N° 82

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale(1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

INTÉRIEUR, RÉFORME DE L'État, DÉCENTRALISATION ET CITOYENNETÉ :

DÉCENTRALISATION

Par M. André BOHL,

Sénateur.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413

Sénat : 76 et 77 (annexe n°25) (1995-1996)

Lois de finances.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché. Président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, vice-présidents ; Robert Pagès, Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Claude Cornac, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck. Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Mesdames, Messieurs,

L'effort financier de l'État en faveur des collectivités locales - tel qu'il ressort de l'état récapitulatif annexé au fascicule budgétaire « Intérieur, réforme de l'État, décentralisation et citoyenneté » s'élèvera en 1996, à 283 milliards de francs, fiscalité transférée incluse, en moyens d'engagement (dépenses ordinaires et autorisations de programme). Hors fiscalité transférée, il atteindra 239,1 milliards de francs.

Les crédits inscrits dans le même fascicule budgétaire qui sont spécifiquement consacrés aux collectivités locales et à la décentralisation s'élèvent, pour leur part, à 27,4 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit environ 35 % du budget total qui atteint 78,1 milliards de francs.

La progression des concours de l'État s'inscrit dans un nouveau cadre dit « pacte de stabilité » qui devra régir les relations financières entre l'État et les collectivités locales au cours des trois prochaines années. Dans ce cadre ainsi défini, les concours de l'État connaissent des évolutions différenciées qu'il convient de prendre en compte.

En outre, la situation des budgets locaux apparaît, cette année encore, difficile. L'augmentation des dépenses de gestion sera, en effet, plus élevée que celles des recettes courantes.

Dans ce contexte, l'objectif de clarification des conditions d'exercice des compétences locales - sur lequel votre commission des Lois avait appelé l'attention du Sénat l'an passé et qui devrait connaître certains développements en 1996- constitue assurément une priorité.

I. L'ADMINISTRATION TERRITORIALE : LE CHANTIER DE LA REFORME DE L'ÉTAT

L'effort consacré, en 1996, à l'administration territoriale représentera 6,077 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de + 2,6 % par rapport à 1995.

Les dépenses des personnels du corps préfectoral et des préfectures représentent les deux tiers des crédits consacrés à l'administration territoriale.

On relèvera, en particulier, la poursuite de l'application du protocole d'accord sur la rénovation de la grille de la fonction publique sous la forme de revalorisations de rémunérations et de la transformation de certains emplois.

Dans le cadre du grand chantier de la réforme de l'État lancé par le Gouvernement, la déconcentration des services doit, plus que jamais, constituer une priorité majeure. En outre, la modernisation des préfectures doit permettre de mieux répondre aux attentes légitimes des usagers.

A. LA DÉCONCENTRATION : UN OBJECTIF PRIORITAIRE POUR LA REFORME DE L'ÉTAT

La politique de déconcentration a été relancée à la suite du comité interministériel d'aménagement du territoire qui s'est tenu à Mende, le 12 juillet 1993, et du comité interministériel de l'administration territoriale (CIATER) du 23 juillet 1993. A cette occasion, environ trois cents mesures ont été prises afin de traduire le principe issu de la loi d'orientation du 6 février 1992 qui fait des services déconcentrés l'échelon de droit commun de l'action administrative.

Le CIATER s'est de nouveau réuni au troisième trimestre 1994, afin de dresser un bilan de ces mesures et d'examiner des schémas directeurs ministériels de réorganisation et de déconcentration.

Soucieux d'affirmer le rôle de la déconcentration dans l'aménagement du territoire, le législateur a, par la suite, arrêté une série de dispositions dans le cadre de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

L'article 25 de la loi du 4 février 1995 prévoit, en premier lieu, que les transferts d'attribution des administrations centrales aux services déconcentrés des administrations civiles de l'État devront être réalisés dans un délai de dix-huit mois.

En second lieu, il fixe le principe -qui devra être mis en oeuvre dans le même délai- de regroupements fonctionnels des services déconcentrés de l'État dont la finalité sera de favoriser leur efficacité, leur polyvalence et leur présence sur le territoire. Ces regroupements devront être opérés dans le cadre d'un schéma de réorganisation des services de l'État qui précisera les niveaux d'exercice des compétences de l'État et les adaptations de leurs implantations territoriales.

Enfin, l'article 25 précité a précisé les compétences des sous-préfets qui, dans le cadre de l'arrondissement, sont chargés, par délégation du préfet, d'animer et de coordonner l'action des services de l'État.

La circulaire du Premier ministre du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'État et des services publics a donné une nouvelle impulsion à l'action de l'État dans ce domaine en définissant cinq objectifs prioritaires :

- clarifier les missions de l'État et le champ des services publics ;

- mieux prendre en compte les besoins et les attentes des citoyens ;

- changer l'État central ;

- déléguer les responsabilités ;

- rénover la gestion publique.

