INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1996 enregistre une progression modérée par rapport au montant prévu par la loi de finances pour 1995. Il passera de 87 à 89 milliards de francs (hors restitution de TVA), soit une hausse de 2,2 %. Cette hausse est néanmoins plus forte que celles observées au cours des années précédentes : + 1,5 % entre 1994 et 1995, + 0,4 % entre 1993 et 1994. Le taux de progression plus élevé en 1996 s'explique essentiellement par la montée en charge du plan d'amélioration des petites retraites et par la hausse attendue des dépenses d'assurance maladie.

Cette évolution serait jugé e plutôt satisfaisante, compte tenu notamment du contexte de rigueur budgétaire, si elle n'était entachée de nombreuses incertitudes qui conduisent à émettre quelques interrogations sur la pertinence des comptes ainsi présentés au Parlement.

Ces incertitudes portent en particulier sur trois volets essentiels :

- Premièrement, le projet de BAPSA pour 1996 fait état de transferts résultant de la compensation démographique en progression de 13,6%. Depuis 1995, la prestation de référence pour ces transferts est la retraite moyenne versée par le régime des exploitants agricoles, y compris les bonifications pour enfant, et non plus celle du régime ORGANIC qui concerne les commerçants. Or, le projet de BAPSA pour 1996 prévoit également la prise en charge du coût de ces bonifications par le Fonds de solidarité vieillesse. Ce financement, initialement dépourvu de base légale, vient d'être confirmé par l'article 17 bis que le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale le 21 octobre dernier dans la première partie du projet de loi de finances pour 1996. Pour éviter ce double versement, le Gouvernement devrait modifier, par voie réglementaire, les modalités des transferts de compensation inter-régimes. En quel cas, il faudrait minorer le montant des transferts ainsi inscrits du BAPSA d'un montant d'environ 1,1 milliard selon le dernier rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (voir Annexe).

- Deuxièmement, ce budget prévoit un financement à hauteur de 6,1 milliards en provenance du Fonds de solidarité vieillesse. Celui-ci correspond, d'une part, aux charges non contributives visées par l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale (correspondant au minimum vieillesse du régime agricole) mais surtout aux bonifications pour enfant à charge mentionnées précédemment. Or, l'effectivité de ce financement est, elle aussi, incertaine en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, une mesure de portée identique à celle de l'article 17 bis du projet de loi de finances pour 1996 a été censurée par une décision du 29 décembre 1994. Par celle-ci, le Conseil constitutionnel a rappelé que les budgets annexes sont régis par les mêmes règles financières que celles du budget de l'État et que les dépenses qui présentent un caractère permanent doivent être prises en charge par le budget concerné ou financées par des ressources que celui-ci aura déterminées. Il a ainsi jugé que la prise en charge par le FSV des bonifications pour enfant du régime agricole à partir de 1995 était contraire aux principes d'unité et d'universalité budgétaires. Si le Conseil est cohérent avec cette jurisprudence et s'il est saisi (ce qui n'avait pas été le cas pour le collectif budgétaire de 1994 qui avait visé les mêmes bonifications mais pour l'exercice 1994), il pourrait annuler ce transfert conduisant donc à ajuster le BAPSA pour 1996 à hauteur d'environ 1,9 milliard de francs. Votre rapporteur est conduit à employer le conditionnel car le Gouvernement a choisi cette fois-ci, pour éviter la censure, de faire adopter un dispositif permettant de « sortir » du BAPSA les majorations pour enfants à charge et à les faire apparaître seulement en dépenses du Fonds de solidarité vieillesse. Quand bien même le Conseil constitutionnel validerait ce dispositif, il faudrait de toute manière minorer le montant total du BAPSA, comme l'a précisé aux députés le Ministre de l'économie, des finances et du plan, le 21 octobre dernier : « Cette opération aboutit à réduire de 1.900 millions de francs les dépenses et les recettes du projet de BAPSA pour 1996 sans toutefois modifier l'équilibre du budget annexe ».

- Troisièmement, les estimations concernant l'évolution des dépenses d'AMEXA (assurance maladie des exploitants agricoles) ne tiennent pas compte, et pour cause, des mesures annoncées le 15 novembre dernier par le Premier ministre dans le cadre de la réforme de la protection sociale. Cette réforme prévoit un freinage des dépenses d'assurance maladie avec, notamment, la fixation d'un objectif quantifié national strictement indexé sur les prix (+ 2,1 %), tant pour l'hôpital que pour la médecine de ville. Cet objectif conduit à réviser à la baisse les perspectives d'évolution des dépenses d'assurance maladie de ce régime.

