Avis n° 81 (1995-1996) de M. Pierre LAGOURGUE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 28 novembre 1995

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N° 81

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

AVIS

PRÉSENTÉ

ou nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME X

DÉPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER

(aspects sociaux)

Par M. Pierre LAGOURGUE,

Sénateur.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.

Sénat : 76 et 77 (annexe n° 29) (1995-1996).

Lois de finances.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Claude Huriet, Charles Metzinger, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Michelle Demessine, M. Charles Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jacques Machet, secrétaires ; José Balarello, Henri Belcour, Jacques Bialski, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Eric Boyer, Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Fancis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, Roland Huguet, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Louis Philibert, André Pourny, Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, André Vézinhet, Jean-Pierre Vial.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JEAN-JACQUES DE PERETTI, MINISTRE DE L'OUTRE-MER

Le mercredi 17 octobre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l'outre-mer, sur les crédits de son département ministériel pour 1996.

M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l' outre-mer, a d'abord indiqué que compte tenu de la contrainte budgétaire imposée par l'exigence de la réduction des déficits publics, quatre priorités avaient été retenues pour les actions de son ministère en 1996 : le développement des interventions en faveur de l'emploi, la recherche d'une politique active en faveur du logement social dans les départements d'outre-mer (DOM), le respect des engagements contractuels de l'État et la préservation des moyens logistiques du ministère.

Il a précisé ensuite que ce projet de budget se caractérisait par trois traits principaux.

Il enregistre d'abord un doublement des crédits du ministère de l'outre-mer par rapport à la loi de finances pour 1995.

Le projet de budget pour 1996 fixe les crédits à 4,903 milliards de francs, soit une majoration de 106 % par rapport au budget vote de 1995 ; cette progression s'explique, d'une part, par les mesures de transfert concernant la créance de proratisation du revenu minimum d'insertion (RMI) dans les DOM (872 millions de francs) et la ligne budgétaire unique en faveur du logement social dans les DOM (1.173 millions de francs en autorisations de programme (AP) et 632 millions de francs en crédits paiement (CP) et, d'autre part, par la montée en régime du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM), institué par la loi du 27 juillet qui s'élèvera à 1.060 millions de francs.

Le projet de budget pour 1996 vise ensuite à stimuler l'emploi et l'insertion dans les DOM.

Le ministre a ainsi souligné que le FEDOM, qui regroupe l'ensemble des actions en faveur de l'emploi et de l'insertion dans les DOM, (1.060 millions de francs) couvrira notamment l'incidence de l'alignement du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) sur certains contrats en faveur de l'emploi, ainsi que le coût de l'alignement de la prime des contrats d'accès à l'emploi sur les nouveaux contrats initiative-emploi. Le FEDOM sera abondé en cours d'année de la part « insertion » de la créance de proratisation (175 millions de francs).

Il a indiqué, par ailleurs, que la dotation relative aux chantiers de développement dans les territoires d'outre-mer (TOM) (40 millions de francs) avait été transférée sur le budget de l'outre-mer et que les crédits relatifs à la créance de proratisation (part logement) et à la ligne budgétaire unique (LBU) permettraient d'améliorer l'efficacité de la politique du logement social.

Troisièmement, ce projet de budget préserve les moyens d'action et d'intervention du ministère et assure le respect des engagements de l'État.

Le ministre a noté que les moyens en fonctionnement sont reconduits (+ 2,30 %) et que, s'agissant du fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) et du fonds d'investissement et de développement économique et social (FIDES), la mobilisation des moyens de paiement permettra à l'État d'assurer l'exécution des engagements contractuels. En 1996, le FIDOM et le FIDES bénéficieront respectivement d'une dotation de 310 millions de francs et 180 millions de francs en AP et de 305 millions de francs et 183 millions de francs en CP.

Enfin, il a rappelé que la dotation d'investissement de 390 millions de francs en AP et 370 millions de francs en CP, allouée à la Nouvelle-Calédonie, permettra de mettre en oeuvre les engagements pris dans le cadre du contrat de développement et des accords de Matignon et que la mise en oeuvre des moyens entrant dans le cadre du pacte de progrès conclu avec le territoire de la Polynésie française serait assurée.

Puis, aux questions de M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, M. Jean-Jacques de Peretti, ministre, a apporté les précisions suivantes :

- l'essentiel des prestations familiales dans les DOM sera aligné sur celles en vigueur en métropole à compter du 1er janvier 1996, à l'exception de quelques spécificités concernant notamment la prestation de restauration scolaire et l'allocation de parent isolé, l'alignement de cette dernière devant prendre en compte les réflexions en cours concernant la création d'une « allocation de libre choix » ;

- le plan d'accompagnement à l'alignement complet du SMIC qui interviendra au 1 er janvier 1996 s'articule autour de deux mesures principales : l'allégement des charges sociales sur les bas salaires depuis le 1 er septembre 1995 dans les secteurs d'activité non couverts par les articles 3 et 4 de la loi Perben (bâtiment et travaux publics (BTP), commerce, réparation automobile, transports, communications) et l'extension de la fiscalisation aux apports de fonds aux sociétés bénéficiaires d'un contrat d'affermage ;

- les mesures en faveur du logement gagées sur la quote-part allocation parentale d'éducation (APE) seront maintenues, ce qui représente un total d'environ 80 millions de francs. Les retards de paiement constatés par le rapporteur pour avis au titre des exercices 1994 et 1995 ne sont pas le fait du ministère de l'outre-mer puisque ces sommes sont du ressort de la Caisse nationale d'allocations familiales ;

- un bilan détaillé d'application de la loi Perben sera transmis au Sénat conformément à ce qui a été prévu dans ladite loi. S'agissant de la mise en place des agences d'insertion du dispositif RMI -qui est suivie avec attention par le Parlement a indiqué M. Jean-Pierre Fourcade, président-, tous les décrets sont désormais publiés et celles-ci sont en cours d'installation ;

- le décret concernant l'alignement des modalités des contrats d'aide à l'emploi (CAE) sur celles des contrats d'initiative-emploi (CIE) proposé par un amendement des sénateurs d'outre-mer a été examiné par le Conseil d'État

le 10 octobre dernier et devrait être publié mi-novembre ;

- l'extension aux DOM du prêt à « taux zéro » n'est pas exclue mais se heurte à de nombreuses difficultés ayant trait notamment aux crédits susceptibles d'être prélevés sur la ligne budgétaire unique (LBU), à la frilosité des circuits bancaires en outre-mer et à l'importance des taux pratiqués pour les prêts complémentaires indispensables. M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a regretté, pour sa part, l'existence d'un « faux débat » opposant l'option « LBU » à celle du crédit à « taux zéro » car ces deux types de ressources ne visent pas les mêmes bénéficiaires potentiels en raison des plafonds de ressources retenus dans le premier cas ;

-le fonds d'action sanitaire et sociale obligatoire sera maintenu parallèlement à la prestation de restauration scolaire à hauteur de 286,8 millions de francs.

M. Charles Descours a indiqué qu'en ce qui concernait le prêt à « taux zéro », de grandes divergences d'appréciation étaient perceptibles entre les élus d'outre-mer selon la situation de leur département.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est félicité du rapatriement des crédits en faveur du budget du ministère de l'outre-mer, mais s'est interrogé sur le développement de la déconcentration de ces derniers en direction des préfets.

M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l'outre-mer, a indiqué que dans le cadre des orientations définies pour la réforme de l'État, il avait chargé M. Limodin de faire des propositions afin de renforcer les pouvoirs des préfets en matière d'utilisation de crédits déconcentrés.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Au cours d'une première séance qui s'est tenue dans la matinée du mercredi 25 octobre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé l'examen du rapport pour avis de M. Pierre Lagourgue sur le projet de loi de finances pour 1996 (outre-mer : aspects sociaux).

M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a déclaré à titre liminaire que ce budget de l'outre-mer pour 1996 faisait apparaître des points très positifs concernant tant les orientations de la nouvelle politique en faveur de l'égalité sociale avec la métropole que les moyens financiers qui seraient engagés par le ministère au cours de l'année prochaine. Toutefois, il convient de relever également des aspects moins satisfaisants qui tiennent essentiellement à la situation économique et sociale générale de l'outre-mer.

Il a ensuite présenté les principaux axes de cette politique. En matière de rémunérations, le Gouvernement a décidé un rehaussement du Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en deux étapes en vue de son alignement sur le niveau métropolitain. Quant au SMIC applicable dans les départements d'outre-mer (DOM), qui a déjà été revalorisé de 6,84 % au 1er juillet 1995, il augmentera de 6,8 % au 1er janvier 1996.

En matière de prestations familiales et sociales, deux mesures d'alignement font actuellement l'objet d'un décret, en cours de signature, avec date d'application au 1er septembre 1995. Il s'agit de :

- l'allocation de soutien familial attribuée aux personnes ou familles qui assument la charge d'au moins un enfant orphelin ou abandonné dont le montant (à taux plein) passera de 404 francs à 625 francs (soit + 55 %) ;

- la prime de déménagement versée aux familles qui engagent des frais à l'occasion de l'emménagement dans un nouveau logement ouvrant droit à l'allocation logement. Ainsi, un ménage de trois enfants percevra 4.990 francs contre 1.833 francs actuellement.

Par ailleurs, il a précisé que le gouvernement allait proposer d'étendre deux autres allocations à l'outre-mer :

- l'allocation parentale d'éducation à taux plein c'est-à-dire sans laquote-part prévue par la loi du 25 juillet 1994, à compter du 1er janvier1996 ;

- l'allocation pour jeune enfant qui se substituera à la prime pour la protection de la maternité, au complément familial de 0 à 3 ans et à l'allocation familiale au premier enfant de 0 à 3 ans.

Enfin, il a indiqué que, le gouvernement s'était enfin engagé à convoquer d'ici la fin de l'année des « assises de l'égalité sociale active » qui permettront d'examiner les propositions et de définir les plus appropriées à l'égard de l'outre-mer.

