Avis n° 88 (1996-1997) de M. Jean-François LE GRAND , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 2 décembre 1996

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N ° 8 8

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997


Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME XIX

TRANSPORT AÉRIEN

Par M. Jean-François LE GRAND,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, André Vallet, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0 ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A. 590.
Sénat : 85 et 86 (annexe n° 20) (1996-1997).

Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

« Concurrence effrénée dans le ciel aérien français » ; « Les ailes françaises dans un trou d'air » ; « Les compagnies françaises ont le mal de l'air » ; « Suicide collectif dans le ciel français »... On le voit, la presse n'a pas hésité, ces derniers mois, à employer un langage imagé fort pour qualifier la situation du paysage aérien français et les inquiétudes qu'elle suscite.

Ces dernières peuvent, en fait, se résumer à une interrogation fondamentale : y aura-t-il encore un pavillon français dans le transport aérien au XXI e siècle ?

La réponse à cette question conditionnera également l'avenir des aéroports français et ne sera pas sans influence sur celui des constructeurs aéronautiques.

Il s'agit là d'un véritable défi, qui nécessite la responsabilisation de tous les acteurs du secteur : les compagnies aériennes et leurs personnels, les aéroports, les constructeurs et, bien sûr, l'acteur public dans sa double mission d'autorité de tutelle et de prestataire de services.

Deux nouvelles récentes viennent d'éclaircir l'horizon assez sombre dans lequel évolue le secteur du transport aérien et permettre un certain optimisme. Il s'agit, d'une part, de l'annonce par Air France d'un bénéfice net de 802 millions de francs au premier semestre 1996, premier profit de la compagnie depuis 1989 ; et d'autre part, de la commande ferme de 120 Airbus de la gamme A 319 - A 320 - A 321 par la sixième compagnie américaine, US Air.

C'est dans ce contexte qu'après avoir brièvement présenté les principales évolutions des crédits budgétaires pour 1997, votre commission des Affaires économiques s'attachera à examiner, branche par branche, la situation des principales activités concernées.

CHAPITRE PREMIER LES DOTATIONS BUDGÉTAIRES

Depuis 1992, les crédits relatifs à l'aviation civile et au transport aérien sont regroupés dans deux documents budgétaires :

1. Le budget annexe de l'aviation civile (BAAC) qui recouvre le contrôle aérien, les infrastructures aéroportuaires et la gestion courante du secteur, notamment les charges de personnel de la navigation aérienne et la formation des pilotes.

2. Une section intitulée « Transports aériens » du fascicule Transport du budget du ministère de l'Équipement, des Transports, du Logement et du Tourisme. Contrairement à ce que cet intitulé « Transports aériens » pourrait laisser supposer, ce fascicule ne concerne pas les activités de transport aérien mais rassemble, pour l'essentiel, les crédits affectés à la construction aéronautique.

Votre commission pour avis entend, par ailleurs, présenter la situation du Fonds de péréquation des transports aériens, dont les crédits figurent dans un compte d'affectation spéciale, en raison de l'importance majeure que ce Fonds est appelé à jouer dans l'aménagement aérien du territoire.

I. LE BUDGET ANNEXE DE LA NAVIGATION AÉRIENNE

Rappelons qu'à l'initiative de la commission des Finances du Sénat, le Gouvernement a remis au Parlement -en application de l'article 99 de la loi de finances pour 1996- un état récapitulatif présentant la répartition des coûts et des dépenses budgétaires, en distinguant ceux afférents aux prestations de services rendus aux usagers par la direction générale et ceux résultant des missions d'intérêt général public assumées par elle.

Votre commission se félicite des efforts entrepris par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour se conformer au souhait de transparence exprimé par le Parlement.

Il appartient à votre commission des Finances d'analyser ce rapport qui, semble-t-il, confirme certaines des inquiétudes qu'elle a manifestées par le passé.

A. PRÉSENTATION D'ENSEMBLE

Le budget de l'aviation civile pour 1997 présente les caractéristiques de tout budget annexe, à savoir :

- en premier lieu, des ressources propres tirées, d'une part du produit de taxes et de redevances affectées ainsi que d'une subvention du budget général et, d'autre part, du recours à l'emprunt ;

- en second lieu, une présentation comptable différente des budgets ordinaires, avec une section d'exploitation et une section d'investissement toutes deux équilibrées.

Tel qu'il figure dans la loi de finances pour 1997, ce projet de budget est organisé comme le précise le tableau ci-après :

Au total, les fonds inscrits au budget annexe de l'aviation civile (BAAC) s'élèvent à 7,996 milliards de francs pour 1997, en hausse de 4,38 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996.

B. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS

1. Une hausse des recettes qui ne devrait cependant pas alourdir la pression fiscale pesant sur les compagnies aériennes

Les recettes du BAAC proviennent à hauteur de près de 90 % des redevances et taxes acquittées par les compagnies aériennes. L'augmentation du produit de ces redevances et taxes en 1997, est liée aux hypothèses de hausse du trafic aérien. En revanche, à assiette constante, leur évolution devrait se traduire par un allégement de charges de l'ordre de 160 millions de francs au profit des compagnies aériennes, ceci d'après les renseignements fournis par le ministère à votre rapporteur pour avis.

Il convient de détailler l'évolution des différentes recettes d'exploitation :

- la redevance de route (près de 67 % du total) devrait voir son produit augmenter de 2 % (à 4.651.8 millions de francs), mais son taux unitaire baisser de -3,9 % en métropole ;

- la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (15,5 % du total) devrait voir son produit croître de 7,7 % (à 1.084,1 millions de francs), mais son taux unitaire diminuer de -3.8 % en métropole.

Le produit total de ces redevances de navigation aérienne augmenterait de 3 % (à 5.736 millions de francs) et leur taux unitaire devrait Progresser de 9.9 % dans les DOM-TOM ;

- le produit de la taxe de sûreté et de sécurité augmenterait de 119,4 millions de francs et son taux progresserait de 3 francs, passant ainsi à 14 francs sur les vols domestiques et à 21 francs sur les vols internationaux ;

- en contrepartie, l'article 27 du projet de loi de finances prévoit de réduire de 4 à 2 francs la taxe qui alimente le Fonds de péréquation des transports aériens, comme on le verra ci-après.

La nouvelle érosion de la subvention de l'État traduit la poursuite du désengagement budgétaire de ce dernier.

Elle enregistre, en effet, une baisse de 20,9 %, à 215 millions de francs. Cependant, si l'on tient compte de la mesure de régulation qui a conduit à annuler 39 millions de francs de subvention en 1996, la baisse n'est plus que 2.3 %.

Il faut relever qu'une recette exceptionnelle de capital de 42 millions de francs est inscrite au BAAC pour 1997. Liée à la vente d'un immeuble dans le XV e arrondissement, cette somme est destinée à financer le nouveau siège de la DGAC.

2. Des dépenses qui traduisent des efforts en matière d'investissement et d'emploi

S'agissant des dépenses d'investissement, les autorisations de programme s'élèvent à 1.777,4 millions de francs, contre 2.059,8 millions en 1996, soit une chute de 13,7 %. À l'inverse, les crédits de paiement sont en progression de 14,3 % et s'établissent à 2.083,7 millions de francs. Leur évolution est contrastée.

- Les crédits consacrés à la navigation aérienne enregistrent une baisse de 5,7 % en autorisations de programme (à 1.305 millions de francs), mais une progression en crédits de paiement (à 1.335 millions de francs). Ils doivent permettre la poursuite des actions engagées antérieurement, à savoir :

. les opérations de rénovation d'équipement et de modernisation des centres de contrôle et des bâtiments techniques sur tous les types d'aérodromes ;

. les études relatives à l'amélioration des moyens techniques (télécommunications, sûreté, nouveaux moyens de contrôle et d'aides à la navigation aérienne) ;

. la consolidation des programmes d'informatisation, notamment les grands projets CAUTRA, PHIDIAS et ELECTRA.

Sur ce point, on citera les intéressantes réflexions 1 ( * ) de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale :

« La poursuite de politiques nationales conduit, en effet, à renchérir considérablement le coût des matériels, en l'absence d'effets de série, ce qui aggrave le surcoût lié à la nécessité d'une fiabilité absolue de ces équipements.

Le système français CAUTRA, au demeurant tout à fait performant mais conçu pour notre seul pays (qui a cinq centres de contrôle), est un bon exemple de ce « nationalisme » aujourd'hui un peu dépassé, alors qu'il importe au contraire de maîtriser les coûts. Or, il n'y a aucune économie d'échelle possible avec un système produit pour un seul pays.

Le programme PHIDIAS (Position harmonisant et intégrant les dialogues interactif assistance et secours), qui s'inscrit dans le cadre du Programme de rénovation de l'ensemble des positions de contrôle (moyens de visualisation et de dialogue du contrôleur avec le système de contrôle), illustre, de son côté, les difficultés de mise en oeuvre d'un tel système, de par la complexité des matériels et des logiciels. Or PHIDIAS sera développé en fonction des spécificités du système CAUTRA... ! En d'autres termes, ce système sera difficilement exporté .

L'industrie européenne serait plus forte, et l'usager serait moins taxé, si les mêmes équipements, sur la base d'un appel d'offres à l'échelle de la Communauté, étaient en service dans toute l'Union européenne. Un premier exemple en est la fourniture de stations de travail ODS au Centre de Maastricht (Eurocontrol) et à la DFS. Ces stations sont construites par Thomson et Siemens-Plessy. L'effort de recherche n'aurait plus à être Purement national, et donc particulièrement coûteux. L'idéal serait un « Airbus de l'ATC ». »

Votre commission souhaite que le Gouvernement s'efforce d'améliorer la cohérence entre les programmes français et européen dans le domaine de la navigation aérienne.

- Les crédits relatifs aux équipements et aux études et essais sur la sécurité, la réglementation et le contrôle technique s'élèvent pour 1997 à 3,18 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement en baisse de 12.1 %. Cette dotation est destinée à la poursuite des études liées à la sécurité aérienne.

- Pour ce qui concerne la formation aéronautique, les dotations s'élèvent à 20 millions de francs en autorisations de programme (-39,3 %) et à 11 millions de francs en crédits de paiement -66,6 %). Cette diminution se justifie par la baisse d'activité liée à la conjoncture du transport aérien et à la standardisation des types d'avions exploités. Cette enveloppe sera utilisée pour le renouvellement du matériel de simulation.

- S'agissant des bases aériennes, les crédits sont de 351 millions de francs en autorisations de programme (soit +7,2 %) et 306,6 millions de francs en crédits de paiement (soit +6,38 %) si l'on ne tient pas compte des crédits affectés au siège de la DGAC. Ces moyens sont destinés aux infrastructures et aux normes de sûreté qui comportent, dans la perspective d'une mise en service avant l'an 2000 :

. la généralisation de la mise en sécurité de l'accès aux zones réservées sur les trente quatre plus grands aéroports commerciaux ;

. la modernisation du contrôle des bagages de soute pour les vols internationaux et de contrôle des accès.

Il faut ajouter à ces crédits, ceux destinés à la construction du nouveau siège de la DGAC (53 millions de francs en autorisations de programme et 100 millions de francs en crédits de paiement), qui devrait être financée par des cessions immobilières.

- Enfin, les charges de personnel devraient s'accroître de 4,1 %. Il est prévu de créer 161 emplois techniques qui permettront de poursuivre les recrutements afin de pallier les départs à la retraite à partir de l'an 2000.

L'aviation civile est, par ailleurs, destinataire de subventions du Fonds de péréquation des transports aériens.

II. LES CRÉDITS INSCRITS AU BUDGET GÉNÉRAL SOUS L'INTITULÉ « TRANSPORTS AÉRIENS »

Les dotations « transport aérien » sont essentiellement des crédits d'avances remboursables destinés aux programmes aéronautiques. Elles se montent, en 1997, à 762 millions de francs en crédits de paiement, en baisse de 31,4 % par rapport à 1996, et à 815 millions de francs de programme, en diminution de 4,2 %.

Cette diminution résulte, en premier lieu, de l'entrée en phase d'achèvement de plusieurs programmes aéronautiques (A 330/340 ; Falcon 2000). En effet, les avances remboursables sont toujours d'un montant plus important en début qu'en fin de programme. Logiquement, elles diminuent au fur et à mesure de l'industrialisation.

La baisse constatée résulte aussi, assez largement, du transfert de certaines dépenses de recherche sur le budget de la défense. Jusqu'en 1994, les dépenses de recherche portant sur l'aéronautique civile étaient financées en majorité par le budget des transports. Le budget de la défense n'en assurait qu'une faible quote-part.

Rappelons que le projet de loi de finances pour 1995 avait opéré un basculement dans le sens de ce que votre rapporteur pour avis avait souhaité dès 1993 : il avait inscrit une large part des crédits de recherche aéronautique au budget de la défense, en raison du fait que la recherche fondamentale en la matière bénéficie, à la fois, aux programmes civils et militaires.

Tel est encore le cas dans le projet de loi de finances pour 1997, qui a inscrit au titre des crédits destinés à la recherche-amont du ministère de la Défense : 680 millions de francs, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, soit un montant identique à celui voté en 1996.

Un tel choix permet de faire évoluer notre système de soutien à l'industrie aéronautique vers une accentuation des soutiens à la « recherche amont », ce qui le rapproche de celui existant aux États-Unis. Cette politique peut donc être approuvée, en cela qu'elle expose moins nos mécanismes budgétaires aux critiques d'outre-Atlantique.

Votre commission pour avis continue, en effet, à rester préoccupée par les conditions d'application de l'accord du GATT du 17 juillet 1992 relatif aux soutiens à l'industrie aéronautique, dans la mesure où les soutiens indirects apportés à l'industrie américaine sont moins nettement détectables que nos mécanismes d'aide directe.

III. LE FONDS DE PÉRÉQUATION DES TRANSPORTS AÉRIENS DEVRAIT FAIRE FACE À SES ENGAGEMENTS JUSQU'EN 1998

Rappelons que le « troisième paquet » de libéralisation du transport aérien communautaire a mis fin au dispositif d'aménagement du territoire appliqué jusqu'au 1 er janvier 1995 au transport intérieur français. Ce système était fondé, d'une part, sur l'exclusivité d'exploitation et la péréquation interne de la compagnie Air Inter et, d'autre part, sur l'exploitation par des transporteurs régionaux d'un certain nombre de liaisons complémentaires faisant l'objet de subventions accordées par les collectivités territoriales ou d'autres personnes publiques intéressées, dans le cadre de conventions conclues avec chaque transporteur aérien.

Le principe général étant désormais la concurrence sur toutes les liaisons communautaires, ce système ne pouvait perdurer et la convention d'exclusivité d'Air Inter a pris fin le 31 décembre 1995.

Afin de maintenir des dessertes aériennes non rentables dans un objectif d'aménagement équilibré du territoire, l'article 35 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et opérée par l'article 46 de la loi de finances pour 1995 ont institué le Fonds de péréquation des transports aériens (FNTA).

Ce Fonds permet de subventionner certaines liaisons structurellement « non rentables » dans le respect des exigences fixées par le règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons intracommunautaires, qui reconnaît la notion d'obligations de service public.