Au-delà de ces incertitudes, le contenu de ce budget est marqué par deux caractéristiques majeures :

-d'une part, à compter de 1996, les cotisations sociales agricoles seront désormais entièrement assises sur le seul revenu professionnel, sans prise en compte du revenu cadastral. L'accélération du terme de cette réforme (initialement fixé à 1999), décidée par la loi de modernisation de l'agriculture du 1 er février 1995, amène à s'interroger sur l'un des objectifs assignés à cette réforme, à savoir la mise à parité de l'effort contributif des exploitants agricoles avec celui des salariés affiliés au régime général ;

-d'autre part, la crainte d'un désengagement de l'État se trouve étayée par le recul important (- 29,4 %) de la subvention d'équilibre, qui fait lui-même suite à une réduction de 51 % en 1995. Même si ce débat peut paraître de nature essentiellement « comptable », puisque le BAPSA est abondé par d'autres ressources permettant de maintenir son équilibre financier, on ne peut que s'interroger sur les conséquences d'une telle évolution.

I. DES RESSOURCES MARQUÉES PAR DE FORTES INCERTITUDES

Bien que n'augmentant que légèrement (+ 2,2 %) par rapport à 1995, les ressources du BAPSA pour 1996 enregistrent de profonds changements :

- s'agissant du financement professionnel, l'achèvement de la réforme des cotisations sociales agricoles se traduit par des modalités de calcul des cotisations techniques entièrement fondées sur le revenu professionnel et par le démantèlement des taxes sur les produits. Ces évolutions conduisent à s'interroger sur l'existence désormais d'une parité entre ce régime et le régime général, qui constituait l'un des objectifs de la réforme ;

- en ce qui concerne les autres ressources, on constate principalement une forte progression de la compensation démographique, la confirmation du recul de la subvention budgétaire d'équilibre de l'État et une évolution incertaine des versements en provenance du Fonds de solidarité vieillesse.

A. LES INTERROGATIONS LIÉES À L'ACHÈVEMENT DE LA RÉFORME DES COTISATIONS SOCIALES

Conformément aux dispositions de l'article 67 de la loi de modernisation agricole du 1er février 1995, la réforme des cotisations sociales agricoles sera menée à son terme dès le 1 er janvier 1996 au lieu du 1 er janvier 1999. Cette accélération était vivement souhaitée par la profession qui estimait que l'allongement de la période intermédiaire conduisait à cumuler les inconvénients de l'assiette cadastrale et de celle du revenu professionnel. Il faut noter également que, pour 1994, 70 % de la masse des cotisations étaient déjà appelés sur le revenu professionnel et que, pour l'exercice 1995, ce pourcentage atteignait environ 86 %.

S'agissant des taxes sur les produits, leur démantèlement porte sur 82 % du montant fixé par la loi de finances pour 1995, le reliquat constaté n'étant que la conséquence du décalage entre le paiement des taxes et la fixation de leur taux.

1. Des rentrées de cotisations sociales professionnelles plus instables

Le produit des cotisations professionnelles des exploitants agricoles devrait progresser de 5,9 % passant de 13,36 à 14,15 milliards.

Cette hausse, de l'ordre de 790 millions de francs, doit néanmoins être relativisée :

- par rapport aux prévisions révisées pour l'année 1995 (décret n° 95-1038 du 21 septembre 1995), qui a augmenté le rendement prévisionnel des cotisations 1995 pour tenir compte de la bonne tenue du revenu agricole et de la suppression de la remise forfaitaire de 42 francs sur les cotisations vieillesse, on constate en réalité une stabilisation (- 0,4 %). Il convient de rappeler, en effet, qu'un décret intervient chaque année, plusieurs mois après le vote du BAPSA, pour fixer les cotisations finalement appelées au titre de l'année en cours. Les ressources du BAPSA, en particulier le produit des cotisations sociales, sont alors réévaluées en fonction des dernières données disponibles relatives notamment au revenu professionnel ;

- cette évolution intervient après deux années de régression. En 1995, le montant de ces cotisations était en recul de 8,8 %. Ce recul était lié à la prise en compte croissante des revenus professionnels, par ailleurs en diminution de 8,2 % entre 1990 et 1993, et à la mise en oeuvre de nouvelles modalités de calcul résultant notamment de la loi du 10 février 1994 portant diverses dispositions concernant l'agriculture, telles que l'actualisation de la moyenne triennale (prise en compte des revenus des années N-3, N-2, N-l au lieu des années N-4, N-3 et N-2) ou l'intégration des déficits pour leur valeur réelle.