Puis il a fait trois observations.

D'abord, il a jugé exagéré de voir dans cette nouvelle politique une rupture par rapport à la politique menée par les précédents gouvernements qui mettaient davantage l'accent sur le principe de parité. L'alignement de l'essentiel des allocations familiales, par exemple, est effectif depuis le 1er juillet 1993. S'agissant du SMIC, le processus de rattrapage a été mis en oeuvre depuis le 1er juillet 1990 et a été poursuivi chaque année.

Ensuite, il a rappelé que l'actuel gouvernement avait pris soin d'annoncer que certaines spécificités seraient maintenues, spécificités auxquelles les élus des DOM sont attachés. Ce sera notamment le cas de la prestation de restauration scolaire et de la créance de proratisation du revenu minimum d'insertion (RMI).

Enfin, troisième remarque, l'extension des allocations n'est pas indistincte. Autrement dit, il y aura une appréciation au cas par cas. Ainsi, n'est-il pas prévu d'aligner le montant de l'allocation de parent isolé.

Puis, M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a abordé l'examen des crédits budgétaires en faveur de l'outre-mer pour 1996.

Le budget proprement dit du ministère de l'outre-mer pour 1996 s'élève à 4,903 milliards de francs soit un doublement des crédits par rapport au budget voté pour 1995 qui était de 2,460 milliards. Cette progression exceptionnelle des crédits s'explique par deux séries de facteurs :

1°) Par le rapatriement dans le budget de l'outre-mer des crédits correspondants à la créance de proratisation du RMI dans les DOM soit 872 millions de francs et à la ligne budgétaire unique (LBU) en faveur du logement social dans les DOM, soit 1,173 milliard de francs en autorisations de programme et 632 millions de francs en crédits de paiement.

2°) Par la montée en régime du fonds pour l'emploi dans les DOM (ou Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM)) institué par la loi du 25 juillet 1994. Pour 1996, le FEDOM s'élèvera à 1,060 milliard de francs. Le FEDOM enregistre par ailleurs l'incidence de l'alignement du SMIC sur certains contrats en faveur de l'emploi ainsi que de l'alignement de la prime des contrats d'accès à l'emploi sur les nouveaux contrats « initiative-emploi ».

Pour les territoires d'outre-mer, les dotations enregistrent un certain tassement. Aussi, par exemple, le Fonds d'investissement et de développement économique et social (FIDES) bénéficiera d'une dotation de 180 millions de francs en autorisations de programme et de 183 millions de francs en crédits de paiement, soit une baisse de 6 %. La dotation d'investissement allouée à la Nouvelle-Calédonie (390 millions de francs en autorisations de programme et 378 millions de francs en crédits de paiement) sont à peu près reconduites pour permettre de mettre en oeuvre les engagements pris dans le cadre du contrat de développement et des accords de Matignon.

M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a souhaité d'une part que ces crédits soient davantage déconcentrés au niveau des préfets afin d'accélérer les versements correspondants et permettre une utilisation plus proche du terrain et, d'autre part, qu'un effort particulier soit fait en faveur du logement social. Pour 1996, en effet, la LBU a été fixée au même niveau qu'en 1995 alors que le précédent gouvernement s'était engagé à augmenter cette ligne, à compter de 1995, de 100 millions de francs par an pendant cinq ans.

M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a évoqué par la suite des aspects plus préoccupants, tenant au contexte économique et social de l'outre-mer.

Il a souligné la persistance de graves problèmes sociaux liés à l'ampleur du chômage. Au premier semestre 1995, on recensait par rapport à la population active 24,5 % de chômeurs à la Guadeloupe, 23,7 % à la Martinique, 18,8 % en Guyane, et 36,3 % à la Réunion.

Par rapport à 1994, la croissance du chômage dans les DOM s'élève à 9 % contre 1 % environ en métropole. Surtout, le nombre de demandeurs inscrits depuis plus d'un an s'élève à 47 % dans les DOM contre 37,4 % en métropole.

Il a rappelé les conséquences de cette situation.

Le RMI concerne environ 20 % de la population des DOM contre 1,8 % en métropole. Le nombre de bénéficiaires, qui s'était stabilisé en 1993 sous l'effet notamment de l'alignement des allocations familiales, a enregistré une nouvelle hausse en 1994 de 9 % sachant que, contrairement à la métropole, ce sont les personnes et les familles avec enfants qui prédominent.

Il a noté que le dispositif d'application de la « loi Perben » du 28 juillet 1994, qui avait suscité beaucoup d'espoir, avait pris du retard. En effet, les agences d'insertion instituées par cette loi et qui se substituent au conseil départemental d'insertion sont tout juste en cours d'installation et ne seront pleinement opérationnelles qu'au début de l'année 1996. Le décret prévoyant l'alignement du dispositif du Contrat d'aide à l'emploi (CAE) sur celui du Contrat initiative-emploi (CIE) n'a toujours pas été publié (même si le ministre a indiqué qu'il devrait l'être à la mi-novembre) et nombre de chefs d'entreprise ont suspendu leurs recrutements dans l'attente de ces dispositions. Le Gouvernement espère néanmoins atteindre un objectif de 17.500 contrats d'accès à l'emploi en 1996.

Il a enfin abordé certains problèmes qui le préoccupent particulièrement.

En premier lieu, les problèmes de l'enseignement en outre-mer. Si on constate que sept élèves métropolitains sur cent ont un retard de deux ans ou plus en classe de sixième, ils sont 12 % à la Réunion et si en métropole 60 % d'entre eux vont jusqu'en terminale, ils sont seulement 51 % à la Réunion. Par ailleurs, il existe un besoin en personnels d'encadrement pédagogique et technique qui est évalué pour le seul département de la Réunion à environ 2.000 postes. Ces vacances d'emploi ont une incidence certaine sur l'enseignement proprement dit.

En second lieu, il a déploré une disparité choquante qui concerne les tarifs téléphoniques. La minute de téléphone au départ de la Réunion est facturée trois fois plus cher que pour les métropolitains. Cette situation est contradictoire avec les principes de continuité territoriale dont bénéficie notamment la Corse. Elle est également injustifiable au regard des coûts puisque des études pour le Conseil régional de la Réunion ont clairement établi que le prix de revient de la communication par satellite entre la Réunion et la métropole était faible (de l'ordre de 0,15 francs la minute). Enfin, elle est particulièrement mal ressentie par les originaires des DOM vivant en métropole -population estimée à environ 530.000 personnes- et ne coïncide pas avec le discours gouvernemental sur la mobilité de l'emploi.

En dernier lieu, il a appelé l'attention sur l'extension du « prêt à taux zéro » aux DOM en soutenant que le renvoi de cette question à un financement par la LBU était selon lui un faux problème dans la mesure où ces moyens ne s'adressaient pas à la même population.

Sous réserve de ces observations, M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a proposé d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'Outre-mer contenus dans le projet de loi de finances pour 1996.

Puis un large débat s'est ouvert. M. Louis Souvet a demandé à M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, de lui préciser l'ampleur de l'écart résiduel entre le SMIC-DOM et celui de la métropole, les compensations prévues pour les entreprises pour faire face au rattrapage prévu au 1er janvier 1996, les bénéficiaires du relèvement de la prime de déménagement, l'évolution de la participation des familles au financement des cantines scolaires et les principales causes du chômage en outre-mer.

M. Charles Metzinger a indiqué que l'examen de ces crédits était l'occasion d'avoir un aperçu d'ensemble sur la situation en outre-mer et a souhaité avoir des éléments sur le niveau de vie dans les départements d'outre-mer et sur la situation salariale.

M. Jean Madelain a interrogé le rapporteur sur l'évolution du taux de fécondité dans les différents départements d'outre-mer et sur la possibilité de proposer aux « Rmistes » des emplois dans le secteur de la construction de logement social où des besoins importants se manifestent.

M. Claude Huriet a demandé des précisions concernant l'impact du relèvement du SMIC sur les économies locales, la présence de nombreux ressortissants comoriens à la Réunion et sur l'encadrement de l'urbanisation croissante constatée en outre-mer.

M. Marcel Lesbros a interrogé le rapporteur sur les effets du régime de défiscalisation des investissements dans les DOM.

M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- L'écart restant à combler entre le SMIC métropolitain et le SMIC applicable dans les DOM est de 6,8 %. Le relèvement du SMIC est assorti d'un plan d'accompagnement devant permettre un allègement des charges de cotisations sociales sensiblement égal à la hausse du SMIC en outre-mer.

- La prime de déménagement concerne les familles qui engagent des frais à l'occasion de l'emménagement dans un nouveau logement ouvrant droit à l'allocation logement. Elle est distincte de celle versée aux fonctionnaires affectés en outre-mer.

- La contribution des familles aux frais de restauration scolaire est appelée à augmenter compte tenu de l'alignement des prestations familiales.

- Les taux particulièrement élevés du chômage en outre-mer sont liés à divers facteurs dont l'isolement de ces territoires, le fort taux de natalité, et l'importance de la population d'origine étrangère comme par exemple à la Réunion qui compterait, selon certaines sources, près de 35.000 comoriens.

- La politique de mobilité vers la métropole qui avait donné de bons résultats jusqu'au début des années 80 n'a plus le même effet à cause de la croissance du chômage en métropole, elle-même.

- Les statistiques d'échec scolaire ne permettent pas de comparer le pourcentage de réussite des enfants issus de la population locale avec celui des enfants d'origine métropolitaine vivant à la Réunion.

- Avant 1978, les salaires des fonctionnaires se voyaient appliquer une majoration élevée pour tenir compte du coût de la vie. Le coefficient qui était de 2,03 a été ramené à 1,53 sous le gouvernement Barre. Ces « sursalaires » ont néanmoins un effet de contagion sur les salaires de secteur privé. Enfin, on peut dire qu'un « smicard » vit plutôt mieux à la Réunion qu'en Île-de-France car il n'a pas de charges de chauffage, celles liées au transport sont faibles et les habitudes alimentaires très économiques.

