II. UN SECTEUR EN PROFOND CHANGEMENT

A. LE DÉVELOPPEMENT DE LA RADIOTÉLÉPHONIE MOBILE ET L'OUVERTURE DU TROISIÈME RÉSEAU BOUYGUES TÉLÉCOM

1. Un marché en pleine expansion

Votre rapporteur pour avis soulignait déjà, dans son avis budgétaire relatif au projet de loi de finances pour 1996, l'ampleur qu'était, selon lui, appelé à prendre dans notre pays l'usage du radiotéléphone.

Cette prévision ne s'est pas démentie, loin de là.

Depuis l'ouverture à la concurrence en 1987, le marché français de la radiotéléphonie cellulaire a connu de profondes modifications. Aujourd'hui, cinq services sont offerts par trois opérateurs :

- France Télécom propose un service analogique et un service numérique à la norme GSM (Itinéris). Ce dernier est ouvert depuis 1992 ;

- la SFR, filiale de la Compagnie générale des Eaux, exploite également un service analogique depuis 1987 et un service numérique depuis 1992 ;

- Bouygues Télécom a été autorisé fin 1994 à établir et exploiter un réseau de radiotéléphonie à la norme DCS 1800 sur le territoire national. Le service est ouvert depuis fin mai 1996.

Le lancement du réseau de Bouygues Télécom a entraîné un fort développement du nombre d'abonnés, non seulement pour ce nouvel arrivant, mais également pour les opérateurs déjà présents sur le marché. France Télécom, avec son offre Itinéris, a d'ailleurs fêté en septembre son premier million d'abonnés. Ce développement a été encouragé par une baisse très significative des tarifs de chacun des opérateurs.

NOMBRE D'ABONNÉS AU RADIOTÉLÉPHONE EN FRANCE

FIN 1995

FIN JUIN 1996

CROISSANCE EN SIX MOIS

PART DE MARCHÉ

Itinéris

700.700

937.400

34 %

65 %

SFR

305.500

499.600

67 %

35 %

Bouygues Télécom

-

12.600

-

-

TOTAL NUMÉRIQUE

1.066.200

1.449.600

45 %

100 %

Radiocom 2000

146.760

122.300

- 20 %

48 %

SFR analogique

141.989

132.700

- 7 %

52 %

TOTAL ANALOGIQUE

289.749

255.000

- 14 %

100 %

Source : DGPT

Le radiotéléphone est donc devenu en France un produit grand public. Le taux d'équipement en téléphones mobiles de notre pays, qui reste inférieur à celui de nos partenaires (à seulement 2,8 % de taux de pénétration contre 10 % au Royaume-Uni. 5.4 % en Allemagne, 8,1 % en Italie et 2,5 % en Suède) devrait, de l'avis de votre rapporteur, continuer à croître jusqu'à s'aligner sur celui des autres pays occidentaux.

2. Des interrogations quant aux effets sur la santé publique des champs électromagnétiques

Face à ce développement accéléré, qui a une ampleur largement mondiale, un débat a surgi entre scientifiques quant à l'innocuité sur la santé de l'usage des radiotéléphones, dont la presse s'est fait l'écho 8 ( * ) . Ce débat, qui concerne 85 millions d'utilisateurs à travers le monde, n'a pour l'instant pas permis de tirer de conclusion définitive. Il en ressort néanmoins que tout risque n'est pas écarté. En effet, les téléphones mobiles émettent des rayonnements électromagnétiques de faible puissance, absorbés pour moitié par l'organisme, provoquant ainsi un échauffement dans le liquide céphalo-rachidien et le cerveau.

HISTORIQUE DU DÉBAT SCIENTIFIQUE SUR LA NOCIVITÉ DES ONDES
ÉLECTROMAGNÉTIQUES

Milieu des années 1960 : des chercheurs soviétiques mettent en cause les champs électromagnétiques générés par les lignes à haute tension. La méthodologie employée est contestée par les chercheurs occidentaux.

Fin des années 1970 : des chercheurs américains établissent une corrélation entre la fréquence du cancer chez les enfants et la proximité des réseaux électriques.

1991 : aux États-Unis plainte (classée sans suite) contre Motorola suite au décès Par tumeur du cerveau d'un utilisateur de téléphone cellulaire.