Après avoir été ramenée de 4 francs à 3 francs en 1996, la taxe qui alimente le FPTA serait ramenée à 1 franc par passager embarqué dans tout aéroport français (à l'exception de la Corse et des départements d'outre-mer), en vertu du projet de loi de finances pour 1997.

Une analyse détaillée de l'équilibre financier prévisionnel du FPTA d'ici 1998, fondée sur les chiffres communiqués par le ministère à votre rapporteur pour avis, montre que les recettes du Fonds devraient lui permettre de faire face à ses engagements et, au-delà, de dégager un solde.

Les estimations pour 1996

Les versements effectués en 1996 devraient s'élever à environ 78 millions de francs, dont la majeure partie (environ 62 millions de francs) représente les versements effectués au titre du régime transitoire pour 1995 (en application de l'article 29 de la loi « transports » n° 96-151 du 26 février 1996). En effet, à ce jour, seulement 14 conventions ont été signées et si les deux premières liaisons ont changé de régime juridique le 1 er avril 1996 (ce qui a permis pour ces premières liaisons de verser deux acomptes sur l'exercice 1996), la plupart des liaisons ne pourront faire l'objet que d'un seul acompte sur 1996, voire d'aucun dans le cas des dernières conventions signées. Le total de ces acomptes s'élève à environ 16 millions de francs.

À la fin 1996, le bilan de trésorerie serait donc, comme à fin 1995, très largement positif, à près de 84 millions de francs.

Les estimations pour 1997

1997 devrait constituer, en fait, le premier exercice approchant le rythme de croisière. En l'état actuel des dossiers, ceux finalisés par une convention dûment signée et ceux pour lesquels la convention n'est pas encore signée, mais pour lesquels la procédure est bien avancée, on peut estimer à environ 46 millions de francs les versements à effectuer en 1997.

À ce montant, devraient être ajoutés :

- d'une part, une dizaine de millions de francs suite à l'intégration dans le Fonds des liaisons intéressant les collectivités territoriales de Saint-Pierre et Miquelon et de Mayotte, le décret correspondant étant en cours de préparation ;

- et, d'autre part, une somme évaluée entre 85 et 90 millions de francs, à valoir comme provision correspondant à l'étude en cours d'une extension du régime spécial institué par l'article 29 de la loi 96-151 précitée, soit au titre de l'exercice 1995. soit au titre de l'exercice 1996 (dans ce dernier cas pour la période allant du 1 er janvier à la date de début d'exploitation dans le nouveau cadre juridique).

En conséquence, à fin 1997, la trésorerie du Fonds serait encore très substantielle : 70 millions de francs environ, avec extension du régime spécial sur 1995 et 1996, pouvant aller jusqu'à 155-160 millions de francs sans aucune extension du régime transitoire (compte tenu des 42 millions de francs de recettes en 1997, sur la base d'une taxe fixée à 1 franc par passager et environ 42 millions de passagers annuels).


• Les estimations pour 1998

En 1998, le régime de croisière sera pleinement atteint, avec environ 60 millions de francs de versements prévus (50 millions de francs pour les conventions signées et attendues à ce jour, et 10 millions de francs pour Saint-Pierre et Miquelon et Mayotte), soit à fin 1998 un solde de trésorerie de 52 millions de francs environ (dans le cas le plus pénalisant).

De nouveaux dossiers d'éligibilité seront, certes, étudiés pendant les deux ans à venir. D'après les renseignements fournis par le ministère à votre rapporteur pour avis, on constate cependant que, d'ores et déjà, pratiquement toutes les liaisons existantes nécessitant une compensation financière ont fait l'objet d'une procédure, et sont donc prises en compte dans les bilans exposés ci-dessus.

Pour que de nouveaux dossiers, correspondant donc à des créations de liaisons, puissent déboucher sur des versements, il est nécessaire, d'une part que les liaisons soient déclarées éligibles au FPTA, et, d'autre part, que toute la procédure conduisant à la sélection d'un transporteur arrive à son terme, ce qui suppose que pour les liaisons considérées la Commission européenne n'ait pas d'objection à la publication des obligations de service public et des appels d'offres correspondants.

Pour ce qui concerne l'éligibilité, des critères doivent être respectés . Ils figurent dans le décret n° 95-698 du 9 mai 1995.

Rappelons que, pour être éligibles au Fonds de péréquation, les liaisons doivent remplir simultanément les conditions suivantes :

- leur trafic doit être compris entre 10.000 et 150.000 passagers par an ;

- la liaison doit relier deux aéroports dont l'un au moins n'a pas dépassé un trafic total de 1,5 million de passagers lors de l'année précédente ;

- aucune liaison ferroviaire ou maritime d'une durée de moins de deux heures et demie ne doit pouvoir se substituer à la liaison aérienne ;

- aucun acheminement alternatif au départ d'un aéroport accessible en moins de trente minutes ne doit exister.

Outre ces critères, il est tenu compte de la fréquence de la liaison. Celle-ci doit être au minimum de deux aller-retour par jour ouvrable pendant au moins 48 semaines par an et au maximum de 21 aller-retour par semaine sur toute l'année. Ce minimum de 48 semaines par an devrait être amené à 47, les jours fériés étant exclus du calcul des références.

Il faut cependant souligner que le plafond maximum de 150.000 passagers n'est pas dirimant pour une liaison à créer.

L'attitude de la Commission est dictée par le strict respect des dispositions de l'article 4 du règlement n° 2108/92 qui requiert que soient démontrés le caractère vital de la liaison et l'adéquation des obligations au besoin. Une des dispositions fait, qu'en particulier, un appel d'offres ne peut pas être lancé pour une liaison sur laquelle plus de 30.000 sièges sont offerts, lorsqu'il existe d'autres transports adéquats et continus pour arriver à la même destination.

Compte tenu des contraintes en vigueur, le ministère considère que l'on ne peut envisager qu'un grand nombre de nouvelles liaisons puissent à l'avenir bénéficier d'une compensation financière du FPTA. De ce fait, il considère comme confortable le solde d'environ 50 millions de francs (voire 135-140 millions de francs s'il n'y a pas d'extension du régime provisoire sur 1995 et 1996), en dépit de la baisse à 1 franc de la taxe.

Les tableaux ci-après récapitulent l'ensemble des données ainsi exposées.

ÉQUILIBRE FINANCIER PRÉVISIONNEL DU FPTA

1 - Estimation des interventions

Au titre du régime transitoire 1995

appels d'offres parus avant le 30 avril 1996 61,7 MF

appels d'offres paris avant le 31 juillet 1996 22,7 MF

(si adoption texte législatif dans la loi de finances rectificative)

Au titre du régime transitoire 1996 (si adoption de la loi) 65,0 MF

Régime normal 1996 15,7 MF

Régime normal 1997 45,7 MF

Saint-Pierre et Miquelon/Mayotte 1997 10,0 MF

Régime normal 1998 50,0 MF

Saint-Pierre et Miquelon/Mayotte 1998 10,0 MF

2 - Equilibre recettes/engagements (en millions de francs)

Les chiffres ne tiennent pas compte de nouveaux dossiers qui pourraient être présentés, mais la marge reste confortable.

Source Ministère des transports

Après avoir entendu les observations de votre rapporteur pour avis, votre commission a néanmoins décidé d'adopter un amendement tendant à maintenir cette taxe à 3 francs. En cas d'échec de cet amendement, elle s'est réservée la faculté de présenter un amendement transactionnel fixant cette taxe à 2 francs.

CHAPITRE II LE TRANSPORT AÉRIEN : QUEL AVENIR POUR LES AILES FRANÇAISES DANS LE CONTEXTE MONDIAL ET EUROPÉEN ?

Initié par les États-Unis en 1977, un processus de libéralisation du transport aérien international a été engagé dans la dernière décennie.

Il s'est traduit au sein de l'Union européenne par la mise en oeuvre de trois « paquets » de mesures, dont le dernier est entré en vigueur depuis le 1 er janvier 1993. La libéralisation en ce domaine y est donc quasiment totale, à l'exception de quelques restrictions en matière de cabotage qui seront levées le 1 er avril 1997.

Cette ouverture à la concurrence a bouleversé l'espace aérien. Dans ce contexte, la question qui se pose aujourd'hui, et elle est fondamentale, est la suivante : quelle sera la place des ailes françaises dans le ciel européen demain ?

I. LE CONTEXTE MONDIAL ET EUROPÉEN

A. LE TRANSPORT AÉRIEN MONDIAL : L'EMBELLIE

L'embellie que connaît le transport aérien mondial se traduit par la croissance tant du trafic que des résultats des compagnies. Son activité s'inscrit dans un cadre mondial en évolution.


• La croissance du trafic

Depuis deux ans, le trafic aérien mondial a retrouvé le niveau de croissance qu'il avait atteint à la fin des années quatre-vingts. Selon l'IATA (International Air Transport Association), le trafic total exprimé en tonnes-kilomètres-transportés, a progressé de 8,4 % en 1994 et de 6,4 % en 1995. Si l'on ne prend en compte que le trafic international, ces taux de croissance sont encore plus élevés : ils s'établissent à 10,1 % en 1994 et 8,2 % en 1995.

Les résultats du premier semestre 1996 confirment les évolutions constatées : le trafic passagers des 239 compagnies membres de l'IATA a crû de 9 %. Les prévisions de croissance sont de l'ordre de 6 % par an pour les passagers comme pour le fret d'ici à l'an 2000.


• La hausse des bénéfices

Après avoir connu des pertes énormes de 1990 à 1993, les compagnies aériennes mondiales renouent avec les bénéfices depuis 1994. Ces derniers ont triplé en 1995 pour s'élever à 5,2 milliards en 1995. Ces bons résultats résultent de facteurs conjoncturels -telle que la baisse du prix du kérosène-, mais surtout de phénomènes structurels liés aux politiques rigoureuses d'économies menées par les compagnies américaines et européennes.


• Les perspectives ouvertes par l'Accord général sur le commerce des services

Pour l'instant, l'Accord général sur le commerce des services (GATS) a exclu de son champ d'application les droits de trafic et les services qui y sont directement liés. L'annexe sur les services de transport aérien a limité la libéralisation à trois secteurs périphériques : les services de réparation et de maintenance des aéronefs, la vente ou la commercialisation des services de transport aérien et les systèmes informatisés de réservation (SIR).

Toutefois, une disposition de l'Accord indique que « le Conseil du commerce des services examinera périodiquement, et au moins tous les 5 ans, l'évolution de la situation dans le secteur des transports aériens et le fonctionnement de la présente annexe en vue d'envisager la possibilité d'appliquer plus largement l'Accord dans ce secteur » .

Sans être directement contraignante, une telle disposition s'inscrit dans la dynamique d'une libéralisation des droits de trafic.

B. LE TRANSPORT AÉRIEN EUROPÉEN : LA DERNIÈRE ÉTAPE VERS LA LIBÉRALISATION

La libéralisation du secteur du transport aérien se poursuit, avec les opportunités qu'elle ouvre aux compagnies, mais aussi son cortège d'inquiétudes et d'interrogations sur les risques de « dumping social » et de délocalisations, la concurrence des compagnies extra-européennes et l'avenir de la navigation aérienne dans un ciel européen de plus en plus encombré.

1. L'ouverture du ciel européen sera totale au 1er avril 1997

Dernière étape du processus de déréglementation engagé en Europe, les dernières mesures du « troisième paquet » de libéralisation du transport aérien entreront en vigueur le 1 er avril 1997, avec l'introduction de la liberté de cabotage dans l'espace économique européen, c'est-à-dire les Pays de l'Union européenne, la Norvège et l'Islande.

Les liaisons intra-communautaires sont d'ores et déjà libres d'accès. Sur le marché français, cela s'est notamment traduit par l'accès à la plate-forme d'Orly des compagnies européennes : Sabena, KLM, Lauda Air, Lufthansa, British Airways, Air UK et British Midlands qui exploitent aujourd'hui des vols au départ de cette plate-forme vers leurs pays respectifs.

Seul l'accès aux lignes domestiques reste limité au cabotage consécutif, c'est-à-dire aux liaisons effectuées en prolongement de services aériens internationaux, sous réserve que la capacité offerte pour le cabotage n'excède pas celle offerte pour le service de base. Aujourd'hui, en France, seule Alitalia profite de cette possibilité en exploitant les liaisons Lyon-Nantes et Lyon-Toulouse en prolongement des lignes Lyon-Milan et Lyon-Rome. Cette restriction sera levée le 1 er avril 1997, date à laquelle l'accès à l'ensemble des liaisons sera libre pour tous les transporteurs communautaires, quel que soit leur pays d'origine. L'ouverture des lignes intérieures à la concurrence, effective depuis le 1 er janvier 1996 entre transporteurs français, sera étendue à toutes les compagnies européennes.

De même, de nouvelles opportunités s'ouvriront ainsi aux compagnies françaises, qui doivent se mettre en position de les saisir.

2. Le transport aérien connaîtra-t-il les mêmes affres que le transport maritime ?

Mais, le vent de la libéralisation ne s'arrêtera pas là. N'oublions pas qu'au 1 er janvier 1998, la libre circulation des brevets et licences autorisera les compagnies aériennes à employer du personnel navigant technique étranger.

Les risques de « dumping social » sont réels dans le secteur. Avec lui, la menace des délocalisations, telle qu'on l'a connue dans le domaine maritime avec l'émergence des pavillons de complaisance, pèse également sur le transport aérien.

Votre commission juge essentiel que toute mesure de libéralisation s'accompagne de mesures d'harmonisation techniques et sociales.

D'une part, l'industrie du transport aérien se prête, comme tout autre secteur d'activité, à la sous-traitance extérieure de services. Nous savons ainsi que Swissair a délocalisé ses services de comptabilité en Inde et que Lufthansa s'apprête à délocaliser en Chine une grande partie de sa maintenance. Toutefois, le transport aérien est caractérisé par le fait que l'accès au marché reste d'une manière générale réglementé : il n'est libéralisé qu'au sein d'entités régionales, comme la Communauté européenne. En conséquence, le recours au pavillon de complaisance est limité, dans la mesure où ce pavillon n'a pas reçu de droit de trafic.

Ainsi, dans le cas des délocalisations évoquées ci-dessus, l'État d'immatriculation ne change pas et si une partie des services est délocalisée, ceci doit se faire dans un cadre agréé par l'État d'immatriculation, qui garde ses responsabilités techniques. Ceci est une contrainte sur les opérations de délocalisation, qui n'est certes pas insurmontable, mais qui continue à s'imposer en l'absence de mesures de libéralisation.

D'autre part, les moyens de production du transport aérien se caractérisent par une grande mobilité, renforcée dans de nombreux cas par un réseau commercial et un réseau spécifique de communications à l'échelon mondial.

Par voie de conséquence, des prestations de services avec des moyens matériels et humains (avions et équipages) extracommunautaires sont possibles, soit par des détachements de personnels, soit par l'affrètement de compagnies extracommunautaires. Et c'est le recours intensif à ces moyens, tel que l'on a pu le constater dans le transport maritime, qui pourrait à l'avenir poser de graves problèmes.