- Les taux de fécondité dans les DOM restent élevés, notamment à la Réunion, où ce taux atteint 2,4 %, sauf à la Martinique où le taux se rapproche du niveau métropolitain.

- Il paraît difficile de confier à tous les Rmistes des activités dans le secteur de logement social, même si certaines expériences ont lieu pour les logements très sociaux, car ils manquent généralement de formation et ne sont pas concurrentiels face aux grosses entreprises du bâtiment.

- Il est délicat d'évaluer l'impact du relèvement du SMIC sur l'économie car dans le domaine de la consommation courante, l'implantation des grandes surfaces a freiné l'effet inflationniste des relèvements précédents.

- Face à l'afflux de ressortissants comoriens qui trouvent à s'employer, notamment, dans des emplois domestiques de gardiennage ou de restauration, le rétablissement du visa entre Mayotte et les Comores paraît souhaitable.

- Chaque année, 500 hectares de terres agricoles disparaissent à la Réunion au profit des terrains constructibles. Le schéma d'aménagement régional qui avait été élaboré en 1990 n'a pas encore été validé. Les rectifications demandées font qu'il n'est pas encore appliqué.

- Le montant des investissements ayant bénéficié de la défiscalisation s'élève sur cinq ans à 7 milliards et a représenté un coût pour le budget de 700 millions de francs.

Mesdames, Messieurs,

L'examen du budget de l'État est l'occasion, chaque année, de mesurer la cohérence des orientations gouvernementales avec les moyens mis en oeuvre pour leur réalisation.

Pour l'outre-mer, cet exercice prend un relief particulier compte tenu de la volonté exprimée par le Gouvernement de mener une politique ambitieuse.

Le ministre de l'outre-mer, Jean-Jacques de Peretti, a rappelé le 28 octobre dernier à l'Assemblée nationale les trois grandes orientations de cette politique : « D'abord, achever l'égalité sociale, en harmonie avec le développement économique, donner ensuite à ce ministère un rôle pilote en matière de politique sociale ; affirmer enfin la dimension internationale de l'outre-mer ».

Réclamé depuis longtemps, en particulier par votre rapporteur au nom de la justice et de la dignité de nos concitoyens d'outre-mer, l'objectif d'égalité sociale s'est traduit par de fortes revalorisations en juillet dernier et devrait être pratiquement réalisé au 1er janvier 1996 en matière de prestations sociales et de rémunérations minimales.

Pourtant, le doublement des crédits constatés dans le présent budget de l'outre-mer n'est pas une conséquence directe de ces mesures. En effet, cette majoration substantielle s'explique essentiellement par des transferts en provenance d'autres administrations et par la montée en charge du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer institué par la loi du 25 juillet 1994 dite loi Perben.

Il répond en revanche au second objectif tendant à donner au ministère un rôle pilote en matière de politique sociale. Les crédits correspondant au développement social et économique (ces deux aspects sont liés dans l'approche gouvernementale) représentent désormais à eux seuls 75 % de l'ensemble du budget de l'outre-mer contre 50 % en 1995.

Même à structure constante, les crédits de ce ministère progressent de 4,12 % par rapport au projet de loi de finances pour 1995, malgré le contexte actuel de rigueur budgétaire et la norme de cadrage budgétaire initialement fixée à 1,7 % par le Premier ministre pour les différents ministères. Ils traduisent l'existence d'un effort particulier en faveur de celui-ci.

De plus, l'analyse doit tenir compte de ce que ces crédits ne constituent que 10,4 % de l'ensemble des dotations en direction de l'outremer. Ces dernières s'élèvent en 1996 à 46,8 milliards, soit une progression de 1,45 % par rapport à 1995.

Si globalement, votre commission se montre satisfaite des orientations politiques et de l'évolution des crédits ainsi rappelée, elle souhaite souligner l'ampleur des difficultés auxquelles restent confrontées les collectivités d'outre-mer et mettre l'accent sur certains dossiers de nature sociale qui doivent retenir prioritairement l'attention du Gouvernement.

I. DES ORIENTATIONS PUBLIQUES POSITIVES POUR L'OUTRE-MER

L'analyse de la politique gouvernementale en faveur de l'outre-mer fait apparaître des orientations très positives dont votre commission se félicite.

D'une part, conformément à l'engagement pris par le Président de la République, cette politique a pour objet de promouvoir l'égalité sociale active avec la métropole. Comme l'a rappelé M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l'outre-mer lors de son audition devant la commission des Affaires sociales le 17 octobre dernier, cette politique repose sur deux principes essentiels : les habitants des DOM ont les mêmes droits sociaux que les métropolitains ; au-delà de cette égalité, les problèmes spécifiques des DOM en matière de développement économique et social doivent recevoir des solutions adaptées.

D'autre part, le budget de l'outre-mer pour 1996 enregistre un doublement de ses crédits par rapport à l'an dernier. Même si une large partie d'entre eux résulte du rapatriement dans ce budget de sommes précédemment rattachées à d'autres ministères, ces crédits confirment l'existence d'une ambition nouvelle pour l'outre-mer et d'une volonté de clarification des transferts opérés en direction des collectivités concernées.

A. UNE GRANDE AMBITION POUR L'OUTRE-MER : L'ÉGALITÉ SOCIALE ACTIVE

La mise en oeuvre de la politique d'égalité sociale se traduit par une série de mesures dont une partie est déjà entrée en application.

Elle sera complétée à l'issue des Assises de l'égalité sociale qui devrait avoir lieu d'ici au début de l'année prochaine. Dans cette perspective, le ministre de l'outre-mer a entrepris une vaste consultation devant permettre de définir des priorités. Les préfets ont, d'ores et déjà, été chargés d'organiser une consultation avec les élus et les « forces vives » locales. Les Assises devront servir à examiner ces propositions et à retenir les plus appropriées.

1. Les modalités de cette politique

Les principales mesures adoptées ou en cours d'élaboration depuis l'élection présidentielle à l'égard de l'outre-mer visent effectivement à réduire les disparités constatées en matière de protection sociale entre les DOM et la métropole.

Ce volet social est assorti d'un volet économique correspondant à un approfondissement et à des aménagements de la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les DOM, dite « loi Perben ».

a) Le volet social : les mesures d'alignement du SMIC et des prestations sociales

Le Président de la République s'est engagé à mettre en oeuvre l'alignement complet du SMIC des départements d'outre-mer sur le niveau métropolitain.

Cet engagement sera rempli au 1 er janvier 1996. L'écart sera comblé en deux étapes. La première est intervenue le 1 er juillet 1995 : le SMIC des DOM a été revalorisé de 6,84 %. Une seconde revalorisation aura lieu à nouveau au 1 er janvier 1996, à hauteur de 6,8 %.

En outre, deux ans après le dernier ajustement du minimum garanti à la Réunion et dans les Antilles- Guyane intervenu le 1 er janvier 1993, le Gouvernement a décidé d'opérer un rattrapage du montant de celui-ci en le portant à 16,70 francs au 1 er juillet 1995.

S'agissant des prestations sociales, les mesures concernent la branche famille, à savoir :


• l'allocation de soutien familial : cette allocation, attribuée aux personnes ou familles qui assument la charge d'au moins un enfant orphelin ou abandonné, est versée dans les mêmes conditions dans les DOM et en métropole mais avec des montants différents.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique d'égalité, elle est passée, à compter du 1 er septembre 1995, de 404 francs à 625 francs par mois à taux plein et de 306 francs à 468 francs par mois à taux partiel.


• la prime de déménagement : cette prime est versée aux familles qui engagent des frais à l'occasion de l'emménagement dans un nouveau logement ouvrant droit à l'allocation de logement. Pour la percevoir, la famille doit déménager à l'occasion de la naissance du troisième enfant.

A compter du 1 er septembre 1995, un ménage de trois enfants remplissant ces conditions percevra 4.990 francs contre 1.800 francs antérieurement et la majoration pour enfant au-delà du troisième sera de 416 francs contre 229 francs actuellement.

Deux autres prestations devraient bénéficier du même traitement à compter du 1 er janvier 1996. Il s'agit de :

l'allocation parentale d'éducation : la quote-part prévue par la loi du 25 juillet 1994 sera supprimée à l'exception des mesures annoncées en faveur du logement déjà engagées sur cette quote-part.

l'allocation pour jeune enfant : celle-ci se substituera à la prime pour la protection de la maternité, au complément familial pour des enfants de 0 à 3 ans et à l'allocation f a miliale au premier enfant de 0 à 3 ans. En revanche, au-delà de 3 ans, le versement du complément familial et de l'allocation familiale au premier enfant sera maintenu dans les conditions actuelles.

b) Le volet économique : l'approfondissement de la loi Perben.

Les mesures d' exonération de charges sociales réservées à certains secteurs par la loi Perben (agriculture - industrie - commerce - artisanat -hôtellerie - restauration - presse) sont étendues à tous les autres secteurs et sont complétées par extension des mesures nationales concernant les bas salaires.

Ainsi, depuis le 1 er septembre 1995, les charges sociales ont été réduites de 12,8 % au niveau du SMIC et de façon dégressive jusqu'à 1,2 SMIC soit un allégement de 749 francs par mois et par salarié payé au SMIC. Elle concerne 750.000 salariés pour un coût de 700 millions de francs.

Par ailleurs, les dispositions du contrat d'accès à l'emploi (CAE) destinées à favoriser l'embauche des Rmistes et des chômeurs de longue durée dans les entreprises ont été alignées sur celles du contrat initiative emploi (CIE) qui prévoit, au-delà des exonérations de cotisations sociales, une prime de 2.000 francs par mois pendant 2 ans.

Cet alignement intervenu grâce au Sénat, à la suite d'un amendement déposé notamment par votre rapporteur, au projet de loi ayant instauré le CIE, n'est toutefois pas encore entré dans les faits. Le décret d'application qui doit le rendre effectif n'est en effet toujours pas paru.

