II. LA POSSIBILITÉ D'UTILISER DES NORMES COMPTABLES INTERNATIONALEMENT RECONNUES

A. L'HARMONISATION MONDIALE DES NORMES COMPTABLES

Le débat sur l'urgence d'une harmonisation internationale des normes comptables et les moyens de parvenir à des solutions applicables à court terme a pris récemment une importance nouvelle. Cette accélération est due pour une grande partie à la pression très forte exercée par les marchés internationaux de capitaux et les besoins grandissants des groupes multinationaux, notamment européens, de recourir à ces sources de financement.

Au demeurant, les groupes d'entreprises n'ont pas attendu que cette harmonisation soit achevée pour réagir. Selon une étude récente portant sur les 120 entreprises constituant l'indice SBF 120, 86 déclarent appliquer les règles comptables françaises, 31 les règles françaises et des principes étrangers ou internationaux (en postulant leur compatibilité sous le contrôle des commissaires aux comptes) et 3 se réfèrent seulement à des principes internationaux.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi fait quant à elle mention d'une étude récente de quatre cabinets d'expertise comptable sur l'information financière d'un échantillon de 100 groupes industriels et commerciaux français, 21 déclarent utiliser les normes françaises et celles du IASC 8 ( * ) , 9 les règles françaises et celles du FASB 9 ( * ) 7 se réclament de principes internationaux sans autre précision.

Or, la comparabilité et la fiabilité des informations financières diffusées aux investisseurs sur les marchés financiers sont des conditions nécessaires d'une allocation optimale des ressources collectées sur ceux-ci. La comptabilité est l'outil indispensable permettant de fournir l'information possédant les caractéristiques recherchées.

Les promoteurs les plus déterminés du mouvement en faveur de l'harmonisation, regroupés au sein de l'IASC, déclarent que l'objectif à long terme est l'adoption de normes comptables utilisées par tous les pays. Néanmoins, ils se proposent des objectifs à court terme, en liaison avec l'OICV 10 ( * ) afin de parvenir à un accord sur des normes comptables et d'information, mutuellement reconnues, pour l'établissement des prospectus d'émission et des notes d'information internationales.

Mais s'il n'est pas interdit de rêver à une situation idéale dans laquelle les progrès de la coopération économique internationale seraient tels qu'ils permettraient l'instauration d'un droit économique international - une sorte de lex mercatoria s'imposant à toutes les entités économiques - les différences existant quant à la conception même de la comptabilité montrent en tout cas que la tâche ne sera pas facile 11 ( * ) .

Si l'on se réfère aux tentatives les plus systématiques telles que celles représentées par les travaux de l'IASC, il convient de noter que le cadre conceptuel servant de référence à cet organisme n'est pas un cadre de la comptabilité, mais un cadre de préparation et de présentation des états financiers. Ensuite, ce cadre, s'il prévoit que les états financiers sont destinés à de nombreux utilisateurs, prévoit immédiatement après, le cas où un conflit surgirait entre des normes différentes supposées répondre à différents besoins ; c'est alors le point de vue de l'investisseur qui doit être privilégié et c'est donc l'information utile à celui-ci qui doit être fournie.

Cette prise de position, ainsi que l'étude des normes élaborées par l'IASC montrent que celles-ci ne constituent pas des normes internationales au sens de synthèses internationales de toutes les conceptions existantes de la comptabilité ou des normes compatibles avec toutes les normes existantes. Le CNC s'est livré à l'étude d'un certain nombre de ces normes qui ont fait l'objet d'avis recensant les éléments de compatibilité et d'incompatibilité avec les règles françaises.

L'IASC se situe clairement dans l'optique de ceux qui recherchent la mesure de la performance financière et donc dans une certaine tradition de liaison privilégiée avec les besoins des marchés financiers. Ce qui, pour certains, rapproche ces règles des normes du FASB tout en permettant la prise en compte de considérations ignorées par les règles américaines, car inconnues aux États-Unis.

Ce choix a pu être relativement occulté dans la mesure où les normes comprenaient de nombreuses options, mais il est clair que l'évolution actuelle, encouragée par l'OICV ne peut que conduire à réaffirmer sa portée. Il n'a d'ailleurs pas pour conséquence de limiter l'intérêt de ces normes sur le plan géographique, toutes les zones de la planète étant concernées par les marchés financiers internationaux, tout au plus limite-t-il les usages pouvant être faits de ces normes.

Si l'on accepte les arguments précédents, on comprend que la recherche d'une normalisation mondiale ne peut être qu'un objectif de long terme. En attendant qu'au moins une partie des conditions soit réunie, il reste indispensable d'essayer de régler certains problèmes particulièrement sensibles. Parmi ceux-là, la question d'actualité est de savoir comment augmenter de manière significative la comparabilité et la fiabilité de l'information financière diffusée par les groupes émettant sur les marchés internationaux de capitaux.

C'est l'objet de l'article 6 du projet de loi soumis à votre examen.

* 8 International Accounting Standards Committee, organisation privée, fondée en 1974, qui regroupe les professionnels comptables d'environ 80 pays.

* 9 Financial Accounting Standards Board

* 10 Organisation Internationale des Commissions de Valeurs, IOSCO en anglais, regroupant les autorités de surveillance et de contrôle des marchés boursiers. La France y est représentée par la COB.

* 11 Schématiquement on distingue les pays dans lesquels la comptabilité a pour objet essentiel de quantifier les droits et obligations des destinataires des comptes par rapport à ceux qui les établissent, des pays dans lesquels elle sert avant tout à fournir une information sur la performance et la situation financière de l'entreprise en laissant une certaine souplesse quant aux conséquences à tirer de ces informations dans les divers domaines concernés. L'exemple le plus connu et le plus caractéristique de ce dernier type de système est celui des normes américaines, élaborées par le FASB (Financial Accounting Standards Board) créé en 1973, alors que les obligations comptables ne concernent directement que les entreprises cotées et que le FASB tient sa légitimité de la SEC (Securities and Exchange Commission, organisme de surveillance et de contrôle des marchés financiers américains, créé en 1934), privilégiant naturellement l'information des marchés boursiers.

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