II. LA POLITIQUE DE DÉFENSE ET DE PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE

A. UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE ENTRE LE SECRÉTARIAT D'ÉTAT CHARGÉ DE LA FRANCOPHONIE ET LE MINISTÈRE DE LA CULTURE

1. Une nouvelle répartition des responsabilités entre francophonie intérieure et francophonie extérieure

Depuis la constitution du premier Gouvernement de M. Juppé en mai 1995, la politique de la francophonie est organisée autour de deux pôles.

D'une part, la francophonie est une compétence explicite du ministère des Affaires étrangères : son exercice est délégué au secrétariat d'État qui exerce les attributions relatives à la promotion de la francophonie dans le monde et à la politique de coopération avec les organismes internationaux. D'autre part, le ministère de la culture exerce par délégation du Premier ministre les attributions relatives à l'emploi et à l'enrichissement de la langue française.

Cette distinction entre la francophonie de l'extérieur et la francophonie de l'intérieur peut apparaître artificielle. En effet, la répartition des responsabilités entre la promotion de la langue et celle de la francophonie, s'agissant par exemple de la place du français dans les organisations internationales, apparaît difficile à établir. Votre rapporteur a d'ailleurs déjà eu l'occasion d'exprimer le souhait que l'ensemble des administrations concourant à la promotion de la francophonie soient réunies sous l'autorité d'une volonté politique unique au sein d'un ministère délégué auprès du ministre chargé des Affaires étrangères.

Toutefois, cette répartition des compétences s'est révélée à l'usage relativement pertinente. Déjà, entre mai 1993 et mai 1995, la francophonie avait été rattachée au ministère de la culture confié à M. Jacques Toubon. Si ce rattachement présentait des inconvénients importants, et au premier chef celui de séparer l'action culturelle extérieure de la France dont la définition relevait du ministère des Affaires étrangères de la promotion de la francophonie dans le monde, il a sans doute favorisé la prise de position unanime de la communauté francophone en faveur de l'exception culturelle et également facilité l'adoption de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

Dans la nouvelle configuration adoptée depuis mai 1995, cette dynamique créée par le lien entre la promotion de la culture et celle de la langue française est maintenue. Alors que dans les périodes précédentes la défense de la langue avait trop souvent été négligée voire ignorée par le ministère de la culture, elle se trouve aujourd'hui parmi les principales préoccupations du ministre de la culture. Le rattachement de la Délégation générale à la langue française au ministère de la culture, ainsi que la mobilisation du ministère à l'occasion d'une semaine de sensibilisation à la langue française organisée en mars 1996 et la création d'un observatoire de la langue française, témoignent de ce nouveau dynamisme.

2. Le rattachement de la Délégation générale à langue française au ministère n'a pas mis fin au foisonnement institutionnel qui caractérise la politique de la langue française

La politique visant à l'emploi et la promotion de la langue française s'appuie sur plusieurs organismes dont les plus importants sont le Haut conseil de la francophonie créé le 12 mars 1984 par décret du Président de la

République, le Conseil supérieur de la langue française et la Délégation générale à langue française créés par le décret n° 89-403 du 2 juin 1989.

Le Haut conseil de la francophonie, présidé par le Président de la République, ne relève d'aucune tutelle ministérielle.

Il est composé de trente-quatre personnalités, françaises et étrangères, nommées par le président. S'y côtoient actuellement, les anciens présidents libanais Charles Hélou et sénégalais Léopold Sédar Senghor, nommé récemment président d'honneur du Haut conseil, les anciens ministres Cu Huy Can, Salif Alassane N'Diaye et Alain Decaux, le secrétaire d'État chargé de la francophonie, Mme Margie Sudre, des personnalités occupant de hautes responsabilités dans leur pays ou dans les instances internationales, des représentants de la société civile francophone dans les secteurs des arts, de la communication, des sciences et de la médecine, de la recherche universitaire.

La vice-présidence du Haut conseil est en outre assurée depuis l'année dernière par notre éminent collègue, M. Maurice Schumann, ancien ministre et membre de l'Académie française.