Le ministre a tenu néanmoins à indiquer aux membres de la commission des Affaires sociales que, pour 1996, l'enveloppe prévue pour les CAE sera quasiment doublée puisque les crédits du Fonds sur l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) prévoient la réalisation de 17.500 CAE. Il s'est également engagé à apporter, en cours d'année, avec les élus et en fonction des réalités locales, les inflexions qui s'avéreraient nécessaires pour la gestion de ce Fonds.

Enfin, à compter de 1996 les mesures prévues par la loi Perben en faveur de l'insertion devraient donner leurs premiers résultats, notamment à travers le développement des contrats d'insertion par l'activité (CIA).

Il convient de rappeler que la loi Perben a créé les agences d'insertion dont les missions s'organisent autour de trois axes majeurs : le fonctionnement du dispositif d'insertion (services instructeurs de l'allocation, commissions locales d'insertion et cellules d'appui), la mise en oeuvre du programme départemental d'insertion dont une des priorités sera l'effort en faveur du logement des plus démunis et le développement des contrats d'insertion par l'activité dans le cadre du programme annuel des tâches d'utilité sociale.

Ce programme, qui décrit les activités confiées aux allocataires du RMI bénéficiant d'un contrat d'insertion par l'activité, devra répondre à des besoins collectifs non satisfaits, tout en étant distinct et complémentaire des tâches confiées aux bénéficiaires des contrats emploi-solidarité.

Quant aux contrats eux-mêmes, il faut préciser qu'il s'agira de vrais contrats de travail, l'agence étant l'employeur de l'ensemble des bénéficiaires de ces derniers.

Le ministre a confirmé aux membres de la commission que cette réforme sera menée à son terme.

2. Les souhaits de votre commission

Ces mesures appellent, de la part de votre commission, trois séries d'observations.

D'abord, il serait exagéré de voir dans cette politique une rupture complète par rapport aux actions menées antérieurement.

Ensuite, de nombreuses spécificités devraient néanmoins être maintenues dès lorsqu'elles paraissent plus adaptées aux réalités locales.

Enfin, la mise en application des dispositions de la loi Perben et des contrats d'accès à l'emploi enregistre des retards aux effets préjudiciables.

a) Égalité contre parité : un faux débat

Si au thème de la parité s'est substitué celui de l'égalité dans les objectifs définis par le gouvernement Juppé, on constate de nombreux éléments de continuité.

L'alignement des allocations familiales, par exemple, est effectif depuis le 1 er juillet 1993. Il avait été prévu par la loi du 31 juillet 1991 portant diverses mesures d'ordre social mais celle-ci avait parallèlement maintenu à la suite d'un amendement présenté par les sénateurs d'outre-mer, les allocations familiales au premier enfant ainsi que les majorations par âge correspondantes qui n'existent pas en métropole.

La loi du 25 juillet 1994 relative à la famille a, pour sa part, étendu aux DOM l'allocation pour garde d'enfant à domicile (AGED) avec application au 1 er janvier 1995.

Votre commission considère donc qu'il est exagéré de voir une rupture brutale dans la politique menée depuis six mois en faveur de l'outre-mer. Ceci, d'autant plus que le ministre a déjà annoncé qu'un certain nombre de mesures spécifiques aux DOM ne sera pas remis en cause.

Il convient toutefois de souligner une difficulté liée au changement de politique à l'égard de l'outre-mer et qui concerne l'allocation parentale d'éducation (APE).

Comme cela a été rappelé, l'APE devrait être alignée à partir de 1996. Or, lors de l'adoption de la loi famille, il avait été décide de réserver une quote-part du versement qui aurait été effectué si les conditions d'application de ce dispositif avaient été identiques en métropole ou dans les DOM et de l'affecter à des actions collectives en faveur des familles. Des mesures pour le logement social de celles-ci ont aussi été gagées ; sur cette quote-part. Or l'État n'a toujours pas versé les sommes correspondantes aux collectivités territoriales qui ont mené des actions diversifiées en faveur du logement social, ce qui constitue un préjudice financier considérable pour celles-ci. La quote-part pour 1994 avoisine en effet 260 millions de francs.

Votre commission considère qu'i l serait particulièrement choquant pour l'État de renier cet engagement sous prétexte de l'alignement qui sera opéré en 1996 et espère que les régularisations afférentes seront réalisées avant la date du 1er janvier 1996.

Par ailleurs, le ministre de l'outre-mer a bien voulu indiquer aux membres de votre commission des Affaires sociales que certaines spécificités seront maintenues, spécificités auxquelles les élus des DOM sont particulièrement attachés. Ce sera notamment le cas de la créance de proratisation du RMI et de la prestation de restauration scolaire.

La créance de proratisation est une conséquence de l'extension de la loi du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion aux départements d'outre-mer. Dans la mesure où le niveau de développement économique et social des DOM est encore loin d'atteindre celui de la métropole, il en a été tenu compte dans la mise en place du RMI, afin d'éviter des conséquences inopportunes, en particulier une éventuelle désincitation au travail.

L'article 51 de la loi du 1 er décembre 1988 a donc prévu l'application aux départements d'outre-mer du revenu minimum d'insertion « selon les modalités particulières d'application... dans le respect des principes mis en oeuvre en métropole ». Tel a été l'objet du décret du 20 janvier 1989 qui a prévu que le montant du RMI dans les DOM serait égal à 80 % du montant fixé en métropole, afin de tenir compte du rapport moyen existant entre les SMIC des DOM et celui de la métropole.

Cependant, contrairement à la métropole, l'État participe, dans ces départements, au financement des actions nouvelles d'insertion dans la limite de la somme représentant la différence entre le montant total des allocations qui seraient versées en métropole aux bénéficiaires et le montant total des allocations qui leur sont versées dans leur département de résidence au cours de la même année.

Cette différence appelée créance de proratisation représente aujourd'hui un poids important. En 1994, elle s'est élevée à 750 millions de francs.

En 1995, cette créance fixée à 771 millions de francs a été déléguée à hauteur de 557 millions de francs, soit 72 %. Une quatrième délégation de 185 millions de francs doit intervenir au cours de ce dernier trimestre de 1995. Un reliquat, avoisinant 28 millions de francs, sera enfin délégué aux agences d'insertion en 1995 après déduction de la part logement en faveur des allocataires du RMI.

De même, une autre spécificité -dont chacun reconnaît le bien fondé devrait être préservée : la prestation de restauration scolaire.

Celle-ci a été mise en place à compter le 1 er janvier 1993 pour compenser l'augmentation de la participation des familles de 7 à 25 % au prix des repas décidée parallèlement à l'alignement des allocations familiales résultant de la loi du 31 juillet 1991 portant diverses mesures d'ordre social et à prendre le relais du FASSO (fonds d'action sanitaire et sociale obligatoire) qui assurait une quasi-gratuité des cantines avant cette réforme. Depuis 1994, l'érosion des crédits de ce Fonds semble stoppée et, pour 1996, le montant de la dotation globale serait même en progression pour s'établir à 293 millions de francs.

La mise en oeuvre de l'égalité sociale aurait pu compromettre celle-ci. Mais, dans le cadre des mesures d'égalité sociale décidées par le Gouvernement en juillet dernier, cette prestation a été maintenue à la demande de tous les partenaires concernés (élus, caisses d'allocations familiales).

Votre Commission approuve cette démarche qui tend vers l'égalité sociale tout en procédant à une appréciation au cas par cas.

Elle note en particulier que le Gouvernement n'a pas prévu d'aligner le montant de l'allocation de parent isolé. Son sort semble lié aux décisions qui seront prises concernant l'allocation de libre choix et doit faire l'objet d'une expertise approfondie compte tenu de l'importance du nombre de familles monoparentales en outre-mer.

b) La nécessité d'une clarification comptable

Votre commission a souvent regretté l'absence de sincérité du budget de l'outre-mer (anciennement des départements et territoires d'outre-mer) en raison de l'importance des annulations de crédits intervenant en cours d'exercice même si certaines améliorations ont été apportées en 1994 et 1995.

Elle se félicite donc que le ministre de l'outre-mer se soit engagé fermement à remédier à l'avenir à cette situation. Il a ainsi déclaré, le 28 octobre dernier, aux députés :

« Qu'a-t-on fait au cours de la décennie écoulée ? On a inscrit des autorisations de programme, mais pour des montants qui dépassaient l'entendement. Si bien qu'aujourd'hui, nous n'avons plus les crédits de paiement correspondants ! Des factures auprès de collectivités locales, de conseils généraux, de régions, qui datent de trois à quatre ans, ne sont toujours pas réglées, car s'il y a eu des autorisations de programme, je n'ai pas en face les crédits de paiement. Qu'est-ce que j'essaie de faire aujourd'hui ? Je négocie -et une négociation reste une négociation, même avec mes collègues du Gouvernement- en diminuant les autorisations de programme, mais en essayant à l'inverse d'augmenter les crédits de paiement afin de répondre à des situations urgentes. Lorsque nous aurons remis un peu d'ordre, nous pourrons alors aborder une nouvelle ère et nous projeter peut-être un peu plus sur l'avenir. Je le dis d'autant plus que le Premier ministre, lors de l'arbitrage budgétaire, a confirmé qu'à notre demande il y aurait avec nos collègues des finances et du budget un examen contradictoire de la réalité de ces crédits de paiement. Et croyez-moi, il ne s'agit pas de petites sommes : 1 milliard, 1,5 milliard, 2 milliards ! Après cette réunion contradictoire, qui ne saurait tarder puisqu'elle doit avoir lieu avant la fin de l'année, il faudra mettre en place un plan -que j'appelle, lui, plan de rattrapage- parce que, dans les périodes précédentes, en face des autorisations de programme, n'avaient pas été inscrits les crédits de paiement correspondants. Nous avons donc un exercice comptable à faire, impérativement, car sans cela, je ne saurai pas répondre aux demandes ».