Afin de changer l'État central, la circulaire fixe le principe selon lequel « les tâches de gestion aujourd'hui encore prises en charge par les administrations centrales devront être résolument transférées vers les services déconcentrés ».

Corrélativement, les effectifs réels des administrations centrales devront être sensiblement réduits. Le Premier ministre a fixé un premier objectif de 10 % de réduction de ces effectifs pour l'ensemble de l'État, d'ici la fin de l'année 1996.

Pour déléguer les responsabilités, trois actions principales sont prévues.

D'une part, le schéma de réorganisation des services de l'État prévu par la loi du 4 février 1995 devra être établi.

Le principe qui devra guider l'élaboration de ce schéma est le suivant :

« Les fonctions qui visent à mettre en oeuvre les politiques publiques, les législations et, plus généralement, les prestations de service public, doivent être, par principe, déléguées soit à des services déconcentrés à compétence territoriale ou nationale, soit à des établissements publics, en ayant le souci d'éviter tout recouvrement de compétences entre les uns et les autres ».

D'autre part, le regroupement fonctionnel des services de l'État devra être réalisé d'ici la fin 1996.

Le comité pour la réorganisation et la déconcentration des administrations centrales (CRDA) a réalisé une étude sur ce sujet qui a notamment formulé des propositions de regroupement de services.

La circulaire du 26 juillet 1995 prévoit, en particulier, le rapprochement entre les directions départementales de l'équipement et celles de l'agriculture et de la forêt.

Plus profondément, une rénovations des relations entre l'État central et ses opérateurs est prévue. Dans le cadre des centres de responsabilité, de nouveaux modes de gestion des crédits de fonctionnement ont été définis : globalisation des crédits, établissement de budgets de service, suivi mensuel, élaboration et restitution aux services de ratios comparatifs, établissement de comptes rendus de gestion. Il est proposé de généraliser ces règles de gestion à l'ensemble des administrations d'ici la fin de 1996.

En outre, des contrats de services seront expérimentés, dès le 1er janvier 1996, dans plusieurs ministères. Ces contrats permettront notamment de déterminer les objectifs assignés aux services opérateurs, les marges de manoeuvre qui leur seront garanties dans la négociation d'un budget global incluant le personnel, les modalités d'évaluation de leurs coûts et de leurs résultats ainsi que les conditions dans lesquelles les services et les agents pourront bénéficier d'un intéressement aux gains de productivité. Des comparaisons de performance entre services seront effectuées. Parallèlement, de nouveaux contrats d'établissements seront passés, au cours de l'année 1996, entre l'État et ses établissements publics.

Afin de mettre en oeuvre ces objectifs, le décret n° 95-1007 du 13 septembre 1995 a créé, pour une durée de trois ans, un comité interministériel pour la réforme de l'État ainsi qu'un commissariat à la réforme de l'État, placé auprès du Premier ministre.

Le comité interministériel sera, en particulier, chargé de fixer les orientations de la politique gouvernementale afin de déléguer les responsabilités au sein de l'État et de moderniser la gestion publique.

Il devra arrêter un plan triennal de réforme de l'État et délibérera sur le schéma de réorganisation des services de l'État prévu par la loi du 4 février 1995, notamment sur les projets de réorganisation des services déconcentrés de l'État.

Le commissariat à la réforme de l'État sera, pour sa part, chargé, dans le cadre des orientations fixées par le comité interministériel, d'une mission de proposition, de coordination et d'animation de la politique de réforme des administrations. Il établira un rapport annuel qui sera rendu public. Le commissariat constitue une structure souple (27 personnes) dont le coût de fonctionnement n'excédera pas 9.2 millions de francs.

Les réformes ainsi envisagées devraient se traduire par des redéploiements d'effectifs vers l'administration départementale de l'État : cinq à six mille emplois de fonctionnaires seraient ainsi déplacés en 1996, après une étude des moyens de chaque ministère.

Pour le ministère de l'intérieur, 19 emplois d'adjoint administratif ont été transférés, au 1er janvier 1994, de l'administration centrale vers le cadre national des préfectures. Au 1er janvier 1995, 19 emplois d'agent administratif de deuxième classe ont fait l'objet d'un tel transfert. Le projet de loi de finances pour 1996 prévoit le transfert de 25 emplois supplémentaires.

Votre rapporteur pour avis rappelle, par ailleurs, la volonté du législateur de confier aux sous-préfets une mission d'animation et de coordination de l'action des services de l'État dans l'arrondissement. Encore faut-il que les postes soient effectivement pourvus. Au 1er janvier 1995, pour des effectifs budgétaires de 491 sous-préfets, 461 étaient effectivement en activité. Pour la métropole, les mêmes chiffres étaient respectivement de 469 et 421 à la même date.

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