B. DES RECETTES EXTRAPROFESSIONNELLES MARQUÉES PAR UNE RÉGRESSION DES CONCOURS BUDGÉTAIRES

Les recettes d'origine professionnelle ne représentent plus, en 1996, que 15,95 % du financement total du BAPSA. Même si ce taux ne revêt pas une grande signification dans la mesure où désormais les règles de cotisations du régime des exploitants agricoles sont similaires à celles des salariés, cette situation a pour conséquence de rendre ce régime de plus en plus dépendant des transferts en provenance d'autres régimes sociaux ou de l'État.

1. Des transferts de solidarité en nette progression

Les transferts qu'on peut qualifier de « solidarité » proviennent des autres régimes sociaux et du Fonds de solidarité vieillesse. Ils représentent une part croissante du BAPSA puisqu'ils passent de 42 % à 47 % du total de ses ressources. On constate :

- une augmentation des flux de la compensation démographique vieillesse et maladie ;

- un affaissement de la contribution de la Caisse nationale des allocations familiales ;

- une évolution ambiguë du versement du Fonds de solidarité vieillesse.

Or, ceux-ci s'opèrent dans des conditions insuffisamment transparentes et qui rendent difficile le contrôle exercé par le Parlement.

a) L'augmentation des flux de compensation démographique

Les sommes versées au BAPSA au titre de la compensation démographique progresseront en 1996 de 13,6 %, passant de 29,5 milliards à 33,5 milliards de francs. Cette somme se répartit ainsi :

- compensation « maladie » 1996 : 7,327 milliards de francs,

- compensation « vieillesse » 1996 : 24,894 milliards de francs,

- prévision de régularisation au titre de l'exercice 1995

1,265 milliard de francs.

Cette forte hausse résulte d'une part de l'importance des régularisations sur les acomptes versés au titre de l'exercice 1995 (en leur absence le taux de progression des transferts de compensation démographique aurait été limité à 6,6 %) et, d'autre part, à la révision du mode de calcul de la compensation démographique vieillesse.

Depuis 1995, la prestation de référence pour la compensation démographique est la retraite moyenne versée par le régime des exploitants agricoles puisqu'elle est la plus basse parmi celles versées par les régimes éligibles à la compensation. Cette prise en compte soulève néanmoins un problème de fond. Comme l'indique explicitement le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (voir annexe ci-jointe), les majorations pour enfant à charge versées aux retraités agricoles sont actuellement financées par le système de compensation car la prestation de référence prend en compte la moyenne de l'ensemble des avantages de vieillesse qui leur sont servis (retraites forfaitaire et proportionnelle y compris majorations pour enfant à charge).

Or, votre commission constate que ces mêmes avantages sont mis à la charge du FSV par l'article 17 bis du projet de loi de finances pour 1996.

Par ailleurs, ce mécanisme de compensation pénalise gravement des régimes qui connaissent par là même une dégradation considérable de leur équilibre financier (régime général, régime des fonctionnaires de l'État et régime des agents des collectivités locales). Au fond, ce système permet à l'État de « colmater » de façon ponctuelle des déficits sociaux à caractère structurel, mais au prix d'une accélération de la dégradation de la situation financière des régimes plus favorisés au plan démographique.

Votre commission des Affaires sociales souhaite, par conséquent, que la vaste réforme de la protection sociale annoncée par le Gouvernement, touche également ces mécanismes de compensation.

b) Le recul de la contribution de la CNAF

En revanche, le versement en provenance de la Caisse nationale des allocations familiales enregistre une baisse significative de 5,5 % contrastant avec la forte majoration constatée en 1995 qui avoisinait 20 %. Il s'établira à 2,221 milliards de francs contre 2,350 milliards pour l'exercice 1995.

Il convient de rappeler que depuis 1983, l'unification de la branche des prestations familiales a entraîné une participation financière de la Caisse nationale des allocations familiales au BAPSA. Celle-ci correspond à la différence entre le total des prestations versées hors allocations aux adultes handicapés (et hors bourses scolaires pour les années 1995 et 1996) et les cotisations théoriques.

Jusqu'en 1993, les cotisations théoriques comprenaient les cotisations affectées au BAPSA et la contribution de l'État aux prestations familiales. Elles correspondaient à ce que les agriculteurs auraient dû verser s'ils avaient été placés en situation de salariés du régime général, l'appréciation de leurs capacités contributives étant obtenue à partir des données fournies par les comptes de l'Agriculture.