Ceci d'autant plus que, dans un contexte de concurrence toujours plus vive, les compagnies sont incitées à réduire leurs coûts pour renforcer leur compétitivité.

Il faut impérativement éviter les conséquences dramatiques sur l'emploi de telles tentations. Nous devons tirer les leçons du marasme que connaît notre transport maritime pour éviter pareil désastre, ceci tant au niveau français que communautaire.

De quels moyens disposons-nous à cet effet ?


• Au niveau français

L'affrètement d'une compagnie extracommunautaire est soumis à autorisation. Nous avons donc un moyen de contrôle direct, qu'il nous faut employer.

Pour ce qui concerne le détachement de personnels, l'article L. 341.5 du code du travail prévoit que les travailleurs détachés sur le territoire français pour l'exécution d'une prestation de services effectuée sur le territoire national sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles françaises.

Cette règle connaît cependant quelques difficultés d'application dans le domaine du transport aérien (notamment liées à la notion de territoire), concernant le travail à bord d'un aéronef.

Votre commission souhaite que le Gouvernement clarifie cette situation.

En outre, l'application de mesures en France doit, pour être efficace dans le cadre de l'achèvement du marché intérieur, trouver un prolongement au niveau communautaire.


• Au niveau communautaire

Dans cet esprit, la France a proposé à nos partenaires des mesures concrètes, en vue de :

- surveiller effectivement la situation des emplois dans le transport aérien ;

- garantir une concertation efficace avec les partenaires sociaux, au niveau européen ;

- encadrer, par des règles adaptées et facilement contrôlables, les conditions d'exploitation dans le transport aérien afin d'éviter des dérives contraires aux objectifs sociaux annoncés.

Une proposition de résolution a ainsi été adoptée par le Conseil, le 14 mars 1995. Elle demande à la Commission européenne d'entreprendre des études sur la situation actuelle en matière de recours à des ressources extracommunautaires et sur les perspectives d'évolution de cette situation. De plus, la Commission est invitée à expliciter les dispositions communautaires relatives aux limites imposées pour l'affrètement de compagnies extracommunautaires (notions de besoins exceptionnels et de durée limitée).

Par ailleurs, il a été jugé nécessaire de constituer au sein de la Commission européenne de l'aviation civile (CEAC) qui regroupe 33 états, un groupe de travail pour réfléchir très spécifiquement à la question des affrètements.

Il convient enfin de noter qu'une directive générale sur le détachement des travailleurs a été adoptée par le Conseil (affaires sociales). Ceci devrait permettre de lancer des travaux pour la préparation de règles spécifiques au transport aérien.

Ces résultats semblent cependant bien minces au regard de l'urgence et de la gravité du problème. Il faut aller plus loin et plus vite. Dans cet esprit, votre commission soutient la nécessité d'une harmonisation rapide en Europe des règles sociales, des conditions d'emploi des navigants (durée du travail...) et des conditions techniques d'utilisation des aéronefs.

Il convient également d'élaborer des règles plus précises et plus strictes sur les affrètements extracommunautaires.

On ne peut libéraliser sans garde-fous.

3. L'Union européenne doit mener une politique extérieure commune, notamment à l'égard des États-Unis

La mise en oeuvre du troisième paquet de libéralisation, qui parachève la construction du marché intérieur, rend urgente la prise en compte, au plan communautaire, d'une dimension extérieure de la politique du transport aérien.

Or, en ce domaine, les divergences d'intérêt entre États membres paralyse malencontreusement l'Union européenne.

Comme le souligne le rapport 2 ( * ) de notre collègue député, M. Dominique Bussereau :

« La situation géographique des pays membres dans l'Europe, l'importance des marchés nationaux, l'histoire des pratiques commerciales l'état financier des compagnies, sont au nombre des éléments qui expliquent que, dans le transport aérien, autant sinon plus qu'ailleurs, les intérêts face aux pays tiers sont loin de converger ».

Les relations avec les États-Unis en sont la meilleure illustration.

Les Américains ont vis-à-vis de l'Europe une stratégie bien arrêtée, Ils souhaitent obtenir une libéralisation totale des relations aériennes sur l'Atlantique Nord et faire accepter par les pays européens, individuellement ou collectivement, une politique dite de « ciel ouvert » aux termes de laquelle toute compagnie sera libre d'exploiter n'importe quelle route, avec tous les droits de 3e. 4e et 5e libertés, en offrant n'importe quelle capacité et quasiment n'importe quel tarif.

Leur libéralisme connaît toutefois aujourd'hui deux limites : leur refus, d'une part, de concéder à des compagnies étrangères des droits de cabotage aux États-Unis et, d'autre part, d'autoriser ces compagnies à prendre le contrôle effectif de compagnies américaines.

Face à cette politique, les Européens ont adopté des positions très diverses.

Les Pays-Bas ont signé le premier accord de ce type en septembre 1992.

Depuis cette date, neuf états (F Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg et la Suède, membres de l'Union européenne, ainsi que l'Islande, la Norvège et la Suisse) ont signé l'accord proposé par les autorités américaines au cours du premier semestre 1995. Ils ont été rejoints début 1996 par l'Allemagne. Les États membres signataires d'accords de « ciel ouvert » avec les États-Unis sont donc désormais majoritaires au sein de l'Union européenne. Seuls, à des degrés divers, le Royaume-Uni, la France, l'Italie, la Grèce et l'Espagne restent à l'écart de cette évolution.

Les accords conclus avec ces onze états sont pratiquement identiques et leurs principales dispositions sont les suivantes :

- possibilité d'opérer de tout point sur son territoire, via des points intermédiaires, vers tout point sur le territoire de l'autre partie et au-delà avec droits de trafic illimités sur tous les points ;

- absence de limite au nombre de transporteurs et aux capacités qu'ils peuvent mettre en oeuvre ;

- liberté tarifaire totale ;

- libéralisation complète des vols cargo et des vols charters.

La compatibilité de certaines dispositions de ces accords avec le droit communautaire est contestée par la Commission européenne.

Il s'agit, notamment, de celles relatives à l'activité des transporteurs américains sur tout ou partie du marché intérieur (octroi de droits de Sème liberté intra-communautaires, application des clauses du « 3 ème paquet » sur ces liaisons) et à l'application, aux transporteurs communautaires, des dispositions du Traité relatives au droit d'établissement.

Il est susceptible d'en être de même dans d'autres domaines : certificats et licences, droits de douanes et taxes, créneaux horaires, systèmes informatisés de réservation, sécurité de vols, sûreté, environnement, emploi des personnels navigants, affrètements, assistance en escale, ainsi qu'en matière de concurrence et de compétence des juridictions européennes.

Parallèlement à la conclusion de ces accords, les autorités américaines ont accordé, pour une durée de 5 ans, l'immunité antitrust aux alliances développées entre transporteurs américains et européens (United/Lufthansa/SAS, Northwest/KLM, Delta/Sabena/Swissair/Austrian).

Dans ce cadre, les entreprises concernées peuvent non seulement commercialiser en partage de codes leurs vols, mais aussi intégrer leurs exploitations dans tous les domaines, y compris tarifaires et financiers.

L'objectif américain est clairement affiché. Il s'agit d'obtenir une « masse critique », permettant, grâce à une dynamique libérale puissante, de débloquer la situation entre l'Europe et les États-Unis dans un sens favorable aux intérêts américains.

Dans cette perspective, la disparité des attitudes européennes favorise à l'évidence l'action américaine.

Afin d'éviter une situation irréversible de nature à interdire toute action coordonnée européenne autre qu'une simple adhésion aux thèses américaines, la France a suggéré la définition d'un « socle de principes communs » permettant d'éviter une dispersion des positions européennes.

Par ailleurs, le Conseil Transport de juin 1996 a confié à la Commission européenne un mandat de négociation.

Celle-ci est chargée d'explorer avec les autorités américaines la possibilité de définir un environnement réglementaire permettant aux transporteurs américains et communautaires d'opérer dans des conditions de concurrence comparables.

Le mandat de la Commission ne pourra être élargi aux droits de trafic que dans la mesure où des progrès significatifs auront été accomplis dans ce premier domaine et si les États membres estiment qu'une démarche communautaire est plus efficace que le système bilatéral pour traiter des droits de trafic.

Votre commission aimerait connaître l'état d'avancement des négociations à ce stade.

Notons que, parallèlement, la Grande-Bretagne poursuit des négociations bilatérales approfondies avec les États-Unis et Air France a conclu des accords avec deux compagnies américaines, comme on l'exposera ultérieurement.

4. Quelle sera la navigation aérienne de demain en Europe ?

a) le phénomène d'encombrement du ciel aérien

On peut mesurer l'évolution du phénomène d'encombrement de l'espace aérien à travers celle de la ponctualité des vols.

À cet égard, 1995 a marqué une très nette dégradation de la situation et celle-ci ne se présente pas sous un angle plus favorable pour 1996. En moyenne, 18,40 % des vols ont été retardés de plus de quinze minutes sur l'année. Ces retards sont imputables au contrôle de la navigation aérienne, aux aéroports et aux compagnies aériennes.

Pour ce qui concerne le retard moyen imputable au contrôle du trafic aérien, selon l'Association internationale du transport aérien (IATA), celui-ci est demeuré inférieur à quatre minutes au départ des aéroports parisiens en 1995 (à l'exception du mois de décembre), ceci dans un contexte d'augmentation forte et continue du trafic aérien.

Au-delà des chiffres, l'évolution des retards est très mal ressentie par les usagers, même si elle s'explique partiellement par la forte croissance du nombre de vols au cours des dix dernières années. En outre, ces retards ont un coût non négligeable . Ainsi, la Commission européenne évalue à environ 2 milliards de francs le coût des retards dus au contrôle de la navigation aérienne, soit environ 5,5 % du coût total des services aériens intra-européens.

Cette situation incite à faire le point des actions menées par l'Union européenne dans le cadre d'Eurocontrol, ceci d'autant plus que la convention ayant créé cette Agence est en cours de révision.

b) Les activités et les perspectives d'évolution d Eurocontrol

Eurocontrol regroupe aujourd'hui 22 États. Tous les grands pays d'Europe occidentale (à l'exception de l'Espagne, dont l'adhésion est prévue pour fin 1996) font donc partie de cette organisation.

Le rôle d'Eurocontrol, qui est resté limité de sa création en 1960 jusqu'en 1985, a été renforcé à partir de cette date, avec la mise en place du centre européen de gestion des flux de trafic aérien (CFMIJ) à Bruxelles, puis le lancement du programme d'harmonisation et d'intégration du contrôle de la navigation aérienne en Europe (programme EATCHIP).

Le CFMU , projet lancé en 1988, est opérationnel pour la France depuis avril 1995 et pour l'ensemble des pays européens de la Conférence européenne de l'Aviation civile (CEAC) depuis avril 1996. Cette fonction de régulation du trafic était assurée jusqu'à présent dans cinq États avec des difficultés de coordination entre les différentes unités de régulation. Par la connaissance de l'ensemble de la demande de trafic aérien en Europe, la CFMIJ peut optimiser de façon plus précise son écoulement en Europe en fonction des capacités disponibles dans les différents centres de contrôle. Tous les acteurs du système de contrôle, y compris les usagers, considèrent que le projet CFMU est un succès.

Le programme EATCHIP , quant à lui, a été confié à Eurocontrol en 1990. Ce programme d'harmonisation et d'intégration progressive des systèmes de contrôle de la navigation aérienne européen pour accroître la capacité à court et moyen terme commence à porter ses fruits. On assiste a l'amélioration des coordinations entre pays, par l'échange de données radar, de données plans de vol. et par l'interconnexion des réseaux de communication. Par ailleurs, les programmes de recherche coordonnes entre les différents États sont de plus en plus nombreux, et conduisent a des spécifications communes pour les nouveaux systèmes. Enfin, des systèmes opérationnels destinés aux États membres commencent à être produits sous maîtrise d'ouvrage de l'Agence.

Une prochaine étape, qui devrait renforcer le rôle d'Eurocontrol dans l'intégration des systèmes de contrôle en Europe se dessine , compte tenu des évolutions institutionnelles en cours. Celles-ci devraient se concrétiser en février 1997 , lors de la prochaine réunion des ministres des transports des 33 pays membres de la Conférence européenne de l'Aviation civile (CEAC) à Copenhague.

En effet, une réflexion de fond a été lancée depuis plusieurs années au sein d'Eurocontrol pour amender la convention actuelle qui lie États membres et l'Agence. Les objectifs principaux étaient, d une part, adapter la structure juridique aux nouvelles tâches de l'agence, notamment l'exploitation de la CFMU et le programme EATCHIP et, d'autre part, de renforcer le mécanisme décisionnel en donnant une plus grande place au vote majoritaire.

Parallèlement, pour répondre aux critiques des usagers et sous la pression des compagnies aériennes, en particulier des associations internationales qui réclament une plus grande intégration des systèmes de contrôle en Europe afin de réduire les retards générés par le contrôle de la navigation aérienne, tant la Commission européenne que la CEAC ont réfléchi à l'évolution des institutions européennes en matière de navigation aérienne.

Les proposions de la Commission européenne dans le domaine du contrôle aérien figurent dans son Livre Blanc : « la gestion du trafic aérien vers un espace aérien européen sans frontière », paru au printemps 1996. Commission propose, d'une part, le renforcement des pouvoirs de l'Agence Eurocontrol et. d'autre part, la participation de la Communauté européenne en tant que membre d'Eurocontrol, par le biais de la Commission elle-même, avec des compétences exclusives ou partagées avec les États membres suivant les domaines.

Si le renforcement des pouvoirs de l'Agence est déjà largement couvert par le projet de nouvelle convention, l'opportunité d'une participation directe de la Commission européenne au fonctionnement de l'institution Eurocontrol ne paraît pas de nature à améliorer celui-ci.

Les travaux de la CEAC sur l'évolution des institutions européennes, lancés par les ministres en 1994 (dénommés travaux INSTAR) sont en voie d'achèvement. Sans préjuger des décisions des ministres en février 1997, la solution proposée pourrait se baser sur la convention Eurocontrol, à laquelle des améliorations seraient apportées.

Selon le rapport d'information 3 ( * ) de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale sur le thème : « Faut-il une Europe de la navigation aérienne ? », les nouvelles structures d'Eurocontrol seraient les suivantes :

« . un organe supérieur de niveau politique élevé (assemblée générale) : les ministres des transports et de la défense auraient la responsabilité de définir la politique générale de l'organisation, l'objectif étant de les impliquer plus qu' `aujourd'hui dans la gestion d'Eurocontrol ;

. des enceintes spécialisées (comités permanents, groupes de travail ou d'étude, équipes de recherche) ;

. une agence sous l'autorité exclusive du directeur général, dont l'autonomie de gestion serait renforcée ;

. la possibilité de gérer certaines tâches dans un contexte privé plus commercial, prenant en compte les changements importants intervenus dans la gestion des services nationaux de contrôle aérien, qui fait appel, soit à la privatisation, soit à une certaine autonomie de gestion et financière ».

Le processus de décision serait largement basé sur le vote majoritaire, ce qui introduirait une certaine souplesse dans le fonctionnement de l'organisation, dont l'objectif est l'élargissement géographique de la CEAC, à l'ensemble de l'Europe.

