N°89

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès verbal de la séance du.29 novembre 1996

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1997 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

BUDGET DES AFFAIRES ETRANGERES

Par M. André DULAIT

Sénateur. et Président du Conseil général des Deux-Sèvres

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon

Voir les numéros :

Assemblée nationale :

Sénat :

Lois de finances.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de budget du ministère des Affaires étrangères s'inscrit dans le contexte d'extrême rigueur qui caractérise le projet de loi de finances pour 1997.

La dotation du Quai d'Orsay représentera 14 437,79 millions de francs en 1997 (15 033,84 en 1996), soit une diminution de - 3,96 % par rapport à la loi de finances initiale de 1996. L'économie de 595 millions de francs ainsi effectuée équivaut à 1 % des économies dégagées par le Budget de l'Etat (64 milliards de francs). L'effort réel est néanmoins limité à 365 millions de francs , si l'on tient compte de l'économie de 230 millions de francs réalisée sur nos contributions à l'ONU au titre des Forces de maintien de la paix en ex-Yougoslavie (FORPRONU).

Pour mineur qu'il paraisse au premier abord, cet effort n'est cependant pas indolore, si l'on se réfère à la modicité des moyens mis en oeuvre par ce grand ministère. 365 millions de francs en effet, c'est plus que ce que le Quai d'Orsay consacre à l'entretien de l'ensemble du réseau diplomatique, consulaire et culturel, ou même à la totalité des contributions volontaires de la France aux organisations internationales dont elle est membre (345,5 millions de francs en 1997). De manière encore plus éclairante, on n'atteint même pas 365 millions de francs si l'on fait la somme des moyens qui seront consacrés par le Quai d'Orsay, en 1997, à la coopération de défense, à l'assistance aux Français de l'étranger et à l'intégralité de ses interventions de politique internationale (qui recouvrent essentiellement l'aide humanitaire).

Cette économie de 365 millions de francs équivaut donc à la suppression de pans entiers de l'action du ministère des Affaires étrangères . Non pas que votre rapporteur considère que le Quai d'Orsay doit être exonéré de tout effort de rigueur. Mais il faut savoir qu'une diminution des crédits du ministère des Affaires étrangères affecte directement les moyens que celui-ci peut consacrer au rayonnement international de notre pays.

*

* *

Pour la première fois sont rassemblés, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997, l'intégralité des « crédits de toute nature qui concourent à l'action extérieure de la France ». Cette synthèse met en évidence que le ministère des Affaires étrangères représente 30 % des 47,9 milliards de francs consacrés par la France, en 1997, à l'action extérieure, ce qui traduit un rééquilibrage certain au profit des Affaires étrangères et de la Coopération si l'on se réfère aux statistiques de 1995, époque à laquelle le Quai d'Orsay ne contribuait à l'action extérieure qu'à hauteur de 20 % environ, soit moins que les comptes spéciaux du Trésor (21 %) et que le budget des charges communes (25,4 %) 1 ( * ) . Encore convient-il d'ajouter les 5,5 milliards de francs qui constitueront la contribution de notre pays aux actions internationales de l'Union européenne en 1997 : la totalité des moyens affectés à l'action extérieure de la France s'élève donc en réalité à 53,4 milliards de francs.

*

* *

De manière classique, votre rapporteur présentera le cadre dans lequel se situe le budget pour 1997 du ministères des Affaires étrangères (situation internationale, priorités de politique étrangère et état du réseau diplomatique et consulaire) avant de commenter les moyens impartis au Quai d'Orsay par le projet de loi de finances pour 1997.

I. LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE FRANÇAISE EN 1996 : UNE DIPLOMATIE CONFRONTÉE À D'IMPORTANTS DÉFIS

Comme la plupart des secteurs de l'activité gouvernementale, la diplomatie française est confrontée à de nombreux défis. Il s'agit, pour l'essentiel du fait de la gravité des difficultés budgétaires qui s'imposent à la France, d'adapter notre outil diplomatique à des moyens réduits.

Or cette contrainte se fait sentir de manière particulièrement aiguë au moment où notre diplomatie doit répondre aux nouvelles priorités (M. le ministre des Affaires étrangères parle même, à cet égard, de « nouvelles frontières » ) que sont les zones émergentes d'Asie et d'Amérique latine, et où les "grands chantiers diplomatiques" ne manquent pas, qu'il s'agisse du soutien au processus de paix au Proche-Orient, de la rénovation de l'Alliance atlantique, de la préparation des grandes échéances européennes (élargissement, Union économique et monétaire ...), ou de l'accompagnement de la « mondialisation » des économies et des sociétés.

