III. L'ARMEMENT FRANÇAIS

A. LES RÉSULTATS DE 1995

Les résultats de l'armement du commerce français pour l'année 1995 -dernière année connue- ne sont disponibles que partiellement.

Les lignes régulières de long cours assurent l'essentiel du transport intercontinental des marchandises générales, les deux tiers de ces marchandises étant transportés et conteneurs. Les lignes régulières ont dégagé un chiffre d'affaire de l'ordre de 9,5 milliards de francs. Afin de garantir une relative stabilité des rémunérations et de rentabiliser la gestion des parcs de conteneurs, la profession maritime s'est, d'une part, organisée et d'autre part, s'est engagée vers la fourniture des prestations incluant l'intermodalité. Cependant, les taux de fret sont insuffisants en raison notamment de la surcapacité dans ce domaine et de la pression de la concurrence des principaux armateurs mondiaux.

Le transport de passagers, au niveau international, concerne les lignes de courte distance et les croisières. Les lignes de courte distance desservies à l'intérieur de l'union européenne ont été soumises à une concurrence vive en raison des disparités tant au niveau des charges salariales que des taux de change ainsi que par la mise en service du Tunnel sous la Manche.

Sur le marché du vrac sec, le résultat d'une activité de l'armement français établit à 25 millions de francs en tenant compte du « grand vrac », c'est à dire du transport de cargaisons de produits bruts et de matières premières, ainsi que des transports spécialisés (produits chimiques, colis lourds, liquides...). Le « grand vrac » a été opéré par 40 navires armés ou affrétés par six groupes ou compagnies françaises réalisant un chiffre d'affaires de 2,6 milliards de francs. Il est à noter que 4/5 du tonnage sont réalisés sur des trafics entre pays étrangers. Le vrac spécialisé a été transporté par une trentaine de navires mis en ligne par une dizaine de compagnies dont le chiffre d'affaires est de l'ordre de 500 millions de francs.

Le secteur du transport de pétrole s'est concentré autour de deux types d'activité :

- le transport du pétrole brut lequel se trouve confronté à la nécessité du renouvellement de sa flotte (la plupart des navires ayant environ 20 ans d'âge) dont le coût unitaire des investissements est particulièrement élevé.

Sept compagnies interviennent sur ce secteur et ont présenté un chiffre d'affaires de 1,5 milliard de francs pour 14 navires exploités au long cours et une dizaine d'unités contrôlées sous pavillon tiers.

- le transport maritime de produits pétroliers qui représente un marché plus diversifié, assuré par une flotte d'environ 40 navires mis en ligne par une dizaine d'armements français présents sur le marché dont le chiffre d'affaires ressortent en 1994 (dernière année connue) à 900 millions de francs.

Cette activité doit faire face à la libéralisation du cabotage national au niveau communautaire.

B. LES RÉSULTATS DES PRINCIPAUX ARMEMENTS

Delmas-Vieljeux (SV)

SDV arme une flotte d'environ trente navires toutes catégories confondues. La société exploite, seule ou en partenariat, une vingtaine de lignes maritimes régulières. Les lignes. conteneurisées représentent la majeure partie du trafic avec un parc de 60.000 conteneurs gérés par le groupe dont 6.000 en propriété.

La poursuite du redressement de l'exploitation des lignes maritimes s'est confirmée en 1995. Cette amélioration s'explique par une meilleure maîtrise des coûts d'armement et d'entretien, par le taux de remplissage des navires et le retour à l'équilibre des lignes Océan indien.

Sur les lignes d'Afrique, qui concourent pour 47 % du chiffre d'affaires total, l'impact de la dévaluation du franc CFA s'est concrétisé, dans un premier temps, par une baisse des volumes transportés sur l'Afrique mais compensée par le développement des exportations et des parts de marché notamment en Afrique de l'Ouest.

Cette stratégie de productivité et de gestion active de la flotte repose sur les cessions de navires et, le cas échéant, sur l'affrètement des navires auprès des tiers. En effet, le groupe a mis en place, pour l'activité maritime, une stratégie globale qui consiste à dissocier l'exploitation des lignes, logée dans différente filiales opérationnelles, de la propriété des navires, logée dans SCAC-DELMAS VIELJEUX-SDV. Cette politique dite de « gestion active de la flotte », repose sur des cessions de navires, voire d'affrètement auprès de tiers.

