II. LA REDÉFINITION DES PRIORITÉS

A. LES SUITES DE LA CONSULTATION NATIONALE SUR LES GRANDS OBJECTIFS DE RECHERCHE

Une consultation nationale sur les grands objectifs de la recherche avait déjà été lancée en juin 1993 par François Fillon, alors ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette consultation, qui a permis d'engager de nombreux débats au sein de la communauté scientifique, a abouti, en juin 1994, à la publication d'un Rapport sur la recherche française.

Ce rapport identifiait douze points sur lesquels devait plus particulièrement s'appuyer la politique de recherche française :

LES CONCLUSIONS DE LA CONSULTATION NATIONALE SUR LA RECHERCHE DE 1993

1. Assurer l'effort national de recherche

2. Retrouver une vision stratégique

3. Mobiliser la recherche autour de priorités

4. Renforcer et fédérer la recherche publique

5. Participer à l'aménagement du territoire

6. Tenir le rang dans la dimension internationale,

7. Réaliser le partenariat recherche publique-entreprises

8. Dynamiser l'innovation dans les PME-PMI

9. Développer les compétences pour l'entreprise et la recherche technologique de base

10. Renouveler l'emploi scientifique et technique

11. Permettre la mobilité

12. Améliorer l'information scientifique et technique

Lors du débat sur cette consultation nationale au Sénat, le 4 octobre 1994, le ministre chargé de la recherche avait précisé :

« Parce que le potentiel scientifique et technologique d'un pays se construit sur le long terme, une politique de recherche à la hauteur de nos ambitions doit respecter une indispensable continuité. Dans ce domaine l'effort consenti et les résultats n `ont de sens que s'ils s'inscrivent dans une stratégie sur plusieurs années, sans doute une décennie ».

Le gouvernement actuel a poursuivi cette réflexion et a redéfini la politique française de recherche, à l'occasion de la réunion du Comité interministériel de la recherche scientifique et technologique le 3 octobre 1996.

B. UNE REDÉFINITION DE LA POLITIQUE DE LA RECHERCHE AUTOUR DE SEPT PRIORITÉS ET DE QUATRE PROGRAMMES NATIONAUX

Le document publié à l'issue du Comité interministériel de la Recherche du 3 octobre 1996 affirme que « la conjoncture budgétaire et la logique d'une politique nationale de recherche imposent aujourd'hui le choix de priorités fortes ».

Dans cette optique, le Gouvernement a défini sept priorités thématiques ou « thèmes prioritaires de recherche » qui correspondent à des domaines créateurs d'emplois, susceptibles d'avoir des retombées industrielles et où la demande sociale est forte.

1. Les sept axes prioritaires de la politique de recherche française

La recherche française devra principalement porter sur les secteurs suivants :

a) Les industries agro-alimentaires

La position scientifique de la France dans le domaine de la biologie appliquée est satisfaisante, notamment pour la science des aliments (microbiologie et chimie alimentaire) et biotechnologie végétale.

De plus, le secteur agro-alimentaire pèse d'un poids important dans l'économie nationale et fournit une part importante du solde positif de la balance commerciale française. Toutefois, le tissu industriel de ce secteur est peu impliqué dans les activités de recherche et de développement (seulement 1 % des financements publics et privés de recherche en 1992 à l'agro-alimentaire). Un effort accru de recherche est donc susceptible de générer des retombées industrielles positives.

Le but fixé est d'arriver à un meilleur transfert des résultats de la recherche publique vers les industries agro-alimentaires afin notamment de renforcer leur potentiel exportateur.

b) Les transports terrestres et aéronautiques

Ce secteur économique identifié comme prioritaire pour la recherche française utilise les acquis de différentes disciplines scientifiques, relevant principalement des sciences de l'ingénieur dans lesquelles la position de la France est globalement forte.

Pour ce qui concerne les transports terrestres, le tissu industriel français est dans une situation particulièrement favorable. Les firmes innovantes représentent, selon l'enquête conduite en 1991 par le ministère de l'industrie, 21 % en nombre (moyenne nationale 18 %) et 54% en chiffres d'affaires (moyenne nationale 41 %). Les transports terrestres sont l'un des cinq secteurs technologiques les plus forts en brevets européens (12,9 %, face à une moyenne nationale de 8,3 %, 3e rang en France après les industries spatiales et d'armement et les techniques nucléaires).