Par ailleurs, en gestion, le versement effectif de la CNAF pour une année était majoré ou minoré :

- de l'écart entre les prestations servies et les prestations prévues au titre de l'année antérieure,

- de l'écart entre les cotisations théoriques résultant de l'évaluation du revenu agricole (comptes semi-définitifs) et de celles prévues pour l'année n-2.

Depuis 1994, la hausse de la contribution de la CNAF s'explique par les effets de la substitution du revenu professionnel réel (bénéfice fiscal forfaitaire ou réel) à l'équivalent du salaire brut issu des comptes de l'Agriculture pour déterminer les cotisations théoriques dues par les exploitants ainsi que par la légère augmentation des prestations familiales résultant de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille (en particulier l'extension de l'allocation parentale d'éducation).

En 1996, la diminution de la contribution de la CNAF est directement liée au « tassement » des prestations versées notamment au titre du logement.

L'an dernier, votre commission avait souligné le caractère inopportun de l'augmentation des transferts en provenance de la CNAF compte tenu de la dégradation préoccupante de la situation financière de cette branche. Cette dégradation est confirmée par le dernier rapport de la Commission des Comptes de la sécurité sociale d'octobre 1995 puisqu'en 1995, elle enregistre un déficit de 13,3 milliards et que les prévisions pour 1996 font état d'un déficit prévisionnel de 11,9 milliards.

Dans ce contexte, elle ne peut que se féliciter de la diminution des ponctions opérées sur la branche famille, même si celle-ci est, pour la majeure partie, le résultat mécanique de l'évolution défavorable du rapport démographique au sein du régime des exploitants agricoles.

c) L'évolution incertaine du versement du FSV

Apparu en 1994, le financement par le FSV est en passe de représenter une part importante des recettes du BAPSA, soit 6,1 milliards (ou 7 % du total). Les chiffres transmis par le ministère faisant état d'une diminution de ce financement de 6,85 % entre 1995 et 1996 apparaissent, pour l'instant, doublement discutables :

- d'une part, cette présentation ne tire pas les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel DC 94-351 du 29 décembre 1994 qui a censuré l'article 34 de la loi de finances initiale pour 1995. Celui-ci prévoyait notamment, à compter de l'exercice 1995, la prise en charge par le FSV, au titre de ses dépenses permanentes, des sommes correspondant au service des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants versées par le régime des exploitants agricoles en application de l'article 1107 du code rural. Le chiffre de 6.6 milliards figurant dans le tableau récapitulatif du BAPSA pour 1995 et dans le « bleu » budgétaire ne correspond donc pas aux versements effectifs en 1995 qui se sont établis à environ 4,2 milliards ;

-d'autre part, avant même l'adoption le 21 octobre dernier par l'Assemblée nationale du dispositif de l'article 17 bis, le financement par le FSV des majorations pour enfant à charge au titre de l'exercice 1996 était déjà inscrit dans le « bleu budgétaire ». Interrogé sur l'inscription de ces ressources « par anticipation », le ministre de l'Agriculture avait indiqué à notre rapporteur, lors de son audition du 12 octobre dernier, que le Gouvernement recherchait le support juridique adéquat pour réintroduire la mesure censurée par le Conseil constitutionnel car, sur le principe, comme pour les autres régimes de base, le régime agricole devait pouvoir bénéficier des transferts du FSV pour ce type de dépenses.

Votre commission déplore ces opérations qui altèrent la sincérité des comptes soumis au Parlement.

Elle s'interroge, par ailleurs, sur le contenu même de l'article 17 bis pour les raisons suivantes :

1°) jusqu'à présent, le BAPSA soumis à l'approbation annuelle du Parlement retraçait l'ensemble des recettes et des dépenses du régime social des exploitants agricoles. L'amendement va donc soustraire à l'examen du Parlement des opérations financières qui portent sur près de 2 milliards par an. Or, le Parlement ne voit pas parallèlement ses possibilités de contrôle renforcées sur le FSV dont les comptes ne figurent qu'en annexe du rapport du Gouvernement sur la protection sociale institué par la loi du 25 juillet 1994 (art. 111-3 du code de la sécurité sociale). Cette mesure apparaît, par ailleurs, contraire aux orientations présentées dans le cadre de la réforme de la protection sociale qui fait du Parlement « la clé de voûte du dispositif » et renforce ses pouvoirs de proposition et de contrôle en ce domaine.