Le chiffre d'affaires de SDV en 1995 ressort à 20,2 milliards de francs (contre 21,4 en 1994). La baisse du chiffre d'affaires s'explique par les cessions d'activité ainsi que par les effets de la dévaluation du franc CFA début 1994. Toutefois, le résultat d'exploitation s'établit à 764 millions de francs l'exercice précédent Cette augmentation provient, notamment, des bénéfices d'exploitation dégagés par les lignes maritimes. En 1995, le résultat net global (part du groupe), après amortissements des survaleurs, s'inscrit à 339 millions de francs contre -458 millions de francs l'exercice précédent. Il est à noter également que le ratio d'endettement net sur capitaux propres a été réduit, en 1995 de 2,3 à 0,8.


• La compagnie nationale de navigation (CNN)

La CNN poursuit le renforcement de sa position et de sa spécialisation dans le domaine des transports et services pétroliers.

En 1995, le groupe CNN opérait, en propriété ou en gérance, sur 29 pétroliers ; par ailleurs, le groupe gère en propriété ou contrôle 39 navires d'assistance ou de recherche, 2 navires de ligne, 7 navires rouliers et vraquiers polyvalents, 1 vracquier sec soit au total 69 navires.

Les effectifs se décomposaient en personnel sédentaire (621) et personnel navigant (530).

L'année 1995 a été marquée par la commande d'un navire neuf destiné à assurer le transport directement sur le site de KOUROU des éléments du lanceur ARIANE V. Début 1996, c'est un nouveau pétrolier de 300.000 tonnes (Le Bourgogne) qui a été mis en service. Au total, les investissements maritimes du groupe CNN, en 1995 ont été réalisés à hauteur de 474 millions de francs.

Pour l'exercice 1995. le chiffre d'affaires consolidé du groupe, a atteint 1.925 millions de francs contre 1.851 en 1994. Le résultat social pour 1995 est déficitaire de 111 millions de francs. L'exercice 1995 se solde par une perte nette consolidée de 84,7 millions de francs.


• Britanny ferries

Le groupe BAI, en 1995, employait au total (en France et en Grande-Bretagne) 1.760 personnes en basse saison dont 1.016 navigants, et 2.654 personnes en haute saison, dont près de 1.800 navigants y compris le personnel hôtelier à bord des navires.

En 1996, la BAI arme directement une flotte de 9 navires dont 7 ouverts aux passagers comme aux véhicules industriels.

Il s'agit d'une flotte moderne : 75 % des places sont offertes sur des unités de 7 ans ou moins.

Les navires du groupe opèrent sur 9 lignes régulières au départ des ports de la zone ouest de la Manche et assurent jusqu'à 30 départs par jour.

En 1995. 2.824.000 de passagers. 746.000 voitures, ainsi que 190.400 camions ont été transportés représentant une réduction de 5,5 % en passagers et une progression de 2 % en fret.

Le chiffre d'affaires du groupe s'élève à 1.700 millions de francs en 1995 contre 1.900 millions de francs en 1994. Son résultat d'exploitation ressort en 1995 à 6,7 millions de francs (143 millions de francs pour l'exercice 1994). Le résultat financier s'établit la même année à - 167,2 millions de francs et le résultat courant à -16,3 millions de francs. L'exercice 1995 dégage un résultat net consolidé négatif à -79,7 contre -10,5 millions de francs en 1994.

Il faut souligner le rôle et le rayonnement en Bretagne du groupe Britanny ferries.

La situation de la BAI, dans le contexte de l'activité Trans-Manche, caractérisé en particulier par la concurrence très forte des opérateurs maritimes avec les liens fixes mais aussi d'entre eux, mais également par le niveau de changes de la monnaie britannique, est incontestablement difficile. Des mesures de redressement de l'entreprise, qui impliqueront également un concours de fonds publics, de l'État comme des collectivités territoriales impliquées, sont en cours de définition.

Mais, à l'examen, l'effort déjà consenti par les collectivités territoriales paraît atteindre ses limites, sauf à devenir imprudent. Il conviendrait donc que l'État conduise une réflexion sur les voies à choisir pour soutenir les entreprises françaises assurant le trafic Trans-Manche sans, pour autant, infléchir l'effort consenti par ailleurs pour compenser le surcoût du pavillon.