B. UN REGROUPEMENT PLUS SATISFAISANT DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES

Les crédits budgétaires pour l'outre-mer s'élèvent à 4,903 milliards de francs en 1996, soit un doublement par rapport à ceux votés pour 1995 qui étaient de 2,460 milliards de francs. Ce niveau élevé de crédits s'explique par deux séries de facteurs.

D'une part, comme l'a rappelé M. de Peretti lors de son audition devant votre commission des Affaires sociales, les priorités budgétaires de son ministère sont nombreuses : développement des interventions en faveur de l'emploi, recherche d'une politique active en faveur du logement social, respect des engagements contractuels de l'État, préservation des moyens logistiques du ministère.

D'autre part et surtout, ces crédits se caractérisent par le rapatriement, dans le budget de l'outre-mer, de sommes importantes correspondant à des interventions dans le domaine social et qui donne une appréciation plus juste de l'effort ainsi consenti par l'État. En sens inverse, les crédits afférents à la recherche dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont désormais rattachés au budget du ministère de la recherche.

1. L'impact croissant des crédits sociaux

La majoration de 106 % du budget voté pour 1995 correspond essentiellement aux mesures de transfert concernant la créance de proratisation du RMI et de la ligne budgétaire unique en faveur du logement social dans les DOM ainsi qu'à la montée en charge du FEDOM institué par la loi du 25 juillet 1994.

a) La créance de proratisation

La créance de proratisation qui s'imputait précédemment au budget des charges communes est portée de 742,7 millions de francs à 871,6 millions de francs, soit une progression de 17 %.

Sur la période récente, cette créance a suivi les évolutions suivantes :

(l) En 1994

En 1994, Le nouveau dispositif n'étant pas en vigueur, la répartition s'est faite selon les modalités des années antérieures à la loi Perben.

Sur la base des propositions d'utilisation présentées par les Préfets et retenues par le Gouvernement, les crédits de la créance de proratisation, inscrits au chapitre 46-01 du budget des charges communes, « Actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion dans les départements d'outre-mer », ont été répartis, au titre de 1994, entre les budgets des différents ministères concernés pour le financement des actions d'insertion correspondantes, pour chacun des DOM.

Le montant de la créance 1994 est de 750 millions de francs, mais cette somme n'a pas été déléguée dans sa totalité.

En effet, une première répartition de 635,243 millions de francs a été faite de la façon suivante :

-Guadeloupe : 167,6 MF

- Guyane : 36,4 MF

- Martinique : 115,3 MF -Réunion : 315,9 MF

Le reliquat de 114,757 millions de francs doit être réparti prochainement. Il se décompose ainsi :

- 81,132 millions de francs pour le démarrage des agences d'insertion :

- Guadeloupe : 21,505 MF

- Guyane : 4,640 MF

- Martinique : 14,715 MF

- Réunion : 40,272 MF

- 33,625 millions de francs restants sont des crédits pour le financement des logements en faveur des allocataires du RMI et à ce titre ils ne seront pas délégués aux agences (loi du 25 juillet 1994).

(2) En 1995

En 1995, le montant de la créance fixé à 771,1 millions de francs a été déjà délégué à hauteur de 557,1 millions de francs, réparti de la façon suivante entre les quatre départements d'outre-mer :

- Guadeloupe : 146,75 MF -Guyane : 36,15 MF

- Martinique : 99,1 MF

- Réunion : 275,1 MF

Pour permettre la poursuite des actions d'insertion engagées, une 4ème délégation de 185,64 millions de francs va avoir lieu au cours du dernier trimestre de l'année 1995.

Ces 185,64 millions de francs seront répartis ainsi :

- Guadeloupe : 48,43 MF -Guyane : 12,95 MF -Martinique : 31,0 MF

- Réunion : 93,26 MF

742,74 millions de francs auront ainsi été répartis en 1995 aux quatre départements d'outre-mer. Cette somme correspond au montant inscrit en loi de finances initiale pour 1995. Or, le montant total de la créance du RMI pour 1995 est de 771,1 millions de francs.

Le reliquat, soit 28,36 millions de francs, sera délégué aux agences d'insertion en 1995, après déduction de la part logement en faveur des allocations du RMI.

b) La ligne budgétaire unique

En ce qui concerne la ligne budgétaire unique (LBU) qui globalise l'ensemble des crédits de l'État en faveur du logement social dans les DOM et qui figurait dans le budget du logement jusqu'à présent, elle devrait passer de 619 millions à 632 millions, soit une augmentation de 2,1 % en crédits de paiement.

Les crédits de paiement de la LBU ont fait apparaître, pendant plusieurs années, des reports importants qui ont conduit à diminuer leur volume en loi de finances initiale qui est passé de 1.075 millions de francs en 1993 à 756 millions de francs en 1994 et 618,9 millions de francs en 1995. Une légère augmentation est prévue pour 1996 : 631,9 millions de francs. Plusieurs raisons expliquent ces retards de consommation des crédits de paiement sur les autorisations de programme.

1) La croissance depuis plusieurs années de la LBU en autorisations de programme se traduit, en crédits de paiement, avec une période de latence plus ou moins longue.

2) Depuis 1990, la LBU est abondée par la créance de proratisation RMI qui est versée pour un même montant en autorisations de programme et crédits de paiement, alors que les crédits de paiement ne seront principalement consommés que dans les années suivantes.

3) Les crédits de paiement versés à la Caisse des dépôts et consignations, pour le financement des logements locatifs sociaux, le sont avec un peu plus de retard. Initialement versés en proportion des autorisations de programme engagées, ils sont aujourd'hui demandés par la Caisse des dépôts et consignations en fin d'exercice.

Selon les informations transmises par le ministère, les retards de consommation devraient être résorbés au cours de l'année 1996, ce qui nécessitera une augmentation sensible en fin d'année.

c) Le fonds pour l'emploi dans les DOM

S'agissant du FEDOM, il convient de rappeler qu'il a pour objet de globaliser les crédits consacrés au financement des principaux dispositifs de lutte pour l'emploi dans les départements d'outre-mer.

Les ressources du fonds sont constituées, notamment, des crédits consacrés au financement dans les départements d'outre-mer des CES (contrats emploi solidarité) et des CRE (contrats de retour à l'emploi), des crédits correspondant à la charge budgétaire que représentent les bénéficiaires du RMI (allocation) appelés à signer des CIA (contrats d'insertion par l'activité), de la participation financière de l'État prévue à l'article 2 du décret du 20 janvier 1989 (créance de proratisation par insertion).

Les dépenses du fonds sont constituées par le financement des rémunérations des CES et des CIA, des primes aux employeurs pour les contrats d'accès à l'emploi, des versements aux agences départementales d'insertion de la part insertion de la créance de proratisation du RMI consacrée au financement des programmes départementaux d'insertion, du remboursement aux comptes sociaux de l'exonération des charges liées aux contrats d'accès à l'emploi.

N'ayant pu être véritablement mis en place qu'au dernier trimestre de l'année 1995, 1996 sera la première année où le FEDOM sera réellement opérationnel.

Pour 1996, le montant du FEDOM devrait s'élever à 1,235 milliard de francs, se répartissant comme suit :

- contrats emploi-solidarité 434,00 MF

- contrats d'insertion par l'activité 107,43 MF

- contrats d'accès à l'emploi 404,56 MF

(+ 60 millions de francs en transfert)

- primes à la création d'emploi 24,00 MF

- créance de proratisation 175,00 MF

- contrats de retour à l'emploi 30,00 MF

Au total, la dotation du FEDOM permettra, selon le Gouvernement, la réalisation en 1996 de 47.500 actions d'insertion.

2. Les souhaits de votre commission

Votre commission émet trois souhaits particuliers :

- une déconcentration accrue des crédits ;

- des efforts supplémentaires en matière de logement ;

- un renforcement du service militaire adapté.

a) Une déconcentration accrue des crédits

Votre commission considère que les crédits devraient être davantage déconcentrés au niveau des préfets afin d'accélérer les versements correspondants et permettre une utilisation plus proche du terrain. Interrogé sur ce sujet, M. de Peretti a indiqué qu'il avait diligenté une mission dans le cadre du projet de réforme de l'État sur ce sujet.

Pour 1996 pourtant, votre commission constate que les sections régionale et départementale du Fonds d'investissement pour les DOM enregistrent une baisse de leurs crédits de 13 %.

Elle relève également que, pour la créance de proratisation, les retards dans les délégations de crédits restent importants. Pour 1994 seuls 635 millions ont été délégués, soit 85 % de l'ensemble des crédits. Sur ce total de 635 millions, la répartition entre les différents ministères concernés par le financement des actions d'insertion a été la suivante :

- Affaires sociales, santé, ville : 63,5 MF

- Jeunesse et sports : 10,90 MF

- Travail, emploi : 46,7 MF

- Logement : 503,0 MF

- Éducation nationale : 1,1 MF

- Équipement. 0,5 MF

- Agriculture et pêche : 5,8 MF

- Environnement : 3,0 MF

Le reliquat, soit 115 millions de francs, doit être réparti, à une date qui n'a pas été précisée, de la façon suivante : 81 millions de francs pour le démarrage des agences d'insertion et les 34 millions de francs restants pour le financement des logements en faveur des allocataires du RMI. Seule la répartition a été arrêtée.

b) Des efforts supplémentaires en matière de logement

Votre commission réitère son voeu de voir réalisé un effort particulier en faveur du logement social. En effet, pour 1996, la LBU a été fixée au même niveau qu'en 1995 alors que le précédent gouvernement s'était engagé à abonder cette ligne à compter de 1995 de 100 millions de francs supplémentaires par an pendant cinq ans. Certes, une partie des crédits de la créance de proratisation viendra abonder la LBU en 1996 mais ce transfert n'est pas satisfaisant car la créance de proratisation devrait davantage être consacrée à l'insertion par l'économie.

