandées par les juges représentant simplement 1,7 % de l'ensemble (6.205 dossiers).

91 % de ces dossiers déposés par les débiteurs et reçus des juges ont été considérés recevables et ont été traités par les commissions. Ces derniers ont donné lieu à 156.000 plans conventionnels contre 107.100 constats de « non-accord », soit un taux de succès de la procédure proche de 60 %.

Si l'on excepte l'afflux de dossiers consécutifs à la mise en place du dispositif (de mars à août 1990, 63.878 dossiers ont été déposés), les flux mensuels moyens des dépôts de dossier sont assez semblables d'une année sur l'autre. Ces flux de dépôt restent d'ailleurs très soutenus, comme en témoignent les chiffres ci-dessous.

Le nombre de demandes présentées au titre de la loi de 1989 souligne, si besoin en était, la pertinence de ce texte mais aussi, indirectement, la gravité des épreuves que la crise actuelle impose aux couches sociales les plus durement touchées.

La situation des ménages dont l'équilibre financier est précaire apparaît tout particulièrement préoccupante à votre rapporteur pour avis. Le maintien des dépôts de dossiers à un niveau élevé s'explique, en effet, par un changement de nature des cas de surendettement. Aujourd'hui, le surendettement se révèle en effet résulter bien davantage d'une insuffisance de ressources pour faire face aux dépenses de la vie courante que d'un excès d'endettement bancaire. Le chômage, là aussi, fait sentir ses ravages.

b) La réforme opérée pur la loi du 8 février 1995

Une réforme du dispositif de traitement du surendettement a été adoptée à la fin de l'année 1994 par le Parlement, dans le cadre de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. Complétée par le décret n° 95-660 du 9 mai 1995, cette réforme vise principalement à renforcer les pouvoirs des commissions de surendettement, qui deviennent le point de passage obligé pour les surendettés, ceux-ci ne pouvant plus saisir directement le juge de l'exécution d'une demande de redressement judiciaire civil.

En cas d'échec du règlement amiable, la commission élabore un plan de redressement qui peut prévoir des mesures du type de celles qui sont prescrites par le juge dans le système actuel (report ou rééchelonnement des dettes, réduction des taux d'intérêt, etc..) Ce plan, qui est recommandé aux parties par la commission, est ensuite homologué par le juge qui lui confère force exécutoire, après en avoir vérifié la régularité. Ainsi le juge n'exerce plus qu'un contrôle de légalité et n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des mesures.

La procédure de redressement judiciaire civil est supprimée mais, le juge de l'exécution reste compétent pour statuer sur les recours en recevabilité. En outre, sur saisine des commissions de surendettement, il est seul habilité à prononcer la suspension provisoire des mesures d'exécution, ou à vérifier la validité et le montant des créances.

Parallèment, il aura à connaître des recours dirigés contre les plans de redressement élaborés par les commissions et disposera alors des mêmes pouvoirs que ces dernières.

2. La mise en oeuvre de la loi du 3 juin 1994 relative à la certification des produits industriels et des services

Le décret d'application de cette loi n° 94-442 du 3 juin 1994 a été pris le 30 mars 1995 (n° 95-354 - JO du 5 avril).

Plusieurs organismes certificateurs exerçant dans le domaine des produits industriels ou des denrées alimentaires ont décidé de diversifier leur activité en s'intéressant à la certification des services, principale innovation de la loi. L'Association française de normalisation (AFNOR) a ainsi créé une marque NF-Services, pour attester la conformité aux normes des services au particulier, avec une première application aux activités de déménagement.

D'autres organismes certificateurs privés élaborent actuellement, à la demande d'organisations professionnelles ou d'entreprises, des « référentiels » destinés à garantir la qualité de certains services.

Dans ce cadre, l'une des démarches les plus intéressantes apparaît être celle entreprise par le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), pour faire certifier les principaux métiers de la branche automobile. Les deux premières professions concernées seraient les écoles de conduite et les démolisseurs de véhicules usagés.

L'intérêt que portent de nombreuses fédérations professionnelles à la certification des services et la mise en chantier de nombreux projets semblent démontrer que l'objectif recherché par la loi est en passe d'être atteint. La simplification et la clarification des procédures doit, en effet, aboutir à l'extension et au développement de la certification comme mode de preuve de la qualité, ainsi que l'avait souhaité le Parlement lors de l'adoption de cette loi.

B. LA MISE EN PLACE EXPÉRIMENTALE D'UNE PROCÉDURE DE RÈGLEMENT DES PETITS LITIGES

En quoi est-il avantageux pour le consommateur français de disposer d'une législation consumériste comptant parmi les plus protectrices d'Europe si, lorsqu'il est lésé, il n'est pas en mesure de faire reconnaître ses droits ? Telle est la question qui se pose quand on constate que, découragés par l'encombrement des prétoires, les Français hésitent à s'adresser aux tribunaux et y renoncent quand ils estiment que les frais de procès excèdent la valeur de la réparation pouvant être obtenue. De fait, le recours aux procédures judiciaires n'est pas toujours adapté aux petits litiges de la consommation.