L'action définie par le Gouvernement s'appuiera sur le programme interministériel de recherche dans les transports terrestres 1996-2000 (PREDIT) et sur les crédits de soutien à la recherche aéronautique.

c) Les industries électroniques et les technologies de l'information

Dans ce domaine, la recherche française est de grande qualité, surtout en micro-électronique et dans la technologie des réseaux de communication.

Dans ce secteur en rapide développement, l'industrie française effectue 25 % de la recherche et développement industrielle européenne alors que la part moyenne française, tous secteurs confondus, est de 23 %. En termes de brevets européens, la position française varie, pour la micro-électronique de 2 % à 10 % du total mondial selon les technologies, avec une croissance accentuée dans les technologies de miniaturisation et d'intégration, qui correspondent au domaine dans lequel les efforts de recherche fondamentale envisagés peuvent aider à renforcer encore notre compétitivité.

d) La chimie de formulation

La recherche française en chimie est globalement forte, avec 5,2 % du total des publications mondiales. Plus précisément, c'est le domaine de la chimie de formulation qui semble le plus prometteur en termes de débouchés industriels.

Le Gouvernement entend orienter la recherche en chimie vers des applications innovantes clairement ciblées en assurant un meilleur transfert de ces résultats dans les industries utilisatrices afin d'ouvrir des marchés nouveaux.

e) La recherche médicale

La France contribue pour 4,7 % à la production scientifique mondiale en recherche médicale. Ce chiffre, très proche de la moyenne des autres disciplines, est comparable à celui de l'Allemagne (5,4 %), mais très inférieur aux performances britanniques (12,4 %). La recherche médicale française a principalement besoin d'être développée et dynamisée dans le domaine de la recherche clinique.

Ce thème de recherche a de plus le mérite de répondre à une demande sociale de santé toujours plus exigeante. Mais les retombées économiques ou industrielles de la recherche médicale ne doivent pas non plus être négligées.

A titre d'exemple, le développement de la télémédecine permet à la fois l'amélioration de la qualité des soins, la meilleure gestion du système de santé et la création de marché pour les fournisseurs de systèmes d'information en réseaux.

f) L'environnement et le cadre de vie

Pour le domaine précis des technologies de l'environnement, c'est-à-dire par exemple pour le recyclage ou la biodégradabilité des polymères, la décontamination des sols pollués ou l'épuration biologique des eaux, la recherche française occupe le premier rang européen.

En outre, ce secteur est porteur de nombreuses retombées industrielles. Le Gouvernement a donc décidé d'en faire un des axes prioritaires de sa politique de recherche.

L'accent sera tout particulièrement mis sur les zones les plus exposées comme les villes, les sols et les régions littorales.

g) Les services de l'innovation des produits et des procédés

La position de la France est relativement faible dans ce secteur en dépit de l'atout indéniable que représente l'existence des grandes écoles, des organismes de recherche et des universités françaises.

Le Gouvernement souhaite mieux coordonner les efforts de recherche par la création d'un « consortium recherche et innovation pour l'entreprise ».

2. Les quatre programmes de recherche prioritaires

Le Gouvernement a décidé, lors du Comité interministériel sur la recherche du 3 octobre 1996 de lancer quatre programmes interministériels de recherche, qui viennent s'ajouter au programme PREDIT de recherche sur les transports terrestres.

a) Le programme REACTIF dans le domaine de la chimie

PROGRAMME DE RECHERCHE RÉACTIF

REACTIF : « Recherche en Entreprise des Applications de la Chimie aux Techniques Industrielles Futures »

Montant : 1,7 milliard de francs sur 5 ans

Financement :
• État : 450 millions de francs (250 millions pour le secrétariat d'État à la recherche dont 80 en 1996 ; 200 millions pour le ministère de l'industrie)


• Organismes de recherche : 250 millions de francs


• Industriels : 1 milliard de francs

Acteurs : CNRS, chimistes et entreprises utilisatrices. Ce programme permettra l'embauche de 500 jeunes chercheurs (dont 250 thésards) ainsi que le recrutement par les entreprises de chimie de 100 chercheurs issus de la recherche publique

Domaine concerné : chimie, et plus particulièrement, les domaines d'application suivants :


• nouveaux produits minéraux : pigments colorés non toxiques, ecrinophores pour écrans plats, béton haute résistance, pneumatiques, traitement de surface...