La tâche assignée au Haut conseil est de mener un travail d'information et de recherche sur tous les aspects de la francophonie, et de formuler des propositions ainsi que des recommandations à l'intention de toutes les institutions françaises concernées.

Il s'en acquitte essentiellement par :

- la publication d'un rapport annuel sur l'état de la francophonie dans le monde, qui fait du Haut conseil un observateur averti de la francophonie internationale sous ses différents aspects ;

- l'organisation d'une session plénière annuelle au cours de laquelle sont analysées des évolutions, identifiées des urgences, et formulées des propositions sur les orientations de la politique.

THÈMES DES SÉANCES PLÉNIÈRES ANNUELLES DEPUIS 1986

1986 « La francophonie et l'opinion publique »

1988 « L'espace économique francophone »

1989 « La pluralité des langues en francophonie »

1990 « La francophonie dans la coopération internationale »

1991 « Monde francophone et francophonie dans le monde : créations et échanges »

1993 « Jeunesse et francophonie »

1994 « Francophonie et Europe »

1995 « La francophonie et les sociétés africaines »

1996 « La francophonie face aux défis des nouvelles technologies »

En 1997, la subvention accordée au Haut conseil de la francophonie sur le chapitre 37-94 (article 10) du budget du ministère des Affaires étrangères subira une légère baisse pour s'établir à 1,24 million de francs contre 1,46 million de francs en 1996. Plus de la moitié de cette subvention est consacrée à l'organisation de la session annuelle. Le Haut conseil couvre par ailleurs la moitié des dépenses liées à la publication de son rapport annuel grâce à la constitution d'un avoir auprès de la Documentation française, alimenté par les droits perçus sur le produit des ventes.

Le Conseil supérieur de la langue française est statutairement présidé par le Premier ministre M. Bernard Quemada en est le vice-président depuis le 22 octobre 1993. Il a pour mission d'étudier, dans le cadre des grandes orientations définies par le Président de la République et le Gouvernement, les questions relatives à l'usage, à l'aménagement, à l'enrichissement, à la promotion et à la diffusion de la langue française en France et hors de France, à la politique à l'égard de l'enseignement des langues étrangères.

Le décret n° 96-235 du 21 mars 1996 qui place la Délégation générale à la langue française sous l'autorité du ministre de la culture ne modifie pas le statut du Conseil supérieur de la langue française, qui reste rattaché au Premier ministre. Ce décret associe cependant pleinement le ministre de la culture au fonctionnement du Conseil supérieur de la langue française. Celui-ci peut désormais au même titre que le ministre chargé de la francophonie suppléer le Premier ministre à la présidence du Conseil ou le saisir pour avis.

Lors de la dernière réunion plénière du Conseil supérieur de la langue française du 24 octobre 1995 le Premier ministre a demandé à ses membres de concentrer leur mission sur trois axes : assurer la présence et la promotion du français langue de la République, conserver au français son rôle de langue de communication internationale et, préserver et promouvoir la diversité linguistique et le plurilinguisme.

Plusieurs autres réunions du Conseil se sont également tenues cette année, dont une consacrée à la préparation de la semaine de sensibilisation à la langue française qui s'est déroulée en mars 1996. Une réunion avec les présidents des conseils de langue française du Québec, de Suisse et de la Communauté française de Belgique a en outre été organisée en octobre dernier afin de coordonner les actions et les réflexions en particulier sur les autoroutes de l'information, la place du français dans la vie scientifique, et la sensibilisation à la langue française par l'organisation d'une fête internationale de la langue française.

La Délégation générale à la langue française a quant à elle pour mission, dans le cadre des orientations définies par le Gouvernement et des recommandations du Conseil supérieur de la langue française, de promouvoir et de coordonner les actions des administrations et des organismes publics et privés qui concourent à la diffusion et au bon usage de la langue française, notamment dans les domaines de l'enseignement, de la communication, des sciences et des techniques.

Elle était jusqu'à présent rattachée au Premier ministre et traditionnellement mise à disposition du ministre chargé de la francophonie.

