II. EXAMEN DE L'AVIS

Le mercredi 15 novembre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Bernard Seillier sur le projet de loi de finances pour 1996 (budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA)).

M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a d'abord indiqué que le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1996 enregistrait une progression modérée par rapport à 1995. Son montant global passera de 87 à 89 milliards soit une hausse de 2,24 % en francs courants par rapport à la loi de finances initiale et une quasi-stabilité en francs constants.

Il a précisé que ce budget était marqué par l'achèvement de la réforme des cotisations sociales agricoles et le désengagement financier de l'État à l'égard du régime des exploitants agricoles.

Il a ensuite abordé les dépenses du BAPSA pour 1996.

Il a relevé que les charges d'assurance vieillesse restaient le premier poste de dépenses avec 52 % du total. Elles progressent de 3,4 %, passant de 46,9 à 48,5 milliards de francs. Leur évolution est orientée à la hausse tant pour les retraites forfaitaires que pour les retraites proportionnelles. Les premières enregistrent l'augmentation des effectifs touchés par la mesure sur les pensions de réversion. Les secondes répercutent l'augmentation du nombre de points moyens acquis lors de la liquidation de la retraite (630 points pour les entrées contre 431 pour les sorties) et l'effet des mesures pour les petites retraites prises en 1994, c'est-à-dire la prise en compte des périodes accomplies en qualité d'aide familial.

Malgré ces efforts, M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a

souligné que les effets des réformes législatives n'avaient pas toujours été à la hauteur des espoirs que leur annonce avait suscités et que le montant moyen des retraites agricoles avoisinait seulement 27.000 francs par an (2.250 francs par mois) soit le niveau du RMI !

Puis, il a précisé que les dépenses d'assurance maladie (AMEXA) représentaient le second poste de dépenses avec 37 % du total. Elles progressent faiblement, de 1,26 %, passant de 34,2 à 34,6 milliards.

Toutefois, il a noté que l'augmentation de 4 % des dépenses d'hospitalisation sous budget global ne tenait pas compte du taux directeur très restrictif annoncé récemment (+ 2,1 %) ni de l'augmentation importante du forfait hospitalier. Toutefois, il a estimé que les prévisions n'apparaissaient pas irréalistes compte tenu de la baisse importante des effectifs de bénéficiaires en assurance maladie (entre - 2 et - 3 % par an) et de l'impact probable de la mise en place du carnet médical pour les personnes de plus de 70 ans ayant deux pathologies au moins.

S'agissant des prestations familiales qui représentent 5 % du total des dépenses, il a indiqué qu'elles devraient baisser au rythme de 2,7 % en 1996, passant de 4,7 à 4,6 milliards. Ce recul sera lié au déclin des effectifs de bénéficiaires de - 5,5 % entre 95 et 96.

Il a relevé toutefois que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire n'a pas été prise en compte, ce qui ne préjuge peut-être pas de sa disparition, mais minore de 185 millions les prévisions présentées dans le BAPSA pour 1996.

Enfin, en ce qui concerne les charges d'intérêts, il a souligné leur progression élevée. Elles passent de 150 à 200 millions soit une hausse de 33 %. En fait, le montant pour 1995 avait été calculé de façon trop volontariste l'an dernier et le montant proposé pour 1996 correspond à un ajustement, lui-même peut-être encore trop optimiste, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur le volet financier.

Abordant les recettes du BAPSA pour 1996, M. Bernard Seillier a indiqué que, pour le financement professionnel, le passage à l'assiette des revenus se traduisait en 1996 par une progression assez forte, soit de 5,9 %, des cotisations professionnelles. Il a cependant relativisé cette hausse en prenant en compte les prévisions révisées de l'année 1995, l'évolution constatée au cours des années précédentes (la part du financement professionnel depuis le début de la réforme est ainsi passée de 20 % à moins 16 % du total des recettes du BAPSA) et le démantèlement des taxes sur les produits confirmé par l'article 25 du projet de loi de finances pour 1996.

M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a considéré que cette évolution soulevait certaines interrogations.

Premièrement, malgré les conclusions du rapport de Mme Yannick Moreau, il a estimé que le débat sur la parité d'effort contributif entre les exploitants agricoles et les salariés n'était pas clos et qu'il souhaitait interroger le ministre lors du débat budgétaire sur ses intentions concrètes à ce sujet.

Par ailleurs, il a constaté que la parité était loin d'être effective en matière d'action sanitaire et sociale. La structure de ces dépenses révèle que la moitié est affectée au fonctionnement des services sociaux et que les aide individuelles ne représentent que 34 % du total. Or, ces proportions sont inverses dans le régime général, notamment en matière d'aide ménagère.

Concernant le volet de la question du financement des caisses, il a estimé que toute réforme dans ce domaine devait, d'une part, éviter de pénaliser les caisses qui sont les mieux gérées et, d'autre part, clarifier les relations entre l'État et les caisses de Mutualité sociale agricole (MSA).