• nouvelle génération d'agents de surface : biodégradabilité, cosmétiques, lubrification, détergents non agressifs.


• nouveaux polymères : peintures, papier, adhésifs, mastics, textiles


• formulation innovante de produits actifs : gels, poudres, granulés.

b) Le programme de recherche sur les biotechnologies

Le Gouvernement souhaite, favoriser la recherche dans les biotechnologies. En effet, les biotechnologies bénéficient d'un potentiel de recherche publique exceptionnel en France. Elles permettent des innovations majeures dans des domaines tels que la santé, l'environnement et l'agro-alimentaire.

Les buts de ce programme de recherche sont multiples :


Dans le domaine de la santé, il s'agit d'identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, de produire des modèles animaux de maladies par transgénèse, utilisables par l'industrie pharmaceutique, de développer des diagnostics de maladies, ainsi que de nouvelles thérapeutiques et de nouveaux vaccins en particulier grâce à la mise au point des stratégies de transfert de gènes et à la production de molécules thérapeutiques par génie génétique.


Dans le domaine agro-alimentaire, le programme vise à promouvoir des innovations au plan de la sécurité alimentaire, de la qualité des aliments et en particulier de leur valeur nutritionnelle, d'améliorer les procédés de production et de transformation des produits agricoles, de sélectionner et maîtriser des espèces pour améliorer la résistance aux agents pathogènes des plantes, de produire par transgénèse végétale ou animale, des protéines d'intérêt pharmaceutique ou industriel.


Dans le domaine de l'environnement, le programme « biotechnologies » doit faciliter la dépollution des eaux notamment, permettre de produire des nouvelles matières plastiques biodégradables, développer des procédés de détection des polluants, soutenir les technologies de production d'énergies renouvelables.

Les sommes consacrées à ce programme devraient atteindre 1,5 milliard de francs sur 5 ans. Elles proviendront de l'Etat (par l'intermédiaire du FRT notamment) mais aussi d'investisseurs privés. Un appel à propositions sera réalisé par l'ANVAR dès la fin de 1996.

c) Le programme « microbiologie »

Le Président de la République a rappelé dans son discours du 14 juillet l'attention qu'il convient de porter aux recherches sur les maladies infectieuses.

En effet, la propagation de plusieurs épidémies a marqué ces cinq dernières années, qu'il s'agisse de la résurgence mondiale de la tuberculose, des grippes malignes à hautavirus, de l'épidémie de diphtérie en Russie et de l'épidémie de peste en Inde.

Les États-Unis ont d'ailleurs développé un réseau de recherche et de surveillance basé sur le « Center of disease Control ».

La France semble en retard dans ce domaine. Aussi le programme prioritaire « microbiologie » poursuit-il trois objectifs :

- d'abord, renforcer les recherches en microbiologie médicale et sur les maladies infectieuses, par l'étude du génome des micro-organismes, l'étude « physiopathologique » des maladies infectieuses, la mise en place de réseaux d'épidémio-surveillance, la recherche de nouveaux agents anti infectieux ;

- ensuite, accroître la dimension pluridisciplinaire de la formation des épidémiologistes et des microbiologistes ;

- enfin, mettre en place un programme incitatif « maladies infectieuses » au sein de l'INSERM.

Ce programme aura une durée minimale de quatre ans. Son coût total sera de 5 milliards de francs, dont 4 milliards de francs pour le financement des équipes de recherche publique qui seront mobilisées.

d) Le programme de séquençage des génomes

Le séquençage du génome humain constitue au niveau international un enjeu considérable en raison des possibilités d'identification de nouvelles gênes de maladies qu'il permettra.

De plus, les données qui seront fournies par le séquençage de micro-organismes, d'animaux et de végétaux sont susceptibles d'avoir d'importantes retombées industrielles dans les secteurs de la santé, de l'agriculture et de l'environnement.

Le programme prioritaire défini par le Gouvernement vise à doter notre pays d'un centre de séquençage des génomes.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, le coût d'investissement et d'exploitation du centre serait de 60 millions de francs en 1997 et de l'ordre de 100 millions de francs les années suivantes, avec un effectif de 120 à 140 personnes.

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