Enfin, une participation systématique des usagers, en qualité d'observateurs, aux débats sur les questions opérationnelles et techniques et sous la forme de consultations régulières pour les questions stratégiques et financières, permettrait une meilleure prise en compte de leur point de vue.

Une telle réforme d'Eurocontrol apparaît souhaitable et positive.

II. UNE PÉRIODE DÉCISIVE S'OUVRE POUR LE PAVILLON FRANÇAIS

L'ouverture partielle à la concurrence depuis le 1 er janvier 1995 a entraîné le ciel hexagonal dans la tourmente de la libéralisation.

Un récent article d'un quotidien 4 ( * ) estimait que le transport aérien français était gravement malade et titrait : « les compagnies françaises ont mal de l'air ».

Sans tomber dans le catastrophisme, on peut partager cette inquiétude.

L'avenir du groupe Air France reste à conforter. L'avatar d'Air Liberté laisse un goût d'amertume. La situation d'AOM n'est pas enviable.

En bref , où va le transport français ?

À ce moment clé de l'histoire de notre transport aérien, seule une prise de conscience collective et une remise en cause de tous les acteurs du secteur permettront à la France de sortir vainqueur du formidable défi qui s'ouvre à elle et se résume à l'interrogation suivante : les ailes françaises seront-elles encore présentes dans le ciel européen du XXI e siècle ?

A. AIR FRANCE - AIR INTER EUROPE : VERS LA FUSION

1. Le redressement d'Air France

a) Le respect des objectifs du plan de redressement

Outre la restructuration d'Air France (qui sera évoquée ultérieurement), le plan de redressement de 1994 comportait deux volets principaux concernant la réduction des dépenses et l'accroissement des recettes de la compagnie.


• Une réduction des dépenses, avec son corollaire : l'augmentation de la productivité

La diminution des coûts de production a permis à Air France d'économiser, de 1993 à 1996, 2,3 milliards de francs par an. La compagnie va réduire ses achats d'au moins 3 milliards en trois ans, conformément à son plan de redressement.

La réduction des coûts n'a pas seulement porté sur les achats. Les charges de personnel ont diminué de 4,7 %. Sur les deux années 1994 et 1995, les effectifs auront été réduits de plus de 4.200 salariés, soit 85 % de l'objectif global de réduction sur la période du plan. Au 31 mars 1996, l'effectif total de la compagnie s'établissait à 36.180 agents équivalents temps plein.

Les investissements ont été réduits de 399 millions et les investissements aéronautiques représentent, en 1996, en paiement, 50 % du montant total des investissements. Ce pourcentage, en nette diminution par rapport à celui de 1995 (74 %), traduit la révision à la baisse de ces investissements, afin d'optimiser l'utilisation des flottes existantes. La productivité de la flotte est ainsi passée de 9,4 à 10,7 heures par jour depuis 1994.

Au total, Air France devrait respecter l'objectif d'amélioration de 30 % de sa productivité économique, sur la période des trois années de son plan . Dès la première année d'application de ce processus, une baisse de 9 % a été enregistrée sur les coûts unitaires de production (alors qu'ils s'étaient accrus de 2,5 % par an entre 1989 et 1993) et ces résultats sont en voie de consolidation. L'année 1995-1996 (avril 1995 - mars 1996) a vu une nouvelle baisse des coûts unitaires de 7,3 %.


• Des mesures tendant à accroître les recettes

Les mesures d'économies s'accompagnent de mesures visant à accroître les recettes : stratégie de reconquête des clients basée sur la rénovation de la gamme des produits en vol et au sol, mise en oeuvre d'un système de « yield management » performant afin d'optimiser la recette unitaire, et réorganisation du programme d'exploitation de la compagnie.

- Après la mise en oeuvre du nouveau produit moyen-courrier « Espace Europe » au printemps 1995. Air France a modifié l'aménagement intérieur de ses avions long-courrier en lançant la gamme « Espace 127 » et « Espace 180 », à l'automne 1995. sur les lignes long-courrier Amérique et Asie.

La compagnie a également rendu plus attractif son programme de fidélisation, devenu d'ailleurs commun à Air France et à Air France Europe, à compter d'avril 1996.

- Par ailleurs. Air France se dote actuellement des nouvelles technologies permettant, d'une part, de bâtir une tarification cohérente sur l'ensemble des marchés sur la base notamment d'un suivi de la totalité des prix pratiqués par la concurrence « (« Pricing ») et, d'autre part, d'optimiser la gestion des recettes vol par vol, en s'appuyant sur la décomposition et la nature des flux de trafic étudiés par origine et destination (Yield Management). Votre rapporteur se félicite de la mise en oeuvre de ces outils qui devraient être pleinement opérationnels pour la saison aéronautique d'hiver 1996/1997,

- La réorganisation du programme d'exploitation d'Air France Procède aussi bien de la politique de réduction des coûts (abandon des liaisons marginales, afin d'améliorer l'utilisation des appareils et la productivité des équipages) que d'une stratégie de reconquête des clients. Ainsi, une première étape de restructuration du programme d'exploitation des vols des saisons aéronautiques été 1995 et hiver 1995/1996 a permis de densifier le réseau, avec un accroissement des destinations desservies quotidiennement, et de réduire le nombre de vols multi-escales.

La deuxième étape a constitué en la mise en service, en avril 1996, de la plate-forme de correspondances (ou « hub » ) à l'aéroport de Charles-de-Gaulle (CDG), compétitive vis-à-vis des « hubs » rivaux de Londres, Zurich, Francfort et Amsterdam. Les cinq plages de rendez-vous long courrier-moyen courrier ont ainsi permis de tripler le nombre de fréquences hebdomadaires « origine-destination ».

b) Des perspectives encourageantes, mais des résultats encore fragiles.

La recapitalisation a été menée à son terme

Rappelons que, le 27 juillet 1994, la Commission européenne avait autorisé l'État français à recapitaliser la compagnie nationale Air France à hauteur de 20 milliards de francs (10 milliards en 1994, 5 milliards en 1996). Les versements de 1995 et 1996 étaient subordonnés, d'une part, à la bonne exécution du plan de redressement de la compagnie et, d'autre part, au respect par les autorités françaises d'un certain nombre d'engagements.

Après s'être assurée du respect de ces engagements et déclarée satisfaite des progrès réalisés dans la mise en oeuvre du plan de redressement, la Commission européenne s'est prononcée favorablement au versement de la troisième tranche, d'un montant de 5 milliards de francs, le 24 juillet 1996.

Cependant, en réponse aux préoccupations de la Commission relatives à la persistance de certaines incertitudes dues, notamment, au fait que la plan « Reconstruire Air France » n'est pas encore arrivé à son terme et que les mesures du « Pacte de croissance compétitive » -qui doit succéder à ce plan- n'ont pas encore été approuvées, le Gouvernement français s'est engagé à ce que, sur ces 5 milliards de francs, 1 milliard soit versé sur un compte bloqué, cette somme pouvant être incorporée au capital à compter du 31 mars 1997, au vu d'un rapport détaillé sur l'état d'avancement au 31 décembre 1996 des mesures de redressement mises en oeuvre par la compagnie.

La croissance du trafic et des résultats

À l'exception de la période des grèves de la fin de l'année 1995, l'activité d'Air France s'est caractérisée par une croissance continue, tant pour le trafic passager que pour le fret.

La mise en place de la plate-forme de correspondances (« hub ») à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle a permis de renforcer cette croissance, avec une progression du trafic de 18,7 % au printemps 1996 par rapport au printemps 1995, pour une offre en hausse de 8,9 %. Le trafic correspondance a, quant à lui, progressé de 41 % . On peut, par ailleurs, se féliciter de l'embauche de 550 personnes, liée à la mise en place du « hub ».

Le taux d'occupation par les passagers s'est sensiblement amélioré, avec 76,2 % en juin 1996, contre 69.9 % un an plus tôt.

Pour la première fois depuis 1989, Air France affiche un résultat d'exploitation bénéficiaire (413 millions de francs) , alors que ses pertes d'exploitation s'élevaient à 903 millions de francs l'année précédente.

Le résultat courant avant impôts enregistre une amélioration de 2,2 milliards de francs, mais il s'établit toujours en perte à 968 millions de francs.

Le résultat net, qui s'élève à 2,872 milliards de francs, intègre une provision pour restructuration de près de 2 milliards de francs relative, d'une part, au plan de départ des personnels navigants commerciaux et, d'autre part, à des mesures sociales pour le personnel au sol. À l'inverse, le résultat de la même période sur l'année précédente prenait en compte d'importants produits exceptionnels liés à des cessions d'actifs (titres Air Inter et Méridien, immeuble Carlton).

La recapitalisation d'Air France a permis de réduire considérablement ses dettes financières. L'endettement net est passé de 33,6 milliards de francs au 31 décembre 1993 à 19,2 milliards de francs à la clôture du dernier exercice (31 mars 1996).

Les charges financières nettes pesant sur la compagnie sont, en conséquence, passées de 2,3 milliards de francs pour l'exercice 1994-1995 à 1,4 milliard de francs, en diminution de près de 40 %.

On peut, en outre, se réjouir de la récente annonce faite par Air France d'un bénéfice net de 802 millions de francs au premier semestre 1996.


• Ces résultats sont cependant fragiles et nécessitent une poursuite des efforts engagés

Si les résultats du plan de redressement sont encourageants, l'ensemble de ces mesures n'aura pas pour autant suffit à annuler complètement les effets négatifs de certains facteurs exogènes à Air France ayant entraîné une diminution des recettes réalisées en 1995 par rapport à 1994. Parmi ces événements extérieurs à la compagnie, il faut citer la suspension des services à destination de l'Algérie, la baisse du trafic consécutive aux protestations contre la reprise des essais nucléaires, ainsi qu'aux grèves dans le secteur public à la fin de l'année 1995. En outre, révolution des taux de change (notamment la baisse du dollar) contribue à expliquer cet écart.

Four le dernier exercice (avril 1995-mars 1996), le chiffre d'affaires a baissé et s'est établi à 39,1 milliards de francs, contre 39,8 milliards de francs pour l'exercice précédent.

La mise en place du « hub » était indispensable et ce dernier est certainement la clé de voûte du redressement d'Air France. Sa réussite a cependant un prix :

- l'adaptation de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle a coûté plus d'1 milliard de francs ;

- le trafic progresse, ce qui n'est pas le cas de la recette unitaire qui est trop faible et, en tout état de cause, inférieure à celle des principaux concurrents de la compagnie. Or, pour qu'Air France redécolle véritablement, sa politique doit lui permettre de dégager simultanément hausses du trafic et de la marge.

Cette insuffisance des recettes justifie qu'un nouveau plan soit en discussion, en vue de permettre à la compagnie de rattraper ses concurrents européens.

Or, ces derniers ne se croisent pas les bras en observant Air France ! Ils poursuivent eux-mêmes leurs efforts tendant à réduire les coûts et à faire progresser les recettes.

On peut évaluer à environ 5 % l'écart moyen de coût unitaire entre Air France et les grands compétiteurs européens. Si la compagnie ne prolongeait pas elle-même ses efforts de redressement et de productivité, cet écart serait de l'ordre de 15 % d'ici 3 ans.

Ces chiffres permettent de mesurer les progrès à accomplir.

C'est dans ce contexte que le « Pacte de croissance compétitive » -qui doit succéder au plan de redressement- est en cours de discussion.

D'abord envisagé pour la seule compagnie Air France, ce « Pacte » aura désormais pour objet d'assurer le développement de la nouvelle compagnie issue de la fusion prochaine d'Air France et d'Air France Europe et de préparer sa privatisation. Ce « Pacte » devrait permettre d'améliorer la compétitivité de l'entreprise et d'accroître ses parts de marché, grâce à une politique de développement de l'offre et une stratégie d'alliances internationales.

À cet égard, on peut se féliciter de l'aboutissement des efforts menés Par Air France, qui a enfin scellé l'alliance transatlantique qu'elle recherchait depuis plusieurs années.

Après avoir signé un accord de coopération avec Japan Airlines au mois de juin 1996, Air France a, en effet, annoncé le 16 octobre dernier la signature de deux accords de partenariat avec Delta Airlines, troisième compagnie américaine, et Continental Airlines, placée au cinquième rang des compagnies d'outre-Atlantique.

Le champ d'application de ces alliances serait étendu puisqu'il comprendrait le partage des numéros de vols (code sharing) et la mise en commun des programmes de fidélisation, des opérations commerciales et du marketing. En outre, les deux compagnies américaines s'installeraient au terminal 2 de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. « hub » du groupe Air France.

En s'associant avec ces deux « majors », Air France devrait être en mesure d'offrir à ses clients, dès l'été 1997, un accès considérablement amélioré à l'ensemble du territoire américain. De leur côté, Delta et Continental disposeront d'un accès plus aisé au premier marché domestique en Europe, d'une part, et au réseau international d'Air France, d'autre part.

Deux ans et demi après avoir raté son rapprochement avec American Airlines, la première compagnie américaine, Air France réussit ainsi à développer sa stratégie d'alliances, comme la plupart des compagnies européennes.

La compagnie devra impérativement poursuivre cette stratégie, en particulier en créant des alliances avec des compagnies asiatiques.

2. La réorganisation du groupe Air France : vers la fusion

Initialement, avait été décidé le regroupement de l'ensemble des lignes moyen courrier du groupe (c'est-à-dire les activités de l'ex-Air Inter et celles du centre de résultat « Europe » d'Air France), selon une logique de métier.

Ce projet a été abandonné à la fin du mois de juin dernier, en raison de la forte opposition d'une partie notable des personnels, les syndicats de pilotes d'Air France Europe refusant notamment de signer un accord sur des règles communes de rémunération et d'utilisation du personnel navigant technique.

Dans ces conditions, le président du groupe Air France a proposé au Gouvernement de procéder à la fusion des deux compagnies d'ici avril 1997, pour qu'elle soit effective à l'automne, avec l'ambition de rapprocher l'organisation du groupe de celle de ses grands compétiteurs, de promouvoir deux divisions aux identités fortes (l'une axée sur le long courrier, l'autre sur les court et moyen courriers) et l'harmonisation des conditions de travail et de rémunération des personnels.

3. Air Inter Europe : sur la corde raide

Cette fusion est sans doute la seule et dernière chance de « sauver » Air Inter Europe.

Votre rapporteur souhaite que les personnels sortent de leur aveuglement en ce domaine.

Il faut avoir conscience que Air Inter Europe perd environ 100 millions de francs par mois et qu'il convient donc de réagir face à cette situation, tous les acteurs devant prendre leurs responsabilités.

La compagnie subit, en effet, les conséquences de l'ouverture à la concurrence. Le trafic du réseau domestique a globalement régressé de 8,9 %, mais de plus de 12 % sur les lignes ouvertes à la concurrence, qui ont représenté 30 % de son chiffre d'affaires en 1995.

Les quinze liaisons concernées représentent environ 60 % du trafic domestique d'Air Inter Europe. Dans ces conditions, son trafic a baissé de 1,8 % au cours du premier semestre de 1996 et sa part de marché a reculé de 8.4 points, à un peu plus de 70 % du marché intérieur.