Ce schéma a été remis en cause en 1995. Après avoir été mise à disposition du ministre de la culture en vertu du décret du 8 juin 1995, la Délégation générale à la langue française est, aux termes du décret du 21 mars 1996, placée sous l'autorité directe du ministre de la culture. Cette intégration au sein du ministère de la culture est susceptible de renforcer la politique de la langue française. Elle devrait en effet permettre, pour l'application de la loi sur l'emploi de la langue française, qui est la mission essentielle de ce service, de s'appuyer sur les directions régionales des affaires culturelles et d'avoir ainsi un plus large écho sur l'ensemble du territoire national.

Cette nouvelle configuration présente néanmoins l'inconvénient d'accroître le cloisonnement entre les différentes structures concourant à la promotion de la francophonie qui sont désormais éclatées entre les services du Premier ministre, le ministère des Affaires étrangères, le secrétariat à la francophonie et le ministère de la culture sans compter les ministères de l'éducation, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la coopération qui sont concernés par la politique de la langue française et qui contribuent de façon significative au financement de la francophonie.

Aussi, pour conserver à la politique de la langue française son caractère global et interministériel, un groupe interministériel permanent, composé des représentants des ministres chargés de l'éducation nationale, des Affaires étrangères, de l'industrie, des affaires européennes, de la culture, de la communication, de la recherche, de la coopération, de l'économie et de la francophonie, a-t-il été mis en place par le décret du 21 mars 1996. Ce groupe travaille sous l'autorité du comité de ministres consacré à la langue française prévu par le décret qui avait, en 1989, institué le Conseil supérieur et la Délégation générale à langue française. Sa présidence est assurée par le délégué général à la langue française.

L'activité de la Délégation générale à langue française a été marquée, en 1996, par la publication des derniers textes d'application nécessaires à la mise en oeuvre de la loi du 4 août 1994 et par le suivi de la première année de pleine application de la loi. La Délégation générale, comme la loi l'y oblige, a établi son rapport annuel sur l'application de la loi du 4 août 1994 et sur le respect du statut du français dans les organisations internationales. Elle s'est acquittée de cette tâche avec une ponctualité à laquelle il convient de rendre ici hommage, en déposant un rapport le 15 septembre sur le bureau des assemblées parlementaires. Ce rapport constitue un outil de travail précieux pour évaluer la bonne application de la loi et l'ensemble des actions destinées à l'accompagner et à la consolider.

Votre rapporteur se félicite que la mission générale d'évaluation de la Délégation générale soit également renforcée par la création d'un observatoire de la langue française qu'il avait dans un rapport précédent appelé de ses voeux. L'observatoire de la langue française dont la présidence a été confiée à M. Yves Berger, écrivain et membre du Conseil supérieur de la langue française, permettra de mettre à la disposition du Gouvernement des données chiffrées sur l'usage du français dans divers domaines significatifs, en particulier les manifestations internationales, les industries culturelles et les nouveaux moyens de communication. La première mission d'Yves Berger a été d'apprécier la place réservée au français dans l'organisation des jeux olympiques d'Atlanta.

En matière de sensibilisation du public aux enjeux liés à la langue, la Délégation générale à langue française, en liaison avec le secrétariat d'État à la francophonie et le ministère chargé de l'éducation nationale, a organisé une semaine de sensibilisation à la langue française, « le français comme on l'aime », à l'occasion de la journée de la francophonie en mars 1996.

Pour accomplir sa mission, la Délégation générale à langue française a disposé en 1996 de 2,9 millions de francs de crédits de fonctionnement et de 6,5 millions de crédits d'intervention (sur les 7 millions inscrits en loi de finances initiale, 0,5 million a fait l'objet d'un transfert de crédits) ce qui représente par rapport aux crédits alloués en 1995 une augmentation effective de 44 % des moyens d'intervention de la délégation.

Pour 1997, le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement propose la reconduction des crédits d'intervention votés pour l'année 1996 et une diminution de 6,8 % des crédits de fonctionnement qui s'établiraient ainsi à 2,7 millions de francs.

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