1993 : l'INSERM estime, dans un rapport commandé par EDF. qu'il n'y a que « très peu d'arguments » permettant d'établir une corrélation entre l'exposition a un champ magnétique et le cancer, même si on ne peut « totalement exclure » une influence sur le développement d'une leucémie chez l'enfant.

Seconde moitié des années 1990 : lancement de très nombreuses études dont aucune ne permet de mettre en évidence une corrélation entre l'usage du téléphone mobile et les troubles de la santé.

Mai 1996 : lancement d'un programme de recherche par l'OMS (organisation mondiale de la Santé) sur cinq ans.

1997-2002 : financement par la Communauté européenne d'un groupe d'experts sur le sujet.

Votre rapporteur pour avis estime que sans céder aux paniques irrationnelles qui seraient dommageables pour le développement de cet outil d'avenir des télécommunications qu'est le radiotéléphone, il convient néanmoins d'identifier les risques éventuels.

Surtout, il faut faire la part entre ce qui relève de vrais enjeux de santé publique et une éventuelle manipulation économique visant à remettre en cause le développement des technologies hertziennes.

L'effort d'expertise en la matière doit donc être poursuivi. Votre Commission pour avis engage le Gouvernement à persévérer dans les efforts entrepris dans ce sens.

B. LE PASSAGE À LA NOUVELLE NUMÉROTATION

Cet événement, dont les modalités ont été largement décrites par les média et directement vécues par tous nos concitoyens, n'appelle pas de trop longs développement.

Aussi, votre rapporteur pour avis se contentera-t-il d'en exposer brièvement les causes et le financement.

1. Les causes de la nouvelle numérotation

Onze ans après la précédente réforme, le passage à cette nouvelle numérotation est destiné à accroître le nombre de numéros disponibles, de 60 millions à 470 millions.

Bien que des numéros de dix chiffres commençant tous par zéro offrent, en théorie, près d'un milliard de combinaisons, seuls 470 millions d'entre eux sont réellement exploitables, du fait de la réservation de certains numéros et du découpage de la France en cinq régions.

La forte croissance de la téléphonie mobile, de la télécopie, de la télématique, l'ouverture à la concurrence, les nouveaux services comme la radio-messagerie ou les radio-ordinateurs, ainsi que la croissance démographique de la population française contribuent à faire exploser la demande de numéros Les experts estiment que chaque personne utilisera en 2050 six numéros de téléphone, contre environ 1,5 aujourd'hui. D'ores et déjà, un million de nouveaux numéros sont créés chaque année.

2. Le coût du changement


• Le coût pour France Télécom

Globalement, le coût de la modernisation et de la mise à niveau des centraux se chiffre pour l'opérateur public à 5 milliards de francs.


• Le coût pour les entreprises

Comme l'indiquait le ministre M. François Fillon en réponse à la question d'un de nos collègues député 9 ( * ) , le code des postes et télécommunications (article D.447) et le contrat de France Télécom (article 11) disposent que, en cas d'évolution nécessaire du réseau public, les adaptations liées à cette évolution sont à la charge des propriétaires des installations terminales.

Le coût total à la charge des entreprises est évalué à 2 milliards de francs.

Selon la direction générale des postes et des télécommunications, près de 17 % des 600.000 autocommutateurs en service (systèmes permettant d établir automatiquement des connexions temporaires entre des lignes entrantes et sortantes) devront être renouvelés, tandis que les autres subiront une réactualisation, notamment ceux utilisant les services de numérotation abrégée ou de restrictions d'appels.

Afin d'éviter tout abus de tarification de la part des fournisseurs de matériel et des installateurs, le ministère des télécommunications a mené une enquête dont les résultats, ainsi qu'une liste de prestataires agréés sont disponibles sur serveur minitel.

C. LES GRANDES MANOEUVRES DU MARCHÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

La perspective de l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications au 1 er janvier 1998 a amené les entrants potentiels à constituer de nouvelles alliances en vue de pénétrer ce marché.

Parmi ces évolutions, on peut en citer deux parmi les plus récents, la création des filiales télécommunications de la SNCF et de la RATP, ainsi que la mise en place de Cégétel.