2°) Les bonifications pour enfant à charge seront les seules prestations du régime des exploitants agricoles à faire l'objet d'un tel traitement alors que leur calcul est étroitement dépendant de celui des pensions de retraite de ce régime. Toutes les autres prestations sont retracées dans le BAPSA.

3°) Comme le rappelle le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, rendu public le 30 octobre dernier (p. 31) « toutes les majorations pour enfants à charge versées à ces retraités (agricoles) sont aujourd'hui financées par le système de compensation, c'est-à-dire pour l'essentiel par les régimes de salariés ». Autrement dit, grâce au système de compensation généralisée entre les régimes sociaux qui prend comme prestation de référence la pension de retraite servie par le régime des exploitants agricoles (pension qui est la plus faible) complétée par les majorations pour enfants à charge, ces dépenses sont déjà prises en charge financièrement par des apports extérieurs. Ces dépenses sont donc matériellement compensées deux fois.

4°) L'an dernier, une précédente opération ayant la même portée a été censurée par le Conseil constitutionnel (décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994) au motif qu'elle contrevenait au principe d'universalité budgétaire. Cette règle fait obstacle à ce que des dépenses qui présentent par nature un caractère permanent ne soient pas prises en charge par le budget concerné, en l'occurrence le BAPSA. ou soient financées par des ressources que celui-ci ne détermine pas. Si le Conseil constitutionnel est cohérent avec cette jurisprudence, il pourrait censurer l'article 17 bis ainsi voté par l'Assemblée nationale.

2. L'ajustement des concours budgétaires et assimilés

Ces derniers enregistrent une inflexion notable à l'exception des recettes de TVA affectées.

a) La stabilisation des recettes de TVA.

On constate une évolution limitée des recettes de TVA affectées au BAPSA qui passent de 23,2 milliards à 23,8 milliards (montant net des restitutions), soit une progression de 2.7 %. Cette progression fait suite à une hausse de 74,5 % l'an dernier qui était liée au passage de 0,7 % contre 0,4 % entre 1992 et 1994 de la participation de la TVA au BAPSA.

Pour 1996. le taux reste fixé à 0.7 % de l'assiette mais les prévisions de rendement sont révisées et calculées en fonction de la croissance économique attendue en 1996 (hypothèse de + 2,8 % en volume).

La part des recettes de TVA dans les ressources du BAPSA se stabilise ainsi à hauteur de 26,7 %. Le relèvement de deux points de la TVA, intervenu le 1er août dernier, n'a eu aucune incidence sur la cotisation incluse dans la TVA qui alimente le BAPSA car il s'agit en effet d'un prélèvement sur la valeur ajoutée et non sur la taxe elle-même.

b) Le recul de la subvention d'équilibre

La stagnation des remboursements de l'État au titre des allocations supplémentaires versées aux invalides et des allocations versées aux adultes handicapés (AAH), soit respectivement 136 millions et 586 millions de francs, contraste avec le nouveau recul de sa subvention d'équilibre qui passe de 9.134 milliards à 6.447 milliards, soit - 29,42 %.

Cette régression appelle deux remarques principales :

- d'une part, elle intervient après une baisse déjà considérable en 1995, la subvention d'équilibre étant passée de 18,6 milliards en 1994 à 9,1 milliards en 1995. soit - 51 %.

- d'autre part, elle résulte de la forte augmentation des recettes de compensation inter-régimes (+ 13,65 %) et du FSV (+ 22 % si on tient compte de l'annulation de l'article 34 de la loi de finances pour 1995 par le Conseil constitutionnel, ce que ne font pas les tableaux transmis par le ministère de l'Agriculture).

Votre commission des Affaires sociales craint que ce recul, constaté sur deux exercices consécutifs, ne traduise un certain désengagement de l'État à l'égard du régime social des exploitants agricoles. Cette situation n*est, en effet, pas satisfaisante car elle substitue à des dotations budgétaires des montages complexes qui n'incitent pas à la responsabilisation des différents acteurs de ce système.

Ainsi, l'augmentation des transferts en provenance des autres régimes, par le biais du système de compensation généralisée vieillesse, pèse sur des régimes qui pourraient profiter de leur meilleur rapport démographique pour constituer des réserves prévisionnelles et anticiper des évolutions défavorables.

Elle constate, par ailleurs, que ce désengagement s'effectue dans des conditions contestables avec, en matière de compensation, une utilisation conjoncturelle des taux de compensation (passage de 22 % à 38 % en 1994) et, en ce qui concerne le Fonds de solidarité vieillesse, des rattachements juridiquement incertains.

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