La compagnie a vu sa recette unitaire diminuer sensiblement et ses pertes se sont établies à 661,4 millions de francs sur le dernier exercice clos (qui, comme pour Air France, a une durée exceptionnelle de 15 mois -du 1 er octobre 1995 au 31 mars 1996- pour faire coïncider l'exercice comptable avec les deux saisons de l'IATA sur lesquels sont basés les programmes d'exploitation). Sur cette période, les pertes se sont établies à 661,4 millions de francs.

Pour enrayer la chute, la compagnie a décidé de mettre en oeuvre un plan de redressement sur deux ans, annoncé le 15 mai 1996, dont l'objectif est le retour à l'équilibre en 1998. Le volet social de ce plan comprend près de 950 suppressions d'emplois sans licenciement sec. En ce qui concerne l'activité, il prévoit :

- le renforcement de la desserte de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle pour acheminer les passagers en correspondance sur les vols d'Air France ;

- la fermeture de 18 liaisons : 15 liaisons européennes et 3 liaisons domestiques (Orly-Nantes. Orly-Perpignan et Orly-Toulon) sont abandonnées, que la compagnie considère comme structurellement déficitaires compte tenu du niveau de ses coûts d'exploitation et de la nouvelle situation concurrentielle. Ces suppressions de lignes vont se traduire par la récupération de 46 créneaux horaires à Orly et devraient permettre d'améliorer de 350 millions de francs le résultat d'exploitation de la compagnie ;

- la mise en place de « navettes » à partir du 27 octobre 1996 sur les liaisons Orly-Marseille. Orly-Toulouse et Orly-Nice, dans l'objectif de reprendre des parts de marché sur ces lignes dont le trafic dépasse le million de passagers : 26 à 27 fréquences quotidiennes sont prévues, soit un vol toutes les trente minutes en heures de pointe sur Orly-Toulouse et Orly-Marseille et un vol toutes les heures sur Orly-Nice.

La compagnie a, par ailleurs, décidé de retirer progressivement de l'exploitation les A 330 (414 sièges) et les A 300 (314 sièges), appareils dont la capacité n'est plus adaptée aux conditions d'exploitation des liaisons à tort trafic ouvertes à la concurrence.

B. LA SITUATION CONTRASTÉE DES AUTRES COMPAGNIES

1. Le second pôle aérien en France sera..... britannique

En 1995. la plupart des transporteurs privés d'envergure nationale ont poursuivi l'exploitation de lignes régulières, en se positionnant sur les marchés précédemment dévolus à Air France, ou en étendant leur réseau international (comme Corsair).

Les guerres tarifaires pratiquées sur les liaisons à plus fort trafic a fragilisé la situation financière de certains d'entre eux.

La situation d'AOM est délicate.

L'avatar d'Air Liberté laisse un goût d'amertume et le second pôle aérien en France sera en définitive britannique. Il se constituera sous l'égide de British Airways qui, avec TAT et Air Liberté, disposera de 23 % des créneaux horaires de l'aéroport d'Orly. Le groupe Air France sera donc confronté à la concurrence encore plus vive d'une compagnie en pleine santé.

2. Les transporteurs régionaux

Les compagnies régionales, dites de troisième niveau, ont vu leur chiffre d'affaires progresser de 15.2 % en 1995, à environ 4,1 milliards de francs.

Si l'on cumule leurs résultats en 1995, on constate qu'elles ont enregistré une perte d'exploitation de - 193 millions de francs, contre -241 millions en 1994, et un résultat net de -335 millions de francs (-611 millions en 1994).

Certaines de ces compagnies régionales sont florissantes, lorsqu'elles ont pu trouver une « niche » sur le marché. On peut citer, par exemple, le succès de la stratégie de Régional Airlines.

C. L'ACTEUR PUBLIC DOIT, LUI AUSSI, S'ADAPTER AU NOUVEAU PAYSAGE AÉRIEN

Face au défi qui s'ouvre à la France quant à l'avenir des ailes françaises, l'acteur public doit s'adapter.

1. Il faut donner une « colonne vertébrale » à notre politique aérienne

En définitive, les pouvoirs publics seront confrontés à un choix :

- soit le libéralisme pur et dur, qui peut, avec le développement du « dumping » social et des délocalisations, entraîner le transport aérien dans une situation aussi dramatique que celle que connaît le secteur du transport-maritime (emploi de personnel navigant technique étranger, avec d'éventuels problèmes de sécurité, etc..) ;

- soit se doter de la politique cohérente qui a fait défaut jusqu'ici.

Si l'on se préoccupe de créer de la valeur ajoutée dans notre pays, d'y favoriser la localisation des moyens de production et donc des emplois, il nous faut structurer notre politique aérienne et aéroportuaire en fonction de ces objectifs.

L'autorité de tutelle doit, elle aussi, accompagner l'effort de réduction des coûts des compagnies et s'efforcer de réduire le coût d'usage des infrastructures aéroportuaires . Votre rapporteur pour avis estime que cette exigence se traduit insuffisamment dans la politique de l'État. Pour partie de son activité, l'acteur public est prestataire de services auprès des compagnies. Il se doit par conséquent de développer une gestion rigoureuse et transparente.

Il doit également exercer ses prérogatives d'organisateur du marché . Il s'agit :

- en premier lieu, de délivrer des licences, après avoir vérifié la capacité économique, financière et technique des demandeurs ;

- en second lieu, l'État détient des prérogatives en matière de tarifs et doit intervenir en cas de spirale à la baisse des tarifs entraînant un déséquilibre du marché. La guerre des prix présente des limites et il serait dommage qu'elle s'arrête faute de combattants !

- enfin l'État doit veiller avec transparence et équité au respect des règles régissant le système d'allocation des créneaux horaires entre compagnies.

En résumé, dans l'exercice de son rôle de prestataire de services, l'acteur public doit accompagner les indispensables efforts des compagnies ; en tant qu'autorité de tutelle, il doit exercer pleinement ses missions de régulation.

2. Le Conseil supérieur de l'aviation marchande (CSAM) doit être réformé

Votre rapporteur pour avis a insisté sur la nécessité de responsabiliser l'ensemble des acteurs du secteur. Il estime également que le Parlement doit prendre une part plus active à la définition de notre politique aérienne et aéroportuaire.

C'est dans cet esprit qu'il proposera au Ministre des Transports une réforme du Conseil Supérieur de l'Aviation Marchande (CSAM), qu'il a l'honneur de présider.

La réforme de l'État fait partie des principaux chantiers du Gouvernement et le transport aérien ne doit pas échapper aux réflexions en cours dans ce domaine. Bien au contraire, il est impératif de réviser les relations entre la DGAC, le Parlement et les professionnels dans le sens d'une plus grande coopération.

Le CSAM mérite d'être réformé en profondeur et de voir ses compétences élargies, de façon à pouvoir à l'avenir observer la conjoncture du secteur, mener des réflexions prospectives et évaluer les politiques publiques concernant le secteur.

CHAPITRE III LES INFRASTRUCTURES AÉROPORTUAIRES

I. L'ÉVOLUTION DU TRAFIC

A. LES AEROPORTS PARISIENS


Au troisième rang européen pour le trafic fret, Aéroports de Paris a vu ce trafic croître modérément de + 1,8 % en 1995. Comme le montre le tableau ci-dessous, la situation s'est nettement dégradée au premier semestre 1996, avec une baisse du fret de -1,7 % par rapport au 1 er semestre 1995.

TRAFIC FRET COMMERCIAL

Au deuxième rang européen pour le trafic passagers, Aéroports de Paris a vu ce dernier reculer pour la première fois depuis 1991 (de - 0,5 %), ce qui n'a pas empêché la croissance des mouvements commerciaux.

Selon Aéroports de Paris, cette baisse du trafic en 1995 trouve son origine dans l'accumulation de multiples facteurs, parmi lesquels on peut citer : les différents mouvements sociaux qui ont affecté le transport aérien, la série d'attentats qui s'est produite à partir de l'été, la concurrence des trains à grande vitesse sur les lignes nationales majeures ainsi que sur les lignes internationales (TGV EUROSTAR sur Paris-Londres), la suspension des liaisons aériennes entre Paris et l'Algérie pendant tout le deuxième semestre 1995.

Au premier semestre 1996. le trafic passagers a renoué avec une croissance de + 6.4 %, par rapport au premier semestre 1995.

TRAFIC PASSAGERS COMMERCIAUX

B. LES PRINCIPAUX AÉROPORTS DE PROVINCE

Le trafic de fret embarqué et débarqué sur les six grands aéroports de province a enregistré une augmentation de 3,6 %. Il s'agit du meilleur tonnage jamais réalisé.

Ce bon résultat s'explique par la forte croissance du trafic de Bâle-Mulhouse (presque 50 % d'augmentation) qui masque les difficultés rencontrées par les autres aéroports : en effet, les aéroports de Lyon et Nice subissent pour la troisième année consécutive une baisse de leur trafic fret, tandis que Toulouse et Bordeaux se retrouvent à des niveaux de trafic comparables à ceux de 1993. Seul Marseille poursuit sa progression en confirmant ainsi nettement sa première place des aéroports de province dans ce domaine.

Le trafic passagers des six plus grands aéroports de province a augmenté de 4,7 % en 1995. Au sein de cette moyenne, le trafic international a progressé de 8 % et sa part dans l'activité totale est passée de 33 % à 36 %, dont 19,2 % pour l'Union européenne.

Le nombre de mouvements d'avions a augmenté de 9,9 % par rapport à 1994. La différence entre ce taux de croissance et celui des passagers résulte d'une réduction de l'emport moyen des avions, due à l'augmentation de la concurrence entre transporteurs, tant sur les dessertes nationales qu'internationales. Ceci a été particulièrement significatif à Toulouse et à Marseille où le nombre de mouvements a augmenté de plus de 10.000 (soit respectivement + 28,3 % et + 16,7 %) tandis que les nombres de passagers progressaient respectivement de 12 % et 6 %.

II. ADAPTER NOTRE POLITIQUE AÉROPORTUAIRE

C'est également dans le domaine aéroportuaire que l'acteur Public doit faire évoluer sa politique.

Il s'agit d'un élément central et incontournable de la réflexion sur l'avenir, qu'il s'agisse de la gestion de la plate-forme, de la gestion des créneaux horaires ou de l'optimisation de la multimodalité.

Trois points méritent un développement particulier :

- la répartition du trafic au sein du système aéroportuaire parisien et l'extension de ce dernier ;

- l'évolution des redevances aéroportuaires ;

- la réforme de la politique de concession.

A. L'EXTENSION DU SYSTÈME AÉROPORTUAIRE PARISIEN ET LA RÉPARTITION DU TRAFIC EN SON SEIN

1. L'extension de l'aéroport Charles-de-Gaulle

Rappelons qu'au cours des cinq prochaines années, le trafic des aéroports parisiens devrait augmenter de près de 10 millions de passagers, ce qui entraînera 55.000 mouvements d'avions supplémentaires.

Dans ce contexte, les possibilités d'extension que recèle encore l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle est un atout considérable pour notre pays, car cette faculté est unique en Europe.

Cette extension peut représenter par conséquent la clé de voûte du redressement.

La construction de deux pistes supplémentaires à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle était donc indispensable, compte tenu de la saturation de l'aéroport d'Orly et de l'impact de la mise en place du « hub » d'Air France sur le trafic de Roissy.

La troisième piste devrait être mise en service à l'automne 1998 et la quatrième à la fin de l'an 2000.

Ceci ne se fait pas sans difficultés, les riverains ayant manifesté leur opposition au projet.

Le commissaire enquêteur a récemment donné un avis positif à cet aménagement qui répond, il faut le rappeler, aux préconisations du rapport Douffiagues.

Il faut souligner que des efforts importants ont été réalisés dans le but de réduire les nuisances sonores subies par les riverains.

Un programme de réduction du bruit a ainsi été arrêté en octobre 1995, dont certaines mesures sont entrées en vigueur :

- l'interdiction des vols de nuit depuis le 31 mars 1996 pour les avions les plus bruyants ;

- l'accroissement des redevances pour les avions les plus bruyants à compter du 1 er janvier 1996 ;

- l'augmentation de 20 % de la taxe d'atténuation des nuisances sonores. Créée par la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit, cette taxe est destinée à accroître les aides à l'insonorisation des logements et locaux au voisinage des grands aérodromes ;

- l'adaptation des procédures de navigation aérienne d'approche de l'aéroport de Charles-de-Gaulle. Une procédure d'approche et de guidage radar par le Sud est en cours d'expérimentation.

En vue de compléter ce dispositif, le Gouvernement a confié une mission de concertation à M. Gilbert Carrère, à l'issue de laquelle ont été retenues deux orientations importantes :

- la mise en oeuvre d'un « contrat de maîtrise des nuisances sonores », dont l'objectif est de limiter les nuisances à leur niveau actuel et de favoriser leur réduction « chaque fois que cela sera possible » ;

- la création d'une institution indépendante pour la mesure et le contrôle des nuisances sonores. Celle-ci pourrait faire réaliser des relevés scientifiques des seuils de bruit auxquels sont exposés les riverains et pourrait être appelée à agir en cas de violation des règles de limitation arrêtées. Elle aura ainsi pour double fonction de garantir la fiabilité des informations et de veiller au respect des dispositifs mis en place.

Ces deux mesures pourraient être mises en oeuvre pendant le premier semestre de l'année 1997.

Toutes ces mesures sont très positives.

En outre, n'oublions pas que les riverains bénéficient au premier chef de l'impact des activités aéroportuaires sur l'économie de la région.

C'est ainsi que 80.000 emplois supplémentaires pourraient être créés d'ici à 2015 dans la zone d'activité aéroportuaire et alentour.

Il conviendrait néanmoins d'éviter que ne se renouvelle de telles contestations des riverains, qui freinent les nécessaires décisions en la matière. C'est pourquoi, pour éviter de tels problèmes à l'avenir, votre rapporteur pour avis compte déposer une proposition de loi tendant à subordonner dorénavant tout permis de construire aux abords d'un aéroport à une autorisation de survol des habitations.

Le nécessaire développement des aéroports ne serait ainsi plus entravé et les habitants opéreraient leurs choix immobiliers en toute connaissance de cause. Ce dispositif existe aux États-Unis, dans certains États (c'est le cas pour l'aéroport de Washington) et nous pourrions tenter de transposer dans notre pays.

Par ailleurs, un problème aigu d'organisation du marché se pose avec la répartition des trafics entre les deux aéroports parisiens.

2. La répartition du trafic au sein du système aéroportuaire parisien

Avec 23 % des créneaux à Orly, ne risque-t-on pas de voir British Airways y développer un véritable « hub » ?

Il faut avoir conscience que chaque pays développe une politique aéroportuaire favorable à sa compagnie nationale, qu'il s'agisse de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne ou des Pays-Bas, par exemple.

La France serait bien inspirée d'en faire autant en réservant l'aéroport d'Orly aux lignes intérieures et intracommunautaires et en concentrant les vols long courrier à Roissy, tout en respectant bien entendu le principe de non-discrimination.

Une telle décision -qu'il s'avère urgent de prendre- répondrait à une logique géographique.