Il convient de rappeler que les besoins en matière de logement social dans les DOM restent considérables : 30 % des logements sont précaires ou dépourvus d'éléments de confort et 10% sont insalubres. Les besoins en terme de logements sociaux, à eux seuls, sont évalués à 17.000 environ par an, alors que les crédits permettent d'en financer environ 12.000 par an.

Par ailleurs, d'autres éléments sont à prendre en compte pour développer l'efficacité de la politique de logement : l'aide aux collectivités locales afin qu'elles puissent proposer davantage de foncier équipé pour le logement social, le bon fonctionnement des circuits financiers et l'implication du secteur bancaire. Enfin, l'État privilégie les aides à la pierre alors que les aides à la personne devraient également se développer.

A cet égard, votre rapporteur émet le voeu que le prêt à taux zéro soit étendu à l'outre-mer mais conteste que son financement soit prélevé sur la LBU dans la mesure où, contrairement à cette dernière, la population touchée serait celle ayant accès aux logements intermédiaires.

Il convient de rappeler que le prêt à taux zéro a été avant tout présenté comme une mesure destinée à relancer l'accession à la propriété et prend la forme d'une avance remboursable ne portant pas intérêt, mise en place par des établissements de crédits conventionnés. L'État verse à ces établissements une subvention qui compense l'absence d'intérêt.

En métropole, ses caractéristiques principales sont :

- Le montant maximum du prêt est de 70.000 à 180.000 F (selon la composition du ménage et le lieu d'habitation). Ce montant ne peut excéder 20 % du coût de l'opération et doit représenter au plus le tiers du montant total des sommes empruntées (ex. pour une opération à 600.000 F, le montant du prêt à 0 % ne peut excéder 120.000 F à condition que le montant total de l'emprunt soit au moins de 360.000 F).

- Le prêt doit financer la construction d'un logement, l'acquisition d'un logement neuf, l'acquisition d'un logement en vue de son amélioration et les travaux d'amélioration. Le logement doit être destiné à la résidence principale.

- L'octroi du prêt est subordonné à des conditions de ressources de la part des attributaires. Ces plafonds seront définis par arrêté. Ils devraient être de 20.000 F pour un couple, jusqu'à 27.500 F pour un couple avec trois enfants.

Le ministère de l'outre-mer et le ministère du logement ont indiqué à votre commission qu'ils n'étaient pas fermés à ce que ce prêt soit, dans une phase ultérieure, étendu aux DOM.

Les premières données d'appréciation sur ce produit qui ont été transmises sont les suivantes :

- Par rapport à l'aide apportée actuellement pour le logement en accession intermédiaire, sous forme d'un prêt du Crédit Foncier de France (prêt spécial immédiat ou PSI à 7,15 % sur 15 ans et 7,5 % sur 20 ans) bonifié par l'État (LBU), les plafonds maxima de ressources sont en moyenne supérieurs, ce qui permettrait de faire entrer dans le créneau du prêt aidé une frange complémentaire de population.

- Le taux d'effort pour les ménages à revenus moyens ou faibles (jusqu'à 5 personnes) serait a priori un peu plus favorable dans la formule du prêt à taux 0 par rapport au PSI.

- Le coût de la bonification du prêt à taux zéro serait certainement plus fort qu'en métropole compte tenu du niveau plus élevé des prêts dans les DOM. Ce coût serait toutefois à priori inférieur à celui du PSI actuel. En métropole, le coût moyen par prêt est estimé très approximativement à 65.000 F.

- Le mécanisme du prêt à taux zéro est lié à l'octroi d'un prêt complémentaire accordé selon les conditions du marché, ce qui poserait un problème dans le DOM compte tenu de la réserve des banques sur le créneau des prêts au logement et des taux pratiqués.

Ces ministères considèrent donc que l'hypothèse de l'extension aux DOM pourrait être étudiée de manière ciblée pour les ménages dont les ressources approchent le plafond (ex. 14.000 à 20.000 F pour un couple) Mais qu'il sera nécessaire de mener au préalable une négociation avec les établissements bancaires.

c) Un renforcement du service militaire adapté

Votre commission souhaite enfin que le service militaire adapté soit davantage doté à l'avenir. Certes, une enveloppe globale de 3,4 millions de francs est dégagée pour la création de 55 emplois militaires pour le centre de Périgueux et l'installation d'une section du service militaire adapté à la Réunion.

Il convient de rappeler que le SMA est une forme de service militaire effectué selon les modalités particulières liées au contexte économique, social, démographique et culturel propre aux départements, aux territoires et aux collectivités territoriales d'outre-mer. Ces missions sont de dispenser aux appelés la formation militaire nécessaire à tout combattant, et de les préparer à une meilleure insertion dans la vie active lors de leur retour à la vie civile par une formation professionnelle adaptée.

Mais, globalement, les crédits d'investissement du SMA devraient passer de 6,92 millions à 6,84 millions de francs, cette diminution ne permettant pas de faire face aux besoins constatés sur le terrain.

Telle sont les principales observations sur ce budget pour 1996. Les crédits afférents méritent toutefois d'être resitués dans un contexte plus général pour mieux apprécier leur portée au regard des problèmes liés notamment à la situation sociale difficile en outre-mer.

Telles sont les principales observations sur ce budget pour 1996. Les crédits afférents méritent toutefois d'être resitués dans un contexte plus général pour mieux apprécier leur portée au regard des problèmes liés notamment à la situation sociale difficile en outre-mer.

II. DES SITUATIONS LOCALES TOUJOURS PRÉOCCUPANTES

Contrastant avec ces évolutions globalement positives, les situations locales restent préoccupantes au plan social comme le souligne le dernier rapport de l'Institut d'émission des département d'outre-mer en 1994 « la situation de l'emploi s'est très nettement dégradée à la Réunion, à la Guadeloupe, à la Martinique et en Guyane. Les effectifs des bénéficiaires du RMI ont enregistré parallèlement une forte croissance sauf à la Guadeloupe ».

Dans les territoires d'outre-mer, le taux de chômage reste mal appréhendé. Mais les troubles qui ont été constatés cette année en particulier en Polynésie ne sont évidemment pas sans lien avec l'ampleur du nombre de personnes sans emploi, notamment parmi les jeunes.

A. LE CHÔMAGE RESTE PARTOUT ÉLEVÉ

Les taux de chômage restent partout élevés et n'ont été que peu entamés par les mesures adoptées au cours des derniers mois, notamment dans le cadre de la loi Perben.

1. La situation du chômage

Contrairement aux espoirs suscités par l'adoption de la loi Perben, les données fournies tant par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) que par l'Institut national des Statistiques et des études économiques (INSEE), montrent que le chômage continue à progresser dans les DOM.

a) Dans les départements d'outre-mer

Selon l'ANPE, dans les départements d'outre-mer le nombre de chômeurs a progressé de 9,8 % en un an. Fin avril 1995, 184.910 demandeurs d'emploi sont inscrits dans les agences locales.

Le tableau ci-dessous retrace pour chaque département l'évolution constatée :

(1) Demandeurs d'emploi en fin de mois

Par rapport à la population active, le taux de chômage s'établit ainsi :

On observe que :

- la part des femmes (51,8 %) est maintenant très proche de celle observée en métropole (50,6 %) ;

- les jeunes de moins de 25 ans ne représentent plus qu'à peine le quart du stock de l'ensemble des demandeurs (20,5 % en mai 1995). Une tendance à la baisse est constatée dans l'ensemble des DOM (33,3 % en 1990 ; 30,8 % en 1991 ; 25,8 % en 1992, 23,1 % en 1993, 22,3 % en 1994 et 20,5 % en mai 1995). Cette diminution de la part des jeunes de moins de 25 ans dans la structure de la DEFM (nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois) n'a pas la même proportion pour chacun des DOM comme le montre le tableau ci-après. Toutefois le chômage des jeunes dans les départements d'outre-mer reste préoccupant et demeure supérieur à celui de la métropole (18,6 %).

-le nombre de demandeurs inscrits depuis plus d'un an reste supérieur avec 47,1 % dans les DOM contre 37,4 % en métropole. Le nombre de chômeurs de longue durée s'élève en mars 1995 à 87.114 dans les DOM, soit + 14,3 % par rapport à avril 1993. Cette catégorie de chômeurs a fortement augmenté en cinq ans pour les départements des Antilles-Guyane. Pour la Réunion, si une baisse avait été constatée, l'année 1994 et 1995 est marquée par une très forte augmentation des chômeurs de longue durée comme pour l'ensemble des autres DOM.

- le rapprochement avec l'évolution du nombre de bénéficiaires du RMI sur la même période est très révélateur. A l'accroissement global du taux de chômage de 9,8 % répond l'évolution du nombre de bénéficiaires du RMI de 9 %.

Évolution du nombre de bénéficiaires du RMI (l)

b) Dans les territoires d'outre-mer

S'agissant des territoires d'outre-mer, les situations sont plus contrastées :

- Nouvelle-Calédonie

Le dernier recensement (1989) fait apparaître une population active de 66.945 personnes pour une population totale de 164.173 habitants. Le nombre de demandeurs d'emploi était de 6.268 à fin décembre 1994.

La structure de la demande d'emploi en fin de mois par âge, sexe et catégorie socioprofessionnelle est la suivante :

- Wallis et Futuna

En 1990, l'Institut territorial de statistiques et d'études économiques recensait les données suivantes :

- actifs occupés 1.808

- chômeurs 1.198

- militaires 146

Il convient, cependant, de souligner qu'une fraction très importante de la population active qualifiée de « chômeurs » par l'Institut territorial de la statistique et des études économiques de Nouvelle-Calédonie exerce des fonctions productives vivrières ou traditionnelles (pêche, agriculture, artisanat).

Au 30 juin 1995, le nombre de demandeurs d'emploi était de 207 personnes pour une population active estimée à 8.000 personnes.

- Polynésie française

Les seules données statistiques disponibles et fiables, issues du recensement de 1988, font état d'un taux de chômage de 9,8 %.