1. La création de Télécom Développement, Filiale de la SNCF et de Télécom Réseaux, Filiale de la RATP

La SNCF dispose de 28.000 kilomètres d'emprises équipées de câbles, dont environ 8.600 en fibres optiques, le long de son réseau. Afin d'exploiter cette infrastructure dite « alternative ». elle a décidé, en novembre 1995, de la création d*une filiale spécialisée dans les télécommunications. « Télécom Développement ». La parution de l'arrêté interministériel rendant officielle cette création est attendue sous peu au Journal officiel. D'ores et déjà, le conseil d'administration de la SNCF du 25 septembre 1996 a approuvé une augmentation du capital de sa filiale de 2 milliards de francs.

Depuis mai 1995. la SNCF a obtenu l'autorisation de revendre des capacités de transmission aux opérateurs de téléphonie mobile (la SFR utilise déjà le réseau de la SNCF sur l'axe Paris-Lille). La nouvelle loi de réglementation des télécommunications va plus loin puisque la SNCF sera autorisée à utiliser son réseau pour l'ensemble des services de télécommunications. Ce réseau en fibre optique doit, à terme, s'intégrer à un réseau paneuropéen baptisé Hermès, qui regroupera près d'une dizaine de sociétés de chemin de fer. Pour les nouveaux entrants sur ce marché, qui comptent rivaliser en 1998 avec les opérateurs historiques, nouer des liens avec les opérateurs ferroviaires représente un intérêt stratégique considérable.

En Allemagne comme en Italie, les acteurs les plus déterminés se sont ainsi alliés avec les chemins de fer allemands et italiens pour constituer l'amorce d'un réseau alternatif d'envergure nationale.

Aussi, la SNCF envisage-t-elle l'entrée dans le capital de Télécom Développement de partenaires stratégiques déjà implantés dans le secteur des télécommunications. Il s'agit, d'une part, d'établissements financiers apporteurs de capitaux et, d'autre part, d'un opérateur disposant de l'expérience technique. La banque d'affaires Lehman Brothers a été chargée de sélectionner ce partenaire, sur la base d'un appel à candidatures auquel ont répondu la plupart des opérateurs.

De même, la RATP qui possède également des infrastructures dites « alternatives » de télécommunications, a annoncé la création de sa filiale Télécom Réseaux, afin d'exploiter ses 300 kilomètres d'emprises ferroviaires qui pourraient servir de support à 200 kilomètres de câbles.

2. La création de Cégétel

La Compagnie générale des eaux, comme l'a affirmé son président M. Jean-Marie Messier 10 ( * ) , entend faire des télécommunications un pôle majeur du groupe, représentant 20 % de ses activités. Dans cette perspective, les activités télécommunications du groupe ont été réunies au sein d'une filiale, Cégétel.

Fin septembre, la Compagnie générale des eaux annonçait l'ouverture du capital de Cégétel à BT, opérateur britannique, à hauteur de 25 % ainsi qu'à l'allemand Mannesmann à hauteur de 10 %, en plus de l'américain SBC (pour 15 %). La maison mère ne conservera que 50 % du capital de sa filiale.

Cette alliance capitalistique n'est qu'un des multiples exemples possibles pour montrer l'attrait qu'exerce sur les opérateurs le marché français des télécommunications en voie de libéralisation.

* 8 Voir notamment, pour les articles les plus récents parus dans la presse généraliste :

- Le Figaro, mardi 22 octobre 1996, » Faut-il avoir peur des ondes électromagnétiques ? »

- Le Canard Enchaîné, 16 octobre 1996, « La numérotation thermostat-10 »

- Science et vie, octobre 1996 : « Faut-il raccrocher son téléphone portable » ?

- Paris-Match, 3 octobre 1996 « Alerte aux téléphones portables »

- Le Midi Libre. 14 septembre 1996 « Les téléphones portables sont-ils inoffensifs ? »

- Le Monde, mercredi 11 septembre 1996, page 19 : « L'usage des téléphones mobiles est-il dangereux pour la Santé ? »

- Financial Times, Tuesday 16th of July 1996 « Mobile phones brain teaser ».

* 9 Voir Journal officiel. Assemblée nationale, 8 juillet 1996, page 3695.

* 10 Lors de l'annonce de la création de Cégétel, début septembre 1996.

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