En outre, on éviterait ainsi que les compagnies étrangères (britanniques et américaines notamment) ne puissent alimenter leur trafic international par le biais d'un « hub » constitué à Roissy.

Une des conditions du redressement d'Air France est qu'elle puisse continuer à s'appuyer sur son marché intérieur. Il faut donc l'y aider.

B. L'ÉVOLUTION DES REDEVANCES AÉROPORTUAIRES

Votre commission s'inquiète de la politique tarifaire mise en oeuvre par les autorités aéroportuaires sous la houlette du Gouvernement.

Il semble, en effet, que la direction générale de l'aviation civile (DGAC) soit en train d'anticiper sur les conclusions de négociations encours au sein des institutions européennes, en demandant aux gestionnaires d'aéroports de procéder à un rapprochement entre les redevances applicables aux vols intérieurs et celles applicables aux vols intra communautaires (ces dernières étant plus élevées). Votre commission est défavorable à cet angélisme, qui handicaperait les compagnies dont l'activité s'effectue essentiellement sur le territoire national.

Ainsi, Aéroports de Paris augmenterait de 3,5 % en moyenne les redevances, mais de 12,5 % certaines de ces redevances applicables aux vols intérieurs.

De même, les variations tarifaires proposées par l'aéroport de Nice entraîneraient une hausse de redevances de 3 à 3,8 % pour les compagnies françaises et une baisse de -1,5 % pour les compagnies étrangères, comme British Airways.

N'anticipons pas sur nos éventuelles futures obligations communautaires en la matière !

C. LA RÉFORME DE LA POLITIQUE DE CONCESSION AÉROPORTUAIRE

Le Gouvernement prépare la réforme du régime de concession des aéroports de province.

Il semble qu'à cette occasion l'État souhaite, d'une part, retirer la garantie financière qu'il apporte aujourd'hui aux engagements des aéroports ; d'autre part, qu'il confie une plus grande marge de manoeuvre aux gestionnaires d'aéroports en matière tarifaire.

Sur le premier point, votre rapporteur pour avis s'inquiète des conséquences du désengagement de l'État au moment où certaines plates-formes aéroportuaires connaissent une dégradation de leur situation financière.

Sur le second point, votre rapporteur pour avis préférerait que cette réforme prévoie plutôt un renforcement du processus de concertation/consultation entre aéroports et compagnies aériennes.

À l'heure actuelle, ces dernières sont consultées dans le cadre d'une Commission consultative économique. Le Gouvernement entérine les propositions, en cas d'accord des différentes parties ; il procède à un arbitrage en cas de désaccord. Dans le cadre du nouveau cahier des charges en cours d'élaboration, le régime d'approbation a priori des compagnies serait remplacé par un régime de désapprobation a posteriori.

Or, si on peut se féliciter du fait que les chambres de commerce et d'industrie voit leur rôle de gestionnaires d'aéroports confirmé, il paraît hautement souhaitable qu'elles fixent leur politique tarifaire en concertation avec les compagnies et intègrent la dimension concurrentielle de leur activité.

CHAPITRE IV LA CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE

Le secteur de la construction aéronautique connaît toujours une conjoncture difficile, qui se traduit dans les résultats des constructeurs et contribue à justifier de nécessaires regroupements.

L'horizon semble cependant se dégager et la France doit valoriser ses atouts pour en bénéficier.

I. UNE CONJONCTURE TOUJOURS DIFFICILE

A. LA SITUATION DES PRINCIPAUX CONSTRUCTEURS

L'année 1995 s'est traduite par un redressement significatif du marché mondial des avions de ligne. Cette tendance a été notamment confirmée par la baisse de 42 % des annulations de commandes et par le fait que le nombre des commandes a dépassé celui des livraisons pour la première fois depuis cinq ans. Cependant, cette reprise ne fera sentir ses effets qu'au cours des prochaines années et elle n'a pas encore donné lieu à une amélioration généralisée de la situation des industriels du secteur aéronautique.

1. Une nouvelle réduction des effectifs

Dans ce contexte, et comme les années précédentes, l'année 1995 a été marquée par la poursuite de la réduction des effectifs du secteur.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES PRINCIPALES ENTREPRISES AÉRONAUTIQUES

2. Des résultats contrastés, mais globalement négatifs

a) Les constructeurs étrangers

En Europe, le bilan 1995 demeure contrasté : bon pour Rolls-Royce et globalement positif pour British Aerospace, il est au contraire mauvais pour Dasa.

Le motoriste anglais a réalisé un chiffre d'affaires de 28,3 milliards de francs, en hausse de 14 %, et un bénéfice net de plus de 1 milliard de francs, soit une progression de 10 % par rapport à 1994. Cette bonne performance est due essentiellement à celle de la branche aéronautique dont le chiffre d'affaires a progressé de 22 %, à 18,8 milliards de francs.

British Aerospace, en dépit d'un chiffre d'affaires en baisse de 10 % à 45 milliards de francs, a dégagé un bénéfice net de plus de 1 milliard de francs, identique à celui de l'année précédente.

En revanche, les résultats de Daimler Benz Aerospace (DASA) sont en très net recul par rapport à 1994. Son chiffre d'affaires, d'un montant de 51 milliards de francs, a baissé d'environ 14 %.

Le groupe allemand a, par ailleurs, affiché une perte de près de 15 milliards de francs, due pour plus de la moitié aux provisions résultant de la faillite de Fokker.

Aux États-Unis , le chiffre d'affaires de Boeing est en recul de 11 %, à 97,5 % milliards de francs, tandis que son bénéfice a été divisé par plus de deux, à 1,9 milliard de francs.

Inversement, Mc Donnell Douglas a amélioré son chiffre d'affaires de 9 %, à 71,6 milliards de francs. Cette performance doit cependant être relativisée en raison notamment du résultat ponctuel obtenu par la branche aéronautique civile (20 milliards de francs de chiffre d'affaires, soit une hausse de 24 %), dont l'avenir demeure largement incertain. Malgré cette progression, le groupe américain a affiché une perte de 2 milliards de francs, due en partie à une provision exceptionnelle.

b) Les constructeurs nationaux

En France également, la situation est contrastée.

Aérospatiale a réalisé un chiffre d'affaires de 49,2 milliards de francs, dont les trois quarts dans le domaine de l'aéronautique civile essentiellement pour le compte d'Airbus.

Après avoir accusé 2.4 milliards de francs de pertes en 1993, le groupe est resté déficitaire l'année suivante (- 483 millions de francs) et en 1995 (- 981 millions de francs), notamment du fait d'importantes provisions pour restructuration. Ces provisions serviront au nouveau plan d'adaptation qui vise à réaliser, à partir de 1998, 3 milliards de francs d économies sur tous les postes de dépenses, hors recherche et commercialisation, et entraînerait la suppression de 3 100 postes en sureffectifs. Les pertes récurrentes ont entraîné une réduction des fonds propres à quelque 4,5 milliards de francs, niveau sans doute insuffisant pour financer les, projets du constructeur, comme le futur très gros porteur A 3 XX et l'avion de 100 places. Selon le groupe, une recapitalisation de 10 milliards de francs serait nécessaire.

La situation de SNECMA reste préoccupante. En 1995, le chiffre d'affaires, aux deux tiers constitué par les moteurs civils, a baissé de 15 % par rapport à 1994, pour atteindre 8,6 milliards de francs. Les pertes s'accumulent pour la cinquième année consécutive et, après une perte nette de 2,2 milliards de francs en 1994, la société nationale a enregistré à nouveau un déficit de 1,2 milliard de francs. La perte de l'exercice en cours pourrait être proche de 600 millions de francs.

Seul le groupe Dassault-Aviation affiche une bonne santé financière, avec un bénéfice de 401 millions de francs en 1995 (+ 22 %) pour un chiffre d'affaires de 11,6 milliards de francs, en baisse de 8 %, dont 40 % au titre des activités civiles.

B. DE NÉCESSAIRES RESTRUCTURATIONS

Le marché aéronautique se caractérise par la vivacité de la concurrence qui s'y exerce et la domination des constructeurs américains qui ont opéré un vaste mouvement de concentration.

L'Europe doit, elle même, procéder aux restructurations et regroupements nécessaires. C'est dans cet esprit que deux décisions devraient prochainement se concrétiser :

- la fusion d'Aérospatiale et de Dassault-Aviation

Avec ce rapprochement, la France pourra s'enorgueillir d'avoir créé le premier groupe aérospatial européen, avec un effectif de 50 000 personnes environ et un chiffre d'affaires de 60 milliards de francs ;

- le changement de statut juridique d'Airbus Industrie, qui devrait se transformer de groupement d'intérêt économique (GIE) en société commerciale, d'ici la fin de l'année 1996. Les modalités de cette transformation restent à préciser.

II. UN HORIZON QUI S'ÉCLAIRCIT

On l'a dit, 1995 a vu naître une amorce de reprise dans le secteur aéronautique.

En outre, les prévisions des constructeurs pour les vingt prochaines années demeurent optimistes.

Elles reposent notamment sur l'hypothèse d'une croissance de l'économie mondiale à un taux annuel de plus de 3 % et sur une progression annuelle du trafic de plus de 5 %.

Cette évolution devrait, selon eux, se traduire d'ici 2015 par un besoin global supérieur à 15.000 appareils, soit un marché d'une valeur totale d'environ 5.600 milliards de francs.

C'est dans un contexte qui est arrivée une divine surprise au début du mois de novembre dernier : l'annonce de ce qui a été qualifié de « contrat du siècle », avec la commande d'Airbus par la compagnie américaine US Air, 6 e compagnie américaine, pour 12 milliards de dollars pour la commande ferme.

Airbus Industrie a ainsi enregistré l'un des plus gros contrats de toute l'histoire de l'aéronautique civile : un accord préliminaire avec cette compagnie, jusqu'ici client traditionnel de Boeing, portant sur la commande ferme de cent vingt biréacteurs moyen-courrier à couloir unique de la famille A 320 qui comprend, outre le modèle de base, l'A 321 (allongé) et l'A 319 (raccourci) dans une fourchette de 125 à 170 sièges, sur des distances jusqu'à 5.000 kilomètres. US Air prend, en outre, une option sur deux cent quatre-vingt appareils supplémentaires dans cette même gamme, dont cent vingt options reconfirmables.

Ce contrat consacre le succès du constructeur européen dans le moyen-courrier et il y a lieu de s'en réjouir.

Cependant, les prochaines batailles se livreront dans les programmes d'avions gros porteurs, pour lesquels Boeing a pris une avance certaine. Airbus prévoit qu'au cours des vingt prochaines années, ces appareils représenteront en valeur un tiers des dépenses effectuées par les compagnies pour l'acquisition d'avions neufs. Il est donc indispensable d'accélérer les projets à l'étude dans ce domaine, qu'il s'agisse de la version allongée de l'A 340 (l'A 340-600) qui pourrait être mise en service vers 2001 ou de l'A 3 XX, gros porteur de 500 places, dont le premier modèle pourrait être mis en service en 2003, alors que Boeing proposera dès 2001 un dérivé agrandi du B 747 (le B777).

Cet argument technique justifie d'ailleurs la décision de la direction d'Air France d'acquérir des Boeing 777. En outre, ce choix se justifie tant économiquement (la commande de la compagnie est équilibrée puisqu'elle porte à la fois sur des Airbus et des Boeing) et financièrement (Air France ayant contracté une dette auprès de Boeing pour retard de commande). Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis estime que ce choix était le bon.

Par ailleurs, sachant que le marché asiatique sera le plus porteur dans les années à venir, on peut se féliciter du fait que le consortium Airbus-Industrie envisage de participer au projet sino-européen d'avion de 100 places, avec la Chine.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 1996, la commission des Affaires économiques a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-François Legrand sur le projet de loi de finances pour 1997 pour les crédits de l'aviation civile et des transports aériens.

À titre préliminaire, M. Jean Huchon, président, faisant suite à la discussion ouverte par la commission la semaine précédente à l'occasion de l'examen du budget de l'aménagement du territoire, sur les ressources du fonds de Péréquation des transports aériens (FNTA), a indiqué que M. Jean François-Poncet, président, l'avait chargé de présenter un amendement maintenant à trois francs par passager le montant de la taxe destinée à alimenter ce fonds, taxe que l'article 27 du projet de loi de finances pour 1997 prévoyait de ramener à 1 franc.

Après avoir rappelé que 23 lignes aériennes demandaient à bénéficier du fonds, il a jugé que ce dernier ne pourrait suffire à satisfaire ces demandes. Il a indiqué que le retard pris pour les versements des crédits en 1996 avait résulté de la lourdeur de la procédure au niveau communautaire. Il a proposé à la commission d'adopter un amendement de suppression de l'article 27.

Après avoir déclaré comprendre l'émotion de la commission sur ce point, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souhaité éclairer la commission avant qu'elle ne se prononce sur cet amendement, sans pour autant pendre position sur ce dernier.

Il a rappelé qu'il avait été à l'origine de la création du FNTA, proposé par le comité dit « Abraham », et qu'il avait déjà proposé sa réduction en 1996, le fonds étant alors pléthorique.

Il a indiqué qu'une analyse détaillée de l'équilibre financier prévisionnel du FPTA d'ici 1997, voire 1998, montrait que les recettes du fonds devraient lui permettre de faire face à ses engagements et, au-delà, de dégager un solde de 70 millions de francs environ fin 1997.

Il a attiré l'attention de la commission sur le fait qu'il ne suffisait pas que le fonds soit doté des ressources nécessaires pour que l'on puisse le solliciter afin de créer de nouvelles lignes.

Il a rappelé que, pour être éligibles au fonds de péréquation, les liaisons devaient, en effet, remplir simultanément des critères stricts :

- leur trafic devait être compris entre 10.000 et 150.000 passagers par an ;

- la liaison devait relier deux aéroports dont l'un au moins n'avait pas dépassé un trafic total de 1,5 million de passagers l'année précédente ;

- aucune liaison ferroviaire ou maritime d'une durée de moins de deux heures et demie ne devait pouvoir se substituer à la liaison aérienne ;

- aucun acheminement alternatif au départ d'un aéroport accessible en moins de trente minutes ne devait exister.

Outre ces critères, il était tenu compte de la fréquence de la liaison.

Compte tenu des contraintes en vigueur, il a estimé que l'on ne pouvait pas envisager la mise en service d'un grand nombre de nouvelles liaisons susceptibles de bénéficier à l'avenir d'une compensation financière du FPTA. De ce fait, après avoir détaillé la situation comptable du FPTA, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a considéré comme confortable le solde prévisible du fonds, en dépit de l'abaissement à 1 franc du montant de la taxe.

Après avoir indiqué que son département n'était pas éligible au FPTA, Mme Janine Bardou a déploré que ce fonds, créé en mai 1995, ait déjà perdu les trois quarts de ses crédits. Dans ces conditions, elle a déclaré prématurée la diminution de la taxe destinée à l'abonder, de crainte que les incitations à la rigueur n'empêchent une augmentation de la taxe en 1998, si celle-ci s'avérait nécessaire. M. Jean Huchon, président, a partagé cette inquiétude. Mme Janine Bardou a soutenu l'amendement présenté par le président Jean François-Poncet.