Sur ce total les femmes représentent 3.376 personnes et les hommes 3.310 personnes : ceci porte le taux de chômage féminin à 12,9 %, très supérieur au taux masculin de 6,2 %. Le chômage touche essentiellement les jeunes (les moins de 30 ans représentent 76,5 % du total et ceux de moins de 25 ans, 60,2 %).

L'évaluation du taux de chômage réel est de 20 % soit environ 18.000 personnes, fin 1992 (sur une population active de 54.000 personnes). Sur ce total, 7.294 personnes étaient inscrites à l'Agence pour l'emploi et la formation professionnelle (AEFP).

La structure de la demande d'emploi par âge et catégorie socioprofessionnelle est la suivante :

L'arrivée sur le marché du travail d'environ 2.500 jeunes par an, dont plus de 55 % ont un niveau de formation inférieur au certificat d'études primaires élémentaires et qui sont le plus souvent sans qualification professionnelle, demeure un des problèmes essentiels que doit résoudre ce Territoire.

- Mayotte

La population active est estimée à 33.000 personnes fin juin 1995. Sur ce total, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits est de 9.779 soit un taux de chômage de 29,6 %.

La structure de la demande d'emploi par âge et catégorie socioprofessionnelle est la suivante :

2. Les effets encore limités de la loi Perben

Les conséquences de l'ampleur de ce chômage sont bien connues.

a) Sur le RMI

Les dernières données disponibles concernant l'évolution du nombre de bénéficiaires de RMI font état d'une progression parallèle du taux de chômage. Toutefois en 1995, les statistiques font apparaître une stabilisation du nombre de Rmistes. Elles sont toutefois à prendre avec précaution en raison des retards dans la mise en place du nouveau dispositif prévu par la loi Perben.

Évolution du nombre de bénéficiaires du RMI (1)

-37-

L'augmentation en 1994 est d'autant plus sensible qu'elle fait suite à une quasi stagnation entre 1993 et 1994.

La forte évolution constatée à la Réunion résulte principalement du retour au dispositif du RMI des bénéficiaires de contrats emploi-solidarité signés en 1991 et 1992 et dont les droits aux allocations chômage sont désormais épuisés. Par ailleurs, on note l'inscription d'un nombre croissant de jeunes de plus de 25 ans.

Au total, on estime que la population concernée de façon directe ou indirecte par le RMI à la Réunion à près de 130.000 personnes. Le phénomène dit de « décohabitation » observé à la Réunion depuis plusieurs années se traduit notamment par la proportion croissante de personnes isolées et de familles monoparentales au sein de cette population au détriment des couples dont la part dans le total est passée de 37,3 % en 1989 à 33,7 % en 1994.

Parallèlement à l'augmentation des allocataires, le nombre de contrats d'insertion a progressé de 10 % au cours des douze derniers mois, mais à un rythme moins rapide que l'effectif des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. La proportion des bénéficiaires du RMI touchés par les différents dispositifs d'insertion a diminué, passant de 47 % à la fin de 1993 à près de 44 % en décembre 1994 (soit 21.242 allocataires sur 48.753).

En développement très marqué depuis plusieurs années (+ 21,7 % par rapport à 1993, multiplication par 4,2 depuis 1990), les opérations d'insertion à caractère social sont désormais majoritaires (55,1 % du total) au sein du dispositif d'insertion des bénéficiaires du RMI dans ce département. Cette évolution s'accompagne d'une régression des actions d'insertion professionnelle (44,9 % du total en 1994 contre 50,2 % en 1993), dont le nombre a légèrement baissé au cours des douze derniers mois (- 1,8 %).

A la Martinique , on note le développement important des contrôles. En 1994, 7.944 personnes ont été radiées et les contrôles a priori de la caisse d'allocations familiales se sont accrus.

Si le nombre de contrats d'insertion reste modeste (40 % environ), il n'en demeure pas moins honorable, étant donne la situation de l'emploi dans ce département. Les allocations souffrent de plus d'un faible niveau de formation et d'une image de marque négative auprès des chefs d'entreprise.

A la Guadeloupe , les procédures de contrôle sont également devenues plus efficaces. 9.175 allocataires ont aussi été radiés en 1994. Mais le nombre de contrats d'insertion avoisine seulement 6.000, soit un quart de l'effectif des allocataires.

En Guyane, les effectifs paraissent stables. Toutefois, on note d'importantes difficultés d'application du dispositif. Ces difficultés résultent notamment sur le volet insertion de la délégation trop tardive des crédits de la créance de proratisation et de l'hétérogénéité de la population Rmiste (analphabétisme, instabilité).

L'année 1995 a été une année de transition marquée par l'élaboration des textes réglementaires nécessaires à la mise en place des agences d'insertion. Celles-ci sont ouvertes depuis le 1er octobre 1995. Elles vont bénéficier du reliquat de la créance de proratisation 1994 hors la part logement conformément à la loi « Perben » et de la participation de l'État aux contrats d'insertion par l'activité pour assurer leur démarrage dans de bonnes conditions.

Elles recevront également en 1996 « l'économie » réalisée sur le volume des allocations du RMI concernant les bénéficiaires remis en activité au moyen des contrats d'insertion par l'activité, la part de la créance de proratisation pour l'insertion (hors le logement) et les crédits obligatoires du département.

Les agences auront de ce fait les moyens financiers de mettre en oeuvre le programme départemental d'insertion, de créer un secteur de tâches d'utilité sociale et d'offrir aux allocataires du RMI une activité d'insertion.

Votre commission admet que l'année 1995 doit être considérée comme une année de transition pour laquelle aucune statistique, notamment en matière d'insertion, ne peut être significative.

L'année 1996 sera par contre importante pour la réussite du nouveau dispositif d'insertion.

b) Sur la situation de l'emploi

La fin de l'année 1994 et le premier semestre de l'année 1995 ont été consacrés à l'élaboration des différents décrets d'application de la loi Perben. Les quatre dispositifs majeurs d'aide à l'emploi et à l'insertion (agence d'insertion et contrat d'insertion par l'activité, contrat d'accès à l'emploi, exonérations des charges sociales et primes à la création d'emploi) n'ont donc été mis en oeuvre qu'au milieu de l'année.

- Le contrat d'accès à l'emploi

Le décret relatif au contrat d'accès à l'emploi a été publié le 29 mars 1995 permettant ainsi l'application de ce nouveau dispositif. Jusqu'à la fin août, 3.487 contrats ont été réalisés sur une enveloppe prévisionnelle pour 1995 de 10.000 contrats. Pour 1996, les moyens nécessaires au financement de 17.500 contrats ont été dégagés sur le FEDOM.

Dans le cadre de la mise en place du plan national pour l'emploi, le Gouvernement a créé un nouveau dispositif, le contrat initiative-emploi. Pour ne pas pénaliser le démarrage du CAE, il a décidé de ne pas appliquer le CIE aux départements d'outre-mer mais au contraire de l'aligner sur le CIE. Ainsi, le contrat d'accès à l'emploi peut être un contrat à durée déterminée d'au moins un an ou un contrat à durée indéterminée.

L'alignement sur la durée déterminée du contrat répond à une initiative des élus d'outre-mer, parmi lesquels figure notamment votre rapporteur. En outre, l'aide forfaitaire est désormais de 2.000 francs par mois pour la durée du contrat dans une limite de deux ans. L'accès à la formation est maintenu dans le cadre du CAE, ce qui constitue un avantage certain. Un décret de modification est actuellement en cours de préparation et devrait être publié au cours du mois d'octobre 1995.

- L'agence et le contrat d'insertion par l'activité

La réforme en profondeur de la gestion du revenu minimum d'insertion (RMI), vise à doter la politique de l'insertion dans chacun des DOM d'un instrument, l'agence départementale d'insertion (ADI) qui, pour plus d'efficacité, concentre les compétences et les moyens financiers (créance de proratisation et crédits départementaux).

L'activité de l'agence s'articule autour de trois axes : coordonner l'action des commissions locales d'insertion, élaborer un plan départemental d'insertion et un programme de tâches d'utilité sociale qu'elle proposera aux bénéficiaires du RMI, avec qui elle signera un véritable contrat de travail, le contrat d'insertion par l'activité (CIA). Ce contrat emprunte le régime juridique du contrat emploi-solidarité. L'agence est l'employeur de l'ensemble des CIA sur le département.

Le décret de création des agences et du contrat d'insertion par l'activité a été publié le 9 mai 1995. Le décret de financement a été publié le 2 septembre 1995.

Mais, du fait de la parution tardive des textes réglementaires mettant en oeuvre le nouveau dispositif d'insertion dans les DOM, aucun contrat d'insertion par l'activité n'a pu être conclu pendant les trois premiers trimestres de l'année 1995. Une enveloppe de 4.000 CIA est prévue pour les deux derniers mois de l'année 1995. Toutefois, leur dispositif devrait être, selon le ministère, entièrement opérationnel pour l'exercice 1996, pour laquelle 10.000 CIA sont prévus.

A l'égard de ce volet de la loi Perben sur laquelle elle a été saisie en 1994, votre commission des Affaires sociales s'était interrogée sur trois points précis :

- premièrement, la création de l'agence instituant une séparation entre l'employeur juridique -l'agence- et la personne morale utilisatrice lui avait paru entraîner une dilution des responsabilités, dont on voyait mal aujourd'hui la répartition (par exemple, quelle sera l'autorité de l'utilisateur qui n'est pas l'employeur ?) puisque celles-ci seront fixées dans la convention. Il s'agira donc d'une convention d'une autre nature que celle signée entre l'État et les employeurs de CES, et qui se rapproche du contrat de mise à disposition des entreprises de travail temporaire. Or, si les règles n'étaient pas suffisamment précises et rigoureuses, votre commission craint de constater ultérieurement de graves dérives, préjudiciables au dispositif d'insertion lui-même, mais également à l'économie déjà fragile de ces départements ;

- deuxièmement, le secteur d'utilité sociale, dont il a été dit qu'il concernerait principalement le domaine de l'environnement, risquerait, s'il se développait trop et à défaut d'un contrôle suffisant, de venir concurrencer le secteur privé, au détriment des emplois de droit commun. Les agences, comme on le constate avec les associations intermédiaires, pourraient être accusées de concurrence déloyale. Mais des conflits avec l'employeur de plusieurs milliers de personnes risqueraient de déstabiliser durablement le département concerné ;

- enfin, s'il apparaissait que ce secteur d'utilité sociale prenait une trop grande importance, on pourrait constater un effet d'éviction au détriment des dispositifs d'insertion réservés aux non Rmistes. Pour avoir une chance de se réinsérer ou de s'insérer, il faudrait d'abord être Rmiste : cette dérive serait évidemment beaucoup plus coûteuse pour les finances de l'État.