Par ailleurs, ce taux global d'évolution masque de fortes évolutions selon le risque couvert :

- en maladie, le produit des cotisations AMEXA progresse de 2,4 %, « tiré vers le haut » par le produit des cotisations des retraités qui enregistre l'augmentation du niveau moyen des retraites agricoles, mais baisse de 1,5 % par rapport aux prévisions révisées ;

- en vieillesse, la progression avoisine 16,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 et augmente de 2,3 % par rapport aux prévisions révisées ;

- pour les prestations familiales, le produit est stable par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 mais baisse de 2,3 % par rapport aux prévisions révisées.

- Évolution des cotisations sociales agricoles techniques en 1996

Il faut noter également que ces prévisions sont à utiliser avec précaution. En effet, elles reposent sur l'hypothèse d'une stabilité de l'assiette « revenu professionnel » alors que le premières évaluations laissent penser que celle-ci devrait augmenter de façon significative.

Par ailleurs, ces cotisations auront un impact très variable selon la situation des agriculteurs . Ainsi, pour le cas extrême d'une exploitation dont l'assiette « revenu professionnel » est nulle en 1996 et dont le revenu cadastral est inférieur à 2.157 francs, la cotisation passera en assurance maladie de 6.320 francs en 1995 à 8.007 francs en 1996.

Votre commission relève l'évolution contrastée du produit des cotisations sociales sur la période de mise en oeuvre de la réforme : progression entre 1990 et 1993, régression entre 1994 et 1995. à nouveau progression en 1996 (évaluations fondées sur les budgets votés). Cette évolution est à mettre en rapport avec les fluctuations du revenu agricole lui-même qui se répercutent avec un certain décalage (en raison de la prise en compte de la moyenne triennale).

Par ailleurs, elle constate le maintien de fortes divergences entre les évolutions du revenu agricole et du revenu disponible par habitant. La mise en perspective des croissances respectives du revenu agricole et du revenu disponible fait apparaître que l'agriculture évolue toujours dans une « temporalité » spécifique qui n'est pas celle de l'ensemble de l'économie française. Cette spécificité milite en faveur du maintien d'un régime propre aux exploitants agricoles.

Comparaison du revenu agricole et du revenu disponible

(1970 = 100 en termes réels)

Source : INSEE. APCA. études économiques.

2. L'impact financier du démantèlement des taxes

Le projet de BAPSA pour 1996 prévoit un montant global de taxes sur les produits agricoles de 53 millions de francs. Ce montant correspond exclusivement au reliquat des taxes sur céréales et oléagineux perçues en 1996, sur les livraisons de la campagne 1995-1996.

Le démantèlement des taxes sur les produits agricoles a été entrepris depuis 1990 parallèlement à la mise en oeuvre de la réforme des cotisations sociales. Leur montant est ainsi passé de 1,7 milliard en 1990 à 300 millions de francs en 1995.

L'article 25 du projet de loi de finances pour 1996 abroge explicitement les taxes perçues au profit du BAPSA sur les betteraves, les céréales et les oléagineux. Le décalage avec les dates des campagnes à compter desquelles les taxes sont supprimées (en l'occurrence à compter de la campagne 1996-1997) s'explique par les différences existant dans les modalités de fixation des taux et de paiement de ces taxes.

Votre commission se félicite de la continuité de la politique suivie dans ce domaine et de la réalisation d'un engagement pris, il y a plus de six ans, sous un précédent Gouvernement.

Elle note toutefois que, si la disparition de ces taxes a pour effet de réduire la part du financement professionnel dans les recettes totales du BAPSA, la portée de cette baisse qui, sur un an, équivaut à 247 millions de francs, est presque annulée, au niveau de l'ensemble des prélèvements pesant sur les exploitants agricoles, par la suppression de la remise forfaitaire de 42 francs sur les cotisations vieillesse dont le coût s'élève à 217 millions de francs.

Crédits votes et rendements (déduction faite des restitutions)

3. Les implications de la réforme sur l'avenir du régime

L'évolution du financement professionnel conduit à s'interroger sur deux problèmes essentiels.

a) Le débat sur la parité

L'attention de votre commission a longuement été retenue, à l'occasion de l'examen du BAPSA pour 1995, par la question de la parité. Le débat sur la parité concerne l'appréciation de l'effort contributif des exploitants agricoles par rapport aux salariés. Il se pose de manière récurrente depuis plusieurs années.