Répondant à M. Louis Moinard, qui demandait si, outre l'aide à l'exploitation des liaisons aériennes, les crédits du fonds ne pourraient servir à l'aménagement des petits aéroports en difficulté, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souligné qu'on ne pouvait utiliser ce compte d'affectation spéciale à d'autres fins que celles ayant présidé à sa création. Il s'est, en revanche, inquiété des risques de détournement, par le ministère des finances, des recettes d'un fonds qui serait excédentaire.

Relevant que le cadre d'intervention du fonds était strict, il a rappelé que ces recettes devraient suffire à répondre aux besoins, sauf si les critères d'éligibilité étaient modifiés, ce qui n'était concevable qu'au niveau communautaire.

M. Francis Grignon a proposé à la commission l'adoption d'une position transactionnelle, tendant à fixer la taxe à 2 francs. M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a estimé sage cette proposition.

Mme Janine Bardou, après avoir craint que tous les fonds en faveur de l'aménagement du territoire ne disparaissent à terme, a jugé que les critères d'éligibilité étaient susceptibles d'évoluer dans la mesure où la Commission européenne avait accepté certaines mesures dérogatoires.

M. Alain Pluchet a souligné les avantages que présentait l'adoption par la commission de l'amendement proposé par son président, qui permettrait notamment de connaître l'avis du Gouvernement sur cet important dossier.

La commission a adopté deux amendements :

- le premier tendant à supprimer l'article 27 du projet de loi de finances, qui ramène à 1 franc la taxe de péréquation ;

- le second, de repli, ramenant le taux de cette taxe de 3 à 2 francs.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il insisterait, dans sa présentation, sur la situation économique du fonds.

Estimant que l'avenir du groupe Air France restait à conforter, que l'avatar d'Air Liberté laissait un goût d'amertume et que la situation d'AOM n'était pas enviable, il a souligné que le défi qui s'ouvrait à la France se résumait à l'interrogation suivante : les ailes françaises seront-elles encore présentes dans le ciel européen du XXI e siècle ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a exposé que les pouvoirs publics seraient confrontés à un choix :

- soit le libéralisme pur et dur, qui pouvait, avec le développement du « dumping » social et des délocalisations, entraîner le transport aérien dans une situation aussi dramatique que celle que connaissait le secteur du transport maritime (emploi de personnel navigant technique étranger) et provoquer la disparition du pavillon national ;

- soit se doter de la politique volontariste et cohérente, dotée d'une véritable « colonne vertébrale ». qui avait fait défaut jusqu'ici.

Il a estimé que si l'on se préoccupait de créer de la valeur ajoutée dans notre pays, d'y favoriser la localisation des moyens de production et donc des emplois, il convenait de structurer la politique aérienne et aéroportuaire en fonction de ces objectifs.

Il a souhaité que tous les acteurs du secteur prennent leurs responsabilités.

S'agissant des compagnies aériennes, il a constaté que le second pôle aérien privé se constituerait, en définitive, sous l'égide de British Airways. Avec TAT et Air Liberté, la compagnie britannique disposerait ainsi de 23 % des créneaux de l'aéroport d'Orly.

Le groupe Air France serait donc confronté à la concurrence encore plus vive d'une compagnie en pleine santé, alors que lui-même était sur la voie d'un redressement encore fragile.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, s'est ensuite félicité des résultats encourageants constatés à l'issue des deux premières années d'application du plan de redressement de la compagnie nationale. Après avoir rendu hommage à la direction d'Air France, il a indiqué que grâce aux mesures qu'elle avait mises en oeuvre (« yield management », c'est-à-dire gestion unitaire des sièges et mise en place de la plateforme aéroportuaire, le « hub » à Roissy), et au soutien de l'État, Air France avait pu afficher, pour la première fois depuis 1989, un résultat d'exploitation bénéficiaire de 413 millions de francs.

Il a jugé que ces résultats cependant fragiles nécessitaient une poursuite des efforts engagés.

Après avoir souligné l'insuffisance de la recette unitaire, le rapporteur pour avis a précisé que l'écart moyen de coût unitaire entre Air France et les grands compétiteurs européens, de 5 % environ aujourd'hui, serait de l'ordre de 15 % d'ici trois ans si Air France ne prolongeait pas elle-même ses efforts de redressement et de productivité.

En réponse à M. Jean Huchon qui l'interrogeait sur les faiblesses du groupe Air France, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a indiqué que la principale faiblesse tenait à l'attachement des personnels à leurs situations acquises. Il a déploré cet aveuglement des personnels qui « scient la branche qui les porte ». Il a déclaré qu'Air France Europe disparaîtrait si son personnel refusait d'aligner ses conditions de travail sur celles d'Air France, alors même que l'entreprise dispose d'un véritable savoir-faire.

C'est dans ce contexte que le « Pacte de croissance compétitive » -qui doit succéder au plan de redressement- était en cours de discussion.

D'abord envisagé pour la seule compagnie Air France, ce « Pacte » aurait désormais pour objet d'assurer le développement de la nouvelle compagnie issue de la fusion prochaine d'Air France et d'Air France Europe. Il devrait permettre d'améliorer la compétitivité de l'entreprise et d'accroître ses parts de marché, grâce à une politique de développement de l'office et à une stratégie d'alliances internationales.

À cet égard, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, s'est félicité de l'aboutissement des efforts menés par Air France avec Delta et Continental.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, s'est félicité du succès de la direction de la compagnie à améliorer la productivité en sectorisant les branches d'activité par zones géographiques et en créant deux filières pour les pilotes selon qu'ils pilotent des Airbus ou Boeing.

Évoquant alors la nécessaire évolution de la flotte de la compagnie, il a jugé que le choix ayant prévalu pour la commande d'avions était le bon, tant sur le plan technique (l'Airbus A 340-600 concurrent du Boeing 777, ne sera disponible qu'en 2001-2002), qu'économique (la commande de la compagnie est équilibrée puisqu'elle porte à la fois sur des Airbus et des Boeing) et financièrement (Air France ayant contracté une dette auprès de Boeing pour retard de commandes, ceci sans pénalités).

Il a estimé que ces efforts devraient être poursuivis et que ceci impliquait que tous les acteurs prennent leurs responsabilités, y compris les personnels du groupe.

Il a rappelé que la direction du groupe avait dû renoncer à regrouper l'ensemble de ses lignes moyen courrier, en raison du refus des syndicats de pilotes d'Air France Europe de voir aligner leurs conditions de rémunération et de travail sur celles des personnels d'Air France.

Le rapporteur pour avis a indiqué qu'il pourrait être procédé à la fusion

des deux compagnies d'ici le 1 er avril 1997, celle-ci devenant effective a l'automne à l'issue d'une période transitoire.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite souhaité que l'autorité de tutelle accompagne, elle aussi, l'effort de réduction des coûts des compagnies et s'efforce de réduire le coût d'usage des infrastructures aéroportuaires. Il a estimé que cette exigence se traduisait insuffisamment dans la politique de l'État.

Il a souhaité que l'acteur public, dans l'exercice de son rôle de prestataire de services, accompagne les indispensables efforts des compagnies ; et qu'en tant qu'autorité de tutelle, il exerce pleinement ses missions de régulation (concernant la délivrance des licences, les tarifs, l'allocation des créneaux horaires).

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite rappelé que les missions de l'État concernaient également la politique aéroportuaire.

Il a jugé qu'en égard à la progression prévisible du trafic, la construction de deux pistes supplémentaires à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle s'avérait indispensable, compte tenu de la saturation de l'aéroport d'Orly et de l'impact de la mise en place de la plate-forme aéroportuaire (« hub ») d'Air France sur le trafic de Roissy.

Il a informé la commission de l'avis positif récemment donné par le commissaire enquêteur et a rappelé que ce nécessaire aménagement répondait aux préconisations du rapport Douffiagues.

Après avoir évoqué les difficultés liées au fait que les riverains avaient manifesté leur opposition au projet, le rapporteur pour avis a annoncé que, pour éviter de tels problèmes à l'avenir, il se proposait de déposer une proposition de loi subordonnant dorénavant tout permis de construire aux abords d'un aéroport à une autorisation de survol des habitations, comme cela existait dans certains États américains.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué le problème aigu d'organisation du marché qui se posait avec la répartition des trafics entre les deux aéroports parisiens.

Il a craint qu'avec 23 % des créneaux à Orly, British Airways n'y développe un véritable « hub ».

Après avoir exposé que chaque pays développait une politique aéroportuaire favorable à sa compagnie nationale, il a jugé que la France serait bien inspirée d'en faire autant en réservant l'aéroport d'Orly aux lignes intérieures et européennes et en concentrant les vols long courrier à Roissy.

Le rapporteur pour avis a souligné que l'une des conditions du redressement d'Air France résidait dans sa possibilité de continuer à s'appuyer sur son marché intérieur et qu'il fallait l'y aider.

Puis, il a souhaité que la direction générale de l'aviation civile n'anticipe pas sur les décisions communautaires en matière de redevances aéroportuaires.

Après avoir brossé ce tableau du paysage aérien français, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a présenté brièvement le projet de budget pour 1997.

Il a indiqué que les fonds inscrits au budget annexe de l'aviation civile (BAAC) s'élevaient à près de 8 milliards de francs, en hausse de 4,38 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996.

Il prévoyait une hausse des recettes qui ne devrait cependant pas alourdir la pression fiscale pesant sur les compagnies aériennes.

Après avoir précisé que l'évolution des recettes du BAAC provenaient à hauteur de près de 90 % des redevances et taxes acquittées par les compagnies aériennes, et détaillé leur évolution, il a indiqué que l'augmentation de leur produit en 1997 était liée aux hypothèses de hausse du trafic aérien, mais qu'à assiette constante, leur évolution devrait se traduire par un allégement de charges au profit des compagnies aériennes. Ceci correspondait au souhait qu'il avait exprimé de voir les pouvoirs publics accompagner les efforts de redressement des compagnies.

Exposant ensuite la situation du secteur de la construction aéronautique, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souligné qu'après une récession profonde, l'industrie aéronautique avait amorcé une reprise en 1995. Cependant, le chiffre d'affaires des principaux constructeurs avait encore reculé (à l'exception de Dassault-Aviation).

Il s'est félicité de l'annonce, dans ce contexte, de la commande de 120 avions Airbus par la compagnie américaine US Air, pour 12 milliards de dollars.

Le rapporteur pour avis a regretté la diminution des crédits destinés à l'instruction aéronautique dans le projet de loi de finances pour 1997. Ils correspondaient à des avances remboursables, dont la baisse était cependant liée a l'évolution logique des grands programmes lancés voici bientôt dix ans et presque achevés. Après avoir rappelé, pour les déplorer, les disparités de concurrence entre les États-Unis et l'Europe, liées à leurs modes respectifs de soutien à la recherche dans le domaine aéronautique, il a fait le point des différents programmes d'Airbus.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite estimé que le Parlement devait prendre une part plus active à la définition de la politique aérienne et aéroportuaire. Il a annoncé que, dans cet esprit, il proposerait au ministre des transports une réforme du conseil supérieur de l'aviation marchande (CSAM), qu'il avait l'honneur de présider.

Outre un renforcement de la représentation du Parlement et des compagnies aériennes au sein du CSAM, il a souhaité que ce dernier voit ses compétences élargies, de façon à pouvoir à l'avenir observer la conjoncture du secteur, mener des réflexions prospectives et évaluer les politiques publiques concernant le secteur.

En conclusion, il a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du transport aérien et du budget annexe de l'aviation civile pour 1997.

À l'issue de cette présentation, M. Jean Huchon, président , s'est étonné que n'ait jamais été mise en place de navette rapide entre les deux aéroports parisiens d'Orly et de Roissy.

En réponse, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis , a confirmé qu'une telle navette n'avait jamais constitué une priorité, l'absence de concurrence sur les lignes intérieures jusqu'à une date récente n'ayant pas incité à engager des efforts en ce domaine.

Répondant à M. Michel Bécot qui l'interrogeait sur la construction d'un troisième aéroport en région parisienne, M. Jean-François Le Grand , rapporteur pour avis, a indiqué que ce projet était toujours à l'ordre du jour, mais que la construction d'un nouvel aéroport demandait un délai d'une trentaine d'années, l'inauguration du nouvel aéroport de Munich en fournissant un exemple récent.

À titre personnel, il s'est cependant déclaré défavorable à ce projet.

Il a jugé préférable de valoriser l'atout essentiel qui réside dans la capacité de développement de l'aéroport de Roissy, au moment où tous les grands aéroports parisiens sont privés de telles possibilités.

Il a précisé que les évolutions technologiques, notamment en matière de réduction des nuisances, l'existence d'espaces disponibles aux alentours de l'aéroport, devaient permettre à l'aéroport de réaliser d'énormes gains de productivité.

Puis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 au titre du transport aérien et du budget annexe de l'aviation civile pour 1997.

ANNEXE

Audition de M. Christian Blanc, Président du groupe Air France

Au cours d'une réunion qui s'est tenue le mercredi 27 novembre 1996, la commission a entendu M. Christian Blanc, Président du Groupe Air France.

Après avoir accueilli celui-ci, M. Jean François-Poncet, président, a relevé que la situation du transport aérien français suscitait à la fois inquiétude et regain de confiance. Il a salué les efforts réalisés par Air France dans un contexte difficile et a demandé à M. Christian Blanc, d'une part, de faire le point de la situation du groupe, et, d'autre part, de préciser ses ambitions, eu égard à la concurrence européenne et internationale.

Après avoir rappelé sa dernière audition par la commission, le 17 mai 1995, M. Christian Blanc, président du groupe Air France, a indiqué que le plan de redressement de trois ans arriverait à son terme le 31 décembre 1996 et que la compagnie nationale était en train de réaliser les objectifs qu'elle s'était fixés, en termes de résultats financiers, de productivité (gain de plus de 30 %), de réduction des coûts unitaires (de plus de 20 %) et d'augmentation du chiffre d'affaires. Il a précisé que ces résultats étaient le fruit du travail de tous et avaient pu être atteints grâce à l'aide de l'État, Air-France ayant bénéficié d'une recapitalisation de 20 milliards de francs en trois ans.

M. Christian Blanc a exprimé sa très grande satisfaction au vu des résultats affichés par la compagnie au premier semestre 1996 (1 milliard de francs de résultat d'exploitation et 800 millions de bénéfice net). Il a cependant tenu à préciser que le premier semestre était traditionnellement le plus favorable dans le secteur des transports aériens et que les prévisions pour l'ensemble de l'exercice 1996 laissaient envisager un résultat net négatif de 100 millions de francs, la situation devant être positive au cours de l'exercice suivant.

Il a qualifié « d'histoire invraisemblable » la grève qui était entrain de perturber le trafic du groupe pour quarante-huit heures et par laquelle les personnels techniques et commerciaux, entendaient traduire la crainte que la dérégulation n'entraîne le transport aérien sur le même chemin que le transport maritime.