Votre commission avait accepté toutefois d'adopter le dispositif gouvernemental en restant très attentive aux conséquences qui en résulteraient.

Le délai constaté dans sa mise en oeuvre ne lui permet pas cette année encore de porter d'autres appréciations sur celui-ci.

- Les exonérations

Les articles 3, 4 et 5 de la loi du 25 juillet 1994 mettent en oeuvre, pour une durée de trois ans, l'exonération totale des cotisations à la charge des employeurs des secteurs de production au titre des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents du travail.

Les secteurs concernés sont les secteurs de l'industrie, de l'hôtellerie, de la restauration, de la production audiovisuelle, de la presse, de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture. Suite aux arbitrages sont également concernées les coopératives agricoles, quelle que soit leur activité, et les entreprises d'exploitation forestière.

En outre, il est prévu un programme d'apurement des dettes pour les entreprises qui ne sont pas à jour de leurs cotisations et qui entrent dans le champ d'application du présent décret.

Le décret sur les exonérations des secteurs de production a été publié le 1 er mars 1995 Le décret concernant l'exonération des contributions patronales de sécurité sociale dues par les entreprises de pêche maritime et celui concernant les exploitants agricoles exerçant leur activité sur des exploitations de moins de 20 hectares ont été publiés le 31 décembre 1994.

Le seul bilan disponible est celui concernant l'article 4 relatif aux exonérations sociales en faveur de certaines entreprises et peut être ainsi résumé :

Impact des mesures d'exonération au 31 août 1995

-42-

- Les primes à la création d'emploi

Le décret du 2 mai 1995 prévoit la mise en oeuvre d'un nouveau dispositif, la prime à la création d'emploi destinée aux entreprises dont les activités sont tournées vers les marchés extérieurs. Cette aide prend la forme d'une prime à la création d'emplois résultant soit d'une extension des activités de l'entreprise, soit de l'implantation d'un établissement nouveau dans le département ou la collectivité territoriale.

Elle se substitue à la prime d'équipement et à la prime d'emploi, excepté à Mayotte ou l'ancien dispositif perdure. Le dispositif est mis en place pour une durée de trois ans. La prime est versée selon un barème dégressif et pour un montant moyen de 20.100 francs par an et par emploi créé, aussi longtemps que l'emploi subsiste et pendant une durée maximale de dix ans. Aucune prime n'est prévue au titre de l'année 1995, 1.000 sont dégagées pour 1996, pour un montant de 24 millions de francs.

Dans l'ensemble, votre commission espère que ces mesures, complétées par celles annoncées par le nouveau Gouvernement, porteront rapidement leurs effets, et sera attentive à l'adaptation du dispositif aux situations locales très préoccupantes.

B. DIVERS DOSSIERS PRÉOCCUPANTS

Au terme de cet avis, votre rapporteur souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur divers dossiers qu'il défend parfois depuis plusieurs années.

1. Les actions en faveur de l'enseignement et de la formation professionnelle

Votre rapporteur souhaite que les problèmes d'enseignement et de formation qui conditionnent l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle soient davantage placés au coeur des préoccupations du Gouvernement.

Si on constate que sept élèves métropolitains sur cent ont un retard de deux ans ou plus en classe de sixième, ils sont 12% à la Réunion. Si en métropole 60 % d'entre eux vont jusqu'en terminale, ils sont seulement 51 % à la Réunion. Par ailleurs, il existe un besoin en personnel d'encadrement pédagogique et technique qui est évalué pour le seul département de la Réunion à environ 2.000 postes. Ces vacances d'emploi ont une incidence certaine sur l'enseignement proprement dit.

D'autant plus que les formules de formation en métropole ne concernent qu'un nombre limité de jeunes. Si l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer a vu son volume d'activité progressivement augmenter (+ 20 % en 1994), les personnes concernées restent globalement peu nombreuses.

En effet, alors qu'en 1993, 2.233 personnes avaient bénéficié des dispositifs de mobilité, en 1994, ce sont 2.676 originaires des DOM qui ont utilisé les services de l'ANT.

Sur le plan quantitatif, plusieurs améliorations peuvent certes être relevées :

-une meilleure utilisation des capacités d'accueil des centres de l'Association pour la Formation Professionnelle des Adultes des candidats domiens à une formation qualifiante ;

-un développement des programmes européens PETRA et EUROFORM permettant des échanges transnationaux ;

un accroissement des initiatives régionales qui apportent des réponses individualisées aux personnes en recherche d'une formation qualifiante liée à un projet professionnel ;

une véritable politique d'insertion par les dispositifs d'alternance, contrats de qualification et d'apprentissage.

Mais votre commission souhaite que les actions en faveur de la mobilité étudiante soient encore accrues.

Les premières assises de la mobilité organisées le 24 février 1995 ont d'ailleurs permis de rapprocher les différents acteurs dans le cadre d'une information réciproque, première étape d'un partenariat que l'ANT souhaite développer en faveur des étudiants, des collectivités locales, des universités et des services académiques d'outre-mer.

Pourtant, la subvention de 58 millions de francs prévue en 1996 (-3,3 % par rapport à 1995) limite fortement cette ambition. C'est pourquoi les crédits alloués à l'ANT nécessiteront d'être abondés par une subvention complémentaire.

2. Le coût trop élevé des tarifs téléphoniques

Votre rapporteur profite de l'opportunité qui lui est donnée dans le cadre du présent avis pour évoquer des problèmes concrets qui pénalisent les personnes originaires de l'outre-mer. Depuis plusieurs années, il regrette, exemple, l'existence d'une disparité choquante concernant les tarifs téléphoniques.

La minute de téléphone au départ de la Réunion est en effet facturée trois fois plus cher qu'en métropole.

Votre rapporteur considère que cette situation est contradictoire avec le principe de continuité territoriale dont bénéficie notamment la Corse. Elle est également injustifiable au regard des coûts puisque des études ont clairement établi que le prix de revient de la communication par satellite entre la Réunion et la métropole est faible (de l'ordre de 0,15 franc la minute).

Cette forme de discrimination est particulièrement mal ressentie par les domiens vivant en métropole -population estimée à environ 530.000 personnes- et ne cadre pas avec les incitations à la mobilité de l'emploi.

3. L'extension de la prestation d'autonomie

Votre rapporteur tient à indiquer qu'il est, pour sa part, favorable à l'extension aux DOM de la prestation d'autonomie.

La situation des personnes âgées dans les DOM est identique, de ce point de vue, à celle des personnes âgées en métropole eu égard aux difficultés pour effectuer les actes de la vie courante. Il considère que ce texte s'inscrit dans un cadre de solidarité nationale qui ne peut exclure l'outre-mer.

De plus, les dérives de l'allocation compensatrice ne sont pas moins préoccupantes qu'en métropole et appellent une solution rapide. Or, toute mesure qui tendrait à différer l'application de la prestation d'autonomie, au prétexte notamment de l'insuffisante compensation constatée depuis 1988 à travers la dotation globale de décentralisation, ne ferait qu'accentuer les difficultés financières des collectivités locales concernées.

Compte tenu de l'ampleur du chômage dans ces régions, une mesure de cette nature qui peut, à terme, créer 50.000 nouveaux emplois (chiffre global annoncé par le Gouvernement) doit également bénéficier aux DOM.

En outre, établir une différence entre les DOM et la métropole pour l'octroi de cette nouvelle allocation serait en contradiction avec la mise en oeuvre de l'égalité sociale en matière de prestations sociales.

Enfin, l'idée parfois évoquée d'une comparaison avec Ration du RMI n'a aucune justification. La spécificité des DOM en matière de RM avait sa raison d'être : un niveau économique différent entre la métropole les DOM, un SMIC inférieur dans les DOM et, par conséquent, un risque de dés incitation au travail. La loi prévoyait de compenser la proratisation à 80% de l'allocation du RMI dans les DOM, par rapport à la métropole, par une somme que l'État devant consacrer à l'insertion, sous forme d'actions collectives, des Rmistes.

Il est évident que la prestation dépendance n'entre pas dans ; le même cas de figure. Il n'est pas envisageable de prévoir une proratisation de prestation et de mettre en place des actions collectives en faveur des Personnes âgées dépendantes. D'autant que les caractéristiques mêmes de cette prestation s'y prêtent mal : versement en nature, sous conditions ressources, avec mécanismes de récupération sur succession, etc.

Votre rapporteur regrette donc le report, annoncé lors de la présentation du plan de réforme de la protection sociale de la mise en place de ce dispositif au 1er janvier 1997. Elle admet toutefois que l'ampleur des déficits sociaux justifie un tel report. Ceci permettra, en outre, d'harmoniser les dates d'entrée en vigueur de cette importante réforme pour personnes restant à leur domicile et pour celles qui sont hébergées en établissent.

Il relève toutefois que le Gouvernement s'est engagé à financer la relevant de l'État au titre de la prestation d'autonomie grâce à l'élargissement de l'assiette de la CSG qui interviendra dans le cadre réforme des prélèvements obligatoires.

Sous réserve de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'outre-mer contenus dans le projet loi de finances pour 1996 qui s'inscrivent dans le cadre d'une politique ambitieuse et cohérente.

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