A la suite des observations présentées notamment par votre rapporteur, M. Jean Puech, alors ministre de l'agriculture et de la pêche, avait indiqué au Sénat, le 2 décembre 1994, qu'il demanderait « à une personnalité indépendante de remettre à plat les données du problème, c'est-à-dire les éléments à prendre en considération dans la fixation du taux de parité, pour tenir compte des évolutions intervenues depuis le début de la réforme dans le régime général et le régime agricole ».

Mme Yannick Moreau, Conseiller d'État, qui a été chargée de cette mission a remis son rapport en octobre dernier. Ce dernier a été transmis au Parlement conformément à l'engagement du ministre de l'Agriculture. Le rapport Moreau conclut au fait que les cotisations actuellement demandées aux exploitants agricoles n'aboutissent pas à un dépassement de la parité par rapport aux autres catégories, notamment les salariés. Elles se situeraient même en-deça de cette parité, tant en ce qui concerne leur assiette que leur taux.

En ce qui concerne l'assiette, le rapport considère le mode de calcul des cotisations favorable aux agriculteurs pour trois raisons :

- il fait l'impasse sur plus de 6 milliards de francs de perte d'assiette due à la sous-évaluation des forfaits ;

- la déduction des amortissements et le fait de cotiser sur une assiette nette compensent, comme pour les artisans et les commerçants, la prise en compte de l'ensemble des revenus professionnels ;

- les déductions particulières, notamment au titre du capital foncier et des investissements, compensent le fait que les capitaux immobilisés en agriculture sont particulièrement lourds.

En ce qui concerne le taux, le rapport considère que l'avantage équivaut à 3,88 % de cotisations, soit :

- 0,64 % au titre du coût de la déduction des déficits ;

- 2,29 % représentant les dispositions plus favorables en assurance vieillesse pour les chefs d'exploitation ;

- 0,95 % au titre des avantages vieillesse des conjoints d'exploitants.

En sens inverse, le taux du régime général, qui est de 41,35 %, devrait être minoré de 3,56 %, pour pouvoir être comparé à celui du régime agricole, à savoir :

- 1,96 % correspondant à l'absence d'indemnités journalières en cas de maladie ;

- 1,60 % au titre des cotisations minimum d'assurance maladie correspondant au seuil minimum d'ouverture des droits en maladie dans le régime général.

Ainsi, si on fait le bilan des différences favorables au régime agricole qui devraient donner lieu à une majoration du taux de cotisations du régime agricole (elles apparaissent dans le tableau ci-dessous en positif) et des différences défavorables au régime agricole qui, elles, devraient donner lieu à une minoration des taux de cotisations (elles apparaissent en négatif) on obtient le résultat suivant en faveur de ce régime :

Calcul au taux de parité

(données 1995 ; en millions de francs)

Le rapport Moreau aboutit donc à la conclusion qu'il n'y a pas de dépassement de la parité et que le taux de cotisation retenu en 1995, à savoir 38,76 % est loin de défavoriser les exploitants agricoles, même si on exclut la prise en charge des déficits par la profession et le coût de l'exonération des jeunes agriculteurs.

Il formule, par ailleurs, deux propositions méthodologiques :

- s'agissant de la parité du régime agricole avec les autres régimes, le rôle du ministère chargé de la sécurité sociale devrait être renforcé, notamment celui de la Direction de la sécurité sociale. Il est suggéré notamment que la représentation du ministère au Conseil supérieur de la protection sociale agricole soit assurée au plus haut niveau. Ce rapport attire particulièrement l'attention sur les questions d'assiette pour lesquelles les mesures prises pour les exploitants agricoles pourraient, si l'on n'y prête pas garde, poser un jour problème, notamment vis-à-vis des régimes de non salariés non agricoles ou régime général. Il souligne enfin la nécessité que la Direction générale des impôts veille à ce que les sous-évaluations manifestes du forfait soient corrigées même si les exploitants ne sont pas imposables ;

- s'agissant de l'évolution des taux, le rapport considère que l'objectif d'assurer une certaine stabilité n'est pas réaliste en raison de l'environnement économique et social. Il propose donc que la concertation relative aux adaptations soit effectuée notamment au Conseil supérieur des prestations agricoles et préparée par des travaux techniques officiels qui pourraient, si nécessaire, être établis par un sous-groupe technique de ce Conseil. Il juge enfin souhaitable que la concertation se fasse également au sein de la Commission des comptes de la sécurité sociale qui est particulièrement bien placée pour traiter les questions de parité entre les régimes.