M. Christian Blanc a déclaré partager cette préoccupation et souhaité qu'une réglementation permette d'éviter le « dumping » social. Il a précise que, pour des raisons diverses, des discussions n'avaient malheureusement pas pu s'engager entre les personnels du groupe et l'État ces dix derniers jours sur ce point. Il a, dans ces conditions, déploré que les personnels aient décidé une telle grève qui allait coûter 120 millions de francs au groupe, alors même que ce dernier était extérieur au problème. Il a souligné que deux ou trois grèves de ce type suffiraient à hypothéquer les résultats de la compagnie et a déploré que les personnels n'aient pas semblé en avoir conscience.

M. Christian Blanc a ensuite exposé que la mise en place d'une plate-forme de correspondance (« hub ») à Roissy avait eu un effet très positif, et qu'elle était seule à permettre sur le volume du trafic, celui d'Air France ayant progressé depuis lors de 15 % globalement et de 30 % à destination de l'Allemagne de l'Ouest. Il a précisé qu'il s'agissait là d'une grande réussite pour cette « horlogerie fine » qui permettait d'articuler le court courrier, avec le moyen et le long courrier, sur six plages de correspondance.

Évoquant la prochaine construction de deux pistes supplémentaires à Roissy, qui devraient permettre de doubler la capacité du « hub », M. Christian Blanc a indiqué que ce nécessaire développement de la capacité du « hub » était un atout concurrentiel majeur pour le groupe vis-à-vis de British Airways et de Lufthansa, août qui seul pourrait permettre à Air France de rattraper le retard accumulé. Il a souhaité que Roissy devienne ainsi la principale porte d'entrée sur l'Europe.

Se félicitant ensuite de la politique d'alliances engagée par le groupe, il a souligné que l'accord signé avec Delta et Continental Airlines, permettrait de multiplier par cinquante la capacité de pénétration du groupe sur le marché américain. Il permettrait, en outre, la mise en place d'accords commerciaux sur un ou deux ans ce qui, en régime de croisière, permettrait une progression du chiffre d'affaires du groupe de 500 millions à un milliard de francs. M. Christian Blanc a indiqué qu'il souhaitait, en 1997 et 1998, mettre en place des partenariats de même nature avec des compagnies asiatiques.

Il a jugé essentielle cette stratégie d'alliances, dans la mesure où le transport aérien de demain n'aurait plus rien à voir avec ce qu'il était au cours des vingt ou trente dernières années. Il a indiqué que trois à quatre grands réseaux intercontinentaux fédéreraient des « leaders » continentaux, à raison d'une ou deux grandes compagnies américaines, une grande et une moyenne compagnie européenne et deux grandes compagnies asiatiques (une au nord et une au sud) disposant chacune d'un ou plusieurs « hubs ». Il a estimé qu'une telle stratégie, que seule rendait possible l'existence du « hub », permettrait à Air France d'accroître sensiblement ses capacités de vente.

M. Christian Blanc a déclaré que l'ambition du groupe était de devenir le numéro un européen du transport aérien en 2001-2002 et de figurer parmi les cinq ou six plus grandes compagnies mondiales. Il a exprimé sa confiance dans la réalisation de cet objectif à condition que le groupe puisse pleinement utiliser le « hub » pour suivre la réduction de ses coûts de production et la modernisation de ses techniques de vente. Il a estimé que s'il s'agissait là d'une ambition collective nationale, sa réussite serait acquise, d'autant plus que le groupe pourrait bénéficier d'atouts naturels dont ne disposaient pas la plupart de ses compétiteurs.

Il a rappelé que créée en 1933, la Compagnie Air France était devenue la troisième compagnie mondiale en 1938. Il a souhaité qu'elle retrouve une position de « leader » sur le marché.

M. Jean François-Poncet, président, s'est interrogé sur l'ampleur des progrès restant à réaliser en matière de coûts de production et de salaires et il s'est inquiété de savoir si les étapes ultérieures pourraient provoquer de nouveaux conflits sociaux.

M. Christian Blanc a souligné la nécessité de poursuivre la réduction des coûts de production et d'améliorer les recettes du groupe, eu égard à l'environnement concurrentiel mondial dans lequel il évoluait.

Il a exposé que, bien qu'il ait diminué ses coûts de production de 20 % en deux ans et demi, le groupe Air France souffrait encore d'un handicap en ce domaine, dû à un différentiel de 5 % par rapport à Lufthansa et de 5 à 10 % par rapport à British Airways. Ce handicap devrait encore s'aggraver d'ici 10 ans, face à la concurrence des compagnies américaines dont les coûts s'élèvent à 8 cents par mile à comparer aux 10,6 cents par mile chez British Airways et 11,5 cents par mile à Air France.

Ceci justifiait l'objectif de réduction de 15 % des coûts unitaires de production prévu par le « pacte de croissance compétitive » qui devrait être mis en oeuvre début 1997.

M. Christian Blanc a précisé que l'effort ne porterait pas essentiellement sur la masse salariale. Dans ce domaine, l'objectif était de poursuivre le développement à effectifs constants, avec un renforcement de la qualification et une maîtrise de la masse salariale. Il n'a cependant pas caché que l'année 1997 pourrait connaître un « frottement social », qui ne devait pas empêcher la poursuite d'une politique clairement affirmée.

Il a rappelé que la remise à plat de la politique d'achat du groupe avait permis la baisse des achats de 3 milliards de francs en trois ans, qui n'avait pas été réalisée au détriment des clients, ces derniers bénéficiant au contraire d'une politique de produits attractifs (tels que l'espace 180 et l'espace 127).

Evoquant ensuite la politique de la flotte, M. Christian Blanc a indiqué que les avions qui tournaient 9,4 heures par jour trois ans auparavant, seraient utilisés 10,7 heures au cours de l'hiver 1996/1997. Cette optimisation des outils de travail permettrait une importante réduction des coûts de production.

Puis, répondant à M. Jean François-Poncet, président, qui l'interrogeait sur les atouts naturels d'Air France, M. Christian Blanc a estimé que les points de faiblesse, tenant notamment au niveau des charges sociales -supérieur à celui de la Grande-Bretagne-, pouvaient être compensés par deux atouts :

- le « hub » de Roissy, qu'il souhaitait voir devenir rapidement le plus puissant d'Europe ;

- l'existence du marché aérien le plus important d'Europe. Or, il était essentiel pour les compagnies de maîtriser leur marché intérieur.

M. Christian Blanc a souligné l'importance d'une parfaite articulation entre Air France et Air France Europe, le « hub » ne pouvant fonctionner qu'à condition d'être alimenté par le marché intérieur. Qualifiant les Français de « libéraux naïfs », il a exposé qu'il retirait deux leçons de la politique européenne :

- leçon n° 1 : il convient d'être libéral ;

- leçon n° 2 : on est vraiment libéral lorsqu'on est en position de force et protectionniste quand on a besoin d'acheter du temps.

Il a regretté que ces comportements de nos voisins européens soient difficiles à intégrer en France.

M. Christian Blanc a ensuite estimé que l'avatar d'Air Liberté était totalement prévisible et que le simple fait d'avoir dénoncé la stratégie de cette compagnie en janvier dernier (à savoir l'achat de créneaux horaires dans le but de les revendre à une grande compagnie européenne), lui avait valu un procès.

Evoquant la gravité de la situation British Airways disposant de 23 % des créneaux d'Orly et risquant d'y créer un « hub », il a souhaité qu'une politique aéroportuaire soit rapidement mise en oeuvre, qui consacrerait la vocation domestique d'Orly et intercontinentale de Roissy. Il s'agissait ainsi d'être aussi adroit que les Britanniques dans la gestion protectionnisme du libéralisme.

M. Christian Blanc a souhaité que soient bien identifiés, puis cultivés, les atouts naturels de la France en ce domaine.

Après avoir rappelé que la Commission des Affaires économiques n'avait jamais été très favorable à l'implantation d'un troisième aéroport en région parisienne, préférant que des aéroports de province accèdent au marché européen, M. Jean François-Poncet, président, a demandé au président d'Air France d'exposer son point de vue sur ce sujet. M. Christian Blanc a déclaré partager cette position, estimant qu'il n'y avait pas de place pour un troisième aéroport en région parisienne d'ici vingt-cinq à trente ans. Il a jugé que l'aéroport de Lyon-Satolas avait, entre autres, vocation à se développer.

Après avoir félicité l'orateur pour la clarté et l'intérêt de son exposé, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis sur le budget des transports aériens, l'a interrogé sur l'évolution des relations entre Air France et Air Inter-Europe.

M. Jean-François Le Grand, s'est également interrogé sur la nécessaire évolution des deux autres acteurs du secteur : les autorités aéroportuaires et l'acteur public. À cet égard, il a demandé comment la direction générale de l'aviation civile pouvait faire évoluer ses deux missions de prestataire de service et de régulateur.

M. Christian Blanc a répondu qu'il avait, dans un premier temps, envisagé un montage plus sophistiqué que la simple fusion, qui aurait confié à une holding les fonctions principales des compagnies et créé deux sociétés d'exploitation. Cependant, les syndicats des personnels navigants techniques d'Air Inter ayant fait preuve d'un certain esprit rétrograde, il convenait de procéder à la fusion.

Il a dénoncé la difficulté à convaincre certains appareils syndicaux de l'inéluctabilité de cette opération et a dénoncé l'existence de certaines rentes syndicales expliquant le comportement de certaines personnes craignant d'être marginalisées dans la nouvelle structure. Dans ce contexte, il a estimé nécessaire d'afficher une très grande détermination à leur égard.

Indiquant que les personnels d'Air France étaient sous statut et ceux d'Air Inter Europe soumis à des conventions collectives, il convenait de décider de la solution juridique convenant à leur rapprochement. Après avoir regretté que la voie législative n'ait pas été choisie, M. Christian Blanc a précisé que le Conseil d'État allait rendre son avis dans les dix jours. Il a espéré que la procédure choisie soit la plus simple possible.

Évoquant alors le calendrier, il a exposé que la fusion de fait serait achevée en avril 1997, les deux assemblées générales devant entériner cette fusion à l'automne prochain.

Il a considéré que le règlement de cette question constituerait un « bond en avant » permettant de progresser vers la future privatisation.

À cet égard, il a considéré que l'importance du décalage dans le rapport au temps entre l'État et l'entreprise, cette dernière ayant besoin de réactivité, justifiait de couper le cordon ombilical avec l'État actionnaire. Il a souligné la nécessité pour le groupe de réaliser de bons résultats, de façon à le privatiser fin 1997 début 1998, marquant sa préférence pour le début de l'année 1997.

M. Jean-François Le Grand, s'est également interrogé sur la nécessaire évolution des deux autres acteurs du secteur : les autorités aéroportuaires et l'acteur public. À cet égard, il a demandé comment la direction générale de l'aviation civile pouvait faire évoluer ses deux missions de prestataire de service et de régulateur.

M. François Gerbaud a déclaré partager la fierté d'Air France, qui a triomphé des difficultés passées. Il s'est interrogé sur une éventuelle tentative de recréer Air Union, se demandant si Air France pourrait prendre l'initiative d'un rassemblement de flottes de façon à résister aux compagnies anglaises.

En réponse, M. Christian Blanc a indiqué qu'une alliance Luftansa-Air France avait fait l'objet d'une réflexion, mais que l'on y avait répondu par la négative, dans la mesure où leurs réseaux étant presque superposables et en concurrence quasi totale, un rapprochement entre ces deux compagnies entraînerait inéluctablement la disparition de l'une d'entre elles.

M. François Gerbaud s'est ensuite interrogé sur l'évolution de la politique tarifaire permettant au groupe d'accroître son trafic passagers et a demandé comment le groupe envisageait sa politique de flotte dans le but d'augmenter la fréquence des vols (avion à grosse, moyenne ou petite capacité).

En réponse. M. Christian Blanc a indiqué que les besoins de la compagnie concernaient des avions de toutes capacités et que, s'agissant des liaisons intercontinentales, la question s'était posée de savoir s'il convenait d'augmenter les fréquences avec des avions de moyenne capacité ou d'avoir un nombre de fréquences plus réduit avec des avions de plus grosse capacité.

Il a indiqué que la réponse avait résidé dans l'achat d'un certain nombre d'avions Boeing de grande capacité. Après avoir considéré qu'Airbus disposait de la gamme court ou moyen courrier la meilleure au monde, et qu'il ne manquait pas de la conseiller à d'autres compagnies, telles qu'USAir, elle n'avait pas encore suffisamment investi sur le long courrier. Précisant que le B.777-200 serait commercialisé avant l'A 340-600, M.Christian Blanc a indiqué que cette version allongée de l'Airbus l'intéressait mais qu'elle ne serait disponible au mieux qu'en 2001-2002.

Soulignant la nécessité pour une compagnie de se doter des outils dont elle avait besoin, il a rappelé que la flotte du groupe comportait historiquement des Airbus et des Boeing à parité.

M. Jean Huchon s'est interrogé sur le manque de compréhension par les personnels du groupe du fait que des grèves à répétition pouvaient faire le faire sombrer.

M. Christian Blanc a indiqué que le groupe avait connu relativement peu de mouvements sociaux depuis trois ans, eu égard à son histoire. Il n'a pas exclu que l'année 1997 soit marquée par certains mouvements, en particulier à Air France Europe. Évoquant la situation des pilotes, il a exprimé son souhait de les associer le plus possible au capital de l'entreprise.

Après avoir déploré que les comportements des pilotes ou des personnels non commerciaux traduisent une mentalité répandue en France, tendant à recourir avec facilité aux grèves, en toute méconnaissance de son impact, il a jugé qu'il faudrait du temps pour faire évoluer ce défaut culturel. À titre de comparaison, il a indiqué que Lufthansa n'avait pas connu de grèves depuis 17 ans, et British Airways depuis 12 ans, la tradition dans ses pays étant de mener les discussions avant de recourir à une grève.

M. Christian Blanc s'est déclaré tout à fait opposé à ce que les compagnies européennes emploient à l'avenir des pilotes étrangers (venant des pays de l'Est, de l'Inde, etc.), payés à 10 ou 20 % du prix des pilotes européens. Il a soulevé les graves problèmes de sécurité qu'entraînerait une telle politique. Il a souhaité une mise à plat des règles en la matière, la baisse des coûts de production comportant des limites. À cet égard, il a indique qu'Air France, en dépit de ses difficultés, avait respecté une déontologie absolue en la matière et n'avait pas économisé un centime sur les dépenses de sécurité.

Qualifiant la grève d'absurde, il a estimé que l'on aurait pu se donner six mois pour examiner cette grave question.

En conclusion. M. Jean François-Poncet, président, a estimé que la situation présentée par M. Christian Blanc était très encourageante, en dépit des difficultés qu'il avait rencontrées et qu'il trouverait encore sur sa route.

* 1 Cf rapport n° 2953, présenté par M. Charles Josselin sur « Faut-il une Europe de la navigation aérienne ? »

* 2 V oir le rapport de M Bussereau. remis au ministre chargé des transports sur le thème « Les relations avec les pays tiers dans le domaine du transport aérien : un vrai défi pour l'Europe »

(Documentation française)

* 3 Voir le rapport d'information n° 2953 présenté par M. Charles Josselin, au nom de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale

* 4 Voir l'article de la Tribune Desfossés du 11 octobre 1996.

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