En ce qui concerne le financement extraprofessionnel, M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a dressé deux constats.

D'une part, les sommes versées au BAPSA au titre de la compensation démographique progressent en 1996 de 13,6 %, passant de 29,5 à 33,5 milliards. Il a indiqué que cette hausse résultait, d'une part, d'importantes régularisations sur les acomptes versés au titre de l'exercice 1995 et, d'autre part, de la révision du mode de calcul de la compensation démographique vieillesse. Il a regretté que ce système permette à l'État de « colmater » de façon ponctuelle des déficits sociaux à caractère structurel au prix de l'accélération de la dégradation de la situation financière des régimes plus favorisés au plan démographique.

D'autre part, le versement du fonds de solidarité vieillesse inscrit, à hauteur de 6.1 milliards pour 1996, prend en compte la prise en charge des bonifications pour enfants à charge du régime des exploitants agricoles.

Or, le Conseil constitutionnel a déjà censuré ce type de mesure par sa décision du 29 décembre 1994 même si le Gouvernement a, cette fois-ci, fait adopter par l'Assemblée nationale, après l'article 17 du projet de loi de finances, un article additionnel visant, de façon très surprenante, à « sortir » du BAPSA les majorations pour enfants à charge et à les faire seulement apparaître en dépenses du Fonds de solidarité vieillesse figurant dans les dispositions du code de la sécurité sociale. Il a estimé que ce curieux montage, qui a pour seul objet de contourner la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, suscitait les plus vives réserves puisqu'il aboutissait à minorer le BAPSA de 1,9 milliard (en recettes et en dépenses) et accroissait l'opacité des comptes de la protection sociale agricole.

De plus, M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a rappelé que ces majorations pour enfants à charge du régime agricole étaient déjà financées par le mécanisme de compensation généralisée qui prend comme prestation de référence la pension de retraite servie par le régime des exploitants agricoles, complétée par les majorations pour enfants à charges. Ces dépenses sont donc matériellement compensées deux fois comme l'a relevé le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale d'octobre dernier.

Il a conclu en constatant que le résultat de ce nouveau transfert était la diminution de la subvention d'équilibre de l'État de 29,4 % ainsi ramené de 9,1 à 6,4 milliards. Le désengagement de l'État est manifeste, a-t-il estimé, puisqu'en deux ans cette subvention a été réduite des deux tiers.

Compte tenu de tous ces éléments, il a proposé d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de BAPSA pour 1996, sous réserve des réponses qui seront apportées par le ministre à ces questions.

Puis un large débat s'est ouvert.

M. Claude Huriet a souligné le caractère clair et courageux du rapport présenté.

M. Charles Descours s'est interrogé sur l'évolution du régime agricole et son intégration, à terme, dans le régime général. Il a demandé des précisions sur la portée des compensations inter-régimes.

M. Henri de Raincourt a estimé qu'il s'agissait d'une vraie question, compte tenu de la disparition progressive de la spécificité du régime agricole et les incitations aux regroupements de caisses mais que celle-ci était liée au débat de fond sur la sécurité sociale.

M. Louis Boyer a estimé que la compensation démographique aboutissait à faire payer les régimes les plus pauvres pour les plus riches.

M. Claude Huriet a estimé que telle n'était pourtant pas l'objectif du régime de la compensation et l'a questionné sur la baisse des effectifs en assurance maladie et sur les réserves émises par le rapporteur.

M. Jean Madelain a indiqué qu'il voterait les crédits du BAPSA sans réserve et que les observations du rapporteur n'avaient qu'une portée comptable, l'équilibre financier général du BAPSA n'étant pas en cause.

Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis a jugé préoccupante la baisse des deux tiers de la subvention d'équilibre.

M. Jacques Machet a regretté que, profitant de la session unique, on ne prenne pas le temps d'aller au fond des dossiers, notamment sur ces questions de financement des régimes de sécurité sociale.

M. Francis Cavalier-Benezet a également jugé inquiétant le recul de la subvention d'équilibre et a estimé que le Parlement n'était pas assez éclairé sur la fragilité de ce financement. Il a demandé enfin une clarification des comptes.

M. Gérard Roujas a regretté la confusion des genres et l'existence d'une véritable nébuleuse des comptes du BAPSA.

M. Marcel Lesbros a estimé que la demande d'avis favorable « sous réserve » relevait d'une sorte de jésuitisme qu'il ne partageait pas.

M. Alain Vasselle a considéré que l'on pouvait difficilement transiger sur le point du transfert au fonds de solidarité vieillesse des bonifications pour enfants du régime agricole.

M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a apporté des précisions concernant notamment le régime et les effets des compensations inter-régimes et celles qui concernent les caisses de mutualité sociale agricole entre elles.

Il a indiqué que ses réserves portaient essentiellement sur les conséquences qui seront tirées des rapports récents sur la parité et le fonctionnement des caisses ainsi que sur le transfert au FSV de nouvelles charges pour l'instant non encore financées.

La commission a ensuite décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du BAPSA pour 1996.

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