Avant d'aborder le contenu du projet de budget des Affaires étrangères pour 1997, qui fera l'objet de la deuxième partie du présent rapport, votre rapporteur fera le point du contexte international qui commande, en cette fin d'année 1996, la conduite de notre diplomatie, puis inscrira celle-ci dans le cadre particulier que constituent, d'une part, les priorités qui la guident, et, d'autre part, le réseau diplomatique et consulaire, outil de la politique étrangère française.

A. LES GRANDS TRAITS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE FRANÇAISE EN 1996

1. Le monde entre convergence économique et insécurité politique

Alors que l'évolution récente de la situation internationale fait apparaître certaines convergences économiques en faveur de la libéralisation des économies, et que progressent les mécanismes de concertation politique, voire d'harmonisation à l'échelle mondiale, on constate, en revanche, le piétinement des mécanismes de sécurité collective et la pérennité de conflits locaux au bilan particulièrement lourd.

a) Les avancées de la mondialisation
(1) La généralisation du modèle économique libéral

En juin 1996, la 9e réunion de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement) a confirmé l'évolution radicale de cette organisation, au sein de laquelle s'étaient exprimées il y a vingt ans les revendications des pays en développement relatives à un « nouvel ordre économique mondial » plus juste (fondé sur le protectionnisme douanier, la stabilisation des prix des matières premières et l'augmentation de l'aide publique au développement). Le contraste est grand, en revanche, avec le rapport publié en juin 1996 par le secrétaire général de la CNUCED qui estime que l'entreprise est, plus que les politiques publiques, le moteur de la croissance, et « son développement devient donc synonyme de développement en général », et que la libéralisation des échanges peut apporter une certaine prospérité aux pays en développement les plus dynamiques.

La généralisation du modèle économique libéral s'est également manifestée par la poursuite de l'intégration de l'économie chinoise dans les échanges internationaux (ouverture progressive des bourses chinoises, plan relatif à la convertibilité du yuan et assouplissement de la réglementation des investissements étrangers). La libéralisation économique a également progressé en Russie, où la défaite du candidat communiste aux élections présidentielles peut être interprétée comme le refus du retour au passé, et comme le soutien de l'opinion publique aux réformes économiques libérales conduites par le président Eltsine, en dépit des difficultés liées à l'effondrement du niveau de vie d'une grande partie de la population. Dans le même ordre d'idées, la candidature russe à l'OCDE confirme symboliquement la volonté de Moscou de s'intégrer au système d'échanges internationaux du côté des pays riches.

Ces avancées libérales ne sont néanmoins probablement pas aussi spectaculaires que la conversion de l'ANC de Nelson Mandela au capitalisme libéral, même si, dans la perspective des élections présidentielles de 1999, ce choix peut avoir des retombées politiques incertaines pour le parti pionnier de la lutte anti-apartheid.

Les progrès du libre-échange s'inscrivent également dans cette convergence libérale, qu'il s'agisse des négociations engagées entre l'Union européenne et l'ALENA (accord de libre-échange regroupant les Etats-Unis, le Canada et le Mexique), en vue d'établir une zone de libre-échange transatlantique, ou de l'accord-cadre conclu entre Bruxelles et le Mercosur (Marché commun regroupant l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay).

(2) Des interdépendance croissantes

Sur le plan économique, les effets des interdépendances liées à la mondialisation sont très clairement apparents : influence de la crise du peso mexicain sur toutes les économies régionales, poids du déficit américain sur l'économie mondiale, incidence de la crise économique et de la politique d'austérité allemandes sur les finances publiques françaises ...

Sur les plans politique et stratégique , les interdépendances se traduisent par une volonté croissante de concertation et d'harmonisation, à travers notamment des conférences internationales (Rio sur l'environnement, en 1992, Le Caire sur la démographie en 1994) qui témoignent de la volonté de protéger ensemble les biens communs de l'humanité. Ainsi une politique écologique purement nationale est-elle désormais impensable, de même que la lutte contre la prolifération nucléaire. C'est dans ce contexte que s'inscrit la réactivation d'une structure de concertation comme le Groupe des 7, dont les débats politiques ont été étendus à la Russie, et dont les initiatives se sont récemment étendues à la lutte contre le terrorisme, les trafics de drogue et le crime organisé. C'est dans le même esprit que l'on peut interpréter l'adaptation de l'OTAN à la nouvelle donne européenne, ou l'importance du thème de la Politique étrangère et de sécurité commune parmi les grandes orientations à venir de la construction européenne : en effet, la sécurité s'apprécie aujourd'hui « en termes de plus en plus collectifs et de moins en moins bilatéraux » 2 ( * ) .

* 1 Voir en annexe le tableau qui récapitule les parts respectives des différentes sections budgétaires concourant à l'action extérieure de la France en 1996 et 1997.

* 2 Bertrand Badie, "Les politiques étrangères peuvent-elles encore être autonomes ?", L'Etat du monde 1997.

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