Votre commission s'est interrogée sur le point de savoir si le débat sur la parité était clos pour autant. Elle ne le pense pas pour plusieurs raisons.

En premier lieu, la portée des conclusions du rapport peut être relativisée.

Certains observateurs ont souligné d'ailleurs le caractère contestable de certains postulats de départ des calculs présentés. Ainsi, M. Yves Rispat, rapporteur de la commission des Finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale, sur les prestations sociales agricoles (rapport AN n° 2270, dixième législature) fait notamment observer que :

- s'il est admis que l'assiette des exploitants agricoles est à la fois plus large que celle des salariés car elle inclut le revenu implicite du capital qu'ils ont investi dans leur exploitation et plus étroite car nette de cotisations sociales, le rapport Moreau estime que leurs effets s'annulent en évaluant le rendement implicite du capital à 2 %. Or. ce taux peut sembler arbitraire alors que le choix d'un taux, légèrement supérieur, sans être exorbitant, de 3 à 4 % par exemple, ferait apparaître un déséquilibre significatif d'assiette aux dépens des exploitants agricoles ;

- la prise en compte des déficits fiscaux dans l'assiette triennale des cotisations des exploitants agricoles est présentée comme un avantage alors que celle-ci est la conséquence même du caractère triennal de cette assiette et de la nécessité d'éviter des variations excessives qui seraient, sinon, inéluctables en raison de l'irrégularité des revenus agricoles d'une année agricole. Le rapport comporte à cet égard des observations contradictoires soulignées à juste titre par M. Rispat.

Outre ces appréciations divergentes, on peut noter, en deuxième lieu, à titre individuel, des évolutions préoccupantes notamment pour les exploitants les plus modestes et les plus en difficulté (c'est-à-dire ceux dont le revenu cadastral est faible et dont le revenu professionnel est presque nul). A titre d'exemple, ces exploitants agricoles subiront une hausse de 22 % de leurs cotisations techniques minimales et de 16 % de leurs cotisations totales (techniques et complémentaires) en raison du basculement intégral des cotisations minimales AMEXA sur le revenu professionnel en 1996, ajouté à l'extension en année pleine de la suppression de la remise forfaitaire de 42 francs.

En troisième lieu, votre commission appelle également l'attention sur la persistante faiblesse de certaines prestations dont le niveau moyen est loin d'atteindre celui constaté dans les autres régimes et notamment le régime général. Le montant moyen des retraites avoisine dans ce régime 2.250 francs par mois, soit le niveau du revenu minimum d'insertion.

Elle relève, par ailleurs, des insuffisances au niveau de l'action sanitaire et sociale. Même si les dépenses en ce domaine ont progressé fortement depuis 1990, passant de 1 milliard à 1,5 milliard en 1994, l'effort d'action sanitaire et sociale de la MSA est dominé par l'importance des dépenses de personnel, liées à l'activité des services sociaux (permanences, visites) ou à la participation aux programmes collectifs (assistantes sociales et conseillères en économie sociale et familiale).

Le tableau ci-dessous retrace la structure des dépenses d'action sanitaire et sociale en 1993 :

Structure des dépenses d'action sanitaire et sociale - 1993

En M. F. Source CCMSA

Ainsi, malgré une importante progression depuis quatre ans, on constate que l'aide ménagère ne représentait en 1993 que 20 % des dépenses.

Dans le rapport d'enquête remis au ministre de l'Agriculture en mai dernier sur le financement des dépenses de gestion et d'action sanitaire et sociale de la MSA, il est indiqué que « si l'on appliquait au régime agricole le même nombre moyen d'heures accordées, la même proportion de bénéficiaires et le même coût horaire moyen que ceux du régime général, le supplément de financement à mettre en place serait de l'ordre de 191 millions de francs. »

Le même rapport souligne les disparités départementales très fortes en terme de barèmes et de taux de prise en charge concernant l'aide ménagère. Il en résulte par exemple que dans quinze caisses, moins de 2 % seulement des retraités bénéficient du dispositif alors que dans six caisses, les bénéficiaires représentent 6 % (le taux moyen s'établit à 3,9 %).