À l'instar de la boîte postale 5000 (BP 5000), différentes formules ont été développées au cours des quinze dernières années pour remédier à cette situation mais, en dépit d'indéniables succès initiaux, aucune ne semble avoir permis d'apporter une réponse entièrement satisfaisante au problème.

C'est pourquoi, suite à la réflexion engagée depuis 1993 pour trouver un mode de résolution simple et pratique des petits litiges de la consommation, a été -au début de cette année- créé à titre expérimental, dans dix départements, une « commission de règlement des litiges de consommation », en abrégé « CRLC ». Le recours à cette commission est ouvert aux personnes physiques qui entendent présenter une réclamation gracieuse au sujet d'une vente ou d'une prestation de services réalisée par un professionnel.

Pour favoriser l'acception du principe même de la conciliation par les parties, les CRLC associent étroitement les consommateurs et les professionnels à son fonctionnement. Chacune d'entre elles comprend deux assesseurs représentant, l'un les consommateurs, l'autre les professionnels et est présidée par une personnalité neutre, afin d'offrir des garanties d'impartialité.

LA PROCÉDURE INSTITUÉE EST FACILE D'ACCÈS ET GRATUITE, MAIS NULLEMENT EXCLUSIVE

Aucun formalisme n'est exigé pour saisir la CRLC, une simple lettre suffit. La conciliation n'est pas obligatoire, chaque partie est libre de l'accepter. Toute personne peut représenter ou assister les parties devant la CRLC. La procédure est entièrement gratuite pour les personnes qui acceptent d'y avoir recours.

Pour chaque affaire, le président désigne un rapporteur choisi sur une liste de personnalités proposées par les associations de consommateurs et les organisations professionnelles siégeant au Comité départemental de la consommation. Le rapporteur a pour mission de faciliter, en dehors de toute procédure judiciaire, le règlement amiable des conflits en s'efforçant de rapprocher le point de vue des parties. L'accord qui met fin au litige intervient devant ou sous le contrôle de la CRLC.

Pour prévenir les sources de confusion entre les différentes instances de règlement des litiges de consommation, les CRLC orientent, le cas échéant, les demandeurs :

- soit auprès d'une instance spécialisée de règlement amiable des litiges de consommation, lorsqu'il en existe une telle celles mises en place dans certaines professions ou secteurs d'activité (par exemple, pour les assurances, la SNCF, la RATP, les loyers) ;

- soit auprès des juridictions, lorsque l'une des parties manifeste son intention de saisir la Justice. Dans ce cas, la CRLC fournit à la personne intéressée tous renseignements utiles sur les conditions dans lesquelles une action en justice peut être introduite.

Les deux collèges -professionnels et consommateurs- du Conseil national de la Consommation ont donné un avis favorable à l'arrêté du ministre de l'Économie du 20 décembre 1994 qui a institué les CLRC.

Votre commission pour avis est, quant à elle, vivement intéressée par un premier bilan de l'expérience ainsi entreprise.

C. L'INTÉRÊT D'UNE RÉFLEXION CONSUMÉRISTE SUR LA GESTIONDES DÉCHETS

L'acte de consommation est aussi un acte de production... de déchets.

Certes, en France, chaque année, les déchets industriels représentent quelque 150 millions de tonnes alors que la masse des ordures ménagères, de l'ordre de 20 millions de tonnes, est nettement moins importante.

Il n'en demeure pas moins que les secondes comme les premiers posent des problèmes de collecte, de traitement, d'atteinte à l'environnement et, le cas échéant, de stockage ou de recyclage.

C'est pourquoi, à titre personnel, votre rapporteur tend à estimer que la question de la gestion des déchets ménagers et industriels devrait faire l'objet d'un volet spécifique de la politique de la consommation. Ne vaudrait-il pas mieux, en effet, appréhender le traitement des résidus de la consommation avant le processus de consommation proprement dit, plutôt qu'après ? En mobilisant les pouvoirs publics, industriels et associations de consommateurs en « amont » de l'acte consumériste, le traitement des difficultés rencontrées en « aval » serait facilité.

Les actions menées en la matière ces dernières années semblent s'orienter dans cette direction. Aussi, votre rapporteur pour avis apprécierait-il vivement de connaître le premier bilan qui peut être dressé de ces actions et d'être informé de celles que le Gouvernement envisage d'entreprendre.

D. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE RELATIVE AUX CLAUSESABUSIVES

La transposition de la directive européenne du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs a été effectuée, en droit interne, par la loi du 1er février 1995. Cette loi modifie le dispositif français (articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation) sur les points qui ne répondent pas à la directive tout en maintenant le droit existant, lorsqu'il est plus complet que la directive.

La première modification d'importance concerne la définition de la clause abusive. Le texte reprend la définition de la directive et écarte les restrictions de la loi française, notamment l'exigence de la démonstration d'un abus de puissance économique. Dans la loi nouvelle, la clause abusive est celle qui confère un déséquilibre significatif au contrat. Seconde modification notable : l'appréciation du caractère abusif. Le texte transcrit les dispositions de la directive sur les éléments à prendre en considération (les circonstances entourant la conclusion du contrat, les contrats annexes) et sur les éléments qui sont en revanche à écarter (l'acceptation du prix du bien vendu, la définition de l'objet du contrat).

Bien entendu, le pouvoir réglementaire reste habilité à compléter la liste des clauses devant être considérées comme abusives en toutes circonstances. La directive européenne ne fixe, en effet, qu'une liste indicative et non pas exhaustive de clauses abusives. En France, la liste des clauses visées comme abusives par la directive a été insérée en annexe du code de la consommation.

La loi laisse, par ailleurs, au juge la possibilité de déclarer abusive une clause qui, au vu de l'espèce, lui apparaît comme telle. Se trouve ainsi validée une jurisprudence de la Cour de cassation qui reconnaît aux tribunaux le droit de déclarer abusive une clause qui n'a pas été préalablement interdite par un texte. Cette validation est d'autant plus logique que la liste des clauses annexées au code de la consommation n'étant qu'indicative, le juge demeure libre d'apprécier une stipulation contractuelle au regard des critères fixés par la loi.

Précisons, pour achever cette brève présentation du dispositif principal que, dans son article 3, la loi impose une présentation et une rédaction claire et compréhensible des clauses et dispose qu'en cas de doute, c'est l'interprétation la plus favorable au consommateur qui prévaut.

Enfin, au-delà de ces aspects majeurs, il faut souligner que la loi du 1er février 1995 a également renforcé le contrôle et la répression d'offres d'emploi trompeuses et a interdit certaines pratiques abusives des ventes pyramidales.

E. L'INTERVENTION DE NOUVELLES PROPOSITIONS DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES

La proposition de directive sur les contrats négociés à distance a connu une avancée sensible au cours de l'année écoulée.

Adoptée le 9 juin 1992, cette proposition couvre le secteur des biens et services à l'exception des services financiers et des services touristiques avec réservation. Elle met en place les bases minimales de protection pour les contrats négociés à distance entre consommateurs et fournisseurs. Elle institue, notamment, la reconnaissance d'un droit à une information préalable du consommateur, l'obligation d'une confirmation écrite, l'interdiction de certaines formes de sollicitation à distance (fax, automates d'appel) et le principe de reconnaissance mutuelle du droit des associations de consommateurs à intenter une action en justice.

Elle a fait l'objet d'un accord du Conseil des ministres de la Consommation, lors de sa réunion du 30 mars 1995.

Par ailleurs, la proposition de directive sur les virements transfrontaliers a été adopté par la Commission, le 19 octobre 1994.

Cette proposition de directive aborde notamment quatre points particulièrement délicats :

- le délai, qui, en l'absence d'un engagement contractuel de la banque du donneur d'ordre à son client, est fixé à cinq jours pour l'établissement du donneur d'ordre et à un jour pour l'établissement du bénéficiaire ;

- le double prélèvement qui est proscrit ;

- les virements « non aboutis » qui donneront lieu pour le donneur d'ordre à remboursement du montant du virement, majoré d'un intérêt et de tous les frais prélevés ;

- les conditions de transparence avant et après le virement sont prévues : délai, coût, recours, etc...

Le non respect des délais ou de l'interdiction des doubles prélèvements entraînera, pour la banque du donneur d'ordre ou du bénéficiaire ou pour les deux, le versement d'intérêts ou le remboursement des sommes indûment perçues au bénéfice du donneur d'ordre ou du bénéficiaire.

Cette directive n'a pas pu aboutir à une position commune lors du Conseil des ministres de l'Économie et des Finances du 10 juillet 1995, en raison de l'impossibilité de trouver un compromis sur l'étendue de son champ d'application qui doit être limité aux virements d'un certain montant.

Enfin, la proposition de directive sur la publicité comparative, qui avait suscité des observations critiques au sein de la Commission des Affaires économiques, paraît avoir fait l'objet d'un accord au début du mois de novembre. Votre commission, qui avait été initialement informée que ce texte ne devait pas être adopté dans un proche délai souhaiterait, en conséquence, en connaître le contenu exact et être informé en détail des modifications qu'il pourrait entraîner dans la législation française.

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