• La compagnie générale maritime (CGM) : une privatisation amère pour le contribuable

Le groupe Compagnie générale maritime (CGM), propriété à 99,9 % de la compagnie générale maritime et financière (CGMF), elle même propriété de l'État, a pour vocation principale le transport de marchandises conteneurisées au long cours en lignes régulières. Il est aujourd'hui presque totalement recentré sur ce métier et exploite un nombre limité de lignes en position forte.

Au 31 décembre 1995, le chiffre d'affaires consolidé a atteint 3.848,4 millions de francs et le déficit a été réduit à - 497.6 millions de francs. L'endettement global était de 2.555,2 millions de francs (981,2 millions au bilan. 1.574 millions hors bilan). 2.738 personnes ont été employées en moyenne dont 719 navigants et 2.019 sédentaires. Les capitaux propres s'établissent à 46,3 millions de francs.

Au cours du premier semestre de l'année 1996 :

- la CGM a engagé la cession de son secteur de manutention portuaire en France métropolitaine. La filiale marseillaise manutention générale méditerranéenne (MGM) a été cédée au mois d'avril 1996 à un actionnariat solide constitué d'industriels expérimentés de la place. Un protocole d'accord a été conclu en vue de la cession de la participation majoritaire que la CGM détient dans la générale de manutention portuaire (GMP) du Havre ; le transfert des actions devrait suivre rapidement ;

- l'ultime dotation en capital autorisée par la Commission de l'Union européenne, d'un montant de 1.125 millions de francs, a fait l'objet d'un premier versement de 250 millions de francs ;

- dans le domaine social, le flux naturel des départs volontaires et des départs en retraite, ajouté aux effets de la vente des filiales de manutention (800 salariés), devrait placer l'effectif moyen à environ 2.000 personnes, y compris les navigants, à la fin de 1996.

Pour 1997, les prévisions en matière de structure financière, de performance commerciale, d'organisation et d'effectif, sont largement dépendantes de la consistance du projet industriel du repreneur qui sera retenu.

Votre commission tient à rappeler l'importance des dotations en capital reçues de l'État par la CGM, soit un total de 2,825 milliards de francs, répartis comme suit :

- juillet 1933 : 150 millions de francs pour la mise
en oeuvre du plan de filialisation

- juin 1994 : 800 millions de francs liés à des
cessions d'actifs et à la
restructuration des agences
européennes

- octobre 1994 : 750 millions de francs liés à l'arrêt
du trafic vers l'Extrême-Orient et à
un plan de réduction des effectifs

- juin 1996 : 250 millions de francs affectés au
service de la dette

- second semestre 1996 : 875 millions de francs affectés au
service de la dette

La Commission de l'Union européenne a autorisé ces recapitalisations, y compris celle accordée en 1996 à hauteur de 1.125 millions de francs à condition qu'elle soit la dernière et en vue de permettre la privatisation de la compagnie avant la fin de l'année 1996. La Compagnie n'en conserve pas moins un endettement résiduel de l'ordre de 600 millions de francs.

Rappelons qu'une privatisation du groupe CGM a été décidée dans son principe par la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 et par le décret n° 95-841 du 17 juillet 1995 pris pour son application.

La vente des actions détenues par la CGMF devait avoir lieu de gré à gré sur la base d'un cahier des charges approuvé le 18 juillet 1996 par la commission de la privatisation. L'avis de mise à la disposition de ce document a paru au Journal Officiel de la République française le 23 juillet 1996. Neuf candidats à la reprise ont confirmé leur intérêt auprès du Ministre de l'économie et des finances par la remise d'une lettre d'intention.

C'est, en définitive, à la Compagnie maritime d'affrètement qu'a été confiée la charge de la reprise de la CGM, en octobre 1996. Le nouvel ensemble tiendra le 4 e rang en Europe et le 14e rang mondial, avec 50 navires exploités, dont 21 en propriété.

Votre commission prend acte de la cession au secteur privé de ce qui fut un des fleurons de notre flotte de commerce. Elle souligne combien -comme pour le Crédit Lyonnais ou pour Thomson SA- le contribuable aura été sollicité pour donner à cette entreprise une valeur.

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