Les dépenses d'action sanitaire et sociale sont tributaires de la situation financière des caisses. Or, une parité de prestations entre les adhérents du régime agricole eux-mêmes devrait être respectée. Le rapport susmentionné propose d'élargir les mécanismes du Fonds d'action sanitaire et sociale (FAAS) en prévoyant que chaque caisse :

- verse à ce fonds des cotisations proportionnelles à ses capacités contributives, évaluées sur la base des cotisations complémentaires au taux-pivot ;

- reçoive des dotations au prorata de la population potentiellement couverte par l'action sociale dans le département.

Le montant du FAAS de 121 millions de francs en 1994 devrait en conséquence être élargi et couvrir une large part des dépenses d'action sociale, à l'exception d'une fraction permettant de maintenir le principe de responsabilité des caisses. Un montant de 650 millions de francs représentant 80 % des dépenses d'action sociale en 1993 pourrait ainsi être retenu.

b) Le financement des caisses

Votre commission tient également à appeler l'attention du Gouvernement, cette année encore, sur l'évolution défavorable du financement de la gestion des caisses de MSA. Les conditions initialement définies pour le passage d'une assiette des cotisations des exploitants fondée sur le revenu cadastral à une assiette fondée sur le revenu professionnel ont, en effet, été profondément modifiées.

Les dispositifs ons initiales prévoyaient notamment :

- que la montée en charge de la nouvelle assiette s'effectuerait progressivement de 1990 à 1999 ;

- que les assiettes devraient être calculées sur la base de la moyenne triennale des bénéfices fiscaux, de façon à pallier la variabilité du revenu professionnel ;

- que les déficits fiscaux ne seraient pas pris en compte dans leur intégralité pour le calcul de la moyenne triennale mais seulement pour une somme nulle.

Or, le terme de la période transitoire a été ramené de 1999 à 1996 et des aménagements sont intervenus pour prendre en compte les déficits pour leur valeur réelle, modifier les années de référence notamment dans le calcul de la moyenne triennale ou pour ouvrir une faculté d'option pour un calcul des cotisations sur la base des revenus professionnels de l'année courante au lieu de la moyenne triennale.

La conjonction de ces mesures spécifiques a entraîné une forte érosion de l'assiette des cotisations, aussi bien techniques que complémentaires, notamment des agriculteurs placés sous le régime du bénéfice fiscal réel. Une étude réalisée par le ministère de l'Agriculture indique que, pour ces derniers, la diminution de l'assiette est de l'ordre de 17 % (soit environ 5,2 milliards de francs) par rapport au dispositif initial. A ces mesures, vient s'ajouter à partir de 1995, la prise en compte de la « rente du sol » dans le calcul des charges des propriétaires exploitants.

Pour les cotisations complémentaires, après une période de stabilité entre 1990 et 1993, on relève depuis 1994 une forte dégradation en particulier en raison du basculement de l'assiette des prestations familiales qui avait été insuffisamment anticipé par les caisses en 1992 et 1993.

On note également une diminution des produits financiers depuis 1993 (résultant du placement des liquidités des caisses) en raison de l'augmentation des cotisations non recouvrées qui pèse sur la trésorerie et surtout de la forte décrue du niveau des taux d'intérêt.

Le taux de « restes à recouvrer » avoisine environ 8 % en 1994, ce qui représente un montant cumulé de créances d'environ 4,2 milliards. Ce taux a progressé de près de deux points entre 1989 et 1994. Encore faut-il noter de très fortes variations selon les caisses. Ce taux varie de 2,28 % en Haute-Marne à 20,02 % dans le Gers. Les principaux facteurs explicatifs sont :

- l'augmentation brutale des cotisations émises sur les exploitants au moment des changements d'assiette ;

- les difficultés liées à la situation financière fragile de certains employeurs de main d'oeuvre (entreprises d'entretien d'espaces verts, éleveurs-entraîneurs de chevaux...) ;

- les aléas climatiques ;

- les mouvements ponctuels de « grève des cotisations » ;

- la politique des caisses en matière de remises de pénalités.

Les conclusions du rapport d'experts de mai 1995 suggèrent essentiellement une optimisation des dépenses, partant du constat de la dégradation de la productivité globale des caisses (coûts de gestion/population protégée) entre 1989 et 1993 de 5,9 % et des écarts considérables par rapport à la situation médiane (amplitude de 46 %).

Votre commission se montre réservée sur un renforcement des mécanismes de péréquation qui ferait reporter sur les caisses les mieux gérées le poids des déficits. En revanche, toute mesure qui, d'un point de vue législatif, permet d'assurer une meilleure stabilité des cotisations devrait être encouragée comme le calcul de l'assiette des exploitants en moyenne triennale des revenus professionnels et non sur une base annuelle.

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